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Full text of "Nouveau dictionnaire de médecine de chirurgie pratiques, illustré de figures intercalées dans le texte, sous la direction du Dr Jaccoud. Tome 13"

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NOUVEAU  DICTIONNAIRE 

DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 


XIII 


NOUVEAU  DICTIONNAIRE 


DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 

ILLUSTRÉ  DE  FIGURES  INTERCALÉES  DANS  LE  TEXTE 

RÉDIGÉ  PAR 

Benj.  ANGER,  E.  BAILLY,  A.  M.  BARRALLIER,  BERNUTZ,  P.  BERT,  BŒCKEL,  BUIGNET,  CDSCO, 
DEMARQUAY,  DENÜCÉ,  DESNOS,  DESORMEAUX,  A.  DESPRÉS,  DEVILLIERS,  Aif.  FOURNIER, 

A.  FOVILLE,  T.  GALLARD,  H.  GINTRAC,  GOMBAÜLT,  GOSSELIN,  Alph.  GUÉRIN,  A.  HARDY,  HEURTAÜX, 
HIRTZ,  JACCOUD,  JACQUEIIET,  lEANNEL,  KtEBERLÉ,  S.  LAUGIER,  LANNELONGUE, 
LEDENTU,  LIEBREICH,  P.  LORAIN,  LUNIER,  LUTON,  A.  NÉLATON,  A.  OLLIVIER,  ORÉ,  PANAS, 

M.  RAYNAUD,  RICHET,  Ph.  RICORD,  Joles  ROCHARD, 

Z.  ROÜSSIN,  SAINT-GERMAIN,  Ch.  SARAZIN,  GERMim  SÉE,  Jdles  SIMON,  SIREDEY, 

STOLTZ,  A.  TARDIEU,  S.  TARNIER,  VALETTE,  VERJON,  AoG.  VOISIN. 

Directeur  de  la  rédaetioa  :  le  doctear  JACCOTID 


TOME  TREIZIÈMÉ 

^  _ -s 

EN€A  —  EROT  / ^  ■ 

dVEC  159  F.GHHES  IHPEHCtEAES  ^ 

PARIS 

J.  B.  BAILLIÈRE  et  FILS 

LIBRAIRES  DE  l’aCADÉMIE  IMPÉRIALE  DE  MÉDECINE 
Bue  Hautefeuille,  19,  près  le  boulevard  Saint-Germain 
Londres  I  Madrid 

HIPPOLÏTE  BAILLIÈRE  1  C.  BAILLY  -  BAILLIÈRE 


NOÜVEAllpiW^N^lRE 

MÉDECINE  ET  Dr  CHIRüRGIE 

PRATIQUES 


ESfCAlVTHIS.  —  Aujourd’hui  que  la  rigueur  anatomo-pathologique 
oblige  à  lie  se  servir  que  des  mots  d’une  signification  positive,  le  terme 
encanthis  n’a  plus  aucune  valeur.  Dire  que  l’encanthis  est  un  engorgement 
chronique  de  la  caroncule  lacrymale  et  du  repli  semi-lunaire  interne  de  la 
conjonctive,  c’est  ne  rien  déterminer.  Il  vaut  mieux  appeler  les  lésions  par 
leur  nom,  et  alors  on  peut  établir  que  l’encanthis  étudié  par  Demours, 
Carron  du  Villards  et  W.  Mackenzie  était  soit  une  hypertrophie  de  la  ca¬ 
roncule,  soit  un  cancer  de  la  caroncule,  cancer  fibro-plastique  ou  épithé- 
lioma  simple  ou  glandulaire. 

Deux  fois  déjà  j’ai  observé  sur  la  caroncule  une  hypertrophie;  celle-ci 
succédait  à  une  conjonctivite  purulente,  il  y  avait  sur  toute  la  caroncule 
une  rougeur  vive,  la  surface  de  la  caroncule  était  couverte  de  papilles 
hypertrophiées,  quoique  le  reste  delà  conjonctive  parût  sain.  L’œil  pleu¬ 
rait  et  il  y  avait  du  mucus  entre  les  paupières.  Cette  lésion,  ou  plutôt  cet 
épiphénomène,  a  disparu,  grâce  à  des  applications  de  compresses  imbibées 
d’eau  blanche.  C’est  en  général  à  une  conjonctivite  purulente  antérieure 
que  l’on  peut  rattacher  l’hypertrophie  de  la  conjonctive.  Mais  il  arrive 
quelquefois  que  l’hypertrophie  est  due  à  un  trichiasis  de  la  caroncule,  ou 
à  une  plaie  de  cette  partie.  Ce  sont  les  antécédents  des  malades  qui  indi¬ 
quent  l’origine  de  l’hypertrophie  et  le  traitement  qu’il  faut  instituer. 

Les  cancers  de  la  caroncule  au  début  sont  caractérisés  par  de  la  dureté 
et  ils  ont  une  marche  rapide,  la  partie  augmente  de  volume,  et  il  se  forme 
un  ulcère  dont  les  bords  sont  durs.  Lorsqu’il  s’agit  d’un  épithélioma,  des 
ganglions  ne  tardent  pas  à  s’engorger  et  ils  occupent  la  région  paroti¬ 
dienne.  Lorsqu’il  y  a  tumeur  fibro-plastique  les  téguments  sont  rouges 
et  consistants  autour  de  la  caroncule;  dans  tous  les  cas,  il  y  a  une  con¬ 
jonctivite  hypérémique.  Mais  c’est  surtout  quand  le  mal  a  acquis  un 
certain  volume  que  ces  caractères  sont  marqués. 


ENCENS.  —  SORTES  COMMERCIALES. 


Il  y  a  une  maladie  avec  laquelle  on  pourrait  confondre  ces  cancers, 
c’est  le  chancre  de  la  conjonctive  ou  la  plaque  muqueuse  ulcérée  de  la 
conjonctive  ;  mais  il  suffit  d’une  cautérisation  pour  changer  le  caractère 
d’un  chancre  ou  d’une  plaque  muqueuse,  tandis  que  la  cautérisation  n’a 
aucune  action  sur  les  cancers,  sauf  qu’elle  en  détruit  une  partie.  Le  pro¬ 
nostic  et  le  traitement  des  cancers  de  la  caroncule  ne  diffèrent  pas  de  ceux 
des  autres  cancers,  quelle  que  soit  leur  nature. 

Lorsque  le  cancer  est  limité  on  en  pratique  l’ablation.  A  l’aide  de 
pinces  à  griffes  et  de  ciseaux,  on  enlève  toute  la  caroncule.  Lorsque  la  peau 
est  malade,  on  enlève  en  même  temps  la  peau,  de  manière  à  ne  laisser 
aucune  partie  de  la  tumeur.  On  en  est  quitte  plus  tard  pour  faire  une  opé¬ 
ration  autoplastique.  On  peut  toutefois  pratiquer  immédiatement  la  res¬ 
tauration  en  prenant  un  lambeau  sur  le  nez  ou  sur  la  paupière  inférieure. 

Caeron  DD  ViLLABDs,  Guide  pratique  pour  l’étude  et  le  traitement  des  maladies  des  yeux.  Paris, 

1838,  t,  I,  p.  454. 

Mackenzie  (W.),  Traité  pratique  des  maladies  de  l’oeil,  traduction  de  Warlomont  et  Testelin  ; 

4«  édition.  Paris,  1856.  t.  I,  p.  373. 

A.  Despbés. 

BNCEIVS.  —  Origine.  —  Uencens  ou  oliban,  est  une  gomme  résine 
produite  par  plusieurs  espèces  d’arbres  du  genre  Bosivellia,  de  la  famille 
de  Burséracées,  voisine  des  térébinlhacées,  ce  sont  :  1“  Le  Boswellia 
sacra  (Flückiger),  commun  dans  la  région  de  la  péninsule  arabique,  re¬ 
gardée  par  les  anciens  pharmacologistes,  comme  le  vrai  pays  de  l’encens; 
car  c’est  à  tort  que  la  production  de  l’encens  d’Arabie  a  été  longtemps 
rapportée  au  Juniperus  lycia,  très-abondant  dans  ce  pays  ;  2“  le  Boswellia 
papyrifera  (Hoschstetter),  Amyris  papyrifera  (R.  Delile),  Boswellia  flori- 
bunda  (Royle),  Plœsslea  floribunda  (Endlicher),  qui  couvre  de  vastes  es¬ 
paces  sur  les  côtes  nord-est  de  l’Afrique  dans  le  Somal  et  dans  toute  la 
vallée  du  Nil  bleu  ;  5“  le  Boswellia  serrata  (Stackb.),  Boswellia  thurifer a 
(Colebrooke),  arbre  indien  confondu  jusque  dans  ces  dernières  années 
avec  les  Boswellia  d’Arabie  d’Afrique. 

Description.  —  Les  caractères  généraux  dé  l’encens  sont  les  suivants  : 
larmes  d’un  jaune  pâle,  oblongues,  arrondies,  inégales,  la  plupart  d’un 
petit  volüme,  peu  fragiles,  à  cassure  terne,  cireuse,  non  translucide,  ce 
qui  les  distingue  nettement  du  mastic  fourni  par  le  Pistacia  lentiscus;  se 
ramollissant  sous  la  dent  comme  ce  dernier,  d’une  saveur  balsamique  un 
peu  âcre  et  d’une  odeur  résineuse  aromatique  ;  ces  larmes  sont  entre¬ 
mêlées  de^marrons  plus  volumineux,  moins  durs ,  plus  sapides  et  plus 
odorants,  souvent  farcis  de  débris  d’écorce,  et  sont  caractérisées  par  la 
présence  de  petits  cristaux  réguliers  de  spath  calcaire  probablement 
ajoutés  par  fraude.  (L.  Marchand.)  Jeté  sur  des  charbons  ardents,  l’encens 
répand  une  odeur  aromatique  sui  generis,  agréable,  tout  à  fait  différente 
de  celle  de  la  colophane  brûlée. 

Sortes  commerciales.  —  Le  commerce  connaît  deux  sortes  d’encens  : 
1“  V encens  d’Afrique  qui  arrive  directement  de  la  mer  Rouge  par  la  voie 


ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiques.  3 

de  Marseille  en  ballots  de  médiocre  volume;  2°  V encens  de  Vlnde  recueilli 
comme  le  premier  dans  les  régions  orientales  de  l’Afrique,  et  qui  n’ar¬ 
rive  en  Europe  qu’après  avoir  passé  par  Calcutta.  Cette  sorte  expédiée  en 
caisses  d’un  poids  considérable,  est  en  larmes  généralement  plus  volu¬ 
mineuses,  plus  pures  et  plus  parfumées  que  l’encens  dit  d’Afrique,  aussi 
est-elle  plus  estimée. 

Quant  à  l’encens  produit  dans  l’Indoustan  par  le  Boswellia  serrata,  il 
est  consommé  par  les  Indiens  et  n’a  jamais  été  exporté  en  quantité  assez 
considérable  pour  figurer  comme  sorte  commerciale  sur  nos  marchés. 

Composition.  —  L’encens  contient  selon  Braconnot  ;  résine  soluble  dans 
l’alcool,-  56  ;  gomme  soluble  dans  l’eau  30,8  ;  résidu  insoluble  dans  l’eau 
et  dans  l’alcool  5,2  ;  huile  essentielle  et  perte,  8. 

Usages.  —  Au  point  de  vue  de  l’action  physiologique,  l’encens  se  place  à 
côté  de  la  myrrhe,  du  mastic  et  des  oléo-résines  balsamiques  ;  il  est  donc 
stimulant,  et  c’est  un  modificateur  spécial  des  membranes  muqueuses.  A  ce 
titre,  il  pourrait 'être  utilisé  pour  la  cure  des  catarrhes  chroniques,  maisle 
copahu, l’oléo-résine  de  térébenthine, la  gomme  ammoniaque,  letolu,  etc., 
remplissent  à  moins  de  frais  ou  plus  sûrement  les  mêmes  indications. 
L’usage  de  l’encens  se  restreint  à  la  confection  de  certains  emplâtres 
complexes  (emplâtre  céroène,  emplâtre  mercuriel);  il  figure  dans  la  thé¬ 
riaque  dans  les  pilules  de  cynoglosse,  dans  le  baume  deFioraventi,  etc., 
encore  dans  tous  ces  composés,  son  rôle  thérapeutique  est-il  d’une  impor¬ 
tance  secondaire. 

Bbacoji.voi,  Analyse  comparée  des  gommes-résines  [Annales  de  chimie,  1808,  t.  LVIII,  p.  60). 
GoiaoDKT,  Histoire  naturelle  des  drogues  simples;  6' édit.,  corrigée  et  augmentée  par  G.  Plan- 
chon.  1870. 

J.  Jeannei.. 

EWCÉPBÜULE.  —  Cet  article  comprend  la  pathologie  chirurgicale 
et  médicale  des  centres  nerveux  contenus  dans  la  cavité  crânienne.  Les 
maladies  des  enveloppes  seront  traitées  ailleurs  [voy.  Méninges);  les  consi¬ 
dérations  d’anatomie  et  de  physiologie,  ayant  un  intérêt  pratique,  seront 
exposées,  en  même  temps  que  celles  qui  concernent  la  moelle  et  les 
nerfs,  dans  l’article  général  consacré  au  système  nerveux.  [Voy.  Nerveux 
(système) .] 

PATHOLOGIE  CHIRURGICALE. 

Eésîons  tpaumatiques.  —  Le  crâne  enveloppe  et  protège  le 
cerveau,  mais  pas  au  point,  cependant,  que  cet  organe  ne  soit  accessible 
à  Faction  des  corps  vulnérants,  soit  à  travers  les  os  eux-mêmes,  soit  ail 
niveau  d’ouvertures  naturelles  qu’ils  présentent,  et  qui  sont,  pour  ainsi 
dire,  le  défaut  de  la  cuirasse;  le  crâne  lui-même,  en  certaines  circon¬ 
stances,  devient  l’instrument  vulnérant.  La  simple  vibration  de  la  boîte 
crânienne  produit  la  commotion  cérébrale;  l’épaisseur  du  crâne  est, 
d’autre  part,  bien  loin  d’être  égale,  et,  dans  quelques  régions,  la  tempe, 
par  exemple,  il  est  si  mince  et  si  fragile,  qu’une  percussion  de  moyenne 
intensité  peut  le  rompre  et  atteindre  le  cerveau;  ajoutons  que  les  frag- 


4  ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiques. 

xnents,  si  faciles  à  produire  alors,  deviennent  des  corps  vulnérants  qui 
pressent  et  déchirent  la  substance  cérébrale.  Il  résulte  de  là  que,  sans 
avoir  à  traiter  ici  des  fractures  du  crâne  [voy.  t.  X,  p.  168),  nous  ne 
pouvons  pas,  cependant,  ne  pas  chercher  à  apprécier,  au  point  de  vue 
de  la  lésion  du  cerveau  et  de  ses  membranes,  les  piqûres,  coupures  et 
contusions  du  crâne,  et,  à  leur  occasion,  le  degré  de  probabilité  de  bles¬ 
sures  plus  profondes,  et,  par  suite,  le  pronostic  de  ces  lésions  osseuses. 

Les  piqûres  du  crâne  peuvent  n’intéresser  que  la  table  externe  ou  ne 
pas  dépasser  le  diploé  ;  mais  il  arrive  souvent  que  l’os  est  transpercé  dans 
toute  son  épaisseur,  très-variable,  commeje  viens  de  le  dire.  La  différence 
est  grande  suivant  la  profondeur  de  ces  piqûres;  est-il  toujours  possible 
de  les  distinguer  au  moment  de  l’accident?  Le  siège  de  la  plaie,  le  volume 
et  le  poids  de  l’instrument,  la  force  avec  laquelle  il  a  été  poussé,  sont  des 
éléments  de  diagnostic  qu’on  n’a  pas  toujours  à  sa  portée.  Le  cathétérisme 
de  la  plaie  à  l’aide  d’un  stylet  n’est  pas  toujours  praticable  et  serait  parfois 
fort  dangereux.  La  règle  est  donc  de  surveiller  le  malade;  telle  plaie  ne 
donne  lieu  à  des  accidents  graves  qu’après  quelques  jours.  Il  faut  surtout  se 
tenir  sur  ses  gardes,  si,  par  une  exploration  ménagée,  attentive,  on  a 
pu  constater  la  perforation  complète  du  crâne.  On  doit  aussi  considérer 
cette  particularité  des  piqûres ,  qu’elles  pénètrent  les  os  du  crâne  en  les 
faisant  éclater,  et  produisent  des  esquilles  tantôt  petites,  tantôt  larges,  en 
écailles,  dont  les  bords  font  saillie  vers  le  cerveau  et  ses  membranes,  à 
une  distance  assez  grande  du  point  frappé  par  la  pointe  de  l’instrument; 
c’est  aussi  dans  les  piqûres  du  crâne  que  les  instruments  quelquefois 
grêles  restent  fixés  dans  l’épaisseur  des  os  et  s’y  cassent  à  une  profondeur 
variable.  Nous  traiterons  de  cette  complication  en  parlant  des  corps 
étrangers  dans  les  lésions  cérébrales  et  des  procédés  d’extraction  qui  leur 
conviennent. 

Les  instruments  tranchants  agissent  sur  le  crâne  dans  différentes  direc¬ 
tions;  leur  action  est  perpendiculaire  ou  plus  ou  moins  oblique;  ils  le 
divisent  plus  ou  moins  profondément,  mais  nous  n’avons  à  nous  occuper 
ici  que  de  la  division  profonde  de  l’os.  S’il  est  alors  complètement  divisé, 
le  cerveau  peut  être  atteint  de  plusieurs  manières  sans  avôir  été  entamé 
lui-même,  ce  que  nous  examinerons  à  part  ;  I»  la  dure-mère  mise  à  nu 
est  exposée  au  contact  de  l’air  et  doit  s’enflammer  ;  2“  les  vaisseaux  du 
diploé  et  de  la  dure-mère,  ouverts  par  l’instrument,  peuvent  donner  lieu 
à  un  épanchement  de  sang  intra-crânien  ;  5“  des  esquilles  détachées 
peuvent  blesser  le  cerveau  et  ses  membranes.  Le  pronostic  est  grave 
alors;  une  entaraure  plus  superficielle  de  l’os  pourra,  au  contraire,  n’être 
que  fort  simple.  Cependant  il  faut  encore,  dans  ces  blessures  du  crâne 
non  pénétrantes,  tenir  compte  du  poids  de  l’instrument  et  de  la  force 
qui  l’a  animé,  car  son  action  rentrerait  quelquefois  dans  celle  d’un 
corps  contondant. 

Dans  les  plaies  du  crâne  par  instrument  tranchant,  le  diagnostic  est  plus 
facile  que  dans  les  piqûres  ;  on  écarte  les  bords  de  la  plaie  extérieure  et 
on  peut  voir  et  sentir  la  lésion  de  l’os.  Il  pourra  cependant  rester  de  l’in- 


ENCÉPHALE.  —  lésions  TRAUMATIQDES.  5 

certitude  sur  l’étendue  de  la  plaie  de  l’os,  qui,  de  la  coupure  peut  s’é¬ 
tendre  en  fêlure  à  une  certaine  distance  ou  se  propager  à  la  table  in¬ 
terne  avec  les  complications  déjà  entrevues  plus  haut.  La  portion  d’os 
coupée  peut  être  de  petit  volume,  avoir  perdu  ses  adhérences  avec  les 
parties  molles  voisines,  ou,  au  contraire,  être  beaucoup  plus  large  et 
avoir  conservé  ses  adhérences  avec  le  péricrâne  et  le  cuir  chevelu.  Dans 
■le  premier  cas,  au  point  de  vue  de  la  lésion  cérébrale  et  d’une  inflam¬ 
mation  consécutive  qui  peut  s’étendre  à  travers  le  diploé  jusqu’aux 
membranes  du  cerveau,  il  faut  achever  de  séparer  le  fragment  osseux, 
et  ne  réappliquer  sur  la  plaie  de  l’os  que  le  lambeau  de  parties  molles  ; 
dans  le  second  cas ,  à  l’exemple  de  A.  Paré,  serait-il  préférable  de  le 
réappliquer  sur  les  parties  adhérentes  qui  le  nourrissent  et  favorisent 
son  recollement?  L’observation  de  A.  Paré  est  des  plus  favorables  à 
cette  pratique.  «  Ce  que  je  feis  au  capitaine  Hydron,  lequel  depuis  peu 
de  temps  fut  blessé  en  ceste  ville  d’un  coup  d’espée  au  milieu  de  l’os 
coronal,  et  estoit  ledit  os  coupé  du  tout  jusques  à  la  dure-mère,  de  gran¬ 
deur  et  largeur  de  trois  doigts  ou  environ,  tellement  qu’il  se  renversoit 
sur  le  visage  et  ne  tenoit  plus  qu’au  péricrâne  et  cuir  musculeux,  en¬ 
viron  trois  doigts  ;  et  promptement  voyant  icelle  plaie,  fus  quasi  d’opinion 
de  parachever  du  tout  le  couper  ;  mais  considéray  qu’Hippocrate  et  les 
autres  bons  praticiens  ont  toujours  prohibé  de  ne  laisser  le  cerveau 
découvert,  s’il  est  possible;  puis  j’essuyay  le  sang,  qui  estoit  tombé  sur 
la  dure-mère,  laquelle  on  voyoit  fort  mouvoir  à  l’œil;  puis  renversay  la 
piece,  qui  estoit  séparée,  la  posant  en  son  lieu,  et  pour  la  mieux  tenir 
feis  trois  points  d’aiguille  aux  parties  supérieures  et  mis  des  petites  tentes 
aux  côtés  de  la  playe  afin  de  donner  issue  à  la  sanie,  et  le  tout  fut  si  bien 
adapté,  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  il  en  guérit,  iaçoit  qu’il  eust  encore 
plusieurs  grands  coups  d’espée  tant  au  travers'd’une  cuisse,  qu’au  visage 
et  un  autre  au  costé  droit  près  la  mamelle  passant  le  long  des  costes, 
pénétrant  outre  de  l’autre  part  en  la  partie  basse  de  l’omoplate.  » 

Malgré  ce  beau  succès  et  quelques  autres  analogues  obtenus  par 
Rouhault,  Belloste  et  Léaulté  (vingt-deuxième  observation  de  Ledran, 
1. 1,  p.  146),  et  quoique  A.  Boyer  ait  adopté  cette  pratique,  elle  n’a  pas 
conservé  les  suffrages  de  la  plupart  des  chirurgiens.  Son  avantage  est 
bien  de  laisser  au  crâne  toute  son  épaisseur,  et,  par  suite,  au  cerveau  la 
protection  de  son  enveloppe  osseuse,  mais  la  réussite  est  si  incertaine 
et  la  tentative  si  dangereuse,  qu’elle  est  restée,  aux  yeux  de  Dupuytreu 
et  des  chirurgiens  de  son  école ,  une  grave  imprudence.  Dans  l’immense 
majorité  des  cas  la  pièce  osseuse  ne  se  réunirait  pas  à  l’os,  dont  elle  a  été 
détachée,  et  ne  serait  plus  qu’un  corps  étranger  dont  la  présence  canse- 
rait  de  sérieux  accidents,  prolongerait  du  moins  la  durée-du  traitement  et 
finirait  par  exiger  l’extraction  d’un  séquestre.  La  règle  adoptée  est  donc 
de  retrancher  anssitôt  la  pièce  osseuse,  de  réappliquer  le  lambeau  de 
parties  molles,  et  de  le  maintenir  soit  à  l’aide  de  bandelettes  aggluti- 
natives,  soit  par  des  points  de  suture,  en  ménageant  une  issue  au  pus.  On 
mettrait  plus  tard  le  cerveau  à  l’abri  de  contacts  vulnérants  et  on  s’oppo- 


6  ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiqübs. 

.serait  à  la  hernie  par  une  plaque  de  cuir  bouilli,  de  caoutchouc  ou  de 
métal  ;  si  enfin  le  lambeau  de  parties  molles  avait  été  lui-même  complè¬ 
tement  détaché,  on  pourrait  essayer,  sans  beaucoup  de  chance  de  succès, 
de  le  réunir  par  quelques  points  de  suture,  et  d’obtenir  ainsi  une  greffe 
animale  toute  aussi  applicable  ici  que  celle  d’autres  parties  entièrement 
détachées  par  un  instrument  tranchant. 

Enfin  les  coiys  contondants  en  pénétrant  le  crâne  arrivent  au  cerveau 
de  trois  manières  :  1“  en  ébranlant  la  voûte  osseuse  et  en  produisant 
l’ébranlement  cérébral,  la  commotion  ou  même  la  contusion  de  cet 
organe  :  2“  en  causant  te  décollement  du  péricrâne  primitif  ou  consécutif, 
celui  de  la  dure-mère  en  général  avec  épanchement  (nous  y  reviendrons 
plus  tard),  l’inflammation  et  la  suppuration  du  diploé;  3°  une  fracture  de 
la  table  interne  circonscrite,  ou,  au  contraire,  large,  avec  aplatissement 
d’une  surface  plus  ou  moins  étendue  de  la  convexité  crânienne,  qui  peut 
aller  jusqu’à  la  production  d’une  convexité  intra-crânienne,  déprimant  le 
cerveau  lui-même,  mais  sans  le  déchirer  non  plus  que  ses  membranes,  le 
contour  interne  de  la  fracture  n’offrant  aucune  aspérité  assez  prononcée 
pour  blesser  le  viscère  et  ses  enveloppes. 

Nous  avons  à  étudier,  sans  faire  Thistoire  des  fractures,  déjà  traitées  à 
l’article  Crâne,  tome  X,  page  168,  les  différents  modes  de  pression  du 
cerveau,  Ses  diverses  lésions  depuis  le  simple  ébranlement  jusqu’à  la 
contusion,  depuis  la  compression  exercée  par.  un  fragment  de  fracture 
jusqu’à  celle  qui  est  l’effet  d’un  épanchement  sanguin  ou  purulent,  ou 
toute  autre  tumeur  qui  réclame  das  soins  chirurgicaux  ;  les  diverses  plaies 
du  cerveau  devront  aussi  nous  occuper,  .ainsi  que  les  corps  étrangers  qui 
les  compliquent. 

Commotion,  —  On  sait  que  la  commotion  cérébrale  est  une  lésion  de 
fonction,  qui  résulte  de  l’ébranlement  du  cerveau ,  et  dont  un  caractère 
essentiel  est  l’absence  de  toute  altération  de  tissu  visible  par  les  moyens 
d’investigation  employés  jusqu’ici.  Elle  existe  sans  phénomène  hémiplé¬ 
gique,  ce  qui  implique  l’ébranlement  simultané  des  deux  côtés  du  cerveau. 
Quant  à  son  siège  précis  dans  le  cerveau  lui-même,  j’ai  démontré,  en 
1867,  quelle  n’en  occupait  pas  toutes  les  parties.  Je  reviendrai  plus  bas 
sur  ce  point  particulier.  Ce  que  je  veux  établir  en  ce  moment,  c’est  que 
l’opinion  générale  était,  il  y  a  trois  ans  à  peine,  que,  dans  la  commotion 
cérébrale,  toutes  les  parties  de  l’encéphale  sont  ébranlées.  Il  me  suffit, 
pour  le  prouver,  de  citer  la  phrase  suivante,  extraite  du  Compendium  de 
chirurgie  :  «  Rien  n’est  plus  vague  que  ce  qui  a  été  écrit  sur  la  nature 
de  la  commotion;  mais  tout  le  monde  est  d’accord  pour  reconnaître 
qu’il  y  a  ébranlement  de  toutes  les  parties  de  l’encéphale;  jusque-là 
pas  de  difficulté.  -» 

Il  est  question  de  la  commotion  dans  les  livres  d’Hippocrate;  Celse  en 
fait  mention  et  A.  Paré  en  traite  assez  longuement  sous  les  dénominations 
de  «  commotion,  esbranlement,  concussion  ou  escousse  du  cerveau.»  De¬ 
puis,  tous  les  auteurs  lui  ont  consacré  un  article  à  part,  mais  on  ne  s’en 
faisait  point  alors  une  idée  aussi  nette  que  dans  ces  derniers  temps.  A  partir 


ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiques.  7 

du  dix-huitième  siècle,  en  effet,  on  lui  attribuait  tous  les  troubles  fonction¬ 
nels  du  cerveau  après  une  percussion  de  la  tête,  quelque  variées  que  puis¬ 
sent  être  les  altérations  du  cerveau  et  de  ses  enveloppes;  il  faut  arriver  à 
J.-L.  Petit  pour  qu’une  distinction  nette  entre  les  effets  de  la  commo¬ 
tion  et  ceux  des  autres  lésions  cérébrales,  encéphalite,  épanchement  de 
sang,  etc.,  soit  établie. 

Aujourd’hui,  ou  plutôt  depuis  quelques  années,  la  commotion  cérébrale, 
pour  la  plupart  des  chirurgiens ,  représente  un  ébranlement  général  de 
la  masse  du  cerveau,  qui  en  altère  tout  à  coup,  en  suspend  pour  un  temps 
variable,  ou  en  abolit  sans  retour  les  fonctions,  sans  cependant  en  avoir 
altéré  le  tissu  d’une  manière  apparente. 

ÂNATomE  PATHOLOGIQUE.  —  On  a  Cependant  émis  diverses  opinions  sür  des 
modifications  plus  ou  moins  appréciables  subies  parle  cerveau  au  moment 
même  de  la  production  de  la  commotion,  car  il  faut  soigneusement,  sur 
cette  question,  distinguer  les  cas  de  commotion  récente,  instantanée,  des 
lésions  très-apparentes  qui  peuvent  lui  succéder,  telles  que  l’encéphalite, 
à  laquelle  le  blessé  peut  succomber.  La  mort  peut,  il  est  vrai,  survenir 
au  moment  de  la  commotion  violente,  et  ici  l’autopsie  n’a  fait  découvrir 
aucun  désordre  matériel  dans  la  texture  du  cerveau,  mais  plusieurs  obser¬ 
vateurs  ont  signalé  une  sorte  d’affaissement  de  la  substance  de  celle  du 
cervelet  et  de  la  moelle  allongée,  devenue  plus  serrée,  plus  compacte.  Telle 
était,  du  moins,  l’état  des  chosps  dans  le  fait  cité  par  Littré;  il  rapporte 
l’observation  d'un  jeune  criminel  qui,  pour  échapper  au  supplice,  se 
précipita  tête  baissée  contre  le  mur  de  son  cachot  ;  la  mort  fut  immédiate. 
Il  n’y  avait  aucune  plaie  ni  fracture,  mais  le  cerveau  ne  remplissait  pas, 
à  beaucoup  près,  la  capacité  du  crâne.  Sabatier  rapporte  une  observation 
semblable;  la  mort  avait  été  subite  par  suite  d’un  coup  à  la  tête;  il  se 
voyait  un  vide  notable  entre  le  cerveau  et  les  parois  du  crâne.  Les  leçons 
cliniques  de  Dupuytren,  sur  les  blessures  par  arme  de  guerre,  contiennent 
une  sorte  de  loi  analogue  au  sujet  des  commotions  violentes  qui  causent  une 
mort  immédiate;  comme  dans  les  faits  précédents,  on  n’aperçoit  aucune 
trace  de  lésion  physique  de  la  substance  cérébrale,  mais  il  est  dit  que  la 
matière  nerveuse  semble  avoir  perdu  de  sa  consistance,  qu’elle  se  déchire 
au  moindre  effort,  et  que  le  cerveau  exsangue  est  affaissé  sur  lui-même. 
11  y  a,  dans  cette  dernière  assertion  relative  à  la  consistance  du  cerveau, 
une  très-notable  différence  avec  l’opinion  de  Littré  ;  mais  il  faut  remarquer 
que  Dupuytren  ne  cite  aucune  observation.  Peut-être  même  les  auteurs 
du  Compendiim  de  chirurgie  on,t-ils  interprété  d’une  manière  inexacte  la 
pensée  de  Dupuytren  touchant  l’affaissement  du  cerveau  ;  il  ne  dit  pas  que 
cet  organe  ne  remplit  pas  le  crâne;  il  se  borne  à  soutenir  qu’il  est  affaissé, 
mol,  sans  consistance,  comme  on  le  voit  dans  le  ramollissement  total  ou 
du  moins  borné  à  l’un  des  hémi.sphères. 

D’autres  observations  établissent  qu’à  la  suite  de  la  commotion,  promp¬ 
tement,  mais  non  pas  immédiatement  mortelle,  le  cerveau  n’est  pas  plus 
ferme ,  comme  dans  le  fait  de  Littré ,  ni  exsangue  et  mol ,  ainsi  que 
l’affirme  Dupuytren;  mais,  au  contraire,  que,  sans  avoir  changé  de 


8  ENCÉPHALE.  —  lésions  TRADMATIQDES. 

consistance,  il  est  sablé  de  sang  suintant  à  la  coupe  et  à  une  légère 
pression.  La  mort,  il  est  wai,  n’était  survenue  qu’au  bout  de  trois  quarts 
d’heure,  une  heure  au  plus  dans  un  fait  cité  par  Bayard,  médecin  légiste, 
trop  tôt  ravi  à  la  science  ;  mais  ce  fait  suffit  pour  dénaontrer  que,  dans  la 
mort  rapide  qui  suit  la  commotion,  il  survient  presque  immédiatement 
aussi  un  afflux  sanguin  qui  contribue  beaucoup  à  la  perte  du  blessé,  s’il 
ne  la  produit  pas  seul,  ainsi  qu’il  est  facile  de  l’admettre  pour  les  cas 
assez  rares  où  l’extinction  de  la  vie  est  subite. 

Il  faut  distinguer  de  ce  piqueté  de  la  substance  cérébrale,  de  très-petits 
épanchements  miliaires  signalés  par  L.  J.  Sanson,  ancien  chirurgien  de 
l’Hôtel-Dieu  de  Paris,  comme  un  caractère  analogue  à  la  commotion. 
Quand  ils  existent  il  n’est  plus  seulement  question  de  commotion;  ils  ne 
peuvent,  en  effet,  appartenir  qu’à  la  contusion  cérébrale,  puisqu’à  leur 
niveau  la  substance  nerveuse  est  ecchymosée  et  ramollie. 

Quand  les  malades  ont  survécu  quelques  jours ,  et  même  quelques 
semaines,  l’état  congestif  que  nous  avons  indiqué  plus  haut  a  été  le 
premier  degré  d’une  encéphalite  qui  n’est  alors  qu’une  complication  de  la 
commotion,  et  les  lésions  anatomiques  qui  la  suivent  ne  peuvent  être 
données  comme  caractéristiques  de  la  commotion,  puisqu’on  les  trouve  à 
la  suite  d’autres  maladies  accidentelles  de  la  tête;  il  suffit  de  les  indiquer 
pour  être  convaincu  du  fait.  Ce  sera  un  épanchement  séreux  (Morgagni), 
probablement  le  liquide  céphalo-rachidien,  alors  peu  connu,  des  épanche¬ 
ments  de  sang,  des  collections  purulentes  (Sabatier,  Boyer),  qui,  d’après 
Morgagni,  ne  sont  pas  constants  et  ne  sont  que  des  accidents  inflamma¬ 
toires  et  consécutifs,  mais  seulement  possibles.  11  en  faut  dire  autant  des 
engorgements  et  abcès  du  foie  signalés  par  Desault  et  Bichat. 

Quant  à  la  nature  de  la  commotion,  aux  changements  intimes  de  la 
substance  nerveuse,  éprouvés  par  le  fait  d’un  ébranlement,  que  personne 
ne  conteste,  rien  de  plus  vague  que  ce  qui  a  été  écrit  à  ce  sujet.  La 
diminution  de  volume,  admise  par  Littré  et  Sabatier,  est  niée  par  Bichat, 
qui  se  demande  si  elle  ne  se  réduit  pas  à  une  apparence  due  à  la  manière 
dont  l’autopsie  a  été  pratiquée.  Nélaton  n’adopte  pas  non  plus  celte 
espèce  de  tassement  du  cerveau,  qui  supposerait  dans  le  crâne  un  vide 
inadmissible,  et  croit  que  l’écoulement  du  liquide  céphalo-rachidien  pen¬ 
dant  l’auptosie  peut  faire  croire  à  un  affaissement  qui  n’est  pas  réel  ;  mais 
on  lui  répond  que  cet  écoulement  a  lieu  dans  toutes  les  autopsies;  que  la 
diminution  du  cerveau  signalée  n’est  pas  un  fait  ordinaire,  et  que,  du 
moins,  faut-il  admettre  que,  dans  les  cas  de  Littré  et  de  Sabatier,  la 
quantité  du  liquide  écoulé  a  dû  être  beaucoup  plus  considérable,  et 
qu’alors  le  cerveau  tenait  moins  de  place.  On  ajoute  que  l’espace  vide 
supposé  nécessaire  entre  le  crâne  et  le  cerveau,  ne  l’est  pas  même  dans  le 
cas  de  retrait  de  l’organe;  le  liquide  céphalo-rachidien,  qui  passe  facile¬ 
ment  de  la  cavité  du  rachis  dans  celle  du  crâne,  prendrait  la  place  aban¬ 
donnée  par  le  cerveau. 

Ce  n’est  donc  pas  une  raison  sérieuse'  que  d’alléguer  la  nécessité  d’un 
espace  vide,  qui  n’existe  pas  en  tout  état  de  cause,  pour  rejeter  unphéno- 


ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiques.  9 

mène  attesté  par  des  hommes  si  éminents  dans  la  science  chirurgicale. 
N’admettre  d’autre  part  comme  lésion  matérielle  de  la  commotion  céré¬ 
brale  que  les  phénomènes  consécutifs,  un  défaut  de  ressort  de  la  fibre 
nerveuse,  un  affaiblissement  qui  n’est  que  l’expression  de  la  lésion  fonc¬ 
tionnelle,  une  contusion  moléculaire,  pure  spéculation,  un  engorgement 
cérébral,  véritable  complication ,  qui  exige  la  survie  du  blessé  au  moins 
pendant  quelques  heures,  c’est  aller  au  delà  ou  rester  en  dehors  des  faits 
observés,  et  c’est  ne  rien  mettre  à  la  place  du  résultat  de  ces  observa¬ 
tions.  Il  n’est  pas  impossible,  au  contraire,  de  se  rendre  compte  de  la 
diminution  de  la  masse  cérébrale  en  reconnaissant  la  concentration  ou  la 
suspension  de  la  circulation  du  cerveau  au  moment  de  l’accident,  la  pro¬ 
pulsion  du  sang  veineux  vers  les  sinus  méningiens,  enfin  le  tassement 
des  particules  nerveuses,  sous  l’influence  de  la  force  centripète,  qui  leur 
est  communiquée  de  toute  part  par  les  vibrations  des  parois  du  crâne. 
{Compendium  de  chirurgie,  t.  Il,  p.  608.)  Admettons  donc  comme  seul 
phénomène  physique  observé,  jusqu’ici,  mais  rare,  la  diminution  de  vo¬ 
lume  du  cerveau.  Quant  à  la  lésion  fonctionnelle,  c’est  le  moment  de  la 
faire  connaître,  elle  est  en  raison  de  la  force  de  l’ébranlement  cérébral  ; 
il  est  des  commotions  foudroyantes  produisant  la  mort  immédiate  ;  beau¬ 
coup  plus  souvent  on  a  le  temps  d’observer  plusieurs  degrés  dans  la  com¬ 
motion,  ils  sont  en  rapport  avec  la  cause. 

Premier  degré.  —  Un  homme  tombe-t-il  d’une  hauteur  médiocre 
sur  les  talons  les  jarrets  tendus,  sur  le  siège  ou  les  genoux?  Fait-il 
une  chute  sur  la  tête,  d’une  faible  hauteur?  reçoit-il  sur  cette  partie 
un  oreiller,  un  matelas,  un  lit  de  plumes,  une  botte  de  paille  tombés 
de  haut?  a-t-il  même  la  tête  fortement  ébranlée  par  une  main  vi¬ 
goureuse,  qui  lui  a  saisi  les  cheveux,  et  lui  imprime  de  violentes  se¬ 
cousses?  il  lui  survient  des  éblouissements,  des  scintillations  dans  les 
yeux,  des  bruissements, des  sifflements  d’oreilles,  des  tremblements  spas¬ 
modiques  dans  les  muscles,  des  nausées,  des  vomissements;  les  genoux 
fléchissent,  le  corps  chancelle,  mais  il  n’y  a  point  perte  entière  de  con¬ 
naissance  et  le  malade  conserve  le  sentiment  de  l’existence  ;  au  bout  de 
quelques  minutes,  une  demie  heure,  les  symptômes  se  dissipent  peu  à 
peu  et  complètement  sans  laisser  d’autre  trace  qu’un  peu  de  faiblesse 
musculaire  et  d’inaptitude  cérébrale  pour  un  temps  très-court. 

Deuxième  degré.  —  Les  phénomènes  précédents  sont  plus  marqués,  et 
d’autres  se  montrent  :  il  y  a  chute  du  corps,  perte  totale  de  l’intelligence, 
relâchement  des  sphincters,  qui  laissent  échapper  les  urines,  quelquefois 
les  matières  fécales,  il  y  a  vomissement,  syncopes  plus  ou  moins  longues, 
prostration  générale,  le  blessé  reste  dans  le  décubitus  dorsal,  les  membres 
en  état  de  résolution  complète  ;  ou  les  soulève,  ils  retombent  lourdement 
sur  le  lit,  mais  ils  ne  sont  pas  paralysés  ;  en  effet,  bien  qu’au  point  de  vue 
de  la  connaissance,  la  vie  de  relation  soit  suspendue,  qu’il  y  ait  indiffé¬ 
rence  aux  excitations  cérébrales,  que  les  malades  ne  voient,  n’entendent 
rien  et  ne  paraissent  avoir  qu’une  sensibilité  tactile  obtuse,  si  on  les 
pince  fortement,  ils  retirent  à  eux  leurs  membres  pour  échapper  à  la 


10 


ENCÉPHALE.  —  lésions  teaümatiqües. 


douleur,  et  font  entendre  une  sorte  de  gémissement,  qui  témoigne  de 
leur  impatience,  les  paupières  sont  fermées,  les  pupilles  larges  et  immo¬ 
biles,  la  respiration  petite  et  douce,  le  pouls  petit  et  lent,  on  le  trouve  à 
55,50  pulsations  par  minute  ;  on  l’a  vu  tomber  à  50,55,  et  même  18  ou 
20  battements. 

A  partir  de  ce  point  d’altération  fonctionnelle ,  l’engourdissement  du 
cerveau  diminue  peu  à  peu,  les  sens  reviennent  graduellement,  mais  il  y 
a  des  variétés  et  des  nuances  nombreuses.  1!  ne  faut  pas  croire  que  le  ré¬ 
tablissement  de  l’intelligence  et  des  fonctions  se  fasse  avec  rapidité  et  ré¬ 
gularité.  Il  faut  souvent  huit  ou  dix  jours  et  plus  pour  la  guérison,  et  pen¬ 
dant  ce  temps  on  constate  des  alternatives  d’accroissement  et  de  diminu¬ 
tion  dans  le  degré  de  connaissance  ou  d’apathie,  le  malade,  entend  avant 
de  pouvoir  parler;  s’il  répond,  c’est  par  monosyllabes,  ou  bien  il  laisse 
la  réponse  inachevée  ;  tout  effort  de  volonté  et  d’intelligence  le  fatigue 
promptement  ;  si  on  persiste  à  prolonger  l’entretien,  il  témoigne  même 
de  son  impatience  et  de  l’ennui  qu’on  lui  cause;  d’autres  fois,  il  ne  peut 
répondre  parce  qu’il  a  perdu  la  mémoire  de  certains  mots  ;  de  certains 
faits  nouveaux  ou  anciens  q\i’il  confond  et  mêle  sans  pouvoir  les  distin¬ 
guer  où  les  formuler.  (Desault.)  Il  a  surtout  perdu  toute  notion  relative  à 
l’accident  dans  lequel  la  commotion  s’est  produite  ;  cependant  les  sens 
reprennent  graduellement  leur  action,  l’iris  retrouve  sa  contractilité  ;  la 
déglutition  redevient  possible,  si  on  porte  le  biberon  dans  le  fond  de  la 
bouche,  parce  que  les  mouvements  volontaires  qu’exigerait  le  premier 
temps  de  la  déglutition  ne  s’accomplissent  qu’à  la  suite  d’une  forte  stimu¬ 
lation  ;  il  y  a  souvent  constipation,  rétention  d’urine,  qui  ne  s’échappe 
que  par  regorgement  ;  certains  muscles  de  la  vie  organique  agissent  ce¬ 
pendant  avec  énergie.  Ainsi  Ph.  Boyer  cite  dans  ses  notes  au  livre  de 
son  père,  l’observation  d’une  femme  qui,  à  cette  période  de  la  commo¬ 
tion,  accoucha  heureusement  et  sans  en  avoir  conscience  d’un  enfant  vi¬ 
vant,  et  se  rétablit  promptement. 

L’amélioration  est  de  plus  en  plus  prononcée,  l’appétit  renaît,  la  diges¬ 
tion  s’opère  régulièrement,  mais  pendant  un  temps  variable,  on  voit  per¬ 
sister  de  la  faiblesse  musculaire,  une  réelle  incapacité  pour  les  opérations 
du  travail  de  l’esprit.  Il  serait  difficile  aussi  d’indiquer  la  durée  de 
chaque  période  de  la  maladie,  et  celle  de  la  maladie  elle-même.  Il  est 
des  commotions  dont  les  effets  sont  promptement  dissipés,  d’autres  où  ils 
se  prolongent  pendant  des  mois  entiers;  d’abord,  au  lieu  de  se  terminer 
heureusement,  la  commotion  cérébrale  du  deuxième  degré  peut  arriver 
à  une  issue  fatale  par  le  développement  de  l’encéphalite  ;  au  lieu  de  la 
disparition  graduelle,  on  voit  des  phénomènes  de  réaction  ;  une  fièvre 
continue  avec  redoublement,  puis  délire,  s’établit,  et  les  malades  succom¬ 
bent  au  bout  de  quelques  jours  à  partir  de  l’apparition  de  ces  symptômes . 
Quelquefois  cependant  cette  encéphalite  se  fait  attendre  beaucoup  plus 
longtemps,  et  sous  la  forme  d’un  ramollissement  cérébral.  Boyer  cite 
l’histoire  d’un  enfant  qui  resta  hébété  pendant  plusieurs  mois,  ne  pouvait 
plus  parler  que  par  un  oui  ou  non,  et  dont  le  rétablissement  fut  très- 


ENCÉPHALE.  —  lésioss  TRAUMATIQUES.  H 

tardif.  J’ai  vu  récemment  un  adulte,  après  une  forte  commotion,  rester 
pendant  plusieui’s  mois  comme  abruti,  finir  par  perdre  involontairement 
les  matières  fécales,  et  périr  avec  un  ramollissement  encéphalique  chro¬ 
nique.  Quelques  blessés  aussi  gardent  toute  leur  vie  des  traces  de  l’acci¬ 
dent  cérébral  éprouvé.  «  J’ai  vu,  dit  Dupuytren,  le  raisonnement,  le 
jugement  et  la  mémoire  altérés  à  des  degrés  différents,  et  quelques 
malades  ne  pouvoir  pendant  un  très-long  temps  se  rappeler  les  uns,  les 
noms  des  lieux,  les  autres  les  noms  des  personnes,  ceux-ci  les  substantifs, 
ceux-là  les  adjectifs,  quelques  autres  substituer  des  termes  génériques  aux 
noms  spécifiques,  ou  se  servir  du  mot  chose  ou  autres  analogues,  au  lieu 
des  noms  propres  que  leur  mémoire  ne  leur  fournissait  plus.  »  Tout  le 
monde  a  vu  ces  phénomènes,  dans  la  première  période,  mais  cette 
aphasie  et  l’espèce  d’idiotisme  qui  l’accompagne,  sont  aussi  des  phéno¬ 
mènes  observés  pendant  une  existence  plus  ou  moins  prolongée. 

Enfin,  comme  nous  l’avons  indiqué  en  commençant,  il  y  a  des  commo¬ 
tions  foudroyantes;  c’est  le  troisième  degré.  L’homme  frappé  tombe 
comme  un  animal  à  l’abattoir,  les  sens,  les  facultés  intellectuelles,  la  res¬ 
piration,  la  circulation  sont  suspendus  ;  il  n’y  a  plus  d’autres  signes  de  vie 
que  quelques  mouvements  convulsifs  des  membres  ;  ils  disparaissent  par 
degrés,  et  c’en  est  fait  de  la  vie.  Il  est  douteux  qu’on  ait  pu  rétablir  alors 
la  circulation  et  la  respiration,  et  encore  moins,  après  avoir  rétabli  ces 
fonctions  à  peu  près  éteintes,  ramener  les  malades  à  le  vie,  en  les  pré¬ 
servant,  par  un  traitement  quelconque,  contre  des  a.cidents  mortels 
consécutifs. 

Siège.  —  Ce  n’est  qu’après  avoir  fait  le  tableau  de  la  commotion  céré¬ 
brale  qu’il  était,  je  crois,  convenable  de  poser  définitivement  la  question  de 
son  véritable  siège.  J’ai  dit  en  commençant  que  l’opinion  encore  aujour¬ 
d’hui  dominante  est  que  la  commotion  est  une  affection  essentiellement 
générale  du  cerveau;  ce  n’est  pas  que  quelques  auteurs  n’aient  avancé  que 
l’ébranlement  pouvait  parfois  se  concentrer  plus  particulièrement  sur 
quelque  région  déterminée  de  l’encéphale.  C’est  la  question  que  se  posait 
Gama  pour  les  cas  ou  des  symptômes  graves  venaient  à  paraître,  tels  que 
le  délire,  l’agitation,  la  fièvre,  la  paralysie  partielle,  l’hémiplégie  ;  mais 
elle  a  été  résolue  par  la  négative,  et  ces  aggravations  ont  été  justement 
considérées  comme  le  résultat  des  progrès  de  la  congestion  cérébrale, 
de  la  méningite,  de  l’encéphalite,  ou  souvent  aussi  d’une  contusion 
cérébrale,  dont  les  effets  ont  d’abord  été  confondus  avec  ceux  de  la 
commotion,  ainsi  que  cela  arrive  fréquemment  quand  çes  affections 
traumatiques  sont  simultanées.  D’autre  part,  Dupuytren  dit  avoir  sou¬ 
vent  observé  que  l’affaiblissement  des  fonctions  du  cerveau  ne  portait 
pas  d’une  manière  égale  sur  toutes  les  fonctions  ;  que  tantôt  c’était 
les  fonctions  relatives  à  l’intelligence,  tantôt  les  fonctions  relatives  au 
mouvement,  et  même  que,  dans  ces  deux  ordres  de  fonctions,  certaines 
actions  pouvaient  être  altérées  plus  que  les  autres,  ainsi  l’action  des 
sphincters  de  la  vessie  et  du  rectum,  celle  des  muscles  des  membres  su¬ 
périeurs,  inférieurs,  droits  et  gauches;  d'où  il  semble  que  la  commotion 


12 


ENCÉPHALE.  —  lésions  traumatiques. 
ait  moins  porté  surJa  totalité  du  cerveau  que  sur  certaines  parties  de  cet 
organe  ou  de  la  moelle  épinière  et  des  plexus  nerveux.  {Traité  des  bles¬ 
sures  par  armes  de  guerre,  1. 1,  p.  255.)  Ce  n’est  pas  sans  étonnement 
que,  dans  ces  lignes  on  voit  cet  éminent  chirurgien  révoquer,  pour  ainsi 
dire  en  doute  les  phénomènes  de  totalité  qu’il  a  contribué  plus  que  tout 
autre,  en  ce  siècle,  à  faire  connaître  comme  caractéristiques  de  la  com¬ 
motion  cérébrale  ;  confondre,  notamment  en  ce  qui  touche  aux  mouve¬ 
ments,  les  troubles  delà  moelle  épinière  avec  ceux  du  cerveau,  et  des  re¬ 
tards  de  rétablissement  consécutifs  portant  sur  telle  ou  telle  partie,  re¬ 
tards  dus  ordinairement  à  des'  complications  inflammatoires,  avec  les 
effets  immédiats  de  l’ébranlement  cérébral  ;  un  peu  plus  et  il  perdait  de 
vue  les  différences  de  la  commotion  et  de  la  contusion  qu’il  a  si  bien  et  si 
nettement  établies.  C’est  à  douter  si  dans  la  page  indiquée,  les  interprètes 
de  ses  leçons,  Paillard  et  Marx,  ont  exactement  rédigé  les  idées  du  maître. 
Quoi  qu’il  en  soit,  nous  resterons  fidèles  à  l’opinion  générale,  en  ce  sens 
que  nous  n’admettrons  pas  que,  dans  la  commotion  cérébrale,  la  partie 
intellectuelle  du  cerveau  puisse  rester  indemne,  tandis  que  les  portions  qui 
président  aux  mouvements  seraient  seules  ou  particulièrement  atteintes. 
Ce  n’est  point  de  cette  manière  que  dans  mon  mémoire  de  1867,  j’ai  cru 
pouvoir  envisager  ce  sujet.  Il  est  bien  démontré  que  c’est  surtout  et  avant 
toute  autre  la  fonction  d’intelligence  et  de  relation  volontaire,  qui  est 
frappée,  suspendue,  abolie  dans  la  commotion  cérébrale  ;  mais  s’en  suit- 
il  que  toutes  les  parties  de  la  masse  cérébrale  soient  nécessairement  ébran¬ 
lées  pour  que  les  effets  de  la  commotion  soient  produits?  là  était  la 
question  :  j’ai  cru  la  résoudre  de  la  manière  suivante.  Si  la  commotion 
est  assez  violente  pour  produire  la  mort  immédiate,  on  ne  peut  savoir  par 
les  effets  observés,  si  l’ébranlement  cérébral  a  été  de  la  totalité  du  cerveau, 
on  peut  seulement  le  présumer;  mais  quand  le  blessé  a  survécu  à  l’acci¬ 
dent,  eta  vécu  plus  ou  moins  longtemps,  qu’il  se  soit  ou  non  rétabli,  il  suf¬ 
fira  pour  juger  la  question  posée,  de  constater  quelles  sont,  après  le  coup 
reçu,  les  fonctions  qui  persistent  aussi  bien  que  celles  qui  font  défaut,  et 
d’exclure  du  siège  habituel  de  la  commotion  les  portions  du  cerveau,  dont 
la  physiologie  expérimentale  a  déterminé  avec  précision  la  fonction  et 
dont  l’action  continue.  On  arrive  ainsi  à  reconnaître  que  le  bulbe  rachi¬ 
dien,  la  protubérance  annulaire,  les  pédoncules  cérébraux,  autant  qu’il  est 
possible  de  séparer  leur  action  de  celle  de  la  protubérance,  les  tubercules 
quadrijumeaux,  surtout  les  tubercules  antérieurs,  ne  sont  pas  sensible¬ 
ment  atteints  dans  la  commotion  cérébrale.  Pour  le  cervelet,  bien  qu’il  soit 
très-probable  qu’il  ne  peut  échapper  à  la  commotion  dans  les  chutes  sur 
le  siège  et  les  percussions  de  la  région  occipitale,  on  ne  peut  constater  les 
troubles  dans  la  coordination  des  mouvements  chez  un  animal  dont  les 
membres,  par  le  fait  même  de  la  maladie,  la  commotion  cérébrale,  sont 
dans  la  résolution  complète.  Je  dirai  un  mot  plus  bas  de  la  commotion  du 
cervelet  considérée  isolément. 

Les  fonctions  des  couches  optiques  et  des  corps  striés  n’étant  pas  con¬ 
nues,  il  n’y  a  pas  lieu  d’observer  leurs  modifications  fonctionnelles  ;  seule- 


ENCÉPHALE.  —  lésions  teadmatiques.  J  5 

ment  l’absence  de  paralysie  des  membres  dans  la  commotion  autorise  à 
croire  que  ces  organes  n’ont  éprouvé  aucune  lésion  profonde. 

Ce  sont  les  hémisphères  cérébraux,  exposés  par  leur  situation  à  rece¬ 
voir  le  choc  des  vibrations  du  crâne,  qui  sont  le  siège  à  peu  près  exclusif 
delà  commotion,  et  surtout  leur  substance  grise;  en  effet,  l’intelligence, 
les  facultés  intentionnelles  et  affectives,  sont  suspendues,  même  dans  les  , 
commotions  légères. 

La  commotion  cérébrale  n’occupe  donc  pas  tout  l’encéphale,  et  c’est  la 
physiologie  expérimentale  qui  nous  l’apprend. 

Commotion  cérébelleuse.  —  Une  très-curieuse  observation  recueillie  par 
Castan,  agrégé  de  la  Faculté  de  Montpellier,  et  présentée  par  moi  en 
son  nom  à  l’Académie  des  sciences,  donne  la  preuve  que  la  commotion 
du  cervelet  peut  se  produire  et  être  observée  par  des  caractères  propres, 
en  dehors  et  isolément  de  la  commotion  cérébrale,  qui  n’avait  été  que 
très-légère;  une  percussion  directe  sur  la  région  occipitale  en  avait  été  la 
cause  :  la  connaissance  était  parfaite,  mais  la  titubation  des  membres, 
l’impossibilité  de  les  diriger  furent  les  symptômes  de  la  commotion 
cérébelleuse.  Huit  ou  dix  jours  suffirent  à  la  guérison.  Éette  observation 
remarquable  établit  la  possibilité  de  la  distinction  complète  des  commo¬ 
tions  du  cervelet  et  du  cerveau,  et  est  en  même  temps  une  confirmation 
très-concluante  des  expériences  de  E’iourens  sur  les  fonctions  du  cervelet. 
{Montpellier  médical,  oct.  1868.) 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  de  la  commotion  cérébrale  ne  peut  être 
déduit  que  de  la  comparaison  de  cette  affection  avec  plusieurs  autres  ma¬ 
ladies  du  cerveau,  et  particulièrement  avec  la  contusion  de  cet  organe  : 
il  faut  donc  reinettre  d’en  parler  après  la  description  de  ces  lésions  trau¬ 
matiques. 

Le  pronostic  varie  nécessairement  avec  le  degré  :  la  commotion  est 
d’autant  plus  grave  qu’elle  est  plus  forte,  à  cause  du  trouble  plus  ou 
moins  prolongé  qu’elle  peut  amener  dans  les  facultés  intellectuelles.  Ce¬ 
pendant  on  cite,  à  ce  sujet,  de  bien  singulières  observations  :  un  fou 
aurait  dû  le  retour  de  sa  raison  à  une  violente  commotion  cérébrale  !  Le 
père  Mabillon,  dans  son  enfance,  était  d’une  intelligence  très-faible  ;  son 
esprit  ne  sè  serait  développé  qu’après  une  chute  à  la  suite  de  laquelle  on 
le  trépana.  N’avait-il  donc  qu’une  commotion  pour  laquelle  on  ne  tré¬ 
pane  point?  On  ne  saisit  pas  le  rapport  qui  peut  exister  de  cause  à  effet 
entre  la  percussion  de  la  tête  suivie  de  trépan  et  l’intelligence  incontes¬ 
table  du  père  Mabillon. 

Il  se  rencontre  assez  souvent,  dans  la  pratique,  que  la  commotion 
frappe  un  individu  pris  de  vin.  J’ai  reconnu,  en  maintes  circonstances, 
que  c’est  là  une  fâcheuse  coïncidence  et  que  la  mort  arrive  plus  prompte¬ 
ment  alors,  ou  survient  même  lorsque,  sans  l’ivresse,  la  commotion  n’eût 
pas  été  mortelle.  Sans  doute,  il  faut  tenir  compte,  dans  ces  cas,  des  de¬ 
grés  de  ces  deux  états  cérébraux  ;  mais,  quand  l’un  et  l’autre  sont  très- 
prononcés,  la  mort  n’est  pas  seulement  certaine,  elle  est  rapide.  A  fortiori, 
le  cas  est-il  plus  grave  si  la  commotion  est  en  même  temps  compliquée 


■14  ENCÉPHALE.  —  contusion  du  cerveau. 

de  contusion  cérébrale,  d’épanchements  sanguins;  mais  on  n’apprécie 
jamais  aussi  bien  la  portée  de  l’alcoolisme,  en  pareille  occurrence,  que  si 
la  commotion  est  le  seul  effet  traumatique  à  observer  dans  l’accident. 

Traitement. — Il  doit  varier  suivant  le  degré  de  l’ébranlement  cérébral; 
on  peut  dire  qu’il  présente  deux  indications  principales  :  1°  ranimer  le 
système  nerveux  ;  2“  prévenir  et  combattre  la  congestion  sanguine  et.  les 
complications  inflammatoires.  Administrer  indistinctement  les  stimu¬ 
lants,  les  antiphlogistiques,  dès  le  début  et  à  tous  les  degrés  de  la  ma¬ 
ladie,  ce  serait  s’exposer  à  faire  périr  le  blessé.  Dans  la  première  période 
de  la  commotion,  il  convient  d’employer  les  stimulants  spiritueux  et 
diffusibles,  présentés  à  l’entrée  des  narines,  et  en  onctions  sur  le  front 
et  les  tempes,  tels  que  l’ammoniaque,  l’éther  sulfurique,  l’acide  acéti¬ 
que  ;  des  frictions  seront  faites  aussi  à  la  région  précordiale  avec  la  main, 
une  brosse  un  peu  dure,  une  flanelle  imbibée  d’un  liquide  stimulant. 
A  l’intérieur  seront  données,  par  cuillerées  à  bouche,  des  potions  cor¬ 
diales,  en  observant  des  précautions  propres  à  empêcher  la  chute  du  li¬ 
quide  dans  les  voies  aériennes  ;  des  applications  froides  sur  la  tête,  quel¬ 
quefois  la  glace  en  permanence,  seront  aussi  des  remèdes  de  la  première 
période.  Mais  si,  les  jours  suivants,  il  survient  des  phénomènes  de  stase 
et  de  congestion  sanguine,  des  menaces  de  réaction,  à  l’application  de  la 
glace  seront  associées  les  émissions  sanguines,  locales,  par  les  sangsues  ; 
les  ventouses  scarifiées  à  la  nuque,  derrière  les  oreilles;  des  lavements 
purgatifs,  des  sinapismes  répétés  aux  membres  inférieurs  ;  et  ces  moyens 
seront  mis  en  usage,  tant  que  les  symptômes  ne  s’amenderont  pas  d’une 
manière  notable.  En  cas  d’amélioration  même,  on  en  continuera  l’emploi 
dans  une  certaine  mesure. 

Dupuytren  préconisait,  en  tête  des  moyens  révulsifs,  de  larges  vésica¬ 
toires  à  la  partie  postérieure  du  col,  entretenus  jusqu’à  la  disparition  de 
tous  les  symptômes.  Suivant  lui,  l’efficacité  de  ce  moyen  était  telle  que, 
souvent  en  moins  de  douze  heures,  l’amélioration  était  sensible,  et  cela 
dans  les  cas  même  les  plus  graves  ;  mais,  avant  lui,  Desault  avait  ouvert 
la  même  voie  en  faisant  raser  le  cuir  chevelu  et  appliquer  une  calotte 
d’emplâtre  épispastique.  Le  résultat  n’était  pas  la  formation  de  vésicules, 
mais  une  exsudation  blanchâtre,  adhérente,  qu’il  faut  enlever  à  chaque 
pansement,  malgré  les  douleurs  éprouvées  par  le  malade,  et  peut-être  à 
cause  de  ces  douleurs  «  moyen  cruel  et  énergique,  dit  Bichat,  mais  sou¬ 
vent  utile.  » 

L’électricité  paraît  avoir  réussi,  dans  des  expériences  faites  par  Magen¬ 
die,  sur  les  lapins.  Ces  bons  résultats  ont  été  confirmés  par  S.  Cooper  et 
Gama,  qui  conseillent  d’employer  une  pile  dont  un  des  pôles  serait  mis 
en  contact  avec  la  nuque  et  l’autre  avec  la  base  du  tronc.  Cette  applica¬ 
tion,  d’une  utilité  douteuse,  n’est  pas  jusqu’ici  entrée  dans  la  pratique. 

Contusion  du  cerveau.  —  Très-souvent  confondue  avec  la  com¬ 
motion  et  la  compression  de  cet  organe,  elle  en  diffère  par  les  symptômes, 
la  gravité,  et  avant  tout  par  la  lésion  organique. 

Anatomie  pathologique.  —  La  contusion  occupe  presque  toujours 


ENCÉPHALE.  —  contusion  do  cerveau.  15 

le  cerveau  ;  on  l’observe  moins  souvent  au  cervelet,  cependant  je  l’ai 
vue  maintes  fois  dans  cette  portion  de  l’encéphale,  et  comme  dans  le 
cerveau  elle  est  ordinairement  bornée  à  la  substance  grise  et  à  la  partie 
la  plus  superficielle  de  la  substance  blanche.  Quelquefois  néanmoins  la 
contusion  est  plus  profonde,  et,  en  procédant  de  force  de  la  substance 
grise  à  la  substance  blanche,  elle  peut  pénétrer  dans  celle-ci  à  plusieurs 
centimètres  de  profondeur.  La  mollesse  du  cerveau  fait  comprendre 
comment,  sans  avoir  été  frappé  par  l’instrument  vulnérant  lui-même, 
et  sans  fracture  du  crâne,  il  peut  avoir  été  le  siège  d’une  contusion 
caractérisée  par  une  altération  visible  de  son  tissu.  Nous  savons  déjà  que 
la  simple  vibration  des  os  du  crâne  produit  un  ébranlement  cérébral  qui 
altère  les  fonctions  ;  il  nous  est  facile  de  comprendre  qu’une  vibration 
plus  énergique  et  surtout  un  changement  de  forme  de  la  boîte  osseuse 
crânienne  puisse  comprimer  et  contondre,  soit  au  point  frappé,  soit  en 
des  points  multiples  et  au  point  opposé,  l’organe  qui  la  remplit  exacte¬ 
ment.  De  là  une  contusion  directe,  ou  des  contusions  par  contre-coup, 
une  contusion  cérébrale  multiple  ou  disséminée. 

La  lésion  du  cerveau  ou  du  cervelet  caractéristique  delà  contusion  con¬ 
siste  dans  quelques  gouttelettes  de  sang  entourées  d’un  ramollissement 
très-circonscrit  et  beaucoup  plus  souvent  en  un  ou  plusieurs  ramollisse¬ 
ments  ecchymosés  occupant  la  substance  grise,  ou  pénétrant  dans  la  sub¬ 
stance  blanche,  formant  une  espèce  de  bouillie  diffluente  dans  l’épaisseur 
de  laquelle  on  trouve  des  caillots  sanguins  souvent  petits,  mais  variables 
en  volume,  disparaissant  sous  un  filet  d’eau,  et  laissant  à  leur  place  une 
excavation  à  parois  inégales,  déchiquetées,  creusée  dans  la  substance 
nerveuse,  violacée  sur  le  contour  du  foyer  de  la  contusion,  et  au  delà 
bleuâtre,  ardoisée  :  au  point  correspondant,  une  légère  couche  de  sang 
existe  sous  la  pie-mère.  Quelquefois,  dans  les  contusions  directes,  cette 
membrane  et  l’arachnoïde  sont  déchirées.  Plus  tard,  quand  les  malades 
ont  survécu  quelques  jours  et  ont  succombé  aux  accidents  inflamma¬ 
toires,  au  sang  est  mélangé  le  pus,  qui  s’étale  en  fausses  membranes  à 
la  surface  du  cerveau,  remplit  le  foyer  de  la  contusion,  et  modifie  la 
couleur  de  la  pulpe  nerveuse  teintée  de  jaune  à  quelques  millimètres  dans 
l’épaisseur  de  sa  paroi. 

Causes.  —  Les  causes  de  la  contusion  du  cerveau  sont  donc  les  per¬ 
cussions  directes  du  crâne,  qu’il  y  ait  ou  non  fracture  ;  dans  le  deuxième 
cas,  elles  produisent  la  déformation  de  la  boîte  osseuse;  dans  le  premier 
cas,  avec  la  fracture,  la  saillie  à  l’intérieur  de  quelque  fragment  qui 
déchire  les  membranes  et  la  substance  du  cerveau  même  ;  quelquefois 
cette  substance  sort  dans  l’intervalle  des  fragments.  Je  l’ai  vue  sortir  par 
le  conduit  auditif  externe  dans  une  fracture  du  rocher.  La  contusion  du 
cerveau,  dans  une  fracture  du  crâne,  est  toujours  à  craindre,  surtout 
lorsque  l’instrument  vulnérant  plus  ou  moins  aigu,  comme  la  pointe 
d’une  dent  de  fourche,  le  côté  évidé  d’un  marteau,  a  frappé  la  voûte 
crânienne.  C’est  alors  que  la  table  interne,  brisée  dans  un  espace  en  gé¬ 
néral  circonscrit,  mais  cependant  plus  étendu  que  la  fracture  de  la  table 


16 


ENCÉPHALE.  —  contosion  dd  cerveau. 
externe,  exerce  sur  le  cerveau  à  travers  la  dure-mère  ou  après  l’avoir 
perforée,  une  pression  désorganisatrice  et  produit  la  contusion  céré¬ 
brale  ;  enfin  les  plaies  par  arme  à  feu  en  sont  une  cause  fréquente.  Nous 
en  parlerons  en  traitant  des  plaies  de  l’encéphale. 

Symptômes.  —  C’est  à  Dupuytren  qu’est  due  la  première  description 
dogmatique  de  la  contusion  cérébrale.  Suivant  lui,  les  manifestations 
caractéristiques  de  cette  lésion  n’apparaissent  que  du  quatrième  au 
sixième  jour,  époque  à  laquelle  la  portion  contuse  de  l’encéphale  s’en¬ 
flamme;  de  sorte  que  les  signes  sont  ceux  de  l’encéphalite  et  de  la 
méningite  :  fièvre,  frissons,  délire,  contractures  hémiplégiques,  si  la 
contusion  est  unilatérale;  puis,  compression  et  hémiplégie;  enfin, 
mort  dans  l’immense  majorité  des  cas.  On  voit,  en  effet,  assez  fréquem¬ 
ment  des  blessés  venir  aux  consultations  des  grands  hôpitaux,  après  une 
percussion  de  la  tête  datant  du  matin  même  ou  de  la  veille,  avec  une 
démarche  lente,  un  air  de  fatigue  et  d’abattement,  mais  sans  paralysie, 
réclamer  les  secours  de  l’art  et  un  lit,  parce  qu’ils  sont  hors  d’état  de  se 
livrer  au  travail.  Ce  n’est  que  trois  ou  quatre  jours  après  que  les  phéno¬ 
mènes  d’encéphalite  se  montrent.  Les  blessés  succombent  promptement 
aux  suites  de  la  contusion  cérébrale.  Dupuytren  opposait  cette  marche  de 
la  maladie  à  celle  de  la  commotion  cérébrale  dont  les  effets,  comme  on  le 
sait  depuis  J.  L.  Petit,  sont  immédiats  et  d’autant  plus  marqués  que  l’acci¬ 
dent  qui  l’a  causée  est  plus  récent.  Mais  est-il  rigoureusement  vrai  que 
la  contusion  cérébrale  n’ait  pas  de  symptômes  primitifs  ?  Assez  souvent, 
au  moment  du  coup  reçu,  il  y  a  complication  d’une  commotion  légère 
dont  l’effet  est  bientôt  dissipé,  ce  ne  sont  pas  les  phénomènes  passagers  qui 
s’y  rapportent  qu’il  faudrait  prendre  pour  des  signes  primitifs  de  contu¬ 
sion.  Aussi  lorsque  Sanson,  après  avoir  adopté  et  professé  les  opinions 
de  Dupuytren  sur  l’absence  de  symptômes  primitifs  dans  la  contusion,  se 
sépara  de  lui  sous  ce  rapport  pour  prétendre  qu’au  contraire  la  contusion 
cérébrale  a  des  symptômes  propres  et  immédiats,  il  se  fonda  sur  une 
observation  plus  approfondie  de  la  commotion  cérébrale  elle-même,  pré¬ 
sentant,  suivant  lui,  deux  formes  distinctes,  l’une  avec  somnolence  et 
stupeur,  l’autre  avec  agitation  et  mouvements  convulsifs.  Il  ne  crut  pas 
qu’elles  pussent  être  rapportées  à  la  même  affection  et  il  attribua  l’agita¬ 
tion  et  les  mouvements  convulsifs  à  une  contusion  cérébrale  compliquant 
la  commotion. 

Bien  plus,  la  commotion  cérébrale  et  la  contusion  n’étant  pas  toujours 
unies  ensemble,  L.  J.  Sanson  considéra  comme  signes  propres  et  primitifs 
de  la  contusion  dans  des  cas  légers  le  resserrement  d’une  pupille,  la  con¬ 
tracture  d’une  paupière,  des  mouvements  spasmodiques  des  lèvres  ou  de 
quelque  autre  muscle  de  la  face,  et  même  la  difficulté  de  prononcer  cer¬ 
tains  mots  ;  une  céphalalgie  continue  au  niveau  du  coup  reçu,  et,  dans 
des  cas  plus  graves,  une  perte  de  connaissance  plus  ou  moins  complète, 
avec  agitation  extrême  et  continuelle,  pendant  laquelle  le  blessé  se 
tourne  en  tous  sens.  Ces  symptômes  ont  lieu  sans  fièvre  ;  mais,  au  bout 
de  cinq  à  six  jours,  surviennent  les  phénomènes  inflammatoires  et  d’en- 


■17 


ENCÉPHALE.  —  contdsjon  du  cerveaü. 

céphalite  signalés  par  Dupuytren.  II  ne  faut  pas  croire  que  les  signes  indi¬ 
qués  par  L.  J.  Sanson  soient  constants  et  il  en  convenait  lui-même,  mais  il 
est  réel  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  où  ces  phénomènes  existent, 
il  y  a  contusion  du  cerveau.  Pour  ma  part,  lorsque,  après  une  percussion 
plus  ou  moins  violente  de  la  tête,  je  constate  une  agitation  marquée  la 
nuit,  de  l’insomnie,  des  rêvasseries  qui  peuvent  d’ailleurs  disparaître  le 
jour  ;  si  j’observe,  après  quelques  réponses  en  rapport  avec  les  questions, 
de  l’incohérence  dans  les  idées,  pour  peu  que  l’interrogatoire  du  malade 
se  prolonge,  et  cela  dans  les  premiers  jours  qui  suivent  l’accident,  je 
soupçonne  une  contusion  cérébrale  et  ce  soupçon  est  presque  toujours 
vérifié  par  l’autopsie.  Cependant  j’ai  vu  aussi  bien  des  cas  de  contusion 
du  cerveau  terminés  par  la  mort  sans  qu’il  y  ait  eu  lieu  de  reconnaître 
l’agitation  et  l’insomnie  des  premières  nuits,  encore  moins  les  mouve¬ 
ments  désordonnés  du  malade,  les  plaintes  incessantes  et  la  profonde 
somnolence  sans  respiration  stertoreuse. 

L’une  des  suites  de  la  contusion  étant  la  formation  d’un  foyer  purulent 
et  la  compression  avec  hémiplégie,  on  peut  dès  à  présent  faire  entrer  ces 
derniers  phénomènes  dans  le  diagnostic  de  la  commotion  et  de  la  contu¬ 
sion.  Mais  s’il  s’agissait  de  distinguer  la  contusion  elle-même  des  épan¬ 
chements  sanguins  intra-crâniens,  ou  d’autres  agents  de  compression 
mécanique,  tels  que  les  fragments  d’une  fracture,  je  regarderais  comme 
préférable  de  rejeter  les  considérations  d’un  diagnostic  plus  général  après 
la  description  de  ces  diverses  lésions.  Je  me  propose  donc  de  revenir  plus 
tard  sur  certaines  particularités  qui,  dans  la  pratique,  embarrassent  le 
diagnostic. 

Pronostic.  —  Le  pronostic  de  la  contusion  cérébrale  est  toujours  très- 
grave,  car  ce  n’est  pas  seulement  l’étendue  de  la  lésion,  c’est  sa  nature 
qui  cause  le  danger.  Sans  doute,  plus  la  contusion  du  cerveau  est  pro¬ 
fonde,  et  plus  il  y  a  de  points  contus  de  la  substance  nerveuse,  plus  la 
mort  doit  sembler  assurée  et  imminente.  Cela  est  évident  de  soi-même. 
Néanmoins  il  suffit  d’une  contusion  très^imitée  pour  donner  lieu  à  la 
méningite,  et  à  une  méningite  mortelle.  Quand,  dans  l’accident,  le  crâne 
est  ouvert,  et  que,  par  l’écartement  des  fragments  ou  leur  extraction,  le 
chirurgien  a  la  contusion  sous  les  yeux,  le  danger  peut  assez  souvent  être 
conjuré.  Les  cas  de  guérison,  même  après  l’issue  d’une  notable  quantité 
de  substance  cérébrale,  sont  nombreux  dans  la  science,  et  leur  authenti¬ 
cité  hors  de  doute.  J’en  citerai  des  exemples  en  traitant  des  abcès  du 
.  cerveau  et  des  corps  étrangers  engagés  dans  cet  organe.  Mais  si  le  crâne 
n’est  pas  fracturé,  s’il  n’est  que  fêlé,  si  les  liquides  qui  se  forment  au 
niveau  de  la  contusion  n’ont  pas  d’issue,  je  ne  vois  pas  comment  la  gué¬ 
rison  pourrait  avoir  lieu  et  même  être  constatée.  J’ai  toujours  été  sur¬ 
pris  de  l’assurance  avec  laquelle  quelques  auteurs  parlent  de  la  résolution 
dans  l’inflammation  traumatiqile  du  cerveau  qui  suit  la  contusion  céré¬ 
brale.  Pour  moi,  je  ne  l’ai  jamais  vue,  et  quand  le  malade  a  survécu  à  la 
contusion,  ce  qui  est  rare  dans  la  pratique  d’un  seul  chirurgien,  quel 
qu’ait  été  le  nombre  de  ses  malades,  c’était,  je  parle  pour  moi,  dans  des 

ROtIV.  DICT.  HÉD.  ET  CHIK.  XIII.  -  2 


18 


ENCÉPHALE.  —  compression  do  cerveau. 
cas  où  le  cerveau  était  à  nu  ;  ce  n’est  pas  la  résolution  de  la  contusion 
que  j’ai  observée  alors,  c’est  la  suppuration  avec  une  sortie  favorable  au 
pus  ;  c’est  la  cicatrisation,  mais  non  pas  la  résolution.  Or,  si  le  crâne 
n’est  pas  ouvert,  si  le  cerveau  n’est  pas  à  nu,  et  qu’après  un  coup  reçu  à 
la  tête  des  symptômes  cérébraux  aient  été  observés,  quel  degré  de  cer¬ 
titude  aura-t-on,  si  le  malade  guérit,  qu’il  ait  été  atteint  de  contusion 
cérébrale?  Il  faut  donc  être  très-réservé  avant  de  déclarer  qu’une  gué¬ 
rison  de  contusion  cérébrale  a  été  obtenue. 

Cependant  on  trouve  dans  des  traités  sérieux,  par  exemple  celui  de 
Dupuytren  sur  les  blessures  par  armes  de  guerre,  des  assertions  telles 
que  celle-ci  (il  est  question  de  l’invasion  des  phénomènes  inflammatoires 
après  la  contusion)  :  «  Les  saignées  générales,  locales,  les  révulsifs,  etc., 
peuvent  changer  cet  état  de  choses  ;  le  sang  épanché  et  le  pus  trouvé  en 
petite  quantité  peuvent  être  résorbés,  et  la  guériso7i  a  lieu  avec  altération 
plus  ou  moins  prononcée  d’une  ou  plusieurs  facultés  intellectuelles.  » 
(T.  II,  p.  172.)  Cela  paraît  concluant;  mais,  on  a  le  droit  de  demander 
où  sont  les  observations,  et  dans  quelles  conditions  elles  se  sont  pro¬ 
duites  ;  aucune  observation  n’est  citée.  Dans  ces  prétendus  cas  de  guéri¬ 
son,  n’y  a-t-il  pas  eu  quelque  confusion  de  diagnostic?  Certains  cas  de 
commotion  grave  se  terminent  par  la  guérison  avec  altération  de  quelques 
facultés  intellectuelles,  une  sorte  d’idiotisme  même.  Est-ce  là  ce  qui  aurait 
été  pris  pour  des  contusions  cérébrales  guéries  ?  C’était  le  cas  de  donner 
des  observations  nettes  et  précises.  Encore  une  fois  je  ne  conteste  pas  la 
guérison  dans  des  cas  où  la  contusion  était  visible  et  le  crâne  ouvert. 

Traitement. — Le  traitement  de  la  contusion  cérébrale  dans  les  cir¬ 
constances  ordinaires,  c’est-à-dire  après  une  percussion  de  la  tête  sans 
plaie,  quand  ses  symptômes  se  montrent  du  quatrième  au  sixième  jour, 
est  celui  de  l’encéphalite  et  de  la  méningite,  puisque  ces  dernières  com¬ 
plications  en  sont  précisément  les  signes.  Les  saignées  locales  et  géné¬ 
rales,  quand  le  pouls  du  blessé  en  comporte  l’usage;  les  réfrigérents  sur 
la  tête,  une  diète  sévère  constituent  à  peu  près  toute  la  médication  à 
opposer  à  cette  grave  lésion  ;  mais  c’est  le  plus  souvent  sans  aucun  succès. 
La  rapidité  avec  laquelle  le  blessé  succombe  ne  donne  pas  lieu  d’insister 
longtemps  sur  l’administration  de  ces  moyens.  Ajoutons  que  la  réunion 
de  la  commotion,  de  la  contusion  et  de  la  compression,  par  des  agents 
variés,  non-seulement  modifie  le  traitement  à  suivre,  mais  peut  conduire 
à  d’autres  indications,  telles  que  l’extraction  des  corps  étrangers  et  le 
trépan  lui-même. 

Compression  du  cer-veau.  —  Causes  et  modes.  —  Nous  avons  dit 
de  quelle  manière  cet  organe  peut  être  comprimé  dans  les  cas  de  fracture  ; 
que  cette  compression  s’exerce  sur  un  espace  très-restreint  ou  sur  une  large 
surface,  dans  l’un  et  l’autre  cas  elle  est  primitive,  a  lieu  instantanément  au 
moment  de  l’accident,  et  arrive  aussitôt  au  degré  d’intensité  qui  lui  appar¬ 
tient.  Mais,  sous  le  rapport  des  effets  produits,  il  peut  y  avoir  de  notables 
différences;  un  fragment  de  la  table  interne  du  crâne,  s’il  est  de  très- 
petite  dimension,  pourra  d’abord  ne  pas  causer  d’effet  appréciable,  bien 


ENCÉPHALE.  —  compression  du  cerveaü.  19 

qu’il  touche  et  blesse  la  substance  cérébrale,  jusqu’au  moment  ou  une 
complication  de  la  fracture,  un  épanchement,  par  exemple,  se  sera 
~T(rp(né.  Si  c’est  du  sang  qui  est  épanché,  un  certain  temps  aura  pu 
s’écouler  avant  que  n’apparaissent  les  phénomènes  de  la  compression  ; 
si  c’est  du  pus,  plus  de  temps  encore,  et  ce  n’est  plus  qu’une  compres¬ 
sion  consécutive  accompagnée  d’autres  signes  qui  ne  laissent  guère  de 
doute  sur  sa  nature.  Si  la  compression  est  large,  elle  est  instantanée. 
Mais  si  aucune  complication  ne  survient,  comme  cela  s’est  vu  assez  fré¬ 
quemment  dans  ce  cas,  c’est  un  spectacle  curieux  que  de  voir  le  cerveau 
d’abord  subir,  à  un  degré  modéré,  l’influence  de  la  dépression  osseuse, 
puis,  au  bout  de  peu  de  temps,  sans  pouvoir  réagir,  s’habituer  à  ce  degré 
de  compression  et  remplir  ses  fonctions  dans  leur  intégrité.  Dans  ma 
longue  pratique  des  hôpitaux  comme  chef  de  service,  qui  est  aujourd’hui 
de  plus  de  trente-sept  ans,  j’ai  vu  trois  ou  quatre  de  ces  fractures  à  dé¬ 
pression  large  :  dans  aucun  cas  les  phénomènes  de  compression  n’ont 
duré  plus  d’un  jour  ou  deux.  Thomson,  dans  des  remarques  faites  sur 
les  hôpitaux  de  la  Belgique,  en  1815,  rapporte  divers  cas  d’enfoncement 
considérable  des  deux  tables  de  l’os,  sans  aucun  symptôme,  ni  paralysie, 
ni  abattement,  ni  perte  de  mémoire.  Mais,  en  d’autres  circonstances,  et 
sous  l’influence  de  complications  de  la  fracture,  la  commotion  par 
exemple,  des  effets  immédiats  graves  ont  lieu,  la  perte  de  connais¬ 
sance,  etc.  sans  qu’il  y  ait  de  phénomènes  de  compression.  J.  L.  Petit 
cite  une  très-belle  observation  dans  laquelle  le  malade  revenu  à  lui  au 
bout  d’un  quart  d’heure,  se  leva  dès  le  lendemain  et  reprit  son  travail  le 
surlendemain.  Il  sentit  bien  quelques  douleurs  de  tête,  mais  ne  cessa 
pas  de  travailler  et  vécut  ainsi  plusieurs  années.  Il  finit  par  succomber 
à  une  fièvre  maligne.  J.  L.  Petit  reconnut,  à  l’autopsie,  les  vestiges 
d’une  ancienne  fracture  considérable;  le  temporal  enfoncé  et  brisé  en 
plusieurs  pièces  ne  s’était  pas  relevé  ;  le  cerveau  s’était  habitué  à  la  com¬ 
pression  causée  par  cette  enfonçure.  (J.  L.  Petit,  t.  I,  p.  77.)  Il  est 
inutile  de  multiplier  ces  citations, 

La  compression  du  cerveau  est  due  aussi  souvent  à  des  épanche¬ 
ments  de  sang  produits  par  la  fracture  des  os  du  crâne  et  dont  le  siège 
varie.  Les  fractures  s’accompagnent  de  décollement  de  la  dure-mère  ;  le 
sang  provient  de  ce  décollement  même,  soit  des  vaisseaux  qui  unissent 
la  dure-mère  aux  os,  soit  de  ceux  du  diploé,  d’autres  fois  l’épanchement 
dérive  de  la  rupture  de  vaisseaux  plus  considérables  ;  on  a  vu  la  blessure 
de  l’artère  méningée  moyenne  y  donner  lieu  (Béclard  et  Paul  Dubois), 
très-souvent  les  sinus  veineux  de  la  dure-mère  perforés,  la  veine  jugu¬ 
laire  ouverte  à  sa  sortie  du  crâne.  (Bonet,  Sepulchretum,  t.  III,  p.  518). 
Le  sang  peut  bien  en  partie  s’échapper  au  dehors  entre  les  fragments, 
mais  il  peut  en  partie  aussi  s’amasser  entre  le  crâne  et  le  cerveau.  Les 
fractures  ne  sont  que  des  plaies  contuses  du  crâne,  et  naturellement 
celles  qui  sont  faites  par  instruments  pointus  et  tranchants  sont  aussi 
des  causes  d’épanchements  sanguins  intra-crâniens.  Morgagni  a  vu,  chez 
un  paysan,  le  sinus  longitudinal  supérieur  ouvert  par  un  coup  de  sabot 


20  ENCÉPHALE.  —  compression  dü  cerveau. 

pointu  ;  le  cerveau  était  traversé,  et  un  épanchement  de  sang  remplissait 
le  ventricule  latéral  gauche.  Guthrie  cite  l’observation  d’un  enfant  de 
quatre  ans,  chez  lequel  une  dent  de  râteau  avait  ouvert  le  sinus  longitu¬ 
dinal  supérieur,  près  de  la  fontanelle  antérieure.  Dans  la  contusion  céré¬ 
brale,  de  petits  épanchements  sanguins  en  nappe  ont  lieu  sous  la  pie- 
mère,  à  chaque  point  de  la  surface  du  cerveau  où  existe  la  contusion. 
C’est  même  le  moyen  de  constater  le  ramollissement  cérébral  au  niveau 
des  petits  foyers  de  contusion  de  la  substance  grise  que  de  soulever  la  pie- 
mère  au  niveau  des  épanchements  sanguins  que  présente  la  contusion 
multiple  ou  disséminée.  Sous  le  sang  épanché  on  trouve  la  substance 
grise  molle,  ecchymosée.  D’autre  part,  dans  les  contusions  plus  profondes, 
une  véritable  collection  d’un  certain  nombre  de  grammes  peut  exister  au 
centre  du  foyer  même  de  la  contusion,  le  remplir  et  le  distendre.  Elle 
a  pour  limites  la  substance  cérébrale  ramollie  et  déchirée.  On  voit  aussi 
des  épanchements  sanguins  dans  la  cavité  de  l’arachnoïde,  en  général  de 
forme  diffuse  à  cause  de  la  sérosité  qui  s’y  mêle  ;  ils  ont,  en  raison  de  ce 
mélange,  une  grande  tendance  à  se  porter  dans  les  parties  déclives. 
Cependant,  à  la  voûte,  on  rencontre  quelquefois  des  caillots  d’une  assez 
grande  épaisseur  et  consistance,  épais  de  0‘“,01  à0“,0f  5.  Il  est  beaucoup 
plus  fréquent  de  les  trouver  liquides. 

Siège.  —  D’après  ce  que  je  viens  de  dire,  le  siège  des  épanchements 
intra-crâniens  traumatiques  varie  beaucoup.  Le  siège  le  plus  fréquent 
est  entre  les  os  et  la  dure-mère,  à  la  suite  des  fractures,  et  plus  souvent 
à  la  voûte  qu’à  la  base.  Ces  épanchements  sont  tantôt  en  nappe  plus 
ou  moins  étendue,  et  d’épaisseur  variable,  tantôt  ils  constituént  une 
masse  circonscrite  de  plusieurs  centimètres  d’épaisseur  qui  déprime  le 
cerveau  et  y  laisse  son  empreinte.  Ce  sont  ces  épanchements  épais  et 
consistants  qui  résultent  de  la  lésion  de  l’artère  méningée  moyenne  ou 
d’un  sinus.  On  a  vu  de  ces  épanchements  du  poids  de  100  à  200  grammes 
et  plus.  Ce  sont  toutefois  des  cas,  exceptionnels.  Il  arrive  parfois  que 
ces  épanchements  perdent  de  leur  volume  en  fusant  entre  les  fragments  ; 
il  suffit  même  que  dans  la  position  déclive  de  la  fracture  par  rapport 
à  l’épanchement,  comme  cela  se  voit  dans  certaines  fractures  du  ro¬ 
cher,  la  sérosité  du  caillot  trouve  issue,  pour  que,  sous  l’influence  des 
pulsations  cérébrales,  le  caillot  se  réduise  à  une  très-mince  épaisseur. 
Quelque  opinion  qu’on  se  fasse  de  l’origine  de  la  sérosité  par  l’oreille 
à  la  suite  des  fractures  du  rocher,  et,  tout  en  admettant  que  c’est  sur¬ 
tout  le  liquide  céphalo-rachidien  qui  s’échappe  alors,  opinion  que  je 
partage,  que  j’ai  même  le  premier  émise  en  1855,  en  le  désignant  à 
tort  sous  le  nom  de  liquide  arachnoïdien,  opinion  reprise  depuis  par 
Guthrie,  à  laquelle  je  n’avais  renoncée  que  faute  d’avoir  trouvé  la  voie 
de  sortie  de  ce  liquide;  quelque  opinion,  dis-je,  qu’on  ait  à  cet  égard, 
il  faut  bien  admettre  cependant  que,  dans  certains  cas,  la  sérosité  du 
caillot  elle-même  sort  par  la  fêlure  du  rocher  :  ceux  qui  ont  étudié 
avec  soin  les  observations  publiées  sur  ce  point  intéres.sant  de  patho¬ 
logie,  et  notamment  les  miennes,  savent  cela  et  reconnaissent  que  l’a- 


ENCÉPHALE.  —  COMPRESSION  DU  CERTOAU.  21 

platissement,  et  je  dirais  presque  la  dessiccation  du  caillot,  situé  entre 
la  dure-mère  et  les  os,  peut  avoir  lieu  par  le  mécanisme  que  j’ai  indiqué. 
Je  conviens  qu’il  faut  des  circonstances  particulièrement  favorables,  mais 
je  les  ai  rencontrées.  Du  reste,  je  n’ai  fait  allusion  à  ce  sujet  qu’au  point 
de  vue  du  retrait  que  peut  subir  un  épanchement  intra-crânien,  situé 
entre  la  dure-mère  et  les  os.  D’autres  chirurgiens  ont  été  plus  loin  et  ont 
admis  la  réduction  à  leur  partie  solide  d’épanchements  intra-arach- 
noïdiens;  l’épanchement  graduellement  resserré,  disent-ils,  se  condense 
et  s’enveloppe  d’une  pellicule  fine,  qui  l’isole  et  le  transforme  en  une 
sorte  de  foyer  aplati  et  distinct,  adossé  ordinairement  à  la  dure-mère. 
(Compendium  de  .chirurgie,  t.  II,  p.  617.)  De  là,  f’erreur  qui  avait  fait 
croire  à  la  situation  de  dépôts  sanguins  situés  entre  la  dure-mère  et  le 
feuillet  pariétal  de  l’arachnoïde  qui  la  double;  erreur  dissipée  par  Velpeau 
et  Baillarger. 

Je  n’ai  point  à  m’occuper  en  ce  moment  des  altérations  que  peuvent 
subir  et  subissent,  en  effet,  les  épanchements  de  sang  intra-crâniens  ;  je 
ne  les  considère  qu’au  point  de  vue  de  la  compression  du  cerveau. 

On  est  surpris,  comme  je  le  dirai  tout  à  l’heure,  que  cette  compression 
ait  été  mise  en  doute  ;  cependant  il  faut  distinguer  les  cas  tranchés  où  le 
sang,  fourni  par  des  vaisseaux  d’un  volume  assez  fort,  s’est  épanché  ra¬ 
pidement  et  de  manière  à  former  une  collection  circonscrite  et  assez 
épaisse  pour  déprimer  les  parties  sous-jacentes.  Il  est  bien  difficile  de  ne 
pas  reconnaître  alors  l’existence  et  la  marche  de  la  compression  opérée 
par  l’épanchement.  Quelques  instants  après  l’accident,  non  pas  au  mo¬ 
ment  même,  d’autres  fois  une  ou  plu:  ieurs  heures  après,  le  blessé  perd 
plus  ou  moins  l’intelligence  et  tombe  dans  le  coma. 

L’œil  paraît  insensible,  les  pujiilles  restent  immobiles,  dans  un  état  va¬ 
riable  de  dilatation;  les  mouvements  diminuent  où  disparaissent  dans  un 
membre,  ou  dans  tout  un  côté  du  corps,  ordinairement  du  côté  opposé 
à  l’épanchement  ;  la  respiration  est  stertoreuse,  le  pouls  lent,  petit  et 
mou  ;  il  y  a  tantôt  rétention,  tantôt  incontinence  des  matières  fécales. 
D’autre  part,  J.  L.  Petit  avait  établi  que,  par  le  trépan,  on  délivre  le 
cerveau  de  la  compression.  Comment  douter  alors  que  l’épanchement 
soit  la  cause  de  cetfe  compression  et  de  ses  effets  ? 

Tin  épanchement  moins  considérable  donne  seulement  lieu  à  la  som¬ 
nolence,  à  la  lenteur  des  idées,  de  l’engourdissement  dans  les  membres 
plutôt  que  de  la  paralysie. 

Si  au  lieu  de  se  former  rapidement,  le  sang  a  coulé  lentement,  en 
nappe,  à  la  surface  des  hémisphères,  les  symptômes  sont  moins  pronon¬ 
cés  ;  ici  encore,  une  compression  large,  uniforme  et  dont  les  progrès  ont 
été  lents,  est  mieux  supportée,  et  le  cerveau  paraît  s’y  être  habitué. 

On  observe  toutefois  de  grandes  anomalies  dans  la  marche  des  phéno¬ 
mènes  dus  aux  épanchements  sanguins.  Dans  le  cas  d’épanchements  cir¬ 
conscrits,  rapides  et  épais,  la  paralysie  n’a  pas  toujours  lieu  ;  j’en  ai  vu 
plusieurs  exemples,  même  à  la  voûte  du  crâne,  sur  l’un  ou  l’autre  hé¬ 
misphère.  Quant  au  délire,  aux  convulsions,  il  est  probable  qu’ alors  la 


22  ENCÉPHALE.  —  compression  du  cerveau. 

contusion  cérébrale  et  l’encéphalite  viennent  mêler  leurs  signes  à  ceux 
de  l’épanchement,  et  trop  souvent,  dans  les  descriptions  vagues  et  com¬ 
plexes  qu’ont  données  les  chirurgiens  des  lésions  traumatiques  du  crâne 
et  du  cerveau,  il  existe  une  confusion  qui  se  rattache  au  mélange  des 
symptômes  de  ces  diverses  lésions,  qu’il  serait  du  reste  plus  facile  au¬ 
jourd’hui,  avec  de  l’attention,  de  distinguer  que  dans  le  siècle  dernier.  Le 
siège  doit  être  pris  en  considération  ;  d’une  manière  générale,  on  doit 
dire  que  les  épanchements  sur  la  convexité  des  hémisphères  donnent 
lieu  à  la  paralysie  hémiplégique,  ou  à  la  fois  des  deux  côtés,  plus  que  les 
épanchements  situés  à  la  base  du  cerveau,  et  cependant  ceux-ci,  quand 
ils  sont  considérables  et  situés  au  voisinage  de  la  protubérance  annulaire 
et  du  bulbe  rachidien,  produisent  une  mort  très-prompte  et  plus  rapide 
que  dans  toute  autre  situation.  La  mort  est-elle  alors  le  résultat  de  la 
compression  cérébrale?  n’y  a-t-il  pas  en  même  temps  commotion  et  con¬ 
tusion  violente  du  cerveau  ? 

Malgré  l’évidence  signalée  plus  haut  des  effets  primitifs  ou  prochains 
des  épanchements  sanguins  intra-crâniens,  la  doctrine  admise  par  l’Aca¬ 
démie  royale  de  chirurgie,  touchant  la  réalité  et  l’importance  de  la  com¬ 
pression  due  à  ces  épanchements,  a  été  battue  en  brèche  par  Serres,  qui 
n’avait  en  vue  que  les  hémorrhagies  spontanées  et  non  pas  les  épanche¬ 
ments  traumatiques;  puis  parMalgaigne,  qui,  à  l’aide  de  l’expérimentation, 
a  prétendu  résoudre  la  question.  L’expérience  consistait  à  injecter  dans  le 
crâne  une  quantité  d’eau  égale  au  sixième  dé  la  capacité  de  cette  cavité 
(Denonvilliers),  ou  au  quart  de  cette  capacité  (Richet).  11  fallait,  suivant 
Malgaigne,  cette  quantité  de  liquide  pour  que  les  effets  de  la  compression 
fussent  sensibles  ;  mais  la  facilité  avec  laquelle  le  liquide  injecté  se  ré¬ 
pand  à  la  surface  du  cerveau,  pénètre  dans  le  rachis,  et  se  résorbe,  fai¬ 
sait  bientôt  disparaître  les  phénomènes  si  peu  marqués  d’ailleurs  de  la 
compression.  Cette  opinion  a  été  adoptée  par  Richet,  qui,  à  l’aide  de 
considérations  physiologiques  relatives  à  la  répartition  du  liquide  cépha¬ 
lo-rachidien,  l’a  défendue  comme  si  les  conditions  étaient  identiques 
dans  le  cas  d’un  épanchement  sanguin  entre  les  os  et  la  dure-mère. 
Ici,  il  arrive  souvent  qu’il  n’y  a  point  dispersion,  mais  collection 
d’un  fluide,  dont  le  foyer  est  circonscrit  et  dans  lequel  le  sang  est 
concrescible,  et  devient  rapidement  assez  solide  pour  que,  soutenu  par 
la  résistance  du  crâne,  il  exerce  une  notable  pression  sur  les  circonvolu¬ 
tions  cérébrales  qui,  à  son  niveau,  offrent  un  méplat  et  même  une  légère 
concavité.  Tous  les  chirurgiens  ont  vu  de  ces  faits  d’anatomie  patholo¬ 
gique.  Richet  répond  à  cela  que,  dans  le  cas  de  gêne  de  l’encéphale  par 
un  élément  étranger  (sang,  pus,  etc.),  il  réagit  sur  le  liquide  céphalo¬ 
rachidien,  toujours  prêt  à  quitter  la  place  et  évite  ainsi  la  compression,  le 
liquide  céphalo-rachidien  n’étant  jamais  que  proportionnel  à  l’espace 
laissé  libre  entre  les  parois  du  crâne  et  le  cerveau.  En  supposant  que 
ces  idées  soient  applicables  à  certains  épanchements  en  nappe  dans  les 
membranes,  ou  sous  l’arachnoïde,  dans  lesquels  la  compression  est  peu 
prononcée,  et  par  les  raisons  que  développe  Richet,  il  me  paraît  tomber 


ENCÉPHALE,  -  COMPRESSION  Dü  CERVEAÜ.  '23 

dans. l’abus  du  raisonnement  en  les  appliquant  à  l'action  d’un  épanche¬ 
ment  sanguin  circonscrit,  rapidement  formé,  épais  et  résistant.  Autant 
vaudrait  nier  alors  l’effet  de  la  pression  du  doigt  sur  le  cerveau  mis  à  nu, 
celle  d’un  fragment,  ainsi  que  le  retour  des  fonctions  cérébrales  par  le 
trépan,  qui  relève  le  fragment  ou  extrait  le  caillot.  Quant  à  l’épanche¬ 
ment  sanguin,  on  n’a  pas,  en  effet,  reculé  devant  cette  négation  de  l’uti¬ 
lité  et  du  résultat  du  trépan;  mais  la  pratique  est  là,  avec  un  certain 
nombre  d’observations,  bien  recueillies  par  des  chirurgiens  éminents, 
entête  desquels  il  faut  placer  l’immortel  J.  L.  Petit.  Cela  est  étranger 
d’ailleurs  à  l’abus  qui  a  été  fait  du  trépan,  resté  utile  pour  des  cas  que 
la  sagacité  chirurgicale  a  seulement  l’embarras  de  bien  déterminer. 

Diagnostic.  —  C’est  le  moment  d’essayer  de  dire  justpi’à  quel  point 
il  est  possible,  au  lit  du  malade,  de  distinguer  la  commotion  de  la 
contusion  du  cerveau,  et  ces  deux  lésions  des  épanchements  sanguins 
intra-crâniens  ;  il  n’est  pas  encore  question  de  leurs  conséquences  plus  ou 
moins  éloignées,  telles  que  des  collections  purulentes  pour  ain.si  dire  à 
longue  échéance.  L’accident  est  récent;  il  date  du  jour  même  où  de  quel¬ 
ques  jours  à  peine.  Or  il  peut  se  présenter  des  variétés  importantes  :  la 
commotion  existe  seule,  ou  elle  est  compliquée  de  contusion  ou  d’épan¬ 
chement. 

Si  elle  existe  seule,  ses  symptômes  peuvent-ils  se  confondre  avec  ceux 
d’une  autre  lésion'/  C’est  à  J.  L.  Petit  que  l’on  doit  les  meilleures  consi¬ 
dérations  .sur  ce  point.  Il  faut  distinguer  les  symptômes  des  lésions  trau¬ 
matiques  cérébrales  en  primitifs  et  consécutifs.  Ceux  de  la  commotion 
sont  toujours  primitifs,  et  ils  sont  d’autant  plus  prononcés  que  l’accident 
est  plus  récent. 

Nous  avons  déjà  fait  connaître,  en  décrivant  la  commotion,  qu’à  partir 
de  l’accident  ses  effets  décroissent.  Or,  suivant  J.  L.Petit,s’ilya  un  inter¬ 
valle  notable  entre  le  coup  et  l’apparition  des  symptômes,  et  à  plus  forte  rai¬ 
son  quelques  jours,  la  lésion  n’est  pas  la  commotion;  la  justesse  de  celte  loi 
se  vérifie  chaque  jour  au  lit  du  malade,  et  ceux  qui  ne  la  reconnaissent  pas, 
ont  mal  étudié  ce  sujet.  Cependant  cette  doctrine  a  été  mise  en  doute, 
combattue  même  par  Desault, Delpech,  et  plus  récemment  par  Malgaigne  et 
Gama,  mais  il  est  facile  de  voir  que  leurs  arguments,  et  en  particulier 
ceux  de  Desault  ne  sont  tirés  que  d’une  connaissance  très-imparfaite  de 
la  commotion.  Desault  fait  entrer  dans  les  symptômes  de  la  commotion  la 
respiration  stertoreuse ,  la  paralysie  partielle  ou  générale,  les  convulsions 
et  même  les  hémorrhagies  des  diverses  cavités  de  la  tête.  Aucun  de  ces 
symptômes  ou  lésions  n’appartient  à  la  commotion  ;  comment  alors  De¬ 
sault  aurait-il  pu  se  servir  de  la  paralysie  partielle  comme  moyen  de  dia¬ 
gnostic?  Ces  auteurs  objectent  que  l’épanchement  du  sang  peut  être  assez 
subit  pour  que  quelques  instants  s’écoulent  à  peine  entre  le  coup  et  sa 
formation.  Cela  s’est  vu  sans  doute,  mais  sans  compter  que  le  fait  est 
exceptionnel,  et  que  dans  l’immense  majoriié  des  cas  un  intervalle, 
quelque  court  qu’on  le  suppose,  existe  entre  le  coup  reçu  et  le  maximum 
d’intensité  des  symptômes  primitifs  qui  peuvent  être  légitimement  rap- 


24 


ENCÉPHALE.  —  compression  do  cerveau. 
portés  à  la  présence  d’un  épanchement,  il  y  a  de  plus  pour  le  diagnostic 
l’espèce  même  du  symptôme.  Desault  et  ses  adhérents  ne  savaient  pas  ou 
n’ont  pas  fait  attention  que  la  commotion  n’a  pas  de  signes  hémiplé¬ 
giques  ;  que  l’hémiphégie  primitive  dénonce  toujours,  soit  un  épanche¬ 
ment  sanguin  unilatéral,  soit  la  dépression  vers  le  cerveau  d’un  fragment 
de  fracture  du  crâne;  que,  par  conséquent,  quand  il  y  a  paralysie  ou  hémi¬ 
plégie,  ce  n’est  pas  à  la  commotion  cérébrale  qu’on  peut  l’attribuer;  que 
ce  n’est  jamais  dans  la  commotion  simple  que  ces  phénomènes  peuvent 
être  observés,  et  que  si  on  les  voit  en  même  temps  qu’une  commotion, 
c’est  que  celle-ci  est  compliquée  d’une  fracture  avec  enfoncement  ou  d’un 
épanchement  sanguin  avec  ou  sans  fracture.  Il  faut  donc  tenir  grand 
compte  du  caractère  hémiplégique  des  phénomènes  ;  ils  n’ont  pas  de  rap¬ 
port  avec  la  commotion.  Si  la  paralysie  hémiplégique  primitive  a  lieu,  il 
faut  en  chercher  la  raison  dans  quelque  compression  locale,  telle  que 
celles  que  je  viens  de  signaler  ;  fragment  d’os  enfoncé,  épanchement  san¬ 
guin  ;  mais  elle  a  une  autre  signification,  quand  elle  est  consécutive  et  n’a 
pas  non  plus  alors  un  rapport  évident  avec  la  commotion,  elle  est  ordi¬ 
naire  au  contraire  dans  la  contusion  cérébrale,  et  se  manifeste  au  moment 
ou  à  la  suite  de  l’inflammation  du  cerveau  au  niveau  de  la  contusion  ;  et 
quand  elle  se  montre  du  quatrième  au  sixième  jour  de  la  percussion  du 
crâne,  elle  est  caractéristique  de  la  contusion  cérébrale.  Il  est  vrai  qu’on 
a  vu  des  épanchements  sanguins  traumatiques  survenir  consécutivement, 
ou  du  moins  ne  donner  que  tardivement  des  signes  de.leur  présence,  mais 
les  phénomènes  inflammatoires,  qui  accompagnent  le  développement  de 
l’encéphalite,  se  rattachent  d’une  manière  claire  à  la  contusion,  et  non  pas 
à  l’épanchement,  qui  produit  seulement  la  compression  mécanique  et  qui, 
•dans  certains  cas  même,  on  est  autorisé  du  moins  à  le  croire  dans  les 
fractures  suivies  de  guérison,  peuvent  exister  à  l’état  latent,  ce  qui  peut  dé¬ 
pendre  du  siège  et  de  la  quantité  du  sang  épanché.  11  sera  donc  en  général 
possible  de  distinguer  la  contusion  cérébrale  de  l’épanchement  sanguin; 
la  paralysie  due  à  ce  dernier,  se  manifestant  avant  le  quatrième  jour  et 
sans  phénomène  inflammatoire,  tandis  que  dans  la  contusion  elle  est  pré¬ 
cédée  de  fièvre,  de  convulsions  hémiplégiques  dont  le  début  a  une  époque 
à  peu  près  fixe,  celle  de  la  phlegmasie  cérébrale  dans  le  foyer  de  la  con¬ 
tusion.  Ce  n’est  pas  que  dans  les  épanchements  sanguins  il  n’y  ait  pas 
d’inflammation  méningo-encéphalique  et  qu’on  ne  puisse  comme  dans  la 
contusion  du  cerveau  distinguer  deux  périodes,  celle  des  accidents  primi¬ 
tifs  ou  de  compression,  et  celle  des  accidents  consécutifs  ou  phlegmasi- 
ques,  mais  la  compression  a  précédé  ces  derniers. 

Dans  ces  considérations  relatives  au  diagnostic,  nous  avons  dû  supposer 
les  lésions  simples,  isolées  les  unes  des  autres,  ce  qui  se  voit  dans  la  pra¬ 
tique,  mais  il  est  loin  d’être  rare  qu’elles  se  combinent  dans  le  même 
accident,  leur  simultanéité  obscurcit  singulièrement  le  diagnostic  ;  il  n’est 
cependant  pas  impossible  dans  tous  les  cas,  avec  de  l’attention  et  une  con¬ 
naissance  approfondie  des  signes  qui  appartiennent  aux  uns  et  aux  autres, 
d’arriver  à  apprécier  leur  coïncidence.  Ainsi  la  perte  de  connaissance  im- 


25 


ENCÉPHALE.  —  compression  dd  cerveau. 
médiale,  sans  paralysie,  dénoncera  la  commotion  cérébrale;  l’hémiplégie 
primitive  sera  plutôt  due  à  la  compression  e.Nercée  par  un  fragment;  celle 
qui  ne  se  prononce  qu’au  bout  de  quelques  heures  sera  rapportée  à  l’épan¬ 
chement,  et  enfin  si  elle  ne  se  montre  qu’après  le  quatrième  jour  et  posté¬ 
rieurement  à  l’invasion  de  la  méningo-encéphalite,  elle  indiquera  avec 
plus  de  précision  qu’on  ne  le  croirait  au  premier  abord  l’existence  de  la 
contusion  cérébrale.  Ces  distinctions  supposent  que  le  blessé  a  vécu  un 
certain  temps,  car  pour  tes  cas  où  la  mort  est  très-rapide,  une  heure  par 
exemple  après  l’accident,  il  devient  très-difficile  pour  ne  pas  dire  impos¬ 
sible  de  dire  les  lésions  qui  existent,  celles  qui  n’existent  pas,  de  faire  la 
part  de  chacune  d’elles  dans  la  terminaison  fatale,  sans  compter  que  sou¬ 
vent  alors,  comme  dans  les  chutes  d’un  lieu  élevé,  le  blessé  peut  avoir 
succombé  à  d’autres  lésions  viscérales,  dont  l’action  est  venue  s’ajouter 
aux  atteintes  qu’a  subies  l’encéphale. 

L’existence  d’un  épanchement  sanguin,  une  fois  admise,  il  serait  du 
plus  haut  intérêt  de  savoir  son  siège,  avec  la  plus  grande  précision.  L’hé¬ 
miplégie  est  une  première  donnée  très-importante;  quel  que  soit  son  de¬ 
gré,  qu’elle  soit  complète  ou  incomplète,  bornée  à  l’un  des  membres  ou 
étendue  à  tous  deux,  l’épanchement  a  pour  siège  le  côté  opposé  du  cer¬ 
veau,  cette  vérité  paraît  remonter  à  Hippocrate  ;  «  Il  arrive  parfois  des 
paralysies  à  gauche  si  la  plaie  est  à  droite,  à  droite  si  la. plaie  esta 
gauche.  »  (Hippocrate,  des  Épidémies,  livre  VII  ;  traduction  E.  Littré, 
t.  Y,  page  405.)  Guillaume  de  Salicet  exprime  le  fait  a  peu  près  dans 
les  mêmes  termes,  mais  la  démonstration  appartient  surtout  à  Valsalva; 
toutefois,  de  son  temps  même,  quelques  médecins,  sans  nier  cette  loi 
admettaient  que  quelquefois  la  paralysie  peut  être  du  même  côté  que  la 
lésion  du  cerveau,  ce  dernier  fait  est  confirmé  par  des  observations  dues  à 
Morgagni,  Lancisi,  Desault,  et  de  nos  jours,  Blandin,  Bayle  et  Dechambre. 
C’est  à  tort  que  Gall  et  Spurzheim  prétendirent  l’expliquer  par  le  défaut 
d’entre-croisement  des  faisceaux  olivaires  de  la  moelle  ;  cet  entre-croise¬ 
ment  ne  laisse  pas  de  doute,  et  Longet  attribue  cette  paralysie  non  croisée 
à  la  suite  d’un  épanchement  sanguin,  à  des  anomalies  dans  la  marche  et 
la  disposition  des  libres  nerveuses,  à  leur  passage  dans  le  bulbe  et  la  pro¬ 
tubérance  annulaire;  il  est  question  d’ailleurs  ici  d’un  fait  très-excep¬ 
tionnel,  et  la  loi  est  toujours  qu’il  faut  rapporter  l’hémiplégie  à  une  com¬ 
pression  dans  le  côté  opposé  du  cerveau. 

Maintenant  la  paralysie  peut  porter  sur  les  mouvements,  ou  à  la  fois  sur 
les  mouvements  et  la  sensibilité.  Y  a-t-il  dans  le  cerveau  des  parties  dis¬ 
tinctes  pour  le  sentiment  et  le  mou vement?.L’anatomie  démontre  que  l’en¬ 
céphale  reçoit  de  la  moelle  des  fibres  motrices  et  sensitives,  de  sorte  que 
les  lésions  d’une  partie  quelconque  de  cet  organe  peuvent  entraîner  indif¬ 
féremment  des  altérations  plus  ou  moins  profondes  de  la  sensibilité  ou 
du  mouvement. 

La  paralysie  est-elle  étendue  à  tout  un  côté  du  corps,  ou  bornée  à  un 
seul  membre  ?  Les  recherches  d’Andral  ont  démontré  que  la  lésion  du  corps 
strié  ou  lobule  antérieur  chez  l’homme  peut  causer  la  paralysie  d’un  seul 


,26  ENCÉPHALE.  —  compression  du  cerveau. 

membre,  soit  thoracique,  soit  abdominal  ou  des  deux  à  la  fois,  et  que  ré¬ 
ciproquement  les  mêmes  paralysies  peuvent  être  dues  à  la  lésion  de  la 
couche  optique  ou  lobule  postérieur  cérébral;  on  ne  connaît  donc  pas  en¬ 
core,  dit  Andral,  quel  est  le  siège  distinct  du  principe  des  mouvements 
des  membres  supérieurs  et  inférieurs  ;  le  siège  de  la  paralysie  ne  peut 
donc  pas  conduire  à  conclure  au  siège  de  la  partie  comprimée  du  cerveau, 
ni  à  la  place  qu’occupe  l’épanchement. 

Je  n’insisterai  pas  sur  l’ignorance  complète  où  nous  sommes  de  la  loca¬ 
lisation  desfonctions  du  cerveau  et  du  cervelet  pour  établir  l’impossibilité 
de  déterminer  le  siège  d’un  épanchement  traumatique,  d’autant  moins 
qu’à  une  telle  profondeur  dans  le  cerveau,  il  resterait  inaccessible  à  la 
pratique.  Il  est  plus  sûr  et  plus  pratique  de  chercher  à  découvrir  le  siège 
de  l’épanchement  par  des  signes  extérieurs.  S’il  existe  une  fracture  du 
crâne,  il  y  a  une  grande  probabilité  que  dans  le  cas  où  la  paralysie  ne 
tient  pas  à  la  compression  exercée  par  les  fragments,  l’épanchement  qui 
la  produit  est  au-dessous  ou  au  voisinage  de  cette  fracture.  Le  siège  de  l’é¬ 
panchement  se  présume  alors  par  les  signes  de  la  fracture  ;  la  vue  et 
l’examen  de  la  plaie,  la  contusion  du  cuir  chevelu,  une  bosse  sanguine, 
une  douleur  fixe  dans  un  point  de  la  tête,  le  mouvement  automatique 
qui  conduit  la  main  du  malade  à  ce  point  douloureux,  etc.  Quelquefois 
il  faudra  inciser  les  téguments  pour  reconnaître  la  fracture;  c’est  une 
simple  fêlure  ou  une  solution  du  crâne  avec  écartement,  qui  laisse  suinter 
du  sang;  mais  ce  sang  d’où  vient-il?  est-ce  d’un  foyer  situé  entre  la 
dure-mère  et  les  os,  ou  d’un  sinus  ouvert?  il  est  à  peu  près  impos¬ 
sible  de  le  déclarer  avant  l’application  du  trépan.  Dans  ces  conditions 
l’hémiplégie  domine  la  question,  elle  existe  et  si  on  est  fondé  par  quelque 
probabilité  à  croire  à  la  situation  de  l’épanchement  au  niveau  de  la 
fracture,  on  est  autorisé  à  opérer.  Abernethy  a  donné  un  signe  dont 
la  valeur  peut  être  contestée  ;  s’il  existe  un  épanchement  capable  de 
comprimer  le  cerveau,  il  veut  que  l’os  soit  mis  à  nu  et  comme  au 
même  niveau,  la  dure-mère  est  décollée  par  le  sang  épanché,  il  af¬ 
firme  que  cet  os  privé  à  la  fois  en  dedans  et  en  dehors  de  ses  commu¬ 
nications  vasculaires  donnera  moins  de  sang  par  la  surface  exté¬ 
rieure.  Cette  donnée  lui  a  suffi  en  diverses  circonstances,  soit  pour  ap¬ 
pliquer  le  trépan,  soit  pour  rejeter  l’opération.  Ce  signe,  dont  Abernethy 
reconnaît  l’insuffisance  chez  les  individus  âgés  et  à  circulation  languis¬ 
sante,  n’a  qu’une  valeur  très-incertaine,  notamment  dans  les  points  où 
les  os  du  crâne  manquent  de  diploé,  ainsi  que  dans  ceux  où  il  est  abon¬ 
dant,  parcouru  par  des  sinus  veineux;  aussi  n’est-il  pas  admis  par  la 
grande  majorité  des  chirurgiens. 

Certains  signes  tels  que  l’amaurose  d’un  seul  ou  des  deux  côtés,  l’ec¬ 
chymose  de  la  conjonctive  oculaire,  la  paralysie  faciale,  l’écoulement  de 
la  sérosité  par  l’oreille  ou  par  le  nez  indiqueront  la  fracture  et  l’épanche¬ 
ment  à  la  base  du  crâne.  Un  état  de  coma  et  de  stupeur  profonde  avec  ré¬ 
solution  et  paralysie  des  membres  des  deux  côtés  du  corps,  donnera  la 
présomption  et  la  presque  certitude  d’un  yaste  épanchement  pressant  sur 


ENCÉPHALE.  —  compression  du  cerveau.  27 

les  deux  hémisphères  cérébraux,  et  occupant  la  partie  centrale  et  infé¬ 
rieure  de  la  cavité  crânienne. 

Pronostic.  —  Le  pronostic  des  épanchements  sanguins  dans  le  crâne 
est  fort  grave,  ils  agissent  comme  corps  étrangers,  qui  compriment  le  cer¬ 
veau  et  peuvent  subir  une  fonte  purulente  bientôt  suivie  d’une  ménirigo- 
encéphalite;  cependant  quand  ils  sont  situés,  non  pas  dans  le  cerveau  lui- 
rnême,  mais  à  sa  surface;  lorsqu’ils  sont  diffus,  peu  abondants,  étendus  en 
quantité' médiocre  entre  la  dure-mère  et  les  os  du  crâne,  on  les  voit  quel¬ 
quefois  ne  donner  lieu  à  aucun  symptôme  sérieux,  et  finir  par  être  ré¬ 
sorbés  sans  accidents.  Ils  n’offrent  alors  aucune  indication  particulière, 
d’autant  moins  que  parfois  leur  existence  peut  rester  douteuse.  En  est-il 
de  même  dans  les  cas  où  l’épanchement  est  abondant  et  où  les  phéno¬ 
mènes  de  compression  cérébrale,  ou  la  paralysie  existe  d’un  seul  côté  du 
corps  et  surtout  du  côté  opposé  à  la  violence  exercée  sur  le  crâne? 

Traitement.  —  Ici  se  trouve  posée  la  question  du  trépan,  vaste  sujet 
de  controverse  où  les  plus  grands  chirurgiens  du  siècle  dernier  et  de  celui- 
ci  ont  émis  les  opinions  les  plus  opposées  en  se  fondant  presque  tous  sur 
des  arguments  en  apparence  d’égale  valeur,  sur  une  grande  expérience, 
et  avec  une  autorité  incontestable  de  part  et  d’autre. 

Disons  d’abord  qu’en  présence  des  épanchements  sanguins  intra-cr⬠
niens,  il  va  deux  partis  à  prendre  :  1°  obtenir  la  résorption  du  sang  par 
les  saignées  et  la  méthode  évacuante  ;  2°  donner  issue  au  sang  épanché 
au  moyen  du  trépan,  ou  quelque  opération  qui  pourrait  y  suppléer,  telle 
que  l’écartement  plus  grand  de  fragments  déjà  séparés,  l’extraction  de 
quelque  esquille  mobile  et  facile  à  enlever.  Tous  les  praticiens  sont  d’ac¬ 
cord  que  cette  dernière  pratique  dans  des  cas  particulièrement  favorables 
peut-être  essayée  avec  avantage,  mais  elle  est  en  dehors  de  la  question 
du  trépan,  qu’elle  peut  exiger  elle-même.  L’opération  du  trépan  dans  le 
dix-huitième  siècle  était  l’objet  d’une  sorte  de  fanatisme.  J.  L.  Petit,  Perci- 
valPott,  Quesnay,  toute  l’Académie  de  chirurgie  en  proclamaient  la  néces¬ 
sité  dans  tous  les  épanchements  et  toutes  les  fractures;  il  devait  délivrer  le 
cerveau  de  la  pression  exercée  sur  lui  ;  il  fallait  se  hâter  de  l’appliquer.  At¬ 
tendre,  c’était  s’exposer  à  voir  l’épanchement  se  former  lentement,  devenir 
considérable  et  s’enflammer  pendant  que  ses  signes  tardent  à  se  manifester. 
Ainsi  il  ne  fallait  pas  avoir  constaté  l’existence  de  la  collection  sanguine  ; 
une  fracture  existait,  elle  était  reconnue,  cela  suffisait.  On  pouvait  bien  se 
tromper,  il  est  vrai,  ne  pas  tomber  du  premier  coup  sur  le  siège  de  l’é¬ 
panchement,  mais  outre  que  les  mouvements  du  cerveau  devaient  pousser 
le  sang  vers  l’ouverture  pratiquée  au  crâne,  on  avait  la  ressource  de  multi¬ 
plier  les  couronnes  de  trépan.  Pott  partage  les  idées  de  J.  L.  Petit  que  je 
viens  d’énoncer;  il  appuie  sur  l’innocuité  du  trépan  comparée  à  la  gravité 
de  l’épanchement  ;  suivant  lui,  ce  ne  sera  que  dans  des  cas  fort  rares  que 
le  diagnostic  sera  en  défaut  et  l’opération  sans  résultat,  Boyer  se  sépare 
des  opinions  de  l’Académie  de  chirurgie  ;  il  rejette  le  trépan  préventif;  il 
veut  des  signes  positifs  de  l’existence  et  du  siège  de  l’épanchement, 
la  coexistence  de  la  compression  du  cerveau  et  d’une  fracture  du  crâne  au- 


28  ENCÉPHALE.  —  compression  dd  cerveau. 

torise  le  trépan  au  niveau  de  la  fracture,  car  là  est  le  foyer  ;  sans  fracture, 
il  y  a  incertitude  sur  le  siège  de  l’épanchement.  Faudra-t-il  donc  s’abs¬ 
tenir  alors  d’une  opération  qui  peut  être  utile?  si  les  symptômes  de  com¬ 
pression  persistent,  on  se  contentera  du  plus  léger  signe  local  pour  agir 
et  fixer  le  lieu  de  la  trépanation,  mais  en  l’absence  de  tout  signe  local, 
il  faut  s’abstenir. 

Desault  est,  au  contraire,  d’une  manière  absolue,  ennemi  du  trépan  ;  il 
s’en  prend  à  la  gravité  de  l’opération,  qui  expose  à  l’air  les  méninges  et 
le  cerveau.  Le  pratiquer  comme  moyen  préventif  est  une  témérité  con¬ 
damnable;  on  n’est  pas  sûr  que  l’épanchement  se  formera,  que  le  trépan 
y  correspondra.  Sait-on  s’il  n’existe  pas  une  autre  lésion  à  laquelle  l’opé¬ 
ration  ne  peut  remédier  et  qu’elle  peut  aggraver?  Dans  les  cas  de  com¬ 
pression  bien  établie  le  trépan  ne  vaut  guère  mieux;  il  ne  peut  rien  aux 
épanchements  diffus  en  nappe  à  la  surface  d’un  hémisphère;  c’est  en 
vain  qu’jn  multiplierait  les  ouvertures ,  la  partie  fibrineuse  du  sang  ne 
s’écoulerait  pas,  pas  plus  de  la  convexité  du  cerveau  qu’à  sa  base.  On  doit 
en  dire  autant  des  foyers  multiples  et  disséminés  près  de  la  surface,  et 
a  fortiori,  à  une  certaine  profondeur  dans  le  tissu  de  l’organe  ou  dans  les 
ventricules.  L’utilité  du  trépan  doit  donc  être  réservée  pour  les  épanche¬ 
ments  de  la  voûte  circonscrits  et  superficiels.  Or,  les  signes  manquent 
pour  arriver  à  un  diagnostic  aussi  précis,  et,  dans  le  grand  nombre  de  cas 
où  le  trépan  a  échoué,  il  en  est  beaucoup  où  l’on  n’est  pas  tombé  sur 
l’épanchement,  d’autres  où  il  a  été  impossible  d’en  produire  l’évacuation, 
d’autres  enfin,  où  des  complications  imprévues  ont  continué  les  accidents 
et  amené  la  mort  après  l’évacuation  du  foyer  sanguin.  Desault  conclut 
donc  à  l’abandon  du  trépan  ;  il  faut  abandonner  l’épanchement  aux  res¬ 
sources  de  la  nature,  sur  lesquelles  il  compte  beaucoup.  On  perdra  sans 
doute  quelques  blessés  qu’on  aurait  pu  sauver,  mais  ôn  en  sauvera  un 
plus  grand  nombre  dont  le  trépan  aurait  causé  la  mort,  et  on  n’aura  pas 
compromis  l’art  par  une  opération  trop  souvent  peu  justifiée.  Du  reste, 
Desault  n’avait  abandonné  le  trépan  qu’après  un  examen  approfondi  ;  il 
avait  commencé,  dans  les  premières  années,  soit  à  la  Charité,  soit  à 
l’Hôtel-Dieu,  par  appliquer  l’opération  à  toutes  les  fractures  avec  accidents, 
mais  l’expérience  lui  avait  appris  peu  à  peu  à  n’intervenir  que  dans  les 
cas  d’indication  la  plus  évidente,  et,  plus  tard,  à  bannir  le  trépan  de  sa 
pratique,  à  cause  de  son  inefficacité  ordinaire,  et,  au  contraire,  en  raison 
de  l’utilité  des  saignées  et  des  purgatifs. 

Dans  ces  dernières  années,  Gama  et  Malgaigne  ont  attaqué  le  trépan 
dans  ses  principes.  L’épanchement  n’est  que  pour  très-peu  de  chose  dans 
les  accidents  cérébraux;  ceux-ci  sont  produits  par  des  altérations 
des  méninges,  par  la  commotion  ou  la  contusion  cérébrale  ;  à  quoi  bon 
trépaner?  c’est  l’inflammation  qu’on  doit  combattre.  Malgaigne  s’appuie 
particulièrement  sur  le  résultat  de  quinze  opérations  de  trépan  pratiquées 
dans  les  hôpitaux  de  Paris,  de  1830  à  1841,  qui  toutes  ont  été  suivies  de 
mort. 

Percival  Pott  émet  une  conclusion  diamétralement  opposée  à  celle  de 


ENCÉPHALE.  — compression  du  cerveau.  29 

Desault;  il  ne  doute  pas,  dit-il,  que,  malgré  des  échecs  dus  à  la  gravité 
de  lésions  au-dessus  des  ressources  de  l’art  et  à  quelques  opérations 
superflues,  faites  dans  des  cas  qui  auraient  pu  guérir  sans  trépan,  celui-ci 
n’ait  rendu  de  grands  services  à  l’humanité  en  conservant  un  grand 
nombre  d’existences  perdues  sans  lui,  vérité  dont  il  est  convaincu  autant 
que  possible  après  une  longue  pratique  chirurgicale. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  Malgaigne  a  fondé  son  opposition  au 
trépan  sur  quinze  opérations  suivies  de  mort.  Par  contre,  les  auteurs 
du  Compendium  de  chirurgie,  qui  ont  étudié  cette  question  avec  le  plus 
grand  soin,  citent  deux  thèses  soutenues  à  Halle,  en  1835  et  1836,  sous  la 
direction  du  professeur  Blasius,  sur  l’utilité  du  trépan,  dont  les  conclu¬ 
sions  sont  beaucoup  plus  favorables  à  cette  opération.  La  première,  due 
à  A.  Schwarz,  est  le  résumé  de  500  applications  de  trépan  sur  le  crâne, 
dont  330  avec  une  heureuse  issue  ;  422  de  ces  opérations  avaient  été 
faites  pour  des  plaies  de  tête,  et  avaient  donné  270  succès  et  152  in¬ 
succès.  La  seconde,  soutenue  par  Ed.  Walther,  est  un  tableau  de  342  cas 
de  plaies  de  tête,  que  les  partisans  du  trépan  auraient  jugées  opérables 
sans  qu’il  ait  été  appliqué,  et  il  y  eut  83  guérisons  et  159  morts.  La  thèse 
de  Schwarz  prouve  aussi  que  l’application  du  trépan  est  d’autant  plus 
efficace  qu’il  est  appliqué  plus  tôt;  son  application  immédiate  ou  primitive 
a  eu  120  succès  sur  133  cas.  L’opération,  faite  seulement  après  l’appa¬ 
rition  d’accidents  cérébraux,  n’eût  plus  fourni  qu’un  nombre  égal  de 
morts  et  de  guérisons.  La  convenance  de  l’opération  qui  suit  de  près  l’acci¬ 
dent  n’est  contestée  par  personne  ;  mais  ce  sont  toujours  les  indications 
qui  partagent  les  chirurgiens. 

Au  milieu  d’un  pareil  conflit  d’arguments  et  d’autorités ,  à  quoi  se 
résoudre?  Sauf  Gama  et  Malgaigne,  l’existence  d’un  épanchement  sanguin 
intra-crânien  est  jugée  une  cause  d’accidents  présents  et  à  venir,  contre  les¬ 
quels  les  ressources  de  la  nature  sont  faibles  ;  l’indication  est  d’ouvrir  une 
voie  au  sang  épanché,  mais  la  difficulté  est  le  diagnostic  de  la  collection 
sanguine  et  de  son  siège.  Toutefois,  n’a-t-on  pas  été  bien  loin  en  décla¬ 
rant  que  dans  les  recherches  nécessaires  l’erreur  était  inévitable  et  que  le 
hasard  seul  faisait  que  le  chirurgien  tombât  sur  l’épanchement?  Il  est 
évident  que  cette  opinion  est  exagérée.  Examinons,  en  effet,  les  cas  qui 
peuvent  se  présenter:  d’abord,  et  sans  conteste,  proscrivons  le.  trépan 
préventif  préconisé  au  dix-huitième  siècle,  mais  voyons  les  cas  d’indi¬ 
cation  : 

1°  Après  une  percussion  de  la  tête,  on  a  les  signes  de  l’épanchement, 
l’hémiplégie  et  une  fracture  sur  le  côté  du  crâne  opposé  à  la  paralysie  ;  il 
faut  trépaner  sur  la  fracture.  Est-il  nécessaire  qu’alors  la  fracture  soit 
compliquée  de  plaie,  parce  qu’alors  l’air  communiquant  avec  le  foyer  de 
la  fracture,  le  trépan  n’ajoutera  rien  aux  dangers  de  la  blessure?  L'indi¬ 
cation  n’est  pas  moins  positive  sjans  plaie,  car  le  principal  danger  vient 
de  l’épanchement. 

2“  Tous  les  signes  de  l’épanchement  existent  excepté  l’hémiplégie,  et, 
de  plus,  il  y  a  un  signe  local,  fracture,  un  point  douloureux,  de  l’empâ- 


50 


ENCÉPHALE.  —  compression  du  cerveau. 
tement  au  siège  d’une  contusion.  J.  L.  Petit  et  Pott  n’hésitaient  pas 
alors,  mais  de  nos  jours  la  grande  majorité  des  chirurgiens,  en  France 
du  moins,  n’opérent  pas  dans  ce  cas,  et  cependant  s’il  y  a  fracture,  si  le 
signe  local  est  une  fracture,  les  auteurs  du  Compendium  conseillent  de 
pratiquer  le  trépan . 

5°  L’épanchement  est  constaté,  il  y  a  hémiplégie,  mais  pas  de  signe 
local  ;  en  conséquence  on  ignore  le  lieu  précis  de  la  collection ,  mais  on 
connaît  le  côté.  Il  est  très-rare  qu’on  se  décide  à  opérer,  car  on  serai 
exposé  à  multiplier  les  couronnes  de  trépan  sans  rencontrer  l’épanche¬ 
ment;  mais  est-il  fréquent  de  ne  pas  trouver  de  signe  local  quand  il  y,  a 
hémiplégie?  Je  ne  le  pense  pas. 

4“  Il  y  a  des  signes  d’épanchement,  pas  d’hémiplégie,  pas  de  signe  local; 
on  est  d’accord  aujourd’hui  contre  l’opération  à  faire  dans  de  pareilles 
conditions,  en  dépit  du  sentiment  de  van  Swieten,  qui  conseille  d’ouvrir 
au  hasard  les  pariétaux,  parce  qu’ils  occupent  la  plus  grande  partie  de  la 
voûte  du  crâne  et  que  de  gros  vaisseaux  rampent  à  leur  face  interne. 

5“  L’hémiplégie  existe,  et  il  y  a  un  signe  local,  mais  du  côté  paralysé; 
on  pourra  admettre  qu’il  y  a  un  épanchement  par  contre- coup  du  côté 
opposé  au  signe  local.  Mais  où  faudra-il  trépaner?  au  niveau  du  signe 
local,  une  fracture  par  exemple ,  on  s’expose  à  ne  pas  trouver  de  sang 
épanché,  ou  du  moins,  à  ne  pas  pouvoir  l’évacuer.  Sera-ce  du  côté 
opposé?  Mais  on  ignore  le  siège  précis  de  l’épanchement.  On  s’abstient, 
dans  ce  cas,  de  l’opération. 

6°  Si  le  signe  local  est  une  fracture  placée  sur  le  trajet  d’un  sinus  de 
la  dure-mère  ou  de  l’artère  méningée  moyenne,  on  se  résoudra  plus 
volontiers  à  opérer,  car  il  est  probable  que  l’épanchement  vient  de  la 
lésion  de  ce  sinus  ou  de  l’artère. 

7“  Avec  ou  sans  signe  local,  l’état  de  stupeur  et  de  résolution  générale 
contre-indique  le  trépan  ;  sans  doute  alors  l’épanchement  est  considérable 
et  diffus,  ou  il  y  a  complication  de  quelque  autre  lésion  cérébrale.  On  sera 
d’autant  plus  éloigné  d’opérer,  que  des  signes  particuliers  annonceront 
une  fracture  de  la  base  du  crâne  :  ecchymose  sous  la  conjonctive  oculaire, 
écoulement  de  sérosité  par  l’oreille  ou  les  narines,  etc. 

8"  Dans  les  cas  de  fracture  avec  écartement  des  fragments,  d’esquille 
mobile,  le  sang  peut  quelquefois  s’écouler  de  lui-même  en  suffisante 
quantité  pour  que  la  compression  diminue.  Attendre  alors  en  favorisant 
l’issue  du  sang  par  la  position,  ou  bien  encore  enlever  une  esquille 
mobile  et  facile  à  détacher;  mais  si  malgré  l’écoulement  du  sang  les 
symptômes  de  compression  ne  cessent  pas  ou  s’accroissent,  on  est  autorisé 
à  trépaner. 

9“  Serait-il  quelquefois  convenable  de  se  borner  à  écarter  davantage, 
soit  la  suture  entr’ouverte  par  une  fracture,  soit  les  fragments  de  cette 
solution  de  continuité,  et  d’interposer  entre  ces  fragments  un  coin  de  bois 
pour  en  maintenir  la  séparation?  Quelques  exemples  favorables  à  cette 
pratique,  dus  à.  Carcano  Léone,  au  seizième  siècle,  à  Giraud,  ancien 
chirurgien  en  second  de  l'Hôtel-Dieu,  et  à  Champion,  autoriseraient  à 


ENCÉPHALE.  —  compression  dü  cerve.\o.,  31 

l’imiter,  mais  il  vaudrait  mieux,  ce  me  semble,  au  niveau  de  cet  écarte¬ 
ment  insuffisant,  appliquer  une  couronne  de  trépan. 

Après  une  étude  aussi  étendue  et  aussi  consciencieuse,  due  en  grande 
partie  aux  auteurs  du  Compendium  de  chirurgie,  il  pourra  paraître 
superflu  d’analyser  un  travail  beaucoup  plus  récent,  fait  en  1867,  par 
Léon  Le  Fort,  travail  relativement  très- favorable  au  trépan.  Je  crois 
cependant  devoir  en  dire  quelques  mots  et  en  faire  connaître  les  con¬ 
clusions.  L.  Le  Fort  critiqué  la  base  ordinairement  prise  par  les  chirur¬ 
giens  pour  la  détermination  du  trépan  ;  «  L’opération  a  toujours  été 
examinée,  dit-il,  au  point  de  vue  unique  de  ses  rapports  avec  l’anatomie 
pathologique.  »  Il  veut  que  l’on  procède  autrement  et  qu’on  arrive  à  une 
solution,  dans  les  cas  douteux,  par  l’étude  des  symptômes.  «Ce  sont  les 
symptômes,  ajoute-t-il,  qui  peuvent  seuls  nous  éclairer  sur  la  nature  et 
le  siège  des  lésions  locales;  il  nous  faut  donc,  tout  d’ahord  étudier  la 
signification  de  chacun  de  ces  symptômes  et  les  rattacher  aux  lésions 
cachées  dans  les  profondeurs  de  la  cavité  crânienne.  » 

Puis  il  rapporte  les  phénomènes  observés  à  trois  ordres  principaux  ; 

1°  Coma,  insensibilité,  stupeur,  souvent  avec  stertor,  persistant  depuis 
l’accident  ; 

2“  Fièvre,  agitation,  délire,  douleurs  de  tête,  convulsions  épilepti¬ 
formes  ; 

3°  Hémiplégie  seule  ou  accompagnée  de  convulsions  légères. 

A  quel  genre  de  lésions  doit-on  rapporter  chacune  de  ces  catégories  de 
symptômes? 

Le  coma  persistant  après  un  coup  ou  une  chute  sur  la  tête,  indique 
presque  toujours  une  lésion  profonde  du  cerveau  ou  d'un  organe  splanch¬ 
nique.  Lorsqu’il  est  profond,  accompagné  de  résolution  complète  des 
membres  et  de  stertor,  il  faut  s’abstenir.  Si,  au  contraire,  il  n’y  a  pas 
sidération  complète,  si  la  paralysie  est  limitée  à  un  seul  côté,  il  peut 
être  permis  d’intervenir  par  l’opération,  mais  il  est  souvent  convenable 
de  différer  de  quelques  heures,  jusqu’à  ce  que  la  cessation  de  la  syncope 
cérébrale  permette  aux  phénomènes  d’une  lésion  limitée  du  cerveau  de  se 
montrer.  Toutefois  le  trépan,  dans  ces  conditions ,  n’empêche  pas  une 
mortalité  de  75  pour  100  ;  d’autre  part,  dans  quelques-uns  de  ces  cas,  il 
y  a  possibilité  de  guérison  sans  opération. 

La  fièvre,  le  délire,  la  céphalalgie,  les  convulsions  épileptiformes,  sont 
pour  L.  Le  Fort  les  phénomènes  plus  importants  au  point  de  vue  des  in¬ 
dications  thérapeutiques  ,  et  ils  ont  trop  souvent  été  considérés  comme 
signes  de  compression.  Ils  sont  l’indice  soit  d’une  lésion  limitée  du  cer¬ 
veau,  soit  d’une  inflammation  localisée  ou  généralisée  de  l’organe,  quel¬ 
quefois  de  toutes  deux  ensemble.  Quand  le  trépan  a  été  appliqué  il  n’est 
pas  démontré  que  parfois  la  méningite  ne  soit  pas  consécutive  plutôt 
qu’antérieure  à  l’opération. 

Quand  les  convulsions  sont  immédiates  après  le  coup  reçu,  elles  sont 
presque  toujours  le  résultat  de  l’irritation  d’un  point  limité  du  cerveau, 
due  à  la  compression  par  un  fragment;  une  déchirure  partielle,  la  désor- 


52  ENCÉPHALE.  —  compression  dü  cerveau. 

ganisation  d’un  lobe  cérébral,  la  blessure  par  des  esquilles.  Mais  si  elles 
■ne  viennent  qu’après  un  temps  plus  ou  moins  long,  elles  indiquent  presque 
toujours  une  encéphalite  autour  d’unfoyer  de  contusion  du  cerveau.  (Voy. 
plus  haut  Contusion  cérébrale.)  Ces  convulsions  se  sont  montrées  dans  les 
observations  qui  servent  de  base  aux  idées  de  L.  Le  Fort,  depuis  le  premier 
jour  jusqu’au  vingt-neuvième  et  même  au  quarante  et  unième.  Le  trépan 
a  donné  de  tristes  résultats,  la  mortalité  a  été  de  94  p.  100  après  l’opéra¬ 
tion  et  seulement  de  10  p.  100  chez  les  non-opérés. 

Enfin  l’hémiplégie  seule  ou  acconipagnée  de  convulsions  limitées  aux 
membres  paralysés,  est  pour  tous  les  chirurgiens  un  signe  de  compression. 
Elle  peut  tenir  à  la  contusion  cérébrale,  le  plus  souvent  elle  est  produite 
par  des  épanchements,  qui  pressent  sur  un  point  du  cerveau,  et  la  pression 
se  transmet  aux  parties  profondes,  corps  striés,  couches  optiques  ;  de  là 
les  perturbations  fonctionnelles ,  si  l’épanchement  était  disséminé  sur 
toute  la  surface  de  l’organe.  Qu’elle  soit  causée  par  un  fragment  osseux 
ou  par  un  épanchement  de  sang,  il  faut  se  hâter  d’opérer. 

Il  nous  est  impossible  de  donner  ici  une  analyse  complète  du  travail  de 
Léon  Le  Fort,  d’autant  plus  qu’il  est  fondé  sur  un  grand  nombre  d’observa¬ 
tions  étrangères,  dont  plusieurs  au  moins  laissent  à  désirer  sous  le  rapport 
des  détails  d’anatomie  pathologique.  Je  me  bornerai  à  transcrire  ici  ses 
conclusions. 

En  résumé,  trois  ordres  de  phénomènes  dominent  la  pathologie  des 
coups  et  blessures  de  la  tête  et  les  indications  thérapeutiques  des  accidents 
au  point  de  vue  del'opération  du  trépan;  ce  sont  :  lecoma,  les  convulsions, 
l’hémiplégie.  Dans  le  coma,  la  règle  est  d’attendre;  dans  les  convulsions, 
le  principe  est  de  n’opérer  jamais,  ou  presque  jamais  ;  dans  l’hémiplégie 
simple  ou  compliquée  de  convulsions  partielles,  l’indication  est  d’inter¬ 
venir  toujours,  ou  presque  toujours,  et  d’intervenir  de  bonne  heure. 

Dans  le  cas  d’accidents  tardifs,  il  faut  intervenir,  si  à  l’hémorrhagie  céré¬ 
brale  se  joignent  des  signes  de  fracture  avec  dénudation  du  crâne  ;  et  si, 
à  la  suite  du  trépan  on  ne  trouve  pas  d’épanchement,  il  ne  faut  pas 
craindre  de  porter  le  bistouri  dans  les  couches  extérieures  du  cerveau 
présumées  être  le  siège  d’un  abcès. 

Dans  tous  les  cas  où  le- doute  existe,  il  faut  agir. 

Dans  ces  conditions,  le  trépan  est  une  opération  excellente,  qui  mérite 
de  prendre  dans  la  pratique  de  la  chirurgie  française  une  place  honorable 
aussi  éloignée  de  l’engouement  dentelle  futl’objetau  temps  de  l’Académie 
de  chirurgie  que  du  discrédit  où  elle  est  tombée  aujourd’hui. 

Je  ne  crois  pas  que  les  chirurgiens  français,  pour  se  décider  pour  ou 
contre  l’opération,  n’aient  pas  pris  en  considération  les  symptômes  des 
lésions  cérébrales: coma,  convulsions,  délire,  hémiplégie.  Pour  ce  dernier 
phénomène,  cela  n’est  pas  contestable,  et  L.  Le  Fort  lui-même  ne  le  nie 
pas  ;  quant  aux  premiers,  on  verra,  dans  la  septième  conclusion  citée  plus 
haut  que,  dans  le  cas  de  stupeur  et  de  résolution  générale,  il  faut  s’abs¬ 
tenir,  ainsi  qu’il  le  conseille  lui-même;  qu’il  le  faut  encore,  si  quelque 
signe  local,  ecchymose  sous-conjonctivale,  écoulement  de  sérosité  par  l’o- 


ENCEPHALE.  —  plaies  du  cerveau. 


33 


reil'le,  etc.,  indique  une  fracture  et  le  prolongement  de  l’épanchement  à  la 
base  du  crâne.  On  s’abstient  toujours  de  pratiquer  le  trépan  lorsque  dans 
une  fracture  les  signes  propres  à  la  contusion,  c’est-à-dire  la  méningo- 
encéphalite,  se  sont  manifestés.  Pourquoi  penser  que  la  constatation  de 
ces  lésions  inflammatoires  n’aient  été  jusqu’ici  pour  rien  dans  l’alistention 
de  l’opération  ?  Én  ce  qui  me  concerne,  je  le  conteste  absolument.  Seule¬ 
ment  il  a  toujours  fallu  que  des  signes  locaux  précis  aient  indiqué  le  lieu 
du  trépan,  l’hémiplégie  n’a  pas  suffi  depuis  quarante  ans.  L.  Le  Fort  paraît 
vouloir  que,  dans  le  cas  de  doute,  ce  qui  signifie  en  l’absence  de  signe 
local  suffisamment  établi,  on  opère.  C’est  rentrer  du  reste  dans  les  prin¬ 
cipes  des  plus  grandes  illustrations  chirurgicales  du  dix-huitième  siècle, 
J.  L.  Petit,  Pott,  etc.,  etc.,  et  on  peut  se  trouver  en  moins  bonne  compa¬ 
gnie;  mais  j’ai  bien  de  la  peine  à  croire  que  la  chirurgie  française 
revienne  pour  ainsi  dire  sur  ses  pas  à  ce  sujet,  et  que,  dans  tous  les  cas  où 
le  doute  a  lieu,  elle  se  décide  à  agir.  Elle  opère  dans  les  cas  non  douteux 
d’hémiplégie  avec  enfoncement  des  fragments  ;  si  elle  s’arrête  alors,  c’est 
que  des  signes  d’encéphalite  avec  contusion  cérébrale  contre-indiquent 
l’opération;  elle  n’hésite  jamais,  s’il  y  a  présence  d’un 'corps  étranger  en 
partie  saillant  au  dehors.  Il  faut  convenir,  d’autre  part,  que  les  cas  d’indi¬ 
cation  précise  du  trépan  sont  fort  rares  dans  chaque  service  de  nos  hôpi¬ 
taux  civils,  et,  pour  les  cas  compliqués  et  suspects  de  lésions  profondes, 
L.  Le  Fort  n’est  pas  lui-même  favorable  à  l’opération  ;  la  mortalité  de 
75  p.  100  n’est  pas  encourageante;  celle  de  10  p.  100  pour  les  non-opérés 
est  préférable,  car  comment,  dans  ces  cas  compliqués,  éviter  les  phlegma- 
sies  des  méninges,  délire,  convulsions,  etc.?  Le  malade  (sur  quatre)  qui 
sera  guéri  ne  devra  sa  guérison  qu’à  l’existence  de  contusion  cérébrale  sous 
la  fracture  même,  circonstance  qui  aura  permis  aux  esquilles  d’être 
extraites,  à  la  bouillie  cérébrale  d’être  expulsée,  à  l’inflammation  d’être 
circonscrite.  En  somme  cependant  j’espère  que  le  mémoire  de  L.  Le  Fort 
encouragera  les  jeunes  chirurgiens  à  être  plus  actifs  dans  les  cas  simples 
et  à  ne  pas  se  laisser  entraîner  dans  l’abstention  systématique  de 
Desault. 

Plaies  du  cerveau.  —  Après  avoir,  au  début  de  cet  article,  fait 
comprendre  comment  les  chocs  et  les  plaies  du  crâne  peuvent  exercer  leur 
influence  jusqu’au  cerveau,  il  est  convenable  en  ce  moment  de  traiter  des 
plaies  de  cet  organe  lui-même.  Il  peut  être  atteint  dans  son  épaisseur  par 
des  instruments  piquants,  tranchants  ou  contondants.  Les  premiers,  tels 
que  des  instruments  étroits  et  effilés,  peuvent  arriver  au  cerveau  par 
l’orbite  ou  les  fosses  nasales,  en  traversant  les  parois  de  ces  cavités  ou  en 
pénétrant  directement  sans  fracture  des  os  par  le  trou  optique  ou  la  fente 
sphénoïdale  :  ce  sont  des  épées,  des  fleurets  déboutonnés,  etc.  Mais  le  plus 
souvent  ils  pénètrent  par  la  voûte  et  d’autant  plus  aisément  qu’ils  agissent 
sur  les  points  les  plus  faibles  de  cette  voûte,  la  région  temporale,  par  exem¬ 
ple  ;  et  malheureusement  ils  produisent  sur  leur  passage  des  fractures  dont 
les  éclats  déjetés  vers  la  substance  cérébrale  peuvent  aussi  la  blesser,  la  dé¬ 
chirer  dans  une  plus  grande  étendue  que  ne  l’eût  fait  la  pointe  de  l'instru- 

NOÜT.  DICT.  MED.  ET  CHIE.  XIII. - 5 


34 


ENCÉPHALE.  —  plaies  du  cerveau. 

ment  lui-même.  Les  piqûres  du  cerveau  sont  toujours  graves,  mais  il  en 
est  de  mortelles  subitement,  ou  en  quelques  heures  ou  quelquesjours.  Ce 
sont  celles  qui  lèsent  les  parties  profondes,  centrales,  la  protubérance,  le 
cervelet,  la  moelle  allongée.  Les  plaies  qui  intéressent  la  partie  supérieure 
ou  latérale  des  hémisphères  offrent  beaucoup  moins  de  gravité,  surtout 
si  elles  sont  superficielles.  Il  est  pourtant  des  exemples  de  plaies  qui,  en 
suivant  cette  voie,  sont  arrivées  probablement  à  une  notable  profondeur, 
puisqu’elles  ont  laissé  à  leur  suite,  après  la  guérison,  des  troubles  fonc¬ 
tionnels  de  la  respiration,  de  la  déglutition,  de  la  voix,  qui  indiquent  la 
pénétration  de  l'instrument  jusqu’à  l’origine  de  quelques  nerfs  encé¬ 
phaliques.  Larrey  cite  deux  observations  de  ce  genre;  l’une  d’elles  est  un 
exemple  d’aphasie  par  lésion  de  la  partie  interne  et  postérieure  du  lohe 
antérieur  gauche  du  cerveau,  par  un  fleuret  rompu  ;  elle  ne  paraît  pas 
avoir  attiré  l’attention  des  auteurs  qui  ont  traité  de  l’aphasie.  {Mémoires 
de  chirurgie  militaire,  t.  IV,  p.  210  et  suivantes.) 

Le  diagnostic  de  ces  plaies  n’est  pas  toujours  facile  ;  le  doute  cesse, 
s’il  y  a  issue  de  la  substance  cérébrale,  ou  à  la  présence  du  corps  étran¬ 
ger  resté  dans  la  plaie  ;  certains  symptômes  cependant  de  lésions  cé¬ 
rébrales  ne  laissent  encore  aucun  doute,  mais  le  pronostic  peut  être 
incertain,  car  des  blessures  en  apparence  légères  ont  eu  souvent  des  suites 
funestes,  et  réciproquement  des  plaies  menaçantes  ont  eu  des  résultats 
moins  graves  qu’on  ne  l’aurait  cru.  Toutefois  celles  qui  pénètrent  par 
l’orbite  à  une  certaine  profondeur  dans  le  cerveau,  fût-ce  même  par  un 
instrument  étroit,  sont  presque  constamment  mortelles. 

Le  danger  des  piqûres  du  cerveau,  indépendamment  du  siège  et  de 
l’importance  physiologique  des  parties  atteintes,  tient  moins  à  l’épanche¬ 
ment  sanguin  qu’à  la  présence  des  corps  étrangers,  et.surtout  à  l’inflam¬ 
mation  du  cerveau  et  des  méninges  ainsi  qu’à  la  formation  d’abcès  qui  ne 
trouvent  pas  une  issue  facile. 

Les  indications  sont  donc  d’enlever  les  corps  étrangers  et  de  prévenir 
l’inflammation;  nous  verrons  plus  loin  ce  qu’il  faut  faire  pour  extraire  les 
corps  étrangers  et  évacuer  les  abcès;  c’est  encore  là  une  question  d’appli¬ 
cation  du  trépan. 

Les  plaies  par  instrument  tranchant  intéressent  surtout  le  cerveau  au 
niveau  de  la  voûte  du  crâne.  Bien  qu’elles  offrent  plus  d’étendue  que  les 
plaies  par  instruments  piquants,  elles  sont  cependant  moins  dangereuses, 
à  égalité  de  profondeur,  parce  qu’une  voie  plus  large  est  ouverte  aux 
liquides,  qu’ils  résultent  de  l’ouverture  des  vaisseaux,  ou  qu’ils  soient  le 
produit  de  l’inflammation.  Des  plaies  même  fort  étendues  ont  pu  guérir 
grâce  à  ces  circonstances  favorables.  Lamotte  cite  l’exemple  remarquable 
d’une  plaie  faite  par  un  coup  de  sabre  tellement  violent  que  le  pariétal 
droit  était  fendu  dans  la  longueur  de  5  à  6  centimètres,  le  gauche  dans 
l’étendue  de  9  à  10  ;  le  sinus  longitudinal  supérieur  avait  été  divisé  ainsi 
que  le  cerveau  ;  une  hémorrhagie  abondante  eut  lieu  et  peut-être  contribua- 
t-elle  à  conjurer  les  accidents  inflammatoires  ;  il  n’y  eut  aucun  accident 
consécutif  et  la  guérison  fut  obtenue  en  deux  mois  et  demi.  On  jieut  trouver 


ENCÉPHALE.  —  plaies 


CERVEAO. 


35 


un  certain  nombre  de  cas  analogues  dans  l’histoire  de  la  science;  par 
contre,  on  y  verra  que  des  plaies  moins  profondes,  ayant  mis  à  nu  le  cer¬ 
veau,  mais  dans  une  très-petite  étendue,  ont  été  suivies  d’accidents  promp¬ 
tement  mortels.  Malle,  dans  sa  Clinique  chirurgicale  (in-8“,  1838),  cite 
l’observation  d’un  militaire  blessé  en  duel  d’un  coup  de  sabre  à  la  partie 
moyenne  du  pariétal  droit,  qui  avait  fait  une  plaie  de  deux  pouces  de  lon¬ 
gueur,  avait  divisé  l’os,  entamé  la  dure-mère  dans  l’étendue  de  deux 
lignes;  à  peine  le  cerveau  avait-il  été  touché;  cependant  le  blessé  succomba 
huit  jours  après  aux  accidents  inflammatoires.  A  l’autopsie,  on  trouva  une 
méningite  diffuse,  et  au  niveau  du  coup  reçu  un  ramollissement  cérébral 
très-circonscrit. 

A  la  bataille  de  Landrecies ,  vingt-deux  blessés  avaient  eu  le  vertex 
emporté  par  des  coups  de  sabre  portés  horizontalement.  Sur  ce  nombre 
il  y  en  avait  douze  dont  la  plaie  avait  la  largeur  de  la  main,  et  offrait 
une  perte  de  substance  .considérable  de  la  dure-mère  et  du  cerveau  ;  chez 
les  dix  autres  la  plaie  était  moins  étendue.  Tous  ces  malheureux  firent 
plus  de  soixante  lieues  à  pied  en  six  jours,  et  avaient  été  à  peine  pansés. 
A  la  fin  de  la  seconde  semaine,  les  douze  premiers  commencèrent  à 
devenir  tristes  sans  fièvre  ni  malaise  prononcé;  mais  au  bout  de  deux 
ou  trois  jours  la  tristesse  augmenta,  le  malaise  survint,  les  plaies  devin¬ 
rent  sèches,  l’appétit  diminua,  et  les  blessés,  d’abord  privés  de  l’odorat, 
perdirent  dès  le  lendemain  la  vue  et  le  goût;  le  surlendemain  tous  les  sens 
étaient  abolis;  une  somnolence  profonde  se  montra  Sans  agitation  ni 
convulsions,  mais  le  cerveau  parut  de  plus  en  plus  affaissé  ;  la  dure-mère 
ridée  et  comme  desséchée.  La  prostration  des  forces  persista,  et  la  mort 
arriva  pour  tous  du  vingt  au  vingt-deuxième  jour. 

L’autopsie  démontra  un  ramollissement  cérébral;  aucune  collection 
purulente  n’avait  lieu,  toutefois,  ni  dans  le  cerveau,  ni  dans  les  vis¬ 
cères.  Les  autres  blessés  survécurent.  Le  danger  est  donc  proportion¬ 
nel  à  l’étendue  de  la  perte  de  substance  quand  le  cerveau  est  entamé; 
mais  les  soins  donnés  aux  blessés  ont  aussi  leur  importance.  Y  a-t-il 
pour  ces  plaies  quelques  préceptes,  et  notamment  dans  le  cas  où  un 
lambeau  comprenant  une  rondelle  osseuse  et  une  tranche  cérébrale 
a  été  presque  complètement  détaché?  Il  faut,  dans  le  but  d’éviter  l’in¬ 
flammation,  qui  est  le  grand  danger  de  ces  blessures,  réappliquer,  à 
l’exemple  de  Fallope  et  de  Larrey,  le  lambeau  dont  on  a  préalablement 
séparé  et  retranché  le  fragment  osseux,  les  débris  de  substance  cérébrale, 
et  le  maintenir  en  place  aussi  exactement  que  possible.  Si  plus  tard  une 
collection  de  liquide  due  à  l’inflammation  s’est  formée  sous  le  lambeau, 
une  contre-ouverture  à  la  base  lui  donnera  issue. 

Ainsi  qu’on  a  pu  le  voir  par  les  faits  cités  plus  haut,  et  dont  la  connais¬ 
sance  est  due  à  Paroisse  {Opuscules  de  chirurgie,  p.  41),  ces  plaies,  faites 
par  un  instrument  très-affilé  et  qui  a  agi  obliquement,  ne  s’accompagnent 
d’aucun  ébranlement  du  cerveau,  et,  d’autre  part,  la  largeur  qu’elles  pré¬ 
sentent  s’opposent  à  tout  épanchement  sanguin  dans  le  crâne;  mais  le 
liquide  céphalo-rachidien  trouve  un  écoulement  facile,  trop  facile  même, 


36  ENCÉPHALE.  —  plaies  dü  cervead. 

car  son  abondance,  démontrée  par  l’imbibition  rapide  des  bandages  dont 
on  couvre  la  plaie,  doit  contribuer  à  l’affaiblissement  du  blessé  et  hâter 
sa  mort.  L’exposition  du  cerveau  et  des  méninges  à  Pair,  au  contact  des 
pièces  d’appareil,  favorise  aussi  l’inflammation;  mais  ces  observations 
s’appliquent  tout  aussi  bien  aux  plaies  du  cerveau  par  armes  à  feu,  dont  je 
vais  traiter  à  l’instant  même.  Quelques  détails,  propres  aux  deux  genres 
de  plaies  pourvu  qu’elles  offrent  une  large  perte  des  substance,  seront 
mentionnés. 

Plaies  par  instrument  contondant,  plaies  par  armes  à  feu.  —  Certains 
instruments  tranchants,  en  raison  de  leur  poids,  et  s’ils  agissent  plutôt 
perpendiculairement  à  la  surface  du  crâne  que  dans  une  direction  oblique, 
sont  de  véritables  corps  contondants.  Ceux-ci  produisent  des  contusions 
et  des  déchirures  cérébrales,  soit  en  divisant  les  parties  molles  qui  recou¬ 
vrent  le  crâne  en  même  temps  qu’ils  brisent  cette  boîte  osseuse,  soit  en 
les  laissant  à  peu  près  intacts.  Dans  le  premier  cas,  il  y  a,  à  la  fois,  plaie 
confuse  du  crâne  et  du  cerveau.  Les  plaies  confuses  les  plus  fréquentes 
ont  lieu,  soit  dans  une  chute  d’un  lieu  plus  ou  moins  élevé,  dans  laquelle 
le  crâne  rencontre  un  corps  dur,  le  plus  souvent  inégal  ;  soit  par  la  per 
cussion  d’un  corps  pesant,  une  poutre,  une  pierre,  un  bâton,  une  barre 
de  fer,  soit  encore  celle  d’un  corps  moins  lourd,  mais  lancé  avec  une 
grande  vitesse,  par  exemple,  par  la  fronde.  Dans  ces  diverses  plaies,  le 
cerveau  est  confus,  piqué,  lacéré  par  les  fragments  du  crâne  fracassé.  Ce¬ 
pendant  il  peut  être  écrasé  par  le  corps  contondant  lui-même,  une  roue 
de  voiture,  une  pierre  de  taille,  ou  toute  autre  masse  d’une  grande  pe¬ 
santeur;  la  mort  est  alors  immédiate  ou  ne  tarde  guère,  le  blessé  étant 
aussitôt  plongé  dans  un  état  de  résolution  complète  des  membres  avec 
perte  de  l’intelligence,  affaiblissement  des  mouvements  du  cœur,  peti¬ 
tesse  du  pouls,  refroidissement  des  extrémités. 

Si  la  blessure  est  moins  grave,  elle  peut  quelquefois  paraître  d’une 
bénignité  trompeuse  ;  c’est  dans  le  cas  où ,  avec  une  fracture  même 
comminutive,  mais  dans  un  espace  circonscrit,  par  exemple  la  portion 
écailleuse  du  temporal,  il  y  a  eu  absence  de  commotion,  ou  seulement 
une  commotion  très-légère.  Le  blessé  n’a  pas  perdu  connaissance,  ou  l’a 
recouvrée  peu  de  temps  après  l’avoir  perdue  ;  il  la  conserve,  et  avec  elle  la 
liberté  des  mouvements  du  côté  opposé  à  la  fracture,  jusqu’à  l’époque,  quel¬ 
quefois  un  peu  retardée  (le  douzième  ou  quinzième  jour  depuis  l’accident), 
où  se  montre  la  méningo-encéphalite.  Quelquefois  une  sorte  d’intermit¬ 
tence  a  lieu  ;  les  accidents ,  après  avoir  cessé  pendant  quelques  jours, 
reparaissent  et  menacent  la  vie  du  blessé.  C’est  dans  ces  cas,  en  apparence 
bénins,  mais  très-insidieux  et  ordinairement  terminés  par  la  mort,  que 
les  couches  superficielles  du  cerveau  ont  été  seules  atteintes-.  C’est  que, 
malgré  le  peu  de  profondeur  de  la  plaie  du  cerveau,  on  ne  peut  pas  toujours 
conjurer  l’inflammation  des  méninges,  qui  est  la  cause  de  la  mort,  bien 
plutôt  que  la  perte  de  substance  nerveuse.  Pour  le  prouver,  je  veux  citer 
deux  observations  de  guérisons  tirées  du  mémoire  de  Quesnay  sur  les 
plaies  du  cerveau.  {Mémoires  de  l’Académie  de  chirurgie,  t.  I,  p.  232.) 


57 


ENCÉPHALE.  —  plaies  dd  cervead. 

1°  «  Un  enfant  de  sept  ans  tombe  de  7  à  8  pieds  de  haut  et  se  fait 
une  fracture  à  la  partie  latérale  droite  du  coronal...  Il  y  avait  quatre 
fragments  un  peu  enfoncés  par  leurs  angles  dans  la  substance  du  cerveau; 
enlevés,  ils  laissèrent  une  ouverture  qui  dispensa  du  trépan.  La  dure-mère 
et  la  pie-mère  furent  contuses  et  déchirées  de  la  grandeur  d’un  denier; 
une  petite  portion  de  la  substance  du  cerveau  sortit  par  ce  point  déchiré. 
Aucun  accident,  malgré  la  conduite  de  l’enfant  qui  ne  voulait  ni  garder 
le  lit,  ni  suivre  aucun  régime  ;  la  cure  dura  six  mois  à  cause  de  la  gran¬ 
deur  de  la  plaie,  mais  l’enfant  fut  entièrement  guéri. 

2“  «  Un  garçon  de  huit  ans  fut  frappé  par  un  cheval  au  côté  de  la  tête  ;  le 
pariétal  fut  blessé  à  la  partie  postérieure  et  supérieure.  Belair  fut  appelé, 
et  tâcha  de  replacer  les  pièces  d’os  ;  à  chaque  mouvement  qu’il  faisait 
pour  les  ajuster,  il  sortait  des  morceaux  de  la  substance  corticale  ;  il  en 
sortit  plus  gros  qu’un  œuf  de  poule  pendant  qu’il  replaça  ces  pièces  d’os. 
Belair,  obligé  de  partir,  laissa  le  blessé  entre  les  mains  du  chirurgien  du 
village...  Sa  surprise  fut  grande  lorsqu’il  apprit,  l’année  suivante,  la 
guérison  de  l’enfant.  Il  y  avait,  au  niveau  de  la  blessure,  un  enfoncement 
à  loger  une  noix  muscade  et  des  inégalités  sur  la  cicatrice.  L’esprit  ne  se 
ressentait  aucunement  de  cet  accident.  » 

Cette  heureuse  terminaison  doit  être  considérée  comme  une  exception. 
Nous  allons  voir,  au  contraire,  avec  quelque  surprise,  que,  dans  certaines 
observations  de  plaies  par  armes  à  feu,  où  une  perte  considérable  de 
substance  a  eu  lieu,  le  rétablissement  du  malade  a  pu  se  faire  presque 
sans  aucune  altération  des  facultés  de  l'intelligence.  Disons,  pour  terminer 
ce  que  nous  voulons  exposer  touchant  les  plaies  contuses  du  cerveau 
parles  corps  contondants  ordinaires,  qu’elles  ne  sont  pas  compliquées  par 
la  présence  du  corps  vulnérant  lui-même,  et  que  s’il  se  trouve  dans  le 
cerveau  des  corps  étrangers,  ce  sont  les  fragments  ou  l’un  des  fragments 
du  crâne,  quelquefois  enfoncés,  il  est  vrai,  à  une  notable  profondeur, 
mais  plus  souvent  engagés  dans  les  couches  superficielles  de  la  substance 
cérébrale. 

Dans  les  flaies  par  armes  à  feu,  les  projectiles  lancés  par  la  poudre 
pénètrent  profondément  dans  le  cerveau,  le  traversent  de  part  en  part  à 
des  hauteurs  variées,  entraînant  avec  eux  des  esquilles,  'des  portions  de 
vêtements  ;  quelquefois  ils  enlèvent  des  parties  plus  ou  moins  étendues  du 
crâne  et  du  cerveau  ;  souvent  aussi  ils  vont  se  perdre  dans  la  substance 
du  cerveau  à  une  distance  plus  ou  moins  grande  de  leur  ouverture  d’en¬ 
trée;  enfin  on  les  voit  aussi,  quoique  profondément  engagés,  faire  à 
l’extérieur  une  saillie  dont  on  pourra  profiter  pour  leur  extraction. 

Dans  les  larges  plaies  par  ârmes  à  feu  avec  enlèvement  du  crâne  et  d’une 
partie  du  cerveau,  les  blessés  ont  quelquefois  conservé  leur  connaissance 
entière  ;  ils  sont  d’abord  sans  fièvre,  et  si  on  ne  voyait  la  plaie  béante 
par  laquelle  suinte  abondamment  le  liquide  céphalo-rachidien,  on  ne  les 
croirait  pas  atteints  d’une  blessure  le  plus  souvent  mortelle.  Bientôt,  à 
travers  la  perte  de  substance  du  crâne,  on  voit  le  cerveau  proéminer,  se 
soulever,  former  comme  un  champignon  fongueux,  rouge  d’abord,  puis 


ENCÉPHALE  —  plaies  du  cerveau. 


grisâtre,  gangrené.  J’aurai  toujours  présent  à  l’esprit  l’observation  d’un 
jeune  homme  de  18  ans,  que  j’ai  soigné  à  l’hôpital  Beaujon  ;  il  avait  eu  la 
région  pariétale  droite  emportée  à  la  partie  supérieure  par  un  coup  de  son 
fusil,  qu’il  tenait  au  moment  de  l’accident  .entre  ses  jambes.  Il  était  assis 
dans  un  bateau,  en  partie  de  chasse  sur  la  Seine,  lorsque  la  crosse  du  fusil 
fut  violemment  portée  à  droite  et  le  canon  dirigé  vers  la  tête;  le  coup  partit 
en  même  temps,  et  le  sommet  de  la  tête  fut  enlevé.  Le  blessé  ne  perdit 
pas  connaissance.  Amené  à  Fhôpital  Beaujon,  il  resta  près  de  trois  se¬ 
maines  sans  autre  accident  que  l’écoulement  abondant  de  liquide  cé¬ 
phalo-rachidien  par  la  plaie  et  une  irritation  assez  vive,  causée  par 
les  aspérités  du  contour  de  la  fracture  du  crâne  engagées  dans  le  fongus 
cérébral.  C’était  un  jeune  homme  blond,  de  tempérament  sanguin,  le 
visage  frais  et  coloré,  gai,  qui  conserva  l’appétit  et  put  le  satisfaire 
jusqu’au  moment  où,  très-rapidement,  l’inflammation  des  méninges  se 
déclara  et  l’emporta  en  vingt-quatre  heures.  Des  portions  de  cerveau 
avaient  été  séparées  à  diverses  reprises  sans  que  l’intelligence  en  eût  un 
instant  souffert. 

J’emprunte  au  mémoire  de  Quesnay  sur  les  plaies  du  cerveau  une 
observation  des  plus  remarquables,  et  qui  prouve  combien  peut  être 
grande  la  perte  de  substance  du  cerveau  sans  empêcher  la  guérison.  Un 
laquais  de  seize  ans  reçut  un  coup  de  pierre  au  milieu  du  pariétal  droit; 
le  cerveau  fut  blessé;  il  y  eut  hémiplégie  à  gauche;  le  cerveau  se  gonfla,  sa 
substance  devint  noire;  on  coupait  tous  les  jours  une  partie  de  cette 
substance  gangrenée  qui  sortait.  Le  dix-huitième  jour  le  malade  tomba 
de  son  lit;  toute  la  portion  de  cerveau  qui  débordait  l’ouverture  de  l’os 
se  détacha  par  cette  chute  et  se  trouva  dans  l’appareil,  mais  le  gonflement 
continua  à  pousser  au  dehors  la  substance  du  cerveau  qui  était  noire, 
et  on  la  retranchait  à  mesure  tous  les  jours.  Le  trente-cinquième  jour  le 
malade  but  et  s’enivra,  le  cerveau  se  gonfla  d’avantage;  dans  son  ivresse, 
le  blessé  glissa  sa  main  sous  l’appareil,  empoigna  et  arracha  avec  violence 
toute  la  partie  exubérante.  Le  lendemain  on  trouva  le  cerveau  en  meil¬ 
leur  étal;  presque  tout  ce  qui  était  corrompu  avait  été  emporté,  et  on 
reconnut  qu’on  était  près  du  corps  calleux.  Une  couleur  vermeille  suc¬ 
céda  à  la  lividité  ;  le  malade  guérit,  mais  resta  paralysé,  devint  même 
sujet  à  des  mouvements  épileptiques,  toutefois  l’esprit  se  rétablit  entière¬ 
ment.  (Mémoires  de  l’Académie  de  chirurgie,  t.  I,  p.  243.) 

On  pourrait  multiplier  ces  exemples  ;  ils  serviraient  à  démontrer  ce  que 
j’ai  avancé  plus  haut,  non  pas  que  les  plaies  du  cerveau  ne  sont  pas 
très-graves,  mais  qu’elles  ne  sont  pas  désespérées,  bien  que  la  perte  de 
substance  nerveuse  puisse  être  considérable.  Des  praticiens  du  plus 
grand  mérite  et  des  plus  répandus  n’ont  jamais  vu  de  guérison  de  plaies 
du  cerveau  avec  perte  de  substance  et  grande  suppuration.  Tel  était  le 
cas  de  Maréchal,  chirurgien  de  Louis  XIV;  mais  ce  qui  est  plus  fréquent 
que  la  guérison  définitive,  c’est  la  prolongation  de  la  vie  pendant  plusieurs 
semaines,  plusieurs  mois ,  lors  même  qu’il  y  a  complication  de  corps 
étrangers.  Enfin  il  n’est  pas  sans  exemple  qu’ils  aient  séjourné  plusieurs 


ENCÉPHALE.  —  inflammation  traumatique  du  cerveau.  39 

années  dans  la  substance  du  cerveau  sans  compromettre  sérieusement  la 
santé,  et  quelquefois  sans  avoir  abrégé  la  vie. 

Le  traitement  de  ces  plaies  contuses  du  cerveau  est,  comme  celui  des 
autres  parties  du  corps,  d’extraire  les  esquilles,  les  corps  étrangers,  de 
débrider,  de  trépaner,  de  faire  des  lotions  et  injections,  d’enlever  les 
parties  mortifiées.  Les  chirurgiens  contemporains  de  l’Académie  de  chi¬ 
rurgie,  ceux  qui  l’ont  précédée,  prodiguaient  l’emploi  de  liqueurs  spi- 
ritueuses,  les  baumes  et  les  huiles  alcoolisées  et  térébenthinées.  De  nos 
jours  les  pansements  sont  plus  doux  ;  l’iiuile  d’amandes  douces  ou 
d’olives,  le  miel  rosat  étendu  d’une  liqueur  émolliente,  plus  souvent  le 
cérat  simple  sur  le  linge  troué,  qui  sert  à  couvrir  la  plaie  sans  s’opposer 
à  l’écoulement  des  produits  de  l’inflammation,  constituent  tout  le  traite¬ 
ment  local.  Quant  au  traitement  général,  son  but  est  de  prévenir,  de 
retarder  l’inflammation,  de  la  modérer  sans  abuser  toutefois  des  saignées 
générales,  ni  de  la  diète,  mais  en  usant  avec  intelligence  des  saignées 
locales,  d’une  alimentation  suffisante,  des.  boissons  rafraîchissantes,  des 
minoratifs,  car  il  ne  faut  pas  oublier  qu’il  existe  une  lésion  locale  dont 
on  ne  peut  enrayer  la .  marche  naturelle  vers  la  guérison  si  elle  doit 
s’opérer,  et  que  nécessairement  pour  l’obtenir,  le  traitement  sera  long  et 
exige  toutes  les  forces  du  malade. 

Inflammation  traumatique  des  méninges  et  du  cerveau, 
abcès  intra-crâniens. —  Nous  avons  souvent,  dans  cet  article,  fait 
allusion  à  l’inflammation  traumatique  des  méninges  et  du  cerveau  ;  cela 
devait  être;  puisqu’elle  est  la  suite  la  plus  grave  des  lésions  traumatiques 
du  crâne  et  de  l’organe  qu’il  contient,  et  qu’elle  conduit  à  la  production 
des  abcès  intra-crâniens,  sans  contredit  la  conséquence  la  plus  sérieuse 
des  blessures  de  l’encéphale  et  de  ses  enveloppes. 

Étiologie. — Non-seulement  les  plaies  du  cerveau,  ses  contusions,  sa 
commotion  peuvent  être  suivies  de  méningo- encéphalite,  mais  les  frac¬ 
tures,  une  simple  blessure  du  crâne,  et  même  les  lésions  plus  ou  moins 
profondes  du  cuir  chevelu,  quand  elles  amènent  le  phlegmon  diffus 
superficiel  ou  profond.  Nous  savons  déjà  que  la  présence  d’un  épanche¬ 
ment  sanguin  est  une  prédisposition  à  la  phlegmasie  des  méninges. 

La  méningite  traumatique  se  développe  quelquefois  avec  une  grande 
rapidité,  quelques  heures  à  peine  après  l’accident;  on  a  vu  la  mort 
survenir  en  vingt-quatre,  trente-six,  quarante-huit  heures.  Mais  en  d’au¬ 
tres  circonstances  sa  manifestation  est  tardive,  quelquefois  même  le 
blessé ,  se  croyant  guéri,  avait  repris  ses  occupations,  et  ce  n’est  qu’au 
bout  de  plusieurs  semaines  ou  plusieurs  mois,  que  surviennent  les  symp¬ 
tômes  d’une  inflammation  ou  d’une  suppuration  profonde;  le  plus  souvent 
alors  elle  n’est  plus  que  symptomatique  d’une  altération  des  os  du  crâne, 
dont  la  marche  a  été  lente  et  progressive,  et  a  procédé  des  couches 
superficielles  aux  couches  profondes,  ostéite,  carie,  nécrose,  ou  bien 
encore  elle  révèle  la  présence  d’un  corps  étranger  plus  ou  moins  profon¬ 
dément  situé,  tantôt  entre  la  dure-mère  et  l’os,  tantôt,  au  contraire, 
plongé  dès  le  principe  dans  la  substance  cérébrale,  et  dont  l’existence 


40  ENCÉPHALE.  —  inplammatiok  traumatique  du  certeaü. 

était  re!=tée  complètement  ignorée,  ou  n’avait  pu  être  constatée,  quoique 
l’on  sût  !)ien  qu’un  corps  étranger  avait  été  introduit  par  une  ouverture 
unique.  Ainsi  que  nous  l’avons  vu  dans  l’histoire  de  la  contusion  céré¬ 
brale,  c’est  du  quatrième  au  douzième  jour  que  la  méningo-encéphalite 
s’empare  du  foyer  contus  et  de  ses  environs,  de  sorte  que  si,  après  une 
percussion  de  la  tête  avec  ou  sans  fracture,  elle  se  montre  à  l’époque 
indiquée,  elle  démontre  la  contusion  cérébrale  qui,  jusque-là,  a  pu  être 
inaperçue;  dans  la  commotion  cérébrale  elle  est  rare  et  beaucoup  plus 
tardive  en  général,  et  il  faut  que  la  commotion  ait  été  violente.  Son 
invasion  offre  des  variétés,  mais  il  y  a  des  symptômes  constants;  le 
malade  se  plaint  de  céphalalgie,  de  douleurs  de  tête  sourdes,  pongitives, 
profondes,  avec  sensation  de  pesanteur,  presque  toujours  dans  le  lieu  du 
crâne  frappé,  quelquefois  plus  ou  moins  loin,  mais  quel  que  soit  le  point 
de  départ  s’étendant  au  reste  du  crâne;  on  observe  un  grand  abattement 
moral  et  physique,  le  sommeil  est  agité,  la  peau  chaude,  les  yeux 
animés,  il  y  a  malaise  général,  vertiges,  parfois  nausées,  vomissements. 
Bientôt  apparaissent  des  phénomènes  plus  tranchés,  l’exaltation  de  la 
sensibilité,  la  fièvre,  le  délire  avec  plaintes,  gémissements,  l’anxiété, 
l’agitation  extrême  avec  loquacité,  grincements  de  dents,  convulsions  des 
muscles  de  la  face  et  des  membres,  plus  la  raideur  tétanique  de  ceux-ci. 
Voilà  pour  les  signes  de  méningite  auxquels  s’associent  très-souvent  ceux 
de  la  cérébrite,  altération  des  perceptions,  de  la  parole,  de  la  mémoire, 
du  jugement,  lenteur  des  idées,  contractions  douloureuses,  mouvements 
convulsifs  bornés  à  quelques  muscles  ou  étendus  à  un  membre,  à  une 
moitié  du  corps,  à  presque  tous  les  muscles,  avec  resserrement  de  la 
pupille,  alternant  avec  la  paralysie,  qui,  plus  tard,  remplace  les  convul¬ 
sions  en  même  temps  que  se  montrent  la  perte  du  sentiment  et  la 
dilatation  des  pupilles. 

La  maladie  peut  se  terminer  par  résolution,  mais  plus  souvent  survient 
la  période  de  suppuration  qui  amène  les  épanchements  purulents  dans  le 
crâne.  On  la  reconnaît  à  une  fièvre  ardente  avec  une  soif  vive,  langue 
rude  et  sèche,  pouls  dur,  excès  de  sensibilité  à  la  moindre  impression 
des  sons,  de  la  lumière,  à  des  soubresauts  douloureux,  jusqu’au  moment 
où  paraissent  des  frissons  irréguliers ,  des  alternatives  de  chaleur  et  de 
sueur,  et  sitôt  que  le  pus  est  formé,  un  calme  relatif  a  lieu;  au  délire 
succède  le  coma,  et  à  l’agitation  les  symptômes  de  la  compression  céré¬ 
brale.  Tandis  que  des  contractions  agitent  certaines  parties  du  corps,  ou 
qu’elles  sont  le  siège  de  contractures,  d’autres  soïit  paralysées;  tantôt 
c’est  un  membre,  tantôt  tout  un  côté  du  corps;  il  y  a  incontinence  ou 
rétention  de  l’urine  et  des  matières  fécales.  La  respiration  devient  sterto- 
reuse,  entrecoupée  et  finit  par  s’éteindre. 

Si  l’abcès  a  succédé  à  l’épanchement  sanguin,  on  a  eu  d’abord  l’hémi¬ 
plégie  et  on  à  pu  suivre  les  phénomènes  de  transformation  à  l’arrivée  de 
la  phlegmasie  des  méninges. 

Les  épanchements  purulents  intra-crâniens  sont  diffus  ou  circonscrits, 
étalés  en  nappe  ou  réunis  en  collection,  situés  entre  les  os  et  la  dure-mère, 


ENCÉPHALE.  -  ABCÈS  DD  CERVEAU.  41 

dans  la  cavité  de  l’arachnoïde,  à  la  surface  ou  dans  l’intérieur  du  cerveau, 
au  niveau  de  la  blessure  ou  plus  ou  moins  loin  d’elle.  Ils  ont  un  aspect 
et  une  disposition  qui  varient  suivant  le  siège  que  nous  venons  d’indi¬ 
quer  :  entre  la  dure-mère  et  les  os  ils  sont  en  nappe  presque  toujours 
peu  étendue,  mais  aussi  ils  se  montrent  sous  forme  de  petits  abcès 
limités,  contenant  un  pus  tantôt  mal  lié,  tantôt  plus  lié  en  gouttes  d’une 
teinte  verdâtre  et  qui  répondent  à  la  surface  interne  des  os  altérée, 
érodée,  dont  la  couleur  est  jaunâtre;  dans  l’arachnoïde,  le  pus  forme  une 
couche  jaune,  membraneuse,  étalée  sur  la  surface  séreuse,  très-adhérente, 
d’une  épaisseur  variable  qui  ne  dépasse  pas  1  à  2  millimètres,  diffuse  et 
occupant  en  général  une  grande  étendue,  soit  au  niveau  de  la  convexité 
des  hémisphères  cérébraux,  soit  à  la  base  du  crâne.  Oh  trouve  aussi  du 
pus  réuni  en  une  petite  collection  sous  la  pie-mère,  ou  plus  souvent  une 
couche  mince  occupant  une  grande  partie  d’un  hémisphère  ou  du  cerveau 
tout  entier.  Dans  le  cerveau  ce  sont  des  foyers  circonscrits,  contenant  un 
pus  phlegmoneux,  et  dont  la  cavité  est  plus  ou  moins  considérable  ;  quelque 
fois  le  pus  remplit  les  ventricules,  ou  bien  il  arrive  que  le  fond  de  l’abcès 
est  formé  par  le  cerveau  lui -même,  tandis  que  la  paroi  superficielle  est 
constituée  par  la  dure-mère  et  les  os  du  crâne;  quelquefois  aussi  l’abcès 
développé  dans  l’épaisseur  d’un  hémisphère  finit  par  s’ouvrir  dans  les 
ventricules.  On  comprend  combien  cette  terminaison  de  l’inflammation 
est  grave  ;  elle  l’est  d’autant  plus  que  tout  ici  semble  contraire  à  l’évacua¬ 
tion.  spontanée.  Les  abcès  les  plus  superficiels  sont,  sous  ce  rapport,  les 
moins  défavorables,  et  il  se  peut  même  que,  par  exception,  une  voie  leur 
soit  ouverte,  soit  à  travers  l’intervalle  des  fragments  d’une  fracture,  ainsi 
que  J.  L.  Petit  en  cite  un  exemple,  soit  par  la  carie  des  os  du  crâne,  à 
la  voûte,  soit  enfin  par  le  nez  ou  l’oreille  ;  mais  une  pareille  issue  ne  peut 
être  que  tardive,  et,  avant  qu’elle  se  produise ,  de  grands  dangers  me¬ 
nacent  le  malade  :  une  inflammation  nouvelle,  l’extension  du  foyer 
jusque  dans  un  point  inaccessible  aux  opérations  chirurgicales.  Il  ne  peut 
être  question  de  ces  opérations  que  pour  les  collections  purulentes, 
circonscrites,  qui  répondent  à  la  voûte  du  crâne;  encore  faut-il  distinguer 
entre  les  abcès ,  qui  remplissent  cette  condition,  ceux  qui  sont  placés 
entre  la  dure-mère  et  les  os  de  ceux  qui  sont  subjacents  à  cette  membrane 
ou  même  situés  dans  la  profondeur  du  cerveau,  et  dont  la  situation 
précise  reste  incertaine,  car  le  contre-coup  ne  les  fait  pas  toujours  naître 
au  point  diamétralement  opposé,  et  comme  pour  les  épanchements  san¬ 
guins,  qui  en  sont  une  fréquente  origine,  ce  n’est  pas  toujours  au  niveau 
du  point  du  crâne  qui  a  été  frappé,  que  le  trépan  trouve  la  collection 
purulente  ;  c’est  à  une  petite  distance  ou  à  une  profondeur  qui  laisse  des 
doutes,  et  a  trop  souvent  arrêté  la  main  du  chirurgien.  Pigray  rapporte 
(livre  4,  chap.  9)  l’exemple  d’un  abcès  par  contre-coup  situé  à  ta  base 
du  crâne  et  survenu  à  la  suite  d’une  très-petite  blessure  du  sommet  de 
la  tête.  L’abcès  était  gros  comme  une  noisette  et  ne  fît  périr  le  malade 
que  six  mois  après  la  blessure,  qui  du  reste  n’avait  pu  se  guérir  ni  se 
consolider,  comme  le  dit  Pigray. 


42  ENCÉPHALE.  —  abcès  du  cerveau. 

Une  observation  de  J.  L.  Petit,  autre  que  celle  à  laquelle  j’ai  fait  allu¬ 
sion  il  n’y  a  qu’un  instant,  est  des  plus  instructives  et  donne  plus  d’un 
enseignement.  Un  enfant  de  9  ans  tomba  de  sa  hauteur  sur  l’angle  d’une 
pierre  carrée,  et  perdit  connaissance.  Il  s’était  fait  une  plaie  à  deux  ou 
trois  travers  de  doigt  au-dessus  de  l’œil  droit;  assez  grande  pour  qu’on 
pût  y  introduire  le  doigt,  l’os  était  fracturé  et  enfoncé.  Le  trépan  fut  ap¬ 
pliqué  le  lendemain.  Pas  de  sang  épanché  sous  le  crâne,  les  pièces  d’os 
furent  relevées,  quelques  esquilles  enlevées  ;  toutes  les  inégalités,  qui 
auraient  pu  offenser  la  dure-mère,  coupées.  Pendant  quelques  jours,  pas 
d’accidents.  Au  sixième  jour,  fièvre,  anxiété,  soif  vive.  Le  lendemain,  la 
dure-mère  était  brune,  faisait  bosse,  et  résistait  à  la  pression  du  doigt  ; 
elle  fut  incisée  avec  la  lancette  ;  il  sortit  aussitôt  de  la  substance  du  cer¬ 
veau  une  cuillerée  de  sérosité  brune  et  fétide;  l’ouverture  delà  dure-mère 
fut  agrandie.  Les  accidents  persistèrent;  rêvasseries,  grincements  de 
dents,  pouls  serré  et  intermittent;  le  lendemain,  l’appareil  était  fort  hu¬ 
mide;  l’assoupissement  fut  considérable  le  soir  et  toute  la  nuit,  mais  le 
lendemain  qui  était  le  onzième  jour,  tous  ces  formidables  accidents  dis¬ 
parurent.  J.  L.  Petit  trouva  l’appareil  rempli  de  pus  fort  fétide;  il  sortit 
dans  la  suite  quelques  flocons  de  substance  du  cerveau  ;  les  portions  de 
membranes  mortifiées  se  détachèrent  ;  la  guérison  fut  parfaite  au  bout  de 
deux  mois.  {Traité  des  mal.  chirurg.) 

La  conduite  de  J.  L.  Petit  fut  un  modèle  d’habileté  et  de  prudence,  et 
cependant  il  resta  en  deçà  de  ce  que  doit  oser  le  chirurgien  dans  ces  cas 
difficiles.  L’abcès  n’était  pas  entre  les  os  et  la  dure-mère.  Les  signes  que 
présenta  cette  membrane  encouragèrent  J.  L.  Petit  à  l’inciser;  il  ne  s’é¬ 
coula  que  de  la  sérosité  brune  et  fétide;  c’était  une  collection  entre  la 
pie-mère  et  le  cerveau,  mais  ce  n’était  pas  encore  l’abcès  formé  dans 
l’épaisseur  de  celui-ci.  En  effet,  les  accidents  persistèrent  et  même  s’ac¬ 
crurent;  en  incisant  la  dure-mère  J.  L.  Petit  avait  rendu  à  l’enfant  un 
immense  service  et  qui  le  sauva,  car  non-seulement  il  avait  donné  issue 
immédiate  à  la  petite  quantité  de  sérosité  sanguinolente  formée  sous  l’a¬ 
rachnoïde  et  la  pie-mère,  ce  qui  dans  d’autres  cas  eût  pu  suffire  à  la  ces¬ 
sation  des  accidents,  mais  il  avait  préparé  une  terminaison  lieureuse  à  la 
rupture  spontanée  de  l’abcès  cérébral.  Sans  l’ouverture  de  la  dure-mère, 
le  petit  blessé  était  à  coup  sûr  perdu,  mais  en  différant  l’ouverture  de 
l’abcès  cérébral,  chose  fort  excusable  cependant,  même  de  la  part  d’un 
aussi  grand  chirurgien,  le  salut  du  hlessé  était  remis  en  question,  il 
pouvait  succomber  dans  la  soirée  ou  la  nuit,  avant  l’ouverture  spontanée 
de  la  collection  dans  le  cerveau.  Il  est  clair,  après  coup,  que  l’indication 
était  de  plonger  la  lancette  dans  la  substance  nerveuse  elle-même,  et  il 
est  à  croire  que  J.  L.  Petit  n’aurait  pas  hésité  le  lendemain,  si  tous  les 
accidents  n’avaient  pas  cessé  aussitôt  la  rupture  de  l’abcès.  Telles  étaient 
les  prescriptions  de  l’art  du  temps  de  J.  L.  Petit.  Le  mémoire  de  Ques- 
nay  sur  les  plaies  du  cerveau,  ne  laissait  aucun  doute  à  cet  égard.  La 
phrase  suivante  le  prouve  :  «  Lorsque  la  paralysie  est  accompagnée  d’ac¬ 
cidents  pressants,  on  peut  se  déterminer  à  trépaner  du  côté  opposé,  et 


43 


ENCÉPHALE.  —  abcès  DD  CERVEAU, 
si  on  ne  découvre  rien  sous  le  crâne  ni  sous  les  membranes  du  cerveau, 
on  peut  hasarder  quelques  petites  incisions  dans  la  substance  même  de  ce 
viscère,  pour  s’assurer  s’il  ny  a  point  dans  la  substance  corticale,  et 
même  au  delà,  quelque  abcès  qui  soit  la  cause  des  accidents.  Une  telle 
incision  n’est  point  à  redouter  pour  la  vie  du  malade,  car  si  l’incision 
rencontre  l’abcès,  elle  peut  sauver  la  vie,  et  si  elle  ne  l’atteint  pas,  cet 
abcès  fera  périr  le  malade,  indépendamment  de  l’incision.  »  N’est-il  pas 
singulier  qu’aujourd’hui  on  donne  cette  prescription  comme  une  pratique 
presque  nouvelle,  et  qu’on  se  croie  obligé,  pour  la  présenter  comme  lé¬ 
gitime,  de  s’appuyer  sur  les  expériences  de  Flourens  et  de  Vulpian  sur 
les  animaux,  tendant  à  démontrer  que  les  lésions  des  couches  cérébrales 
profondes,  entraînent  seules  des  accidents  graves.  Il  faut  le  reconnaître, 
les  chirurgiens  du  dix-huitième  siècle  avaient  posé  le  principe  formel 
de  l’incision  des  couches  superficielles  du  cerveau  à  la  recherche  d’un 
abcès  profond  de  cet  organe.  «  Notre  crainte  d’ouvrir  le  cerveau,  dit  Ques- 
nay,  peut  être  comparée  à  celle  que  les  anciens  avaient  d’ouvrir  la  dure- 
mère  ;  aujourd’hui  on  n’hésite  plus  à  ouvrir  cette  membrane,  peut-être 
que  les  praticiens  qui  nous  suivront,  seront  surpris  aussi  de  notre  timi¬ 
dité  à  ouvrir  la  substance  du  cerveau.  Déjà  beaucoup  de  faits  nous  re¬ 
prochent  cette  timidité,  et  nous  excitent  à  risquer  dans  les  cas  désespérés 
l’opération  que  nous  proposons.  »  Un  fait  de  La  Peyronie  vient  à  l’appui 
de  cette  idée.  Un  enfant  fît  une  chute  sur  le  pariétal  gauche,  les  accidents 
indiquèrent  le  trépan.  Cette  opération  donna  issue  à  un  épanchement 
considérable  sur  la  dure-mère,  qui  du  reste  était  en  bon  état.  Ce  ne  fut 
qu’au  dix-huitième  jour  qu’il  survint  des  mouvemen  ts  convulsifs,  une 
paralysie  incomplète  du  côté  droit,  un  assoupissement  et  une  perte  de 
connaissance  presque  continuelle.  La  Peyronie  ouvrit  la  dure-mère,  il  ne 
trouva  rien  sous  cette  membrane.  Le  péril  pressant  où  était  le  blessé  lui 
imposa  d’ouvrir  le  cerveau  même;  l’entreprise  parut  trop  hardie,  on  s’y 
opposa  et  l’enfant  périt  dans  les  convulsions.  La  Peyronie  ouvrit  la  tête, 
où  il  trouva,  en  effet,  vis-à-vis  l’ouverture  du  trépan,  un  abcès  dans  la 
substance  du  cerveau,  qui  n’était  qu’à  trois  ou  quatre  lignes  de  profon¬ 
deur.  Par  l’opposition  de  praticiens  moins  compétents  que  lui,  La 
Peyronie  fut  donc  privé,  suivant  toute  apparence,  d’un  beau  et  glorieux 
succès. 

Sans  doute  l’influence  de  Desault  a  rendu  en  France  les  applications 
du  trépan  moins  fréquentes.  Mais  est-il  réel  que  dans  notre  pays  on  eût 
renoncé,  l’opération  faite,  à  pénétrer  au-dessous  de  la  dure-mère,  et 
même  dans  l’occasion,  à  ouvrir  le  cerveau.  Une  observation  de  Dupuy- 
tren,  sur  laquelle  nous  reviendrons  en  parlant  des  corps  étrangers  qui 
ont  pénétré  jusqu’au  cerveau,  démontrera  au  moins  que  le  précepte 
était  resté  dans  l’art,  quelque  rare  que  puisse  paraître  l’occasion  de  le 
mettre  en  pratique.  Ajoutons  que  dans  les  livres  classiques  de  notre  épo¬ 
que,  il  est  qettement  formulé.  Les  auteurs  du  Compendium  de  chirurgie 
s’expriment  ainsi  :  «  Si,  après  la  térébration  des  os,  on  ne  trouvait  pas  de 
pus,  on  ne  devrait  pas  hésiter  à  ouvrir  la  dure-mère,  surtout  si  on  la 


44  ENCÉPHALE.  —  abcès  du  cerveau. 

trouvait  altérée,  jaunâtre,  distendue  et  résistante.  Lorsque,  après  avoir 
divisé  cette  membrane,  on  n’a  point  rencontré  l’abcès,  faut-il  aller  au- 
delà  et  inciser  le  cerveau  lui-même?  Les  blessures  de  l’encéphale,  même 
étendues  et  profondes,  sont  susceptibles  de  guérison,  et  les  exemples  ne 
manquent  pas  d’abcès  du  cerveau  plus  ou  moins  volumineux  et  superfi¬ 
ciels,  soupçonnés  pendant  la  vie,  trouvés  après  la  mort  dans  le  point 
correspondant  à  l’ouverture,  et  laissant  au  chirurgien  l’éternel,  regret  de 
n’avoir  pas  donné,  au  travers  d’une  mince  cloison  organique,  de  quel¬ 
ques  millimètres  seulement  d’épaisseur,  le  coup  de  bistouri,  qui  aurait 
pu  sauver  la  vie  du  blessé.  Après  avoir  cité  le  fait  de  La  Peyronie  et  les 
opinions  de  Quesnay  que  nous  venons  de  faire  connaître,  ils  arrivent  à  la 
conclusion  suivante  ;  dans  ces  cas  difficiles,  pour  peu  que  le  toucher  ait 
fait  reconnaître  qu’une  collection  liquide  existe  dans  le  voisinage,  on  ne 
craindra  pas  de  faire,  avec  un  instrument  acéré  et  étroit,  une  ponction 
dirigée  vers  le  siège  présumé  du  dépôt.  Dupuytren  osa  plonger  ainsi  à 
une  certaine  profondeur,  le  bistouri  jusque  dans  la  substance  du  cer¬ 
veau,  etc. 

Ce  précepte  de  l’incision  des  couches  cérébrales  superficielles  n’avait 
donc  pas  cessé  d’être  compris  dans  la  thérapeutique  chirurgicale,  et  on  ne 
doit  attribuer,  ce  me  semble,  la  rareté  de  son  application,  qu’à  la  ra¬ 
reté  même  de  ses  indications.  Nous  avons  vu,  par  une  observation  de 
J.  L.  Petit,  qu’après  l’ouverture  de  la  dure-mère,  l’abcès  profond  s’est 
ouvert  de  lui-même,  et  qu’il  eût  mieux  valu  ne  pas  attendre,  mais  enfin 
le  malade  a  été  sauvé.  Un  autre  fait  de  La  Peyronie,  cité  aussi  par 
Quesnay,  démontre  qu’il  peut  arriver,  si  l’accident  date  déjà  d’un  mois, 
que  l’abcès  se  soit  ouvert  dans  les  membranes,  avant  leur  incision.  La 
Peyronie  n’avait  été  appelé  qu’au  bout  d’un  mois  auprès  du  blessé,  qui 
portait  une  plaie  sur  le  pariétal  gauche  :  des  accidents  pressants  qui 
n’existaient  que  depuis  quelquesjours,  firent  soupçonner  un  épanchement 
sous  le  crâne  ;  une  fracture  fut  découverte  ;  deux  couronnes  de  trépan,  et 
l’ablation  des  pièces  d’os,  qui  blessaient  la  dure-mère,  ne  firent  pas  ces¬ 
ser  les  accidents.  La  dure-mère  était  livide  et  un  peu  molle  ;  elle  fut  ou¬ 
verte,  il  sortit  aussitôt  environ  une  palette  de  pus  mal  conditionné,  dans 
lequel  on  reconnut  quelques  flocons  de  la  substance  du  cei’veau  ;  la  ca¬ 
vité  où  il  était  contenu  s’étendait  jusqu’au  corps  calleux,  on  pouvait  y 
injecter  jusqu’à  quatre  onces  de  liquide.  L’injection  faisait  perdre  con¬ 
naissance  au  malade,  elle  entraînait  de  petites  portions  de  la  substance 
du  cerveau...  Le  malade  fut  guéri  en  deux  mois. 

Cette  tendance  des  abcès  à  se  porter  vers  la  surface  des  hémisphères, 
diminue  encore  le  nombre  des  cas  où  l’incision  du  cerveau  devra  être 
pratiquée;  malheureusement  nous  savons  déjà  aussi  que  te  pus  peut  s’ou¬ 
vrir  une  voie  dans  les  ventricules,  et  l’indication  sera  toujours  de  re¬ 
courir  le  plutôt  possible  à  l’opération,  quand  elle  est  suffisamment  jus¬ 
tifiée. 

L’époque  à  laquelle  elle  peut  être  pratiquée  le  plus  tard  possible,  n’a 
pas  toutefois  de  limite  fixe,  elle  n’est  point  prescrite  par  le  temps  écoulé. 


45 


ENCÉPHALE.  —  abcès  du  cerveau. 

On  a  pu  faire  avec  avantage  l'application  du  trépan  pour  des  abcès  inter¬ 
crâniens  au  bout  de  six  semaines  (Lamsveise),  deux  mois  (Pott),  trois  mois 
(Marchettis) ,  sept  mois  (Scultet),  un  an  (Fabrice  de  Hilden,  Paul  d’Égine). 
Tantôt  dans  ces  observations,  la  plaie  était  cicatrisée,  mais  l’indication 
d’opérer  était  tirée  de  douleurs  locales  continuelles,  de  l’hémiplégie  ou 
d’accès  épileptiformes,  tantôt  il  y  avait  une  fistule  avec  altération  des  os, 
et  des  accidents  de  paralysie  ou  de  convulsion  alternant  avec  l’écoule¬ 
ment  ou  le  séjour  du  pus  dans  le  foyer. 

Nous  avons  déjà  parlé  à  propos  des  épanchements  sanguins  du  parti, 
que  suivant  quelques  auteurs,  Abernethy  en  particulier,  on  pourrait  ti¬ 
rer,  pour  déterminer  leur  siège,  de  la  coloration  et  de  la  vascularité  de 
l’os,  du  décollement  du  périoste.  Existe-t-il  pour  les  abcès  des  signes  lo¬ 
caux  analogues,  qui  puissent  diriger  le  chirurgien?  il  en  existe,  et  pour 
les  abcès  superficiels,  ces  signes  ont  une  grande  valeur  ;  que  l’abcès  soit 
la  suite  d’un  épanchementsanguin  envahi  parTinflammation  suppurative, 
ou  qu’il  dérive  de  la  fracture  elle-même,  de  la  piqûre  du  crâne,  de  sa  dé¬ 
nudation  de  l’ostéite,  de  la  nécrose  de  l’os  frappé,  cet  os  séparé  de  la 
dure-mère,  en  contact  avec  le  pus,  s’altère  dans  sa  couleur,  sa  structure, 
et  ses  altérations  indiquent,  sinon  l’étendue  de  la  collection  purulente  in¬ 
tra-crânienne,  du  moins  le  point  de  départ  et  te  premier  foyer  ;  un  corps 
étranger  aigu  fixé  dans  le  diploé  sera  aussi  un  indice  précieux  et  irrécu¬ 
sable  ;  des  fistules  intarissables  conduisent  sûrement  sur  la  lésion  osseuse 
et  c’est  là  que  devra  être  appliqué  le  trépan.  Comme  l’abcès  profond  est, 
dans  un  très-grand  nombre  de  cas,  la  suite  et  pour  ainsi  dire  l’extension 
de  l’abcès  superficiel ,  qu’il  procède  de  l’altération  de  la  dure-mère 
comme  celle-ci  vient  de  la  maladie  de  l’os  (je  laisse  ici  de  côté  les  cas  de 
fracture,  avec  enfoncement  des  esquilles  dans  la  substance  cérébrale,  parce 
qu’ici  le  diagnostic  n’offre  aucune  difficulté),  les  signes  des  abcès  superfi¬ 
ciels  ne  sont  pas  moins  valables  pour  ceux  de  ta  profondeur  du  cerveau. 
Il  n’en  est  plus  malheureusement  de  même  pour  certains  abcès  profonds, 
par  contre-coup,  et  dans  ces  cas  le  diagnostic  conserve  une  incertitude 
qui  conduit  à  la  temporisation  et  à  l’abstention  du  trépan.  Mais  en  lais¬ 
sant  à  part  ces  circonstances  au-dessus  des  ressources  de  l’art,  suffit-il 
toujours  d’avoir  ouvert  une  voie  au  pus  épanché?  ne  peut-il  stagner  dans 
des  parties  déclives?  ne  serait-il  pas  indispensable  alors  de  faire  au  foyer 
une  contre-ouverture?  Dans  un  cas  pareil,  A.  Paré  se  trouva  bien  des  in¬ 
jections  poussées  par  l’ouverture  du  trépan.  La  Peyronie  les  mit  sembla¬ 
blement  en  usage  dans  un  cas  où  la  matière  purulente  restait  arrêtée  vers 
la  région  frontale.  Mais  il  y  a  des  cas  où  le  pus  est  trop  loin  de  l’ouver¬ 
ture  déjà  pratiquée,  et  où  l’injection  ne  pourrait  suffire  à  vider  le  foyer.  Il 
arriva  à  Saviard,  chirurgien  de,  THôtel-Dieu,  de  devoir  le  salut  d’une 
femme,  qu’il  avait  trépanée,  à  cette  circonstance  que  les  fluides  purulents 
et  sanieux  s’échappèrent  à  travers  la  fracture  qui  s’étendait  vers  l’os  qui 
les  couvrait.  (Mémoires  de  V Académie  de  chirurgie,  t.  I,  p.  197.)  Mais 
une  contre-ouverture  par  le  trépan  n’aurait-elle  pas  sauvé  la  malade  plus 
promptement  et  plus  sûrement? 


46  ENCÉPHALE.  —  corps  étraîigers  dams  le  cerveau . 

Chauvin  fit  mieux  dans  un  cas  de  fracture  de  l’occipital  à  sa  partie 
supérieure  et  du  pariétal  droit  en  haut  et  en  arrière  :  il  appliqua  deux 
couronnes  de  trépan,  l’une  sur  l’occipital,  l’autre  sur  le  pariétal;  les 
accidents  qui  s’étaient  montrés  disparurent  à  l’exception  de  la  paralysie 
de  la  paupière  de  l’œil  gauche.  Au  bout  d’un  mois  on  s’aperçut  qu’il 
s’écoulait,  par  l’ouverture  de  l’occipital,  d’abord  dii  sang,  quelques  jours 
après  du  pus,  et  que  chaque  fois  que  le  foyer  était  vidé,  la  paupière 
cessait  d’être  paralysée.  Le  pus  venait  de  fort  loin  et  ne  sortait  qu'aux 
pansements  ;  Chauvin  trouva  la  source  de  l’écoulement  sous  le  milieu  du 
pariétal .  A  ce  niveau  il  pratiqua  le  trépan  comme  contre-ouverture,  et  le 
succès  fut  obtenu.  En  pareille  occurrence,  cette  conduite  devient  la  règle 
de  l’art. 

Corps  étrangers.  —  Les  plaies  du  crâne  et  du  cerveau  sont  quel¬ 
quefois  compliquées  de  corps  étrangers  :  ce  sont  des  tiges  métalliques, 
telles  que  couteaux,  poignards,  lames  d’épée,  bouts  de  fleuret  ou  des  corps 
lancés  par  la  poudre  à  canon,  grains  de  plomb,  chevrotines,  balles,  bis- 
caïens,  baguettes  de  fusils,  culasses  de  fusil  quand  cette  arme  éclate,  etc., 
et  avec  ces  projectiles,  les  portions  de  vêtements  qu’ils  poussent  au-devant 
d’eux,  et  les  esquilles  qu’ils  enlèvent  au  crâne  pour  les  projeter  dans  le 
cerveau  ;  Velpeau  a  signalé  une  mèche  de  cheveux  engagée  entre  les  bords 
d’une  fracture,  et  qu’il  fut  impossible  de  dégager. 

Leur  situation  est  très-variable,  ils  ont  pu  rester  dans  l’épaisseur  de 
l’os  sans  la  dépasser,  ou  au  contraire  faire  saillie  vers  la  cavité  crânienne 
en  repoussant  la  dure-mère,  se  glisser  entre  celle-ci  et  le  crâne,  ou  tra¬ 
verser  les  membranes  et  pénétrer  plus  ou  moins  profondément  dans  le 
cerveau. 


Nous  représentons  (fig.  1)  une  balle  enclavée  dans  le  temporal  et 
l’aile  gauche  du  sphénoïde ,  vue  du  côté  externe.  La  balle  est  encha- 
tonnée,  mais  elle  est  plus  saillante  en  dehors  qu’en  dedans,  ainsi  qu’on 


fiG.  1.  —  Balle  enclavée  dans  le  temporal  et  Fio.  2.  —  La  même,  vue  du  côté  interne.  — 
l’aile  gauche  du  sphénoïde,  vue  du  côté  ex-  Traces  d’ostéite  consécutive.  (Legocest,  Chi- 
terne.  (Musée  du  Yal-de-Gràce.)  rurgie  d’armée.] 


en  voit  la  démonstration  dans  la  figure  1,  qui  fait  voir  le  même  corps 
étranger  faisant  saillie  en  dedans,  mais  d’une  manière  à  peine  sensible; 
on  y  voit  aussi  des  traces  d’ostéite  consécutive.  Une  autre  figure  (5) 
montre  une  balle  enclavée  dans  l’os  frontal,  un  peu  au-dessus  de  l’apo- 


ENCÉPHALE. —  corps  étrangers 


CERVEAU. 


47 


physe  orbitaire  externe  gauche;  la  table  externe  de  l’os  présente  une 
perforation  très-nette,  sans  aucune  fente  ni  fêlure,  et  la  figure  4,  qui  est 


Fis.  3,  —  Balle  enclavée  dans  l’os  frontal  un  Fig.  4. —  Face  interne  de  la  pièce  précédente, 
peu  au-dessus  de  l’apophyse  orbitaire  ex-  —  La  table  interne  de  l’os,  enfoncée  dans 

terne  gauche.  —  La  table  externe  de  l’os  une  étendue  plus  considérable  que  l’ex- 

présente  une  perforation  très-nette  sans  au-  terne,  présente  des  fragments  restés  unis 

cune  fente  ni  fêlure.  (Larbev,  Cliniqite,  faisant  saillie  dans  le  crâne  et  consolidés  dans 

t.  III.)  (Musée  du  Yal-de-Grâce.)  cette  position. 


la  face  interne  de  la  pièce  précédente,  nous  donne  à  voir  la  table  interne 
de  l’os,  enfoncée  dans  une  étendue  plus  considérable  que  l’externe,  et 
offrant  des  fragments  restés  unis,  faisant  saillie  dans  le  crâne,  et  con¬ 
solidés  dans  cette  position.  Les  deux  figures  suivantes  (5  et  6)  nous 


IG.  5.  —  Fer  de  zagaie  pénétrant  dans 
crâne  par  la  fosse  temporale  droite.?  (Mus 
du  Val-de-Grâce.)  (Legouest.) 


Fig.  6.  —  Intérieur  du  crâne  précédent.  — 
Le  fer  de  zagaie  est  implanté  par  la  pointe 
dans  la  protubérance  occipitale  interne. 


donnent  l’exemple  très-remarquable  d’un  corps  étranger,  qui,  d’après 
les  renseignements  communiqués  à  H.  Larrey  par  le  docteur  Tanner  (de 


48  ENCÉPHALE.  —  corps  étrangers  dans  le  cerveau. 

Calcutta),  aurait  séjourné  dans  la  tête  du  blessé  vingt  et  un  jours, 
pendant  lesquels  il  a  survécu;  toutes  deux  représentent  une  tête  d’In¬ 
dien  dans  laquelle  le  fer  d’une  zagaie  est  entré  obliquement  par  la 
fosse  temporale  droite,  à  travers  la  grande  aile  du  sphénoïde,  auprès 
de  sa  suture  avec  l’os  temporal,  et,  pénétrant  dans  le  crâne,  a  fait 
une  petite  fracture  à  la  partie  supérieure  du  rocher,  et  s’est  enfin  im¬ 
planté  solidement  dans  la  protubérance  occipitale  interne.  Les  bords 
de  la  fracture  du  sphénoïde  offrent  des  traces  manifestes  d’un  travail 
d’élimination. 

Dans  ces  diverses  positions,  les  corps  étrangers  ont  une  conséquence 
commune,  c’est  de  produire  autour  d’eux  une  irritation  vive,  variable 
cependant,  une  inflammation  dont  le  but  est  leur  dégagement,  mais  dont 
les  effets  à  peu  près  constants  sont  l’ostéite,  la  nécrose  de  l’os,  la  méningite, 
des  abcès  intra-crâniens  sur  la  dure-mère,  l’encéphalite  et  les  abcès  pro¬ 
fonds  déjà  décrits  plus  haut.  La  vie  du  blessé  est  donc  toujours  menacée  ; 
cependant  on  cite  un  grand  nombre  de  cas  dans  lesquels  des  corps  étran¬ 
gers  de  divers  volume,  mais  quelquefois  très-gros,  ont  pu  séjourner  dans 
l’épaisseur  du  crâne  ou  dans  sa  cavité,  dans  le  cerveau  lui-même,  même  à 
une  grande  profondeur  pendant  des  mois  et  des  années,  je  ne  dirai  pas 
sans  compromettre  les  fonctions  intellectuelles  d’aucune  manière,  et 
sans  laisser  pour  ainsi  dire  une  menace  permanente  suspendue  sur  la  vie 
du  blessé,  mais  du  moins  sans  les  empêcher,  non-seulement  de  survivre 
à  leur  blessure,  mais  encore  de  continuer  à  remplir  leurs  occupations  ha¬ 
bituelles;  quelquefois  même  la  vie  n’a  pas  été  diminuée  ;  on  trouve  dans 
le  mémoire  de  Quesnay  sur  les  plaies  du  cerveau,  que  j’ai  eu  occasion  de 
rappeler  souvent  dans  cet  article,  des  observations  très-curieuses,  qui  dé¬ 
montrent  le  fait  :  un  brigadier  des  armées  du  roi  reçut  un  coup  de  mous¬ 
quet  au-dessus  du  sourcil,  la  balle  perça  l’os  et  se  perdit  dans  le  cer¬ 
veau,  le  blessé  fut  assez  bien  rétabli  pour  retourner  l’année  suivante  en 
campagne,  où  il  mourut,  suivant  ce  qu’on  rapporte,  d’un  coup  de  soleil  ; 
on  lui  ouvrit  le  crâne,  on  y  trouva  la  balle  entrée  de  deux  travers  de 
doigt  dans  la  substance  du  cerveau,  où  elle  était  restée  sans  y  causer 
aucun  désordre. 

La  Martinière  a  présenté,  à  l’Académie  de  chirurgie,  un  grenadier  au¬ 
quel  il  restait  à  la  partie  moyenne  inférieure  du  coronal,  entre  les  deux 
sinus  frontaux,  un  petit  sinus  fistuleux,  causé  par  un  coup  de  fusil,  dont 
la  balle  avait  percé  l’os  sans  s’être  fait  une  issue  ;  la  dure-mère  avait  été 
déchirée  ;  pendant  le  traitement,  on  retira  plusieurs  esquilles  détachées 
de  la  table  interne  du  coronal;  il  fut  impossible  de  retrouver  la  balle.  Le 
blessé  eut  à  diverses  reprises  divers  accidents,  la  fièvre,  de  l’assoupisse¬ 
ment,  le  délire.  Cependant  au  vingt-septième  jour,  le  blessé  parut  hors  de 
danger;  on  ne  çhercha  pas  la  balle  ;  le  malade  finit  par  guérir,  il  fut  placé 
aux  Invalides  :  il  ne  resta  aucun  accident. 

Dans  une  observation  due  à  Fabrice  de  Hilden,  la  balle  avait  traversé  le, 
coronal  et  s’était  perdue  dans  la  tête;  la  guérison  fut  obtenue,  mais  au 
bout  de  six  mois,  le  malade  mourut  d’une  maladie  aiguë,  la  balle  fut 


ENCÉPHALE.  —  corps  étrangers  du  cerveau.  49 

trouvée  vers  la  suture  sagittale,  entre  le  crâne  et  la  dure-mère,  sans  que 
cette  membrane  fut  endommagée. 

Anel  rapporte  l’histoire  d’un  blessé  qui  avait  conservé  une  balle  dans 
la  tête  pendant  plusieurs  années  sans  incommodité  ;  il  mourut  subitement 
en  jouant  aux  cartes.  Les  chirurgiens,  qui  l’avaient  traité,  trouvèrent  la 
balle  sur  la  glande  pinéale  avec  du  sang  nouvellement  extravasé  et  coa¬ 
gulé.  Majault  a  vu  un  bout  de  flèche  rester  quatre  mois  dans  le  cerveau 
d’un  soldat  ;  la  suppuration  finit  par  entraîner  ce  corps  étranger  et  le 
blessé  fut  guéri.  Manne  rapporte  qu’une  esquille  resta  un  mois  dans  le 
cerveau  sans  causer  d’accident.  Mais  ce  sont  quelquefois  des  corps  plus 
volumineux  qui  ont  pénétré  dans  le  crâne  et  le  cerveau  ;  il  est  arrivé  assez 
souvent  que  la  culasse  d’un  fusil  éclaté,  lancée  par  la  poudre  à  canon 
s’est  enclavée  à  travers  les  parois  du  crâne  en  s’engageant  jusque  dans  la 
substance  cérébrale,  et  a  pu  être  extraite  assez  heureusement  pour  que  les 
blessés  aient  recouvré  la  santé.  On  en  trouve  deux  exemptes  remarquables 
dans  la  thèse  de  concours  de  Chassaignac  sur  les  lésions  traumatiques  du 
crâne  (1842);  elles  sont  extraites  l’une  du  Medical  Recorder,  vol.  X 
(july  1826),  l’autre  de  VEdinb.  med.  and  Surg.  Journal  (january  1830). 
Dans  le  premier  cas,  le  chirurgien  J.  Morrin,  trouva  une  large  plaie  des 
téguments  à  la  partie  inférieure  du  frontal  au-dessus  de  l’épine  nasale; 
une  portion  de  la  culasse  était  tellement  enfoncée  dans  la  substance  céré¬ 
brale  que  l’on  ne  pouvait  ni  la  voir  ni  la  sentir  avec  le  doigt;  la  substance 
cérébrale  sortait  de  chaque  côté  de  la  blessure  ;  le  malade  avait  sa  raison, 
mais  ne  pouvait  donner  aucun  renseignement;  son  fusil  avait  éclaté,  et  il 
croyait  qu’un  morceau  de  bois  lui  était  entré  dans  la  tête;  l’éclat  du 
fusil  fut  retirp  au  moyen  d’une  pince  de  dentiste,  en  employant  une  force 
considérable  (saignées  larges  et  répétées)  ;  une  esquille  fut  retirée 
quelque  temps  après.  La  guérison  était  complète,  dit-on,  au  bout  de  vingt- 
quatre  jours.  L’odorat  resta  perdu. Dans  la  deuxième  observation,  un  mor¬ 
ceau  de  la  culasse  du  fusil  pénétra  au  milieu  de  l’os  frontal,  un  peu  au- 
dessus  du  bord  de  l’orbite,  à  un  pouce  et  demi  de  profondeur  dans  la 
substance  cérébrale,  entraînant  avec  lui  un  fragment  d’os  de  trois  quarts 
de  pouce  d’étendue.  Des  débris  de  substance  cérébrale  tachaient  les 
pierres  voisines  ;  le  blessé  était  tombé,  mais  n’avait  pas  perdu  connais¬ 
sance  ;  le  corps  étranger  fut  retiré  une  heure  et  demie  après  l’accident  ; 
son  extraction  laissa  voir  une  cavité  dans  laquelle  pouvaient  être  intro¬ 
duites  les  deux  dernières  phalanges  du  petit  doigt,  qui  sentirent  le  frag¬ 
ment  osseux  ;  il  fut  retiré  avec  les  pinces  ;  dans  la  soirée,  il  sortit  encore 
par  la  plaie  des  portions  de  cerveau,  des  saignées  nombreuses  furent  faites 
dans  les  jours  suivants,  du  22  novembre,  jour  de  l’accident,  jusqu’au 
2  décembre;  à  partir  du  14,  la  guérison  fut  assurée. 

Ce  sont  là  deux  exemples  d’extraction  immédiate,  et  sous  ce  rapport,  ils 
diffèrent  sensiblement  des  observations  de  séjour  plus  ou  moins  prolongé 
de  corps  étrangers  dans  le  cerveau  citées  plus  haut.  Quant  à  ces  der¬ 
nières  et  autres  cas  analogues,  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  s’ils  sont 
possibles  ils  ne  sont  pas  fréquents,  et  que  dans  la  plupart  des  cas  de 

HODV.  MCT.  IIÉD.  ET  CHIE.  XIII.  —  4 


50  ENCEPHALE.  —  coeps  étramgeks  dd  cerveau. 

corps  étrangers  logés  dans  le  crâne  ou  dans  le  cerveau,  ils  ont  produit 
des  suppurations  prolongées,  des  fistules  interminables,  des  douleurs  de- 
tête  continues  ou  intermittentes,  des  convulsions  épileptiformes.  Le  blessé- 
d’ailleurs  ne  porte-t-il  pas  en  lui  une  cause  d’accidents  et  de  mort?  peut-on 
jamais  le  considérer  comme  guéri?  La  thèse  de  R.  Garland  sur  les  morts 
subites  (Paris,  1832)  contient  plusieurs  observations  d’individus  succom¬ 
bant  à  la  suppuration  du  cerveau  au  milieu  d’accès  convulsifs,  après  avoir 
conservé  dans  le  crâne  des  balles  depuis  cinq  mois,  dix-huit  mois,  deux  ans. 

Cela  conduit  à  reconnaître  que  lorsqu’elle  est  possible,  l’extraction  des 
corps  étrangers  intra-crâniens  est  la  règle  à  suivre;  elle  seule  peut 
donner  lieu  à  la  cure  radicale.  Les  conditions  dans  lesquelles  elle  est  faite 
peuvent  varier  ;  on  la  pratique  au  moment  de  l’accident  ou  à  une  époque 
plus  ou  moins  éloignée. 

Que  la  blessure  soit  récente  ou  déjà  ancienne,  la  situation  du  corps 
étranger  à  travers  le  crâne,  offre  deux  circonstances  différentes.  Si  c’est 
un  corps  pointu  qui  s’est  fixé  dans  l’os  :  ou  il  le  déborde  assez  au  dehors 
pour  être  saisi  avec  des  pinces  ou  des  tenailles,  et  peut  être  extrait,  ou 
bien  il  a  été  brisé  si  près  de  la  surface  de  l’os,  qu’il  n’y  a  pas  de  prise 
pour  le  saisir,  et  cela  devient  l’affaire  du  trépan.  11  faut  cerner  le  corps 
étranger  par  une  couronne,  ainsi  que  le  fit  en  1723  Beausoleil,  chirur¬ 
gien  de  l’hôpital  d’Angoulême,  qui  retira  du  pariétal  droit  d’un  garçon 
tailleur,  un  morceau  de  bois  qui  pénétrait  jusqu’au  cerveau.  Percy  le 
père  en  fit  autant  pour  extraire  la  lame  d’un  gros  couteau  du  front  d’une 
servante  d’auberge  frappée  par  un  soldat  ivre.  Enfin,  Dupuytren  fit  l’ap¬ 
plication  du  trépan,  dit-on,  dans  les  circonstances  suivantes  :  un  jeune 
homme,  vers  1824,  avait  reçu  sur  le  sommet  de  la  tête  un  coup  de  couteau;: 
l’instrument  s’était  rompu  après  avoir  perforé  le  crâne,  et  la  pointe  y 
élait  restée,  le  blessé  guérit,  mais  au  bout  de  dix  ans,  la  blessure  étant 
devenue  douloureuse,  Dupuytren,  à  l’Hôtel-Dieu,  reconnut  que  la  cica¬ 
trice  était  soulevée  par  un  corps  dur.  Une  ouverture  fut  faite,  et  la  pointe- 
du  couteau  avec  la  portion  d’os  dans  laquelle  elle  était  enclavée  fut  enlevée 
à  l’aide  du  trépan.  C’est  alors  que  les  accidents  ayant  persisté  et  l’hémi¬ 
plégie  du  côté  opposé  étant  survenue,  la  dure-mère  fut  incisée,  et  enfin 
le  cerveau  lui-même  qui  contenait  un  abcès  profond;  le  malade  fut  sauvé. 

Il  se  peut  qu’une  tige  métallique,  une  baguette  de  fusil,  une  épée,  un 
poignard  pénètre  dans  le  crâne  de  plusieurs  centimètres  sans  blesser  le 
cerveau  ;  le  corps  étranger  s’est  insinué  entre  les  deux  hémisphères  paral¬ 
lèlement  à  la  faux  du  cerveau;  quelquefois,  au  contraire,  la  masse  céré¬ 
brale  a  été  traversée  de  part  en  part,  et  le  corps  vulnérant  a  pratiqué 
deux  ouvertures.  L’e.xtraction  peut  offrir  alors  de  grandes  difficultés,  d’au¬ 
tant  plus  que  la  tige  métallique  n’est  pas  seulement  fortement  serrée  dans 
l’épaisseur  de  l’os,  mais  peut  encore  avoir  changé  de  forme  en  se  cou¬ 
dant  pendant  son  trajet  à  travers  la  tête.  On  doit,  avec  des  tenailles  ou  un 
étau  à  mains,  saisir  le  corps  étranger  par  sa  grosse  extrémité,  et  le  tirer 
avec  force  et  sans  secousses,  en  même  temps  que  la  tête  est  maintenue 
par  des  aides  appuyée  sur  un  matelas,  et  autant  que  possible  dans  une  po- 


ENCÉPHALE.  —  corps  étrakgers  du  cerveau.  51 

sition  fixe  et  invariable.  Charrière  a  inventé  un  instrument  imité  de  l’élé- 
vatoire  d’A.  Paré,  et  qui  pourrait  servir  à  défaut  des  tenailles  et  de  l’étau 
à  mains;  il  est  fondé  sur  ce  principe,  que  prenant  un  point  d’appui  sur  le 
crâne,  et  saisissant  d’autre  part  le  corps  étranger  à  l’aide  d’une  pièce 
mobile  mue  par  un  pas  de  vis,  il  porte,  comme  certains  tire-bouchons,  le 
point  d’appui,  qui  est  le  crâne  et  le  corps  étranger  à  extraire  en  sens  op¬ 
posés.  On  pourrait  se  bien  trouver  aussi  de  l’application  d’une  ou  plusieurs 
couronnes  de  trépaa  autour  et  au  niveau  de  l’ouverture  d’entrée,  mais  ce 
sont  là  de  ces  détails  de  médecine  opératoire,  qui  varient  avec  chaque  cas 
particulier,  et  dont  une  description  plus  étendue  trouvera  place  à  l’article 
Trépan. 

Une  balle,  qui  a  frappé  le  crâne  dans  une  direction  perpendiculaire  à 
.la  surface  osseuse,  peut  avoir  été  arrêtée  au  passage,  soit  au-dessous, 
soit  au  niveau,  soit  enfin  au  delà  de  son  grand  diamètre;  dans  le  premier 
cas,  le  tire-fond  peut  suffire  pour  l’extraction,  parce  qu’on  peut  prendre, 
pour  engager  l’instrument,  un  point  d’appui  sur  elle;  dans  le  second 
cas,  on  risquerait  de  l’enfoncer  plus  profondément.  Il  faut  mettre  en 
usage  deux  poinçons  plongés  horizontalement  aux  extrémités  d’un  même 
diamètre,  et  dans  le  troisième  cas,  où  le  danger  d’enfoncer  la  balle 
paraît  presque  inévitable,  c’est  au  trépan  qu’il  serait  bon  de  recourir,  car 
il  servirait  aussi  à  extraire  le  fragment  de  la  table  interne  déprimé  vers 
les  membranes  et  le  cerveau;  enfin,  dans  certains  cas  difficiles  à  déter¬ 
miner  a  priori,  on  peut  être  conduit  à  se  servir  de  la  gouge,  du  maillet 
de  plomb  et  des  scies  en  crête  de  coq. 

Quand  la  paroi  du  crâne  a  été  complètement  dépassée,  des  graviers  de 
plomb,  une  balle  de  petit  calibre  ou  de  calibre  ordinaire,  ont  pu  che¬ 
miner  entre  la  dure-mère  et  les  os,  ou  s’enfoncer  dans  le  cerveau.  Le 
doigt,  une  sonde,  rencontrent  le  corps  étranger  quelquefois  très-près  de 
l’ouverture  d’entrée;  mais,  à  cause  de  la  déformation  subie  par  le  corps 
étranger,  il  est  rare  qu’il  ne  faille  pas  appliquer-  le  trépan  pour  l’ex¬ 
traction.  Le  trajet  parcouru  peut  être  considérable;  alors  il  est  impossible 
de  retirer  la  balle  par  la  plaie  osseuse  ;  dans  un  cas  pareil ,  où  Larrey, 
avait  reconnu,  à  l’aide  d’une  sonde  de  gomme  élastique,  que  la  balle, 
entrée  à  la  région  frontale,  avait  parcouru,  entre  les  os  et  la  dure-mère, 
un  trajet  qui  se  terminait  à  la  suture  occipitale,  le  blessé  se  plaignant, 
d’ailleurs,  d’une  douleur  au  point  du  crâne  opposé  à  la  plaie  extérieure, 
une  contre-ouverture  fut  faite  au  niveau  du  lieu  où  s’était  arrêtée  la 
sonde,  retirée  et  appliquée  à  l’extérieur.  Cette  contre-ouverture  donna 
issue  à  du  pus  ainsi  qu’à  la  balle,  et  la  guérison  fut  le  prix  de  cette 
ingénieuse  conduite. 

Quand  enfin  la  balle  est  plongée  dans  la  substance  cérébrale,  la  plaie 
de  là  dure-mère  et  un  léger  relief  à  la  surface  du  cerveau,  indiquent  le 
siège  du  corps  étranger.  L’introduction  d’un  stylet,  faite  avec  précaution, 
confirmera  le  diagnostic  ;  une  large  voie  sera  ouverte  à  l’aide  du  trépan 
pour  l’extraction,  et  afin  d’éviter  le  danger  de  laisser  retomber  la  balle, 
ainsi  que  cela  est  arrivé  à  un  chirurgien  cité  par  Percy. 


52  ENCÉPHALE.  —  accidents  tardifs,  épilepsie. 

Voilà  ce  qu’il  faut  faire  dans  les  cas  où  la  blessure  est  récente;  si,  au 
contraire,  elle  était  ancienne,  on  ne  serait  autorisé  aux  tentatives  d’ex¬ 
traction  qu’en  cas  de  douleurs  violentes,  de  symptômes  de  compression 
et  si  le  siège  du  corps  étranger  avait  pu  être  suffisamment  déterminé. 

Accidents  dn  cerveau,  douleurs  locales,  épilepsie.  —  Les 
douleurs  locales,  dont  on  peut  profiter,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  pour 
juger  du  siège  d’un  corps  étranger,  peuvent  aussi  exister  dans  des  cas  où 
la  présence  de  celui-ci  n’a  pas  dû  être  soupçonnée.  C’est  une  complication, 
même  quelquefois  assez  tardive  pour  ne  se  présenter,  après  une  blessure  à 
la  tête,  qu’au  bout  de  plusieurs  mois  ou  d’années.  Elles  répondent,  ce¬ 
pendant,  à  l’endroit  frappé,  et  sont  permanentes  ou  intermittentes,  quel¬ 
quefois  assez  vives  pour  produire  la  syncope  au  moindre  attouchement,  à 
la  plus  légère  pression  du  siège  de  la  douleur.  Naturellement  on  a  dû 
chercher,  dans  ces  cas  de  douleurs  fixes  au  point  frappé,  quel  état 
anatomique  pouvait  en  être  la  cause.  On  a  trouvé  le  péricrâne  décollé 
dans  une  petite  étendue,  et,  au-dessous  de  lui ,  l’os  tantôt  rougeâtre; 
tantôt  brun,  noirâtre,  dépoli,  terne,  sec,  d’un  blanc  mat;  il  était  carié  ou 
nécrosé;  enfin,  au-dessous  de  l’os,  quelquefois  la  dure-mère  décollée,  des 
esquilles,  du  pus  ou  du  sang  ;  le  cerveau  plus  ou  moins  altéré.  Quelque¬ 
fois,  au  contraire,  aucune  lésion  appréciable  n’a  été  rencontrée,  et  les 
douleurs  n’étaient  qu’une  névralgie  au  niveau  de  la  cicatrice. 

Le  mémoire  de  Quesnay  sur  le  trépan  dans  des  cas  douteux  {Mé¬ 
moires  de  V Acad,  de  chirurgie,  t.  I,  p.  188  à  231),  contient  des  observa¬ 
tions  importantes  sur  le  point  dont  nous  traitons. 

1’®  obs.  —  «  Une  demoiselle  de  dix  ans  fut  frappée  par  une  tringle  de 
fer  qui  lui  tomba  sur  la  tête.  Il  n’y  eut  pas  de  plaie;  la  guérison  fut 
prompte  à  la  réserve  d’une  douleur  fixe  sur  un  des  pariétaux.  De  temps 
en  temps,  la  douleur  augmentait,  donnait  de  la  fièvre  qu’on  apaisait  par 
la  saignée  ;  cela  dura  plusieurs  années.  Maréchal  jugea  le  trépan  néces¬ 
saire,  il  découvrit  l’os  au  siège  de  la  douleur,  et  appliqua  une  couronne 
de  trépan  ;  il  remarqua  que  la  sciure  de  Vos  était  sèche  comme  celle  d’un 
crâne  qui  aurait  été  longtemps  enterré.  L’opération  réussit,  et  la  douleur 
cessa  entièrement  et  pour  toujours.  » 

2®  obs.  —  «  Une  femme  reçut  un  coup  de  bûche  sur  la  partie  moyenne 
du  pariétal  gauche,  sans  plaie,  ni  contusion  notable.  Une  douleur  d’a¬ 
bord  légère,  puis  vive  à  l’endroit  du  coup,  survint  et  résista  à  la  saignée 
répétée,  à  l’artériotomie  de  la  temporale,  à  l’incision  suivie  de  suppu¬ 
ration  pendant  quinze  jours.  La  douleur  persista  et  devint  plus  violente; 
le  trépan  fut  appliqué  avec  succès;  on  ne  trouva  rien  sous  le  crâne,  mais 
la  douleur  disparût.  » 

5®  obs.  —  Une  fille  de  quatorze  ans,  tomba  sur  le  derrière  de  la  tête 
en  descendant  un  escalier;  elle  perdit  connaissance,  eut  une  violente 
douleur  de  tête  pendant  plusieurs  jours  pour  laquelle  elle  fut  saignée  plu¬ 
sieurs  fois  du  bras  et  du  pied  ;  elle  fut  soulagée,  mais  il  resta  une  dou¬ 
leur  fixe  derrière  la  tête,  qui  augmenta  beaucoup  et  venait  par  accès 
réguliers,  si  cette  fille  se  frottait  un  peu  fort  au  point  douloureux. 


ENCÉPHALE.  : —  accidents  tardifs,  épilepsie.  ?>5 

elle  loinbait  en  syncope  ;  enfin  il  survint  des  mouvements  épileptiques 
huit  ou  dix:  fois  par  jour.  Gervais  vit  au  siège  de  la  douleur  une 
tache  noirâtre  à  la  peau;  c’était  à  la  partie  moyenne  et  supérieure  de 
l’occipital.  Par  la  pression,  il  produisit  à  diverses  reprises  la  syncope;  on 
décida  en  consultation  de  découvrir  le  point  douloureux  ;  on  trouva  le 
périoste  détaché  de  l’os  qui  était  altéré;  on  songea  au  trépan,  mais  on  le 
différa;  l’exfoliation  de  l’os  amena  la  guérison  définitive. 

Scultet  rapporte  une  observation  tout  à  fait  semblable  sur  un  garçon  de 
sept  ans  :  le  crâne  mis  à  nu  au  siège  de  la  douleur  fut  trouvé  noir  et 
âpre;  on  rugina;  des  bourgeons  charnus  de  bonne  nature  se  formèrent 
sur  l’os,  et  la  guérison  fut  prompte. 

On  pourrait  multiplier  les  citations  d’observations  analogues,  il  vaut 
mieux  poser  les  principes,  et  préciser  les  indications  opératoires.  S’il  y 
a  une  fistule,  de  l’œdème  au  point  frappé  et  douloureux,  il  faut  évidem¬ 
ment  inciser  et  mettre  l’os  à  nu.  Le  périoste  est-il  soulevé,  l’os  rou¬ 
geâtre  et  douloureux,  on  maintiendra  la  plaie  ouverte  et  on  attendra  l’ex- 
foliation  ;  si  l’os  est  carié,  on  ruginera,  et  on  attendra  encore  la  gué¬ 
rison  spontanée,  mais  on  trépanera  dans  le  cas  où  l’os  est  d’un  blanc 
mat,  nécrosé  ;  si  la  sonde  a  fait  découvrir  un  foyer  purulent  intra-cr⬠
nien,  et  si  l’emploi  de  la  rugine  et  l’exfoliation  n’ont  pas  fait  cesser  la 
douleur  vive  et  opiniâtre.  Au  contraire,  dans  le  cas  où  l’os  n’est  pas  al¬ 
téré,  on  doit  se  borner  à  l’incision,  car  on  trouve  dans  la  science  des  ob¬ 
servations,  qui  démontrent  que  des  douleurs  locales  anciennes  ont  cédé  à 
la  simple  incision  des  parties  molles  au  niveau  delà  cicatrice. 

Le  traitement  des  névralgies  doit  seul  être  employé  dans  les  cas  où  les 
douleurs  ne  sont  pas  localisées  dans  un  point  précis,  ne  répondent  pas 
par  conséquent  au  lieu  de  la  blessure  :  il  se  borne  aux  antispasmodiques 
et  narcotiques  connues. 

L’épilepsie  consécutive  à  une  blessure,  est-elle  une  indication  du 
trépan?  oui,  quand  on  trouve  au  lieu  de  cette  blessure  une  altération  de 
l’ps  superficielle  ou  profonde.  C’est  le  cas  du  malade  de  Marchettis,  qui 
fut  guéri  de  mouvements  épileptiques  par  l’opération  du  trépan.  (Obser¬ 
vations  méclico-chirurg.,  7®  observation.)  Quesnay  rapporte  une  autre  ob¬ 
servation  deTursan,  où  il  est  question  d’un  épileptique  qui  reçut  un  coup 
à  la  tête  pour  lequel  on  le  trépana  ;  les  accès  furent  suspendus  tant  que 
la  plaie  suppura,  mais  reprirent  après  la  cicatrisation.  Dans  les  cas  même 
où  la  douleur  fixe  au  lieu  du  coup  et  l’épilepsie  sont  bien  évidemment 
symptomatiques  d’une  blessure,  mais  toutefois  sans  les  altérations  os¬ 
seuses,  qui  peuvent  et  doivent  servir  d’indications  de  l’opération,  on  ne 
doit  agir  qu’avec  la  plus  grande  circonspection  ;  une  observation  de 
Boyer  (7’mHd  des  maladies  chirurgicales,  t,  V,  p.  144),  montre  le  danger 
d’une  simple  incision.  «  Un  homme  de  trente-six  ans  reçut  un  coup  à  la 
partie  postérieure  de  la  tête.  Il  resta  au  point  frappé  une  douleur  continue, 
et  deux  ans  après,  des  accès  d’épilepsiesurvinrent.  On  décida  d’appliquer 
une  couronne  de  trépan  à  l’endroit  douloureux,  on  n’aperçut  aucune  al¬ 
tération  de  l’os  après  l’incision  des  parties  molles;  le  trépan  fut  remis  au 


54 


ENCÉPHALE.  —  bibliographie. 


lendemain,  mais  quelques  heures  écoulées,  il  y  eut  un  frisson,  puis  un 
érysipèle  avec  beaucoup  de  fièvre,  et  le  sixième  jour  le  malade  mourut. 
A  l’autopsie,  on  ne  trouva  rien  dans  le  crâne  au  lieu  du  siège  de  la  dou¬ 
leur.  D’un  autre  côté,  on  sait  déjà  que  la  guérison  de  l’épilepsie  sympto¬ 
matique  a  été  guérie  par  le  trépan.  Nous  avons  dit  dans  quelles  conditions 
le  chirurgien  y  serait  autorisé.  Nous  ne  croyons  donc  pas  que  les  succès 
obtenus  dans  des  cas  semblables  puissent  conduire  au  trépan  dans  l’épilepsie 
essentielle,  idiopathique.  Quelques  chirurgiens  en  ont  cependant  proposé 
l’application,  et  Lamotte  l’a  pratiquée  sur  le  pariétal  gauche  sans  autre 
indication  qu’un  sentiment  général  d’embarras  dans  toute  la  tête  au  début 
des  attaques.  La  réussite  ne  fut  que  partielle  ;  l’épilepsie  reparut  quand  le 
trou  du  crâne  fut  fermé,  mais  les  accès  à  leur  retour  restèrent  moins  forts 
et  moins  fréquents. 

Tumeurs  fongueuses  de  la  dure-mère.  —  Devons-nous  comp¬ 
ter  au  nombre  des  accidents  traumatiques  de  l’encéphale  certaines  tu¬ 
meurs  nées  de  la  dure-mère,  soit  à  la  face  interne,  soit  à  la  face  externe, 
par  cela  seul  qu’on  a  cru  pouvoir  en  rapporter  l’origine  à  un  coup  plus  ou 
moins  violent  sur  la  tête,  ou  à  quelque  chute  dans  laquelle  le  cerveau  a 
reçu  ûn  ébranlement  plus  ou  moins  marqué?  La  chose  ne  serait  pas 
contestable  pour  quelques-unes  de  ces  tumeurs,  quoiqu’il  faille  remarquer 
que  la  violence  du  choc  n’est  pas  une  condition  nécessaire  de  leur  dé¬ 
veloppement,  et  que  parfois  une  légère  commotion,  comme  celle  qui  ré¬ 
sulte  d’une  chute  sur  le  siège,  a  paru  en  être  la  cause  occasionnelle,  tandis 
qu’en  d’autres  circonstances  la  tumeur  s’est  développée  bien  évidemment 
à  la  suite  d’un  coup  violent  et  dans  le  lieu  d’une  contusion  extérieure 
très-manifeste;  d’autre  part,  si  l’on  considère  l’anatomie  pathologique  de 
ces  tumeurs  dites  fongueuses,  on  reconnaît  qu’elles  sont  de  véritables 
cancers  et  qu’elles  présentent  les  caractères  physiques  et  microscopiques 
du  squirrhe  et  de  l’encéphaloïde;  de  sorte  que  si  on  ne  peut  nier  pour 
plusieurs  l’occasion  du  traumatisme,  on  se  trouve,  même  pour  ces  cas, 
dans  la  nécessité  d’admettre,  comme  pour  les  autres  cancers,  une  pré- 
di.sposition  de  l’organisme,  et,  en  effet,  on  voit  un  plus  grand  nombre 
encore  de  ces  tumeurs  fongueuses  de  la  dure-mère  naître  spontanément. 

C’est  à  l’article  Méninges  que  le  lecteur  trouvera  les  maladies  chi¬ 
rurgicales  de  la  dure-mère.  Quoi  qu’il  en  soit,  elles  font  partie  du  domaine 
de  la  pathologie  de  l’encéphale,  et,  à  ce  titre,  elles  appartiennent  aussi 
bien,  et  peut-être  plus,  à  cet  article  qu’à  celui  qui  sera  consacré  aux 
maladies  des  méninges,  les  autres  lésions  chirurgicales  de  celles-ci,  telles 
que  les  plaies  et  l’inflammation  traumatique  n’ayant  pas  pu  être  détachées 
des  lésions  traumatiques  du  cerveau. 

Hippocrate,  Œuvres,  traduction  nouvelle  par  E.  Littré.  Des  épidémies,  liv.  VII,  t.  V,  p.  405. 
Paré,  Œuvres,  éd.  Malgaigne.  Paris,  1840. 

PiGRAT,  Épitome  des  préceptes  de  médecine  et  de  chirurgie,  liv.  IV,  ch.  ix. 

Marchettis  (P.),  Observationes  medico-chirurgicæ,  observ.  7. 

Ledran,  Observations  de  chirurgie.  Paris,  1751,  t.  I,  p.  146. 

Qceskat  (Fr.),  Remarques  sur  les  plaies  du  cerveau  [Mém.  de  V Acad,  roy.  de  chirurgie.  Pa¬ 
ris,  1745,  in-4,  1. 1,  p.  510). 


55 


ENCÉPHALE.  —  congestion. 

0E  LA  Peïeonie  in  Quesnat,  loc.  cit.,  p.  519  et  320. 

OoESNAT,  Précis  de  diverses  observations  sur  le  trépan  dans  des  cas  douteux  [Uém.  de  l’Acad.  de 
chirurgie.  Vavh,  1743,  t.  I,  p.  225). 

Petit  (J.-L  ),  Traité  des  maladies  chirurgicales.  Paris,  1774,  1.  1.  (Plaies  delà  tête.) 

PouTEAU,  Mémoire  sur  le  danger  des  coups  à  la  tête,  in  Œuvres  posthumes.  1784,  t.  II. 

Peecy,  Manuel  du  chirurgien  d’armée.  Paris,  1792. 

Lobbaed,  Remarques  sur  les  lésions  de  la  tête.  Strasbourg,  1796. 

.Laebeï  (J.-D.),  Mémoires  de  chirurgie  militaire.  Paris,  1812-1817.  —  Clinique  chirursieale. 
Paris,  1836,  t.  Y. 

:Seeees,  Annuaire  médico-chirurgical  des  hôpitaux,  1819. 

Moeeik  (J.),  The  medical  Recorder,  july  1826,  vol.  X,  p.  151  ;  observ.  reprod.  par  Chassaignac, 

p.  128. 

Maussell  (H.),  Edinburgh  med.  and  surgical  Journal,  january  1830;  observations  reprod.  par 
Chassaignac,  p.  130. 

Gama,  Traité  des  plaies  de  tête.  Paris,  1830. 

Sasson  (L.-J.),  Des  hémorrhagies  traumatiques.  Thèse  de  concours.  Paris,  1856,  in-8. 

Malle  (P.),  Clinique  chirurgicale  de  l’hôpital  militaire  d’instruction  de  Strasbourg.  Paris,  1838, 

iLüpüvtben,  Leçons  orales  de  clinique  chirurgicale.  1839,  2*  édition,  t.  VI.  {Blessures  par  armes 
de  guerre.) 

Malgaigne,  De  la  théorie  du  traitement  des  plaies  de  tête  [Gaz.  méd.  de  Paris,  1836,  p.  49). 
.Laegiee  (St.),  Ecoùlement  du  liquide  aqueux  par  l’oreille  à  la  suite  des  percussions  du  crâne 
[Comptes  rendus  de  l’Académie  des  sciences,  18  février  1839).  —  Mémoire  sur  l’écoulement 
d’un  liquide  aqueux  par  l’oreille,  considéré  comme  signe  des  fractures  du  crâne  et  en  parti¬ 
culier  du  rocher,  lu  à  l’Académie  de  médecine  le  14  mai  1844  [Archives  de  médecine,  4*  sé¬ 
rie,  t.  VIII,  août  1845) .  —  Note  sur  la  localisation  de  la  commotion  cérébrale  présentée  à  l’Aca¬ 
démie  des  sciences  le  13  mai  1867. 

Ceüveilhiee  (J.),  Anatomie  pathologique  du  corps  humain.  In-folio,  n'  livraison,  planche  vi. 
Chassaignac,  Lésions  traumatiques  du  crâne  et  des  parties  qu’il  contient.  Thèse  de  concours 
Paris,  1842. 

Gbtbeie  (G.-J.),  On  Injuries  of  the  Head  affecting  the  Drain.  London,  1842,  in-4. 

Denohvilliers  et  Gosselin,  Compendium  de  chirurgie.  Paris,  1851,  t.  II. 

Teélat,  Des  conditions  de  résistance  du  crâne  [Bulletin  de  la  Société  anatomique,  1855, 
t.  XXX,  p.  121). 

Malgaigne,  Traité  d’anatomie  chirurgicale.  Paris,  1859,  2*  édit.,  t.  I,  p.  576. 

Baüchet,  Des  lésions  traumatiques  de  l’encéphale.  Thèse  d’agrégation.  Paris,  1860. 

Lebeet,  Traité  d’anatomie  pathologique.  Paris,  1861,  t.  II.  Inflammation  traumatique  du  cer¬ 
veau,  p.  44;  suppuration,  abcès,  p.  45;  tumeur  fîbro-plastique  de  l’encéphale,  p.  72;  cancer 
du  cerveau,  p.  85. 

Legoüest,  Traité  de  chirurgie  d’armée.  Paris,  1863. 

Le  Fobt  (Léon),  Des  indications  de  la  trépanation  du  crâne  dans  les  lésions  traumatiques  de  la 
tête  [Gazette  hebdomadaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  1867). 

JliCHET,  Traité  d'anatomie  chirurgicale.  4«  édition,  1870. 

Voyez  en  outre  la  bibliographie  de  l’article  Méninges. 

St.  Ladgieb. 

PATHOLOGIE  MÉDICALE. 

Congestion  de  l’encéphale. — Genèse  et  étiologie.  — On  a  sérieu¬ 
sement  contesté  que  l’encéphale  pût  être,  comme  les  autres  viscères,  le 
siège  d’hypérémies.  Monro  et  Kellie  avaient  établi  qu’en  raison  de  l’in¬ 
compressibilité  presque  absolue  des  liquides  et  de  la  rigidité  des  parois 
crâniennes,  le  contenu  liquide  du  crâne  n’est  susceptible  ni  d’augmen¬ 
tation  ni  de  diminution.  On  partit  de  là  pour  nier  formellement,  au  nom 
des  lois  physiques,  la  possibilité  de  toute  variation  dans  la  quantité  de 
sang  que  renferme  l’encéphale  :  c’était  forcer,  en  l’altérant,  le  sens  de 
la  proposition  inattaquable  énoncée  par  Monro  et  Kellie;  on  ne  tenait  pas 
compte,  en  raisonnant  ainsi,  du  liquide  céphalo-rachidien.  Ce  n’est  que 
.plus  tard  que  le  rôle  et  l’importance  de  ce  liquide  ont  été  reconnus. 


56  ENCÉPHALE.  ■ —  cokgestiom. 

On  sait  aujourd’hui,  grâce  surtout  aux  expériences  de  Richet,  qu’il 
reflue  dans  le  canal  rachidien  chaque  fois  que  la  pression  intra-cr⬠
nienne  s’élève  et  que  ces  fluctuations  ont  précisément  pour  résultat 
de  maintenir  à  un  degré  constant  l’état  de  réplétion  de  la  cavité 
crânienne.  Il  existe  un  rapport  inverse  entre  la  quantité  de  liquide 
céphalo-rachidien  et  la  quantité  de  sang  contenues  dans  le  crâne;  les 
faits  pathologiques,  confirmant  les  données  de  l’expérimentation,  dé¬ 
montrent  la  réalité  de  cet  antagonisme  ;  c’est  ainsi  que  dans  l’hydrocé¬ 
phalie  le  cerveau  est  presque  toujours  vide  de  sang,  que  dans  l’hypérémie 
cérébrale  on  observe  souvent  la  sécheresse  des  méninges  ;  les  deux  liquides 
augmentent  simultanément  dans  les  cas  d’atrophie  du  cerveau,  et  on  ne  les 
voit  diminuer  tous  deux  ensemble  que  si  un  travail  pathologique  réduit  la 
capacité  de  la  cavité  crânienne. 

D’autre  part  Donders,  dans  les  remarquables  expériences  où  il  a  pu, 
au  moyen  d’une  fenêtre  pratiquée  dans  la  voûte  crânienne  et  obturée  par 
une  laine  de  verre,  observer  directement  la  circulation  cérébrale  dans 
des  conditions  presque  physiologiques,  a  constaté  des  oscillations  con¬ 
sidérables  dans  le  diamètre  des  vaisseaux  de  la  pie-mère;  il  les  a  vus  se 
dilater,  au  moment  de  l’expiration,  de  0““,04  à  0““,14,  et  de  0““,07  à 
pmm  10  Enfin  on  rencontre  fréquemment  dans  les  autopsies  des  hypé- 
rémies  cérébrales  qui  se  distinguent  nettement  par  leurs  caractères  des 
simples  stases  superficielles  dues  à  la  position  déclive  de  la  tête,  et  dont 
la  nature  pathologique  ne  peut  être  mise  en  doute.  L’existence  de  cet  état 
morbide  ne  saurait  donc  plus  faire  question  aujourd’hui. 

Dans  l’étude  des  causes,  une  division  de  premier  ordre  doit  être  d’abord 
établie  suivant  que  la  congestion  est  déterminée  par  l’afflux  du  sang  en 
trop  grande  quantité,  ou  par  un  obstacle  à  la  circulation  en  retour;  en 
d’autres  termes,  suivant  qu’elle  est  active  ou  passive. 

La  congestion  active  peut  avoir  pour  causes  prochaines  la  fluxion  colla¬ 
térale,  l’irritation  de  l’encéphale,  la  perturbation  de  l’innervation  vaso¬ 
motrice,  l’abaissement  de  la  pression  extra-vasculaire. 

Elle  peut  se  produire  par  fluxion  collatérale  quand  la  tension  s’élève 
dans  le  système  artériel,  et  surtout  dans  les  branches  céphaliques  de 
l’aorte.  Tout  obstacle  au  cours  du  sang  dans  l’aorte  au  delà  des  carotides, 
le  rétrécissement  du  vaisseau  au  niveau  de  l’orifice  du  canal  artériel, 
sa  compression  par  les  tumeurs  du  médiastin  ou  de  l’abdomen,  la  dimi¬ 
nution  du  champ  de  la  circulation  rénale  dans  la  maladie  deBright,  sont 
autant  de  causes  capables  d’accroître  la  pression  dans  les  artères  cépha¬ 
liques,  et  de  produire  ainsi  l’hypérémie  cérébrale  ;  l’hypertrophie  du 
cœur,  dont  ces  lésions  amènent  presque  nécessairement  le  développe¬ 
ment,  intervient  alors  puissamment  comme  cause  adjuvante.  C’est  par- 
un  mécanisme  analogue  que  la  suppression  d’un  flux  sanguin  habitue! 
amène  la  congestion  de  l’encéphale;  ainsi  s’expliquent  les  accidents 
cérébraux  que  Ton  observe  parfois  après  la  cessation  brusque  des  règles 
ou  d’un  flux  hémorrhoïdaire.  Ces  faits  se  produisent  moins  communé¬ 
ment  qu’on  ne  l’a  longtemps  admis,  mais  la  réalité  en  est  incontestable. 


ENCÉPHALE.  —  co.ngestion.  57 

Dans  les  accouchements  pénibles,  la  compression  prolongée  des  mem¬ 
bres  et  du  tronc  par  les  contractions  utérines,  tend  à  chasser  le  sang  vers 
l’extrémité  céphalique  en  partie  dégagée,  et  peut  déterminer  ainsi  une 
hypérémie  intense  de  l’encéphale,  l.a  contraction  énergique  de  toutes  les 
artères  cutanées  pendant  le  stade  de  frisson  des  fièvres  intermittentes, 
fait  de  même  refluer  le  sang  dans  les  viscères,  et  particulièrement 
dans  le  cerveau.  Tel  est  encore  le  mode  pathogénique  des  congestions 
cérébrales  signalées  par  Watson  chez  des  individus  que,  pendant  les 
nuits  des  hivers  rigoureux,  on  trouve  morts  dans  les  rues  de  Londres; 
mais  dans  ce  dernier  cas,  la  fluxion  collatérale  n’est  pas  seule  en 
jeu,  d’autres  éléments  interviennent,  et,  en  première  ligne,  les  troubles 
vaso-moteurs  que  provoque  l’excitation  par  le  froid  des  nerfs  sensitifs. 

La  congestion  irritative  s’observe  à  la  suite  de  veilles  prolongées,  de 
fatigues  intellectuelles.  Elle  peut  avoir  pour  origine  les  modifications  du 
sang  que  produisent  les  fièvres  graves;  il  s’agit,  bien  entendu,  des 
congestions  précoces,  et  encore  faudrait-il  se  garder  de  rapporter  exclu¬ 
sivement  à  la  congestion  les  phénomènes  cérébraux  qui  marquent  souvent 
le  début  de  ces  fièvres.  Dans  la  manie  aiguë,  on  trouve  le  plus  souvent, 
d’après  Griesinger,  une  hypérémie  intense  de  l’encéphale  et  de  ses 
membranes.  L’alcool  à  haute  dose  congestionne  le  cerveau.  L’opium, 
d’après  la  plupart  des  auteurs,  aurait  la  même  action;  cependant  des 
expériences  récentes  semblent  prouver,  au  contraire,  qu’il  produit 
Tanémie  cérébrale;  de  nouvelles  recherches  sont  donc  nécessaires.  L’étude 
expérimentale  des  modifications  que  les  divers  agents  médicamientaux 
peuvent  apporter  dans  la  circulation  de  l’encéphale,  est  d’ailleurs  d’une 
grande  difficulté  ;  il  est  toujours  délicat  de  décider  si  la  congestion  que  l’on 
observe  doit  être  rapportée  à  l’action  du  médicament  ou  à  des  causes  secon¬ 
daires,  telles  que  la  gêne  de  la  respiration  ou  les  efforts  que  fait  l’animal  en 
se  débattant;  d’autre  part,  il  paraît  établi  qu’à  doses  différentes  le  même 
agent  peut  produire  des  effets  opposés.  En  somme,  la  question  est  encore 
à  l’étude,  et  Ton  ne  possède  aujourd’hui  que  des  notions  imparfaites  sur 
la  nature  et  l’importance  des  troubles  vaso-moteurs  que  les  agents  théra¬ 
peutiques  peuvent  déterminer  dans  l’encéphale.  Les  congestions  qui, 
d’après  quelques  auteurs,  seraient  la  cause  des  accidents  cérébraux  dans 
les  fièvres  intermittentes  pernicieuses,  prendraient  place  également  parmi 
les  fluxions  irritatives,  mais  de  nouvelles  observations  sont  nécessaires  pour 
établir  la  réalité  de  leur  existence.  Nous  rangerons  enfin  dans  la  même  classe 
les  congestions  encore  mal  connues  que  Ton  a  signalées  chez  les  goutteux. 

Les  troubles  digestifs,  les  émotions  morales,  les  érysipèles,  les  brû¬ 
lures  étendues  peuvent  produire  la  congestion  de  l’encéphale  en  amenant, 
par  voie  réflexe,  la  dilatation  de  ses  petites  artères.  Ainsi  s’expliquent, 
par  exemple,  les  morts  subites  qui  surviennent  parfois  à  la  suite  de 
violentes  émotions.  Ces  causes  diverses  agissent  par  un  mécanisme  sem¬ 
blable  :  une  irritation  part,  soit  des  rameaux  gastriques  du  nerf  vague, 
soit  des  nerfs  sensitifs  de  la  peau,  soit  des  cellules  des  circonvolutions; 
transmise  par  les  nerfs  centripètes  à  l’appareil  bulbaire,  où  siège  le  centre 


58  ENCÉPHALE.  —  congestion. 

de  l’innervation  vaso-motrice,  elle  s’irradie  de  là  sur  les  nerfs  vasculaires 
de  l’encéphale,  les  petits  vaisseaux  se  dilatent,  et  une  congestion  active  se 
produit  ;  souvent  l’irritation  se  propage  en  même  temps  aux  vaso-moteurs 
qui  suivent  le  facial  et  le  trijumeau,  et  l’on  observe,  concurremment  avec  les 
symptômes  cérébraux,  la  rougeur  de  la  face  et  l’injection  des  conjonctives. 

La  congestion  passive  a  pour  cause  un  obstacle  à  la  circulation  en  retour 
de  l’encéphale,  La  compression  des  veines  jugulaires  par  les  tumeurs  du  cou, 
la  constriction  du  cou  par  le  cordon  chez  les  nouveau-nés,  la  compression 
de  la  veine  cave  supérieure  par  les  tumeurs  du  médiastin  en  sont  sou¬ 
vent  l’origine  ;  fréquemment  elle  est  le  résultat  de  stases  dans  la  circu¬ 
lation  cardio-pulmonaire.  De  toutes  les  lésions  cardiaques,  l’insuffisance 
tricuspide,  qui  détermine  à  chaque  systole  le  reflux  du  sang  dans  l’oreil¬ 
lette  et  les  veines  caves,  est  celle  dont  l’influence  pathogénique  s’exerce 
le  plus  directement  ;  elle  est  le  plus  souvent  consécutive,  et  c’est  surtout 
quand  elles  ont  provoqué  le  développement  de  cette  lésion,  que  les  alté¬ 
rations  chroniques  des  poumons,  telles  que  l’emphysème  et  la  sclérose, 
amènent  la  stase  dans  l’encéphale.  Quelques  auteurs  ont  même  affirmé 
qu’une  lésion  du  cœur  gauche  était  impuissante  à  produire  l’hypérémie 
cérébrale,  s’il  n’existait  en  même  temps  une  insuffisance  de  la  tricuspide; 
c’est  là  une  assertion  inexacte,  et  deux  examens  nécroscopiques  ont 
permis  à  l’un  de  nous  de  constater  que  le  rétrécissement  mitral  peut  pro¬ 
duire  l’hypérémie  cérébrale  en  l’absence  de  toute  lésion  de  l’orifice  au- 
riculo-ventriculaire  droit.  Rappelons  cependant  que  les  affections  car¬ 
diaques  ne  provoquent  les  phénomènes  de  stase  qu’à  une  époque  avancée 
de  leur  évolution,,  que  le  plus  souvent  le  développement  d’une  hyper¬ 
trophie  du  ventricule  droit  compense  les  effets  de  l’obstacle,  et  que 
les  accidents  congestifs  ne  se  produisent  qu’au  moment  ou,  par  suite  des 
progrès  de  la  lésion  ou  de  l’altération  du  muscle  cardiaque,  la  com¬ 
pensation  n’est  plus  sufisante. 

L’effort,  en  augmentant  la  pression  intra-thoracique  et  en  s’opposant 
ainsi  à  la  déplétion  des  veines  jugulaires,  peut  être  une  cause  d’hypérémie 
cérébrale.  C’est  ainsi  que  le  chant,  l’usage  des  instruments  à  vent,  les 
vomissements  répétés  et  pénibles,  les  expirations  violentes  et  prolongées, 
les  quintes  de  toux  congestionnent  l’encéphale  ;  les  congestions  que  l’on 
observe  assez  fréquemment  chez  les  enfants  atteints  de  coqueluche  re¬ 
connaissent  sans  doute  la  même  cause. 

D’après  Hasse,  dans  les  cas  d’obstacles  à  la  circulation  dans  la  veine 
cave  inférieure,  l’afflux  par  l’azygos  d’une  quantité  exagérée  de  sang 
élèverait  tellement  la  pression  dans  la  veine  cave  supérieure  que  la 
déplétion  des  veines  jugulaires  se  trouverait  gênée.  Les  faits  d’oblitéra^ 
tion  partielle  et  de  compression  de  la  veine  cave  qu’il  nous  a  été  donné 
d’observer  ne  nous  permettent  pas  d’accepter  cette  manière  de  voir. 

La  congestion  passive  peut  encore  avoir  pour  origine  l’affaiblissement 
de  la  vis  a  ter  go.  C’est  ainsi  que  l’athérôme  des  artères  cérébrales, 
que  l’affaiblissement  de  l’action  cardiaque  peuvent  lui  donner  nais¬ 
sance.  Les  hypérémies  de  la  dernière  période  des  fièvres  se  rattachent  en 


ENCÉPHALE.  —  congestion.  59 

grande  partie  à  cette  cause,  bien  que  les  altérations  physiques  et  chi¬ 
miques  du  sang  et  la  dilatation  paralytique  des  petits  Yaisseau.K  ne  soient 
pas  étrangères  à  leur  production.  Ces  diverses  conditions  pathogéniques 
existent  à  un  haut  degré  dans  Le  choléra  et  expliquent  la  fréquence  des 
accidents  congestifs  qui  se  produisent  dans  le  cours  de  cette  maladie. 

L’abaissement  brusque  de  la  pression  extra-vasculaire  peut  causer 
la  congestion  cérébrale.  L’emploi  industriel  de  l’air  comprimé  a  plu¬ 
sieurs  fois  occasionné  des  accidents  apoplectiformes  qui  n’avaient  pas 
d’autre  origine  ;  ils  peuvent  se  produire,  en  même  temps  que  d’autres 
phénomènes  congestifs,  quand  les  ouvriers  cessent  brusquement  d’être 
soumis  à  la  pression  anormale  sous  laquelle  ils  travaillent  dans  les  tubes  à 
air  comprimé.  On  peut  facilement,  en  prenant  les  précautions  convenables, 
prévenir  le  retour  de  ces  accidents  ;  ils  deviennent  de  plus  en  plus  rares. 

11  n’a  été  question  jusqu’ici  que  des  congestions  étendues  à  toutes  les 
parties  de  l’encéphale;  on  peut  observer  aussi  des  hypérémies  partielles. 
Chaque  fois  qu’une  artère  s’oblitère,  les  artères  voisines  sont  le  siège 
d’une  fluxion  collatérale;  les  tumeurs  intra-crâniennes  sont  fréquemment 
la  cause  de  congestions  irritatives  ;  d’autres  fois  elles  amènent  la  conges¬ 
tion  passive  en  comprimant  les  veines  ;  enfin,  les  thromboses  des  sinus  et 
des  veines  de  l’encéphale  déterminent  des  stases  limitées  aux  parties  d’où 
émanent  leurs  vaisseaux  afférents. 

11  nous  reste  à  signaler  l’influence  que  certains  états  pathologiques,  la 
constitution,  l’âge,  le  sexe  de  l’individu,  les  conditions  hygiéniques  dans 
lesquelles  il  se  trouve,  les  modifications  du  milieu  dans  lequel  il  vit, 
peuvent  exercer  sur  le  développement  de  la  congestion  cérébrale. 

L’exagération  de  l’action  cardiaque  ne  suffit  pas ,  le  système  vasculaire 
étant  supposé  sain,  à  produire  par  elle-même  l’hypérémie  de  l’encéphale, 
mais  on  ne  saurait  lui  refuser  une  place  importante  parmi  les  causes 
adjuvantes;  ainsi  l’excitation  cardiaque  joue  certainement  un  rôle  dans  la 
genèse  des  phénomènes  cérébraux  que  l’on  observe  souvent  au  début  des 
inflammations  ducœur  et  de  ses  enveloppes.  Dans  les  hypertrophies  du  cœur, 
dites  essentielles,  et  même  dans  les  hypertrophies  compensatrices,  quand 
l’obstacle  constitué  par  la  lésion  n’est  plus  en  rapport  avec  l’énergie  des 
contractions  cardiaques,  quand,  en  un  mot,  il  y  a  excès  de  compensation, 
on  ne  saurait  nier  que  l’augmentation  de  la  pression  artérielle  ne 
constitue  une  circonstance  éminemment  favorable  à  la  production  de  la 
congestion  cérébrale. 

La  pléthore  est  également  une  prédisposition.  C’est  surtout  chez  les 
individus  pléthoriques  qu’un  repas  trop  copieux  ou  le  séjour  dans  un 
lieu  trop  chaud  peuvent  déterminer  des  accidents  congestifs  du  côté  de 
l’encéphale.  La  congestion  peut  cependant  se  produire  dans  des  conditions 
tout  opposées,  et  un  état  anémique  n’en  est  nullement  exclusif.  Une 
hypérémie  n’est,  en  effet,  qu’une  répartition  vicieuse  du  sang,  un  trouble 
purement  local,  sur  lequel  les  modifications  dans  la  quantité  ou  les 
qualités  de  la  masse  du  sang  en  circulation  ne  sauraient  avoir  qu’une 
action  tout  à  fait  secondaire. 


^60  ENCÉPHALE.  —  congestion. 

L’hérédité  paraît  quelquefois  n’être  pas  sans  influence  sur  la  production 
de  l’hypérémie  active;  il  semble  que,  dans  certaines  familles,  la  prédis¬ 
position  à  cette  ailection  soit  transmissible.  La  congestion  cérébrale  est 
plus  fréquente  chez  les  adultes  et  les  vieillards  que  chez  les  enfants,  chez 
l’homme  que  chez  la  femme.  On  l'observe  plus  souvent  l’hiver  que  dans 
les  autres  saisons;  en  tout  temps  les  changements  brusques  de  tempéra¬ 
ture  en  favorisent  le  développement,  peut-être  en  amenant  un  change¬ 
ment  soudain  dans  la  pression  atmosphérique. 

Anatomie  pathologiqüe.  —  C’est  souvent  un  point  délicat  que  de  con¬ 
stater  à  l’autopsie  l’existence  d’une  congestion  cérébrale;  la  rapidité 
avec  laquelle  l’état  de  réplétion  des  vaisseaux  se  modifie  sous  l’in¬ 
fluence  de  la  pesanteur  peut  aisément  conduire  à  une  appréciation  er¬ 
ronée.  Il  suffit  pourtant  d’être  prévenu  pour  éviter  de  considérer  comme 
morbide  l’hypérémie  postmor/m  que  produit  l’afflux  mécanique  du  sang 
dans  les  parties  déclives  de  l’encéphale.  Il  est  plus  difficile  d’éliminer  les 
congestions  passives  qui  résultent  de  l’agonie  ou  de  l’asphyxie  lente  ;  on 
pourra  les  reconnaître  cependant  si  l’on  sait  qu’elles  sont  limitées  aux, 
méninges  et  aux  parties  superficielles  de  l’encéphale,  tandis  que  les  hy- 
pérémies  pathologiques  s’étendent  le  plus  souvent  aux  parties  profondes.. 
Une  autre  difficulté  provient  des  différences  qui  existent  à  l’état  normal 
dans  la  vascularite 'des  différentes  parties  de  l’encéphale.  Les  parties  grises 
sont  plus  vasculaires  que  les  parties  blanches  ;  les  corps  striés  renfer¬ 
ment  un  grand  nombre  de  petits  vaisseaux  et  deux  branches  assez  volu¬ 
mineuses;  viennent  ensuite,  dans  un  ordre  décroissant,  les  couches  opti¬ 
ques,  le  corps  calleux  et  le  trigone  cérébral;  dans  le  cervelet  ce  sont  aussi 
les  parties  grises,  couche  corticale  et  corps  dentés,  qui  reçoivent  le  plus 
de  sang.  La  protubérance  ne  renferme  que  peu  de  vaisseaux.  La  richesse 
vasculaire  de  l’encéphale  est  plus  considérable  dans  l’enfance  qu’à  l’âge 
adulte  et  que  chez  les  vieillards. 

Dans  la  congestion  cérébrale,  il  s’écoule  habituellement  beaucoup  de 
sang  à  l’ouverture  du  crâne;  les  vaisseaux  diploïques  sont  injectés;  les 
sinus  sont  distendus;  les  veines  de  la  dure-mère  turgides  font  saillie 
sous  forme  de  cordons  noirâtres  ;  au  moment  où  l’on  incise  cette  mem¬ 
brane,  le  cerveau  tuméfié  tend  à  faire  hernie  par  l’ouverture  ;  le  relief 
des  circonvolutions  se  dessine  moins  nettement  ;  la  pie-mère  et  ses  pro¬ 
longements  ventriculaires  sont  épaissis,  de  couleur  sombre  ;  les  vaisseaux 
de  cette  membrane  forment  de  riches  arborisations  à  la  surface  des  circonvo¬ 
lutions,  elle  n’est  pas  adhérente  et  on  peut  l’enlever  facilement  sans  entraî¬ 
ner  de  substance  cérébrale.  Parfois  le  corps  pituitaire  est  tuméfié  et  ramolli. 

La  substance  grise  présente  une  teinte  rouge  sombre,  quelquefois  vio¬ 
lacée  que,  dans  quelques  cas,  Foville  a  trouvée  comparable  à  celle  de 
l’érysipèle.  Rarement  la  substance  blanche  prend  une  coloration  rosée; 
mais  si  l’on  compare  sa  couleur  à  celle  d’un  cerveau  normal,  on  la 
trouve  généralement  plus  foncée  ;  sur  une  coupe,  on  voit  une  quantité 
de  gouttelettes  de  sang  sortir  des  orifices  vasculaires  et  former  un  poin¬ 
tillé  rouge,  c’est  l’état  sahlé  de  l’encéphale  ;  il  n’a  de  valeur  que  s’il  est 


ENCÉPHALE.  —  congestion.  61 

très-prononcé,  car  il  existe  souvent  à  un  faible  degré  en  dehors  de  tout 
état  pathologique;  dans  les  congestions  intenses,  les  gouttelettes  plus  volu¬ 
mineuses  se  réunissent  et  forment  comme  une  nappe  sanguine  étalée  sur 
la  surface  de  section;  au  microscope,  les  vaisseaux  apparaissent  remplis 
de  sang  et  dilatés  ;  leur  diamètre,  qui  à  l'état  normal  ne  dépasse  pas  en 
moyenne  152  millimètres,  peut  atteindre,  d’après  les  mensurations  de 
Schrœder  van  der  Kolk  et  de  Ecker,  de  255  à  310  millimètres.  Quand 
l’hypérémie  est  intense,  l’excès  de  la  tension  intra-vasculaire  amène  une 
transsudation  de  sérosité,  l’oedème  du  cerveau,  et,  si  les  congestions  se 
répètent  ou  durent  longtemps,  l’accumulation  d’une  quantité  anormale 
de  liquide  dans  les  ventricules.  La  congestion  n’est  pas  toujours  également 
prononcée  dans  toutes  les  parties  de  l’encéphale;  elle  peut  occuper  plus 
particulièrement  soit  les  corps  opto-striés,  soit  les  circonvolutions;  sou¬ 
vent  elle  est  partielle,  limitée  à  la  périphérie  d’un  ramollissement  ou 
aux  parties  voisines  d'une  tumeur;  dans  des  cas  rares,  on  l’a  vue  prédo¬ 
miner  dans  l’un  des  hémisphères. 

.  Quand  les  états  congestifs  se  répètent  pendant  longtemps,  à  inter¬ 
valles  rapprochés,  il  se  produit  des  lésions  permanentes;  les  vaisseaux 
se  dilatent,  leurs  parois  s’épaississent;  sur  les  coupes,  leurs  orifices  pré¬ 
sentent  une  lumière  appréciable,  c’est  l’état  criblé  de  Durand-Fardel. 
Quand  cette  lésion  est  générale,  elle  peut,  d’après  certains  auteurs,  avoir 
pour  conséquence  l’atrophie  du  cerveau. 

On  trouve  autour  des  vaisseaux,  chez  les  individus  qui  ont  eu  fréquem¬ 
ment  des  congestions  cérébrales,  par  exemple  chez  les  vieux  épileptiques, 
des  granulations  pigmentaires  en  quantité  ;  on  les  a  rapportées  à  d’an¬ 
ciennes  hémorrhagies.  Cette  manière  de  voir  ne  nous  semble  pas  justifiée 
par  les  faits,  et  ces  dépôts  paraissent  résulter  bien  plutôt  soit  de  la  trans¬ 
sudation  de  sérum  coloré  renfermant  en  dissolution  de  l’hémoglobine,  soit 
de  l’issue  de  globules  rouges  suivant  le  mécanisme  indiqué  par  Cohnheim. 

.  Plusieurs  lésions  co'incident  fréquemment  avec  les  congestions  chro¬ 
niques  ;  ce  sont  des  opacités  de  l’arachnoïde,  des  traînées  blanchâtres 
sur  le  trajet  des  vaisseaux  ;  on  voit  au  microscope  une  multiplication  des 
noyaux  péri-vasculaires ;  en  même  temps,  on  rencontre  souvent  une 
quantité  anormale  de  granulations  de  Pacchioni;  ces  altérations  n’ap¬ 
partiennent  plus  à  la  congestion  et  indiquent  un  état  inflammatoire.  Il 
est  probable  que  dans  la  plupart  des  cas  cette  inflammation  est  le  fait 
primitif  ;  mais  en  est-il  toujours  de  même  ?  Les  états  congestifs  ne  peuvent- 
•il,  en  se  succédant,  déterminer  à  la  longue  une  irritation  péri-vasculaire? 
Qriesinger  attribue  formellement  aux  congestions  de  longue  durée  cette 
influence  pathogénique. 

Nous  rapprocherons  de  ces  faits  les  observations  récentes  de  Lépine. 
Chez  plusieurs  enfants  morts  à  la  suite  d’accès  convulsifs,  cet  observateur 
a  trouvé  en  même  temps  qu’une  hypérémie  intense  de  l’encéphale,  une 
multiplication  considérable  des  noyaux  péri-vasculaires  semblant  indiquer 
un  très-léger  état  phlegmasique  des  méninges.  Ne  peut-on  voir  là  une  lésion 
secondaire  résultant  de  la  durée  et  de  l’intensité  de  la  congestion  ?  Un 


ENCÉPHALE.  —  congestion. 


fait  qui  vient  à  l’appui  de  cette  manière  de  voir,  c’est  que  les  phéno¬ 
mènes  d’irritation  semblent  ne  se  manifester  qu’après  un  certain  temps^ 
et  que,  dans  des  cas  où  un  seul  accès  congestif  avait  causé  la  mort,  la 
prolifération  périvasculaire  n’existait  pas  malgré  une  énorme  congestion. 

Symptômes.  —  La  congestion  cérébrale  se  traduit  par  des  phénomènes 
d’irritation  et  de  dépression  dans  la  sphère  intellectuelle,  dans  la  sphère 
animale  et  dans  la  végétative.  Le  caractère  des  symptômes  dominants,  le 
degré  d’intensité  qu’ils  atteignent,  leur  mode  d’apparition,  la  nature 
des  troubles  fonctionnels  que  les  modifications  concomitantes  du  tissu 
nerveux,  du  sang  ou  de  la  température  peuvent  occasionner  simultané¬ 
ment,  enfin  le  degré  d’excitabilité  du  système  nerveux  du  malade,  font 
varier,  dans  des  limites  étendues,  l’aspect  clinique  de  cette  affection. 
Aussi  ne  chercherons-nous  pas  à  décrire  comme  autant  de  types  distincts 
les  combinaisons  diverses  que  peut  présenter  le  complexus  symptoma¬ 
tique,  et  nous  les  rattacherons  à  trois  formes  principales  :  la  forme  lé¬ 
gère,  la  forme  grave  et  la  forme  apoplectique. 

La  forme  légère  se  caractérise  presque  exclusivement  par  des  phéno¬ 
mènes  d’excitation  dans  la  sphère  de  la  sensibilité.-  Le  symptôme  le  plus 
pénible  est  une  céphalalgie  intense,  généralisée,  augmentant  dans  la  si¬ 
tuation  déclive  de  la  tête,  s’exaspérant  quelquefois  sous  l’influence  des 
moindres  mouvements;  la  lumière,  le  bruit  sont  mal  supportés;  le 
travail  intellectuel  est  pénible  ou  même  impossible,  non  que  les  facultés 
mentales  soient  altérées,  mais  parce  que  tout  effort  ravive  les  sensations 
douloureuses.  Le  malade  a  besoin  de  repos,  il  désire  l’isolement  ;  il  cher¬ 
che  en  vain  le  sommeil;  s’il  parvient  à  s’assoupir,  une  agitation  inces¬ 
sante,  des  rêves,  des  visions  effrayantes,  l’empêchent  de  trouver  dans 
cet  état  aucun  soulagement  à  ses  souffrances.  Ces  symptômes  sont  les 
seuls  que  l’on  observe  dans  les  cas  légers.  La  douleur,  qui  est  le  plus 
important,  est  d’une  interprétation  physiologique  assez  difficile;  elle 
ne  peut  guère  siéger  dans  les  hémisphères  que  l’on  trouve  constamment 
insensibles  dans  les  expériences  ;  faut-il  l’attribuer  à  l’excitation  des  par¬ 
ties  sensibles  de  l’encépbale  (pédoncules  cérébraux  et  cérébelleux,  protu¬ 
bérance,  bulbe)?  Ne  doit-on  pas  la  rapporter  plutôt  à  l’irritation  de  la  dure- 
mère?  Cette  dernière  explication  tend  à  prévaloir  aujourd’hui.  Cette  mem¬ 
brane  est  douée  en  effet  d’une  exquise  sensibilité  (Leyden);  il  suffit  de  la 
pincer  légèrement  pour  qu’immédiatement  l’animal  donne  les  marques 
d’une  vive  douleur  ;  on  comprend  donc  que  la  congestion  dont  elle  est  le 
siège  en  même  temps  que  l’encéphale,  et  d’autre  part  la  pression  légère' 
exercée  sur  sa  face  interne  par  le  cerveau  tuméfié,  suffisent  à  provoquer 
une  céphalalgie  intense;  quant  aux  sensations  pénibles  déterminées  par¬ 
les  impressions  lumineuses,  il  faut  en  chercher  l’origine  dans  la  congestion 
rétinienne  qui  accompagne  le  plus  souvent  la  congestion  cérébrale.  On 
ne  pourrait  s’étonner  enfin  que  l’insomnie  soit  un  des  symptômes  habi¬ 
tuels  de  la  congestion  cérébrale,  puisque  d’après  les  observations  et  les 
expériences  de  Durham  et  de  Hanimond,  le  sommeil  semble  avoir  pour 
condition  l’anémie  du  cerveau. 


ENCÉPHALE.  —  congestion. 


63 


Quand  la  congestion  est  plus  intense,  de  nouveaux  symptômes  s’ajou  - 
tent  aux  précédents  ;  la  station  debout  devient  impossible;  si  le  malade 
essaye  de  se  lever,  il  se  sent  ébloui,  il  est  pris  de  vertige,  vacille,  chan¬ 
celle  et  tomberait  s’il  ne  trouvait  un  appui.  L’excitation  du  bulbe  amène 
des  nausées,  des  vomissements;  le  pouls  se  ralentit;  il  est  plein,  dur, 
vibrant;  les  pulsations  des  carotides  sont  énergiques  et  le  malade  éprouve 
dans  la  tête  une  sensation  de  battements  qui  exaspère  la  douleur.  Sou¬ 
vent  la  face  est  en  même  temps  rouge,  turgescente  ;  les  conjonctives  sont 
injectées.  Il  ne  faudrait  pas  pourtant  attribuer  à  ces  derniers  symptômes 
une  importance  exagérée,  ni  surtout  se  fier  à  leur  absence  pour  nier 
l’existence  de  la  congestion  cérébrale  :  lorsque  l’hypérémie  est  passive  et 
que  l’obstacle  à  la  circulation  en  retour  siège  dans  les  jugulaires  ou  au- 
dessous,  la  stase  existe  simultanément  dans  les  vaisseaux  de  la  face  et 
dans  ceux  de  l’encéphale  ;  l’aspect  de  la  face  peut  alors  fournir  quelques 
indications  ;  mais  dans  les  congestions  irritatives  qui  sont  en  somme  les 
plus  fréquentes  et  les  plus  intenses,  la  circulation  encéphalique  est  sou¬ 
vent  seule  intéressée,  et  l’on  observe  alors  la  pâleur  de  la  face  en  même 
temps  que  des  signes  incontestables  d’hypérérnie  cérébrale. 

Généralement,  la  sensibilité  et  la  motilité  générales  ne  sont  pas  trou¬ 
blées  dans  cette  forme  ;  tout  au  plus  le  malade  ressent-il  quelques  four¬ 
millements  dans  les  extrémités,  un  peu  d’engourdissement  dans  les 
membres. 

La  durée  de  ces  congestions  peut  varier  beaucoup  :  tantôt  les  ac¬ 
cidents  disparaissent  d’eux-mêmes  après  quelques  heures,  tantôt  ils 
persistent  plusieurs  jours  et  nécessitent  alors  l’intervention  de  la  théra¬ 
peutique.  Chez  certains  sujets,  particulièrement  chez  les  individus  plé¬ 
thoriques,  cette  congestion  se  reproduit  quelquefois  sous  l’influence  des 
causes  les  plus  légères  ;  un  effort  prolongé,  un  repas  copieux,  le  séjour 
dans  nn  lieu  trop  chaud  ou  dans  une  assemblée  nombreuse,  un  excès  de 
travail  intellectuel,  suffisent  pour  en  provoquer  le  retour. 

Dans  la  forme  grave  qui  peut  débuter  brusquement  ou  succéder  à 
la  précédente  les  troubles  intellectuels  dominent  la  scène.  Le  plus 
souvent  ils  ont  pour  origine  l’excitation  des  appareils  sensoriels.  Les 
sensations  fausses,  nées  de  cette  excitation,  donnent  lieu  à  des  illusions, 
à  des  hallucinations  ;  les  malades  voient  autour  d’eux  des  êtres  fantas¬ 
tiques,  des  animaux  courent  sur  leur  lit,  des  visions  effrayantes  les  pour¬ 
suivent,  ils  entendent  des  voix,  des  sons  étranges  ;  des  personnages  ima¬ 
ginaires  les  injurient  ou  les  menacent  ;  et  des  idées  délirantes  naissent 
de  ces  impressions  trompeuses,  bien  que  les  opérations  de  la  pensée  s’ac¬ 
complissent  en  toute  intégrité. 

D’autres  fois  l’irritation  portant  sur  les  organes  mêmes  de  l’idéation,  la 
perversion  de  l’idée  n’est  plus  la  conséquence  de  sensations  erronées,  elle 
est  primitive,  il  y  a  conception  délirante. 

Quelle  que  soit  la  cause  du  délire,  les  malades  sont  en  proie  à  une  vive 
agitation;  ils  regardent  autour  d’eux  avec  inquiétude,  cherchant  à  recon¬ 
naître  dans  quel  lieu  ils  se  trouvent,  quelles  personnes  les  entourent  ; 


64)  ENCÉPHALE.  —  coxgestiom. 

souvent  leur  physionomie  exprime  la  terreur;  quelquefois  ils  fixent  un 
point  de  l’espace,  et  interpellent  avec  véhémence  un  personnage  invi¬ 
sible,  d’autres  fois  ils  se  lèvent  précipitamment  comme  pour  fuir  quelque 
danger  ;  ils  n’entendent  pas  les  paroles  qu’on  leur  adresse,  et  se  débattent 
avec  fureur  contre  ceux  qui  cherchent  à  les  contenir  ;  au  bout  d’un  cer¬ 
tain  temps,  le  pouls  s’accélère,  la  peau  se  couvre  de  sueurs,  et  l’on  pour¬ 
rait  croire  à  l’existence  d’une  inflammation  méningée,  si  l’exploration 
thermométrique  ne  venait  montrer  l’absence  de  toute  élévation  fébrile 
de  la  température.  Quand  cet  état  a  duré  pendant  quelques  heures  et  que 
la  congestion  persiste  avec  la  même  intensité,  les  phénomènes  d’excita¬ 
tion  font  place  à  une  période  de  dépression  ;  la  torpeur  intellectuelle  suc¬ 
cède  au  délire  aigu,  la  résolution  des  membres  à  l’agitation  musculaire  ; 
des  évacuations  involontaires  surviennent,  la  respiration  s’embarrasse,  le 
malade  tombe  dans  le  coma. 

Quelquefois,  chez  les  vieillards  surtout,  l’état  congestif  ne  se  manifeste 
d’abord  que  par  un  délire  tranquille,  le  malade  se  lève  au  milieu 
de  la  nuit,  il  veut  quitter  sa  chambre  ;  s’il  est  à  l’bôpital,  il  va  se  coucher 
dans  un  autre  lit  que  le  sien  ;  quelquefois  il  pousse  des  cris  aigus  sans  pa¬ 
raître  cependant  ressentir  une  douleur  réelle;  le  jour  suivant,  ilest 
abattu,  triste,  absorbé  ;  il  prononce  des  paroles  incohérentes  ou  il  ne  ré¬ 
pond  pas  à  ceux  qui  lui  parlent  ;  ces  accidents  peuvent  se  reproduire  con¬ 
sécutivement  pendant  plusieurs  jours  pour  aboutir  enfin  à  l’attaque  de 
•délire  aigu.  Durand-Fardel  a  vu  fréquemment  se  produire  dans  cette 
forme  de  congestion  une  abondante  sécrétion  de  la  conjonctive  et  de  la 
muqueuse  buccale.  Des  troubles  peu  marqués  de  la  motilité,  de  l’engour¬ 
dissement  des  membres,  quelquefois  avec  prédominance  dans  une  moitié 
du  corps,  peuvent  s’ajouter  au  délire  pour  caractériser  cette  forme  de  con¬ 
gestion. 

On  a  dit  que  la  congestion  pouvait  donner  lieu  à  des  phénomènes  con¬ 
vulsifs.  Il  est  douteux  que  cette  forme  existe  chez  l’adulte;  il  serait 
en  tous  cas  fort  difficile  de  la  séparer  de  l’épilepsie;  il  n’en  est  pas 
de  même  chez  l’enfant;  sans  doute  la  plupart  des  accidents  convul¬ 
sifs  que  l’on  rapportait  autrefois  à  la  congestion,  sont  eu  réalité  d’ori¬ 
gine  réflexe  ou  sous  la  dépendance  de  maladies  convulsives,  mais  il 
existe  des  faits  bien  observés  qui  démontrent  l’existence  de  conges¬ 
tions  cérébrales  primitives  avec  accidents  convulsifs.  Ces  convulsions 
sont  partielles  ou  générales  ;  elles  coïncident  avec  une  céphalalgie  violente, 
l’inégalité  des  pupilles,  des  vomissements ,  de  la  constipation  ;  le  tableau 
symptomatique  offre  de  nombreux  traits  de  ressemblance  avec  celui  de  la 
méningite  et  la  confusion  serait  facile  entre  les  deux  affections,  si  le  début 
soudain  de  la  maladie  au  milieu  d’un  parfait  état  de  santé,  l'absence  de 
fièvre  et  la  disparition  rapide  des  accidents  ne  venaient  éclairer  le  dia¬ 
gnostic.  Blaud  (de  Beaucaire)  a  fait  connaître  une  variété  de  congestion 
cérébrale  connue  dans  le  pays  sous  le  nom  de  subé;  elle  offre  des  ana¬ 
logies  nombreuses  avec  la  forme  que  nous  venons  de  décrire  ;  elle  s’en 
distingue  cependant  par  la  présence  de  phénomènes  paralytiques,  par 


ENCÉPHALE.  —  coNGESTio.v.  65 

l’existence,  dès  le  début,  d’un  état  de  torpeur  profonde,  enfin  par  l’issue 
rapide  et  ordinairement  fatale  de  la  maladie  ;  en  quelques  heures,  un  jour 
au  plus,  la  scène  est  terminée. 

Les  congestions  passives,  et  particulièrement  celles  qui  se  produisent  à 
la  dernière  période  des  maladies  du  cœur  donnent  généralement  lieu  à 
des  symptômes  moins  graves  que  les  formes  précédentes.  D’après  nos  ob¬ 
servations,  le  phénomène  dominant  est  souvent  une  insomnie  persistante; 
la  céphalalgie  atteint  rarement  un  haut  degré  d’intensité  ;  elle  peut  faire 
complètement  défaut,  sans  doute  à  cause  de  l’anesthésie  produite  par  la 
présence  en  excès  d’acide  carbonique  dans  le  sang;  les  malades  sont  gênés 
par  des  hallucinations  de  la  vue  et  de  l’ouïe  ;  ils  voient,  surtout  la  nuit, 
des  objets  lumineux  passer  devant  leurs  yeux,  ils  voient  courir  des  ani¬ 
maux,  les  bruits  qui  se  font  autour  d’eux  éveillent  en  leur  esprit  des 
idées  étranges,  ils  ne  savent  plus  où  ils  sont,  leur  langage  est  in¬ 
cohérent;  mais  le  délire  est  passager,  l’idéation  n’est  que  légèrement 
troublée,  et  ils  répondent  correctement  aux  questions  qu’on  leur 
adresse. 

La  forme  apoplectique  est  niée  aujourd’hui  résolûment  par  quelques 
auteurs  ;  il  est  hors  de  doute  que  l’on  en  avait  exagéré  la  fréquence  ;  l’é¬ 
tude  approfondie  des  troubles  qu’entraînent  les  oblitérations  artérielles  et 
la  large  part  qui  a  été  faite  à  l’anémie  dans  la  pathologie  de  l’encéphale 
ont  singulièrement  restreint  le  domaine  de  la  congestion,  mais  c’est  aller 
trop  loin  qu’en  repousser  l’existence  d’une  manière  absolue.  On  invoque 
l’expérimentation;  jamais,  dit-on,  les  congestions  que  l’on  fait  naître  chez 
les  animaux  ne  donnent  lieu  aux  symptômes  du  coup  de  sang;  mais 
il  ne  s’agit  dans  ces  circonstances  que  de  congestions  passives,  lésions 
qui  n’ont  jamais  été  pour  personne  une  cause  d’apoplexie.  Quand  on 
voit  la  formation  d’un  petit  foyer  sanguin  dans  le  corps  strié  produire 
l’ictus  apoplectique,  il  n’y  a  pas  de  difficulté  à  admettre  qu’une  perturba¬ 
tion  grave  et  soudaine  de  la  circulation  cérébrale  ait  le  même  résultat. 
Les  objections  élevées  au  nom  de  l’expérimentation  et  de  la  physiologie 
contre  l’existence  de  la  congestion  apoplectiforme  ne  nous  paraissent  donc 
pas  acceptables;  il  n’y  a  là  qu’une  question  de  fait  et  la  relation  entre 
l’hypérémie  de  l’encéphale  et  l’apoplexie  a  été  constatée  assez  souvent 
par  des  observateurs  éclairés  pour  qu’on  puisse  la  considérer  comme  un 
fait  acquis  à  la  science. 

La  congestion  apoplectiforme  peut  débuter  brusquement,  chez  un  indi¬ 
vidu  en  pleine  santé;  d’autres  fois  elle  est  précédée  de  prodromes;  le  ma- 
ladeéprouve  pendant  quelques  heures,  ou  même  pendant  plusieurs  jours,  les 
symptômes  d’une  congestion  moins  intense  :  céphalalgie,  étourdissements, 
vertiges,  fourmillements,  engourdissements  des  membres.  Quoi  qu’il  en 
soit,  le  malade  tombe  frappé  tout  à  coup;  les  membres  sont  dans  la  ré¬ 
solution  complète,  la  connaissance  est  abolie,  des  évacuations  involon¬ 
taires  se  produisent  ;  la  respiration  est  stertoreuse  ;  les  mouvements 
réflexes  persistent,  souvent  même  ils  sont  plus  énergiques  qu’à  l’état 
normal;  l’attaque  peut  se  terminer  par  la  mort;  mais  le  plus  souvent. 


66  ENCÉPHALE.  —  co.ngestion. 

au  bout  de  quelques  heures,  le  malade  reprend  peu  à  peu  connais¬ 
sance,  la  motilité  reparaît  graduellement,  et  tous  les  accidents  peuvent 
avoir  disparu  en  l’espace  de  deux  ou  trois  jours.  Parfois  les  éléments 
conducteurs  des  impulsions  volontaires  recouvrent  leur  excitabilité  plus 
lentement  que  les  organes  de  l’idéation,  et  l’on  voit  alors  l’affaiblisse¬ 
ment  de  la  motilité  persister  un  ou  plusieurs  jours  après  la  disparition  des 
troubles  intellectuels,  le  malade  éprouve  dans  les  membres  une  sensation 
d’engourdissement,  il  a  peine  à  les  soulever.  Dans  des  cas  très-rares,  la 
paralysie  est  limitée  à  une  moitié  du  corps;  dans  un  fait  de  ce  genre, 
Dechambre  a  trouvé  une  congestion  plus  intense  dans  la  moitié  du  cerveau 
opposée  à  la  paralysie  ;  dans  d’autres  cas  semblables,  la  congestion  a  été 
trouvée  égale  des  deux  côtés  ;  il  faut  admettre  alors  soit  que  la  conges¬ 
tion  avait  été  d’abord  unilatérale,  et  ne  s’était  étendue  que  plus  tard  à  la 
totalité  de  l’encéphale;  soit  que  l’infiltration  œdémateuse  produite  par  la 
congestion  avait  été  plus  considérable  d’un  côté  que  de  l’autre.  Quelle 
que  soit  la  valeur  de  l’explication,  il  est  constant,  et  c’est  là  le  point  im¬ 
portant,  qu’une  hémiplégie  passagère  peut  être  le  résultat  d’un  simple  état 
congestif  de  l’encéphale.  Notons  enfin  que  l’on  voit  assez  souvent  la 
forme  délirante  succéder  à  l’apoplectique. 

Comment  la  physiologie  permet-elle  d’expliquer  les  troubles  fonction¬ 
nels  auxquels  donne  lieu  la  congestion?  C’est  là  une  question  complexe, 
car,  dans  toute  hypérémie,  plusieurs  conditions  anormales  se  trouvent  réu¬ 
nies,  et  il  est  difficile  de  décider  à  laquelle  il  faut  attribuer  le  plus  d’impor¬ 
tance.  On  a  voulu  rattacher  les  principaux  symptômes  à  l’excès  de  pres¬ 
sion.  Leyden,  dans  des  expériences  où  il  élevait  la  pression  intra-crânienne 
en  injectant  du  liquide  dans  la  dure-mère,  a  vu  survenir  des  accidents 
assez  semblables  à  ceux  de  la  congestion,  de  la  douleur,  des  convulsions, 
le  ralentissement  du  pouls,  la  dyspnée,  puis  la  torpeur  intellectuelle  et  le 
coma  ;  mais  l’augmentation  de  pression  n’intervenait  pas  seule  ;  la  com¬ 
pression  des  vaisseaux  produisait  l’anémie  du  cerveau  ;  la  composition  du 
sang  était  altérée.  D’autre  part,  il  est  impossible  de  se  faire  une  idée 
même  approximative  du  degré  de  pression  que  les  vaisseaux  dilatés  peu¬ 
vent  exercer  sur  les  éléments  nerveux;  on  ne  peut  donc  tirer  de  ces 
expériences  aucune  conclusion  relative  à  la  physiologie  de  la  conges¬ 
tion. 

Les  modifications  qui  se  produisent  dans  la  composition  du  sang  sem¬ 
blent  jouer  un  rôle  plus  actif.  Par  cela  même  qu’il  séjourne  plus  long¬ 
temps  dans  l’encéphale,  le  sang  s’appauvrit  en  oxygène  et  se  charge  d’a¬ 
cide  carbonique  :  or,  il  résulte  des  expériences  de  Brown-Séquard  que  le 
sang  ainsi  modifié  a  la  propriété  de  stimuler  les  éléments  des  tissus; 
on  est  donc  en  droit  de  rapporter  à  cette  cause  les  phénomènes  d’excitation 
qui  caractérisent  la  congestion  légère  ;  quant  aux  phénomènes  de  dépres¬ 
sion,  ils  peuvent  s’expliquer  soit  par  l’épuisement  de  l’excitabilité  qui 
survient  pins  rapidement  quand  le  sang  est  pauvre  en  oxygène,  soit  par 
une  exsudation  rapide  de  liquide  sous  l’influence  de  l’excès  de  tension  vas¬ 
culaire,  et  la  formation  d’un  œdème  cérébral.  En  outre,  les  conditions  anor- 


67 


ENCÉPHALE.  —  congestion. 

males  dans  lesquelles  s’accomplit  la  nutrition  interstitielle  en  modifient 
nécessairement  les  phénomènes  intimes,  et  les  éléments  nerveux  sont  plus 
-que  tout  autres  rapidement  et  profondément  troublés  dans  leurs  fonc¬ 
tions  par  des  altérations  de  ce  genre,  comme  le  montrent  les  expé¬ 
riences  de  Buhl,  où  un  simple  changement  dans  la  proportion  d’eau 
du  tissu  cérébral  suffit  pour  amener  un  œdème  aigu  et  des  phénomènes 
•graves. 

On  voit  quelle  est,  dans  l’hypérémie  cérébrale,  la  complexifé  des  phé¬ 
nomènes  morbides,  quelles  combinaisons  variées  ils  peuvent  affecter,  et 
l’on  peut  comprendre  ainsi  comment  cette  maladie  se  présente  en  cli¬ 
nique  sous  des  formes  si  diverses. 

Diagnostic. — L’absence  de  chaleur  anormale  distingue  la  congestion  des 
•affections  fébriles  de  l’encépbale,  la  diffusion  des  symptômes  empêche 
de  la  confondre  avec  les  maladies  à  lésions  et  symptômes  circonscrits. 
On  ne  peut  la  séparer  au  début  de  l’hémorrhagie  et  de  l’embolie  céré¬ 
brales;  mais  la  disparition  rapide  des  accidents  et  l’absence  de  paralysie 
persistante  éclairent  bien  vite  le  diagnostic. 

Dans  sa  forme  délirante  la  congestion  a  de  nombreux  traits  de  ressem¬ 
blance  avec  le  delirium  tremens;  les  antécédents  du  malade,  les  cir¬ 
constances  dans  lesquelles  éclate  le  délire  peuvent  mettre  sur  la  voie; 
en  outre,  plusieurs  symptômes,  surtout  le  tremblement  des  lèvres  et  des 
mains  et  l’incertitude  de  la  parole,  caractérisent  le  délire  alcoolique.  Les 
anamnestiques,  les  symptômes  concomitants,  le  liséré  font  reconnaître  le 
délire  saturnin. 

On  ne  confondra  pas  la  forme  apoplectique  avec  la  syncope  :  l’état 
général  du  malade ,  la  suspension  des  pulsations  artérielles ,  l’absence 
ou  la  faiblesse  extrême  des  battements  du  cœur  et  des  mouvements  respi¬ 
ratoires  ne  permettent  pas  l’erreur. 

Il  n’existe  pas  de  différences  appréciables  entre  le  coma  épileptique  et 
•celui  que  détermine  la  congestion  apoplectique.  Le  diagnostic  repose 
•exclusivement  sur  les  antécédents  du  malade,  les  phénomènes  initiaux 
et  les  lésions  traumatiques  qu’ont  pu  déterminer  les  convulsions  du 
début.  Il  faut  donc  s’informer  avec  soin  de  toutes  les  circonstances  qui 
pourraient  faire  soupçonner  l’existence  d’attaques  épileptiques  anté¬ 
rieures.  Si  le  malade  est  sujet  à  des  vertiges,  à  des  absences,  s’il  lui 
arrive  parfois  de  perdre  momentanément  connaissance  ;  si  les  assistants 
on  remarqué  au  début  de  l’attaque  quelques  mouvements  nerveux,  si  la 
langue  présente  la  trace  de  morsures,  il  est  très-probable  qu’il  s’agit 
d’une  attaque  épileptique  ;  mais  quand  les  renseignements  font  défaut, 
quand  la  langue  est  intacte,  quand  les  téguments  de  la  tête  et  de  la  poi¬ 
trine  ne  présentent  pas  d’ecchymoses,  vestiges  d’attaques  antérieures,  le 
diagnostic  ne  peut  être  posé;  tout  au  plus  la  fréquence  plus  grande  de 
l’épilepsie,  la  présence  ou  l’absence  des  conditions  organiques  qui  favo¬ 
risent  le  développement  de  la  congestion,  peuvent-elles  être  prises  en 
considération  et  faire  pencher  l’observateur  vers  l’une  ou  l’autre  hy¬ 
pothèse. 


68  ENCÉPHALE.  —  congestion. 

Le  vertige  stomacal  peut  simuler  la  forme  légère  de  la  congestion,  et 
l’on  peut  être  entraîné  ainsi  à  une  thérapeutique  inopportune  et  même 
dangereuse.  Pourtant  le  vertige  stomacal  survient  chez  les  individus  qui 
souffrent  depuis  longtemps  de  troubles  gastriques  ;  il  diminue  ou  cesse 
après  les  repas  ;  il  s’accompagne  d’une  sensation  toute  particulière  de 
nausée;  la  position  déclive  de  la  tête  n’en  augmente  pas  l’intensité;  un 
traitement  tonique  et  réparateur  tend  à  le  faire  disparaître  ;  si  l’on  tient 
compte  de  ces  divers  éléments  de  diagnostic,  on  évitera  facilement 
l’erreur. 

Quand  on  a  constaté  l’existence  d’une  congestion  cérébrale,  il  faut  en 
déterminer  ensuite  la  forme,  le  mode  pathogénique  et  la  cause. 

L’existence  d’un  obstacle  à  la  circulation  veineuse  et  d’autres  congestions 
viscérales,  l’injection  veineuse  de  la  face,  enfin  les  caractères  cliniques  que 
nous  avons  exposés  font  reconnaître  la  congestion  passive;  l’exploration 
des  organes,  l’examen  des  circonstances  dans  lesquelles  se  sont  pro¬ 
duits  les  accidents,  permettent  le  plus  souvent  d’établir  si  la  congestion 
résulte  d’une  fluxion  collatérale.  Quand  ces  deux  ordres  de  causes  ont  été 
éliminés,  que  par  conséquent  la  congestion  est  irritative  ou  d’origine 
nerveuse,  il  faut  chercher  si  elle  se  rattache  ou  non  à  un  état  morbide 
antérieur,  si  elle  est  essentielle  ou  symptomatique;  les  circonstances 
étiologiques,  l’état  de  santé  antérieure  du  malade  permettent  le  plus 
souvent  de  résoudre  cette  question  :  si  la  congestion  se  produit  chez  un 
malade  atteint  d’une  lésion  cérébrale  ancienne,  chez  un  goutteux  ou  un 
rhumatisant  ;  si  elle  succède  à  la  suppression  des  règles  ou  d’un  flux 
hémorrhoïdaire ,  elle  est  vraisemblablement  symptomatique;  on  peut 
au  contraire  la  considérer  comme  essentielle  quand  elle  survient  à  l’oc¬ 
casion  d’un  excès  de  travail,  de  veilles  prolongées,  d’une  course  au  soleil 
ou  d’un  repas  trop  copieux. 

Pronostic.  —  Le  pronostic  toujours  sérieux  varie  beaucoup  suivant  la 
forme  de  la  congestion,  suivant  sa  cause,  suivant  les  circonstances  dans 
lesquelles  elle  se  produit.  Les  congestions  passives  ont  par  elles-mêmes 
peu  de  gravité;  mais  elles  sont  presque  toujours  l’indice  d’un  trouble 
grave  de  la  circulation  ;  il  en  est  de  même  des  fluxions  collatérales  qui 
résultent  d’un  obstacle  au  cours  du  sang  dans  l’aorte.  Les  congestions 
purement  accidentelles  que  déterminent  les  excès  de  table,  l’ivresse,  les 
émotions  morales,  la  suppression  d’un  flux  sanguin,  compromettent 
rarement,  d’une  manière  grave,  la  santé  des  malades;  ce  n’est  que  dans 
des  cas  tout  à  fait  exceptionnels  qu’elles  prennent  la  forme  apoplectique  et 
peuvent  alors  amener  la  mort.  Leur  pronostic  est  également  plus  sévère 
chez  les  vieillards,  chez  les  individus  atteints  de  la  maladie  de  Bright, 
ou  d’altérations  avancées  du  système  artériel,  car  elles  peuvent  être,  dans 
ces  circonstances  la  cause  occasionnelle  d’une  hémorrhagie  cérébrale. 
Les  congestions  initiales  des  fièvres  ont  une  gravité  exceptionnelle;  le 
délire,  l’agitation  peuvent  atteindre  un  degré  extrême  de  violence,  et  la 
mort  survient  souvent  dans  ces  circonstances;  mais,  comme  nous 
l’avons  fait  remarquer  déjà,  la  congestion  cérébrale  n’est  pas  alors  le 


f  ENCÉPHALE.  —  congestion.  69 

seul  élément  à  considérer  et  ce  sont  plutôt  les  altérations  du  sang  et 
l’élévation  de  la  température  qui  jouent  le  rôle  principal  dans  la  produc¬ 
tion  de  ces  accidents.  La  coïncidence  d’une  hypérémie  intense  avec 
œdème  aigu  des  poumons  aggrave  singulièrement  le  pronostic  de  cer¬ 
taines  congestions  ;  cette  complication  est  surtout  fréquente  dans  la  forme 
délirante;  on  l’observe  également  dans  l’insolation.  Nous  ferons  remar¬ 
quer  à  ce  propos  qu’il  ne  faudrait  pas  rapporter  à  la  congestion  cérébrale 
tous  les  accidents  que  peut  produire  l’action  de  la  chaleur  solaire.  On 
décrit,  en  effet,  sous  le  nom  de  coup  de  soleil,  d’une  part,  les  congestions 
et  les  méningites  produites  par  l’insolation  ;  d’autre  part,  une  maladie 
particulière  aux  régions  tropicales  et  que  les  observateurs  compétents 
regardent  comme  un  empoisonnement  résultant  de  l’action  prolongée 
d’une  chaleur  excessive.  Dans  la  paralysie  générale,  dans  les  manies, 
dans  l’alcoolisme  chronique,  la  congestion  cérébrale  est  toujours  un 
accident  redoutable;  elle  a  tendance  à  se  reproduire  et  souvent  elle 
est  suivie  d’une  aggravation  persistante  dans  l’état  du  malade;  elle  peut 
affecter  la  forme  délirante  ou  la  forme  apoplectique  et  précipiter  alors  la 
terminaison  fatale.  L’attaque  délirante  est  souvent  précédée  d’une  in¬ 
somnie  opiniâtre,  et  c’est  là  un  symptôme  dont  les  aliénistes  s’accordent 
à  reconnaître  l’importance.  Les  congestions  liées  à  des  lésions  cérébrales 
anciennes  sont  également  de  fâcheuses  complications,  elles  récidivent 
souvent,  elles  modifient  profondément  l’aspect  et  la  marche  de  la  maladie 
et  peuvent  en  hâter  l’issue. 

Tbaitemekt.  —  Parmi  les  moyens  destinés  à  combattre  l’hypérémie  de 
l’encéphale,  les  uns  s’adressent  au  symptôme  et  tendent  à  modifier  direc¬ 
tement  l’état  fluxionnaire,  les  autres  s’attaquent  à  la  cause  qui  provoque 
ou  entretient  la  congestion,  et  varient  beaucoup  avec  les  différentes 
formes. 

Contre  le  symptôme,  les  saignées  locales  et  générales,  les  révulsifs,  les 
applications  froides,  sont  les  principaux  moyens  employés;  les  saignées 
produisent  directement  la  déplétion  des  vaisseaux  ;  le  froid,  les  révulsifs 
cutanés,  tendent  à  réveiller  la  contractilité  des  artérioles  cérébrales,  en 
excitant  par  voie  réflexe  leurs  vaso-moteurs  ;  les  révulsifs  intestinaux  ont 
une  action  semblable;  de  plus,  ils  peuvent  abaisser  la  tension  dans  les 
vaisseaux  de  l’encéphale,  d’une  part,  en  spoliant  l’économie  d’une  quantité 
plus  ou  moins  considérable  de  liquide,  d’autre  part,  en  déterminant 
l’afflux  d’une  certaine  quantité  de  sang  dans  la  circulation  de  l’abdomen. 
Le  choix  de  ces  moyens  est  loin  d’être  indifférent;  il  doit  varier  avec  chaque 
forme  de  congestion. 

Dans  les  congestions  actives  qui  dépendent  d’une  exagération  de  l’action 
cardiaque,  la  saignée  générale  est  indiquée  ;  on  peut  même  la  répéter  et  y 
associer  l’administration  réitérée  des  purgatifs  salins,  en  tenant  compte, 
bien  entendu,  de  la  constitution  du  malade,  de  sa  vigueur,  de  son  âge. 
L’indication  est  la  môme,  et  plus  nette  encore  dans  la  fluxion  collatérale 
active,  où  la  quantité  de  sang  est  devenue  excessive  par  rapport  à  la 
capacité  des  vaisseaux.  On  ne  saurait  combattre  ces  hypérémies  avéc  plus 


70  ENCÉPHALE.  —  congestion. 

d’efficacité  qu’en  retirant  du  sang ,  et  en  atténuant  ainsi  les  effets  de 
l’obstacle  qui  rétrécit  le  champ  de  la  circulation  artérielle.  Ce  moyen  est 
le  seul  que  l’on  puisse  employer  quand  l’obstacle  est  permanent  et 
inaccessible  à  Faction  de  la  thérapeutique;  par  exemple,  dans  les  cas  de 
rétrécissement  de  l’aorte.  Dans  les  hypérémies  qui  surviennent  après  la 
suppression  des  règles  ou  d’un  flux  hémorrhoïdaire,  il  faut,  avant  tout,, 
ramener  l’écoulement.  L’application  de  sangsues  à  l’anus  ou  à  la  partie 
supérieure  des  cuisses ,  l’administration  de  purgatifs ,  triompheront  le 
plus  souvent  de  ces  accidents  congestifs.  Si  l'état  des  voies  digestives  le 
permet,  on  emploiera  avec  avantage  les  drastiques,  et  particulièrement 
les  préparations  aloétiques  (pilules  d’Anderson,  pilules  de  Bontius)  qui, 
en  déterminant  une  fluxion  énergique  vers  la  fin  de  l’intestin  et  l’appareil 
uro-génital,  favorisent  le  retour  des  règles  ou  de  l’écoulement  hémorrhoï¬ 
daire.  Dans  les  cas  où  ces  moyens  resteraient  sans  effet,  et  où  les  troubles 
cérébraux  prendraient  un  caractère  menaçant ,  il  faudrait  pratiquer  la 
saignée  générale  qui,  sans  remplir  l’indication  causale,  abaisse  immédia¬ 
tement  la  tension  vasculaire,  éloigne  ainsi  l’imminence  du  danger,  et 
donne  le  temps  de  combattre  plus  efficacement  la  cause  de  la  conges¬ 
tion. 

Les  applications  froides  sur  la  tête,  les  vésicatoires  aux  jambes  et  les 
dérivatifs  intestinaux,  amènent  généralement  la  guérison  rapide  des 
fluxions  irritatives.  Si  cependant  une  saignée  locale  semble  nécessaire,  les 
sangsues  doivent  être  placées  soit  à  l’anus,  soit  derrière  les  oreilles.  11 
faut  se  garder  d’en  prescrire  un  trop  petit  nombre;  leur  action  serait 
inefficace  et  même  dangereuse.  Il  est  important,  pour  obtenir  le  résultat 
que  l’on  a  en  vue,  de  retirer  une  certaine  quantité  de  sang,  soit  rapidement 
en  appliquant  au  moins  quinze  sangsues,  soit  peu  à  peu  au  moyen  de 
trois  ou  quatre  sangsues,  que  l’on  remplace  à  mesure  qu’elles  tombent, 
de  manière  à  obtenir  un  écoulement  permanent  pendant  huit  ou  dix 
heures.  Dans  les  congestions  initiales  des  fièvres,  il  faut  recourir  surtout 
aux  applications  froides  sur  la  tête  et  aux  affusions  froides  avec  de  l’eau 
simple  ou  additionnée  de  vinaigre  aromatique.  La  perspective  d’une 
maladie  longue  et  débilitante  doit  rendre  très-circonspect  dans  l’usage 
des  émissions  sanguines,  et  c’est  seulement  dans  les  cas  où  la  con¬ 
gestion  de  l’encéphale  constitue  pour  les  malades  un  danger  de  mort 
imminente,  qu’il  est  permis  de  retirer  du  sang,  encore  doit-on  pré¬ 
férer  les  saignées  locales  ;  d’ailleurs ,  l’élévation  de  la  température 
semble  être  souvent  la  cause  principale  des  accidents,  et  les  moyens 
propres  à  la  combattre  sont  ceux  dont  on  peut  espérer  les  meilleurs 
résultats. 

Dans  les  congestions  d’origine  nerveuse ,  la  saignée  n’est  pas  plus 
indiquée;  on  cherchera  surtout  à  modifier  par  voie  réflexe  l’innervation 
des  vaisseaux  de  l’encéphale  ;  les  drastiques,  les  sinapismes,  les  vésica¬ 
toires  aux  jambes  ou  à  la  nuque,  sont  les  moyens  dont  on  peut  attendre- 
les  meilleurs  effets.  Si  une  indigestion  avait  été  l’origine  des  accidents, 
un  vomitif  pourrait  être  utile  ;  il  ne  faudrait  pas  pourtant  user  de  ce- 


ENCÉPHALE.  —  CONGESTION. 


71 


moyen  chez  un  sujet  âgé,  car  les  efforts  de  vomissements  pourraient  être 
la  cause  occasionnelle  d’une  hémorrhagie  cérébrale. 

La  congestion  passive,  plus  que  toute  autre,  est  justiciable  des  émis¬ 
sions  sanguines.  Dans  cette  forme,  en  effet,  c’est  la  stagnation  du  sang 
veineux  qui,  en  entravant  l’afflux  du  sang  rouge,  amène  la  diminution 
de  l’excitabilité  des  cellules  nerveuses;  la  saignée,  en  favorisant  le  dégor¬ 
gement  des  petites  veines,  combat  la  cause  principale  des  accidents.  Les 
vaso-moteurs  ne  jouant  aucun  rôle  dans  la  genèse  de  ces  congestions,  il 
est  inutile  de  les  exciter  par  l’action  des  irritants  cutanés  ;  on  ne  doit 
pas  compter  davantage  sur  les  réfrigérants  ;  les  purgatifs  n’auraient  pas 
plus  de  succès,  s'ils  n’agissaient  que  comme  révulsifs  ;  mais  nous  avons 
vu  qu’en  déterminant  l’élimination  d’une  grande  quantité  de  liquides,  ils 
abaissaient  la  tension  veineuse  et  favorisaient  ainsi  la  déplétion  des 
veines  de  l’encéphale;  nous  en  avons  souvent  obtenu  les  meilleurs 
résultats.  11  faut  s’adresser  à  un  purgatif  énergique  pour  que  la  déper¬ 
dition  aqueuse  soit  abondante  ;  nous  employons  de  préférence  la  teinture 
dejalap  composée,  connue  sous  le  nom  d’eau-de-vie  allemande;  nous  la 
donnons  à  la  dose  de  25  à  40  grammes,  en  l’associant  à  une  même  quan¬ 
tité  de  sirop  de  nerprun. 

C’est  dans  les  affections  cardiaques  avec  asystolie  que  la  stase  atteint 
les  proportions  les  plus  considérables;  la  digitale  est  l’agent  sur  lequel 
on  doit  le  plus  compter  pour  relever  et  régulariser  l’action  du  cœur,  et 
par  suite  pour  diminuer  et  faire  graduellement  disparaître  la  congestion 
de  l’encéphale  ;  mais  l’action  de  ce  médicament  n’est  pas  immédiate  et  le 
danger  peut  être  pressant;  on  doit  alors  recourir  à  la  saignée  générale  qui, 
en  amenant  une  rémission  momentanée,  donnera  le  temps  à  la  digitale 
d’exercer  son  action.  Enfin,  la  stase  peut  être  le  résultat  de  l’affaiblisse¬ 
ment  du  cœur,  de  la  débilité  générale;  le  vin,  le  calé,  le  quinquina  et  un 
régime  réparateur,  seront  dans  ces  circonstances  les  meilleurs  moyens  de 
traitement. 

Les  individus  chez  lesquels  les  congestions  actives  ont  tendance  à  se 
reproduire,  doivent,  pour  en  éviter  le  retour,  se  soumettre  à  un  régime 
sévère;  ils  renonceront  aux  mets  excitants,  aux  boissons  alcooliques,  au 
thé,  au  café;  les  veilles,  la  fréquentation  des  théâtres  et  autres  lieux  de 
réunion,  les  fatigues  intellectuelles  leur  seront  interdites.  Ils  prendront  de 
l’exercice,  la  température  de  leur  chambre  à  coucher  ne  sera  jamais 
élevée;  ils  n’auront  pas  de  matelas  garnis  de  plumes,  leurs  oreillers  seront 
•bourrés  de  crin,  ils  éviteront  soigneusement  la  constipation  en  prenant 
deux  ou  trois  fois  par  semaine  des  pilules  écossaises  ou  un  verre  d’eau 
purgative  naturelle. 

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Anémie  cérébrale.  —  Gekèse  et  étiologie.  —  Dans  les  centres  ner¬ 
veux,  plus  que  dans  tout  autre  organe,  l'intégrité  des  fonctions  est  étroi¬ 
tement  liée  à  l’intégrité  de  la  circulation  ;  l’oxygène,  agent  essentiel  de  la 
nutrition  interstitielle,  est  nécessaire  à  la  manifestation  des  propriétés 


ENCÉPHALE.  —  anémie  cÉRÉiinALK. 


73 


vitales,  et  dès  que  cet  élément  fait  défaut,  V excitabilité  du  tissu  dispa¬ 
raît  rapidement;  celte  loi,  formulée  par  Brown-Séquard,  rend  compte 
des  troubles  fonctionnels  qu’entraîne  l’anémie  de  l’encéphale. 

Divers  moyens  s’offrent  au  physiologiste  pour  empêcher  l’afflux  du 
sang  dans  1  encéphale;  celui  qui  permet  le  mieux  d’observer  isolé¬ 
ment,  en  dehors  de  toute  autre  influence,  les  .symptômes  par  lesquels 
se  traduit  l’anémie  de  cet  organe,  est  la  ligature  des  artères  qui  s’y 
distribuent. 

Si  on  lie,  ou  simplement  si  l'on  comprime  une  des  carotides  primitives, 
la  moitié  correspondante  de  la  face  devient  exsangue,  le  patient  est  pris 
de  vertiges,  d’éblouissements,  de  céphalalgie;  il  ressent  des  fourmille¬ 
ments,  de  l’engourdissement  dans  les  membres  du  côté  opposé  ;  quelque¬ 
fois  il  survient  de  légères  secousses  convulsives,  du  tremblement  :  ces  phé¬ 
nomènes  sont  de  courte  durée  ;  grâce  aux  nombreuses  anastomoses  qui 
relient  entre  elles  les  grosses  artères  de  l’encéphale,  la  circulation  collaté¬ 
rale  s’établit  rapidement.  Les  accidents  que  les  chirurgiens  ont  vu  assez 
souvent  survenir  quelques  heures  après  l’opération,  ne  doivent  plus  être 
rapportés  à  l’anémie  cérébrale;  ils  sont  le  résultat  de  lésions  consécutives. 
La  ligature  des  deux  carotides  a  promptement  amené  la  mort  dans  les  cas 
rares  où  elle  a  été  pratiquée  chez  l’homme  (A.  Key,  V.  Mott);  chez  les 
animaux,  cette  opération  a  moins  de  gravité  ;  elle  donne  lieu  aux  mêmes 
symptômes  que  la  ligature  d’un  des  vaisseaux;  A.  Cooper  signale  en  outre 
l’accélération  des  battements  du  cœur  et  des  mouvements  respiratoires. 
Le  cours  du  sang  ayant  plus  de  difficulté  à  se  rétablir,  les  accidents  sont 
de  plus  longue  durée  ;  ils  disparaissent  sans  laisser  après  eux  de  désordres 
permanents.  L’animal  auquel  on  lie  à  la  fois  les  carotides  et  les  verté¬ 
brales  tombe  immédiatement  dans  le  coma  ;  il  est  en  proie  à  une  dyspnée 
intense;  les  pulsations  cardiaques  sont  faibles  et  rapides,  des  mouve¬ 
ments  convulsifs  se  manifestent  souvent  dans  les  membres  et  dans  la  face  ; 
ils  apparaissent,  d’après  Ehrmann,  de  8  à  15  secondes  après  l’interrup¬ 
tion  complète  de  la  circulation  encéphalique.  Bientôt  cette  agitation 
fait  place  à  la  résolution  ;  il  se  produit  des  évacuations  involontaires, 
quelquefois  une  sécrétion  abondante  de  salive  ;  habituellement  la  mort 
arrive  en  peu  de  temps.  L’excitabilité  ne  disparaît  pas  simultanément 
dans  toutes  les  parties  du  système  nerveux  ;  Vulpian  a  vu,  dans  des 
cas  rares,  les  fonctions  de  la  moelle  persister,  la  respiration  s’ac¬ 
complir  presque  normalement,  les  mouvements  réflexes  s’effectuer  dans 
les  membres  et  dans  le  tronc,  alors  que  depuis  un  certain  temps  les 
fonctions  cérébrales  étaient  anéanties  ;  assez  souvent  l’on  constate  que 
l’excitation  de  la  cornée  amène  encore  des  phénomènes  réflexes  alors 
que  celle  de  la  conjonctive  reste  sans  effet;  Kussmaul  et  Tenner  ont  vu 
persister  les  battements  du  cœur,  quand  déjà  les  membres  étaient  ri¬ 
gides.  Généralement,  tant  que  le  cœur  bat,  on  peut,  en  levant  les  ligatures 
et  en  pratiquant  la  respiration  artificielle,  rappeler  en  peu  de  temps  l’a¬ 
nimal  à  la  vie  :  les  mouvements  respiratoires  reparaissent,  les  battements 
cardiaques  deviennent  plus  forts,  l’animal  reprend  peu  à  peu  connais- 


74 


ENCÉPHALE.  —  anémie  cérébrale. 


sance,  exécute  des  mouvements  volontaires,  et  en  quelques  minutes  tous 
les  troubles  morbides  peuvent  avoir  disparu.  D’ailleurs  la  ligature  des 
quatre  gros  vaisseaux  n’entraîne  pas  nécessairement  la  mort  ;  dans  une 
expérience  de  Erhmann,  tout  symptôme  morbide  avait  disparu  un  quart 
d’heure  après  l’opération.  D’après  A.  Gooper,  les  anastomoses  des  thyroï¬ 
diennes  entre  elles,  celles  des  vertébrales  et  des  intercostales  supérieures; 
d’après  Panum,  les  communications  des  spinales  avec  les  branches 
des  vertébrales  permettent  à  une  certaine  quantité  de  sang  artériel  de 
pénétrer  dans  l’encépbale.  Nous  avons  vu,  dans  les  diverses  expériences 
que  nous  avons  mentionnées,  l’anémie  cérébrale  produire  successivement 
ou  simultanénient  des  phénomènes  d’excitation  et  de  dépression  ;  on 
comprend  difficilement  comment  une  même  cause  peut  avoir  des  effets 
opposés  et  ces  faits  semblent  d’abord  d’une  interprétation  difficile.  Ils 
sont  la  conséquence  d’une  loi  physiologique,  dont  la  pathologie  du  sys¬ 
tème  nerveux  permet  à  chaque  instant  de  reconnaître  l’importance. 
Lorsque  la  cause  qui  tend  à  détruire  l’excitabilité  nerveuse  n’est  pas  assez 
puissante  pour  l’annibiler  totalement  au  premier  choc,  l’inertie  {névro- 
lysie)  est  toujours  précédée  d’une  période  pendant  laquelle  on  observe  les 
phénomènes  dits  d’excitation  qui  révèlent  l’exagération  de  l’activité  fonc¬ 
tionnelle.  Cette  période  se  prolonge  d’autant  plus  que  la  cause  pathogé¬ 
nique  est  moins  énergique  et  plus  lente  dans  son  action. 

Les  accidents  de  l’anémie  cérébrale  se  produisent  non-seulement  quand 
l’encéphale  reçoit  une  quantité  insuffisante  de  sang,  mais  aussi  quand  le 
sang  est  altéré  dans  ses  qualités  et  spécialement  quand  le  chiffre  des  glo¬ 
bules  est  abaissé.  En  effet,  nous  avons  établi  déjà  que,  dans  l’anémie,  le 
fait  essentiel  est  le  trouble  de  nutrition  qu’entraîne  le  défaut  d’oxygène  ; 
or  l’oxygène  n’est  pas  simplement  dissous  dans  le  sang;  il  n’existe  qu’en 
faible  proportion  dans  le  sérum ,  on  le  trouve  presque  exclusivement  dans 
les  globules,  combiné  à  l’hémoglobine.  On  conçoit  donc  que  l’abaisse¬ 
ment  du  chiffre  des  globules  (hypoglobulie),  la  diminution  de  la  masse 
totale  du  sang  (hyphémie)  et  les  obstacles  à  l’afflux  du  sang  artériel  dans 
les  petits  vaisseaux  de  l’encéphale  (ischémie)  exercent  la  même  action  f⬠
cheuse  sur  les  fonctions  de  cet  organe. 

Causes.  — Nous  citerons  en  première  ligne  les  grandes  hémorrhagies  : 
l’ouverture  d’une  grosse  artère,  la  rupture  d’un  anévrysme,  une  métror- 
rhagie  peuvent  amener  en  peu  d’instants  la  paralysie  de  l’encéphale,  le 
coma  et  la  mort.  Quand  le  malade  survit  et  que  la  perte  de  sang  ne  se  re¬ 
nouvelle  pas,  les  accidents  sont  rarement  de  longue  durée,  et,  à  moins  de 
complication,  le  sang  renferme  au  bout  de  peu  de  temps,  la  proportion 
normale  de  globules.  Il  n’en  est  pas  de  même  quand  les  hémorrhagies  se 
reproduisent  à  intervalles  rapprochés  ;  même  quand  elles  sont  peu  abon¬ 
dantes,  l’anémie  prend  un  caractère  grave  et  elle  peut  persister  longtemps 
après  la  cessation  complète  du  flux  sanguin. 

Toutes  les  affections  qui  donnent  lieu  à  une  déperdition  abondante  et 
continue  de  matériaux  albuminoïdes,  la  dysenterie,  la  maladie  de  Bright, 
la  phthisie  pulmonaire,  la  diathèse  cancéreuse,  les  suppurations  proion- 


ENCÉPHALE.  —  amémie  cérébrale.  75 

gées  peuvent  ê*  luses  d’anémie  cérébrale  ;  on  l’observe  encore  dans 
les  intoxicatic  "nine  et  mercurielle.  Enfin,  l’insuffisance  de  l’ali¬ 
mentation  peu  '’o'rigine,  soit  que  les  aliments  fassent  réellement 

défaut,  soit  que  ...  's  état  des  voies  digestives  en  entrave  l’absorp¬ 

tion  et  l’assimilation.  Un  s’explique  ainsi  la  fréquence  de  l’anémie  chez 
les  enfants  trouvés  ;  ils  sont  mal  nourris,  les  aliments  peu  appropriés 
qu’on  leur  fait  prendre  déterminent  et  entretiennent  une  irritation  per¬ 
manente  de  l’intestin  et  provoquent  ainsi  une  diarrhée  persistante;  les 
pertes  que  subit  l’organisme  l’emportent  sur  ses  acquisitions  ;  l’enfant 
maigrit,  tombe  peu  à  peu  dans  un  état  de  débilité  profonde  et  finit  par 
succomber,  quelquefois  après  avoir  présenté  des  symptômes  d’anémie  cé¬ 
rébrale. 

Dans  la  dernière  période  des  fièvres  graves,  les  diverses  conditions  que 
nous  venons  de  passer  en  revue  se  trouvent  réunies  :  l’activité  plus 
grande  des  combustions  organiques  ;  la  diarrhée  dans  la  fièvre  typhoïde  ; 
l’exsudât  dans  la  variole;  les  hémorrhagies  dans  les  formes  malignes  ont 
augmenté  la  déperdition  dans  des  proportions  considérables,  tandis  que, 
depuis  le  début  de  la  maladie,  la  réparation  n’a  pu  se  faire  que  dans 
des  limites  très-restreintes.  Il  n’est  pas  douteux  que  l’anémie  ne  puisse 
jouer  un  rôle  dans  la  genèse  des  accidents  cérébraux,  qui  souvent  sur¬ 
viennent  dans  ces  circonstan.ces  ;  il  est  donc  nécessaire  de  soutenir 
autant  que  possible,  dès  le  début  de  l’affection,  les  forces  du  malade 
et  de  n’user  qu’avec  la  plus  grande  réserve  des  médications  spolia¬ 
trices. 

Quelquefois  chez  les  personnes  soumises  à  une  cause  permanente  d’af¬ 
faiblissement,  par  exemple,  chez  les  jeunes  femmes  peu  vigoureuses  qui 
accouchent  plusieurs  fois  de  suite  et  allaitent  leurs  enfants,  chez  les 
chlorotiques,  les  symptômes  de  l’anémie  cérébrale  ne  se  manifestent  que 
sous  l’influence  d’une  cause  occasionnelle;  assez  souvent  c’est  un  état  fé¬ 
brile  qui  en  provoque  l’apparition  ;  l’importance  de  ces  faits  ne  saurait  être 
méconnue,  car  un  observateur  non  prévenu  pourrait  rapporter  à  l’hypé- 
rémie  les  troubles  cérébraux  qui  se  produisent  dans  ces  circonstances  et 
se  trouver  ainsi  conduit  à  une  thérapeutique  dangereuse. 

Dans  les  cas  d’ischémie  cérébrale,  l’anémie  générale  intervient  souvent 
comme  cause  adjuvante.  Les  causes  qui  peuvent  entraver  l’afflux  du  sang 
dans  l’encéphale  sont  nombreuses  et  de  nature  diverse  :  l’accumulation 
subite  d’une  grande  quantité  de  sang  dans  les  membres  inférieurs,  dans  le 
système  veineux  abdominal  ou  dans  un  viscère  suffit  à  produire  par  une 
influence  toute  mécanique,  l’anémie  cérébrale  ;  ainsi,  certaines  personnes 
sont  prises  d’étourdissement  quand  elles  se  redressent  brusquement  après 
être  restées  quelque  temps  baissées  ;  assez  fréquemment  les  convales¬ 
cents,  les  individus  épuisés  éprouvent  des  vertiges,  des  éblouissements 
quand  ils  restent  trop  longtemps  debout;  l’application  intempestive  des 
ventouses  Junod  peut  amener  par  un  mécanisme  semblable  des  accidents 
graves  d’anémie  cérébrale.  Après  l’évacuation  du  liquide  d’un  gros  kyste 
ovarique  ou  d’une  ascite,  l’abaissement  subit  de  la  pression  intra-abdo- 


76  ENCÉPHALE.  —  anémie  cérébrale. | 

minale  détermine  l’afflux  du  sang  dans  les  vaisseaux  correspondants  ;  les 
parois  des  veines  dont  une  compression  de  longue  durée  a  affaibli  la  résis¬ 
tance,  et  qui,  d’ailleurs,  présentent  dans  cette  région,  comme  l’ont  dé¬ 
montré  les  expériences  de  Goltz,  une  tendance  particulière  à  se  laisser 
distendre,  cèdent  à  l’excès  de  pression  que  le  sang  exerce  sur  elles,  et  ce 
liquide  s’y  accumule  quelquefois  en  de  telles  proportions  qu’il  n’arrive 
plus  en  quantité  suffisante  dans  le  système  artériel,  et  qu’il  se  produit 
des  accidents  d’anémie  cérébrale. 

Les  émotions  morales  peuvent  amener  l’ischémie  de  l’encéphale  en 
déterminant,  par  action  réflexe,  la  contraction  simultanée  de  ses  artérioles. 
Certains  médicaments  semblent  exercer  une  action  analogue  sur  les  petits 
vaisseaux,  et  c’est  probablement  par  ce  mécanisme  que  le  seigle  ergoté  et  le 
sulfate  de  quinine  occasionnent  des  troubles  cérébraux.  D'après  Niemeyer, 
toutes  les  lésions  qui  réduisent  la  capacité  de  la  cavité  crânienne,  les 
épanchements  sanguins,  les  tumeurs  de  l’encéphale  et  de  ses  membranes, 
les  fractures  du  crâne  avec  enfoncement,  devraient  nécessairement,  en 
vertu  des  lois  mécaniques  qui  régissent  la  circulation  intra-crânienne, 
déterminer  l’anémie  cérébrale  ;  telle  serait  en  toutes  circonstances  la  cause 
réelle  des  accidents  que  l’on  rapporte  habituellement  à  la  compression  du 
tissu  nerveux.  Sans  méconnaître  la  vraisemblance  qu’offre  cette  expli¬ 
cation  dans  un  grand  nombre  de  cas,  nous  ne  pouvons  considérer  comme 
constant  le  rapport  qu’indique  Niemeyer,  car  plus  d’une  fois  nous  avons 
pu  constater  la  co-existence  d’une  tumeur  intra-crânienne  et  d’une  hypé- 
rémie  considérable  de  l’encéphale  et  de  ses  membranes. 

Les  lésions  de  l’appareil  circulatoire  sont  une  cause  fréquente  d’anémie 
cérébrale;  tantôt,  comme  dans  la  myocardite  et  la  dégénérescence  grais¬ 
seuse  du  cœur,  l’impulsion  cardiaque  fait  défaut,  le  sang  ne  pénètre 
qu’en  faible  quantité  et  sous  une  pression  insuffisante  dans  les  carotides; 
d’autres  fois  un  obstacle  matériel  gêne  la  circulation,  un  caillot  volumineux 
réduit  la  capacité  de  l’oreillette  ou  du  ventricule  gauche,  l’orifice  aortique 
est  rétréci  ou  ses  valvules  sont  insuffisantes,  des  produits  athéromateux 
obstruent  l’orifice  des  carotides  ou  des  sous-clavières,  une  tumeur  com¬ 
prime  ces  vaisseaux;  dans  toutes  ces  circonstances,  l’encéphale  ne  reçoit 
qu’une  quantité  insuffisante  de  sang,  et  il  peut  se  produire  des  accidents 
d’anémie;  la  compression  du  cordon  pendant  l’accouchement  a  les  mêmes 
résultats.  Dans  la  vieillesse,  la  cause  principale  de  l’anémie  cérébrale  est 
l’athérome  artériel  ;  il  n’est  pas  rare  de  trouver  chez  les  sujets  âgés 
toutes  les  artères  de  la  base  profondément  altérées  ;  les  dépôts  forment  le 
plus  souvent  un  demi-cylindre  excavé  en  dedans,  soulevant  la  tunique 
interne,  aux  dépens  de  laquelle  il  s’est  développé.  Le  calibre  du  vaisseau 
se  trouve  ainsi  réduit  à  la  moitié  ou  au  tiers  de  ses  dimensions  normales, 
et  quand  cette  altération  s’étend  à  un  certain  nombre  de  branches,  elle 
restreint  singulièrement  le  champ  de  la  circulation  encéphalique.  D’autre 
part,  la  perte  de  l’élasticité  artérielle  tend  à  ralentir  le  cours  du  sang,  car 
il  a  été  démontré,  par  les  expériences  de  Marey,  que  l’écoulement  des 
liquides  est  moins  rapide  dans  les  tubes  rigides  que  dans  les  tubes  élas- 


77 


ENCÉPHALE.  -  ASÉMIE  GÉnÉBRALE. 

tiques;  enfin,  chez  le  vieillard,  l’impulsion  cardiaque  est  affaiblie,  et 
l’ondée  sanguine  est  lancée  avec  moins  de  force  dans  les  carotides.  On 
conçoit  que  dans  ces  conditions  les  accidents  de  l’anémie  cérébrale  se 
produisent  sous  l’influence  des  causes  les  plus  légères,  et  qu’ils  prennent 
souvent  un  caractère  grave. 

Anatomie  pathologique.  —  Ordinairement  les  méninges  contiennent 
peu  de  sang;  quelquefois,  cependant,  elles  sont  le  siège  d’une  hypérémie 
qui  contraste  avec  l’aspect  de  la  substance  cérébrale.  Le  plus  souvent  les 
mailles  de  la  pie-mère  sont  infiltrées  de  sérosité;. les  ventricules  renfer¬ 
ment  une  quantité  anormale  de  liquide  ;  pourtant,  contrairement  à  ce 
qu’enseigne  la  théorie,  il  n’en  est  pas  toujours  ainsi  ;  et  notamment,  chez 
les  individus  morts  d’hémorrhagie,  on  peut  presque  toujours  constater  la 
sécheresse  des  méninges.  Quand  au  contraire  l’anémie  reconnaît  pour 
cause  une  maladie  chronique,  surtout  quand  elle  résulte  d’une  lésion 
cardiaque  et  qu’un  certain  degré  de  stase  veineuse  coïncide  avec  l’ané¬ 
mie  artérielle,  on  trouve  le  plus  souvent  une  extravasation  considérable 
de  liquide  séreux.  Les  caractères  anatomiques  de  l’anémie  cérébrale  sont 
fort  simples  ;  la  substance  cérébrale  est  décolorée,  les  parties  grises  sont 
d’une  pâleur  remarquable  ;  sur  une  coupe  on  ne  voit  sortir  des  vaisseaux 
qu’un  très-petit  nombre  de  gouttelettes  sanguines.  Chez  l’enfant,  la 
substance  blanche  présente  une  teinte  bleuâtre  ;  le  tissu  cérébral  s’est 
ramolli  au  contact  du  liquide  exsudé. 

Symptômes.  —  Nous  avons  vu  déjà,  par  l’étude  des  faits  d’expérimenta¬ 
tion,  à  quels  troubles  morbides  donne  lieu  l’anémie  cérébrale  et  com¬ 
ment  la  physiologie  permet  de  les  interpréter.  L’histoire  clinique  de  l’af¬ 
fection  se  trouve  ainsi  simplifiée.  Le  tableau  symptomatique  diffère  surtout 
suivant  que  les  phénomènes  se  développent  subitement  et  atteignent 
immédiatement  leur  plus  haut  degré  d’intensité,  ou  qu’au  contraire  ils 
suivent  une  marche  lente  et  progressive. 

C’est  surtout  après  les  hémorrhagies  graves  que  l’on  observe  la  forme 
rapide;  le  malade  éprouve  des  éblouissements,  des  vertiges,  des  tinte¬ 
ments  d’oreilles;  souvent  il  vomit,  la  respiration  s’accélère;  les  forces 
sont  anéanties,  les  téguments  froids  et  décolorés  ;  le  pouls  est  petit,  fili¬ 
forme  ;  le  malade  perd  connaissance,  tombe  dans  le  coma  :  des  mouve¬ 
ments  convulsifs  plus  ou  moins  intenses  se  produisent  dans  les  membres; 
puis  la  respiration  se  ralentit;  les  pupilles,  d’abord  rétrécies,  se  dilatent; 
les  excitations  les  plus  énergiques  ne  déterminent  plus  de  réaction,  et  la 
mort  peut  survenir  en  peu  de  temps.  On  observe  donc  simultanément, 
comme  dans  les  expériences  que  nous  avons  mentionnées,  des  signes  de 
paralysie  cérébrale  et  d’excitation  bulbaire.  On  a  donné  de  ces  faits  des 
interprétations  diverses  :  pour  Henle,  le  reflux  dans  la  moelle  allongée 
du  sang  contenu  dans  les  veines  rachidiennes  amènerait  l’hypérémie  de 
cet  organe  et  causerait  ainsi  les  convulsions  ;  mais  cette  hypothèse  n’a 
pas  été  confirmée  par  les  faits,  car,  après  la  ligature  des  artères,  on  trouve 
constamment  le  bulbe  anémié  en  même,  temps  que  le  cerveau;  d’après 
Kussinaul  et  Tenner,  l’anémie  serait  moins  prononcée  dans  le  bulbe  et  la 


78 


ENCÉPHALE.  -  ANÉMIE  CÉRÉBRALE. 

protubérance  que  dans  le  cerveau  ;  cette  explication  est  assez  vraisem¬ 
blable  dans  les  cas  où  l’anémie  résulte  d’une  distribution  irrégulière  du 
sang,  ainsi  dans  l’ischémie  par  excitation  vaso-motrice,  par  lésion  des 
artères  ou  du  cœur;  mais  elle  n’est  plus  admissible  quand  il  y  a  diminu¬ 
tion  de  la  masse  totale  du  sang;  il  n’y  a  plus  alors  de  raison  pour  que 
l’anémie  soit  moins  prononcée  dans  le  méso-céphale  que  dans  les  autres 
parties  des  centres  nerveux.  La  loi  d’après  laquelle  une  période  de  suracti¬ 
vité  précède  nécessairement  la  paralysie  des  centres  nerveux,  quand  leurs 
fonctions  ne  sont  pas  immédiatement  anéanties  par  la  cause  morbifique, 
loi  sur  laquelle  nous  avons  plus  haut  appelé  l’attention,  peut  seule  expli¬ 
quer  en  pareil  cas  les  phénomènes  d’excitation  du  bulbe  ;  l’intensité  de 
ces  symptômes  est  d’autant  plus  grande  que  le  cerveau  est  paralysé, 
car  c’est  un  fait  connu  en  physiologie  que  les  fonctions  du  bulbe  et  de  la 
moelle  s’accomplissent  avec  plus  d’énergie  quand  ces  organes  ne  sont 
plus  soumis  à  l’influence  de  l’encéphale.  Enfin,  si  le  cerveau  se  paralyse 
plus  rapidement  que  les  autres  parties  de  l’encéphale,  cela  tient  sans 
doute  à  ce  qu’il  est  plus  vasculaire,  que  les  échanges  nutritifs  s’y  font  avec 
plus  d’activité  et  que  par  suite  le  manque  de  sang  oxygéné  doit  troubler 
plus  rapidement  ses  fonctions. 

Dans  la  forme  lente,  on  observe  surtout  des  phénomènes  d’excita¬ 
tion  qui  se  rattachent  à  cet  état  particulier  du  système  nerveux  dé¬ 
crit  par  les  Anglais  sous  le  nom  de  faiblesse  irritable.  La  céphalalgie 
est  presque  constante;  les  bruits,  la  lumière,  sont  mal  supportés; 
les  malades  sont  tourmentés  par  des  vertiges ,  des  étourdissements  ; 
ils  se  plaignent  de  nausées;  il  leur  semble  à  tout  instant  qu’ils  vont 
perdre  connaissance,  et  en  effet  ils  sont  sujets  aux  lipothymies.  L’in¬ 
telligence  n’est  pas  atteinte,  pourtant  les  malades  sont  incapables 
d’un  travail  soutenu,  le  moindre  effort  les  fatigue;  les  battements 
du  cœur  sont  faibles,  le  pouls  est  dépressible,  il  n’y  a  pas  de  véritable 
paralysie,  mais  les  mouvements  se  font  péniblement  et  sans  force.  On 
peut  comprendre  de  la  manière  suivante  la  production  de  ces  symptô¬ 
mes  :  l’anémie  a  pour  effet  principal  d’amoindrir  la  vitalité  des  éléments 
nerveux  ;  par  suite,  leur  excitabilité  s’affaiblit  et  en  même  temps  ils  de¬ 
viennent  susceptibles  d’être  influencés  par  des  excitations  qui,  à  l’état 
normal,  seraient  trop  faibles  pour  mettre  en  jeu  leur  activité.  De  cette 
double  modification  résulte  le  complexus  symptomatique,  que  l’on  dé¬ 
signe  sous  le  nom  de  faiblesse  irritable.  Les  symptômes  que  nous  venons 
de  passer  en  revue  coïncident  habituellement  avec  les  signes  de  l’anémie 
générale;  les  téguments  sont  pâles  ;  des  bruits  de  souffle  sont  perceptibles 
au  cœur  et  dans  les  vaisseaux.  Le  malade  éprouve  des  palpitations  et  de 
l’oppression. 

Les  phénomènes  d’excitation  cérébrale  prennent  dans  certains  cas  un 
caractère  fâcheux;  les  malades  ont  du  délire,  ils  sont  en  proie  à  des  hal¬ 
lucinations  ;  ces  symptômes  ne  sont  pas  rares  chez  les  individus  affa¬ 
més  ;  on  les  observe  aussi  à  la  dernière  période  des  fièvres  graves,  surtout 
quand  le  malade  a  été  longtemps  privé  d’aliments  et  que  la  déperdition 


ENCÉPHALE.  —  anémie  cérébrale.  79 

de  matériaux  organiques  provoquée  par  la  maladie  ou  par  le  traitement 
a  été  considérable. 

Chez  les  vieillards  atteints  d’athérome  artériel,  l’anémie  donne  lieu  à 
des  symptômes  un  peu  différents.  Le  plus  fréquent  et  le  plus  caracté¬ 
ristique  est  l’étourdissement.  Le  malade  est  pris  tout  à  coup  de  vertiges  ; 
sa  vue  se  trouble,  il  cbancelle,  il  cherche  un  appui  pour  ne  pas  tomber; 
puis,  au  bout  d’un  instant,  il  revient  à  lui  et  se  retrouve  dans  son  état 
habituel  :  tels  sont,  dans  leur  forme  légère,  les  accès  d’iscbémie  céré¬ 
brale;  d’habitude,  ils  se  renouvellent  fréquemment,  quelquefois  par 
séries  ;  le  malade  reste  plusieurs  semaines  sans  en  éprouver,  puis  tout  à 
coup  ils  reparaissent,  se  répètent  plusieurs  fois  par  jour,  et  même  par 
heure;  ils  surviennent  tantôt  sous  l’influence  de  causes  occasionnelles,  à 
la  suite  d’une  fatigue  musculaire,  d’une  émotion  ;  tantôt  sans  cause  ap¬ 
parente;  certains  malades  en  ont  même  au  lit;  on  les  voit  tout  à  coup 
pâlir,  cesser  deparler  s’ils  causent,  incliner  brusquement  la  tête  ;  puis,  au 
bout  d’un  instant,  se  redresser  en  regardant  autour  d’eux  avec  étonne¬ 
ment.  D’autres  fois  les  troubles  sont  plus  graves,  et  persistent  plus  long¬ 
temps:  le  malade  reste  dans  un  état  de  demi-somnolence,  d’hébétude; 
il  a  de  la  peine  à  s’exprimer,  trouve  difficilement  ses  mots  ;  il  éprouve 
de  l’engourdissement  dans  les  membres,  quelquefois  d’un  côté  plus  que 
l’autre;  il  a  des  nausées,  des  vomissements;  ces  symptômes  peuvent 
durer  vingt-quatre  heures  ou  plus.  Enfin  il  peut  survenir  une  attaque 
apoplectique  qui  guérit  sans  laisser  après  elle  de  paralysie  persistante. 

Chez  les  individus  sujets  depuis  longtemps  aux  accidents  d’ischémie 
cérébrale,  on  observe  assez  souvent  des  troubles  intellectuels  ;  le  malade 
tombe  dans  un  état  continuel  d’apathie;  il  dort  une  partie  du  jour;  il 
s’exprime  lentement,  péniblement  ;  sa  mémoire  s’affaiblit  ;  il  peut  finir 
par  présenter  tous  les  symptômes  de  la  démence  sénile. 

Parfois,  certains  sujets,  des  vieillards  surtout,  tombent  dans  un  sin¬ 
gulier  état  de  somnolence  que  l’on  est  généralement  en  droit  de  rapporter 
à  l’anémie  cérébrale  ;  ces  malades  ont  une  tendance  invincible  au  som¬ 
meil  ;  si  on  les  excite,  ils  se  réveillent,  répondent  avec  intelligence  aux 
questions  qu’on  leur  pose,  mais,  au  bout  d’un  instant,  ils  retombent  dans 
leur  état  habituel  ;  souvent  le  sommeil  les  surprend  au  milieu  de  leurs 
occupations,  ou  pendant  leur  repas.  Ces  symptômes  peuvent  persister  pen¬ 
dant  plusieurs  semaines  et  même  bien  plus  longtemps  ;  dans  un  fait  de  ce 
genre,  observé  par  l’un  de  nous,  la  malade  était  morte  subitement  après 
avoir  présenté  pendant  quinze  jours  cette  tendance  au  sommeil  ;  on  a 
trouvé  à  l’autopsie  un  rétrécissement  mitral,  un  rétrécissement  ventri- 
culo-aortique  et  un  rétrécissement  athéromateux  considérable  des  prin¬ 
cipales  artères  du  cerveau,  lésions  qui,  réunies,  devaient  nécessairement 
produire  l’anémie  cérébrale. 

Chez  les  enfants,  l’anémie  cérébrale  peut  prendre  un  caractère  particu¬ 
lier  de  gravité.  Dans  une  première  période,  ils  sont  en  proie  à  une  vive 
agitation,  ils  poussent  des  cris;  des  mouvements  convulsifs  se  produisent 
dans  la  face  ou  dans  les  membres  ;  plus  tard,  ces  phénomènes  d’excitation 


EiMCÉPlIALE.  -  ANÉMIE  CÉRÉBRALE. 


disparaissent  peu  à  peu,  et  font  place  à  la  torpeur,  à  l’inertie  musculaire, 
à  la  prostration;  les  pupilles  ne  réagissent  plus,  la  respiration  s’embar¬ 
rasse,  et  l’enfant  succombe  dans  le  coma.  Cette  affection  offre  dans  ses 
symptômes  et  dans  sa  marche  une  analogie  frappante  avec  l’hydrocé¬ 
phale  aigu  :  c’est  ce  qui  lui  a  valu  le  nom  d’hydrocéphaloïde,  sous  lequel 
l’a  décrite  Marshall-Hall. 

Diagnostic.  —  On  a  vu  que  les  symptômes  de  l’anémie  cérébrale  offrent 
souvent  la  plus  grande  ressemblance  avec  ceux  de  la  congestion;  le 
diagnostic  est  difficile,  surtout  s’il  existe  en  même  temps  un  état  fébrile, 
comme  il  arrive  à  la  dernière  période  des  fièvres  graves.  D’une  manière 
générale,  ce  n’est  pas  dans  la  nature  même  des  troubles  nerveux  qu’il 
faut  chercher  des  caractères  distinctifs,  ils  ne  diffèrent  pas  sensiblement 
dans  les  deux  états  morbides  ;  c’est  en  considérant  l’état  général  du  ma¬ 
lade,  les  antécédents,  les  circonstances  dans  lesquelles  se  sont  développés 
les  accidents  que  l’on  peut  arriver  au  diagnostic.  Si  le  sujet  est  d’une 
constitution  vigoureuse,  s’il  n’existe  aucune  lésion  cardiaque  ou  vascu¬ 
laire  capable  de  produire  l’anémie,  si  le  pouls  est  plein  et  dur,  on  ad¬ 
mettra  plutôt  la  congestion  ;  quand  au  contraire  le  malade  est  chétif, 
l’impulsion  cardiaque  faible,  le  pouls  mou  et  dépressible,  quand  en  même 
temps  le  cœur  et  les  vaisseaux  sont  le  siège  de  bruits  de  souffle,  on  doit 
rapporter  à  l’anémie  les  troubles  cérébraux.  En  outre,  dans  l’anémie, 
les  phénomènes  s’aggravent  quand  le  malade  se  tient  debout  ;  souvent  la 
face  et  les  muqueuses  sont  décolorées  ;  ce  sont  là  des  signes  auxquels  il 
ne  faudrait  pas  attribuer  une  valeur  absolue,  mais  qui  méritent  néan¬ 
moins  d’être  pris  en  considération. 

Les  étourdissements  qui  sont  le  symptôme  habituel  de  l’ischémie  chez 
les  vieillards  ne  se  produisent  pas  dans  la  congestion  ;  il  n’y  a  pas  d’er¬ 
reur  possible;  mais  on  peut  les  confondre  avec  les  vertiges  épileptiques; 
si  le  malade  n’a  jamais  eu  de  grandes  attaques,  le  diagnostic  peut  être 
très-difficile  ;  il  faut  tenir  compte  du  caractère  des  étourdissements  ;  la 
perte  de  connaissance  subite  et  complète  est  exceptionnelle  dans  l’is¬ 
chémie,  elle  est  la  règle  dans  l’épilepsie;  mais  c’est  là  un  point  sur  lequel 
l’état  mental  des  malades  ne  permet  pas  le  plus  souvent  d’obtenir  des 
renseignements  précis.  11  faut  s’enquérir  des  antécédents,  s’informer  s’il 
y  a  eu  des  épileptiques  dans  la  famille  ;  l’époque  d’apparition  des  accès 
est  très-importante  à  considérer  :  les  épileptiques  ont  eu  de  ces  vertiges 
dans  leur  jeunesse,  et  même  dès  l’enfance  ;  au  contraire,  l’étourdisse¬ 
ment  ischémique,  lié  à  l’athérome,  n’apparaît  presque  jamais  qu’à  un  âge 
avancé  ;  en  tenant  compte  de  ces  éléments,  on  arrive  le  plus  souvent  à 
poser  le  diagnostic  avec  une  certitude  presque  entière. 

Chez  les  enfants,  la  forme  grave  d’anémie  que  nous  avons  décrite  pour¬ 
rait  être  confondue  avec  la  méningite  ;  l’agitation,  les  cris,  les  convul¬ 
sions,  les  troubles  pupillaires,  puis  la  stupeur  et  le  coma  s’observent  dans 
les  deux  affections,  mais  l’enfant  qui  meurt  d’anémie  a  une  physionomie 
toute  spéciale  ;  l’émaciation  est  arrivée  chez  lui  à  un  degré  extrême  ;  il  a 
la  face  ridée,  grippée  comme  celle  d’un  vieillard  ;  contrairement  à  ce  que 


ENCÉPHALE.  —  anémie  cérébrale.  SI 

l’on  voit  dans  la  méningite,  il  a  de  la  diarrhée  ;  enfin  s'il  y  avait  doute, 
l’exploration  thermométrique  donnerait  bientôt  le  diagnostic. 

Pronostic.  —  Le  pronostic  varie  beaucoup  avec  la  cause  de  l’anémie, 
les  circonstanees  dans  lesquelles  elle  se  développe,  et  le  traitement  qu’on 
lui  oppose.  L’anémie  qu’occasionnent  les  grandes  hémorrhagies,  l’anémie 
d’inanition  chez  les  enfants  ont  une  gravité  exceptionnelle.  Chez  les  per¬ 
sonnes  âgées,  les  accidents  d’ischémie  cérébrale  sont  toujours  d’un  pro¬ 
nostic  fâcheux  ;  elles  indiquent  le  plus  souvent  une  dégénération  athéro¬ 
mateuse  des  artères,  et  par  conséquent  une  prédisposition  au  ramollisse¬ 
ment  ;  néanmoins  on  yoit  des  malades  être  sujets  pendant  de  longues 
années  à  ces  accidents  sans  qu’il  se  produise  de  lésion  plus  grave.  Quant 
au  pronostic  à  porter  sur  l’issue  d’une  attaque  ischémique,  la  persistance 
de  la  torpeur  et  de  la  résolution  des  membres,  le  ralentissement  de  la  res¬ 
piration,  l’abolition  des  mouvements  réflexes,  la  dilatation  permanente 
des  pupilles  succédant  à  leur  rétrécissement,  sont  des  signes  presque 
constamment  fatals. 

Traite.ment.  —  Dans  l’anémie  subite  qu’amènent  les  hémorrhagies 
abondantes,  l’intervention  énergique  et  immédiate  du  médecin,  peut 
rendre  les  plus  grands  services  ;  il  faut  tout  d’abord  augmenter  l’afflux 
du  sang  dans  l’encéphale,  en  comprimant  l’aorte  abdominale  et  les  artères 
des  membres  ;  puis  chercher  à  réveiller  l’excitabilité  des  centres  nerveux 
en  faisant  prendre  au  malade  des  boissons  chaudes  stimulantes,  du  vin, 
une  potion  éthérée  additionnée  d’acétate  d’ammoniaque  à  forte  dose; 
combattre  le  refroidissement  qui  résulte  de  l’hémorrhagie  en  entourant 
le  malade  de  linges  bien  chauffés.  L’excitation  des  extrémités  nerveuses 
par  l’application  réitérée  de  sinapismes  peut  contribuer  aussi  à  stimuler 
l’activité  fonctionnelle  de  l’encéphale.  On  parvient  le  plug  souvent  ainsi 
quand  l’écoulement  du  sang  est  définitivement  arrêté,  à  éviter  les  acci¬ 
dents  graves  que  l’hémorrhagie  peut  entraîner  à  sa  suite  ;  mais  dans  cer¬ 
tains  cas,  la  perte  de  sang  a  été  excessive,  tous  les  moyens  que  nous  ve¬ 
nons  d’indiquer  restent  impuissants,  l’état  comateux  persiste,  la  mort 
est  imminente.  Il  ne  faut  pas  hésiter  alors  à  pratiquer  la  transfu.sion  du 
sang;  d’après  une  statistique  publiée  en  1868  par  Landois,  qui  a  relevé 
tous  lesfaits  connus  dans  la  science,  cette  opération  a  été  pratiquée  une  cen¬ 
taine  de  fois  à  la  suite  d’hémorrhagies,  et  dans  plus  des  deux  tiers  des  cas, 
le  résultat  a  été  favorable;  ce  sont  là  des  faits  très-encourageants;  l’opé¬ 
ration  n’offre  pas  d’ailleurs  de  danger  par  elle-même,  si  l’on  a  soin  de 
défibriner  le  sang,  de  le  filtrer  et  de  ne  l’injecter  que  bien  purgé  d’air  et 
chauffé  à  une  température  voisine  de  celle  du  corps;  il  ne  faut  pas  introduire 
à  la  fois  une  trop  grande  quantité  de  sang  ;  100  grammes  suffisent 
pour  amener  une  amélioration  presque  immédiate  dans  l’état  du  malade. 

Chez  les  enfants,  l’anémie  provenant  le  plus  souvent  de  l’insuffisance 
de  l’alimentation  et  du  mauvais  état  des  voies  digestives,  les  indications 
thérapeutiques  sont  nettement  tracées.  Pour  combattre  la  diarrhée,  il  faut 
proscrire  tout  aliment  solide,  nourrir  l’enfant  de  décoction  blanche,  do 
lait  coupé  d’eau  de  chaux  ;  s’il  est  tout  jeune,  on  lui  donnera  une  nourrice 

KODV.  raCT  MED.  ET  CTIE.  XIII.  —  8 


82  ENCÉPHALE.  —  anémie  cérébrale. 

quand  ce  sera  possible;  s’il  est  plus  âgé,  la  viande  crue  est  indiquée,;  elle 
est  de  digestion  facile  quand  elle  est  bien  hachée,  les  petits  malades  la 
prennent  volontiers  mélangée  à  du  sucre  ou  à  des  confitures.  L’extrait 
de  quinquina,  le  vin,  de  petites  doses  d’eau-de-vie  ou  de  rhum  sont  avan¬ 
tageusement  associés  à  ce  traitement  qui  amène  souvent  avec  rapidité 
une  amélioration  inespérée  dans  l’état  du  malade  ;  le  musc  administré  à 
petites  doses  semble  quelquefois  produire  de  bons  effets. 

L’anémie  qui  survient  à  la  fin  des  maladies  aiguës  sera  efficacement 
combattue  par  le  quinquina,  le  vin  et  un  régime  réparateur  ;  elle  néces¬ 
site  en  outre  de  sévères  précautions  hygiéniques  ;  le  malade  ne  doit  à 
aucun  prix  se  lever  prématurément,  ni  rester  trop  longtemps  debout  dans 
le  temps  de  la  convalescence,  car  il  est  alors  constamment  sous  l’immi¬ 
nence  d’une  syncope  à  laquelle  l’anémie  et  l’affaiblissement  du  cœur  don¬ 
neraient  une  gravité  exceptionnelle;  il  n’est  pas  très-rare  de  voir  des  conva¬ 
lescents  mourir  subitement  dans  ces  circonstances.  L’anémie  des  maladies 
chroniques,  se  traite  par  le  quinquina,  les  préparations  martiales,  une 
alimentation  substantielle  ;  si  le  malade  est  incommodé  par  des  lipothy¬ 
mies  fréquentes,  il  fera  usage  de  stimulants  énergiques,  tels  que  la  liqueur 
d’Hoffmann  ou  la  teinture  ammoniacale  de  Sylvius;  beaucoup  de  malades 
se  trouvent  bien  d’une  saison  aux  bains  de  mer. 

Chapman  a  préconisé  dans  ces  derniers  temps  une  nouvelle  méthode  de 
traitement  qui  consiste  à  appliquer  d’une  façon  permanente,  au  moyen 
d’un  appareil  qu’il  a  imaginé,  de  la  glace  pilée  sur  la  partie  cervico-dorsale 
du  rachis  ;  dans  la  pensée  de  l’auteur,  l’anémie  cérébrale,  quand  elle  ne 
résulte  pas  d’une  hémorrhagie,  serait  constamment  entretenue  par  un 
état  congestif  de  la  moelle  ;  de  là,  l’efficacité  du  traitement  proposé  ; 
quoi  qu’il  en  soit  de  la  théorie,  les  faits  cités  par  l’auteur  sont  assez  en¬ 
courageants  ;  iî  ne  semble  pas  cependant  que  ce  traitement  soit  également 
bien  supporté  par  tous  les  malades.  L’un  de  nous  a  eu  l’occasion,  dans 
le  service  de  Vulpian,.  d’appliquer  l’appareil  à  une  jeune  femme  qui 
présentait  depuis  quelque  temps  les  symptômes  d’une  vive  excitation  de 
la  moelle;  à  chaque  essai,  il  se  produisit  au  bout  de  peu  de  temps  des 
accidents  assez  sérieux;  la  malade  éprouvait  une  sensation  toute  spéciale 
et  très-pénible  d’angoisse,  la  respiration  s’embarrassait,  devenait  anxieuse, 
les  téguments  se  cyanosaient,  on  était  forcé  de  retirer  l’appareil  ;  après 
plusieurs  tentatives,  on  dut  renoncer  à  cette  médication;  la  malade 
n’en  obtenait  d’ailleurs  aucun  soulagement.  Il  faut  attendre  de  nou¬ 
veaux  faits  avant  de  se  prononcer  sur  la  valeur  de  ce  moyen  de  traite¬ 
ment. 

Marshall  Hall,  Medical  Essays.  London,  1825.  —  Ueber  Blutenziehung.  traduction  allemande 
de  Bressler.  Berlin,  1857. 

Gooch,  Einige  der  wichtigsten  Krankheiten  die  den  Frauen  eigenthümlich  sind  nebst  einer 
Abhandlung  über  eine  leieht  mit  Hirncongestion  zu  verwechselnden  Krankheit.  Traduction 
allemande.  Weimar,  1850. 

Asdral,  Graves,  Basse,  Jaccoüd,  Ledboscher,  loc.  cit. 

Hesle,  Handbuch  der  ration.  Pathologie.  Braunschweig,  1853. 

Dosdebs,  Bijdrag  op  liet  gebiet der hæmodynamica  {Versl.  en  mededeelvan  de  K.  Alcad.  van 
Vretensch.,  1855). 


ENCÉPHALE.  -  OBLITÉRATtON  DES  ARTÈRES.  83 

VanbekBecke  Callenfels,  Onderzœkingen  ged.  in  het  physîol.  Laboratorium  de  Utrecht  Hoo- 
geschr.,  1854-1855. 

lÎESSMAra,  Würzburg.  Verhandlungen,  VI,  1856. 

Kesshaul  und  Tenneb,  Unlersuchungen  über  ürsprung  und  Wesen  der  Fallsuchtartigen  Zuckungen. 

Frankfurt,  1857  (aus  Moleschott’s  Untersuchungen,  III,  1857). 

ScHiFF,  Lehrbuch  der  Physiologie  des  Menschen.  Jahrl858. 

Ehkuass,  Des  effets  produits  sur  l’encéphale  par  l’oblitération  des  vaisseaux  artériels  qui  s’y 
distribuent.  Paris,  1860.  —  Recherches  sur  l’anémie  cérébrale.  Strasbourg,  1858. 

Vaiestix,  Vérsuch  einer  physiol.  Pathologie  der  Nerven.  Leipzig  und  Heidelberg,  1864. 
Mobehead,  Encephalilis  spuria  [The  Lancet,  1864). 

Cbapmak,  Case  of  Anæmie  oftheBrain  (TAe  Lancet,  1865). —  Gazette  des  hôpitaux,  1866-1867. 
Walther,  Studien  im  Gebiete  der  Thermophysiologie  [Archiv.  fur  Anat.  und  Physiologie,  1865). 
Rosexsteis,  Ueher  Eclampsie  beiSchwangern  und  Gebârenden  [Monatschrift  fur  Geburtskunde, 
XIII,  1864). 

Thomas,  Transfusion  von  Elut  [Nederl.  Tijdsck.voor  Geneesk,  1865). 

Laotois.  Deber  den  Einlluss  der  Anæmie  des  Gehirns  und  des  verlângerter  Markes  auf  die 
Pulsfrequenz  [Berickt  über  die  40  Versammlung  deutscher  Naturforscher  zu  Hannover, 
1865).  —  Zur  Statistik  und  Experimental-Enforschung  des  Transfusion  (Wien.  med.  Wochen¬ 
schrift,  IS68,  n»  105). 

Prévost  et  Cotard,  Recherches  physiologiques  et  pathologiques  sur  le  ramollissement  cérébral 
(Comptes  rendus  des  séances  de  la  Société  de  biologie  et  Gaz.  méd.  Paris.  1866). 

Sée  (G.),  Leçons  de  pathologie  expérimentale.  Paris,  1866. 

VüLPiAs,  Leçons  sur  la  physiologie  générale  et  comparée  du  système  nerveux.  Paris,  1866. 

Oblîtépatîon  des  vaisseaux  encéphaliques.  — Les  troubles 
généraux  de  vascularisation  dont  nous  nous  sommes  occupés  jusqu’ici  ne 
déterminent,  en  raison  même  de  leur  extension,  que  des  désordres  fonc¬ 
tionnels,  car  s’ils  atteignent  un  certain  degré  d’intensité  et  s’y  maintien¬ 
nent,  la  mort  survient  avant  que  des  altérations  matérielles  aient  eu  le 
temps  de  se  produire;  les  obstructions  vasculaires  que  nous  allons  étu¬ 
dier  maintenant,  n’exercent  leur  action  que  sur  une  partie  limitée  de  l’en¬ 
céphale,  mais  cette  action  est  profonde,  persistante,  et  presque  constam¬ 
ment  elle  aboutit  à  la  mortification  des  éléments  nerveux. 

L’oblitération  peut  porter  sur  les  artères,  sur  les  capillaires  et  sur  les 
sinus  veineux. 

Oblitération  des  artères  de  l’encéphale.  —  Les  lésions  pro¬ 
duites  dans  le  tissu  nerveux  par  les  obturations  artérielles  sont  dé¬ 
crites,  en  raison  de  leur  nature  et  de  leur,  aspect,  sous  les  noms  de  nécro¬ 
biose,  de  ramollissement  nécrosique  ou  simplement  de  ramollissement  de 
l’encéphale;  les  produits  morbides  n’étant  pas  soumis  au  contact  de  l’air 
ne  subissent  pas  la  décomposition  putride,  le  processus  nécrobiotique  se 
distingue  ainsi  des  autres  variétés  de  gangrène. 

L’oblitération  peut  être  le  résultat  d’une  thrombose  ou  d’une  em¬ 
bolie. 

Gehèse  et  étiologie.  —  Thrombose  artérielle.  —  La  cause  la  plus  fré¬ 
quente  de  cette  altération  est  l’inflammation  chronique  des  parois  vascu¬ 
laires,  l’endartérite  déformante.  Les  éléments  cellulaires  contenus  dans 
}a  couche  profonde  de  la  tunique  interne  se  multiplient;  unis  par  une 
quantité  variable  de  substance  amorphe,  ils  forment  des  amas  souvent 
•considérables  de  matière  jaunâtre,  assez  consistante,  semblable  à  de 
l’albumine  cuite.  Ces  dépôts  n’occupent  pas  habituellement  toute  la 
périphérie  du  vaisseau.  Très-souvent  ils  subissent  la  dégénérescence 


84 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 

graisseuse,  se  ramollissent;  la  tunique  interne  s’ulcère  et  le  sang  se 
trouve  en  contact  avec  la  matière  athéromateuse;  d’autres  fois,  les 
produits  morbides  s’infiltrent  de  sels  calcaires,  et  forment  des  pla¬ 
ques  saillantes,  inégales,  rugueuses,  susceptibles  de  se  détacher  en 
partie  et  d’pbturer  ainsi  la  lumière  de  l’artère  ;  les  tuniques  moyennes 
et  externes  s’altèrent  simultanément;  les  vaisseaux  deviennent  rigides, 
flexueux,  ils  perdent  leur  élasticité  ;  en  même  temps  l’action  car¬ 
diaque  est  souvent  affaiblie  et  le  sang  n’arrive  dans  l’encéphale  que 
sous  une  faible  tension  ;  les  conditions  les  plus  favorables  à  la  for¬ 
mation  d’un  caillot  se  trouvent  ainsi  réunies,  et  il  suffit  de  la  cause 
occasionnelle  la  plus  légère  pour  qu’il  se  produise  une  thrombose.  Or¬ 
dinairement  le  coagulum  se  fait  d’abord  au  niveau  d’une  rugosité  ou 
d’une  ulcération,  puis  il  s’accroît  par  le  dépôt  successif  de  nouvelles 
couches  de  fibrine  et  finit  par  obturer  complètement  le  calibre  du 
vaisseau. 

La  compression  d’une  artère  par  un  produit  morbide  peut  amener  la 
formation  d’un  caillot  oblitérant  en  l’absence  de  toute  altération  des 
parois  vasculaires.  Ainsi  l’un  de  nous  a  vu  chez  une  femme  dont  le  cer¬ 
velet  renfermait  des  tubercules,  l’artère  sylvienne  oblitérée  par  un 
caillot  autochthone  qui  avait  évidemment  pour  cause  la  constriction  exer¬ 
cée  sur  le  vaisseau  par  un  exsudât  méningien  abondant.  Dans  un  fait 
publié  par  Hayem,  il  existait  à  la  face  interne  de  la  pie-mère,  sur  le 
trajet  des  vaisseaux,  une  vingtaine  de  petites  tumeurs  offrant  la  structure 
du  glio-sarcome;  elles  avaient  interrompu  par  compression  le  cours  du 
sang  dans  les  communicantes  postérieures  et  les  deux  syl viennes  et  occa¬ 
sionné  ainsi  plusieurs  ramollissements.  Dans  un  certain  nombre  d’obser¬ 
vations,  la  compression  était  exercée  par  des  tumeurs  gommeuses  déve¬ 
loppées  à  la  face  interne  de  la  dure-mère.  Yirchow  a  réuni  plusieurs  de 
ces  faits.  La  compression  portait  dans  les  cas  de  Virchow  et  de  Bristowe 
sur  la  carotide  interne  ;  dans  celui  de  Gildemeister  et  Hoyack  sur  la 
sylvienne  ;  dans  celui  de  Bœning,  sur  la  carotide  et  la  sylvienne;  dans 
celui  de  Passavant  sur  la  basilaire  ;  sur  un  sujet  de  de  Græfe,  Virchow  a 
trouvé  un  grand  nombre  de  vaisseaux  oblitérés  par  le  même  mécanisme  j 
Hûghlings  Jackson  a  observé  plusieurs  faits  de  même  ordre.  Dans  ces 
circonstances  l’obstruction  est  produite  en  partie  par  la.  compression,  en 
partie  par  thrombose  pariétale. 

Les  cachexies,  la  diathèse  inopectique  sont  des  causes  adjuvantes  dont 
on  ne  saurait  méconnaître  l’importance;  mais  il  ne  semble  pas  que  ces 
états  morbides  soient  capables  de  produire  par  eux-mêmes  la  thrombose- 
des  artères  cérébrales.  On  a  publié  plusieurs  observations  de  ramollisse¬ 
ments  chez  des  individus  atteints  de  cancer,  de  maladie  deBright;  dans- 
la  plupart,  il  existait  simultanément  des  altérations  cardiaques  ou  aorti¬ 
ques;  dans  d’autres  le  poumon  était  le  siège  de  foyers  gangréneux,  d’in¬ 
farctus  ou  de  pneumonie  chronique  et  les  veines  pulmonaires  pouvaient 
renfermer  des  caillots  ;  on  peut  donc  invoquer  dans  ces  différents  cas  le 
mécanisme  de  l’embolie;  dans  un  cas  de  leucémie  publié  par  Thudicum,  il 


85 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 
existait  une  thrombose  que  l’on  aurait  pu  rapporter  à  l’inopexie,  mais  un 
examen  attentif  montra  que  la  formation  du  caillot  avait  été  provoquée 
par  l’obstacle  qu’un  amas  de  leucocytes  agglomérés  opposait  au  cours  du 
sang. 

Embolie.  —  Le  plus  souvent  l’embolus  vient  du  cœur  gauche;  il  peut 
être  de  nature  diverse  :  tantôt  c’est  un  fragment  qui  se  détache  de  la 
mitrale  ou  des  sigmoïdes  ulcérées  et  ramollies  ;  tantôt  c’est  le  contenu 
d’un  foyer  de  myocardite  aiguë  ou  d’un  infarctus  des  parois  cardiaques 
qui  pénètre  dans  la  circulation  ;  plus  souvent  l’embole  est  formé  de  fibrine 
altérée;  il  provient  soit  de  dépôts  formés  sur  des  végétations  de  l’endo¬ 
carde,  soit  d’anévrysmes  partiels  du  cœur.  Dans  toutes  ces  circonstances, 
un  effort,  une  émotion,  en  augmentant  momentanément  l’énergie  des  con¬ 
tractions  cardiaques,  peuvent  être  la  cause  occasionnelle  qui  détermine  la 
migration  de  l’embolus.  Chez  les  individus  dont  le  cœur  est  affaibli,  par 
exemple,  chez  les  sujets  âgés,  les  cancéreux,  les  malades  atteints  de  lon¬ 
gues  suppurations  ou  convalescents  de  fièvres  adynamiques,  il  se  forme 
quelquefois,  entre  les  colonnes  charnues  du  ventricule  ou  de  l’oreillette, 
des  coagulations  fibrineuses  qui  peuvent  devenir,  quand  elles  se  ramol¬ 
lissent,  l’origine  de  caillots  migrateurs. 

Il  est  fréquent,  dans  les  autopsies  de  vieillards,  de  trouver  l’auricule 
remplie  de  fibrine  altérée,  et  c’est  là  une  cause  importante  d’embolie 
cérébrale,  car,  dans  les  observations  de  ramollissement  cérébral  que 
Vulpian  a  bien  voulu  mettre  à  notre  disposition,  nous  trouvons  que 
5  fois  sur  73  ces  coagulations  auriculaires  semblent  avoir  été  le  point  de 
départ  des  accidents. 

Chez  les  sujets  âgés,  l’aorte  est  souvent  l’origine  de  l’embolie.  Fré¬ 
quemment  ce  vaisseau  est  profondément  altéré  dans  sa  structure;  des 
foyers  athéromateux  se  sont  ouverts  dans  sa  cavité;  il  s’est  formé  de 
Vastes  ulcérations  sur  lesquelles  des  caillots  se  sont  déposés  ;  en  d’autres 
points  les  produits  de  l’inflammation  chronique  se  sont  calcifiés,  de  larges 
plaques  incrustées  de  sels  calcaires  font  saillie  dans  la  cavité  du  vaisseau, 
quelques-unes  sont  en  partie  détachées,  et,  à  côté,  des  ulcérations  indi¬ 
quent  que  des  plaques  semblables  ont  été  emportées  par  le  courant  san¬ 
guin;  les  faits  recueillis  par  Vulpian  montrent  que  cette  endaortite 
chronique  est  une  cause  relativement  fréquente  de  ramollissement;  les 
foyers  athéromateux  qui  siègent  dans  le  tronc  bracbio-céphalique  et  dans 
la  carotide  peuvent  jouer  le  même  rôle  pâthogénique.  Les  anévrysmes  de 
l’aorte  ne  donnent  lieu  qu’exceptionnellement  à  des  embolies  cérébrales  ; 
dans  un  fait  rapporté  par  Esmarch,  les  manœuvres  pratiquées  dans  le  but 
d’examiner  une  de  ces  tumeurs  amenèrent  la  séparation  d’un  fragment 
de  caillot  qui  alla  boucher  la  carotide  interne.  Nous  mentionnerons  enfin, 
comme  causes  très-rares  d’infarctus  encéphalique,  les  thromboses  des 
veines  pulmonaires  qui  correspondent  aux  infarctus,  aux  foyers  gangré¬ 
neux,  aux  cavernes,  aux  noyaux  de  pneumonie  chronique;  les  caillots 
qui  s’en  détachent  doivent  pour  gagner  l’encéphale  traverser  tout  le  cœur 
gauche. 


S6  ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 

L’embole  parti  du  cœur  gauche  ne  pénètre  pas  indifféremment  dans  les 
divers  vaisseaux  qui  se  rendent  à  l’encéphale;  rarement  il  s'engage  dans 
le  tronc  brachio-céphalique,  sans  doute  parce  que  cette  artère  s’ouvre 
dans  l’aorte  très-obliquement  par  rapport  à  la  direction  de  l’ondée  san¬ 
guine  ;  l’orifice  de  la  carotide  gauche  est  au  contraire  favorablement  disposé 
pour  recevoir  le  corps  étranger;  quant  aux  vertébrales,  l’embole  n’y  peut 
pénétrer  qu’en  parcourant  un  trajet  sinueux,  aussi  n’observe-t-on  que  très- 
rarement  des  infarctus  emboliques  dans  la  sphère  de  distribution  de  ces 
vaisseaux.  Quand  les  artères  sont  très-athéromateuses,  on  trouve  souvent 
les  orifices  aortiques  des  troncs  céphaliques  en  partie  masqués  et 
obstrués  par  des  dépôts  athéromateux  ou  par  des  plaques  calcifiées  ;  cette 
disposition  doit  s’opposer  à  la  pénétration  dans  ces  vaisseaux  des  caillots 
migrateurs  et  réduire  ainsi  le  nombre  des  cas  d’embolie  cérébrale.  C’est 
peut-être  pour  cette  raison  que  chez  les  vieillards  l’infarctus  embo¬ 
lique  s’observe  moins  souvent  dans  l’encéphale  que  dans  les  reins  et  dans 
la  rate. 

Causes.  —  Les  causes  de  la  thrombose  artérielle  sont  obscures  comme 
celle  de  l’endartérite  ;  la  plus  importante  est  la  sénilité  ;  il  est  rare  de 
trouver  les  artères  exemptes  d’altérations  chez  les  sujets  âgés;  chez  les 
individus  jeunes,  l’endartérite  est  au  contraire  peu  commune;  les  causes 
qui  en  amènent  le  développement  prématuré  sont  mal  connues  ;  l’influence 
pathogénique  de  l’alcoolisme  est  généralement  admise,  pourtant  Lance- 
reaux  l’a  sérieusement  contestée  dans  un  travail  récent;  le  rhumatisme 
et  la  goutte  seraient,  d’après  quelques  auteurs,  une  cause  fréquente  d’a- 
thérome  artériel;  l’influence  delà  goutte  est  difficile  à  constater,  car  l’on 
a  rarement,  en  France,  l’occasion  de  faire  des  autopsies  de  goutteux  ; 
pourtant  chez  plusieurs  sujets  qui  présentaient  au  plps  haut  degré  les 
lésions  de  la  diathèse  unique,  on  a  trouvé  les  artères  exemptes  d’altéra¬ 
tions.  D’après  Traube,  l’hypertrophie  du  cœur  pourrait  causer  l’athérome 
artériel  en  élevant  la  pression  intra-vasculaire.  Nous  avons  vu  comment 
la  dyscrasie  inopectique,  qui  est  presque  constante  chez  les  individus  ca¬ 
chectiques,  favorisait  la  formation  des  thromboses. 

L’embolie  a  pour  causes  les  affections  chroniques  du  cœur,  l’endocar¬ 
dite,  principalement  la  forme  ulcéreuse,  la  myocardite,  l’athérome  aor¬ 
tique,  les  anévrysmes  de  l’aorte  et  de  ses  branches  céphaliques,  enfin 
les  infarctus  et  l’inflammation  chronique  du  poumon  ;  la  fréquence  rela¬ 
tive  des  ohlitérations  par  thrombose  et  par  embolie  diffère  suivant  l’âge 
des  sujets.  Ainsi,  dans  le  tableau  de  Meissner  qui  contient  peu  d’observa¬ 
tions  de  malades  âgés,  l’embolie  est  de  beaucoup  la  cause  la  plus  fré¬ 
quente  de  ramollissements,  neuf  fois  seulement  sur  cinquante  et  un  cas,, 
le  caillot  semble  avoir  été  autochthone  ;  au  contraire,  dans  les  observations 
de  Vulpian  qui  ont  été  recueillies  presque  exclusivement  chez  des 
vieillards,  l’oblitération  semble  s’être  produite  plus  souvent  par  throm¬ 
bose  ;  il  est  d'ailleurs  difficile  chez  ces  sujets  de  déterminer  exactement 
quelle  a  été  la  cause  de  l’oblitération  ;  dans  bien  des  cas,  en  effet,  on 
trouve  des  lésions  chroniques  des  valvules,  des  dépôts  fibrineux  dans- 


87 


ENCÉPHALE.  —  0BLIIÉHATI0^'  des  artèbes. 
l’auriculegauche,oudes  foyers  athéromateux  dans  l’aorte,  en  même  temps 
qu’une  altération  athéromateuse  avancée  des  artères  cérébrales  :  quelle 
est,  parmi  ces  lésions,  celle  qui  a  amené  l’obstruction  artérielle?  Quelque¬ 
fois  les  caractères  du  caillot  fournissent  des  indications;  il  peut  contenir 
des  fragments  de  valvules  ou  de  végétations  rompues;  dans  d’autres  cas, 
il  est  manifestement  plus  ancien  que  le  ramollissement,  il  présente  le 
même  aspect  et  la  même  structure  qu’un  caillot  cardiaque,  et  ce  dernier 
offre  des  traces  de  rupture,  la  marche  des  accidents  est  alors  facile  à 
saisir  ;  mais  en  dehors  de  ces  cas  exceptionnels,  il  est  impossible  de  se 
prononcer,  et,  même  à  l’autopsie,  le  diagnostic  ne  peut  être  posé  entre  la 
thrombose  et  l’embolie. 

Akatomie  pathologique.  —  Une  recherche  attentive  permet  presque 
toujours  de  trouver  le  vaisseau  oblitéré.  Quand  la  lésion  date  de  quelques 
jours,  l’artère  est  complètement  bouchée,  le  caillot  adhère  légèrement  à 
la  paroi  vasculaire,  il  est  grenu,  en  partie  décoloré;  il  se  prolonge  dans 
les  subdivisions  du  vaisseau  ;  plus  tard,  il  se  ramollit  au  centre,  se  déco¬ 
lore  entièrement;  enfin  quand  il  est  ancien,  il  se  rétracte  de  manière  à  ne 
plus  occuper  qu’une  partie  de  la  lumière  du  vaisseau;  il  est  alors  inti¬ 
mement  uni  à  la  paroi  par  un  tissu  connectif  résistant;  quelquefois  l’ar¬ 
tère  même  se  rétrécit  en  même  temps  que  le  caillot  se  rétracte. 

L’obstruction  artérielle  n’entraîne  la  nécrobiose  de  l’encéphale  que  si 
elle  siège  au  delà  du  cercle  de  Willis  ;  les  gros  troncs  qui  forment  l’hexa¬ 
gone  sont  reliés  par  des  anastomoses  qui  assurent  le  rétablissement  rapide 
de  la  circulation  quand  l’un  d’eux  est  oblitéré  ;  ainsi  l’obstruction  de  la 
carotide  n’est  suivie  de  lésions  persistantes  que  si  le  caillot  vient  à  se  pro¬ 
longer  dans  les  branches  qui  partent  de  l’hexagone.  Quand  la  coagula¬ 
tion  reste  limitée  au  tronc  carotidien,  les  troubles  morbides  sont  passa¬ 
gers,  et  le  malade  guérit  rapidement;  Oppolzer  a  publié  un  fait  de  ce 
genre. 

Le  siège  du  ramollissement  est  en  rapport  avec  le  siège  de  l’oblité¬ 
ration  ;  les  circonvolutions  sont  le  plus  fréquemment  atteintes  ;  dans  les 
observations  de  Vulpian,  leur  altération  est  notée  dans  les  trois  quarts 
des  cas  ;  le  corps  strié  n’a  été  lésé  qu’à  peine  une  fois  sur  deux  ;  les 
parties  le  plus  souvent  atteintes  sont  ensuite  la  substance  blanche  des 
hémisphères,  la  couche  optique,  puis  le  cervelet,  la  protubérance  et 
le  bulbe.  La  thrombose  affecte  indifféremment  l’un  ou  l’autre  hémi¬ 
sphère;  l’infarctus  embolique,  en  raison  des  dispositions  anatomiques 
que  nous  avons  indiquées,  se  fait  plutôt  dans  l’hémisphère  gauche,  et 
c’est  dans  l’artère  de  Sylvius  que  le  caillot  migrateur  pénètre  de  préfé¬ 
rence  ;  Cohn  assure  même  qu’il  ne  s’engage  jamais  dans  la  sylvienne 
droite,  si  ce  n’est  lorsqu’il  vient  du  tronc  brachio-céphalique  ou  de  la 
carotide  droite;  nous  ne  pouvons  admettre  l’exactitude  de  celte  asser¬ 
tion,  car  nous  trouvons  dans  le  tableau  de  Meissner  huit  cas  d’embolie 
droite  dans  lesquels  le  caillot  migrateur  est  parti  du  cœur  gauche.  L’ob¬ 
turation  de  la  sylvienne  amène  ordinairement  le  ramollissement  du 
corps  strié  ;  les  circonvolutions  frontale  et  pariétale,  qui  reçoivent  éga- 


88  ENCÉPHALE.  —  oclitération  des  aiitères. 

lement  leurs  artères  de  ce  vaisseau,  peuvent  rester  indemnes,  grâce  au 
développement  rapide  de  la  circulation  collatérale.  Quand  l’artère  choroï- 
dienne  est  oblitérée,  l’infarctus  occupe  le  noyau  blanc  de  l’hémisphère; 
l’oblitération  d’une  artère  vertébrale  ne  produit  pas  de  lésion  persistante; 
l’obstruction  du  tronc  basilaire,  quand  elle  se  fait  rapidement,  amène  la 
mort  avant  qu’il  ait  pu  se  former  dans  le  tissu  nerveux  des  lésions  appré¬ 
ciables  (Hayem);  dans  les  cas  où  la  mort  a  été  moins  rapide,  le  ramollis¬ 
sement  occupait  tantôt  le  pont  de  Varole  (Bennet),  tantôt  le  pont  de  Va- 
rolcet  la  couche  optique  (Brnnnicke);  dans  un  cas  semblable,  Vulpian  a 
trouvé  un  des  lobes  du  cervelet  ramolli  superficiellement  et  la  protubé¬ 
rance  injectée  ;  l’oblitération  de  la  cérébrale  postérieure  a  produit  dans 
un  fait  de  Cohn,le  ramollissement  de  la  couche  optique;  chez  un  sujet 
qui  présentait  la  même  lésion  artérielle,  Vulpian  a  trouvé  tout  le  lobe 
occipital  ramolli. 

Quand  un  malade  succombe  quelques  heures  seulement  après  l’obstruc¬ 
tion  de  l’artère,  les  seuls  désordres  apparents  sont  des  troubles  de  vascu¬ 
larisation  ;  il  est  très-rare  que  la  partie  ischémiée  soit  plus  pâle  que  les 
parties  voisines  ou  qu’elle  conserve  sa  coloration  normale  ;  presque  tou¬ 
jours  elle  devient  au  bout  de  peu  de  temps  le  siège  d’une  congestion  in¬ 
tense.  Deux  circonstances  expliquent  le  développement  de  cette  hypé- 
rémie  :  d’une  part,  d’après  les  lois  de  la  mécanique,  toute  oblitération 
artérielle  augmente  nécessairement  la  pression  dans  les  branches  qui  nais¬ 
sent  derrière  l’obstacle,  ces  vaisseaux  deviennent  le  siège  d’une  circula¬ 
tion  compensatrice,  le  sang  reflue  de  proche  en  proche  dans  les  capil¬ 
laires  delà  partie  ischémiée  et  les  distend  ;  d’autre  part,  la  suppression  de 
la  vis  à  tergo  ralentit  te  cours  du  sang  dans  les  veines  qui  émergent  de 
cette  même  partie,  et  y  amènent  la  formation  de  thromboses;  sous  cette 
double  influence,  la  tension  s’élève  dans  les  capillaires,  leurs  parois  lais¬ 
sent  transsuder  une  quantité  variable  de  sérosité  plus  ou  moins  colorée 
qui  imbibe  le  tissu  et  en  dissocie  les  éléments;  souvent  un  certain 
nombre  de  vaisseaux  se  rompent,  le  sang  pénètre  dans  les  gaines  lym¬ 
phatiques;  il  peut  même  se  faire  de  véritables  foyers  hémorrhagiques. 

Moins  de  deux  jours  après  la  formation  du  caillot  oblitérant,  on  peut 
constater  que  la  consistance  du  tissu  a  diminué,  le  ramollissement  existe. 
Il  ressort  des  lignes  qui  précèdent  que  presque  toujours  le  foyer  présente 
une  coloration  rouge  plus  ou  moins  prononcée  suivant  l’intensité  de  Fhy- 
pérémie.  Tantôt  les  parties  ne  sont  que  légèrement  teintées  en  rose  ; 
tantôt  elles  sont  d’un  rouge  sombre,  presque  violacé;  toutes  les  nuances 
intermédiaires  peuvent  être  observées;  la  couleur  de  certains  ramollisse¬ 
ments  superficiels  ressemble  à  celle  de  l’hortensia;  en  général,  la  teinte 
est  plus  foncée  quand  le  ramollissement  occupe  la  substance  grise  ;  elle 
est  plus  prononcée  à  la  périphérie  qu’au  centre  du  foyer.  La  diminution 
de  consistance  est  en  rapport  avec  le  degré  de  l’injection;  elle  est  plus 
marquée  à  mesure  qu’on  examine  la  lésion  à  une  époque  moins  rappro¬ 
chée  de  son  début;  pourtant,  dès  les  premiers  jours,  la  substance  ner¬ 
veuse  peut  être  réduite  en  une  pulpe  violacée  ou  lie  de  vin,  diffluente  et 


ENCÉPHALE.  —  oBLiTiîr.ATio.N  des  ARiÈnES.  89 

criblée  de  foyers  d’apoplexie  capillaire;  on  peut  même  y  trouver  des 
caillots  volumineux,  et,  si  l’infarctus  est  superficiel,  le  sang  peut  s’infiltrer 
dans  la  pie-mère;  on  trouve  au  microscope  les  tubes  nerveux  dissociés;  dès 
le  quatrième  jour,  on  peut  apercevoir  des  corps  granuleux.  Les  capillaires 
sont  habituellement  dilatés,  quelquefois  remplis  de  sang  coagulé;  au 
niveau  des  foyers  d’apoplexie  capillaire,  on  voit  les  gaines  lymphatiques 
distendues  par  le  sang. 

Bientôt  des  modifications  profondes  se  produisent  dans  la  masse  ra¬ 
mollie  ;  les  plus  importantes  portent  sur  les  éléments  nerveux  :  les  tubes 
deviennent  granuleux,  se  segmentent  ;  la  myéline  se  désagrégé  et  scs  mo¬ 
lécules  se  groupent  en  petites  masses  qui  forment  probablement  la  plus 
grande  partie  des  éléments  décrits  par  Gluge  sous  le  nom  de  corps  granu¬ 
leux  et  considérés  à  tort  par  cet  auteur  comme  caractéristiques  de  l’in¬ 
flammation.  Les  cellules  de  la  névroglie,  les  leucocytes  mêlés  au  sang 
épanché  se  chargent  de  granulations  graisseuses,  et  c’est  là  sans  doute 
un  autre  mode  d’origine  des  corps  granuleux;  ces  éléments  deviennent 
de  plus  en  plus  abondants,  à  mesure  que  l’on  s’éloigne  du  début  de  la 
maladie.  On  trouve  encore  dans  le  tissu  ramolli  une  quantité  considérable 
de  granulations  graisseuses  ;  elles  s’accumulent  autour  des  capillaires  et 
l’on  pourrait  croire  au  premier  abord  qu’elles  sont  renfermées  dans  la 
paroi  de  ces  vaisseaux;  mais  Bouchard  a  établi  qu’elles  siégeaient,  en 
réalité,  dans  la  gaine  lymphatique  ;  pourtant,  dans  quelques  cas,  les  ca¬ 
pillaires  contenus  dans  le  foyer  subissent  la  dégénérescence  graisseuse; 
on  voit  aussi  en  quantité  des  granulations  d’hématosine,  plus  rarement 
des  cristaux  d’hématoïdine.  Les  cellules  nerveuses  perdent  leurs  prolon¬ 
gements  et  se  chargent  de  granulations  pigmentaires. 

En  même  temps  que  se  produisent  ces  métamorphoses  régressives,  un 
travail  inflammatoire  s’établit  lentement  dans  les  parties  malades; 
d’abord  obscur,  masqué  par  les  altérations  nécrobiotiques,  il  acquiert 
une  importance  prédominante  dans  les  périodes  anciennes  du  ramollis¬ 
sement  ;  il  porte  sur  les  éléments  de  la  névroglie  et  des  parois  vascu¬ 
laires.  Un  tissu  conjonctif  de  nouvelle  formation  prend  naissance,  et  la 
disposition  qu’il  affecte  contribue,  plus  que  toute  autre  condition,  à 
produire  les  différences  d’aspect  que  présentent  les  ramollissement  an¬ 
ciens  ;  on  trouve  dans  ce  tissu  une  quantité  d’éléments  nucléaires,  quel¬ 
quefois  des  corps  fusiformes,  des  corpuscules  étoilés  ;  assez  souvent  de 
jeunes  capillaires  s’y  développent.  On  peut  considérer  ce  processus  irri¬ 
tatif,  comme  une  lésion  à  peu  près  constante  dans  le  ramollissement. 
Pourtant,  Vulpian  l’a  vu  manquer  presque  complètement  :  c’était  dans 
des  cas  d’ulcération  des  circonvolutions;  les  lésions  étaient  purement 
ati’ophiques.  L’irritation  s’étend  quelquefois  au  delà  des  limites  du  foyer: 
on  trouve  alors  le  tissu  nerveux  induré  autour  du  ramollissement  dans 
une  épaisseur  plus  ou  moins  considérable.  Chez  les  animaux,  Prévost  et 
Cotard  ont  vu  l’inflammation  consécutive  à  l’infarctus  aboutir  à  la  sup¬ 
puration.  Chez  l’homme,  en  dehors  des  infarctus  pyohémiques,  on  n’ob¬ 
serve  pas  de  faits  semblables. 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 


Les  lésions  histologiques  que  nous  venons  d’énumérer  sont  les  mêmes 
dans  les  différentes  formes  sous  lesquelles  se  présente  le  ramollisse¬ 
ment  ancien.  Si  le  malade  a  survécu  quinze  jours,  le  contenu  du  foyer 
a  déjà  l’aspect  d’une  bouillie  plus  ou  moins  épaisse;  par  suite  des  trans¬ 
formations  qu’ont  subies  les  matières  hématiques,  il  a  pris  une  couleur 
jaunâtre,  ocreuse,  tout  à  fait  caractéristique  ;  c’est  le  stade  du  ramollis¬ 
sement  jaune;  sa  durée  est  d’au  moins  plusieurs  mois. 

Quand  la  lésion  est  superficielle,  le  foyer  contracte  des  adhérences 
avec  la  pie-mère,  épaissie  et  enflammée  à  ce  niveau  ;  et,  quand  on  en¬ 
lève  cette  membrane,  on  entraîne  avec  elle  la  substance  ramollie.  Sou¬ 
vent  le  foyer  n’atteint  la' superficie  de  l’encéphale  que  dans  l’intervalle 
de  deux  circonvolutions  qu’il  faut  écarter  pour  l’apercevoir;  quelque¬ 
fois  il  s’étend  en  profondeur,  et  une  couche  mince  de  tissu  le  sépare 
seule  de  la  cavité  ventriculaire;  quand  le  foyer  atteint  ces  proportions 
considérables,  l’hémisphère  lésé  semble  quelquefois  aplati,  et  il  donne 
au  toucher  une  sensation  vague  de  fluctuation.  A  la  longue,  les  pro¬ 
duits  régressifs  se  résorbant  peu  à  peu,  il  se  fait  une  perte  de  sub¬ 
stance  et  la  surface  de  l’encéphale  offre  à  ce  niveau  une  dépression  plus 
ou  moins  profonde.  Ces  foyers  superficiels  sont  souvent  le  siège  d’une 
active  prolifération  conjonctive,  ils  s’indurent,  se  vascularisent;  les  lé¬ 
sions  décrites  par  Durand-Fardel  sous  le  nom  de  plaques  jaunes  ne  sont,, 
pour  la  plupart,  autre  chose  que  des  foyers  ainsi  modifiés;  on  a  con¬ 
testé  qu’elles  dussent  leur  origine  à  une  oblitération  vasculaire;  mais 
Prévost  et  Cotard  ont  pu  les  produire  artificiellement,  chez  les  chiens,, 
en  injectant  des  graines  de  tabac  dans  la  carotide;  ce  sont  donc  bien  des 
infarctus  transformés.  Le  foyer  peut  prendre  l’aspect  de  plaques  jaunes 
deux  mois  après  le  début  du  ramollissement;  Prévost  et  Cotard  en  ont 
trouvé  une  trente-cinq  jours  seulement  après  l’injection  de  graines  de- 
tabac.  Ces  plaques  jaunes  peuvent  s’étendre  à  la  plus  grande  partie  d’un 
lobe  ;  leurs  limites  sont  marquées  par  une  ligne  sinueuse  qui  les  sépare 
nettement  des  parties  saines  ;  elles  pénètrent  entre  les  circonvolutions- 
qui  sont  quelquefois  déprimées  à  leur  niveau,  et  même,  dans  certains  cas,, 
complètement  effacées.  Quand  les  plaques  jaunes  s’étendent  en  profon¬ 
deur,  elles  peuvent  se  continuer  avec  un  ramollissement  blanc  du  noyau 
hémisphérique;  cette  différence  de  coloration  tient  à  ce  qu’au  début  les 
parties  grises  sont  plus  injectées  que  la  substance  blanche,  et  que  par 
suite  les  matières  hématiques,  dont  la  transformation  produit  la  colora¬ 
tion  jaune,  s’y  trouvent  en  plus  grande  quantité. 

Les  foyers  développés  dans  les  parlies  centrales  de  l’encéphale  pré¬ 
sentent  généralement  des  contours  irréguliers;  une  multitude  de  tractus 
formés  par  des  vaisseaux  ou  par  des  tissus  conjonctifs,  en  traversent  en 
tous  sens  la  cavité  ;  les  mailles  interceptées  par  ces  cloisons  renferment 
une  pulpe  jaunâtre,  peu  consistante:  au  bout  d’un  certain  temps,  les 
matières  colorantes  disparaissent,  et  le  foyer  ne  contient  plus  qu’une 
matière  presque  liquide,  blanchâtre,  que  l’on  a  comparée  à  du  lait 
de  chaux  et  qui  offre  une  grande  ressemblance  avec  le  colostrum.. 


91 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 

(Meissner.)  Elle  contient  une  quantité  innombrable  de  corp.s  granuleux. 
Les  tractus  âbreux  peuvent  eux-mêmes  disparaître,  et  il  ne  reste  qu’une 
cavité  anfractueuse  tapissée  ou  non  par  une  membrane  et  remplie  de  lait 
de  chaux. 

Quand  le  foyer  n’est  pas  trop  considérable,  son  contenu  peut  être 
complètement  résorbé;  on  ne  trouve  plus  alors  qu’une  étroite  cavité, 
dont  les  parois,  rarement  tapissées  par  une  membrane  conjonctive,  sont 
formées  par  le  tissu  nerveux  sclérosé,  induré,  quelquefois  encore  coloré. 
Les,  parois  de  cette  cavité  peuvent  même  s’accoler,  et  le  foyer  n’est  plus 
représenté  que  par  une  cicatrice.  On  rencontre  souvent  dans  le  corps 
opto-strié,  plus  rarement  dans  la  protubérance  et  les  autres  parties  de 
l’encéphale,  de  petites  cavités  renfermant  quelquefois  un  liquide  incolore. 
Elles  sont  connues  sous  le  nom  de  lacunes,  et  considérées  comme  les 
vestiges  de  petits  foyers. 

On  voit,  d’après  cet  exposé,  que  le  ramollissement  présente  des  caractè¬ 
res  différents  suivant  qu’on  l’examine  à  une  époque  plus  ou  moins  éloignée 
de  son  début;  on  peut  d’une  manière  générale  lui  considérer  trois  stades; 
le  premier  est  le  stade  de  ramollissement  rouge;  il  dure  de  dix  à  quinze  jours; 
la  coloration  rouge  manque  rarement;  on  trouve  pourtant  dans  les  au¬ 
teurs  des  exemples  incontestables  de  ramollissements  avec  conservation  de 
la  couleur  normale;  c’est  surtout  chez  les  individus  cachectiques  que  l’on 
a"  observé  cette  particularité;  le  deuxième  stade  est  celui  du  ramollisse¬ 
ment  jaune;  il  dure  plusieurs  mois;  dans  les  parties  grises,  et  surtout 
dans  les  circonvolutions,  le  foyer  garde  indéfiniment  sa  coloration  jaune  ; 
le  troisième  stade,  celui  du  ramollissement  blanc,  ne  se  produit  pas 
dans  tous  les  cas,  on  l’observe  surtout  dans  ceux  où  le  foyer  occupe  la 
masse  blanche  des  hémisphères  ;  les  divers  processus  curateurs  que  nous 
avons  passés  en  revue  peuvent  représenter  le  quatrième  stade  du  ramollis¬ 
sement  nécrosique. 

Certaines  lésions  coïncident  fréquemment  avec  les  foyers  de  ramollisse¬ 
ment;  ce  sont  particulièrement  les  infarctus  rénaux  et  spléniques,  plus 
rarement  des  gangrènes  périphériques.  Nous  ne  ferons  que  mentionner 
les  lésions  de  l’appareil  circulatoire  dont  notre  exposé  étiologique 
indique  suffisamment  la  coïncidence  presque  constante  avec  le  ramollis¬ 
sement  cérébral. 

Dans  les  centres  nerveux,  nous  avons  signalé  l’adhérence  et  l’injection 
de  la  pie-mère  au  niveau  des  ramollissements  superficiels  ;  ces  altérations 
peuvent  exister  au  bout  de  peu  de  jours,  elles  résultent  de  l’inflammation 
,  connective  qui  se  développe  sourdement  non-seulement  au  sein  du  foyer 
mais  aussi  dans  le  tissu  qui  l’entoure;  plus  tard  l’adhérence  devient  plus 
intime,  les  membranes  s’épaississent  et  perdent  leur  transparence.  Chez 
les  sujets  atteints  de  ramollissement  cérébral,  la  production  de  néo-mem¬ 
branes  fines  et  vasculaires  à  la  face  interne  de  la  dure-mère  est  relative¬ 
ment  fréquente. 

Enfin  les  foyers  de  ramollissement,  quand  ils  sont  un  peu  étendus, 
déterminent  souvent  dans  l’encéphale,  dans  la  moelle  et  dans  les  membres 


92 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 
paralysés  des  altérations  secondaires  qui  présentent  au  point  de  vue  clini¬ 
que  et  au  point  de  vue  de  la  physiologie  pathologique  une  importance 
capitale,  nous  les  décrirons  avec  l’hémorrhagie  cérébrale  qui  peut  égale¬ 
ment  leur  donner  naissance. 

Symptojies.  —  Le  ramollissement  d’origine  embolique  débute  con- 
stamnjent  par  une  apoplexie;  la  thrombose  au  contraire  est  le  plus 
souvent  précédée  de  troubles  prodromiques;  on  peut  donc  distinguer 
deux  formes  de  ramollissement  :  l’une  graduelle  et  l’autre  apoplectique. 

Les  symptômes  précurseurs  du  ramollissement  par  thrombose  sont 
l’expression  des  lésions  artérielles  qni  amènent  la  formation  du  caillot. 

Nous  en  avons  déjà  donné  la  description  succincte  en  étudiant  l’anémie 
cérébrale;  ils  sont  remarquables  par  leur  diffusion  et  leur  mobilité,  et  l’on 
ne  saurait  s’en  étonner,  car  les  lésions  artérielles  sont  elles-mêmes  diffuses, 
elles  peuvent  être  plus  prononcées  dans  différentes  parties  de  l’encéphale, 
et  l’état  de  perméabilité  des  vaisseaux  altérés  peut  se  modifier  d’un  mo¬ 
ment  à  l’autre;  il  est  même  probable,  que,  conformément  à  ce  que  l’on 
observe  quelquefois  dans  les  membres  (Hallopeau),  une  artère  encépha¬ 
lique  peut  s’oblitérer  momentanément  et  redevenir  perméable  quelques 
heures  après  ;  il  en  résulte  que  les  troubles  fonctionnels  mal  caractérisés, 
produits  par  l’athérome  des  artères  cérébrales,  présentent  souvent  des 
alternatives  d’aggravation  et  d’amélioration  ;  le  mélange  des  phénomènes 
d’excitation  et  de  dépression  contribue  à  caractériser  cette  période  pro¬ 
dromique  :  les  malades  souffrent  souvent  d’une  céphalalgie  persistante; 
leur  intelligence  devient  moins  vive,  leur  mémoiie  s’affaiblit,  certains 
éprouvent  de  temps  en  temps,  pendant  quelques  heures,  de  la  difficulté 
à  parler,  soit  qu’ils  ne  trouvent  plus  les  mots  (amnésie  verbale),  soit  que 
les  mouvements  de  la  langue  soient  embarrassés  ;  d’autres  ressentent  pas¬ 
sagèrement,  à  plusieurs  reprises,  de  l’engourdissement,  des  fourmille¬ 
ments  dans  un  côté  du  corps.  Après  avoir  présenté  plus  ou  moins  long¬ 
temps  cet  ensemble  de  symptômes,  le  malade  est  un  jour  soudainement 
frappé  d’une  attaque  apoplectique  ;  le  plus  souvent  quand  il  revient  à  lui, 
il  ne  recouvre  qu’incomplétemerït  l’usage  de  ses  membres,  il  est  hémi¬ 
plégique  ;  quelquefois  la  paralysie  coïncide  avec  des  contractures;  c’est 
surtout  dans  des  cas  où  la  lésion  intéressait  dans  une  grande  étendue  la 
surface  de  l’encéphale  ou  les  parois  des  ventricules  que  ce  symptôme  a 
été  observé,  d’autres  fois  il  peut  s’expliquer  par  la  suffusion  sous  les  mé¬ 
ninges  d’une  certaine  quantité  de  sang;  c’est  un  phénomène  de  nature 
réflexe.  Dans  certains  cas,  la  marche  des  accidents  est  essentiellement 
lente  et  progressive;  le  malade  s’aperçoit  comme  par  hasard  qu’il  est 
plus  faible  d’un  côté;  la  paralysie  est  au  début  si  incomplète  qu’on  pour¬ 
rait  la  considérer  comme  rhumatismale,  puis,  peu  à  peu,  elle  se  carac¬ 
térise  davantage,  s’étend  au  membre  inférieur  correspondant,  il  survient 
des  troubles  intellectuels,  des  phénomènes  adynamiques;  des  eschares  se 
forment  et  s’étendent  rapidement  et  la  maladie  se  termine  en  peu  de 
temps  par  la  mort.  D’autres  fois  l’hémiplégie  se  produit  d’emblée 
sans  que  le  malade  perde  connaissance  ;  il  se  sent  seulement  un  peu 


ENCÉPHALE.  —  oBUTJÎnATioN  des  artères.  95 

étourdi  ;  il  ne  s’aperçoit  qu’il  est  paralysé  qu’au  moment  où  il  veut  faire 
un  mouvement. 

Le  ramollissement  par  thrombose  reste  parfois  latent  ;  la  formation 
d’un  foyer  dans  la  substance  blanche  des  hémisphères,  ou  dans  les  noyaux 
gris  du  corps  strié  sans  lésion  des  parties  blanches  de  cet  organe,  peut 
ne  donner  lieu  à  aucun  trouble  fonctionnel.  Les  ramollissements  des  cir¬ 
convolutions  se  traduisent  par  des  symptômes  qui  permettent  de  soup¬ 
çonner  leur  existence  :  les  troubles  intellectuels  dominent;  ce  sont  souvent 
des  phénomènes  d’excitation,  une  céphalalgie  intense  et  persistante,  de 
l’agitation,  du  délire  d’action,  les  malades  se  lèvent  la. nuit,  commettent 
des  actes  déraisonnables;  des  symptômes  de  dépression  peuvent  succéder 
à  cette  période  d’agitation  ou  se  produire  d’emblée  :  le  malade  est  apathi¬ 
que,  il  répond  difficilement  aux  questions  qu’on  lui  pose,  ses  mouvements 
sont  lents,  quelquefois  il  est  plongé  dans  la  somnolence,  l’intelligence  est 
affaiblie,  la  mémoire  plus  ou  moins  compromise.  Un  des  symptômes  les 
plus  remarquables  est  l’amnésie  verbale,  les  recherches  anatomo-patho¬ 
logiques  ont  établi  nettement  qu’il  coïncide  dans  la  grande  majorité  des 
cas  avec  une  lésion  de  la  troisième  circonvolution  frontale  du  côté  gauche  ; 
l’altération  occupe  surtout  la  partie  postérieure  de  cette  circonvolution,  elle 
empiète  souvent  sur  la  marginale  antérieure  et  sur  la  deuxième  frontale; 
on  observe  aussi,  bien  que  rarement,  ce  symptôme  dans  la  lésion  des  par¬ 
ties  blanches  qui  avoisinent  la  troisième  circonvolution  frontale;  peut- 
être  existe-t-il  alors  une  interruption  des  communications  qui  relient 
cette  circonvolution  aux  autres  parties  de  l’encéphale.  On  trouve 
quelquefois  la  troisième  circonvolution  altérée  chez  des  sujets  qui 
n’ont  pas  présenté  de  troubles  delà  parole;  d’autre  part  on  a  publié 
quelques  faits  bien  observés  dans  lesquels  il  existait,  sans  lésion  du  lobe 
frontal,  des  troubles  de  la  parole  semblables  à  ceux  que  provoque  l’am¬ 
nésie  verbale  ;  mais  ces  cas  sont  tout  à  fait  exceptionnels  ;  la  relation 
entre  l’amnésie  verbale  et  la  lésion  que  nous  venons  d’indiquer  peut  être 
considérée  comme  à  peu  près  constante. 

Les  thromboses  du  tronc  basilaire  semblent,  d’après  quelques  observa¬ 
tions  relevées  par  Hayem,  donner  lieu,  quand  elles  se  font  rapidement,  à 
une  violente  attaque  apoplectique  et  amener  en  peu  de  temps  la  mort  du 
malade;  on  a  noté,  dans  plusieurs  de  ces  faits,  la  prédominance  des  trou¬ 
bles  respiratoires. 

11  n’est  pas  rare  que  plusieurs  attaques  se  succèdent  à  intervalles  peu 
éloignés;  nous  avons  vu  d’autre  part  que  les  foyers  de  ramollissement 
étaient  souvent  multiples  ;  il  doit  en  être  ainsi,  car  l’altération  athéroma¬ 
teuse  porte  le  plus  souvent  sur  l’ensemble  des  artères  encéphaliques  et 
les  mêmes  conditions  qui  amènent  la  formation  d’une  thrombose  dans  un 
de  ces  vaisseaux  tendent  à  produire,  en  d’autres  points,  la  même  alté¬ 
ration. 

Si  les  infarctus  ne  sont  pas  très-volumineux,  s’ils  n’intéressent  pas  les 
parties  de  l’encéphale  dont  la  lésion  entraîne  nécessairement  la  mort, 
la  maladie  peut  rester  longtemps  stationnaire;  quelquefois  la  motilité 


94 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères. 


reparaît  peu  à  peu,  et  le  malade  peut  recouvrer  toute  sa  force  mus¬ 
culaire  ;  plus  souveat  la  paralysie  persiste.  Nous  ne  parlerons  pas  ici  des 
différentes  formes  qu’elle  peut  affecter,  des  particularités  qu’elle  peut 
présenter,  des  troubles  vaso-moteurs  qui  accompagnent  souvent  l’akinésie, 
de  l’anesthésie  qui  s’y  ajoute  quelquefois,  enfin,  des  modifications  secon¬ 
daires  que  subissent  consécutivement  les  membres  paralysés.  Ces  symp¬ 
tômes  n’appartiennent  pas  exclusivement  au  ramollissement  cérébral  ;  ils 
sont  en  rapport  avec  le  siège  plutôt  qu’avec  la  nature  de  la  lésion  encé¬ 
phalique,  nous  les  décrirons  avec  l’hémorrhagie  cérébrale. 

La  durée  de  la  maladie  est  impossible  à  déterminer;  la  mort  est 
amenée  soit  par  la  formation  d’eschares,  soit  par  une  maladie  intercur¬ 
rente,  soit  par  de  nouvelles  lésions  de  l’encéphale. 

L’oblitération  embolique  débute  constamment  par  une  attaque  apoplec¬ 
tique  ;  la  lésion  survenant  brusquement  en  l’absence  de  toute  altération 
antérieure  de  l’encéphale,  il  n’y  a  pas  de  prodromes.  Bien  que  l’obstruc¬ 
tion  vasculaire  n’intéresse  directement  qu’une  partie  généralement  assez 
restreinte,  elle  produit  une  sorte  de  commotion  générale  qui  anéantit 
momentanément,  dans  toute  l’étendue  de  l’encéphale,  l’excitabilité  ner¬ 
veuse.  Niemeyer  explique  ces  phénomènes  par  l’œdème  aigu  que  produi¬ 
rait  brusquement  l’élévation  de  pression  dans  les  vaisseaux  demeurés 
perméables.  Des  objections  sérieuses  peuvent  être  opposées  à  cette  théorie; 
d’une  part,  il  suffit  souvent  d’une  embolie  dans  une  artère  de  petit  calibre 
pour  amener  une  apoplexie,  et  il  est  alors  difficile  de  concevoir  qu’une 
réduction  aussi  minime  du  champ  vasculaire  élève  à  un  tel  point  la  ten¬ 
sion  dans  les  autres  vaisseaux,  qu’il  se  produise  instantanément  un  œdème 
généralisé;  d’autre  part,  il  y  a  des  cas  où  les  phénomènes  apoplecti¬ 
ques  se  dissipent  au  bout  de  quelques  minutes,  et  il  n’est  guère  admissible 
que  l’œdème  puisse  disparaître  en  sî  peu  d’instants.  Ces  accidents  nous 
semblent  plutôt  se  rattacher  à  la  névrolysie  produite  par  la  perturbation 
subite  de  l’équilibre  circulatoire.  (Jaccoud.)  Nous  n’insisterons  pas  ici  sur 
les  caractères  de  l’apoplexie  embolique  ;  quelle  que  soit  la  lésion  vascu¬ 
laire,  oblitération  embolique,  thrombose  ou  hémorrhagie,  l’attaque  a  les 
mêmes  symptômes.  Nous  les  décrirons  avec  l’hémorrhagie. 

Il  reste  généralement,  quand  les  phénomènes  de  résolution  musculaire 
produits  par  l’apoplexie  ont  disparu,  une  hémiplégie  du  côté  opposé  à  la 
lésion.  Si  la  paralysie  siège  à  droite,  les  malades  sont  fréquemment  atteints 
d’amnésie  verbale,  en  raison  de  la  distribution  de  la  sylvienne  qui  ali¬ 
mente  à  la  fois  le  corps  strié,  le  lobule  de  l’insala,  et  les  circonvolutions 
frontales  et  pariétales.  L’étendue  de  la  paralysie,  les  troubles  sensoriels, 
les  désordres  de  la  sensibilité  générale  varient  d’ailleurs,  comme  nous  le 
verrons  plus  tard,  avec  le  siège  du  foyer.  (Voy.  Hémorrhagie  :  Tumeurs.) 
Quand  Tembolus  pénètre  dans  les  branches  du  tronc  basilaire,  les  fonc¬ 
tions  des  hémisphères  cérébraux  ne  sont  pas  généralement  troublées  ; 
l’intelligence  reste  intacte.  S’il  existe  des  troubles  de  la  parole,  ils  ne 
sont  plus  l’effet  de  l’amnésie  verbale,  mais  des  désordres  ataxiques  ou 
paralytiques  que  la  lésion  produit  dans  l’appareil  moteur  de  la  langue. 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  artères.  95 

Souvent  les  vomissements,  les  vertiges,  les  troubles  de  sensibilité  s’ob¬ 
servent  concurremment  avec  les  phénomènes  paralytiques. 

La  guérison  complète  ne  peut  être  espérée  que  dans  les  quarante-huit 
heures  qui  suivent  l’attaque;  plus  tard,  la  mortification  des  éléments 
nerveux  est  inévitable,  il  se  fait  nécessairement  une  perte  de  substance, 
les  symptômes  paralytiques  persistent  indéfiniment.  Le  malade  peut 
mourir  dans  le  cours  du  coma  apoplectique,  il  peut  succomber  au  bout 
de  quelques  jours  à  des  accidents  adynamiques  ;  plus  tard,  il  peut  être 
emporté  par  une  nouvelle  attaque,  par  une  complication  cardiaque  ou 
par  une  phlegmasie  pulmonaire. 

DiAGNos  nc. — Le  ramollissement  cérébral  pourrait  être  confondu  avec  l’en¬ 
céphalite  ;  mais  cette  dernière  affection  s’accompagne  d’une  élévation  con¬ 
sidérable  de  la  température  ;  l’observation  thermométrique  permettra  donc 
de  différencier  immédiatement  les  deux  affections.  La  marche  graduelle 
de  la  paralysie  indique  qu’il  s’agit  d’une  thrombose  et  non  d’une  hémor¬ 
rhagie  cérébrale;  si  le  malade  avait  auparavant  présenté  dans  un  membre 
les  signes  non  équivoques  d’une  obstruction  artérielle ,  ce  serait  encore  une 
présomption  en  faveur  du  ramollissement;  mais  quand  la  thrombose  débute 
brusquement  par  une  attaque  apoplectique,  et,  d’autre  part,  quand  l’hé¬ 
morrhagie  se  produit  sans  que  le  malade  perde  connaissance,  le  dia¬ 
gnostic  ne  peut  être  établi  avec  certitude.  Les  signes  d’athéromes  artériels 
n’ont  aucune  valeur,  car  les  artères  de  l’encéphale  peuvent  être  peu 
malades,  alors  que  les  artères  périphériques  sont  le  siège  d’une  dégéné¬ 
rescence  avancée,  et,  d’autre  part,  cette  altération  prédispose  aussi  bien 
à  l’hémorrhagie  qu’à  la  thrombose.  Les  contractures  précoces  se  rencon¬ 
trent  plus  souvent  dans  l’hémorrhagie  ;  mais  nous  avons  vu  que  ce 
symptôme  appartenait  également  à  la  thrombose.  On  doit  donc  souvent 
se  borner,  surtout  chez  les  sujets  âgés,  à  affirmer  l’existence  d’un  foyer 
dans  l’encéphale,  sans  en  préciser  la  nature. 

Les  antécédents,  les  phénomènes  concomitants,  permettent  quelquefois 
de  reconnaître  l’existence  d’une  embolie  cérébrale.  Quand  l’attaque  se 
produit  brusquement  chez  un  individu  jeune,  que  le  cœur  est  le  siège 
d’un  bruit  de  souffle  énergique,  que  la  tuméfaction  de  la  rate,  des 
douleurs  dans  les  régions  sphérique  et  lombaire,  la  présence  de  sang 
dans  les  urines,  permettent  de  soupçonner,  en  raison  de  la  concordance 
des  symptômes,  .la  formation  d’infarctus  spléniques  et  rénaux,  on  peut 
affirmer,  avec  une  certitude  presque  entièrè,  que  le  foyer  encéphalique 
est  d’origine  embolique  ;  on  donne  d’autres  signes  distinctifs,  mais  de 
moindre  valeur  ;  l’embolie  pénètre  de  préférence  dans  la  sylvienne 
gauche;  on  en  conclut  que  l’hémiplégie  gauche  appartient  plutôt  à 
l’hémorrhagie  cérébrale  qui  occupe  indifféremment  l’une  ou  l’autre 
moitié  de  l’encéphale  ;  mais  nous  avons  vu  plus  haut  que  l’embolie  de 
la  sylvienne  droite  n’était  pas  en  réalité  très-rare.  Si  l’hémiplégie  droite 
coïncide  avec  l’amnésie  verbale,  on  peut  se  prononcer  presque  à  coup  sûr 
en  faveur  de  l’embolie,  car  l’hémorrhagie  de  la  troisième  circonvolution 
est  très-exceptionnelle.  Chez  les  sujets  âgés,  la  pneumonie,  à  son  début, 


ENCÉPHALE. —  oBi.iTÉnADo.N 


ARTÈnES. 


donne  lieu  quelquefois  à  des  troubles  cérébraux  qui  pourraient  faire 
croire  à  l’existence  d’une  lésion  encéphalique;  le  plus  souvent  ce  sont  des 
symptômes  apoplectiques,  la  perte  subite  de  connaissance,  la  résolution 
des 'membres;  d’autres  fois  ce  sont  des  phénomènes  d’excitation  assez 
semblables  à  ceux  que  déterminent  les  ramollissements  superficiels, 
mais  le  peu  de  durée  des  accidents,  la  prédominance  des  troubles  respi¬ 
ratoires,  l’élévation  de  la  température,  l’examen  physique  du  thorax, 
mettent  rapidement  sur  la  voie  du  diagnostic. 

Le  p'onostic  est  toujours  grave  ;  quand  le  malade  n’est  pas  emporté  ^ 
par  les  accidents  initiaux,  il  demeure  atteint  d’infirmités  incurables,  le 
plus  souvent  son  intelligence  s’amoindrit,  il  est  toujours  menacé  de  nou¬ 
veaux  accidents;  l’embolie,  dont  les  symptômes  sont  habituellement  plus 
effrayants  au  début  que  ceux  de  la  thrombose  a  peut  être  moins  de  gra¬ 
vité,  car  elle  a  moins  de  tendance  à  se  reproduire.  Nous  verrons  plus  tard 
qu’une  élévation  considérable  delà  température  quelques  jours  après  une 
attaque  et  la  formation  rapide  d’eschares  sur  la  fesse  du  côté  paralysé  sont 
des  symptômes  extrêmement  graves. 

Traitement.  —  Alors  que  le  ramollissement  était  généralement  regardé 
comme  une  affection  de  nature  inflammatoire,  il  était  de  règle  de  lui  op¬ 
poser  un  traitement  antiphlogistique  dont  l’énergie  variait  avec  l’état  gé¬ 
néral  du  malade  et  la  gravité  des  symptômes  cérébraux;  depuis  que  la 
physiologie  pathologique  de  la  nécrobiose  cérébrale  est  mieux  connue,  et 
que  Ton  apprécie  plus  justement  le  rôle  tout  à  fait  secondaire  qu’y  joue 
l’inflammation,  les  émissions  sanguines  sont  généralement  proscrites;  cer¬ 
tains  auteurs  même  conseillent,  dans  la  généralité  des  cas,  l’emploi  d’une 
médication  stimulante  ;  c’est  pousser  trop  loin  la  réaction  ;  sans  doute  il 
peut  être  dangereux  de  retirer  du  sang  à  un  malade  frappé  de  ramollis¬ 
sement,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  l’effet  presque  immédiat  des  obli¬ 
térations  artérielles  est  presque  toujours  une  hypérémie,  et  que  l’afflux  du 
sang  dans  les  parties  malades  peut  être  assez  énergique  pour  qu’il  se 
fasse  des  ruptures  vasculaires  ;  on  court  donc  le  risque,  en  excitant  trop 
vivement  la  circulation,  d’aggraver  encore  ce  travail  pathologique.  En 
réalité,  on  ne  peut  établir  de  règles  absolues,  relativement  à  la  conduite 
que  doit  tenir  le  médecin  en  pareilles  circonstances  :  s’il  s’agit  d’un  indi¬ 
vidu  âgé  ou  très-affaibli,  si  l’attaque  a  provoqué  des  phénomènes  de  col- 
lapsus,  si  la  face  est  pâle,  le  pouls  petit,  l’impulsion  cardiaque  faible,  on 
doit  recourir  aux  stimulants  diffusibles,  tels  que  l’alcool,  le  vin  chaud, 
entourer  le  malade  de  linges  ou  de  sachets  bien  chauffés,  exciter  la  peau 
par  l’application  réitérée  de  sinapismes,  chercher  ainsi  à  réveiller  l’exci¬ 
tabilité  nerveuse,  enfin,  maintenir  la  tête  dans  une  position  déclive  pour 
favoriser  le  rétablissement  de  la  circulation  dans  les  parties  ischémiées. 
Quand,  au  contraire,  le  malade  est  robuste,  le  pouls  pleine!  vibrant, la 
face  vultueuse,  il  faut  combattre  la  fluxion  encéphalique  par  les  révulsifs 
intestinaux;  et  si,  par  suite  du  développement  exagéré  de  la  circulation 
collatérale,  il  survient  des  phénomènes  d’excitation,  on  ne  doit  pas 
craindre  d’appliquer  des  sangsues  à  l’anus  ou  derrière  les  oreilles. 


ENCÉPHALE.  -  OBLITÉRATION  DES  ARTÈRES.  97 

Plus  tard,  les  phénomènes  apoplectiques  se  sont  dissipés,  toute  trace 
de  travail  actif  a  disparu  et  les  désordres  liés  nécessairement  à  la  lésion 
indélébile  des  éléments  nerveux  subsistent  seuls;  il  n’y  a  plus  lieu  alors 
d’intervenir  activement,  on  doit  se  borner  à  placer  le  malade  dans  de 
bonnes  conditions  hygiéni([ues,  et  à  maintenir  autant  que  possible  l’inté¬ 
grité  des  fonctions  nutritives. 


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XIII.  —  7 


98  ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  sinus  veineux. 

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Jaccoud,  loc.  eit. 

Oblitération  des  sinns  veineux.  —  Genèse  et  étiologie.  —  La. 
thrombose  des  sinus  est  primitive  ou  secondaire  ;  dans  le  premier  cas,  le 
caillot  naît  sur  place  ;  dans  le  deuxième,  le  travail  de  coagulation  débute 
par  d’autres  veines  et  ne  s’étend  aux  sinus  que  consécutivement. 

La  thrombose  primitive  peut  être  l’effet  de  causes  locales,  agissant  di¬ 
rectement  sur  les  parois  vasculaires  ;  l’inflammation  des  sinus,  leur  com¬ 
pression  par  des  tumeurs  intra-crâniennes  peuvent  ainsi  en  être  l’ori¬ 
ginal;  mais  ce  sont  là  des  faits  très-exceptionnels. 

Toutes  les  causes  qui  mettent  obstacle  à  la  déplétion  des  sinus,  les  lé¬ 
sions  organiques  du  cœur,  l’emphysème,  la  compression  des  poumons,  la 
compression  de  la  veine  cave  supérieure  ou  des  veines  jugulaires,  sont 
susceptibles  d’amener  la  thrombose  ;  il  paraît  résulter  d’une  observation 
de  Cohn  que  les  convulsions  épileptiformes,  en  entravant  la  circulation  en 
retour,  peuvent  avoir  le  même  résultat;  de  nouveaux  faits  seraient  néces¬ 
saires  pour  établir  la  réalité  de  ce  mode  d’action.  L’affaiblissement  du 
cœur,  en  ralentissant  la  circulation,  favorise  puissamment  la  coagulation 
dans  les  sinus;  mais  c’est  surtout  quand  le  sang  a  subi  l’altération  inopec- 
tique  que  cette  cause  est  réellement  efficace  ;  on  observe  ainsi  l’oblitéra¬ 
tion  des  sinus  chez  les  individus  cachectiques,  particulièrement  chez  les 
malades  atteints  de  cancer,  de  tubercules,  de  maladie  de  Bright,  chez  les 
convalescents  d’affections  adynamiques. 

La  thrombose  secondaire  est  toujours  consécutive  à  la  phlébite  des 
veines  qui  se  jettent  dans  les  sinus  ou  communiquent  avec  eux  par  des 
anastomoses.  Les  lésions  traumatiques  du  crâne,  particulièrement  celles 
qui  portent  sur  l’occipital,  la  carie  des  parois  crâniennes,  surtout  la  cario 
du  rocher,  la  trépanation,  ,1a  suppuration  de  l’oreille  moyenne  sont  les 
causes  principales  de  ces  phlébites  ;  les  foyers  d’hémorrhagie  cérébrale 
ou  méningée,  les  abcès  du  cerveau,  l’encéphalite  peuvent  également  en 
être  l’origine;  elles  peuvent  être  enfin  le  résultat  de  furoncles  ou  d’érysi-, 
pèles  de  la  tête  quand  des  veines  émanant  des  parties  enflammées  tra¬ 
versent  la  paroi  osseuse  et  communiquent  directement  ou  par  voie  ana¬ 
stomotique  avec  un  sinus  ;  ainsi,  il  n’est  pas  très-rare  de  voir  une  phlébite 
de  la  veine  faciale  provoquée  par  un  furoncle  ou  une  lésion  analogue 
donner  lieu  à  un  caillot  qui  se  prolonge  dans  l’ophthalmique  et  le  sinus  ca¬ 
verneux  et  en  amène  l’oblitération. 

Anatome  pathologique.  —  Le  siège  des  thromboses  secondaires  est  en 
rapport  avec  celui  de  la  lésion  initiale,  ainsi  la  carie  du  rocher  donne  lieu 
à  l’oblitération  du  sinus  latéral  ou  des  sinus  pétreux.  Les  thromboses 
primitives  occupent  de  préférence  le  sinus  longitudinal  supérieur  ;  de  là 
elles  s’étendent  aux  sinus  latéraux,  souvent  au  sinus  droit  et  aux  veines 
encéphaliques  correspondantes.  Au  début,  la  fibrine  se  dépose  souvent 


ENCÉPHALE.  —  oDLiTÉiiATios 


SIiNlJS  VEIKEDX. 


09 


sur  les  filaments  celluleux  qui  cloisonnent  la  cavité  du  vaisseau  ;  quand 
l’obstruction  est  complète,  le  sinus  apparaît  tuméfié,  distendu  par  le 
caillot;  celui-ci,  d’abord  noirâtre,  grenu,  peu  adhérent,  subit  les  trans¬ 
formations  habituelles  ;  il  perd  sa  consistance,  se  transforme  en  une 
masse  pulpeuse  dans  laquelle  le  microscope  fait  reconnaître  des  leu¬ 
cocytes  granuleux,  de  la  fibrine  en  voie  de  régression  et  des  granulations 
graisseuses  ;  on  peut  le  trouver  complètement  ramolli  au  centre  et  rempli 
d’une  bouillie  puriforme  ;  à  mesure  qu’il  vieillit,  son  volume  diminue, 
et  comme  les  parois  du  sinus  ne  peuvent  le  suivre  dans  ce  mouvement 
de  rétraction,  il  n’oblitère  plus  complètement  la  cavité  du  vaisseau;  il 
est  fréquent  de  le  voir  accolé  à  la  paroi  et  fixé  dans  cette  position  par  des 
tractus  connectifs  plus  ou  moins  résistants.  Quand  la  thrombose  est  con¬ 
sécutive  à  une  altération  des  parois  crâniennes,  les  membranes  vascu¬ 
laires  sont  épaissies,  friables,  infiltrées  de  pus,  quelquefois  ulcérées  au 
niveau  de  l’os  malade;  elles  peuvent  même  avoir  totalement  disparu  dans 
une  partie  plus  ou  moins  considérable  de  leur  étendue  ;  on  trouve  alors 
dans  le  coagulum,  outre  les  éléments  que  nous  avons  indiqués,  du  pus 
et  des  débris  pseudo-membraneux. 

Les  lésions  de  l’encéphale  varient  suivant  l’importance  et  le  nombre  des 
sinus  oblitérés.  Le  premier  effet  de  ces  thromboses  est  d’amener  la  stase  du 
sang  dans  les  veinules  et  les  capillaires,  d’y  élever  la  tension,  et  de  pro¬ 
voquer  ainsi  l’exsudation  d’une  certaine  quantité  de  liquide  séreux  qui 
s’infiltre  dans  les  mailles  de  la  pie-mère,  s’accumule  dans  les  ventricules 
et  dans  les  espaces  sous-arachnoïdiens  et  tend  à  dissocier  les  éléments 
nerveux.  Les  veines  sont  distendues,  remplies  de  sang  coagulé;  la  sub¬ 
stance  cérébrale  présente  sur  les  coupes  un  piqueté  formé  par  les  orifices 
des  petits  vaisseaux  sectionnés  ;  quand  l’élévation  de  la  tension  est  assez 
considérable  pour  produire  des  ruptures  vasculaires,  le  sang  s’épanche  dans 
les  gaines  lymphatiques,  et  forme  de  petits  foyers  d’apoplexie  capillaire; 
d’autres  fois  la  rupture  est  complète,  il  se  fait  une  véritable  hémorrhagie 
dans  le  tissu  cérébral  ou  sous  les  méninges.  Le  trouble  que  la  thrombose 
des  sinus  occasionne  dans  la  nutrition  des  éléments  nerveux  aboutit  sou¬ 
vent  à  leur  mortification  ;  la  nécrobiose  est  une  des  conséquences  habi¬ 
tuelles  de  cet  état  morbide.  Quand  l’oblitération  porte  sur  le  sinus  lon¬ 
gitudinal  supérieur,  le  ramollissement  occupe  symétriquement  d’avant  en 
arrière,  sur  la  convexité  des  hémisphères,  les  bords  de  la  scissure  médiane; 
cette  disposition  est  presque  caractéristique,  et  peut  faire  reconnaître  à 
l’autopsie  la  véritable  nature  de  la  lésion,  dans  le  cas  où  l’on  aurait  omis 
d’abord  d’ouvrir  les  canaux  veineux.  Quand  la  thrombose  est  Feffet  d’une 
carie,  il  n’est  pas  rare  de  rencontrer  en  même  temps  les  lésions  d’une 
méningite  plus  ou  moins  étendue.  Les  individus  affectés  de  thromboses  se¬ 
condaires  meurent  souvent  d’infection  purulente  ,  on  trouve  alors  des 
abcès  métastatiques  dans  différents  viscères. 

Stmptômes  et  diagnostic.  —  Il  est  rarement  possible  de  reconnaître 
pendant  la  vie  la  thrombose  des  sinus,  surtout  quand  elle  est  primitive; 
les  symptômes  sont  pour  la  plupart  l’expression  des  différentes  lésions 


lOO'v  ENCEPHALE.  —  oblitération  des  sinhs  veineux. 

que  l’altération  veineuse  produit  dans  le  tissu  nerveux.  Ils  n’appartiennent 
doncças  en  propre  à  la  thrombose,  et  n’ont  rien  de  caractéristique;  ils 
varient  suivant  le  vaisseau  oblitéré,  suivant  la  rapidité  avec  laquelle  se 
forme  le  coagulum  ;  dans  quelques  cas  les  malades ,  après  avoir  présenté 
quelques  symptômes  prodromiques,  tels  que  de  la  céphalalgie ,  des  ver¬ 
tiges,  sont  soudainement  frappés  d’apoplexie  et  meurent  en  peu  de  temps. 
Cette  marche  est  exceptionnelle;  plus  souvent  la  maladie  se  traduit 
d’abord  par  des  phénomènes  d’excitation,  de  la  céphalalgie,  des  con¬ 
vulsions  épileptiformes,  des  contractures  ;  la  céphalalgie  peut  atteindre 
un  degré  extrême  de  violence;  elle  est  quelquefois  plus  marquée  dans 
la  partie  du  crâne  où  siège  l’oblitération.  Ces  accidents  font  bientôt 
place  à  des  symptômes  de  dépression  ;  tantôt  la  transition  se  fait  brusque¬ 
ment,  par  une  attaque  apoplectique,  tantôt  le  malade  tombe  peu  à  peu 
dans  la  stupeur ,  s’affaiblit  graduellement ,  et  linit  par  mourir  dans  le 
coma;  rarement  il  se  produit  des  paralysies  circonscrites.  Dans  quelques 
cas,  on  a  observé  des  symptômes  spéciaux  qui  peuvent,  s’ils  sont  bien 
accusés,  mettre  sur  la  voie  du  diagnostic.  Ainsi  l’on  a  noté,  dans  les 
oblitérations  du  sinus  longitudinal,  des  épistaxis  répétées,  de  l’oedème 
autour  des  veines  frontales  et  de  l’exophthalmie  (Corazza);  dans  la 
thrombose  des  sinus  latéraux,  l’affaissement  de  la  veine  jugulaire  corres¬ 
pondante  (Gerhardt)  ;  quand  le  caillot  se  prolonge  dans  les  veines  ana¬ 
stomotiques  qui  aboutissent  à  la  cavité  sigmoïde,  un  œdème  douloureux 
des  téguments  situés  derrière  l’oreille.  (Griesinger.)  Ces  symptômes  sont, 
d’ailleurs,  loin  d’être  constants ,  et  leur  absence  ne  saurait  avoir  aucune 
valeur  négative. 

On  voit,  par  cet  exposé  symptomatique,  que  les  éléments  font  défaut 
pour  formuler  un  diagnostic  précis;  les  circonstances  dans  lesquelles 
se  manifestent  les  symptômes  cérébraux  permettent  pourtant,  dans  un 
certain  nombre  de  cas,  de  soupçonner  la  nature  de  la  lésion. 

Quand  les  troubles  fonctionnels  que  nous  avons  énumérés  apparaissent 
chez  un  individu  cachectique  ou  convalescent  d’une  fièvre  grave,  on  peut 
penser  à  la  thrombose  des  sinus;  si  les  mêmes  accidents  se  produisent 
chez  un  malade  atteint  d’otite  ou  de  carie  du  rocher,  il  est  permis  égale¬ 
ment  de  les  rattacher,  avec  vraisemblance,  à  une  oblitération  veineuse, 
surtout  s’ils  prennent  d’emblée  la  forme  dépressive,  car  les  phénomènes, 
d’excitation  peuvent  être  aussi  bien  rapportés  à  une  inflammation  par¬ 
tielle  de  l’encéphale  ou  des  méninges;  l’élévation  de  la  température  géné¬ 
rale  pourrait  dépendre  de  l’affection  osseuse  et  ne  saurait  avoir,  dans  ce 
cas,  de  valeur  diagnostique.  Chez  un  malade  atteint  de  furoncle  à  la  face, 
l’exploration  de  la  veine  faciale  peut  fournir  des  indications  utiles,  et  si 
on  constate  que  ce  vaisseau  est  dur  et  douloureux  au  toucher  dans  sa 
partie  terminale,  il  est  bien  probable  que  la  cause  des  troubles  cérébraux 
est  une  thrombose  du  sinus  caverneux. 

Le  pronostic  est  grave  sans  être  en  tout  cas  fatal.  Il  n’est  pas  très-rare 
de  trouver  dans  les  sinus  des  caillots  anciens  chez  des  malades  qui  n’ont 
pas  succombé  à  des  troubles  cérébraux.  Pourtant  les  thromboses  pri- 


ENCÉPHALE.  —  oblitératiojn  des  capillaires.  101 

mitives  et  les  thromboses  liées  à  la  pyémie  sont  presque  constamment 
mortelles  ;  les  oblitérations  secondaires  présentent  moins  de  gravité. 

Traitement.  —  Quand  les  accidents  semblent  se  produire  sous  l’in¬ 
fluence  d’une  lésion  phlegmasique  du  crâne  ou  de  la  face,  le  médecin 
doit  intervenir  aussi  énergiquement  que  le  permet  l’état  général  ;  si  le 
malade  est  jeune  et  robuste,  on  pratique  une  saignée  générale  ou  l’on 
applique  des  sangsues  derrière  les  oreilles;  quand  la  lésion  initiale  est 
ancienne,  quand  le  malade  est  débilité  ou  présente  des  signes  de  scrofule, 
on  a  recours  aux  dérivatifs  intestinaux,  tels  que  le  calomel  et  le  jalap, 
l’eau-de-vie  allemande,  l’aloès  ;  des  vésicatoires  sont  appliqués  aux  jambes 
et  à  la  nuque,  des  compresses  froides  maintenues  en  permanence  sur  la 
tête  ;  si  le  malade  résiste  aux  premiers  accidents ,  on  dirige  contre  la 
maladie  constitutionnelle  le  traitement  général  approprié;  enfin,  quand 
les  symptômes  cérébraux  se  manifestent  chez  un  individu  cachectique,  on 
doit  s’efforcer  de  relever  les  forces  du  malade,  combattre  l’affaiblissement 
cardiaque  par  les  toniques  et  les  stimulants,  tels  que  l’alcool,  le  quinquina 
et  les  potions  ammoniacales. 

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Oblitération  des  capillaires.  —  Comme  les  artères,  les  vaisseaux 
capillaires  peuvent  s’oblilérer  par  thrombose  ou  par  embolie. 

Les  thromboses  ont  généralement  pour  cause  les  altérations  des  parois 
vasculaires.  Les  travaux  de  Paget(1850),  de  Charles  Robin  (1856),  ont 
montré  quelle  est  la  fréquence  et  l’importance  de  ces  lésions,  particu¬ 
lièrement  chez  les  sujets  âgés. 

La  plus  commune  est  la  dégénérescence  graisseuse;  quand  elle  est 
peu  prononcée,  on  voit  les  granulations  accumulées  autour  des  noyaux  ; 
plus  tard,  elles  sont  tellement  multipliées,  qu’elles  masquent  complète¬ 
ment  les  éléments  du  vaisseau.  Cet  état  des  capillaires  coïncide  souvent 
avec  l’altération  scléro-athéromateuse  des  artères.  On  ne  peut  lui  accorder 
une  valeur  pathogénique  que  s’il  existe  à  un  certain  degré  en  différents 
points  de  l’encéphale,  car  lorsqu’il  est  limité  aux  parties  ramollies,  on 
doit  le  considérer  comme  secondaire. 


102  ENCEPHALE.  —  oblitération  des  capillaires. 

L’incrustation  calcaire,  les  dilatations  moniliformes  des  capillaires, 
peuvent  se  rencontrer  isolément  ou  coïncider  avec  l’altération  graisseuse. 
Ces  différentes  lésions  ont  pour  effet  commun  de  ralentir  la  circulation, 
de  favoriser  la  formation  de  thromboses  et  d’amener  ainsi  le  ramol¬ 
lissement  nécrobiotique  des  parties  où  se  distribuent  les  vaisseaux 
oblitérés.  Les  foyers  sont  généralement  multiples;  comme,  par  eux- 
mêmes,  ils  n’entraînent  pas  la  mort,  on  ignore  quels  caractères  ils  pré¬ 
sentent  au  début  ;  on  n’en  retrouve  à  l’autopsie  que  les  vestiges.  Il  est 
probable  que  les  lacunes,  dont  nous  avons  signalé  plus  haut  l’existence, 
doivent  en  partie  leur  origine  à  des  thromboses  capillaires.  Ces  lésions  ne 
semblent  donner  lieu,  dans  la  plupart  des  cas,  à  aucun  trouble  fonctionnel. 

On  peut  distinguer  deux  classes  ÿemholies  capillaires  suivant  la  nature 
de  l’embole  :  tantôt  son  action  est  purement  mécanique,  et  il  ne  donne 
lieu  qu’aux  lésions  nécrosiques  signalées  plus  haut;  tantôt,  issu  d’un 
foyer  putride  ou  gangréneux,  il  renferme  des  produits  septiques  et  pro¬ 
voque,  dans  le  tissu  où  il  s’arrête,  des  altérations  de  même  nature.  Il 
existe  donc  des  embolies  simples  et  des  embolies  spécifiques. 

Les  embolies  simples  peuvent  être  elles-mêmes  de  nature  et  d’origine 
diverses.  Nous  étudierons  successivement  les  embolies  de  matière  fibri¬ 
neuse  ou  athéromateuse,  les  embolies  pigmentaires,  les  calcaires  et  les 
graisseuses. 

L’existence  d’embolies  simples  provenant  de  la  pénétration  dans  le 
courant  sanguin  de  matières  fibrineuses  ou  granuleuses  avait  été  considé¬ 
rée  jusqu’ici  comme  hypothétique;  un  certain  nombre  de  faits,  observés 
par  Vulpian,  en  démontrent  nettement  la  réalité.  Plusieurs  fois,  chez 
des  individus  qui  avaient  succombé  à  des  accidents  cérébraux,  ce  pro¬ 
fesseur  n’a  trouvé,  pour  expliquer  les  phénomènes  observés  pendant 
la  vie,  d’autres  lésions  que  des  kystes  à  contenu  puriforme  ouverts 
dans  le  cœur  ou  des  foyers  athéromateux  dans  l’aorte.  Les  foyers  athé¬ 
romateux  étaient  remplis  d’une  sorte  de  boue  semi-liquide,  formée  de 
corps  granuleux,  de  paillettes  de  cholestérine,  de  granulations  grais¬ 
seuses  libres  ;  la  membrane  interne  de  l’aorte  était  ulcérée  à  leur  ni¬ 
veau.  Les  kystes  à  contenu  puriforme  se  trouvaient  dans  les  auri- 
cules;  c’étaient  des  caillots  dont  la  partie  centrale  s’était  ramollie, 
alors  que  la  périphérie  était  restée  solide  et  résistante;  cette  sorte  d’en¬ 
veloppe  s’était  rompue  et  le  contenu  formé  de  leucocytes  graisseux, 
de  fibrine  à  l’état  granuleux  et  de  granulations  graisseuses  s’était  mé¬ 
langé  au  sang.  11  est  probable  que  l’ouverture  dans  le  ventricule  gauche 
de  foyers  de  myocardite ,  ou  d’infarctus  ramollis  de  la  paroi  car¬ 
diaque,  peut  être  également  l’origine  d’embolies  capillaires.  Les  acci¬ 
dents  observés  chez  les  malades  atteints  de  ces  lésions  ont  présenté 
une  analogie  frappante  avec  ceux  que  provoquent,  chez  les  animaux,  les 
injections  dans  les  carotides  de  poudres  fines,  telles  que  les  ont  pra¬ 
tiquées  Flourens  et  Vulpian.  Immédiatement  après  l’injection,  l’animal 
semble  ressentir  une  douleur  violente;  il  pousse  des  cris,  s’agite,  tombe 
au  bout  de  quelques  instants,  quelquefois  d’une  minute,  dans  un  état 


ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  capillaires.  105 

■comateux,  et  meurt  en  peu  de  temps.  Si  l’on  n’a  injecté  qu’une  faible 
quantité  de  poudre ,  la  mort  est  moins  rapide  et  même  l’animal  peut 
:survivre.  Or,  parmi  les  malades  dont  il  vient  d’être  question,  les  uns 
avaient  succombé  rapidement  à  une  violente  attaque  apoplectique;  les 
autres  avaient  eu,  à  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  plusieurs  atta¬ 
ques  et  s’en  étaient  relevés  ;  il  est  probable  que  chez  ces  derniers  il 
n’avait  pénétré  dans  le  sang  qu’une  quantité  minime  de  matière  mor¬ 
bide.  Ces  embolies  capillaires,  quand  elles  n’entraînent  pas  rapide¬ 
ment  la  mort,  ne  donnent  pas  lieu  nécessairement  à  des  lésions  nécro- 
siques;  chez  un  animal,  auquel  il  n’avait  injecté  qu’une  faible  quantité 
de  poudre  lycopode  et  qui  avait  complètement  guéri ,  Vulpian  a  re¬ 
trouvé,  au  bout  de  vingt-trois  jours,  des  spores  disséminés,  çà  et  là, 
dans  les  petits  vaisseaux  de  l’encéphale,  sans  altération  concomitante  de 
la  pulpe  nerveuse. 

En  résumé,  si  l’on  considère  quelle  est  la  fréquence  des  altérations 
athéromateuses  chez  les  vieillards,  on  est  conduit  à  penser  que  ces  em¬ 
bolies  capillaires  ne  sont  pas  très-rares,  et  qu’une  partie  des  attaques 
apoplectiques  qui  guérissent  sans  laisser  après  elles  d’accidents  paraly¬ 
tiques  ne  reconnaissent  pas  d’autre  origine. 

L’emholie  pigmentaire  est  un  des  accidents  de  la  mélanémie  ;  cet  état, 
■caractérisé  par  la  présence  dans  le  sang  d’une  quantité  considérable  de 
corpuscules  pigmentaires,  s’observe  exclusivement  dans  la  cachexie  pa¬ 
lustre.  Ces  corpuscules  sont  petits,  arrondis  ou  polyédriques,  ordinaire¬ 
ment  noirs,  rarement  bruns  ;  quelquefois  on  trouve  parmi  eux  de  vérita¬ 
bles  cellules  pigmentaires  ;  ils  forment  de  petits  amas  et  amènent  ainsi 
l’obstruction  des  capillaires  soit  directement,  soit  en  provoquant  la  for¬ 
mation  d’un  caillot;  ils  s’accumulent  surtout  dans  la  substance  grise  des 
■circonvolutions  et  lui  communiquent  souvent  une  teinte  foncée  tout  à  fait 
caractéristique  ;  moins  nombreux  dans  la  substance  blanche,  ils  y  for¬ 
ment  quelquefois  des  traînées  brunâtres.  La  substance  nerveuse  est  moins 
consistante  qu’à  l’état  normal  ;  l’élévation  de  la  pression  sanguine  dans 
les  vaisseaux  demeurés  perméables  amène  quelquefois  des  ruptures  ;  il  se 
fait  de  petites  hémorrhagies.  Si  le  foyer  est  superficiel,  le  sang  peut 
s’épancher  sous  les  méninges  ;  Frerichs  a  observé  deux  fois  l’hémorrhagie 
méningée  dans  ces  circonstances.  Les  différents  viscères  présentent,  chez 
ces  sujets,  une  coloration  brune  ;  elle  est  plus  marquée  dans  le  foie  et  dans 
la  rate,  mais  on  l’observe  également  à  un  degré  variable  dans  les  reins, 
dans  la  peau  et  dans  les  autres  organes. 

Suivant  l’étendue  des  lésions,  les  troubles  cérébraux  liés  aux  embolies 
pigmentaires  peuvent  présenter  un  caractère  plus  ou  moins  grave.  Dans 
les  cas  légers,  la  céphalalgie  est  le  symptôme  dominant  ;  elle  occupe  toute 
l’étendue  du  crâne  ;  elle  peut  devenir  assez  violente  pour  arracher  des  cris 
aux  malades  ;  divers  troubles  sensoriels,  l’obnubilation  de  la  vue,  des 
bourdonnements  d’oreilles,  quelquefois  des  nausées,  des  vomissements 
s’ajoutent  à  la  céphalalgie;  enfin  les  malades  se  plaignent  fréquemment  de 
vertiges .  Dans  une  forme  plus  grave,  il  survient  du  délire,  des  convulsions, 


104  ENCÉPHALE.  —  oblitération  des  capillaires. 

tantôt  partielles,  tantôt  générales,  épileptiformes  ;  puis  ces  phénomènes 
d’excitation  s’amendent  peu  à  peu  elle  malade  finit  par  tomber  dans  un 
état  comateux.  Ces  accidents  ne  peuvent  être  rapportés  à  leur  cause  réelle 
que  si  l’on  connaît  les  antécédents  du  malade  ;  si  on  les  voit  apparaître 
chez  un  individu  qui  a  été  atteint  de  fièvres  palustres,  si  l’on  constate 
une  augmentation  de  volume  du  foie  et  de  la  rate,  si  en  même  temps  les 
téguments  présentent  une  coloration  brunâtre,  on  peut  soupçonner 
l’existence  d’embolies  pigmentaires  dans  les  capillaires  de  l’encéphale. 
Ce  serait  une  erreur  pourtant  de  rapporter  exclusivement  à  cette  cause 
les  troubles  cérébraux  qui  caractérisent  certaines  formes  de  fièvres  pa¬ 
lustres;  tant  que  les  accidents  sont  franchement  intermittents,  on  ne 
peut  guère  les  expliquer  par  une  lésion  permanente  telle  que  la  méla¬ 
némie;  Frerichs  a  d’ailleurs  constaté  que  sur  28  cas  de  fièvres  pa¬ 
lustres  accompagnées  de  phénomènes  cérébraux ,  l’embolie  capillaire 
avait  manqué  6  fois. 

Le  pronostic  est  toujours  sérieux;  la  maladie  devra  être  combattue 
par  le  sulfate  de  quinine  ;  les  applications  froides  sur  la  tête,  les  révul¬ 
sifs  cutanés  et  intestinaux  compléteront  utilement  la  médication. 

L’embolie  calcaire  consiste  dans  une  incrustation  calcaire  oblitérante 
des  capillaires  bien  distincte  de  l’incrustation  pariétale  liée  à  l’endarté- 
rite  :  le  couteau  éprouve  une  certaine  résistance  en  pénétrant  dans  le 
tissu  de  l’encéphale  et  les  vaisseaux  rigides  font  saillie  sur  les  surfaces 
de  section;  l’altération  est  limitée  aux  vaisseaux  de  petit  calibre.  Les  ca¬ 
pillaires  de  l’encéphale  ne  sont  pas  seuls  atteints;  ceux  des  poumons,  de 
la  muqueuse  gastrique  présentent  les  mêmes  lésions.  D’après  Virchow, 
les  éléments  calcaires  proviennent  des  os  ;  ils  sont  résorbés,  pénètrent 
dans  le  sang  et  vont  se  déposer  dans  les  petits  vaisseaux  des  différents 
tissus.  Il  est  probable  que  de  petits  foyers  de  ramollissement  peuvent 
être  la  conséquence  de  cette  altération;  mais  l’on  ne  sait  rien  de  positif  à 
cet  égard  ;  les  troubles  fonctionnels,  auxquels  peut  donner  lieu  l’embolie 
calcaire,  sont  aussi  peu  connus. 

Nous  n’insisterons  pas  sur  les  embolies  graisseuses  dont  quelques  ob¬ 
servations  démontrent  l’existence,  on  ne  sait  rien  de  leur  importance 
pathogénique  ni  de  leur  histoire  clinique. 

Les  infarctus  qui  résultent  des  embolies  spécifiques  subissent  constam¬ 
ment  la  transformation  purulente.  Ce  fait  a  été  l’objet  d’interprétations 
très-diverses.  D’après  Panum,  la  décomposition  putride  de  l’embole  con¬ 
tinue  dans  la  partie  où  il  s’est  arrêté  et  les  produits  nouveaux  qui  en 
résultent  provoquent  dans  les  tissus  voisins  une  irritation  assez  vive  pour 
déterminer  toujours  la  suppuration  ou  la  gangrène;  Virchow  admet  que 
par  une  sorte  d’action  catalytique,  l’embolus  septique  produit,  dans  les 
parties  qui  l’entourent,  des  modifications  semblables  à  celles  qui  ont  lieu 
dans  le  foyer  primitif;  enfin,  pour  Otto  Weber,  ces  embolies  n’ont  qu’une 
action  purement  mécanique.  Quoi  qu’il  en  soit  de  ces  explications,  on 
tend  à  admettre  que  les  embolies  capillaires  sont  la  cause  générale  des 
abcès  métastatiques.  Les  infarctus  suppurés  de  l’encéphale  peuvent  être 


ENCÉPHALE.  -  ODLITÉRATION  DES  CAPILLAIRES.  105 

d’origine  diverse.  On  les  observe  dans  l’endocardite  ulcéreuse  ;  les  pro¬ 
duits  morbides  qui,  dans  cette  affection,  se  forment  au  niveau  des  ulcé¬ 
rations  de  la  séreuse  cardiaque  sont  de  nature  septique,  et,  par  suite,  ils 
donnent  lieu,  quand  ils  se  détachent,  à  des  embolies  spécifiques.  D’au¬ 
tres  fois,  le  point  de  départ  de  l’embolie  est  une  plaie  ou  une  lésion 
périphérique.  On  peut,  dans  ce  dernier  cas,  s’e.xpliquer  de  deux  manières 
différentes  la  formation  des  infarctus  cérébraux;  on  peut  admettre,  ou 
bien  que  les  fragments  détachés  du  foyer  septique  sont  assez  petits 
pour  traverser  les  capillaires  du  poumon  et  pénétrer  ainsi  dans  la  cir¬ 
culation  aortique,  ou  bien  que  les  emboles  s’arrêtent  dans  les  bran¬ 
ches  de  l’artère  pulmonaire  et  donnent  lieu  d’abord  à  des  infarctus  du 
poumon,  que  des  thromboses  se  forment  dans  les  veines  correspondantes 
et  qu’elles  deviennent  le  point  de  départ  d’embolies  cérébrales  ;  si  le 
foyer  originel  est  dans  la  rate  ou  dans  l’intestin,  l’embolie  doit  parcourir 
un  trajet  plus  long  encore,  puisqu’il  lui  faut  traverser  les  capillaires  du 
foie  avant  d’arriver  au  poumon.  Cette  théorie  a  l’avantage  de  donner 
une  explication  plausible  des  faits ,  elle  est  acceptable ,  mais  elle  est 
fondée  sur  des  données  hypothétiques  ;  il  est  possible  que  les  choses  se 
passent  ainsi,  mais  rien  ne  le  prouve;  l’hypothèse  contraire,  d’après  la¬ 
quelle  les  lésions  seraient  multiples  d’emblée  et  dépendraient  toutes  de 
la  disposition  morbide  générale  n’a  rien  d’inadmissible  ;  en  somme,  l’on 
n’a  pas,  dans  l’état  actuel  de  la  science,  de  données  suffisantes  pour  ré¬ 
soudre  cette  question  ;  il  n’est  pas  possible  de  formuler  aujourd’hui  une 
théorie  générale  des  abcès  métastatiques. 

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106  ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale. 

Hémorrhagie  cérébrale.  —  Genèse  et  étiologie.  —  Cet  état  mor¬ 
bide  a  été  souvent  décrit  depuis  Rochoux  sous  le  nom  d’apoplexie.  On 
semble  aujourd’hui  d’accord  pour  repousser  cette  synonymie  et  restituer 
au  mot  apoplexie,  sa  signification  traditionnelle  en  l’appliquant  exclusi¬ 
vement  à  la  suspension  subite  et  complète  des  fonctions  cérébrales.  C’est 
par  un  véritable  abus  de  langage  que  cette  dénomination  a  été  employée 
pour  désigner  une  lésion  ;  la  relation  constante  que  l’on  avait  cru  recon¬ 
naître  entre  les  symptômes  apoplectiques  et  l’hémorrhagie  cérébrale  ne 
justifiait  pas  cette  confusion  ;  il  est  d’ailleurs  bien  établi  actuellement  que 
l’apoplexie  peut  manquer  dans  l’hémorrhagie  cérébrale,  et  [que,  d’autres 
lésions  de  l’encéphale  peuvent  lui  donner  naissance. 

Les  hémorrhagies  cérébrales  peuvent  être  rapportées  à  des  conditions 
pathogéniques  diverses;  nous  les  classerons  sous  quatre  chefs  différents: 
altérations  des  vaisseaux,  —  excès  de  la  tension  intra-vasculaire,  —  alté¬ 
rations  de  l’encéphale,  —  altérations  du  sang. 

Altération  des  vaisseaux.  —  Malgré  les  nombreuses  recherches  dont  ce 
point  de  pathogénie  a  été  l’objet,  particulièrement  dans  ces  dernières  an¬ 
nées,  on  n’est  pas  d’accord  sur  la  nature  des  lésions  vasculaires  qui  don¬ 
nent  lieu  généralement  à  l’hémorrhagie  cérébrale. 

La  difficulté  de  la  question  explique  la  divergencedes  opinions.  Presque 
jamais  on  ne  peut  découvrir  le  vaisseau  dont  la  rupture  a  causé  l’hémor¬ 
rhagie;  l’examen  ne  peut  donc  porter  que  sur  l’ensemble  des  vaisseaux  de 
l’encéphale  et  particulièrement  sur  ceux  que  renferment  les  parties  conti¬ 
guës  au  foyer  ;  or  ces  vaisseaux  présentent  le  plus  souvent,  en  raison  de 
l’âge  avancé  qu’ont  la  plupart  des  sujets  atteints  d’hémorrhagie,  des  alté¬ 
rations  de  nature  diverse  ;  comment  décider,  en  présence  de  ces  lésions 
multiples,  quelle  est  la  véritable  cause  de  l’hémorrhagie?  toutes  sont 
communes  chez  les  vieillards,  et  on  court  le  risque  d’attribuer  une  in¬ 
fluence  pathogénique  à  des  lésions  simplement  concomitantes.  On  re¬ 
marque  bien  que  certaines  altérations  sont  plus  fréquentes  dans  les  cas 
d’hémorrhagie,  et  on  leur  attribue  avec  raison  un  rôle  important  dans  la 
genèse  de  cet  état  morbide,  mais  on  ne  peut  aller  au  delà  et  même  ces  con¬ 
clusions  ne  sauraient  être  rigoureuses.  Sur  cent  faits  d’hémorrhagie,  on 
trouve  cent  fois  des  anévrysmes  miliaires  :  s’ensuit-il  que  la  cause  con¬ 
stante  de  l’hémorrhagie  soit  la  rupture  d’un  de  ces  anévrysmes  ?  non,  car 
en  même  temps  les  parois  artérielles  ont  le  plus  souvent  subi  la  dégé¬ 
nérescence  scléro-alhéromateuse,  elles  sont  atrophiées,  leur  résistance 
est  amoindrie,  et,  dans  bien  des  cas,  l’on  peut  logiquement,  jusqu’à 
preuve  du  contraire,  considérer  cette  lésion  comme  la  cause  probable 
de  la  rupture  vasculaire.  L’examen  du  vaisseau  rompu  pourrait  seul 
juger  la  question,  mais  presque  jamais  il  ne  peut  être  pratiqué;  il  n’est 
donc  pas  possible,  dans  l’état  actuel  de  la  science,  de  déterminer  ri¬ 
goureusement  quelle  est  l’importance  relative  des  différentes  lésions  ar¬ 
térielles  dans  la  pathogénie  de  l’hémorrhagie  cérébrale. 

Pour  nous,  toutes  les  altérations  qui  diminuent  la  résistance  des  vais¬ 
seaux  prédisposent  à  l’hémorrhagie;  les  plus  fréquentes  sont  :  ladégéné- 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale.  107 

rescence  graisseuse  quelle  qu’en  soit  l’origine,  et  l’artérite  chronique 
aboutissant  à  la  formation  d’anévrysmes  miliaires. 

La  dégénérescence  graisseuse  peut  se  présenter  sous  des  formes  di¬ 
verses;  et  d’abord  il  faut  prendre  garde,  quand  on  examine  à  ce  point  de. 
vue  les  vaisseaux  de  l’encéphale,  de  s’en  laisser  imposer  par  l’accumu¬ 
lation  dans  la  gaine  lymphatique  de  granulations  graisseuses  provenant 
d’éléments  en  régression,  c’est  surtout  lorsqu’on  étudie  les  vaisseaux  con¬ 
tenus  dans  les  foyers  anciens  que  l’on  est  exposé,  si  l’on  n’est  pas  pré¬ 
venu,  à  commettre  cette  erreur.  La  véritable  dégénérescence  graisseuse 
peut  être  limitée  à  la  tunique  interne,  on  voit  alors  les  granulations  grou¬ 
pées  autour  des  noyaux  ;  cette  lésion  est  peu  fréquente  ;  ordinairement 
primitive,  elle  est  quelquefois  consécutive  à  l’endartérite.  Brummerstâdt 
et  Moosherr  ont  montré  que  presque  toujours  l'altération  porte  d’abord 
sur  la  tunique  moyenne  ;  les  granulations  forment  des  groupes  allongés 
transversalement  et  représentant  par  leur  forme  et  leur  position ,  les 
noyaux  des  fibres  lisses  ;  on  voit  par  transparence  les  noyaux  de  la  tu¬ 
nique  interne  qui  est  restée  indemne.  Les  vaisseaux  ainsi  altérés  perdent 
leur  résistance,  ils  se  laissent  déformer  et  deviennent  le  siège  de  dilata¬ 
tions  fusiformes,  sacciformes  ou  moniliformes  ;  sous  l’influence  des  pro¬ 
grès  de  la  lésion  ou  d'une  cause  occasionnelle,  les  parois  finissent  par  se 
rompre,  il  en  résulte  une  hémorrhagie,  soit  immédiatement,  soit  consé¬ 
cutivement  à  la  formation  d’un  anévrysme  faux.  On  a  décrit  sous  ce  nom  et 
sous  celui  d’anévrysme  disséquant,  d’ectasie  ampullaire,  l’épanchement 
de  sang  dans  la  gaine  lymphatique  ;  cette  lésion  peut  être  due  à  plusieurs 
causes  ;  dans  le  cas  d’oblitération  artérielle,  l’élévation  de  la  tension  dans 
les  vaisseaux  collatéraux  amène  la  rupture  de  leurs  parois  et  une  hémor¬ 
rhagie  dans  la  gaine  ;  la  dégénérescence  graisseuse  peut  donner  lieu  à 
la  même  lésion  ;  c’est  ainsi  sans  doute  que  prennent  en  partie  nais¬ 
sance  ces  anévrysmes  faux  que  l’on  rencontre  parfois  isolément  en  dehors 
de  toute  altération  antérieure  de  l’encéphale.  Quand  on  ouvre  un  cerveau 
où  il  existe  de  ces  anévrysmes  des  gaines,  on  voit  sur  les  surfaces  de 
section  de  petites  taches  rouges,  au  milieu  desquelles  on  peut  apercevoir 
l’orifice  du  vaisseau  divisé;  on  ne  saurait  considérer  cette  lésion  comme 
une  hémorrhagie  véritable,  car  le  sang  n’est  pas  en  contact  avec  le  tissu 
nerveux,  il  est  encore  contenu  dans  le  système  vasculaire  ;  mais  la  gaine 
lymphatique  peut  se  rompre  à  son  tour  :  le  sang  fait  alors  irruption 
dans  la  substance  nerveuse,  il  se  forme  un  foyer.  Tel  est  le  mode 
d’origine  probable,  pour  ne  pas  dire  certain,  des  hémorrhagies  que 
l’on  rencontre  autour  des  parties  ischémiées  ;  il  est  très-probable 
que  des  hémorrhagies  primitives  peuvent  se  produire  par  le  même 
mécanisme. 

On  trouve  autour  des  foyers  hémorrhagiques  des  lésions  analogues 
à  celles  que  nous  venons  de  décrire,  les  petits  vaisseaux  déchirés  par 
l’extravasat  sanguin  se  rétractent  et  le  sang  s’accumule  dans  la  gaine  ;  ce 
sont  en  quelque  sorte  des  anévrysmes  disséquants  d’origine  traumatique. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ces  lésions  avec  les  anévrysmes  miliaires 


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ENCÉPHALE.  —  héuoruhagie  cérébrale. 


signalés  par  Virchow  dans  la  pie-mère,  et  découverts  dans  l’encéphale 
par  Charcot  et  Bouchard. 

Ces  anévrysmes  se  voient  assez  souvent  au  moment  où  l’on  dépouille  le 
cerveau  de  ses  membranes  ;  ils  forment  de  petites  masses  rouges  ou  noi¬ 
râtres,  suivant  que  leur  cavité  est  restée  perméable  ou  s’est  remplie  de 
caillots.  Assez  souvent  ils  font  saillie  à  la  surface  de  l’encéphale  ;  d’autres 
fois  ils  siègent  dans  les  sillons  intermédiaires  aux  circonvolutions;  c’est 
là  qu’on  les  trouve  le  plus  facilement;  ils  sont  cependant  plus  fréquents 
dans  les  corps  opto-striés;  il  n’est  pas  rare  de  les  rencontrer  dans  la 
substance  blanche  des  hémisphères,  dans  le  cervelet,  dans  la  protubé¬ 
rance.  Leur  volume  varie  ordinairement  entre  celui  d’un  grain  de  millet 
et  celui  d’une  grosse  tête  d’épingle;  ils  peuvent  être  beaucoup  plus 
petits.  Quelquefois  la  matière  colorante  du  sang  traverse  leurs  parois  et 
coloi’e,  dans  une  étendue  peu  considérable,  le  tissu  périphérique.  En 
enlevant  la  petite  tumeur  avec  précaution,  et  en  chassant  sous  un  filet 
d’eau  le  tissu  nerveux  qui  l’entoure,  on  voit  aisément  qu’elle  est  située  sur 
le  trajet  d’un  vaisseau  ;  examiné  au  microscope,  ce  vaisseau  présente  des 
altérations  que  l’on  a  comparées  à  celles  de  la  sclérose.  Ordinairement  les 
éléments  conjonctifs  de  la  gaine  et  delà  tunique  externe  sont  multipliés; 
souvent,  mais  non  constamment,  les  noyaux  de  la  tunique  interne  sont  éga¬ 
lement  en  voie  de  prolifération,  la  tunique  moyenne  est  au  contraire  atro¬ 
phiée,  sans  doute  par  suite  du  trouble  que  l’altération  des  autres  tuniques 
amène  dans  sa  nutrition  ;  les  noyaux  transversaux  sont  moins  nombreux 
qu’à  l’état  normal.  Comme  c’est  surtout  à  la  tunique  moyenne  que  le 
vaisseau  doit  sa  résistance,  ori  comprend  que  l’atrophie  de  cette  mem¬ 
brane  amène  des  dilatations  fusiformes,  cylindriques  ou  sacciformes.  Au 
niveau  de  l’anévrysme,  les  membranes  dilatées  finissent  par  adhérer  à  la 
gaine  périvasculaire;  alors  il  n’existe  plus  qu’une  seule  enveloppe,  mais 
épaisse  et  solide,  capable  de.  résister  à  la  pression  sanguine.  L’ané¬ 
vrysme  peut  guérir  par  la  formation ,  dans  sa  cavité,  d’un  caillot  qui  y 
subit  les  transformations  habituelles;  d’autres  fois  ses  parois  s’amincissent 
peu  à  peu  et  finissent  par  se  rompre,  soit  spontanément,  soit  sous  l’in¬ 
fluence  d’une  élévation  momentanée  de  la  tension  intravasculaire;  si  la 
rupture  porte  en  même  temps  sur  l’artère  et  l’adventice,  il  se  forme 
immédiatement  un  foyer  hémorrhagique;  mais  si  la  gaine  résiste,  le 
sang  s’épanche  dans  sa  cavité,  l’anévrysme  miliaire  se  transforme  en 
anévrysme  disséquant  ;  plus  tard,  tantôt  la  gaine  se  rompt  à  son  tour,  et 
il  en  résulte  une  hémorrhagie  cérébrale,  tantôt  le  sang  se  coagule;  on 
trouve  alors  à  l’autopsie  de  petits  caillots  au  centre  desquels  on  peut 
reconnaître  l’anévrysme. 

En  somme,  ces  anévrysmes  qui  semblent  être,  d’après  les  travaux  de 
Charcot  et  Bouchard,  la  cause  la  plus  fréquente  de  l’hémorrhagie  céré¬ 
brale,  résultent  d’une  inflammation  chronique  des  tuniques  externes  de 
l’artère,  accessoirement  de  sa  tunique  interne.  Ce  processus  est,  pour 
Charcot ,  tout  à  fait  différent  de  l’endartérite,  et,  en  effet,  il  n’est  pas 
rare  de  rencontrer  des  anévrysmes  chez  des  sujets  dont  les  grosses 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale.  i09 

artères  sont  entièrement  saines.  On  ignore  encore  quelles  causes  amènent 
le  développement  de  cette  lésion;  elle  n’est  pas  spéciale  aux  vaisseaux  de 
l’encéphale,  et  elle  semble  se  rattacher  à  une  influence  générale,  car 
plusieurs  fois  Liouville  a  trouvé  simultanément  des  anévrysmes  miliaires 
dans  le  cerveau,  dans  les  parois  œsophagiennes,  sur  le  feuillet  viscé¬ 
ral  du  péricarde,  sur  les  branches  de  l’artère  splénique,  et  sur  des  ra¬ 
meaux  de  l’artère  centrale  de  la  rétine. 

Les  différentes  lésions  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  l’endar- 
térite,  les  différentes  formes  de  dégénérescence  graisseuse,  la  périarté¬ 
rite,  ne  favorisent  pas  seulement  la  production  des  hémorrhagies  en  di¬ 
minuant  la  résistance  des  parois  artérielles,  elles  prédisposent  encore  aux 
ruptures  vasculaires  par  le  trouble  qu’elles  apportent  dans  les  conditions 
mécaniques  de  la  circulation.  On  sait  que  le  cours  du  sang  n’est  continu  et 
régulier  dans  les  petits  vaisseaux  que  grâce  à  l’élasticité  des  artères:  par 
suitè,  quand  les  parois  artérielles  sont  rigides,  incrustées  de  sels  calcaires, 
quand  elles  ont  perdu  leurs  éléments  élastiques  par  l’effet  de  la  sclérose 
ou  de  la  dégénérescence  graisseuse,  elles  n’exercent  plus  leur  action 
régulatrice  sur  la  marche  de  l’ondée  sanguine,  l’impulsion  cardiaque  se 
fait  sentir  dans  les  petits  vaisseaux,  la  tension  s’y  élève  à  chaque  systole 
ventriculaire,  et  les  parois  artérielles  subissent  à  ce  moment  un  excès  de 
pression  qui  peut  contribuer  à  en  amener  la  rupture. 

Excès  de  tension  du  sang.  —  Les  hémorrhagies  qui  se  forment  parfois 
autour  des  infarctus  cérébraux ,  montrent  que  l’excès  de  la  pression  san¬ 
guine  suffit  à  produire  la  rupture  des  vaisseaux  ;  mais  il  est  probable  que 
la  tension  s’élève  rarement  à  un  aussi  haut  degré  que  dans  cette  circon¬ 
stance,  car  on  semble  d’accord  aujourd’hui  pour  n’attribuer  à  cet  élément 
pathogénique  qu’une  importance  secondaire.  C’est  ordinairement  une 
cause  adjuvante  ou  occasionnelle,  plutôt  qu’une  cause  efficiente.  Cette 
manière  de  voir  n’a  pas  toujours  prévalu  dans  la  science  ;  l’hypertrophie 
du  cœur  a  été  considérée  longtemps  comme  une  cause  puissante  d’hé¬ 
morrhagie  cérébrale;  la  coïncidence  fréquente  de  l’hypertrophie  du 
cœur  et  des  lésions  vasculaires  hémorrhagipares  explique  comment  cette 
opinion  a  pu  être  défendue  par  d’éminents  observateurs.  Une  étroite 
corrélation  existe  entre  ces  états  morbides  ;  les  altérations  artérielles, 
en  réduisant  le  calibre  des  vaisseaux,  en  diminuant  leur  élasticité,  en 
multipliant  leurs  inflexions,  constituent  un  obstacle  permanent  au  cours 
du  sang,  provoquent  un  surcroît  d’énergie  dans  les  contractions  du  cœur, 
et  en  amènent  ainsi  l’hypertrophie;  telle  paraît  être  l’origine  la  plus 
fréquente  de  l’hypertrophie  du  cœur  chez  les  vieillards.  D’autre  part, 
l’hypertrophie,  en  élevant  la  pression  intravasculaire,  peut  elle-même, 
d’après  quelques  auteurs,  amener  le  développement  de  l’endartérite.  On 
comprend  donc  qu’on  ait  pu  attribuer  à  l’hypertrophie  le  rôle  pathogé¬ 
nique  qui  appartient  surtout  aux  lésions  vasculaires.  Ce  n’est  pas  à  dire, 
d’ailleurs,  que  l’hypertrophie  ne  puisse  quelquefois  contribuer  puissam¬ 
ment  à  la  production  de  l’hémorrhagie  cérébrale;  mais  il  faut  distinguer  : 
l’hypertrophie  compensatrice  des  lésions  cardiaques  ne  saurait,  à  aucun 


dio  ENCÉPHALE.  -  IlÉMORBllAGIE  CÉRÉBRALE. 

litre,  être  comptée  parmi  les  causes  d!hémorrhagie,  par  la  raison  qu’elle 
n’élève  pas  la  tension  dans  les  artères,  et  qu’elle  n’a  d’autre  effet  que 
de  rétablir  plus  ou  moins  complètement  l’équilibre  circulatoire  rompu 
par  la  lésion  cardiaque  ;  au  contraire,  l’hypertrophie  simple,  l’hypertro¬ 
phie  liée  à  la  maladie  de  Bright,  peuvent  élever  la  tension  artérielle 
dans  une  mesure  considérable.  Dans  cette  dernière  affection,  la  diminu¬ 
tion  du  champ  de  la  circulation  rénale  augmente  encore  la  réplétion  du 
système  artériel,  et,  d’autre  part,  les  artères  sont  le  plus  souvent  ma¬ 
lades,  par  suite  soit  de  la  dyscrasie,  soit  de  l’excès  de  pression,  aussi 
l’hémorrhagie  cérébrale  n’est  pas  rare  chez  les  albuminuriques. 

L’exposition  subite  au  froid  semble  pouvoir,  dans  certains  cas,  pro¬ 
voquer  l’hémorrhagie,  soit  en  élevant  la  tension  dans  les  artères  de  l’en¬ 
céphale  par  fluxion  collatérale,  soit  peut-être  en  amenant  la  dilatation 
de  ces  vaisseaux  par  la  perturbation  que  l’excitation  de  nerfs  cutanés 
apporterait  dans  l’innervation  de  leurs  vaso-moteurs  ;  ainsi  des  individus 
auraient  été  frappés  d’hémiplégie  au  moment  où  ils  se  plongeaient  dans 
un  bain  froid  ;  d’autre  part,  les  hémorrhagies  seraient  plus  fréquentes 
pendant  les  hivers  rigoureux  ;  il  est  probable  que  les  individus  chez 
lesquels  ces  accidents  se  sont  produits  étaient  prédisposés  à  l’hémor¬ 
rhagie  cérébrale  par  des  altérations  vasculaires. 

Les  obstacles  à  la  déplétion  des  veines  encéphaliques  peuvent  élever 
suffisamment  la  tension  pour  qu’il  se  produise  des  ruptures  vasculaires. 
Nous  avons  signalé  l’hémorrhagie  cérébrale  parmi  les  lésions  consécu¬ 
tives  à  la  thrombose  des  sinus;  la  compression  des  jugulaires  ou  de  la 
veine  cave  supérieure,  les  altérations  du  cœur  droit  et  les  obstacles  à  la 
circulation  pulmonaire  peuvent  avoir  la  même  action. 

Altération  du  tissu  de  l’encéphale.  —  Nous  verrons  plus  loin  qu’autour 
des  foyers  hémorrhagiques  le  tissu  de  l’encéphale  est  ramolli  et  diversement 
coloré  ;  Rôchoux  s’était  appuyé  sur  ces  faits  pour  fonder  une  nouvelle 
théorie  sur  la  pathogénie  de  l’hémorrhagie  cérébrale  :  d’après  cet  auteur, 
l’altération  primitive  était  le  ramollissement  du  tissu  nerveux,  et  c’était  con¬ 
sécutivement  que  les  vaisseaux  ne  trouvantplus  un  soutien  suffisant  dans  les 
parties  qui  les  entouraientse  laissaient  distendre  et  finissaient  par  se  rompre. 
Nous  devions  mentionner  cette  opinion  à  cause  du  retentissement  qu’elle  a 
eu  autrefois;  elle  n’est  plus  soutenable  aujourd’hui:  quand  on  examine,  peu 
de  temps  après  le  début  de  l’hémorrhagie,  le  tissu  nerveux  qui  entoure  le 
foyer,  on  voit  que  ses  éléments  sont  intacts;  la  coloration  anormale  et  la 
diminution  de  consistance  s’expliquent  tout  naturellement  par  l’infiltration 
entre  ses  éléments  des  parties  liquides  de  l’épanchement.  Le  ramollisse¬ 
ment  du  tissu  cérébral  peut  avoir  cependant  une  influence  sur  la  genèse 
de  certaines  hémorrhagies  ;  ainsi  il  est  probable  qu’il  favorise  la  rupture 
des  ectasies  disséquantes  que  nous  avons  vu  se  former  autour  des  infarctus; 
de  même  il  facilite  sans  doute  la  production  des  hémorrhagies  qui  se  font 
quelquefois  dans  les  anciens  foyers  nécrobiotiques  et  semblent  avoir  pour 
cause  principale  la  dégénérescence  graisseuse  des  vaisseaux.  On  a  attribué 
une  action  hémorrbagipare  aux  congestions  ex  vacuo  que  provoquerait 


ENCÉPHALE.  —  hémordhagie  cérébrale.  IH 

l’atrophie  du  cerveau  ;  ce  mode  pathogénique  doit  être  considéré  au  moins 
comme  douteux,  car  dans  la  thèse  de  Cotard  qui  renferme  un  grand 
nombre  de  faits  bien  observés  d’atrophie  cérébrale,  nous  ne  voyons  pas 
que  des  hémorrhagies  secondaires  aient  jamais  été  notées;  l’abaissement 
de  pression  que  la  diminution  de  la  masse  encéphalique  tend  à  produire 
dans  la  cavité  crânienne,  est  toujours  compensé  par  l’augmentation  du 
liquide  céphalo-rachidien. 

Altération  du  sang.  —  Dans  les  maladies  générales  qui  donnent  lieu  à 
des  hémorrhagies  multiples,  par  exemple,  dans  le  scorbut,  les  fièvres  ady- 
namiques,  l’hémophilie,  on  trouve  rarement  des  foyers  dans  l’encéphale  ; 
s’il  en  existe,  ils  sont  très-petits  ;  on  observe  plutôt  des  ecchymoses,  des 
suffusions  sanguines  formant  des  taches  rouges  ou  violacées  ;  le  sang  pa¬ 
raît  être  infiltré  entre  les  éléments  des  tissus.  On  explique  généralement 
ces  hémorrhagies  par  une  plus  grande  friabilité  des  parois  vasculaires  ; 
c’est  là  une  pure  hypothèse;  en  réalité,  les  vaisseaux  ne  présentent  aucune 
altération  appréciable.  Il  n’est  pas  démontré  que  dans  ce  cas  il  se  fasse 
une  rupture  vasculaire  ;  les  expériences  par  lesquelles  Conheim  a  prouvé 
que  les  globules  rouges  pouvaient  traverser  la  paroi  des  capillaires 
permettent  de  concevoir  des  hémorrhagies  sans  rupture  de  vaisseaux,  et 
on  pourrait  admettre  sans  invraisemblance  que  les  hémorrhagies  des 
fièvres  graves  s’effectuent  par  un  semblable  mécanisme  ;  cette  question 
de  physiologie  pathologique  est  à  l’étude,  et  il  serait  prématuré  dans 
l’état  actuel  de  la  science  d’en  donner  une  solution. 

Certaines  hémorrhagies  que  l’on  rapportait  vaguement  à  une  altération 
du  sang  sont  rattachées  aujourd’hui  à  des  lésions  mieux  définies  ;  ainsi, 
les  petites  hémorrhagies  que  l’on  observe  chez  les  leucémiques,  et  qui, 
d’après  Ollivier  et  Ranvier  seraient  plus  fréquentes  qu’on  ne  l’a  cru  jus¬ 
qu’ici,  sont  dues,  selon  ces  auteurs,  à  l’obstacle  que  les  agglomérats  de 
globules  blancs  opposent  en  certains  points  à  la  circulation  et  à  l’excès 
^e  tension  qui  en  résulte  ;  les  hémorrhagies  de  la  pyémie  reconnaissent 
probablement  la  même  origine. 

Causes  prédisposantes.  —  Nous  avons  indiqué  déjà  la  grande  fréquence 
de  l’hémorrhagie  cérébrale  chez  les  individus  âgés  ;  cette  circonstance 
est  de  nature  à  confirmer  l’influence  prédominante  que  nous  avons  re¬ 
connue,  dans  la  pathogénie  de  l’hémorrhagie  cérébrale,  aux  altérations 
vasculaires,  car  elles  sont  presque  exclusivement  l’apanage  de  la  vieillesse  ; 
pourtant  l’hémorrhagie  s’observe  quelquefois  chez  de  jeunes  sujets,  elle 
peut  même  frapper  des  nouveau-nés  ;  le  sexe  masculin  constitue  une  vé¬ 
ritable  prédisposition,  les  différentes  statistiques  donnent  à  cet  égard  des 
résultats  conformes,  et  il  y  a  un  tel  écart  entre  les  chiffres  des  hémor¬ 
rhagies  observées  chez  l’homme  et  chez  la  femme,  qu’il  est  difficile  de  voir 
là  une  simple  coïncidence;  peut-être  la  fréquence  plus  grande  chez  l’homme 
de  l’alcoolisme,  cause  puissante  de  lésions  vasculaires,  peut-elle  jusqu’à 
un  certain  point  expliquer  cette  différence.  Les  changements  brusques 
de  température  semblent  favoriser  le  développement  de  l’hémorrhagie  ; 
à  certaines  époques  de  l’année,  particulièrement  à  l’automne  et  au  prin- 


H 2  ENCÉPHALE.  —  uébioriuiagie  cérébrale. 

temps,  alors  que  les  "variations  atmosphériques  sont  le  plus  soudaines 
et  le  plus  considérables,  on  voit  quelquefois  les  hémorrhagies  cérébrales 
se  multiplier  dans  des  proportions  inusitées,  peut-être  par  l’effet  des 
modifications  brusques  que  subit  dans  ces  circonstances  la  pression  baro¬ 
métrique.  Nous  avons  vu  plus  haut  comment  l’action  du  froid  pouvait  être 
interprétée  ;  les  hémorrhagies  sont  plus  fréquentes  l'hiver  et  dans  les 
pays  froids,  plus  rares  l’été  et  dans  les  climats  très-chauds:  le  séjour 
dans  les  lieux  élevés  prédispose  à  l’hémorrhagie,  sans  doute  parce  que  la 
pression  de  l’atmosphère  y  est  relativement  faible.  L’abus  de  certaines 
substances,  particulièrement  de  l’opium  et  de  l'alcool,  prédisposent  à 
l’hémorrhagie  cérébrale  ;  l’action  de  l’alcool  s’explique  par  l’influence 
fâcheuse  que  cet  agent  exerce  sur  la  nutrition  des  vaisseaux, 

La  pléthore  nous  semble  devoir  être  complètement  écartée  ;  on  a  décrit 
autrefois  une  constitution  apoplectique;  les  individus  gras,  au  cou  court, 
au  visage  coloré,  étaient  considérés  comme  éminemment  prédisposés  à 
l’hémorrhagie;  cette  opinion  n’a  plus  cours  aujourd’hui. 

Causes  occasionnelles.  —  Il  faut  considérer  comme  telles  toutes  les  cir¬ 
constances  capables  d'élever,  ne  fût-ce  qu’un  instant,  la  tension  du  sang 
dans  le  système  vasculaire  de  l’encéphale  :  ainsi  les  quintes  de  toux  dans 
la  coqueluche,  les  vomissements  répétés  et,  d’une  manière  générale, 
tous  les  efforts  violents  peuvent  provoquer  la  rupture  vasculaire  en 
s’opposant  à  la  déplétion  des  veines  jugulaires  ;  une  émotion  vive  en 
augmentant  momentanément  l’activité  de  la  circulation,  et  en  élevant 
ainsi  la  tension  du  sang  peut  également  favoriser  la  production  d’une 
hémorrhagie. 

Anatomie  pathologique.  —  Si  le  vaisseau  rompu  est  de  très-petit  ca¬ 
libre,  si  la  tension  y  est  peu  considérable,  il  semble  que  le  sang  écarte 
simplement  les  fibres  nerveuses;  le  foyer  est  très-petit,  allongé  parallèle¬ 
ment  à  la  direction  de  ces  éléments.  Le  plus  souvent,  le  sang  épanché  dé¬ 
chire  le  tissu  de  l’encéphale  et  se  creuse  une  cavité  dont  les  dimensions 
peuvent  varier  dans  des  limites  étendues;  elle  occupe  'parfois  la  plus 
grande  partie  d’un  hémisphère.  Habituellement  il  n’y  a  qu’un  foyer; 
quand  il  en  existe  plusieurs,  ils  occupent  souvent  des  parties  symétriques 
dans  les  deux  hémisphères;  cette  disposition  est  en  rapport  avec  la  dis¬ 
tribution  des  lésions  artérielles,  car  on  trouve  souvent  des  anévrysmes 
dans  des  points  correspondants  de  chaque  moitié  de  l’encéphale.  Il  n’est 
pas  rare  de  rencontrer  plusieurs  foyers  d’âges  différents.  Ils  siègent  de 
préférence  dans  la  substance  grise:  nulle  part  on  ne  les  rencontre  plus 
seuvent  que  dans  les  corps  striés  et  les  couches  optiques;  ils  sont  moins 
fréquents  dans  les  circonvolutions,  dans  le  cervelet,  dans  la  protubé¬ 
rance  ;  le  bulbe  n’en  contient  qu’exceptionnellement.  Quand  ils  occupent 
les  circonvolutions,  le  sang  peut  se  faire  jour  à  la  surface  et  s’infiltrer 
dans  les  mailles  de  la  pie-mère;  quand  ils  siègent  dans  les  corps  striés,  ils 
peuvent  s’ouvrir  dans  les  ventricules;  on  voit  même  dans  les  grandes 
hémorrhagies  le  sang  faire  à  la  fois  irruption  à  la  superficie  de  l’encé¬ 
phale  et  dans  ses  cavités  ;  quand  il  pénètre  dans  un  des  ventricules  laté- 


lAGIE 


ENCÉPHALE.  —  iiémorrh 
raux,  il  peut  déchirer  la  cloison  transparente  et  passer  dans  l’autre  cavité 
ventriculaire;  d’autres  fois  il  pénètre  dans  le  ventricule  moyen, soit  par  les 
trous  de  Monro,  soit  en  rompant  le  trigone  ;  des  cavités  ventriculaires  il. 
peut  parvenir  à  la  base  de  l’encéphale,  en  s’écoulant  par  les  parties 
latérales  de  la  fente  de  Bichat  ou  en  déchirant  la  partie  inférieure  de 
l’infundibulum  ;  enfin  il  peut  suivre  l’aqueduc  de  Sylvius  et  pénétrer  ainsi 
dans  la  quatrième  ventricule;  ces  faits  sont  assez  rares,  pourtant  il  s’en 
est  présenté  plusieurs  à  notre  observation. 

La  présence  d’un  foyer  considérable  apporte  dans  l’aspect  extérieur  de 
l’encéphale  quelques  modifications  qui  peuvent  faire  soupçonner  dès  l’a¬ 
bord  l’existence  de  la  lésion  :  l’hémisphère  correspondant  paraît  plus  vo¬ 
lumineux,  comme  tuméfié  ;  ses  circonvolutions  sont  aplaties;  il  est  anémié; 
les  veines  de  la  pie-mère  qui  le  recouvre  sont  affaissées,  vides  de  sang  ; 
quelquefois  pourtant,  mais  seulement  dans  les  cas  où  le  foyer  est  petit, 
les  membranes  sont  le  siège  d’une  vive  injection.  On  rencontre  parfois  chez 
les  individus  atteints  d’hémorrhagie,  des  ecchymoses  sous  le  péricrâne;  on 
les  a  considérées,  tantôt  comme  un  effet  de  l’afflux  sanguin  vers  la  tète,  du 
molimen  hémorrhagique,  tantôt  comme  un  résultat  de  la  chute.  Charcot 
repousse  ces  explications;  pour  lui,  la  principale  cause  de  ces  hémorrhagies 
sous-cutanées  est  la  perturbation  de  l’innervation  vaso-motrice  ;  à  l’appui 
de  cette  manière  de  voir,  il  fait  remarquer  que  ces  ecchymoses  coexistent 
souvent  avec  des  lésions  semblables  de  la  muqueuse  gastrique  et  du  péri¬ 
carde;  qu’elles  sont  plus  marquées  du  côté  opposé  à  la  lésion,  côté  où  se 
produisent  dans  les  membres  les  troubles  vaso-moteurs  ;  qu’on  les  observe 
chez  des  malades  qui  ne  sont  pas  tombés  et  qu’on  ne  peut  par  conséquent 
les  attribuer  à  une  chute;  enfin,  qu’on  les  observe  aussi  dans  le  ramol¬ 
lissement,  et  que  dans  ce  dernier  cas,  on  ne  peut  invoquer  de  molimen 
hémorrhagique.  Il  faut  dire  pourtant  que  ces  ecchymoses  sont  loin 
d'exister  dans  tous  les  cas  où  l’on  observe  des  troubles  vaso-moteurs, 
que,  par  conséquent,  ces  troubles  ne  suffisent  pas  entièrement  à  en 
rendre  compte,  et  qu’il  faut  invoquer  en  outre  quelque  autre  circonstance 
adjuvante;  dans  une  observation  de  Lépine,  ce  sont  des  convulsions  épi¬ 
leptiformes  qui  semblent  avoir  joué  ce  rôle. 

État  du  foyer  récent.  —  Le  sang  épanché  se  coagule  rapidement,  il  se 
prend  en  une  masse  noirâtre  peu  consistante,  ordinairement  mélangée 
de  débris  de  substance  cérébrale  ;  ce  caillot  est  plus  ou  moins  volu¬ 
mineux,  il  peut  peser  plus  de  500  grammes  ;  la  cavité  dans  laquelle  il  est 
contenu  est  anfractueuse,  les  parois  en  sont  inégales  ;  si  on  les  examine 
sous  l’eau,  après  les  avoir  débarrassées  du  sang  qui  les  recouvre,  on 
voit  qu’elles  sont  hérissées  de  nombreux  filaments  dans  lesquels  un 
examen  attentif  fait  reconnaître  des  fragments  de  substance  nerveuse  et 
des  vaisseaux  ;  les  parties  qui  entourent  le  foyer  sont  plus  ou  moins  ramol¬ 
lies,  infiltrées  dans  une  épaisseur  variable  des  parties  liquides  du  caillot 
et  de  matériaux  hématiques;  sur  une  coupe  on  voit  leur  coloration,  bru¬ 
nâtre  sur  les  limites  de  la  cavité,  pâlir  rapidement  pour  se  confondre  bien¬ 
tôt  avec  la  coloration  normale;  on  y  trouve,  en  plus  ou  moins  grand 


114 


ENCÉPHALE.  -  HÉMORRHAGIE  CÉRÉBRALE. 

nombre,  les  petits  foyers  constitués,  suivant  le  mécanisme  que  nous 
avons  indiqué,  par  l’épanchement  du  sang  dans  les  gaines  des  artérioles 
rompues  au  moment  de  la  déchirure  du  tissu  cérébral. 

Contrairement  à  l’assertion  de  Gendrin,  il  est  très-rare  que  l’on  puisse 
découvrir  dans  les  parois  du  foyer  le  vaisseau  dont  la  rupture  a  causé 
l'hémorrhagie;  deu.v  fois  seulement,  Charcot  a  pu  y  trouver  de  petits 
anévrysmes  rompus. 

Période  de  résorption  et  de  réparation.  —  Au  bout  de  peu  de  temps, 
des  modifications  importantes  se  produisent  à  l’intérieur  et  à  la  périphérie 
du  foyer  :  les  globules  sanguins  se  ratatinent,  se  déforment  et  finissent  par 
se  dissocier;  les  leucocytes  se  chargent  de  granulations  graisseuses  et  for¬ 
ment  une  variété  de  corps  granuleux;  les  éléments  nerveux  englobés  dans 
le  caillot  et  ceux  que  renferme  la  paroi  du  foyer  subissent  également 
des  métamorphoses  régressives;  ils  se  désagrègent,  leurs  débris  se  grou¬ 
pent  en  petites  masses  arrondies  qui  constituent  aussi  des  corps  granu¬ 
leux  ;  ces  divers  éléments  mêlés  aux  granulations  pigmentaires  et  aux 
cristaux  hématiques  qui  résultent  de  la  destruction  des  globules  san¬ 
guins  et  unis  à  une  certaine  quantité  de  liquide  qui  provient  en  partie  du 
sang  épanché,  en  partie  des  vaisseaux  périphériques,  forment  une  bouillie 
d’abord  noirâtre,  puis  ocreuse,  plus  ou  moins  consistante.  Dans  les  pa¬ 
rois,  un  double  travail  s’accomplit  :  une  partie  des  tubes  nerveux  se  dé¬ 
truit,  les  matériaux  de  régression  que  produit  ce  travail  nécrobiotique  se 
résorbent  en  partie;  le  reste  persiste  sous  forme  de  corps  granuleux;  la 
sérosité  colorée  dont  les  premiers  jours  le  tissu  nerveux  était  infiltré 
se  résorbe  peu  à  peu,  mais  les  éléments  hématiques  qu’elle  renfermait 
subsistent  en  grande  partie  ;  ils  se  transforment  en  granulations  amorphes 
d’hématosine,  en  cristaux  d’hématoïdine  et  d’hématine;  en  même  temps, 
une  inflammation  ordinairement  subaiguë  se  développe  dans  la  névro- 
glie;  son  rôle  est  habituellement  curateur;  quelquefois  pourtant  elle  at¬ 
teint  un  certain  degré  d’acu'ité  et  constitue  alors  une  complication  re¬ 
doutable;  bientôt  une  membrane  limitante  se  forme  autour  du  foyer; 
elle  sécrète  une  quantité  variable  de  sérosité  qui  imbibe  les  éléments 
de  régression  contenus  dans  la  cavité  et  en  facilite  la  résorption  ;  assez 
souvent  le  travail  irritatif  s’étend  à  une  certaine  distance  autour  du 
foyer  et  amène  l’induration,  la  sclérose  du  tissu  nerveux.  Si  l’on  exa¬ 
mine  au  microscope  les  parties  dont  la  consistance  est  ainsi  augmentée, 
on  les  trouve  essentiellement  constituées  par  un  tissu  vaguement  fi- 
brillaire,  souvent  d’apparence  réticulée,  dans  lequel  on  distingue  une 
quantité  de  noyaux.  En  somme,  le  foyer  ancien  se  présente  généra¬ 
lement  sous  la  forme  d’une  cavité  de  dimensions  variables,  a  parois 
indurées  et  plus  ou  moins  colorées,  tapissée  par  une  membrane  conjonc¬ 
tive,  quelquefois  cloisonnée  par  des  filaments  celluleux  et  renfermant  le 
plus  souvent  une  bouillie  ocreuse;  d’après  quelques  auteurs,  les  ma¬ 
tières  hématiques  seraient  susceptibles  de  se  résorber  complètement,  et 
dans  certains  cas  le  foyer  se  transformerait  en  un  véritable  kyste  rempli 
d’une  sérosité  limpide  ;  d’autres  veulent  que  les  matières  pigmentaires 


ENCÉPHALE,  —  hémorrhagie  cérébrale.  115 

persistent  indéfiniment.  Quelquefois  les  parois  du  foyer  s'accolent,  et  il 
ne  reste  plus  qu’une  cicatrice  linéaire. 

Quand  l’hémorrhagie  a  été  abondante,  letravail  de  résorption  amène  une 
perte  de  substance  considérable,  et  si  le  foyer  est  superficiel  l’encéphale 
présente  à  ce  niveau  une  dépression  profonde  ;  les  membranes  sont  affais¬ 
sées,  quelquefois  une  couche  mince  de  tissu  les  sépare  seule  de  la  cavité 
ventriculaire.  Dans  les  gi'andes  hémorrhagies  des  corps  opto-striés,  la 
membrane  ventriculaire  s’affaisse  au  niveau  du  foyer,  et  elle  paraît 
ulcérée  bien  que  le  sang  n’ait  pas  pénétré  dans  le  ventricule. 

On  voit  par  cette  description  quelle  analogie  présentent  dans  leur  évo¬ 
lution  et  dans  leurs  caractères  objectifs  les  foyers  hémorrhagiques  et  les 
foyers  nécrosiques  ;  une  cavité  cloisonnée  ou  non,  rempli  d’une  bouillie 
dans  laquelle  on  voit  des  granulations  pigmentaires  et  des  corps  granu¬ 
leux,  une  paroi  généralement  un  peu  indurée,  colorée  par  le  pigment 
sanguin,  voilà,  en  résumé,  ce  que  l’on  trouve  dans  les  deux  cas;  le  dia¬ 
gnostic  ne  peut  être  porté  que  rarement  et  avec  de  grandes  réserves. 
L’intensité  de  la  coloration  n’est  pas  un  caractère  distinctif,  car,  dans  le 
ramollissement  rouge,  l’extravasation  de  matières  hématiques  est  consi¬ 
dérable.  On  a  dit  que  les  kystes  nettement  limités  par  une  membrane 
et  non  cloisonnés  représentaient  plutôt  des  foyers  hémorrhagiques;  il 
en  serait  de  même  des  cicatrices;  rien  ne  prouve  la  réalité  de  ces  asser¬ 
tions;  on  ne  saurait  invoquer  la  coexistence  d’anévrysmes  miliaires 
comme  un  argument  en  faveur  de  l’hémorrhagie,  car  ces  productions  se 
rencontrent  assez  fréquemment  chez  les  vieillards  dans  des  cas  où  le  cer¬ 
veau  paraît  d’ailleurs  complètement  sain  ;  la  coexistence  d’un  foyer  hémor¬ 
rhagique  récent,  l’absence  d’athérome  artériel  et  d’altération  qui  puisse 
avoir  donné  naissance  à  des  embolies,  sont  des  circonstances  qui  permet¬ 
tent  de  rattacher  avec  vraisemblance  un  ancien  foyer  à  une  hémorrhagie. 

Les  transformations  du  foyer  s’accomplissent  plus  ou  moins  rapidement 
chez  les  différents  sujets;  le  travail  inflammatoire  commence  du  çin- . 
quième  au  neuvième  jour;  dès  le  vingtième  on  peut  habituellement  con¬ 
stater  la  présence  d’une  membrane  kystique,  du  trentième  au  quaran¬ 
tième,  on  y  trouve  des  vaisseaux.  Certaines  circonstances  peuvent  entraver 
le  travail  de  réparation  ;  quelquefois  la  fibrine  se  coagule  autour  du 
caillot  sous  forme  d’une  membrane  lisse,  plus  ou  moins  épaisse,  assez 
consistante;  cette  membrane  pourrait,  d’après  Rokitansky,  s’opposer  à 
la  résorption  du  caillot.  L’encéphalite  secondaire  peut  prendre  un  carac¬ 
tère  fâcheux  d’acuïté;  jamais  pourtant  elle  n’aboutit  à  la  suppuration. 
Dans  certains  cas,  il  s’accumule  dans  la  cavité  kystique  une  grande  quantité 
de  liquide,  c’est  là  une  cause  puissante  d’atrophie  cérébrale.  Enfin,  chez 
les  individus  épuisés  ou  cachectiques,  le  peu  d’activité  de  la  nutrition 
générale  entrave  la  guérison. 

Lésions  secondaires.  — On  voit  se  produire  à  la  suite  des  foyers  hémor¬ 
rhagiques,  dans  différentes  parties  de  l’encéphale  et  de  la  moelle,  des  al¬ 
térations  secondaires  dont  l’histoire  n’est  pas  complètement  connue,  bien 
qu’elles  aient  été  dans  ces  dernières  années  l’objet  de  travaux  remarquables 


ilC  ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale. 

parmi  lesquels  nous  citerons  en  première  ligne  ceux  de  Cruveilhier, 
L.  Türck,  Charcot,  Vulpian,  Gubler  et  Bouchard.  Elles  n’appartiennent 
pas  exclusivement  à  l’hémorrhagie;  toute  lésion  étendue  de  l’encéphale 
peut,  dans  des  circonstances  encore  mal  déterminées,  leur  donner  nais¬ 
sance  ;  les  foyers  de  ramollissement  se  comportent  à  cet  égard  exacte¬ 
ment  comme  les  foyers  hémorrhagiques. 

Ces  altérations  sont  de  deux  ordres  :  les  unes  portent  sur  le  cerveau  et 
le  cervelet  ;  les  autres  sur  les  faisceaux  hlancs  qui,  des  corps  opto-striés, 
descendent  dans  les  pédoncules  cérébraux,  la  protubérance,  le  bulbe  et 
la  moelle. 

La  formation  dans  les  corps  opto-striés  d’un  foyer  étendu  semble, 
d’après  quelques  faits,  pouvoir  amener  consécutivement  l’atrophie  et 
l’induration  scléreuse  d’une  partie  considérable  de  l’hémisphère  corres¬ 
pondant.  Ces  faits  sont  d’une  interprétation  difficile;  peut-être,  comme 
Cotard  tend  à  l’admettre,  la  destruction  des  ganglions  centraux  entraîne- 
t-elle  l’inactivité  fonctionnelle,  et,  par  suite,  l’atrophie  d’autres  parties  de 
l’encéphale?  Peut-être  le  travail  inflammatoire,  dont  l’infarctus  est  le 
siège,  peut-il,  dans  certains  cas,  prendre  une  extension  anormale  et 
produire  la  sclérose  et  l’atrophie  des  parties  qu’il  envahit?  Il  faut  attendre 
de  nouveaux  faits  avant  de  se  prononcer.  Quand  la  lésion  se  produit  chez 
les  enfants,  l’atrophie  de  l’hémisphère  est  souvent  portée  à  un  haut 
degré  ;  dans  ce  cas  la  moitié  correspondante  du  crâne  se  développe  moins 
que  l’autre,  elle  s’épaissit,  et,  en  même  temps,  reste  aplatie  dans  les 
parties  qui  répondent  aux  régions  les  plus  atrophiées. 

Il  n’est  pas  rare  de  constater,  après  une  lésion  étendue  des  hémi¬ 
sphères,  une  atrophie  de  l’hémisphère  cérébelleux  du  côté  opposé.  Les 
relations  anatomiques  qui  existent  entre  ces  parties  sont  si  restreintes, 
qu’on  comprend  difficilement  cette  connexité  entre  leurs  lésions.  L’hémi¬ 
sphère  cérébelleux  est,  au  contraire,  en  relation  étroite  avec  la  moitié 
correspondante  de  la  moelle.  Ces  considérations  anatomiques  ont  conduit 
Vulpian  à  penser  que  les  lésions  cérébrales  ne  produisent  l’atrophie  du 
cervelet  que  consécutivement  à  l’atrophie  de  la  moelle. 

Les  altérations  descendantes  sont  plus  fréquentes  et  mieux  connues  que 
les  précédentes;  elles  sont,  le  plus  souvent,  consécutives  aux  lésions  des 
corps  opto-striés.  On  les  a  pourtant  observées  dans  des  cas  où  ces  organes 
étaient  intacts;  il  existait  alors  une  lésion  étendue  de  la  substance  blanche 
intra-hémisphérique.  Jamais  les  lésions  limitées  au  noyau  gris  du  corps  strié 
ne  causent  l’atrophie  secondaire;  les  lésions  secondaires  sont  moins  consi¬ 
dérables  quand  l’altération  intéresse  la  couche  optique  que  lorsqu’elle  siège 
dans  le  corps  strié.  Si  l’atrophie  secondaire  est  considérable,  on  voit,  sur  le 
pédoncule  cérébral  correspondant  à  la  lésion,  une  bandelette  grisâtre  ;  elle 
en  occupe  la  partie  médiane,  la  partie  interne,  ou  la  partie  externe,  suivant 
que  la  lésion  centrale  intéresse  la  partie  moyenne,  antérieure  ou  postérieure 
du  corps  strié.  Cette  bandelette  grise  peut  être  suivie  dans  la  protubé¬ 
rance,  le  bulbe  et  la  moelle;  la  protubérance  est  aplatie  du  côté  de  la 
lésion,  moins  saillante,  moins  large,  et,  sur  une  coupe,  elle  présente  une 


117 


ENCÉPHALE.  -  HÉMORRHAGIE  CÉRÉBRALE. 

tache  grise  que  les  fibres  transversales  séparent  de  la  surface.  La  face 
antérieure  du  bulbe  . est  asymétrique,  et  la  comparaison  des  deux  pyramides 
montre  que  celle  du  côté  malade  est  plus  petite,  et  présente  la  même  co¬ 
loration  grisâtre,  demi-transparente,  comme  ambrée,  que  déjà  nous  avons 
signalée.  Le  faisceau  dégénéré  s’entre-croise  en  même  temps  que  les  pyra¬ 
mides,  et,  dans  la  moelle,  c’est  du  côté  opposé  qu’il  faut  chercher  la  lésion. 
On  peut  quelquefois  constater  que  la  moitié  malade  a  subi  une  diminution 
de  volume  ;  mais  l’altération  ne  se  voit  bien  que  sur  une  section  trans¬ 
versale:  une  tache  grise,  correspondant  au  faisceau  sclérosé,  apparaît 
alors  dans  le  faisceau  latéral,  immédiatement  au-devant  des  racines 
postérieures;  elle  est  nettement  limitée,  rarement  elle  atteint  la  surface 
de  l’organe;  ses  dimensions  sont  d’autant  plus  considérables,  que  l’on  a 
pratiqué  la  section  plus  près  du  bulbe.  On  voit,  en  outre,  quelquefois,  de 
l’autre  côté ,  à  la  partie  interne  du  cordon  antéro-latéral ,  tout  près  du 
sillon  antérieur,  une  bandelette  grisâtre  ;  elle  représente  la  partie  de  la 
pyramide  qui  ne  s’entre-croise  pas.  (Vulpian.)  Ce  n’est  guère  qu’au  bout 
de  quatre  mois  que  ces  altérations  sont  visibles  à  l’œil  nu  ;  mais  les 
lésions  histologiques  peuvent  être  reconnues  beaucoup  plus  tôt;  au  bout 
de  quelques  semaines  on  peut  constater,  dans  les  parties  où  siège  la 
dégénération,  la  présence,  en  quantité  plus  ou  moins  grande,  de  corps 
granuleux  ;  les  tubes  sont  segmentés ,  chargés  de  granulations  grais¬ 
seuses;  ces  granulations  se  voient  également  dans  la  paroi  des  vaisseaux; 
bientôt  la  substance  connective  intermédiaire  aux  éléments  devient  le 
siège  d’une  prolifération  active,  et  l’on  trouve  alors,  dans  les  parties 
malades,  une  substance  amorphe,  demi-transparente,  molle,  renfermant 
des  noyaux  d’autant  plus  nombreux  que  l’altération  est  plus  ancienne. 
D’après  un  fait  observé  par  l’un  de  nous,  l’inflammation  chronique  que 
l’atrophie  descendante  provoque  dans  la  névroglie  semble  pouvoir  dé¬ 
passer  les  limites  du  faisceau  dégénéré,  s’étendre  à  d’autres  parties  de 
la  moelle  et  donner  lieu  à  des  symptômes  de  myélite  interstitielle  dif¬ 
fuse.  (Hallopeau.) 

Nous  ne  formulerons  pas  une  théorie  pathogénique  de  ces  dégénérations 
secondaires;  aucune  des  explications  qui  ont  été  proposées  ne  peut  rendre 
compte  de  tous  les  faits.  La  plus  généralement  adoptée  était  celle  qui  attri¬ 
buait  l’atrophie  descendante  à  la  suppression  de  l’influence  que  les  cellules 
de  la  substance  grise  encéphalique  exerceraient  sur  la  nutrition  des  tubes 
nerveux  ;  mais  Vulpian  a  montré  récemment  que,  dans  certains  cas,  les 
communications  entre  les  cellules  nerveuses  et  le  faisceau  descendant 
étaient  interrompues,  soit  par  un  foyer  de  ramollissement,  soit  par  une 
autre  lésion,  sans  qu’il  existât  d’atrophie  secondaire;  dans  des  expériences 
sur  les  animaux,  il  a  pratiqué  la  section  de  la  moelle,  et  détruit  partielle¬ 
ment  les  corps  opto-striés,  sans  provoquer  consécutivement  de  lésions  atro¬ 
phiques.  Il  est  vrai  que,  depuis,  Weslphal  est  arrivé  à  produire  expérimen¬ 
talement  des  dégénérations  secondaires,  mais  les  faits  négatifs  de  Vulpian 
n’en  conservent  pas  moins  leur  valeur.  Si  la  théorie  de  V^aller  était  exacte, 
la  dégénération  devrait  se  produire  dans  tous  les  cas,  et  on  voit  qn’i\ 


118 


ENCÉPHALE.  -  HÉMORRHAGIE  CÉRÉBRALE. 

n’en  est  rien.  La  même  objection  peut  être  opposée  à  la  théorie  qui  voit 
dans  l’inertie  fonctionnelle  la  cause  de  l’atrophie.  Yulpian  incline  à 
penser  que  les  altérations  secondaires  sont  causées  par  une  irritation 
qui,  du  point  lésé,  se  propagerait  aux  tubes  nerveux  qui  en  partent;  mais 
pourquoi  cette  irritation  ne  se  produirait-elle  pas  constamment  sous 
l’influence  des  mêmes  lésions  ?  On  voit  que  la  question  est  encore  à 
l’étude,  et  qu’il  serait  prématuré  d’en  donner  une  solution. 

On  trouve,  enfin,  dans  les  membres  paralysés,  des  altérations  des  nerfs, 
des  muscles  et  des  articulations. 

Les  nerfs  sont  le  siège  d’une  inflammation  interstitielle;  leur  volume 
est  augmenté;  il  peut  dépasser  du  double  celui  des  nerfs  du  côté  sain; 
leur  tissu  est  souvent  plus  dense  et  présente  une  injection  plus  ou  moins 
vive;  les  tubes  sont  séparés  par  une  quantité  anormale  de  tissu  connectif. 

Les  muscles  sont  diminués  de  volume  ;  ils  sont  plus  pâles  que  ceux 
du  côté  opposé;  quelquefois  ils  prennent  la  teinte  feuille  morte.  Au 
microscope,  on  trouve  les  fibres  primitives  atrophiées  ;  quelquefois  elles 
ont  perdu  leur  striation  ;  elles  renferment  une  quantité  variable  de  gra¬ 
nulations  graisseuses;  les  noyaux  du  sarcolemme  sont  multipliés. 

Les  articulations  peuvent  présenter  des  altérations  de  nature  diverse  ; 
quelques  semaines  après  le  début  de  l’hémiplégie,  les  malades  éprouvent 
souvent  des  douleurs  articulaires  assez  vives  ;  si  l’on  examine  une  des 
articulations  malades,  on  trouve  la  synoviale  injectée,  ses  franges  hyper¬ 
trophiées  ;  la  cavité  renferme  une  quantité  quelquefois  considérable  de  li¬ 
quide  louche  ;  les  synoviales  des  gaines  tendineuses  sont  également  vas^ 
cularisées;  les  cartilages  sont  intacts.  (Charcot.)  On  ne  connaît  fias 
encore  la  pathogénie  de  ces  lésions.  Elles  ne  s’expliquent  pas  complète¬ 
ment  par  les  troubles  vaso-moteurs  que  l’on  observe  simultanément 
dans  les  membres  paralysés,  car,  dans  les  hypérémies  vaso-motrices  pro¬ 
voquées  expérimentalement,  on  n’observe  pas  de  troubles  nutritifs. 

Quand  la  paralysie  est  ancienne,  que  les  membres  sont  depuis  long¬ 
temps  contracturés,  il  se  produit  dans  les  articulations  des  altérations 
différentes  des  précédentes  ;  l’immobilité  prolongée  semble  en  être  la 
cause  ;  la  synoviale  se  vascularisé,  s’épaissit  ;  le  cartilage  prend  l’aspect 
velvétique;  les  cavités  cartilagineuses  s’agrandissent  et  s’ouvrent  dans  la 
cavité  articulaire;  il  se  forme  des  ulcérations  qui  s’étendent  bientôt  jus¬ 
qu’à  l’extrémité  osseuse  et  se  recouvrent  de  néo-membranes  vasculaires. 

Enfin,  les  membres  paralysés  peuvent  subir  dans  leur  ensemble  une 
atrophie  plus  ou  moins  prononcée  ;  quand  la  paralysie  date  de  l’enfance, 
ils  s’arrêtent  dans  leur  développement ,  et  restent  plus  courts  ,  plus 
grêles  que  ceux  du  côté  sain.  Scbrœder  van  der  Kolk  a  constaté,  dans  des 
cas  de  ce  genre,  une  atrophie  des  ganglions  des  nerfs  rachidiens,  et  il 
rapporte  hypothétiquement  l’atrophie  des  membres  aux  troubles  de 
nutrition  qui  résulteraient  de  cette  altération. 

Symptômes.  —  L’hémorrhagie  cérébrale  débute  le  plus  souvent  par  une 
attaque  apoplectique,  c’est-à-dire  par  une  abolition  subite  et  totale  de 
l’innervation  encéphalique.  Nous  avons  vu  déjà  l’embolie  donner  lieu  aux 


119 


ENCÉPHALE.  —  hémorkhagie  cérébrale. 
mêmes  symptômes  ;  on  comprend  difQcilenient  comment  une  lésion  cir¬ 
conscrite  peut  retentir  ainsi  sur  tout  l’encéphale  et  en  suspendre  mo¬ 
mentanément  les  fonctions.  Il  est  aujourd’hui  démontré  que  la  con¬ 
gestion  cérébrale,  loin  d’être,  comme  on  l’a  admis,  presque  constante 
dans  l’hémorrhagie,  ne  l’accompagne  qu’ exceptionnellement  ;  on  ne  peut 
donc  plus  lui  attribuer  les  symptômes  apoplectiques.  L’anémie  céré¬ 
brale  que  produiraient,  d’après  Niemcyer,  l’élévation  de  la  pression 
intra-crânienne  et  la  compression  des  capillaires,  pourrait,  à  la  rigueur, 
expliquer  l’apoplexie  dans  les  cas  où  l’épanchement  est  très-considé¬ 
rable;  mais  la  formation  d’un  petit  foyer  dans  les  corps  striés  ou 
les  couches  optiques,  suffit  à  provoquer  une  attaque,  comment  in¬ 
voquer  alors  un  excès  de  pression?  les  expériences  de  Leyden  n’ont-elles 
pas  fait  voir  que  l’élévation  de  la  pression  n’amenait  d’accidents  que 
si  elle  était  très-considérable?  et  comment,  dans  cette  hypothèse,  s’ex¬ 
pliquer  que  des  foyers ,  relativement  volumineux,  puissent  se  produire 
dans  le  cervelet  ou  dans  la  substance  blanche  des  hémisphères  sans  apo¬ 
plexie,  tandis  que  l’attaque  est  presque  constante  dans  les  lésions  du 
corps  strié?  La  théorie  de  l’anémie  nous  semble  incapable  d’expliquer 
les  faits.  Les  mêmes  objections  peuvent  être  a  fortiori  opposées  à  ceux 
qui  cherchent  dans  la  compression  que  le  foyer  exercerait  directement 
sur  les  autres  parties  de  l’encéphale  la  cause  de  l’apoplexie.  Pour  nous, 
la  cause  réelle  des  accidents  est  le  choc  que  l’irruption  brusque  du 
sang  fait  subir  à  l’encéphale  ;  la  commotion  se  transmet  directement 
à  l’hémisphère  dans  lequel  se  fait  la  lésion,  elle  est  transmise  à  l’hémi¬ 
sphère  opposé  par  les  nombreuses  fibres  commissurales  qui  relient  les 
deux  moitiés  du  cerveau;  c’est  par  l’intermédiaire  des  éléments  nerveux 
et  non  par  une  simple  action  mécanique  que  l’ictus  hémorrhagique 
agit  sur  l’ensemble  de  l’encéphale  et  en  paralyse  momentanément  les 
fonctions;  la  commotion  peut  même  s’étendre  à  la  moelle  et  en  anéantir 
pour  quelque  temps  l’activité.  On  comprend  ainsi  comment  les  hémorrha¬ 
gies  même  très-circonscrites  du  corps  strié,  et  les  oblitérations  embo¬ 
liques  des  artères  cérébrales  donnent  lieu  à  des  symptômes  apoplectiques. 

Rarement  des  prodromes  précèdent  le  début  de  l’hémorrhagie;  ils 
n’ont  généralement  rien  de  caractéristique,  et  il  ne  saurait  en  être  au¬ 
trement  ,  car  ils  sont  l’expression  de  lésions  vasculaires  diffuses  qui 
peuvent  aussi  bien  conduire  au  ramollissement  qu’à  l’hémorrhagie  ;  nous 
connaissons  déjà  ces  symptômes  :  ce  sont  des  vertiges,  des  éblouisse¬ 
ments,  des  tintements  d’oreilles,  de  la  céphalalgie  et  quelquefois  des 
fourmillements  dans  les  membres  ;  nous  n’y  insisterons  pas.  D’après 
quelques  observations,  la  formation  d’un  anévrysme  pourrait  donner  lieu 
à  une  perte  momentanée  de  connaissance. 

On  peut  distinguer  plusieurs  formes  d’hémorrhagies;  nous  en  indi¬ 
querons,  dans  le  cours  de  notre  description,  les  caractères  différentiels. 

La  maladie  peut  débuter  par  l’apparition  brusque  d’une  hémiplégie, 
sans  perte  de  connaissance,  le  malade  se  sent  seulement  un  peu  étourdi  ; 
on  observe  surtout  ce  mode  de  début  dans  les  hémorrhagies  du  cervelet, 


120  ENCÉPHALE.  —  hémokrhagie  cérébrale. 

de  l’isthme  et  de  la  masse  blanche  intrahémisphérique,  c’est  la  forme 
paralytique.  D’autres  fois ,  les  phénomènes  paralytiques  apparaissent  les 
premiers,  mais  au  bout  d’une  heure  ou  deux  le  malade  tombe  dans 
le  coma  apoplectique.  Nous  avons  observé  deux  faits  de  cette  nature  : 
dans  les  deux  cas  le  foyer  siégeait  dans  un  des  corps  striés  et  s’était 
ouvert,  sans  doute  consécutivement,  dans  les  ventricules. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas,  le  début  est  apoplectique:  le  malade, 
frappé  brusquement,  tombe  sans  connaissance;  il  est  dès  lors  insensible 
à  toute  excitation  ;  les  membres  sont  dans  la  résolution  ;  si  on  les  sou¬ 
lève,  ils  retombent  inertes.  Quelquefois  pourtant,  les  membres  d’un  côté 
sont  contracturés  ;  d’autres  fois,  ils  sont  agités  de  mouvements  convulsifs; 
ces  phénomènes  s’observent  surtout  quand  le  sang  a  fait  irruption  sous 
les  méninges  ou  dans  les  cavités  ventriculaires  ;  les  contractures  peuvent 
aussi  se  produire  dans  les  cas  où  le  foyer  intéresse  soit  directement, 
soit  par  compression,  une  des  parties  excitables  de  l’encéphale,  telles 
que  les  pédoncules  cérébraux,  la  protubérance  ou  le  bulbe. 

Dans  les  cas  où  l’ictus  apoplectique  retentit  sur  la  moelle,  les  mouve¬ 
ments  réflexes  sont  suspendus  ,  mais  pour  peu  de  temps;  ordinairement 
ils  sont  exagérés.  Quand  on  excite  les  téguments  de  la  plante  des  pieds, 
ils  se  produisent  avec  énergie  dans  le  membre  correspondant  et  souvent 
s’étendent  au  membre  opposé. 

La  face  est  tantôt  injectée,  vultueuse,  tantôt  très-pâle  ;  les  traits  sont 
sans  expression,  les  joues  flasques  se  soulèvent  régulièrement  à  chaque 
expiration.  La  déglutition  est  souvent  difficile;  les  mouvements  réflexes 
du  voile  du  palais  et  du  pharynx  sont  affaiblis  ou  abolis,  les  liquides 
tombent  en  partie  dans  les  voies  aériennes  et  provoquent  la  toux  ;  la 
respiration  est  tantôt  accélérée,  tantôt  ralentie;  l’hématose  se  fait  in¬ 
complètement;  la  face  et  les  extrémités  se  cyanosent.  Le  malade  ne 
fait  aucun  effort  pour  chasser  les  mucosités  qui  s’accumulent  dans  la 
trachée  et  dans  les  bronches,  et  la  colonne  d’air  inspiré  produit  en  les 
traversant  un  bruit  spécial,  le  stertor;  le  pouls  est  souvent  ralenti,  par 
suite  de  l’excitation  du  bulbe  ;  plus  tard  il  s’accélère,  devient  petit, 
irrégulier.  Quelquefois  il  se  produit  des  vomissements ,  souvent  des  éva¬ 
cuations  involontaires  ;  la  température  s’abaisse  après  l’attaque  ;  elle 
descend  dans  le  rectum,  à  37°,  à  36°, 6,  à  36“,2  ;  puis,  au  bout  de  quel¬ 
ques  heures,  elle  se  relève  un  peu. 

Souvent  la  résolution  est  moins  complète  ;  les  membres  retombent 
moins  lourdement  d’un  côté,  le  malade  peut  leur  imprimer  quelques 
mouvements;  du  côté  opposé,  la  commissure  labiale  est  abaissée;  les 
sensations  douloureuses  sont  perçues;  la  connaissance  n’est  pas  com¬ 
plètement  abolie;  le  malade  donne  quelques  signes  d’intelligence. 

Vulpian  a  attiré  l’attention  dans  ces  dernières  années  surun  symptôme 
qui  peut,  ju.squ’à  un  certain  point,  permettre  de  reconnaître  quel  est 
l’hémisphère  atteint  :  dans  un  grand  nombre  d’apoplexies,  la  face  regarde 
avec  persistance  vers  le  côté  opposé  à  l’hémiplégie,  et,  si  l’on  soulève  les 
paupières,  on  voit  que  les  yeux  sont  déviés  dans  la  même  direction.  Ce 


121 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale. 
dernier  phénomène  est  d’une  interprétation  difficile:  peut-être  se  pro¬ 
duit-il  une  excitation  à  distance  du  nerf  de  la  sixième  paire,  d’où  le 
strabisme  externe  du  côté  de  la  lésion  cérébrale,  puis,  comme  consé¬ 
quences  des  rapports  anatomiques  et  fonctionnels  de  la  sixième  et  de  la 
troisième  paire,  une  excitation  de  la  troisième  paire  de  l’autre  côté,  d’où 
le  strabisme  interne  du  côté  opposé  à  la  lésion  cérébrale.  Ce  symptôme 
appartient  surtout  aux  lésions  du  corps  strié;  on  l’a  cependant  noté  dans 
des  cas  où  la  lésion  était  superficielle;  Lépinel’a  observé  deux  fois  dans 
l’hémorrhagie  méningée.  Ordinairement  ce  symptôme  est  transitoire  ; 
pourtant  on  l’a  vu  persister  pendant  plusieurs  mois.  Le  nystagmus  coïn¬ 
cide  quelquefois  avec  la  déviation  des  yeux  ;  il  disparaît  au  bout  de  deux 
ou  trois  jours. 

Quand  le  malade  doit  succomber,  il  reste  dans  le  coma,  ou  il  y  re¬ 
tombe  après  avoir  donné  quelques  signes  de  connaissance  ;  la  respiration 
s’embarrasse  de  plus  en  plus,  le  pouls  devient  petit  et  irrégulier  et  la 
mort  survient  soit  au  milieu  de  phénomènes  asphyxiques,  soit  pendant 
une  syncope;  quelquefois,  au  moment  où  le  coma  commençait  à  se  dis¬ 
siper,  il  se  fait  une  nouvelle  attaque.  L’état  comateux  peut  se  prolonger 
plusieurs  jours  avant  d’amener  la  mort  ;  ordinairement,  le  malade  suc¬ 
combe  dans  les  quarante-huit  heures  ;  la  mort  n’est  jamais  subite,  si  ce 
n’est  dans  les  hémorrhagies  du  bulbe. 

Quand  la  maladie  tend  à  la  guérison,  la  connaissance  revient  peu  à 
peu,  la  respiration  se  régularise,  les  phénomènes  paralytiques  se  carac¬ 
térisent;  le  plus  souvent  ils  revêtent  la  forme  hémiplégique.  L’hémiplé¬ 
gie  peut  être  complète;  les  membres  sont  alors  absolument  inertes,  pour¬ 
tant  le  plus  souvent  le  malade  peut  imprimer  quelques  mouvements  aux 
extrémités  ;  l’affaiblissement  de  la  motilité  est  habituellement  moins  pro¬ 
noncé  dans  le  membre  inférieur.  Quand  la  paralysie  est  aussi  marquée,  elle 
est  facile  à  constater.  D’autres  fois,  elle  ne  se  traduit  que  par  un  léger 
affaiblissement  des  membres;  le  malade  traîne  un  peu  la  jambe  ;  il  serre 
moins  énergiquement  du  côté  affecté.  A  la  face,  la  paralysie  ne  s’étend 
pas  à  tous  les  muscles  animés  par  le  facial  ;  elle  est  sui'tout  prononcée 
dans  la  partie  inférieure  ;  les  plis  de  la  peau  sont  plus  accentués  du 
côté  sain;  la  commissure  est  déviée  de  ce  côté;  cette  déviation  augmente 
quand  la  malade  parle  ou  imprime  un  mouvement  aux  téguments  de  la 
face;  du  côté  paralysé,  la  commissure  est  abaissée,  la  narine  plus  large, 
la  joue  flasque  et  immobile  pendant  les  mouvements  volontaires  ;  quand 
la  paralysie  faciale  est  très-légère,  elle  ne  se  trahit  que  par  une  accen¬ 
tuation  plus  forte  du  pli  naso-labial  du  côté  sain,  un  peu  d’abaissement 
de  la  commissure  du  côté  affecté. 

La  langue  se  dévie  vers  le  côté  paralysé;  ce  phénomène  s’explique 
par  l’action  du  génio-glosse ,  qui,  dans  le  mouvement  de  propulsion 
en  avant,  tend  en  même  temps  à  porter  obliquement  du  côté  op¬ 
posé  la  pointe  de  la  langue;  quand  les  deux  muscles  agissent  simultané¬ 
ment,  les  mouvements  de  latéralité  s’annulent  par  leur  antagonisme, 
et  la  propulsion  en  avant  s’accomplit  seule  ;  mais  si  l’un  des  muscles  est 


122  ENCÉPHALE.  —  hémorihiagie  cérébrale. 

paralysé,  la  déviation  latérale  se  produit;  l’on  a  opposé  à  cette  interpré¬ 
tation  quelques  faits  dans  lesquels  la  langue  se  déviait  vers  le  côté  sain  ; 
il  est  probable  que  dans  ces  cas  il  n’y  avait  pas  une  simple  hémiplégie  par 
lésion  du  corps  strié  ;  une  lésion  du  bulbe,  amenant  la  paralysie  anta¬ 
goniste  des  membres  et  de  la  langue,  pourrait  rendre  compte  de  ces 
exceptions. 

La  sensibilité  est  quelquefois  obtuse  pendant  les  premiers  jours  ;  il  est 
difficile  souvent  de  savoir  s’il  y  a  réellement  un  peu  d’anesthésie  ou  s’il 
ne  faut  pas  rapporter  à  l’état  de  demi-torpeur,  dans  lequel  les  malades 
restent  quelque  temps  plongés,  le  peu  d’acuïté  de  leurs  sensations.  Il 
est  très-rare  que  l’anesthésie  soit  complète  ;  c’est  surtout  dans  des  cas  où 
le  foyer  occupait  la  partie  externe  de  la  couche  optique  que  ce  symptôme 
a  été  noté.  Il  est  loin  d’être  constant  dans  les  lésions  des  couches  optiques. 

Peu  de  temps  après  le  début  de  l'hémiplégie,  il  se  produit,  dans  tout 
le  côté  affecté,  des  troubles  remarquables  de  vascularisation;  les  tégu¬ 
ments  prennent  une  teinte  rosée  plus  ou  moins  intense;  e’èst  surtout 
aux  mains  que  la  différence  de  coloration  entre  les  deux  côtés  est  appré¬ 
ciable;  la  conjonctive  et  la  pituitaire  s’injectent;  la  température  des  mem¬ 
bres  paralysés  s’élève;' ils  donnent  à  la  palpation  une  sensation  de- cha¬ 
leur  anormale;  en  plaçant  simultanément  un  thermomètre  dans  chaque 
main,  on  trouve  souvent  une  différence  de  plus  de  1  degré  en  faveur 
du  côté  paralysé  ;  elle  existe  encore  dans  l’aisselle,  bien  que  moins  pro¬ 
noncée. 

Les  malades  éprouvent  quelquefois  d’assez  vives  douleurs  dans  les  ar¬ 
ticulations  des  membres  paralysés.  Ces  symptômes  sont  en  relation  avec 
les  lésions  que  nous  avons  signalées.  Les  téguments  qui  recouvrent  les 
jointures  malades  rougissent  et  se  tuméfient. 

Tels  sont,  au  début  les  phénomènes  paralytiques  quand  le,  foyer  siège 
dans  les  corps  opto-striés  et  qu’il  intéresse  les  tractus  blancs  émanés  des 
pédoncules.  Si  la  lésion  est  limitée  à  la  substance  grise,  elle  peut  rester 
latente  et  ne  pas  donner  lieu  à  l’hémiplégie.  Les  altérations  de  la  substance 
blanche  ne  produisent  la  paralysie  des  membres  que  si  elles  occupent  la 
partie  qui  avoisine  les  corps  striés. 

Nous  avons  vu  déjà  que  l’épanchement  du  sang  dans  les  ventricules 
amenait  la  contracture  des  membres  et  quelquefois  des  convulsions 
épileptiformes;  on  observe  également  la  rigidité  du  membre  paralysé 
dans  les  cas  où  le  foyer,  encore  contenu  dans  le  corps  strié,  est  très- 
proche  de  la  surface  ventriculaire  sans  communiquer  avec  la  cavité  ;  elle 
est  ordinairement  plus  prononcée  au  membre  supérieur;  elle  dure  peu  de 
jours. 

Les  hémorrhagies  des  circonvolutions  peuvent  rester  latentes;  elles 
s’accompagnent  de  contractures  et  de  convulsions  quand  la  superficie  de 
l’encéphale  est  lésée;  elles  peuvent  provoquer  de  l’excitation,  du  délire;  la 
plupart  du  temps  elles  passent  inaperçues. 

L’hémorrhagie  cérébelleuse  peut  ne  donner  lieu  à  aucun  trouble  de 
motilité;  le  plus  souvent  elle  produit  une  hémiplégie  croisée ,  quel- 


125 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale. 
quefois  une  paralysie  directe.  On  voit  ainsi  la  même  lésion  donner  lieu, 
chez  différents  sujets,  à  des  symptômes  tout  opposés.  D’après  Yulpian, 
il  est  très-douteux  que  le  cervelet  ait  une  influence  sur  les  mouvements 
volontaires;  on  ne  saurait  donc  s’étonner  que  la  motilité  reste  quel¬ 
quefois  intacte,  alors  que  cet  organe  est  le  siège  d’une  lésion  étendue  ; 
quand  il  existe  une  hémiplégie  croisée,  elle  résulte  de  la  pression 
qu’exerce  sur  les  moitiés  correspondantes  du  bulbe  et  de  la  protubé¬ 
rance  le  foyer  cérébelleux;  enfin,  Yulpian  fait  remarquer  que  le  cer¬ 
velet  est  en  connexion  avec  la  moelle  par  des  fibres  qui  ne  s’entre-croi- 
sent  pas,  et  l’on  peut  s’expliquer  ainsi  les  faits  dans  lesquels  l’hémi¬ 
plégie  est  directe.  On  a  encore  noté  dans  les  hémorrhagies  du  cervelet 
une  céphalalgie  intense  localisée  dans  la  région  occipitale;  elle  est  due 
sans  doute  à  l’irritation  des  parties  profondes  du  cervelet,  qui,  d’après 
les  expériences,  sont  sensibles  aux  excitations.  On  a  observé  quelquefois 
des  troubles  de  vue;  Leven  et  Ollivier  les  rapportent  à  une  lésion  des 
pédoncules  cérébelleux  supérieurs  ;  cette  explication  est  peu  satisfai¬ 
sante,  car  il  n’est  nullement  établi  que  ces  pédoncules  soient  en  con¬ 
nexion  avec  les  noyaux  d’origine  des  nerfs  optiques.  Citons,  enfin,  les 
vomissements  parmi  les  symptômes  qui  appartiennent  surtout  à  l’hémor¬ 
rhagie  du  cervelet. 

La  paralysie  peut  occuper  les  deux  côtés  du  corps  :  dans  ce  cas  ôn 
peut  admettre  qu’il  s’est  formé  une  double  lésion ,  ou  que  le  foyer  oc¬ 
cupe  la  partie  médiane  du  bulbe  ou  de  la  protubérance.  La  paralysie 
peut  être  antagoniste,  c’est-à-dire  quelle  peut  intéresser  les  membres  d’un 
côté  et  les  parties  animées  par  un  ou  plusieurs  nerfs  crâniens  du  côté 
opposé;  nous  verrons  plus  loin  [voy.  Tdmeürs)  que  cette  forme  de  para¬ 
lysie  se  produit  nécessairement  chaque  fois  que  le  foyer  intéfesse  simul¬ 
tanément  un  nerf  crânien  dans  sa  portion  périphérique,  et  le  faisceau 
moteur  avant  son  entre-croisement. 

Nous  ne  faisons  qu’indiquer  ici  les  principales  formes  cliniques  sous 
lesquelles  peut  se  présenter  l’hémorrhagie.  Nous  n’étudierons  que  plus 
loin,  avec  les  tumeurs,  les  phénomènes  paralytiques  auxquels  donnent 
lieü  les  lésions  des  différentes  parties  de  l’encéphale;  ils  sont  en  rapport 
avec  le  siège,  nullement  avec  la  nature  de  la  lésion. 

Lamarche  des  accidents  peut  être  diverse;  quelquefois  tout  phénomène 
morbide  a  disparu  au  bout  de  quelques  jours;  c’est  la  forme  légère  de 
l’hémorrhagie  cérébrale. 

Dans  la  forme  apoplectique  et  paralytique,  quand  la  période  comateuse 
est  terminée,  et  que  les  symptômes  dus  à  la  lésion  circonscrite  de  l’en¬ 
céphale  se  sont  nettement  dégagés,  tout  danger  n’a  pas  disparu;  dans 
le  cours  et  vers  la  fin  du  premier  septénaire,  il  peut  survenir  des  acci¬ 
dents  généraux  assez  graves  pour  emporter  le  malade.  Souvent  du  sixième 
au  huitième  jour,  il  se  produit  un  mouvement  fébrile  ;  le  malade  se  plaint 
d’une  vive  céphalalgie,  d’insomnie,  d’illusions  sensorielles.  Ces  phéno¬ 
mènes  semblent  se  rattacher  à  l’encéphalite  secondaire  qui  constamment 
se  développe  autour  du  foyer  ;  ils  ont  ordinairement  peu  de  gravité  et 


124 


ENCÉPHALE.  -  HÉMORRHAGIE  CÉRÉBRALE. 

se  dissipent  au  bout  de  peu  de  jours.  Quelquefois  cependant  les  contrac¬ 
tures  apparaissent  dans  les  membres  paralysés,  l’intelligence  se  trouble, 
le  malade  tombe  dans  le  coma. 

D’après  Charcot,  on  -voit  assez  fréquemment  survenir,  peu  de  jours  après 
le  début  de  la  maladie,  en  même  temps  que  des  phénomènes  adynamiques, 
une  élévation  considérable  de  la  température,  dont  l’autopsie  ne  donne 
pas  l’explication.  Il  n’est  pas  rare  que  chez  les  mêmes  malades  il  appa¬ 
raisse,  du  deuxième  au  quatrième  jour  après  l’attaque,  une  eschare  sur  la 
fesse  du  côté  paralysé;  elle  ne  résulte  pas  exclusivement  du  décuhitus,  car 
elle  ne  se  forme  pas  sur  la  partie  qui  supporte  la  pression  la  plus  forte, 
et,  d’autre  part,  on  ne  voit  pas  dans  d’autres  circonstances  le  décubitus 
amener  aussi  rapidement  la  formation  d’eschares.  Ces  phénomènes  in¬ 
diquent  une  perturbation  profonde  des  actes  nutritifs  ;  ils  annoncent  tou¬ 
jours  une  mort  prochaine. 

Au  bout  de  dix  ou  onze  jours,,  quand  la  fièvre  est  tombée,  que  tout 
signe  de  réaction  a  disparu,  les  troubles  liés  nécessairement  à  la  pré¬ 
sence  du  foyer  persistent  seuls.  Si  l’hémiplégie  a  été  complète,  la  motilité 
reparaît  peu  à  peu  dans  les  membres  paralysés, le  malade  imprime  d’abord 
quelques  mouvements  aux  extrémités,  puis  il  soulève  le  membre  inférieur 
au-dessus  du  plan  du  lit;  plus  tard,  les  mouvements  reparaissent  dans 
les  membres  supérieurs  ;  mais  il  est  très-rare  que  les  membres  affectés 
recouvrent  toute  leur  vigueur;  la  paralysie  persiste  presque  toujours  à  un 
certain  degré.  Les  troubles  vaso-moteurs  sont  appréciables  pendant  plu¬ 
sieurs  semaines,  le  côté  paralysé  reste  plus  chaud  que  le  côté  opposé,  et, 
en  outre,  d’après  les  recherches  de  Lépine,  il  s’accommode  moins  rapide¬ 
ment  et  moins  complètement  aux  variations  de  température  du  milieu 
ambiant  ;  souvent  les  mains  et  l’avant-bras,  quelquefois  aussi  l’extrémité 
inférieure,  deviennent  le  siège  d’une  tuméfaction  œdémateuse,  qui  paraît 
dépendre  de  la  paralysie  vaso-motrice. 

Des  douleurs  persistantes,  tantôt  vagues,  sourdes,  tantôt  très-vives,  se 
manifestent  dans  les  membres  paralysés;  elles  sont  en  rapport  avec  la 
névrite  dont  nous  avons  signalé  l’existence  dans  un  grand  nombre  d’hémi¬ 
plégies  anciennes  ;  elles  suivent  le  trajet  des  nerfs,  s’exaspèrent  par  la 
pression  ;  on  a  pu  dans  quelques  cas  constater  par  le  toucher  l’augmenta¬ 
tion  de  volume  du  nerf. 

A  une  époque  variable,  généralement  de  quatre  ou  cinq  mois  après  le 
début  de  la  maladie,  quelquefois  beaucoup  plus  tôt,  les  membres  malades 
deviennent  le  siège  de  contractures  permanentes  ;  longtemps  on  les  a  rat¬ 
tachées  à  une  encéphalite  secondaire  ;  il  paraît  bien  établi  aujourd’hui 
qu’elles  sont  en  relation  avec  le  travail  inflammatoire  qui  s’accomplit  dans 
le  faisceau  latéral  delà  moelle  et  la  sclérose  qui  en  résulte.  Ces  contrac¬ 
tures  se  distinguent  facilement  par  leur  apparition  tardive,  par  leur 
marche  progressive,  par  leur  persistance,  de  celles  que  nous  avons 
vu  se  produire  comme  phénomène  initial  dans  les  cas  d’hémorrhagies 
ventriculaire  ou  méningée.  La  contracture  secondaire  manque  rarement 
dans  les  cas  où  le  foyer  occupe  le  corps  strié.  Elle  n’est  pas  générale  et 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale.  125 

porte  de  préférence  sur  certains  groupes  de  muscles;  à  la  face  elle  peut 
déterminer  une  déviation  de  la  commissure  vers  le  côté  paralysé,  et  con¬ 
duire  ainsi  à  une  erreur  de  diagnostic  un  observateur  inattentif  ;  elle  ne 
se  produit  pas  dans  les  muscles  du  tronc;  elle  peut  affecter  le  sterno-mas- 
toïdien;  chez  un  de  nos  malades,  ce  muscle  était  rigide,  la  tête  était  forte¬ 
ment  inclinée  sur  l’épaule  du  côté  paralysé  et  la  face  regardait  du  côté 
opposé;  ce  doit  être  là  un  fait  exceptionnel,  car  Bouchard  n’en  a  jamais 
rencontré  de  semblable;  c’est  au  membre  supérieur  que  la  contracture  est 
ordinairement  le  plus  marquée,  elle  occupe  les  muscles  antagonistes  et 
donne  ainsi  au  membre  des  attitudes  vicieuses  dont  on  reconnaît  deux 
types  principaux  ;  dans  l’un,  l’avant-bras,  la  main,  les  doigts  sont  dans 
la  flexion;  dans  l’autre,  l’extension  de  l’avant-bras  coïncide  avec  la  flexion 
des  doigts  sur  la  main  ;  on  peut  observer  aussi  la  flexion  du  coude  avec 
l’extension  des  doigts  ;  l’avant-bras  est  habituellement  en  pronation, 
rarement  en  supination.  Quand  la  flexion  des  doigts  est  très -prononcée, 
les  ongles  'peuvent  entamer  la  peau  de  la  région  palmaire  et  produire 
ainsi  des  ulcérations  ;  il  est  nécessaire  dans  ces  cas  d’empêcher  le  con¬ 
tact  des  ongles  en  plaçant  dans  la  main  un  corps  étranger,  par  exemple 
une  bande  roulée. 

Les  contractures  sont  moins  fréquentes  dans  le  membre  inférieur, 
elles  peuvent  également  affecter  de  préférence  les  extenseurs  ou  les  flé¬ 
chisseurs. 

Généralement  on  éprouve  une  forte  résistance  quand  on  veut  dévier  les 
divers  segments  des  membres  de  leur  attitude  vicieuse;  le  malade  se 
plaint  vivement,  et  dès  qu’on  cesse  l’effort,  les  parties  reprennent  leur 
position  antérieure;  la  contractilité  électrique  est  conservée  ou  même  exa¬ 
gérée  dans  les  muscles  contracturés,  la  rigidité  cadavérique  y  est  peu  pro¬ 
noncée  et  persiste  peu  de  temps.  Quand  la  contracture  a  duré  longtemps, 
les  articulations  s’altèrent,  ainsi  que  nous  l’avons  vu  déjà,  sogs  l’influence 
de  l’immobilité  ;  leurs  mouvements  se  réduisent  de  plus  en  plus,  elles 
finissent  par  s’ankyloser,  et  le  membre  se  trouve  immobilisé  dans  son 
attitude  vicieuse. 

On  observe  quelquefois  dans  les  membres  supérieurs,  quand  le  malade 
fait  un  mouvement  volontaire,  un  tremblement  rapide  dont  la  raison 
physiologique  est  restée  jusqu’ici  inconnue. 

Quand  les  malades  ne  peuvent  pas  faire  usage  de  leurs  membres,  les 
masses  musculaires  s’atrophient,  la  peau  fonctionne  peu  et  se  nourrit, 
mal,  elle  s’amincit  et  se  couvre  de  squames. 

Dans  les  hémiplégies  datant  de  l’enfance,  l’atrophie  des  membres  est 
souvent,  comme  nous  l’avons  vu,  beaucoup  plus  prononcée  ;  les  facultés 
mentales  qui  généralement  sont  affaiblies  chez  les  anciens  hémiplégiques, 
se  développent  incomplètement  quand  la  lésion  s’est  produite  dans  le  pre-. 
mier  âge;  beaucoup  de  ces  malades  sont  idiots,  d’autres  ont  des  accès 
épileptiformes. 

On  observe  quelquefois  chez  les  anciens  hémiplégiques  des  accès  con¬ 
vulsifs  :  le  plus  souvent  ce  sont  des  mouvements  dits  choréiformes,  c’est- 


126  ENCÉPHALE., —  hémorbhagie  cÉRÉDru\LE. 

à-dire  des  convulsions  cloniques,  survenant  à  intervalles  rapprochés  et 
réguliers  ;  ils  siègent  dans  les  membres  paralysés  et  dans  le  côté  corres¬ 
pondant  de  la  face,  rarement  ils  se  généralisent  ;  ils  peuvent  se  reproduire 
pendant  plusieurs  heures,  le  malade  ne  perd  pas  connaissance.  D  autres 
fois,  dans  les  mêmes  circonstances,  on  observe  des  accès  épileptiformes; 
ces  accès  peuvent  s’expliquer  dans  certains  cas  par  l’excitation  que  la 
sclérose  descendante  provoque  dans  le  bulbe;  mais  cette  interprétation  est 
inadmissible  dans  les  cas  où  le  foyer  siège  dans  les  circonvolutions  et  ne 
détermine  pas  d’atrophie  secondaire  ;  il  est  probable  que  chez  ces  sujets, 
le  foyer  se  comporte  à  la  manière  d’une  tumeur  qui  intéresserait  la  supcr- 
licie  de  l’encéphale. 

L’hémorrhagie  cérébrale,  en  raison  de  la  diffusion  des  lésions  vascu¬ 
laires  qui  en  sont  la  cause  habituelle,  récidive  fréquemment  ;  il  n’est  pas 
rare  que  les  individus  affectés  d’hémiplégie  ancienne  soient  emportés  par 
une  nouvelle  attaque;  d’autres  succombent  aux  progrès  del’affaiblissement 
qu’amènent  ie  repos  prolongé  au  lit  et  les  mauvaises  conditions  hygié¬ 
niques  dans  lesquelles  le  malade  se  trouve  placé  par  le  fait  même  de  I  hé- 
miplégie;  les  réservoirs  se  paralysent,  des  eschares  se  forment  à  la  région 
sacrée,  et  la  mort  survient  au  milieu  d’accidents  adynamiques. 

Diagnostic. —  Quand  on  se  trouve  en  présence  d’un  individu  frappé  d’a¬ 
poplexie,  on  peut  penser  à  une  attaque  épileptique,  à  une  syncope,  à  une 
asphyxie,  à  une  encéphalopathie  albuminurique,  à  une  intoxication  par 
l’alcool,  ou  par  l’opium.  Nous  avons  vu  plus  haut(D0î/.  Congestion) comment 
le  coma  qui  succède  à  l’épilepsie  pouvait  être  distingué  de  l’apoplexie;  la 
syncope  se  reconnaît  aisément  à  l’absence  du  pouls,  à  la  faiblesse  extrême 
des  mouvements  respiratoires;  l'asphyxie,  à  lauyanose  des  extrémités  et 
des  lèvres,  à  la  suspension  de  la  respiration;  dans  Informe  comateuse  de 
l’urémie,  la  perte  de  connaissance  est  le  plus  souvent  incomplète;  le  coma 
est  entremêlé  de  convulsions;  d’ailleurs,  les  antécédents,  l’œdème,  les  ca¬ 
ractères  de  l’urine  ne  permettent  pas  l'erreur.  Le  diagnostic  avec  l’ivresse 
peut  être  difficile,  l’odeur  alcoolique  qu’exhale  le  malade  est  le  meilleur 
signe  différentiel,  mais  dans  le  cas  où  un  individu  en  état  d’ivresse  serait 
frappé  d’apoplexie,  la  marche  des  accidents  pourrait  seule  révéler  l’exis¬ 
tence  de  la  lésion  cérébrale.  Dans  l’empoisonnement  par  l’opium,  la 
contraction  des  pupilles,  la  fréquence  du  pouls  peuvent  mettre  sur 
la  voie  quand  on  n’est  pas  renseigné  sur  la  cause  réelle  des  troubles 
morbides. 

Plusieurs  affections  de  l’encéphale  peuvent  débuter  par  une  apoplexie; 
telles  sont  surtout  la  congestion  cérébrale,  les  oblitérations  artérielles, 
l’encéphalite,  les  hémorrhagies  méningées,  nous  avons  dit  précédem¬ 
ment  à  quels  signes  on  pouvait  reconnaître  la  congestion  cérébrale  et 
les  oblitérations  artérielles;  l’existence  de  symptômes  fébriles  sépare 
nettement  l’encéphalite  de  l’hémorrhagie;  pourtant,  si  l’on  n’a  pas  vu 
le  malade  dès  le  début  de  l’affection  et  que  l’on  trouve,  quelques  jours  après 
une  attaque  apoplectique,  une  réaction  fébrile  en  même  temps  que  de  la 
contracture  et  des  convulsions,  on  peut. hésiter  entre  les  deux  affections, 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale.  J  27 

ou  plutôt  on  peut  se  demander  si  l’encéphalite  dont  ces  symptômes  déno¬ 
tent  l’existence  est  ou  non  consécutive  à  une  hémorrhagie;  si  l’on  apprend 
que  l’attaque  a  été  précédée  pendant  plusieurs  jours  de  céphalalgie  in¬ 
tense,  de  délire  et  de  fièvre,  si  la  contracture  a  existé  dès  le  début,  si  elle 
est  bilatérale,  il  est  vraisemblable  qu’il  s'agit  d’une  encéphalite;  néan¬ 
moins  dans  certains  cas,  le  diagnostic  peut  rester  obscur.  L’hémorrhagie 
sous-méningée  peut  suivre  une  marche  lente,  le  malade  tombe  peu  à  peu 
dans  la  stupeur,  puis  dans  le  coma,  il  n’y  a  pas  alors  d’erreur  possible, 
car  jamais  l’hémorrhagie  cérébrale  ne  se .  présente  sous  cette  forme; 
d’autres  fois,  le  début  de  l’hémorrhagie  méningée  est  apoplectique,  tout 
le  tableau  symptomatique  de  l’hémorrhagie  cérébrale  se  trouve  repro¬ 
duit;  les  contractures,  les  convulsions  ne  peuvent  servir  au  diagnostic, 
car  on  les  observe  dans  les  deux  affections  ;  souvent  il  n’y  a  pas  de 
diagnostic  possible  entre  une  hémorrhagie  cérébrale  avec  épanchement 
dans  les  ventricules  ou  sous  les  méninges  et  une  hémorrhagie  sous- 
méningée  sans  altération  de  l’encéphale.  L'hémorrhagie  sus-arachno'i- 
dienne  est  toujours  consécutive  à  une  inflammation  de  la  dure-mère 
avec  production  de  séro-membranes  vasculaires;  l’attaque,  quand  elle 
se  produit,  survient  donc  chez  des  sujets,  qui,  depuis  longtemps  présen¬ 
taient  des  phénomènes  d’excitation  cérébrale,  tels  que  du  délire,, une 
céphalalgie  opiniâtre,  des  vertiges,  quelquefois  des  convulsions,  de  la 
sténose  pupillaire  ;  l’existence  de  ces  prodromes  suffit  pour  faire  soup¬ 
çonner  la  nature  de  l’alfection;  si  l’on  ignore  les  antécédents  du  malade, 
la  marche  des  accidents,  peut  encore  permettre  d’éviter  une  erreur;  l’hé¬ 
miplégie  peut  manquer,  il  se  produit  de  la  contracture,  des  convulsions 
partielles,  et  quand  les  phénomènes  apoplectiques  se  sont  dissipés,  les 
convulsions  se  reproduisent  à  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés  ; 
l’intelligence  reste  troublée;  il  y  a  de  véritables  accès  de  somnolence; 
les  pupilles  sont  rétrécies,  souvent  inégales;  la  maladie  présente  dans 
sa  marche  une  série  de  rémissions  et  d’aggravations  que  l’on  n’observe 
pas  dans  l’hémorrhagie  cérébrale. 

L’hydrocéphale  aiguë  ne  débute  pas  par  une  attaque  ;  elle  ne  donne 
pas  lieu  à  des  paralysies  limitées  ;  le  malade  tombe  graduellement  dans 
le  coma.  La  marche  des  symptômes,  leur  apparition  à  la  suite  d’une 
scarlatine  ou  dans  le  cours  d’une  maladie  de  Bright,  la  coexistence  d’au¬ 
tres  hydropisies,  permettent  le  plus  souvent  de  reconnaître  la  nature  de 
l’affection. 

La  lenteur  avec  laquelle  se  développent  généralement  les  troubles 
fonctionnels  liés  à  la  présence  de  tumeurs  dans  la  cavité  crânienne, 
suffit  presque  toujours  à  empêcher  une  confusion  entre  ces  affections  et 
une  hémorrhagie  ;  pourtant  il  n’est  pas  très-rare  d’observer  dans  le 
cours  de  leur  évolution  des  attaques  avec  perte  de  connaissance ,  de 
véritables  apoplexies;  quelquefois  ces  attaques  semblent  marquer  le 
début  de  la  maladie,  ou  du  moins  elles  en  constituent  la  première  mani¬ 
festation  symptomatique,  de  sorte  que  si  l’on  voit  le  malade  longtemps 
après  le  début  des  accidents,  si  les  troubles  de  la  sensibilité  et  de  la  mo- 


128  ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale. 

tilité  peuvent  être  rapportés  à  une  lésion  unique,  il  est  quelquefois  dif¬ 
ficile  de  décider  si  cette  lésion  est  un  foyer  d’hémorrhagie  ou  de  ramollis¬ 
sement  ou  une  tumeur  ;  et  quand  on  n’a  pas  d’indications  précises  sur  la 
marche  de  la  maladie,  quand  l’aggravation  progressive  des  accidents  ne 
permet  pas  d’éliminer  les  lésions  d’origine  vasculaire,  le  dignoslic  ne 
peut  être  posé.  Si  l’on  constatait,  par  l’examen  ophthalmoscopique,  la 
présence  d’anévrysmes  miliaires  sur  les  vaisseaux  rétiniens,  on  pourrait, 
d'après  les  faits  observés  par  Liouville,  supposer  avec  vraisemblance  que 
les  mêmes  altérations  existent  dans  l’ encéphale  ;  ce  serait  là  une  pré¬ 
somption  en  faveur  de  l’hémorrbagie. 

Les  signes  qui  permettent  de  reconnaître  le  siège  du  foyer  n’ont  rien 
de  spécial  à  l’hémorrbagie ;  nous  verrons,  en  étudiant  l’bistoire  des  tu¬ 
meurs  intra-crâniennes,  comment  et  dans  quelles  circonstances  on  peut 
déterminer,  d’une  manière  générale,  le  siège  des  lésions  encéphaliques. 
Nous  rappellerons  pourtant  qu’au  début  la  déviation  des  yeux  et  la 
rotation  de  la  tête  du  côté  de  la  lésion  indiquent  quel  est  l’hémisphère 
atteint;  que  les  convulsions  et  les  contractures  initiales  dénotent  soit 
une  lésion  des  parties  excitables  de  l’encéphale,  c’est-à-dire  des  pédon¬ 
cules,  de  la  protubérance  ou  du  bulbe,  soit  l’irruption  du  sang  dans  les 
cavités  ventriculaires  ou  à  la  surface  de  l’encépbale  ;  que  les  paralysies 
antagonistes  des  membres  et  des  parties  animées  par  les  nerfs  crâniens 
permettent  de  localiser  le  foyer  dans  le  bulbe,  la  protubérance  ou  les 
pédoncules  cérébraux  suivant  le  nerf  intéressé.  {Voy.  Tuüiedbs.) 

Pronostic.  — Il  est  toujours  grave;  quand  l’individu  frappé  d’hémor¬ 
rhagie  cérébrale  ne  succombe  pas  dans  le  coma  apoplectique  et  résiste 
aux  phénomènes  de  réaction  qui  se  produisent  peu  de  jours  après  l’at¬ 
taque,  quand  il  n’est  pas  emporté  au  bout  de  peu  de  temps  par  des  acci¬ 
dents  adynamiques,  il  demeure  atteint  d’infirmités  incurables,  souvent  son 
intelligence  s’amoindrit,  toujours  il  est  sous  le  coup  d’une  nouvelle 
attaque.  Le  caractère  des  phénomènes  initiaux  donne  quelquefois  des 
indications  sur  l’issue  probable  delà  maladie;  lorsque  l’individu  est  brus¬ 
quement  frappé,  comme  foudroyé,  lorsque  la  résolution  est  complète, 
l’excitabilité  réflexe  du  pharynx  abolie,  l’abaissement  de  la  tempéra¬ 
ture  considérable,  et  que  cet  état  se  prolonge,  il  est  probable  que  le 
foyer  est  très-étendu;  le  pronostic  est  très-grave.  S’il  s’ajoute  à  ces 
symptômes  des  convulsions  ou  de  la  contracture,  on  doit  penser  que 
le  foyer  s’est  ouvert  dans  les  cavités  de  l’encéphale  ou  à  la  superficie, 
ou  qu’il  occupe  le  mésocéphale;  la  terminaison  fatale  est  presque  con¬ 
stante  dans  ces  conditions.  Au  contraire,  l’absence  d’attaque  apoplec¬ 
tique  ,  le  peu  d’étendue  de  la  paralysie ,  sont  des  symptômes  favo¬ 
rables.  Si  l’on  voit  vers  la  fin  du  premier  septénaire  les  forces  baisser 
rapidement,  une  eschare  se  former  à  la  fesse,  la  température  s’élever, 
on  doit  porter  le  pronostic  le  plus  grave;  on  doit  craindre  également 
une  terminaison  funeste,  quand  la  réaction  est  trop  vive,  quand  elle 
se  traduit  par  une  élévation  considérable  de  la  température,  de  la  cé¬ 
phalalgie  et  de  la  contracture  dans  les  membres  paralysés.  Enfin, 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérébrale.  129 

toutes  choses  égales  d’ailleurs,  l’affection  doit  être  considérée  comme 
plus  grave  quand  le  malade  a  eu  auparavant  une  ou  plusieurs  attaques 
apoplectiques. 

Traitement.  —  On  ne  peut  rien  contre  la  lésion;  une  fois  le  vaisseau 
rompu,  l’hémorrhagie  se  produit  nécessairement,  sans  qu’on  puisse  en 
arrêter  les  progrès  ;  le  traitement  doit  donc  être,  au  début,  exclusivement 
dirigé  contre  les  troubles  fonctionnels  et  avant  tout  contre  la  paralysie 
de  l’encéphale;  tous  les  efforts  du  médecin  doivent  tendre  à  réveiller 
l’excitabilité  du  tissu  nerveux.  La  saignée  constitue,  qiiand  l’état  général 
permet  d’y  avoir  recours,  le  moyen  le  plus  efficace;  elle  diminue  la  pres¬ 
sion  intra-crânienne,  active  la  circulation  encéphalique  et  combat  l’hy- 
pérémie  qui  complique  quelquefois  l’hémorrhagie  et  peut  contribuer  à 
entretenir  la  névrolysie.-  Mais  si  les  émissions  sanguines  rendent  dans 
certains  cas  de  réels  services,  elles  sont  chez  d’autres  malades  formelle¬ 
ment  contre-indiquées  ;  on  ne  saurait  donc  sans  danger  les  pratiquer 
indifféremment  dans  toutes  les  apoplexies. 

Il  n’existe  pas  en  pareille  matière  de  règles  absolues  ;  les  indications 
varient  et  avec  elles  les  moyens  à  employer. 

Dans  le  traitement  de  l’apoplexie,  il  faut  se  guider  avant  tout  sur  l’état 
général.  Quand  l’individu  est  jeune,  robuste,  le  pouls  plein  et  vibrant, 
l’impulsion  cardiaque  énergique,  la  saignée  générale  est  formellement 
indiquée;  on  a  conseillé  d’ouvrir  l’artère  temporale  ;  mais  cette  pratique 
n’offre  pas  d’avantages  certains  et  ses  inconvénients  sont  sérieux  ;  l’écou¬ 
lement  du  sang  est  souvent  difficile  à  arrêter  et  l’on  est  obligé  d’em¬ 
ployer  un  bandage  compressif,  qui  gêne  le  retour  du  sang  veineux  et  en¬ 
tretient  à  la  tête  une  chaleur  nuisible.  La  supériorité  que  l’on  a  attribuée 
à  la  saignée  de  la  jugulaire  n’est  rien  moins  que  prouvée  ;  en  tous  cas, 
elle  ne  pourrait  compenser  les  dangers  inhérents  à  cette  opération.  La 
saignée  du  bras  mérite  donc  la  préférence;  il  faut  ouvrir  largement  la 
veine  de  manière  à  obtenir  la  déplétion  rapide  de  la  circulation.  Le  sou- 
lageinent  est^  dans  certains  cas,  presque  immédiat;  on  a  vu  des  malades 
reprendre  connaissance  pendant  l’opération.  Lorsque  le  danger  est  moins 
pressant,  que  l’excitation  du  système  circulatoire  est  modérée  ou  fait 
défaut,  que  le  malade  est  âgé  ou  paraît  médiocrement  vigoureux,  les 
saignées  locales  doivent  être  préférées ,  on  appliquera  des  sangsues 
derrière  les  oreilles  ou  des  ventouses  à  la  nuque  ;  on  peut  encore,  ainsi 
que  le  conseillait  Grisolle ,  pratiquer  une  petite  saignée  en  quelque  sorte 
exploratrice,  puis  l’arrêter,  la  prolonger  ou  la  répéter  suivant  l’effet 
produit.  Enfin,  dans  les  cas  où  le  malade  est  très-âgé  ou  très-affai- 
bli,  la  face  très-pâle  ou  cyanosée,  le  pouls  petit  et  irrégulier,  l’im¬ 
pulsion  cardiaque  affaiblie,  saigner  serait  une  faute  ;  ces  phénomènes 
de  collapsus  constituent  pour  le  malade  le  danger  le  plus  imminent,  c’est 
contre  eux  que  le  médecin  doit  diriger  ses  efforts  ;  il  cherchera  par 
l’emploi  de  révulsifs  cutanés,  tels  que  les  sinapismes,  le  marteau  de 
Mayor,  les  ventouses  sèches,  à  réveiller  l’excitabilité  des  éléments  ner¬ 
veux  ;  dès  que  les  phénomènes  apoplectiques  commenceront  à  se  dissiper, 

NOOT.  DICT.  MÉ0.  ET  CHIE.  XIII.  —  9 


130 


ENCÉPHALE.  —  hémorrhagie  cérerraie. 


il  devra,  malgré  la  nature  de  la  lésion,  s’attacher  à  relever  les  forces  du 
malade  par  l’administration  du  quinquina,  du  vin,  des  stimulants  dif¬ 
fusibles.  Ce  n’est  pas  seulement  l’état  général  qu’il  faut  considérer  avant 
de  pratiquer  la  saignée,  il  faut  examiner  le  cœur  ;  si  l’on  y  trouve  les  signes 
d’une  lésion  organique,  il  faut  renoncer  aux  émissions  sanguines,  sur¬ 
tout  si  cette  lésion  siège  à  l’aorte,  car  on  s’exposerait  en  saignant  à 
provoquer  une  syncope,  accident  qui,  dans  ces  circonstances,  serait  d’une 
extrême  gravité. 

Les  lavements  purgatifs  sont  d’utiles  adjuvants  surtout  quand  il  existe 
des  signes  de  congestion  cérébrale;  les  vomitifs  doivent  être  repoussés  ; 
les  efforts  qu’ils  provoquent  entravent  la  déplétion  des  veines  jugulaires; 
par  suite,  la  tension  s’élève  brusquement  dans  l’encéphale,  et  il  peut 
en  résulter  chez  un  sujet  dont  les  vaisseaux  sont  altérés  une  nouvelle 
hémorrhagie. 

Le  malade  doit  être  placé  dans  une  chambre  bien  aérée,  dont  la  tem¬ 
pérature  sera  peu  élevée  ;  on  évitera  la  constipation  et  l’on  exercera  une 
révulsion  salutaire,  en  administrant  tous  les  deux  jours,  ou  même  tous  les 
jours,  soit  un  lavement  purgatif,  soit  un  purgatif  salin  ;  s’il  se  produit  vers 
la  fin  du  premier  septénaire  des  phénomènes  de  réaction,  tels  que  de  la 
céphalalgie  et  de  la  contracture,  une  intervention  énergique  est  nécessaire; 
des  sangsues  seront  appliquées  derrière  les  oreilles,  on  agira  vigoureuse¬ 
ment  sur  l’intestin  par  le  tartre  stibié  en  lavage,  de  manière  à  provo¬ 
quer  d’abondantes  évacuations  ;  si  par  exception  il  se  produisait  des  vo¬ 
missements  réitérés,  il  faudrait  suspendre  le  médicament.  Les  applica¬ 
tions  froides  sur  la  fête  peuvent  rendre  à  cette  période  de  la  maladie  des 
services  réels  ;  de  préférence  aux  compresses  mouillées,  on  maintiendra 
sur  la  tête  du  malade  une  vessie  remplie  de  glace  pilée:  ce  moyen  doit  être 
continué  plusieurs  jours  sans  interruption;  il  est  ntile  surtout  quand  la 
céphalalgie  est  intense,  quand  les  malades  ont  du  délire  et  de  l’agitation; 
il  exerce  souvent  en  pai-eils  cas  une  action  sédative  incontestable,  sans 
doute  en  excitant  les  nerfs  cutanés  et  en  amenant  ainsi  par  voie  réflexe 
la  contraction  des  artérioles  cérébrales. 

Quand  les  phénomènes  de  réaction  se  sont  dissipés,  que  les  effets  di¬ 
rects  de  la  lésion  limitée  de  l’encéphale  persistent  seuls,  il  faut  s’atta¬ 
cher  surtout  à  placer  le  malade  dans  de  bonnes  conditions  hygiéniques  ; 
dès  que  l’état  de  ses  forces  le  permet,  il  doit  quitter  son  lit  tous  les  jours; 
son  régime  doit  être  sobre,  mais  réparateur.  Quand  la  motilité  com¬ 
mence  à  reparaître  dans  les  membres  paralysés,  il  faut  engager  le  ma¬ 
lade  à  les  exercer  ;  il  évitera  ainsi  les  effets  fâcheux  de  l’inaction  sur  la 
nutrition  des  muscles  ;  l’électricité  ne  semble  pas  avoir  d’autre  utilité  que 
de  faire  contracter  les  muscles  quand  l’excitation  volontaire  fait  défaut 
et  d’activer  ainsi  leur  nutrition. 

Les  douleurs  vives,  persistantes,  que  les  malades  éprouvent  quelquefois 
dans  les  membres  paralysés  seront  combattues  efficacement  par  les  in¬ 
jections  sous-cutanées  de  chlorhydrate  de  morphine;  les  excès  de  table,  les 
fatigues  de  toutes  sortes,  les  efforts  violents  et  toutes  les  causes  capables 


ENCÉPHALE.  —  HÉMORRHAGIE  CÉRÉBRALE.  Ifil 

de  provoquer  une  fluxion  vers  l’encéphale  doivent  être  soigneusement 
évités;  c’est  surtout  en  s’astreignant  rigoureusement  à  ces  précautions 
que  le'malade  aura  chance  d’éloigner  les  récidives. 

Riobé,  Thèse  de  Paris,  1813. 

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132  ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 

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rendus  de  la  Société  de  biologie,  1867) . 

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Charcot,  Leçons  sur  les  maladies  des  vieillards.  Paris,  1868-1869. 

CuAECOT,  Sur  la  formation  rapide  d’une  eschare  à  la  fesse  du  côté  paralysé  dans  l’hémiplégie 
récente  de  cause  cérébrale  [Archives  de  physiologie,  1868).  —  Arthropathies  par  lésion  du 
cerveau  [Archives  de  physiologie,  1868) . 

Vhlpian,  Expériences  relatives  à  la  pathogénie  des  atrophies  secondaires  de  la  moelle  épinière 
[Archives  de  physiologie,  1869). 

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de  physiologie,  1869). 

WESTPHAt  .Ueber  künstlich  erzeugte  secundâre  Degeneration  einzelner  Rückenmarkstrange  (Vir- 
chow’s  Archiv,  1869). 

Lépine  (R.),  Sur  la  cause  des  ecchymoses  du  péricrâne  dans  l’apoplexie  [Archives  de  physio¬ 
logie,  1869). 

Jaccodd,  Traité  de  pathologie  interne.  Paris,  1869. 

Liodville,  Coexistence  des  anévrysmes  miliaires  du  cerveau  avec  des  altérations  analogues  gé¬ 
néralisées.  Thèse  de  Paris,  1870.  — Note  sur  la  coexistence  des  altérations  anévrysmales  dans 
la  rétine  avec  des  anévrysmes  des  petites  artères  dans  l’encéphale  [Comptes  rendus  de  l’Aca¬ 
démie  des  sciences,  1870). 


Encéphalite.  —  L’histoire  de  cette  affection  est  restée  jusqu’à  ces 
derniers  temps  une  des  parties  les  plus  obscures  de  la  pathologie  céré¬ 
brale  ;  on  n’en  connaissait  pas  les  caractères  anatomiques  ;  sous  le  nom  de 
ramollissement  inflammatoire,  on  décrivait  des  lésions  de  nature  diverse, 
particulièrement  certaines  formes  de  nécrobiose  ;  on  trouve  encore  dans 
les  ouvrages  les  plus  récents,  la  marque  de  cette  confusion;  pourtant  on 
a  pu,  du  jour  où  les  caractères  microscopiques  et  histologiques  des  lé¬ 
sions  nécrosiques  ont  été  nettement  définis,  reprendre  sur  de  nouvelles 
bases  l’étude  de  l’encéphalite,  et  s’il  n’est  pas  possible  de  tracer  aujour¬ 
d’hui  le  tableau  complet  de  cette  affection,  on  possède  du  moins,  sans 
parler  des  abcès  qui  ont  été  bien  décrits  par  les  auteurs,  des  notions  pré¬ 
cises  sur  plusieurs  de  ses  formes. 

Dans  tous  les  faits  connus,  l’inflammation  portait  principalement  sur 
le  tissu  interstitiel  de  l’encéphale,  accessoirement  sur  les  vaisseaux;  on  a 
bien  signalé,  dans  la  paralysie  générale  surtout,  des  altérations  des  cel¬ 
lules  nerveuses  (Meynert)  ;  Tigges  aurait  constaté  dans  la  même  affec¬ 
tion  et  dans  les  méningites  la  multiplication  des  noyaux  des  cellules 
nerveuses,  mais  rien  n’indique  que  ces  lésions  soient  de  nature  inflam¬ 
matoire,  leur  existence  même  est  contestée;  il  n’existe  jusqu’ici  aucun 
fait  qui  autorise  à  admettre  l’existence  d’une  encéphalite  parenchymateuse. 

Relativement  à  l'activité  du  processus  inflammatoire,  on  peut  diviser 
l’encéphalite  en  aiguë,  subaiguë  et  chronique.  Nous  nous  occuperons 
dans  ce  chapitre  des  deux  premières  formes;  la  troisième,  connue  sous 
le  nom  de  sclérose  de  l’encéphale,  sera  étudiée  séparément. 

Genèse  et  étiologie.  —  L’encéphalite  peut  être  primitive  ou  secondaire. 

Les  causes  de  l’encéphalite  primitive  nous  échappent  complètement.  On 
attribue,  sans  preuves  suffisantes,  une  influence  sur  le  développement  de 


ENCKPHALE.  —  encéphai.ite.  133 

cette  affection  à  l’insolation,  aux  fatigues  intellectuelles,  à  l’abus  des 
spiritueux,  aux  excès  vénériens.  Virchow  a  montré  qu’elle  tenait  une 
place  importante  parmi  les  causes  de  mortalité  chez  les  nouveau-nés. 
On  en  rencontre  très-fréquemment  les  lésions  caractéristiques  dans  les 
autopsies  d’enfants.  Les  exanthèmes  fébriles  et  la  syphilis  paraissent 
avoir  une  influence  prédominante  sur  leur  développement. 

Les  causes  d’encéphalite  secondaire  sont  nombreuses  ;  en  première  ligne 
nous  citerons  le  traumatisme.  Les  chutes  sur  la  tête,  les  chocs  violents, 
les  fractures  avec  esquilles,  la  pénétration  dans  le  tissu  cérébral  de 
fragments  osseux,  de  projectiles  et  d’instruments  tranchants,  peuvent  la 
provoquer.  Nous  avons  vu  qu’elle  intervenait,  comme  élément  secondaire, 
dans  les.  transformations  que  subissent  les  foyers  d’hémorrhagie  et  de 
nécrobiose.  Les  tumeurs  des  parois  crâniennes,  des  méninges,  de  l’encé¬ 
phale,  peuvent  également  lui  donner  naissance;  assez  fréquemment  elle 
reconnaît  pour  cause  la  carie  des  os  du  crâne ,  particulièrement  celle  du 
rocher;  d’après  Mayer  elle  serait,  dans  près  du  quart  des  cas,  consécutive 
à  cette  altération  ;  elle  occupe  alors  de  préférence  l’hémisphère  cérébral 
droit.  11  existerait,  d’après  Toynbee,  une  relation  entre  le  siège  de  l’alté¬ 
ration  osseuse  et  celui  de  l’encéphalite;  dans  les  phlegmasies  du  conduit 
auditif  externe,  l’encéphalite  occuperait  surtout  le  cervelet;  dans  celles 
du  tympan,  le  cerveau  ;  dans  celles  du  labyrinthe,  la  moelle  allongée.  11 
est  possible  que  ce  rapport  existe  réellement  dans  la  plupart  des  cas,  mais 
certainement  il  n’est  pas  constant,  car  on  a  publié  plusieurs  faits  bien 
observés  dans  lesquels  il  n’existait  pas.  Les  affections  de  l’orbite  et  des 
fosses  nasales  amènent  quelquefois  l’encéphalite  sans  qu’on  puisse  s’ex¬ 
pliquer  d’une  manière  satisfaisante  cette  propagation  à  distance  de  l’in¬ 
flammation. 

Dans  la  méningite,  surtout  dans  celle  qui  est  liée  à  la  présence  de 
tubercules,  dans  la  paralysie  générale,  les  couches  superficielles  de  l’en¬ 
céphale  sont  constamment  altérées.  Bamberger  a  observé  l’encéphalite 
dans  le  typhus  ;  dans  la  syphilis,  elle  se  développe  autour  des  gommes. 
Cette  dernière  maladie  pourrait  même,  d’après  Jaksch  et  Ducheck,  pro¬ 
duire  directement  l’inflammation  de  l’encéphale;  pour  Virchow,  cette 
variété  d’encéphalite  syphilitique  n’est  pas  démontrée,  mais  il  tend  à  en 
admettre  la  réalité. 

Anatomie  pathologique.  —  On  sait  aujourd’hui ,  grâce  surtout  aux 
recherches  de  Hayem,  que  le  processus  inflammatoire  ne  présente  pas 
dans  le  tissu  nerveux  d’autres  caractères  que  dans  les  autres  tissus.  Là, 
comme  dans  toutes  les  parties  vasculaires,  la  prolifération  des  éléments 
cellulaires,  l’hypérémie  et  la  formation  d’un  exsudât,  en  constituent  les 
éléments  essentiels.  Il  peut  se  terminer,  soit  par  la  production  d’un  tissu 
analogue  au  tissu  enflammé  {encéphalite  subaiguë,  hyper  plastique,  encé¬ 
phalite  chronique,  sclérose)  ,  soit  par  suppuration  {encéphalite  suppu¬ 
rative),  probablement  aussi  par  résolution,  et  peut-être  par  nécrose,  bien 
qu’aucun  fait  ne  soit  jusqu’ici  venu  le  démontrer. 

L’encéphalite  hyperplastique  peut  se  présenter  sous  des  formes  très- 


134  ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 

diverses  ;  elle  est  diffuse  ou  circonscrite  :  diffuse,  elle  peut  intéresser  la 
presque  totalité  de  l’encéphale,  telle  est  l’encéphalite  des  nouveau-nés; 
souvent  elle  est  liée  à  une  inflammation  des  méninges  (paralysie  gé¬ 
nérale,  méningite  aiguë  et  tuberculeuse);  circonscrite,  elle  est  habituelle¬ 
ment  consécutive ,  elle  résulte  de  l’irritation  produite  par  la  présence 
dans  l’encéphale  d’une  tumeur  ou  d’un  foyer  ;  cependant  Hayem  a 
établi  l’existence  d’une  encéphalite  subaiguë  primitive.  Parmi  ces  di¬ 
verses  variétés  d’encéphalite  subaiguë,  cette  dernière  et  l’encéphalite 
des  nouveau-nés,  nous  occuperont  seules  ici.  Les  autres  seront  décrites 
avec  l’affection  dont  elles  dépendent.  {Voy.  Paralysie  générale  ,  Mé¬ 
ningites,  Encéphale  (Tumeurs  de  P),  etc.) 

L’encéphalite  congénitale  est  caractérisée  par  une  hypérémie  souvent 
considérable ,  et  par  la  multiplication  et  l’augmentation  de  volume  des 
éléments  de  la  névroglie;  au  bout  de  peu  de  temps,  ces  éléments  se 
chargent  de  granulations  graisseuses  et  se  présentent  alors  sous  forme 
de  corps  granuleux.  Les  lésions  occupent  surtout  la  substance  blanche  ; 
elles  lui  donnent  une  couleur  violacée,  couleur  qui  forme  un  contraste 
frappant  avec  la  coloration  pâle,  presque  blanchâtre  de  la  substance 
grise;  l’hypérémie  porte  sur  les  veines  aussi  bien  que  sur  les  artères. 
Quelquefois  les  corps  granuleux  se  groupent  en  petites  masses  et  forment 
alors  des  taches  jaunâtres,  opaques,  qui  peuvent  atteindre  jusqu’à  1/2  mil¬ 
limètre  de  diamètre,  et  se  voient,  par  conséquent,  facilement  à  l’œil  nu. 
Quand  la  lésion  est  très-avancée,  les  éléments  nerveux  s’altèrent  à  leur 
tour,  le  tissu  de  l’encéphale  se  ramollit,  et,  sans  la  présence  des  corps 
granuleux,  on  pourrait  croire  à  une  altération  cadavérique  ;  la  multiplica¬ 
tion  des  éléments  nucléaires  sépare  nettement  cette  forme  d’encéphalite 
de  la  simple  atrophie  graisseuse,  décrite  par  Parrot  sous  le  nom  de  stéa¬ 
tose  de  l’encéphale. 

L’encéphalite  hyperplastique  circonscrite  et  primitive  a  été  très-rare¬ 
ment  observée  ;  Hayem  n’en  a  pu  réunir  que  trois  faits,  dont  l’un  lui  est 
personnel;  l’un  de  nous  en  a  dernièrement  observé  un  quatrième  qui  pré¬ 
sentait  une  remarquable  analogie  avec  celui  de  Hayem.  Dans  tous,  le  foyer 
était  étendu,  les  parties  altérées  faisaient  légèrement  saillie  à  la  surface  de 
l’encéphale;  elles  présentaient  une  coloration  toute  spéciale  se  rapprochant 
de  la  teinte  lie  de  vin,  et  assez  caractéristique  pour  faire  soupçonner 
au  premier  coup  d’œil  la  nature  de  la  lésion.  La  pie-mère  était  saine;  elle 
n’adhérait  pas  aux  parties  malades,  la  consistance  du  tissu  était  plus  ou 
moins  diminuée,  son  aspect  rappelait  celui  d’une  gelée;  dans  notre  fait, 
il  était  creusé  de  lacunes;  quelques-unes  atteignaient  les  dimensions  d’un 
petit  pois.  Au  microscope,  ce  qui  tout  d’abord  frappait,  c’était  la  présence, 
dans  toutes  les  préparations,  d’une  quantité  considérable  de  noyaux, 
différents  des  leucocytes,  semblables  aux  éléments  nucléaires  de  la  né¬ 
vroglie;  un  certain  nombre  étaient  entourés  de  corps  cellulaires;  certaines 
cellules  renfermaient  plusieurs  noyaux,  jusqu’à  douze  et  même  quinze; 
leur  aspect  rappelait  celui  des  éléments  à  noyaux  multiples  que  Robin  a 
décrits  sous  te  nom  de  myéloplaxes.  Quelques  noyaux  étaient  étranglés 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 


135 


à  leur  partie  moyenne  ;  d’autres  étaient  soudés  deux  à  deux,  disposition 
qui  semblait  indiquer  un  travail  actif  de  prolifération.  Dans  notre  fait, 
ces  éléments  étaient  entourés  d’un  réticulum  dont  les  tractus  déliés 
étaient  devenus  surtout  apparents  après  l’action  de  l’acide  chromique. 
On  voyait  en  outre  un  certain  nombre  de  corps  granuleux.  Les  élé¬ 
ments  nerveux  avaient  généralement  subi  peu  d’altérations;  les  cellules 
semblaient  intactes,  les  tubes  étaient  conservés,  quelques-uns  avaient 
perdu  leur  gaine  de  myéline  ;  les  vaisseaux  étaient  remplis  de  sang.  Dans 
deux  cas,  le  nombre  des  capillaires  a  paru  augmenté.  L’intégrité  rela¬ 
tive  des  éléments  nerveux,  et  l’hyperplasie  nucléaire,  ne  permettent  pas 
de  confondre  cette  forme  d’encéphalite  avec  le  ramollissement  nécro- 
sique.  On  ne  sait  rien  des  transformations  que  les  parties  altérées  peu¬ 
vent  subir  ultérieurement. 

La  suppuration  de  l’encéphale  peut  se  présenter  sous  les  trois  formes 
suivantes  :  1“  infiltration  purulente;  2“  abcès  avec  infiltration  purulente 
des  parties  voisines;  5“  abcès  enkysté. 

Nous  insisterons  peu  sur  la  période  qui  précède  la  formation 
du  pus;  on  n’a  eu  que  rarement  l’occasion  de  l’observer  chez  l’homme 
et  on  a  du  recourir,  pour  l’étudier,  à  l’expérimentation.  Sous  l’in¬ 
fluence  d’un  agent  irritant ,  les  cellules  de  la  névroglie  se  tumé¬ 
fient,  leurs  noyaux  se  multiplient  ainsi  que  ceux  des  parois  vascu¬ 
laires  ;  plus  tardj  la  substance  intercellulaire  infiltrée  par  l’exsudât,  se 
liquéfierait  et  les  éléments  nucléaires,  devenus  libres,  formeraient  les 
globules  du  pus.  Nous  devons  dire  que  les  expériences  de  Cohnheim  ont 
remis  tout  en  question  sur  ce  point  comme  sur  tout  ce  qui  touche  à  la 
pyogénie. 

Les  abcès  du  cerveau  siègent  le  plus  souvent  dans  la  substance  blanche  ; 
c’est  surtout  dans  les  hémisphères  cérébraux  qu’on  les  rencontre  ;  ils  ne 
sont  pas  très-rares  dans  le  cervelet,  on  en  a  observé  dans  le  corps  pitui¬ 
taire,  dans  le  bulbe;  leur  volume  varie  dans  des  limites  étendues;  les  abcès 
pyémiques  ne  sont  pas  habituellement  plus  gros  qu’une  tête  d’épingle,  et 
par  contre,  on  voit  des  collections  purulentes  occuper  tout  un  lobe,  tout 
un  hémisphère,  tout  le  cervelet  ;  les  abcès  peuvent  être  multiples  ;  en  gé¬ 
néral,  leur  nombre  varie  en  raison  inverse  de  leur  volume. 

Tant  qu’il  ne  s’est  pas  formé  de  membrane  kystique,  la  cavité  est  irré¬ 
gulière,  anfractueuse,  mal  limitée;  le  tissu  qui  l’entoure  est  ramolli;  les 
vaisseaux  sont  injectés  et  dilatés ,  le  pus  s’accumule  le  long  de  leurs 
parois;  dans  ces  conditions,  l’abcès  s’agrandit  facilement;  il  peut  s’ou¬ 
vrir  dans  les  ventricules  ou  atteindre  la  surface  de  l’encéphale  et  amener 
le  développement  d’une  méningite,  tantôt  circonscrite,  tantôt  généralisée  ; 
on  voit  même  quelquefois  les  parois  crâniennes  s’enflammer,  s’ulcérer, 
se  perforer  au  niveau  de  l’abcès  et  le  pus  se  faire  jour  sous  les  téguments 
du  crâne  ou  s’écouler  dans  les  cavités  de  l’oreille. 

On  ne  trouve  guère  la  cavité  limitée  par  une  membrane  isolable  avant 
la  quatrième  semaine  et  cette  membrane  n’acquiert  un  certain  degré  de 
consistance  qu’au  bout  de  deux  mois  environ  (Schott)  ;  elle  est  lisse  à  sa 


156  ENCÉPHALE.  —  nNcÉPHALiiB. 

face  interne  quand  l’abcès  est  récent;  plus  tard,  le  pus  peut  se  résorber 
en  partie  ;  alors  la  membrane  se  rétracte,  sa  surface  se  ride  et  devient 
inégale;  en  dehors,  elle  se  continue  insensiblement  avec  la  substance  ner¬ 
veuse;  des  prolongements  plus  ou  moins  nombreux  s’en  détachent  et 
cloisonnent  le  tissu  périphérique.  Elle  renferme  des  cellules  conjonctives 
fusiformes,  disposées  parallèlement  à  la  surface  ;  beaucoup  contiennent 
des  granulations  graisseuses.  Le  pus  est  ordinairement  filant,  d’un  jaune 
verdâtre;  sa  réaction  est  acide  ;  il  peut  contenir  du  sang,  des  fragments  de 
substance  nerveuse;  il  est  sans  odeur,  et  ne  s’altère  pas,  si  ce  n’est  dans 
les  cas  où  l’abcès  s’ouvre  au  dehors,  le  pus  subit  alors,  au  contact  de  l’air, 
la  décomposition  putride  et  prend  une  odeur  fétide;  les  abcès  enkystés  sont 
susceptibles  de  s’accroître;  ils  peuvent  alors  se  faire  jour  dans  les  ventri¬ 
cules,  dansles  fosses  nasales,  dans  l’orbite,  dans  les  cavités  de  l’oreille.  Quand 
l’abcès  devient  ancien,  le  pus  subit  souvent  la  métamorphose  caséeuse  ; 
il  peut  même  s’incruster  de  sels  calcaires,  ainsi  que  Gull  l’a  observé. 

Symptômes.  —  Nous  n’avons  pas  à  décrire  ici  les  troubles  fonctionnels 
que  provoque  la  phlegmasié  de  l’encéphale  dans  la  méningite,  dans  la  pa¬ 
ralysie  générale,  etc.;  la  symptomatologie  de  l’encéphalite  congénitale 
n’est  pas  faite,  enfin  les  observations  d’encéphalite  hyperplastique  primitive 
sont  trop  peu  nombreuses  pour  qu’on  puisse  écrire  Thistoire  clinique  de 
cette  affection.  L’observation  deHayem  renferme,  à  ce  point  de  vue,  des 
détails  intéressants,  on  y  voit  que  le  début  a  été  apoplectique,  que  le 
malade  a  été  frappé  d’hémiplégie,  que  les  troubles  intellectuels  ont  été 
prédominants  ;  mais  c’est  là  un  fait  isolé,  les  éléments  d’une  description 
générale  font  défaut ,  il  faut  attendre  de  nouvelles  observations  :  nous 
aurons  donc  exclusivement  en  vue  l’encéphalite  aiguë  suppurative. 

Le  tableau  symptomatique  peut  offrir  de  grandes  variétés;  en  effet,  la 
pblegmasie  n’anéantit  pas  tout  d’abord  la  vitalité  des  parties  qu’elle  at¬ 
teint  ;  au  contraire,  l’activité  des  éléments  nerveux  est  d’abord  exaltée  ;  il 
en  résulte  que  l’on  voit  se  produire  successivement,  ou  même  simultané¬ 
ment,  si  la  pblegmasie  existe  à  différents  degrés  de  développement  dans 
diverses  parties  de  l’encéphale,  des  phénomènes  d’excitation  et  de  dépres¬ 
sion.  D’autre  part,  la  présence  du  foyer  inflammatoire,  ou  les  mêmes 
causes  qui  ont  amené  le  développement  de  la  pblegmasie,  déterminent 
dans  les  parties  voisines  du  foyer  ou  dans  d’autres  régions  de  l’encéphale, 
de  l’œdème  ou  de  la  congestion;  un  épanchement  séreux  plus  ou  moins 
abondant  se  fait  dans  les  ventricules;  ces  différents  états  morbides  donnent 
lieu  à  de  nouveaux  symptômes  qui  viennent  s’ajouter  à  ceux  de  la  lésion 
principale;  enfin  les  troubles  fonctionnels  varient  avec  le  siège  de  la 
lésion,  et  par  suite  se  modifient  à  mesure  que  le  foyer  inflammatoire  ou 
l’abcès  s’étend  à  de  nouvelles  régions;  on  comprend  par  là  la  diversité 
des  formes  cliniques  sous  lesquelles  l’encéphalite  se  présente  à  l’observa¬ 
tion,  diversité  telle  qu’on  ne  saurait  les  embrasser  toutes  dans  une  même 
description. 

Une  période  prodromique  précède  habituellement  le  début  de  l’encé¬ 
phalite  ;  elle  peut  manquer  cependant  ;  elle  est  généralement  l’ex- 


137 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 
pression  des  phénomènes  congestifs,  le  malade  éprouve  une  céphalalgie 
opiniâtre,  des  vertiges,  des  éblouissements,  quelquefois  de  l’embarras  de 
la  parole;  fréquemment  les  pupilles  sont  inégales  ;  la  face  présente  des 
alternatives  d’injection  et  de  pâleur,  parfois  des  mouvements  convulsifs 
partiels  se  produisent  passagèrement  dans  les  membres,  à  la  face,  dans 
les  muscles  de  l’œil;  d’autres  fois  ce  sont  des  contractures, du  strabisme; 
il  peut  se  produire  également  des  troubles  de  la  sensibilité;  les  malades 
éprouvent  une  sensation  de  fourmillement,  d’engourdissement  dans  une 
moitié  du  corps. 

Le  début  peut  être  graduel;  les  troubles  que  nous  venons  d’énumérer 
s’aggravent  de  plus  en  plus,  la  maladie  se  confirme  peu  à  peu.  D’autres 
fois,  le  phénomène  initial  est  une  attaque  apoplectique,  convulsive  ou 
délirante  ;  ce  mode  de  début  est  exceptionnel  ;  ordinairement  la  perte 
de  connaissance  n’est  pas  absolue;  le  malade  reste  sensible  aux  fortes 
excitations;  la  résolution  est  incomplète;  les  membres  ne  retombent 
pas  absolument  inertes;  ils  présentent  un  certain  degré  de  contracture; 
ce  dernier  symptôme  se  caractérise  bientôt  davantage,  il  est  des  plus 
fréquents  dans  l’encépbalite  ;  tantôt  la  rigidité  est  hémiplégique,  tantôt 
elle  est  limitée  à  certains  groupes  de  muscles  ;  plus  rarement ,  elle 
est  bilatérale  ;  quand  elle  occupe  la  face,  les  traits  se  dévient  du  côté 
affecté,  de  sorte  qu’un  observateur  inattentif  pourrait  croire  à  une  pa¬ 
ralysie  faciale  du  côté  opposé.  Les  contractures  peuvent  se  produire 
d’emblée,  sans  qu’il  y  ait  eu  d’attaque  apoplectique;  d’autres  fois, 
la  maladie  débute  par  des  convulsions  épileptiformes  ;  on  peut  affirmer 
alors  que  directement  ou  indirectement  le  bulbe  est  intéressé.  Les  con¬ 
vulsions  peuvent  affecter  d’autres  formes  ;  quelquefois  ce  sont  des  mou¬ 
vements  rhythmiques,  choréiformes,  limités  à  une  moitié  du  corps  ;  la  pa¬ 
ralysie  est  rarement  un  phénomène  de  début;  comme  la  contracture  elle 
peut  être  bilatérale. 

Les  troubles  intellectuels  ne  sont  pas  constants;  tantôt  ils  consistent  sim¬ 
plement  dans  une  légère  excitation  ;  d’autres  fois,  comme  nous  l’avons  in¬ 
diqué,  une  attaque  de  délire  aigu  ouvre  la  scène  ;  le  malade  prononce  des 
paroles  incohérentes,  il  est  en  proie  à  des  hallucinations  de  l’ou’ie  et  delà 
vue,  il  se  débat  avec  violence  contre  ceux  qui  l’entourent;  d’autres  fois  en¬ 
fin,  on  observe  un  certain  degré  d’amnésie  verbale.  Les  troubles  de  la  sen¬ 
sibilité  peuvent  manquer  ;  souvent,  au  contraire,  la  céphalalgie  est  le  sym¬ 
ptôme  dominant.  Elle  peut  atteindre  un  degré  extrême  d’acuité;  elle  est 
alors  localisée  dans  une  partie  limitée  du  crâne  et  acquiert  une  certaine 
valeur  diagnostique.  Les  douleurs  dans  les  membres  sont  rarement  bien 
accusées;  on  a  quelquefois  noté  de  l’hypéresthésie  dans  une  moitié  du 
corps  ;  plus  fréquemment,  il  existe  de  l’anesthésie. 

L’encéphalite  est  une  maladie  fébrile;  l’élévation  de  la  température  est 
constante  au  début;  rarement  elle  atteint  des  limites  extrêmes;  nous  ne 
l’avons  pas  vu  dépasser  39°, 5.  Le  pouls  est  fréquent,  quelquefois  inégal 
et  irrégulier;  le  malade  vomit;  il  est  constipé;  il  y  a  de  la  rétention 
d’urine,  sans  doute  par  contracture  du  sphincter. 


138  ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 

Ces  phénomènes  d’excitation  ne  persistent  pas  en  général  plus  d’un 
septénaire  ;  dès  le  quatrième  jour  quelquefois  ils  font  place  aux  sym¬ 
ptômes  de  dépression;  le  délire  se  calme,  l’agitation  cesse;  le  malade 
tombe  dans  la  stupeur  j  des  paralysies  succèdent  aux  contractures,  l’in¬ 
continence  d’urine  à  la  rétention  ;  les  forces  s’abaissent  rapidement  ;  les 
traits  s’altèrent,  et  bientôt  le  malade  succombe  au  milieu  de  phénomènes 
comateux. 

La  maladie  ne  présente  rien  de  fixe  dans  sa  marche;  elle  peut  se  ter¬ 
miner  brusquement,  dès  la  première  période,  par  suite  d’une  syncope 
ou  de  phénomènes  asphyxiques.  D’autres  fois,  une  période  de  rémission 
succède  à  l’excitation  initiale  ;  c’est  ce  qui  se  passe  quand  le  foyer  siège 
dans  une  partie  de  l’encéphale  dont  la  lésion  ne  donne  lieu  à  aucun  dé¬ 
sordre  appréciable;  les  phénomènes  d’excitation  ne  sont  dus  qu’aux  mo¬ 
difications  secondaires  que  la  phlegmasie  provoque  dans  les  autres  parties 
de  l’encéphale;  mais  bientôt  la  réaction  se  calme,  la  lésion  locale  subsiste 
seule;  les  symptômes  peuvent  faire  complètement  défaut  dans  cette 
période  ;  généralement  pourtant  le  malade  se  plaint  d’une  céphalalgie 
sourde,  mais  persistante;  l’intelligence  est  légèrement  obtuse;  le  ma¬ 
lade  répond  lentement  aux  questions  qu’on  lui  adresse;  il  est  apa¬ 
thique,  triste;  il  tombe  souvent  dans  la  somnolence.  D’autres  fois,  la 
persistance  de  phénomènes  paralytiques  indique  d’une  façon  plus  posi¬ 
tive  l’existence  d’une  lésion  permanente  de  l’encéphale.  Ce  n’est  qu’a- 
près  un  laps  de  temps  tout  à  fait  indéterminé,  quelquefois  au  bout  de 
plusieurs  mois,  qu’il  se  produit  de  nouveaux  accidents.  Les  périodes  de 
rémission  et  d’aggravation  peuvent  à  plusieurs  reprises  se  produire  alter¬ 
nativement.  La  mort  peut  être  provoquée  par  une  attaque  apoplectique; 
d’autres  fois,  les  forces  du  malade  s’abaissent,  il  maigrit  rapidement; 
des  eschares  se  forment  à  la  région  sacrée  ;  les  réservoirs  se  paralysent,  la 
langue  se  sèche  et  la  mort  survientau  milieu  de  phénomènes  adynamiques. 

Dans  l’encéphalite,  qui  succède  aux  lésions  traumatiques  du  crâne  ou 
aux  altérations  des  parois  osseuses,  la  formation  du  pus  peut  se  faire 
lentement,  sourdement,  sans  donner  lieu  à  aucun  phénomène  de  réaction 
ou  d’excitation  ;  ce  n’est  qu’au  moment  où  l’abcès,  en  se  développant, 
vient  à  intéresser  une  partie  de  l’encéphale  dont  la  lésion  donne  lieu  à 
des  troubles  fonctionnels,  ou  à  s’ouvrir  dans  les  ventricules,  que  les  acci¬ 
dents  surviennent  :  dans  le  premier  cas,  ce  sont  surtout  des  phénomènes 
paralytiques  dont  la  distribution  varie  selon  la  partie  altérée  ;  l’irruption 
dans  les  ventricules  s’annonce  par  une  violente  attaque  convulsive, 
quelquefois  épileptiforme,  à  laquelle  succède  un  état  comateux.  La  mort 
peut  être  subite;  ordinairement,  elle  ne  survient  qu’après  plusieurs 
attaques. 

Diagnostic.  —  La  diversité  des  symptômes  auxquels  donne  lieu  l’en¬ 
céphalite  ne  permet  pas  d’en  donner,  d’une  manière  générale,  les  signes 
diagnostiques.  On  doit  examiner  séparément,  à  ce  point  de  vue,  les  prin¬ 
cipales  formes  sous  lesquelles  la  maladie  peut  se  présenter. 

Les  phénomènes  apoplectiques  et  les  symptômes  de  foyer  peuvent  faire 


159 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 
confondre  l’encéphalite  avec  le  ramollissement  nécrobiotique  et  l’hémor¬ 
rhagie  cérébrale;  ce  n’est  qu’en  étudiant  avec  attention  la  marche  des 
accidents  que  l’on  peut  porter  un  diagnostic.  Dans  l’encéphalite,  les  pro¬ 
dromes  manquent  rarement ,  il  sont  généralement  l’indice  non  douteux 
d’un  état  congestif  de  l’encéphale:  ces  symptômes  sont  exceptionnels 
dans  le  ramollissement  et  l’hémorrhagie  ;  dans  la  phlegmasie,  la  tem¬ 
pérature  s’élève,  non  pas  seulement  à  la  fin  du  premier  septénaire,  mais 
dès  le  début  de  l’affection  ;  nous  avons  vu  au  contraire  dans  l’apoplexie 
par  obstruction  ou  par  rupture  vasculaire ,  la  température  tomber  au- 
dessous  du  chiffre  normal.  Les  contractures  sont  beaucoup  plus  fré¬ 
quentes  dans  l’encéphalite;  elles  peuvent  affecter  les  deux  côtés  du 
corps  ;  elles  persistent  plusieurs  jours,  quelquefois  plus  longtemps.  Les 
accidents  au  lieu  de  s’amender  peu  à  peu,  comme  il  arrive  d’habitude 
dans  l’hémorrhagie  et  le  ramollissement,  s’aggravent  progressivement. 
Enfin,  l’attaque  est  souvent  incomplète  dans  l’encéphalite;  nombre  de 
malades  ne  perdent  pas  connaissance. 

La  méningite  a  de  nombreux  traits  de  ressemblance  avec  l’encéphalite, 
et  il  doit  en  être  ainsi,  puisque  la  méningite  coïncide  presque  constam¬ 
ment  avec  une  inflammation  superficielle  de's  circonvolutions;  on  ne 
confondra  pas  pourtant  une  méningite  généralisée  avec  une  encéphalite 
circonscrite  ;  la  méningite  se  reconnaît  à  l’élévation  plus  considérable  de 
la  température,  à  l’acuïté  des  phénomènes  d’excitation  cérébrale,  à  l’in¬ 
tensité  de  la  céphalalgie,  à  la  mobilité  et  au  peu  de  durée  des  contrac¬ 
tures,  à  la  persistance  des  vomissements. 

Quand  l’excitation  initiale  s’est  calmée,  que  l’abcès  est  enkysté,  qu’il 
ne  donne  plus  lieu  qu’aux  signes  d’une  lésion  circonscrite  de  l’encéphale, 
on  peut  facilement  être  induit  en  erreur  et  croire  à  une  tumeur  céré¬ 
brale,  ou  à  un  foyer  nécrobiotique.  Le  début  apoplectique  n’est  pas  un 
signe  différentiel  d’une  grande  valeur,  car  il  n’est  pas  très-rare  que  les 
tumeurs  cérébrales  donnent  lieu  à  des  attaques  apoplectiques  ;  l’aggra¬ 
vation  progressive  des  accidents  sépare  l'abcès  de  la  nécrobiose,  mais 
non  de  la  tumeur.  Les  attaques  convulsives  s’observent  également  dans 
l’une  et  l’autre  affection.  C’est  par  les  antécédents  du  malade,  par 
l’étude  des  circonstances  qui  ont  précédé  l’apparition  des  accidents  que 
l’on  arrivera  surtout  au  diagnostic.  Si  le  malade  est  atteint  d’une  otite, 
d’un  phlegmon  de  l’orbite,  de  carie  des  os  du  crâne,  on  pensera  plutôt 
à  un  abcès  ;  l’existence  d’un  traumatisme  remontant  à  quelques  semaines 
ou  même  à  quelques  mois  avant  le  début  de  la  maladie,  établit  de  même 
une  présomption  en  faveur  de  l’abcès. 

Enfin  la  marche  des  accidents,  quand  les  différentes  phases  que  nous 
avons  indiquées  plus  haut  se  succèdent  régulièrement,  permet  d’établir 
le  diagnostic. 

Pronostic.  —  Nous  n’insisterons  pas  sur  la  gravité  extrême  de  l’encé¬ 
phalite  ;  elle  ressort  suffisamment  du  tableau  symptomatique  que  nous  en 
avons  tracé.  L’abcès  du  cerveau  est  toujours  mortel;  quand  à  l’encé¬ 
phalite  non  suppurée,  il  est  trop  difficile  d’en  poser  pendant  la  vie  le 


140  ENCÉPHALE.  —  encéphalite. 

diagnostic  d’une  manière  précise  pour  qu’on  puisse  considérer  comme 
authentiques  les  faits  de  guérison  qui  ont  été  publiés.  La  marche  in¬ 
sidieuse  qu’affectent  souvent  les  accidents  dans  l’encéphalite  trauma¬ 
tique  doivent  rendre  très-réservé  sur  le  pronostic.  Quand  on  voit  appa¬ 
raître,  à  la  suite  d’une  plaie  ou  d’une  contusion  violente  de  la  tête,  des 
phénomènes  cérébraux,  même  légers,  on  doit,  s’ils  persistent,  réserver 
le  pronostic,  car  on  peut  voir  survenir,  à  un  moment  donné,  les  acci¬ 
dents  formidables  qui  annoncent  l’ouverture  de  l’abcès  dans  les  cavités 
ventriculaires  ou  à  la  surface  de  l’encéphale. 

Traitement.  —  Il  ne  peut  être  que  palliatif;  pourtant,  au  début,  on 
doit  s’efforcer  d’enrayer  le  travail  inflammatoire,  ou,  tout  au  moins,  d’en 
empêcher  l’extension,  en  diminuant  la  fluxion  encéphalique.  On  aura  donc 
recours  aux  antiphlogistiques.  Suivant  l’état  des  forces ,  on  pratiquera 
la  saignée  générale,  ou  l’on  appliquera  soit  des  ventouses  scarifiées  à  la 
nuque,  soit  des  sangsues  derrière  les  oreilles;  si  l’état  général  le  permet, 
et  si  la  première  émission  sanguine  paraît  avoir  une  action  favorable,  on 
ne  craindra  pas  de  pratiquer  une  seconde  saignée  ;  en  même  temps  on 
agira  sur  l’intestin  par  les  drastiques,  tels  que  Teau-de-vie  allemande  ou 
la  poudre  de  scammonée;'des  sinapismes  seront  appliqués  sur  les  extré¬ 
mités  inférieures.  Quelquefois,  sous  l’influence  de  ces  moyens,  les  phé¬ 
nomènes  d’excitation  cérébrale  s’amendent,  la  fièvre  tombe,  les  con¬ 
tractures  disparaissent,  et,  si  l’on  était  sûr  du  diagnostic,  on  pourrait 
croire  que  l’on  a  prévenu  le  développement  d’une  encéphalite.  Ordinaire¬ 
ment,  toute  médication  échoue;  on  a  conseillé  l’application  des  vésica¬ 
toires  sur  le  cuir  chevelu  préalablement  rasé  :  c’est  un  moyen  douloureux 
dont  nous  n’avons  retiré,  pour  notre  part,  aucun  bénéfice. 

Si  le  malade  a  été  antérieurement  atteint  de  syphilis ,  il  faut  se  hâter 
d’employer  le  traitement  spécifique;  il  faut  donner  d’emblée  des  doses 
élevées  de  mercure,  èt  surtout  d’iodure  de  potassium,  car  l’essentiel,  en 
pareil  cas,  est  d’agir  promptement.  On  favorisera  l’action  de  cette  médi¬ 
cation  par  l’usage  des  révulsifs  cutanés  et  intestinaux.  Malheureusement 
on  ne  peut  guère  espérer  un  résultat  favorable,  car  il  est  reconnu  aujour¬ 
d’hui  que  l’encéphalite  d’origine  syphilitique  ne  le  cède  guère,  en  gravité, 
aux  autres  variétés. 

On  peut  agir  avec  plus  d’efficacité  sur  les  états  morbides  qui  prédispo¬ 
sent  à  l’encéphalite.  Dans  les  cas  de  traumatisme,  d’inflammation  auricu¬ 
laire,  les  émissions  sanguines,  le  calomel,  rendent  de  réels  services  si  on 
les  emploie  à  temps.  Les  troubles  cérébraux  les  plus  légers  doivent  être 
combattus  énergiquement;  s’il  y  a  du  pus  dans  la  cavité  de  l’oreille,  il 
faut  lui  donner  issu,  car  Toynbee  a  prouvé  que  la  rétention  du  pus  est  la 
cause  qui  amène  le  plus  souvent  la  propagation  de  l’inflammation  dans 
l’intérieur  du  crâne. 

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Encéphalite  chronique.  —  Sclérose  de  l’encéphale. — A  part 
les  phlegmasies  secondaires  que  provoquent,  dans  le  tissu  qui  les  entoure, 
les  hémorrhagies,  les  ramollissements,  les  abcès  et  les  tumeurs  de  l’encé¬ 
phale  (uoy.  ces  mots),  la  sclérose  en  foyers  disséminés  est  la  seule  forme 
d’encéphalite  chronique  que  l’on  puisse  considérer  comme  bien  établie  et 
bien  connue.  Nous  devons  signaler  cependant  une  autre  variété  décrite 
par  Hayem,  sous  le  nom  d’encéphalite  chronique  primitive.  Plusieurs 
fois,  particulièrement  chez  des  individus  atteints  d’alcoolisme  chronique, 
cet  auteur  a  observé,  à  la  surface  des  circonvolutions,  des  plaques  jaunes 
assez  semblables  à  celles  que  constituent,  dans  leur  périodes  anciennes, 
certains  foyers  nécrobiotiques  ;  elles  adhéraient  intimement  à  la  pie-mère, 
leur  tissu  était  dense,  difficile  à  dilacérer;  l’examen  microscopique  a 
démontré  qu’elles  étaient  surtout  composées  d’une  trame  fibreuse  et  d’un 
grand  nombre  de  noyaux  arrondis  ou  allongés  ;  elles  renfermaient ,  en 
outre,  des  granulations  graisseuses,  des  corps  granuleux  en  petit  nombre 
et  du  pigment  hématique.  La  nature  inflammatoire  de  ces  lésions  ne 


14S 


ENCÉPHALE.  —  EKcÉPiiAUTE  chroniqde. 
nous  paraît  pas  douteuse;  l’intégrité  des  vaisseaux,  le  petit  nombre 
de  corps  granuleux  contenus  dans  les  plaques,  montrent  qu’il  ne  s’a¬ 
gissait  pas  d’infarctus  transformés.  Nous  nous  rallions  donc  volontiers 
à  l’opinion  de  Yulpian  et  Hayem,  qui  voient,  dans  ces  lésions,  des  encé¬ 
phalites  primitives;  elles  ne  présentent  d’ailleurs,  jusqu’ici,  d’intérêt 
qu’au  point  de  vue  de  l’anatomie  pathologique  pure,  car  on  ne  sait  rien 
ni  de  leurs  conditions  pathogéniques.,  ni  de  leur  histoire  clinique.  On  a 
encore  rattaché  à  l’encéphalite  chronique  diverses  altérations  qui  nous 
paraissent  susceptibles  d’être  interprétées  différemment.  Telles  sont  : 
1“  l’induration  diffuse  de  l’encéphale,  que  l’on  rencontrerait  quelquefois, 
d’après  Buhl,  à  la  suite  des  fièvres  graves.  L’examen  histologique  n’a 
pas  été  pratiqué,  et  rien  ne  prouve  que  ce  soit  là  une  altération  d’ori¬ 
gine  inflammatoire  ;  2“  la  forme  décrite  sous  le  nom  de  sclérose  lo- 
baire.  On  trouve  les  éléments  nerveux  atrophiés,  les  tubes  sont  réduits 
à  leur  cylindre-axe  et  à  leur  gaîne;  on  voit  dans  le  tissu  une  quantiié 
anormale  de  tissu  conjonctif.  On  peut  soutenir  qu’en  pareil  cas,  l’atro¬ 
phie  des  nerfs  est  le  phénomène  primitif,  que  l’induration  du  tissu  est 
due  surtout  à  la  persistance  des  gaines  et  que  l’épaississement  du  tissu 
interstitiel  ne  se  produit  que  secondairement;'  enfin,  3°  dans  d’autres 
faits  rapportés  à  l’encéphalite,  le  tissu  morbide  formait  une  tumeur  plus 
ou  moins  saillante  à  la  surface  de  l’encéphale,  et,  par  conséquent,  il 
semble  qu’il  ne  s’agissait  pas  d’une  simple  phlegmasie. 

En  somme,  il  est  probable  que  le  cadre  de  l’encéphalite  chronique  est 
destiné  à  s’agrandir;  il  doit  exister  des  formes  chroniques  répondant  aux 
lésions  subaiguës  que  nous  avons  décrites,  mais  jusqu’ici  les  faits  ne  sont 
ni  assez  nombreux,  ni  assez  démonstratifs,  pour  qu’on  puisse  admettre 
de  nouvelles  variétés.  La  sclérose  en  foyer  diffus  fera  seule  l’objet  de  notre 
description. 

On  entend  par  sclérose  un  processus  qui,  débutant  par  la  prolifération 
des  éléments  interstitiels  d’un  organe,  amène  consécutivement  l’atrophie 
de  ses  éléments  propres.  Cette  expression  a  été  ainsi  détournée  de  sa 
signification  primitive  ;  elle  n’implique  plus  nécessairement  l’idée  d’indu¬ 
ration,  car,  dans  les  premières  périodes  du  travail  morbide,  la  consistance 
des  parties  peut  être  diminuée;  elle  n’augmente  que  plus  tard,  quand  le 
tissu  de  nouvelle  formation  s’est  rétracté ,  et  que  les  éléments  propres  du 
parenchyme  ont  disparu.  La  sclérose  de  l’encéphale  coïncide  fréquemment 
avec  celle  de  la  moelle  ;  pourtant  elle  peut  exister  isolément.  Quand  la 
moelle  est  intéressée,  il  y  a  généralement  prédominance  des  lésions  dans 
l’un  des  deux  organes  ;  de  sorte  que  l’on  peut  admettre  une  sclérose 
encéphalique  avec  noyaux  spinaux,  et  une  sclérose  spinale  avec  noyaux 
cérébraux. 

Genèse  et  étiologie.  — Les  causes  de  la  sclérose  cérébrale  sont  obscures. 
Dans  quelques  observations ,  l’hérédité  semble  avoir  joué  un  rôle  ;  les 
ascendants  avaient  été  atteints  de  maladies  du  système  nerveux  central, 
telles  que  l’épilepsie,  l’hystérie,  la  paralysie  générale.  Dans  quelques  cas, 
l’action  du  froid  humide  paraît  avoir  favorisé  le  développement  de  la 


ENCÉPHALE.  -  ENCÉPHALITE  CHRONIQUE.  143 

maladie;  on  a  également  attribué  une  influence  pathogénique  à  l’abus 
des  liqueurs  alcooliques,  aux  excès  de  travail  intellectuel,  aux  émotions 
tristes,  à  la  grossesse.  La  maladie  semble  affecter  les  deux  sexes  dans 
une  proportion  à  peu  près  égale  ;  elle  appartient  surtout  à  l’âge  adulte. 
Deux  fois  seulement  on  l’a  observée  chez  des  sujets  qui  avaient  dépassé 
cinquante  ans. 

Anatomie  pathologique.  —  Habituellement  l’aspect  extérieur  de  l’encé¬ 
phale  n’est  pas  modifié;  quelquefois  les  sillons  sont  moins  profonds,  les 
circonvolutions  aplaties;  il  semble  que  l’encéphale  ait  augmenté  de  volume 
et  que  sa  surface  ait  été  comprimée  par  les  parois  crâniennes.  Les  noyaux 
scléreux  affectent  surtout  la  substance  blanche;  ils  sont  rares  dans  la 
substance  grise.  On  ne  les  rencontre  qu’exceptionnellement  à  la  surface 
des  circonvolutions  ;  dans  ce  cas  ils  peuvent  facilement  échapper  à  un 
examen  superficiel.  Leur  coloration  ambrée  se  confond  presque  avec  la 
teinte  grisâtre  des  circonvolutions;  en  les  regardant  attentivement  on 
voit  qu’ils  sont  plus  foncés;  on  les  reconnaît  à  leur  dureté.  Les  foyers 
scléreux  sont  également  rares  dans  les  noyaux  gris  des  corps  striés;  assez 
fréquemment  ils  occupent  les  parois  des  ventricules  latéraux,  le  centre 
ovale,  le  cervelet,  les  pédoncules  cérébraux,  la  protubérance.  Dans  le 
bulbe ,  les  noyaux  intéressent  surtout  les  pyramides ,  quelquefois  les 
olives. 

Le  nombre  des  noyaux  varie  beaucoup  ;  dans  un  fait  de  Hasse,  il  y  en 
avait  plus  de  deux  cents.  Leur  forme  est  irrégulièrement  ronde  ou  ovoïde; 
leurs  dimensions  varient  beaucoup;  quelques-uns  atteignent  de  5  à  4 
centimètres  dans  leur  plus  grand  diamètre;  leur  consistance  est  géné¬ 
ralement  ferme,  assez  semblable  à  celle  de  l’albumine  cuite.  Quelquefois 
l’induration  est  plus  marquée;  le  tissu  malade  résiste  à  la  coupe  et  crie 
sous  le  scalpel. 

Au  microscope,  on  voit  que  les  limites  du  foyer  ne  sont  pas  aussi  nettes 
que  l’examen  à  l’œil  nu  pourrait  le  faire  supposer;  si  l’on  examine  les 
parties  qui  entourent  le  foyer,  on  reconnaît  que  le  tissu  interstitiel  y  est 
plus  abondant  qu’à  l’état  normal,  qu’il  contient  un  plus  grand  nombre  de 
noyaux.  A  la  périphérie  de  la  plaque,  on  voit  un  réticulum  formé  par  des 
fibrilles  très-fines  qui  s’entre-croisent  sous  des  angles  divers  ;  au  milieu 
se  trouvent  de  nombreux  noyaux  ;  quelques-uns  sont  entourés  d’un  corps 
cellulaire  d’où  partent,  en  nombre  variable,  des  prolongements  qui  sem¬ 
blent  quelquefois  se  continuer  avec  les  fibrilles  du  réticulum  ;  les  tubes 
nerveux  sont  en  partie  atrophiés  ;  enfin,  le  centre  de  la  plaque  est  formé 
par  des  fibrilles  serrées,  un  petit  nombre  de  noyaux,  des  corps  gra¬ 
nuleux,  des  granulations  pigmentaires  et  des  cylindres-axes  qui  repré¬ 
sentent  des  tubes  nerveux  dépouillés  de  leurs  gaines  médullaires;  les 
parois  des  vaisseaux  ont  subi  un  épaississement  considérable,  les  cor¬ 
puscules  conjonctifs  de  la  tunique  externe  sont  multipliés  ;  on  trouve 
dans  beaucoup  de  cas,  des  corps  amyloïdes  de  volume  divers.  D’après 
plusieurs  auteurs,  le  réticulum,  dont  nous  venons  de  parler,  serait  un 
produit  artificiel  ;  il  résulterait  de  l’action  des  réactifs;  les  noyaux  seraient 


144 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite  ciironiqde. 
plongés  dans  une  substance  amorphe  finement  granulée.  Cette  discus¬ 
sion  porte  aussi  bien  sur  l’état  normal  que  sur  l’état  pathologique. 
D’après  Henle,  qui  soutient  cette  opinion,  la  névroglie  n’est  pas  du  tissu 
conjonctif,  elle  s’en  sépare  nettement  par  ses  réactions  chimiques,  c’est 
un  tissu  spécial ,  formé  d’une  gangue  homogène  et  de  noyaux ,  le  réti¬ 
culum  n’existe  pas;  d’autre  part,  Schultze  et  Frommann  assurent  avoir 
constaté  l’existence  de  ce  réticulum  aussi  bien  à  l’état  normal  que 
dans  la  sclérose,  et  sans  le  secours  des  réactifs;  en  somme,  la  question 
est  à  l’étude.  On  ne  peut  nier  pourtant,  qu’au  point  de  vue  pathologique, 
la  névroglie  ne  se  comporte  exactement  de  la  même  manière  que  le  tissu 
connectif  dans  les  autres  organes.  Certaines  lésions  ont  été  plusieurs  fois 
observées  chez  des  individus  atteints  de  sclérose  diffuse  ;  ce  sont  surtout 
des  altérations  graisseuses  des  muscles,  des  reins  et  du  foie,  le  ramollis¬ 
sement  de  certains  os,  et  particulièrement  des  vertèbres. 

Symptômes.  —  Les  foyers  de  sclérose  ont  pour  effet  principal  de  para-  ’ 
lyser  peu  à  peu  les  fonctions  des  parties  dans  lesquelles  ils  se  dévelop¬ 
pent;  en  raison  de  leur  dissémination,  ils  donnent  lieu  à  des  troubles 
diffus  de  motilité  et  de  sensibilité  qui  indiquent  nécessairement  l’existence 
de  lésions  multiples.  De  temps  en  temps,  mais  non  dans  tous  les  cas,  la 
marche  chronique  de  la  maladie  est  troublée  par  une  exacerbation  subite 
des  phénomènes  morbides,  accompagnée  parfois  de  réaction  fébrile  ;  ces 
périodes  d’acuïté  correspondent  aux  poussées  congestives  qui  précèdent 
la  formation  d’un  nouveau  foyer  ou  que  les  foyers  existants  provoquent  à 
leur  périphérie. 

Le  début  est  le  plus  souvent  lent,  insidieux  ;  tantôt  les  symptômes  cé¬ 
phaliques  apparaissent  les  premiers,  le  malade  se  plaint  de  céphalalgie 
persistante,  de  vertiges,  d’étourdissements;  tantôt  il  se  produit  d’abord 
une  paralysie  limitée,  un  des  membres  inférieurs  s’affaiblit  graduellement; 
d’autres  fois  le  début  est  brusque;  le  malade  est  tout  à  coup  frappé  d’une 
hémiplégie  incomplète  avec  ou  sans  perte  de  connaissance  ;  on  pourrait 
croire  qu’il  s’est  fait  une  hémorrhagie  ou  une  oblitération  artérielle;  mais 
bientôt  l’extension  de  la  paralysie  à  d’autres  parties  du  corps,  l’apparition 
de  troubles  céphaliques  et  sensoriels,  montrent  qu’il  s’agit  de  lésions 
multiples  à  évolution  lente. 

Quand  la  maladie  est  confirmée,  on  observe  des  troubles  de  l’intelli¬ 
gence,  de  la  sensibilité  et  de  la  motilité.  Il  n’y  a  rien  de  fixe  dans 
l’époque  de  leur  apparition,  ni  dans  l’ordre  suivant  lequel  ils  se  suc¬ 
cèdent. 

Les  troubles  intellectuels  sont  presque  constants  ;  fréquemment  les  fa¬ 
cultés  intellectuelles  sont  amoindries,  la  mémoire  en  particulier  s’affaiblit. 
Certains  malades  ont  des  accès  de  mélancolie,  de  l’exaltation  religieuse, 
du  délire  ambitieux;  un  des  malades  de  Valentiner,  était  dans  un  état 
presque  continuel  de  stupeur.  Les  vertiges  sont  un  des  symptômes  les 
plus  constants,  nous  les  avons  notés  déjà  parmi  les  accidents  initiaux  ;  ils 
surviennent  fréquemment  quand  les  malades  sont  debout,  et  ils  contri¬ 
buent  à  empêcher  la  marche  ;  les  malades  les  éprouvent  également  dans 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite  CHfiONIQDE.  i45 

leur  lit,  quelquefois  les  règles  semblent  en  provoquer  le  retour.  Ces  acci¬ 
dents  sont  de  très-courte  durée;  si  le  malade  est  debout,  il  chancelle, 
cherche  un  appui;  il  lui  semble  qu’il  va  tomber;  au  bout  d’un  instant, 
l’étourdissement  est  passé.  Ces  accidents  ont  beaucoup  d’analogie  avec 
ceux  que  provoque  chez  les  vieillards  l’ischémie  cérébrale,  liée  à  l’alhé- 
rome  artériel. 

Dans  plusieurs  observations,  il  est  survenu  dans  le  cours  de  la  maladie 
des  attaques  apoplectiformes  ;  elles  ont  été  généralement  de  courte  durée 
et  n’ont  pas  laissé  après  elles  de  paralysies  persistantes,  mais  presque 
constamment  les  accidents  ont  subi  à  leur  suite  une  aggravation  momen¬ 
tanée. 

Les  organes  des  sens  peuvent  être  dans  un  état  complet  d’intégrité; 
nous  avons  vu. que  les  plaques  n’intéressaient  qu’exceptionnellement  les 
nerfs  crâniens.  Dans  une  observation  deVulpian  etLiouville  où  l’on  avait 
constaté  la  perte  de  l’odorat,  on  a  trouvé  à  l’autopsie  des  plaques  sclé¬ 
reuses  sur  les  nerfs  olfactifs.  La  vision  peut  être  affaiblie  ou  même  abolie; 
on  a  constaté  dans  ce  cas  une  atrophie  de  la  papille.  On  a  noté  une  fois 
la  paralysie  du  moteur  oculaire  externe,  caractérisée  par  un  strabisme 
interne  et  par  de  la  diplopie.  La  surdité,  les  bourdonnements  d’oreille, 
l’affaiblissement  du  goût  sont  tout  à  fait  exceptionnels. 

Beaucoup  de  malades  se  plaignent  de  céphalalgie;  elle  n’est  pas  con¬ 
stante;  elle  reparaît  à  intervalles  variables,  sous  forme  d’accès;  souvent  elle 
est  fixe  et  occupe  alors,  soit  la  région  occipitale,  soit  la  région  frontale 
Certains  malades  éprouvent  de  véritables  douleurs  fulgurantes,  au  pourtour 
de  l’orbite  ou  dans  le  fond  de  l’œil  ;  les  uns  les  comparent  à  des  coups 
d’aiguilles,  les  autres  à  des  coups  de  marteau;  des  douleurs  de  même  na¬ 
ture  se  font  parfois  sentir  dans  les  membres,  mais  ces  symptômes  dé¬ 
pendent  des  lésions  spinales,  nous  n’y  insisterons  pas  ;  nous  ne  ferons  de 
même  que  signaler  les  anesthésies  limitées  dont  on  constate  assez  souvent 
l’existence  quand  on  étudie  avec  soin  l’état  de  la  sensibilité. 

Les  troubles  de  la  motilité  sont  de  nature  diverse,  on  observe  des  para¬ 
lysies,  des  contractures,  des  convulsions,  du  tremblement.  Rien  de  plus 
variable  que  le  siège  des  paralysies  ;  elles  n’affectent  généralement,  ni  la 
forme  hémiplégique,  ni  la  forme  paraplégique.  L’affaiblissement  débute 
le  plus  souvent  lentement  ou  soudainement  par  l’un  des  membres  infé¬ 
rieurs,  puis  il  s’étend  à  l’autre  membre  pour  gagner  ainsi  successivement 
les  membres  supérieurs.  Il  peut  n’atteindre  que  certains  groupes  de 
muscles;  et  l’on  peut  alors,  par  un  examen  attentif,  constater  que  les 
muscles  atteints  sont  animés  par  le  même  nerf  ;  il  est  quelquefois  difficile 
de  reconnaître  quelle  est  la  cause  prochaine  de  la  paralysie  :  dans  les  cas 
où  la  contractilité  électrique  est  abolie,  on  peut  se  prononcer  à  coup 
sûr  en  faveur  de  l’origine  spinale,  mais  sa  persistance  n’indique  nulle¬ 
ment  avec  certitude  que  la  paralysie  dépende  d’une  lésion  cérébrale, 
car,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin  [voy.  ïnMEuas),  les  lésions  des 
tubes  nerveux  qui  relient  l’encéphale  aux  noyaux  d’origine  des  nerfs 
spinaux  donnent  lieu  aux  mêmes  symptômes  que  les  lésions  encéphali- 


146  ENCÉPHALE.  —  E^'CÉPHALITE  chronique. 

ques;  dans  les  cas  exceptionnels  où  la  paralysie  est  hémiplégique,  il  est 
probable  que  la  lésion  siège  dans  l’encéphale.  Les  phénomènes  paraly¬ 
tiques  peuvent  faire  complètement  défaut. 

Les  contractures  sont,  comme  les  paralysies,  asymétriques  et  irréguliè¬ 
rement  distribuées  ;  elles  sont  dues  à  la  présence  de  noyaux  scléreux  dans 
les  cordons  antéro-latéraux  de  la  moelle  ou  dans  certaines  parties  de  l’en¬ 
céphale,  le  bulbe,  la  protubérance,  les  pédoncules  cérébraux,  peut-être 
aussi  dans  les  parois  ventriculaires;  on  voit  que  ce  sont,  d’une  manière 
générale,  les  parties  dont  l’excitation  expérimentale  détermine  des  con¬ 
tractions  musculaires  ;  le  plus  souvent  la  contracture  semble  être  d’origine 
spinale  ;  elle  débute  par  un  des  membres  inférieurs,  puis  s’étend  succes¬ 
sivement  au  membre  opposé  et  aux  membres  supérieurs;'  les  membres 
contracturés  sont  tantôt  dans  l’extension,  tantôt  dans  la  flexion;  si  on 
essaye  de  les  ramener  dans  leur  attitude  normale,  on  éprouve  une  vive 
résistance  dont  on  ne  peut  triompher  sans  provoquer  de  violentes  dou¬ 
leurs. 

Les  mouvements  réflexes  peuvent  être,  suivant  la  distribution  des  lé¬ 
sions,  abolis,  exagérés  ou  normaux.  Il  survient  parfois  dans  les  membres 
contracturés,  des  contractions  toniques,  douloureuses;  d’autres  fois,  à  la 
suite  d’une  douleur,  il  se  produit  des  mouvements  cloniques  ;  le  membre 
est  brusquement  soulevé  au-dessus  du  plan  du  lit;  nous  ne  faisons  que 
mentionner  ces  symptômes  qui  sont  évidemment  d’origine  spinale,  et 
ne  se  produisent  d’ailleurs  qu’exceptionnellement  dans  la  sclérose  dif¬ 
fuse,  sans  doute,  lorsque  les  lésions  occupent  les  cordons  ou  les  ra¬ 
cines  postérieures.  Nous  ne  parlerons  pas  des  phénomènes  d’ataxie  qui 
sont  assez  marqués  dans  certains  cas,  surtout  dans  les  premières  périodes 
de  la  maladie.  Le  tremblement  est  un  des  symptômes  les  plus  fréquents; 
il  peut  revêtir  différentes  formes  :  chez  certains  sujets,  quand  on  porte 
l’extrémité  d’un  membre  dans  l’extension  forcée  et  qu’on  invite  le  ma¬ 
lade  à  résister,  il  se  produit  dans  cette  extrémité  une  série  de  mou¬ 
vements  alternatifs  rapides  et  énergiques  ;  ce  symptôme  se  rattache  sans 
doute  aux  lésions  spinales,  car  on  l’a  observé  dans  des  cas  où  les  si¬ 
gnes  de  sclérose  cérébrale  faisaient  défaut  ;  d’autres  fois  les  membres 
inférieurs  sont  agités  simultanément  ou  isolément,  quelquefois  d’une 
manière  continue,  par  des  secousses  très-rapides  et  peu  étendues;  ce 
tremblement  coïncide  avec  de  la  contracture,  et  des  convulsions  clo¬ 
niques;  Brown-Séquard  a  décrit  cet  ensemble  de  mouvements  anor¬ 
maux  sous  le  nom  d’épilepsie  spinale;  enfin,  dans  une  troisième 
forme,  qui  est  fréquente  et,  d’après  Charcot,  caractéristique  de  la 
sclérose  en  plaques,  le  tremblement  survient  surtout  pendant  les 
mouvements  volontaires.  Lorsque  le  malade  est  au  repos,  et  que  les 
membres  sont  appuyés  sur  le  lit,  il  ne  tremble  pas  ;  mais  s’il  veut 
porter  un  objet  à  sa  bouche ,  le  membre  qui  entre  en  action  décrit 
immédiatement  des  oscillations  répétées,  dontl’amplitude  et  la  brusquerie 
augmentent  à  mesure  que  la  main  s’approche  du  but  fixé  ;  il  en  est  de 
même  quand  le  malade  veut  prendre  un  objet;  s’il  essaye  de  marcher,  il 


ENCÉPHALE.  —  encéphalite  chronique.  147 

chancelle,  vacille,  perd  à  chaque  instant  l’équilibre;  non-seulement  les 
membres,  mais  le  tronc  et  la  tête  sont  le  siège  de  secousses  involontaires; 
quand  la  maladie  a  atteint  une  période  un  peu  avancée  de  son  évolution, 
la  marche  devient  impossible.  Ce  tremblement  se  produit  quelquefois, 
même  alors  que  le  malade  est  au  repos,  sous  l’influence  d’émotions  mo¬ 
rales  ou  de  fatigues  intellectuelles. 

La  physiologie  pathologique  de  ce  symptôme  n’est  pas  encore  faite  ; 
l’expérimentation  montre  bien  que  dans  certains  cas  il  est  dû  à  une  mo¬ 
dification  de  l’innervation  bulbaire  ;  Vulpian  a  enlevé  le  cerveau,  le  cer¬ 
velet  et  la  protubérance  à  des  animaux  chez  lesquels  il  avait  provoqué 
du  tremblement  "au  moyen  de  la  nicotine,  et  le  tremblement  persis¬ 
tait  ;  il  n’a  cessé  qu’au  moment  où  l’on  a  sectionné  le  bulbe.  Cette  ex¬ 
périence  ne  nous  semble  pas  démonstrative  en  ce  qui  concerne  le  trem: 
blement  de  la  sclérose  en  foyers  disséminés  ;  ce  symptôme  se  présente 
dans  cette  affection  sous  une  forme  toute  spéciale,  et  rien  ne  prouve 
qu’il  reconnaisse  alors  le  même  mécanisme  physiologique  que  dans 
l’empoisonnement  par  la  nicotine;  il  est  certain  pourtant  qu’il  n’est  pas 
dû  à  une  lésion  spinale,  car  il  fait  défaut  dans  les  cas  où  les  lésions  sont 
limitées  à  la  moelle. 

Nous  rapprocherons  du  tremblement  un  symptôme  qui  a  été  noté  dans 
quelques  observations,  le  nystagmus.  D’après  Gadaud,  qui  s’appuie  par¬ 
ticulièrement  sur  les  résultats  de  l’expérimentation,  il  serait  dû  aux  lésions 
de  la  partie  du  mésocéphale  qui  unit  le  bulbe  à  la  protubérance  ;  il  ré¬ 
sulterait,  comme  les  mouvements  de  rotation  et  de  manège,  de  con¬ 
vulsions  musculaires  produites  par  une  excitation  nerveuse,  excitation 
qui,  dans  ce  cas  particulier,  porterait  sur  les  centres  des  ■  mouvements 
associés  de  l’œil.  Cette  interprétation  n’est  applicable  qu’à  certaines 
formes  de  nystagmus;  dans  la  sclérose,  ce  symptôme  peut  s’expliquer 
simplement  par  une  légère  parésie  des  muscles  de  l’œil. 

Les  troubles  de  la  parole  existent  dans  la  plupart  des  cas;  ils  semblent 
porter  exclusivement  sur  l’articulation;  les  malades  parlent  lentement, 
chaque  mot  est  comme  scandé  et  séparé  du  précédent  par  une  légère  hé¬ 
sitation;  il  en  résulte  une  élocution  singulière,  toute  spéciale,  presque 
caractéristique.  A  une  période  plus  avancée,  ces  désordres  peuvent  s’ac¬ 
centuer  davantage  ;  l’articulation  devient  plus  imparfaite  ;  les  malades 
balbutient  et  ont  peine  à  se  faire  comprendre. 

Les  troubles  viscéraux  sont  assez  fréquents.  Dans  l’observation  de  Zen- 
ker,  de  violents  accès  de  gastralgie  avaient  précédé  l’apparition  des  phé¬ 
nomènes  paralytiques.  Dans  plusieurs  cas,  on  a  noté  des  vomissements 
réitérés  et  même  des  hématémèses  ;  l’incontinence  de  l’urine  et  des 
matières  fécales  peut  s’observer  à  une  période  peu  avancée  de  la 
maladie. 

Rien  de  plus  variable  que  la  marche  de  la  maladie  ;  elle  est  essentielle¬ 
ment  chronique.  Pourtant,  au  moment  des  poussées  congestives  que 
nous  avons  signalées,  la  céphalalgie  s’exaspère,  les  vertiges  se  repro¬ 
duisent  plus  fréquemment,  le  tremblement  devient  plus  intense,  quel- 


148  ENCÉPHALE.  —  encéphalite  chronique. 

quefois  le  pouls  s’accélère,  la  température  générale  s’élève  légèrement 
pendant  quelques  jours;  il  peut  survenir  une  attaque  apoplectiforme 
de  courte  durée. 

La  durée  de  la  maladie  n’a  rien  de  fixe  ;  certains  malades  ont  suc¬ 
combé  au  bout  de  peu  de  temps;  d’autres  ont  survécu  dix  ans.  La  mort 
est  amenée,  soit  par  les  progrès  de  l’affaiblissement  et  la  formation 
d’eschares  au  sacrum,  soit  par  asphyxie,  soit  par  une  maladie  inter¬ 
currente. 

Diagnostic.  —  On  peut  confondre  la  sclérose  encéphalique  avec  l’ataxie 
locomotrice,  la  paralysie  agitante  et  les  tumeurs  multiples  des  centres 
nerveux.  La  confusion  avec  l’ataxie  locomotrice  peut  d’autant  mieux  être 
commise  que,  dans  les  cas  où  les  cordons  postérieurs  sont  intéressés,  la 
sclérose  en  foyers  diffus  donne  lieu  à  des  phénomènes  ataxiques;  on  re¬ 
connaîtra  la  sclérose  diffuse  à  l’existence  de  troubles  fonctionnels  qui  ne 
peuvent  s’expliquer  par  la  lésion  isolée  des  cordons  postérieurs  et  qui 
indiquent  l’existence  d’altérations  multiples  et  disséminées;  tels  sont  les 
paralysies  et  les  anesthésies  limitées,  le  tremblement  spécial,  le  trouble' 
de  la  parole,  les  paralysies  sensorielles,  etc. 

Dans  les  cas  où  le  tremblement  est  très-prononcé,  on  pourrait  croire 
à  une  paralysie  agitante  ;  mais  dans  cette  dernière  maladie  qui,  jusqu’ici, 
a  été  incomplètement  étudiée  et  comprend  sans  doute,  réunies  sous  une 
même  dénomination,  plusieurs  affections  distinctes,  les  troubles  diffus  de 
la  motilité  et  de  la  sensibilité  n’existent  pas  ;  les  douleurs,  les  symptômes 
céphaliques  font  défaut  ;  le  tremblement  diffère  beaucoup  de  celui  de  la 
sclérose;  il  est  continu,  constitué  par  des  oscillations  régulières,  rhytli- 
miqiies;  il  diminue  généralement  ou  même  cesse  complètement  lorsque 
le  malade  veut  exécuter  un  mouvement  volontaire. 

Le  diagnostic  avec  les  tumeurs  de  l’encéphale  peut  être  d’uhe  grande 
difficulté;  on  comprend  que  des  néoplasies  multiples ,  siégeant  dans  les 
parties  qu’occupent  habituellement  les  foyers  de  sclérose,  donnent  lieu 
à  des  symptômes  semblables  à  ceux  de  cette  maladie  ;  autant  le  diagnostic 
est  simple  quand  ces  affections  se  présentent  sous  leur  forme  typique, 
autant  il  devient  difficile  quand  les  symptômes  sont  mal  caractérisés,  et 
dans  certains  cas  il  est  impossible  de  se  prononcer. 

La  paralysie  générale  se  distingue  suffisamment  de  la  sclérose  par  la 
nature  des  troubles  intellectuels. 

Pronostic.  —  On  ne  connaît  pas  jusqu’ici  de  cas  de  guérison  ;  la  mala¬ 
die  peut  rester  longtemps  stationnaire,  mais  elle  reprend  toujours  sa 
marche  progressive  ;  les  attaques  apoplectiformes  sont  des  symptômes  f⬠
cheux,  car  elles  sont  habituellement  suivies  d’une  aggravation  des  ac¬ 
cidents. 

Traitement. —  Le  pronostic  constamment  fatal  de  la  maladie  indique 
suffisamment  que  les  diverses  médications  employées  ont  échoué;  l’iodure 
de  potassium,  le  seigle  ergoté,  le  nitrate  d’argent,  la  strychnine,  le  chlo¬ 
rure  d’or,  le  phosphore  de  zinc,  la  révulsion  profonde  pratiquée  par  le 
moyen  de  sétons  et  de  cautères,  l’électricité  et  l’hydrothérapie  ont  été 


ENCÉPHALE,  —  hydrocéphalie.  .  149 

successivement  essayés  sans  succès.  Quand  la  maladie  est  dans  sa  pre¬ 
mière  période,  on  peut  tenter  de  combattre  le  travail  inflammatoire  par 
les  mercuriaux  à  dose  altérante;  plus  tard,  on  pourra  recourir  au  nitrate 
d’argent;  ce  médicament  a  paru,  dans  quelques  cas, avoir  une  action  fa¬ 
vorable  et  amener  un  temps  d’arrêt  dans  l’évolution  de  la  maladie.  Cer¬ 
tains  symptômes  exigent  une  intervention  active;  on  emploiera  contre  les 
fluxions  céphaliques  les  saignées  locales  et  les  révulsifs  intestinaux. 

Les  douleurs,  parfois  pénibles,  seront  efficacement  combattues  par  les 
injections  sous-cutanées  et  par  le  bromure  de  potassium.  Les  injections 
de  chlorhydrate  de  morphine  amènent  habituellement  un  soulagement 
presque  instantané,  mais  pour  quelques  heures  seulement  ;  elles  ont  l’in¬ 
convénient  de  provoquer  fréquemment  des  vomissements.  L’atropine 
nous  a  paru  agir  avec  moins  d'efficacité  ;  c’est  d’ailleurs  un  médicament 
dangereux  à  manier  ;  il  suffit  quelquefois  de  3  milligrammes  pour  dé¬ 
terminer  des  accidents.  Le  bromure  de  potassium  doit  être  donné  d’em¬ 
blée  à  dose  de  3  ou  4  grammes  ;  administré  en  plus  faibles  proportions 
il  soulage  rarement  ;  on  peut  aller  sans  danger  jusqu’à  6  grammes  ;  il  est 
rare  qu’à  cette  dose  ce  médicament  n’amène  pas  la  sédation  des  phéno¬ 
mènes  nerveux.  Si  on  le  donne  à  dose  plus  élevée,  il  faut  en  surveiller 
attentivement  les  effets  ;  on  ne  peut  porter  la  dose  à  8  grammes  pendant 
plusieurs  jours  consécutifs  sans  provoquer  des  accidents  (Vulpian),  par¬ 
ticulièrement  de  l’affaiblissement  musculaire,  de  l’incontinence  d’urine^ 
de  la  stupeur  et  de  la  somnolence. 

Crdveilhier,  Anatomie  pathologique,  liv.  XXXIf.  . 

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Hekle  et  Meckel,  Ueber  die  sogcnannle  Bindesubstanz  der  Centralorgane  des  Nervensyslems 
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Gadadd,  Étude  sur  le  nystagmus.  Thèse  de  Paris,  1869. 

Jaccoud,  Les  paraplégies  et  l’ataxie.  Paris,  1864,  et  loc.  cit.  1869. 

Hydrocéphalie. — On  désigne  sous  cette  dénomination  l’hydropisie  de 
l’encéphale ,  c’est  dire  qu’elle  s’applique  à  tous  les  épanchements  séreux 


i  ■  ENCÉPHALE.  —  hïdrocéphalie. 

.qui  ^fpnt  dans  les  cavités  de  l’encéphale  ou  dans  ses  membranes,  à  l’ex- 
_jl^mf^’des  exsudais  séro-fibrineux  d’origine  inflammatoire.  L’hydrocé- 
phaliq/peut  se  développer  postérieurement  ou  antérieurement  à  l’ossifica- 
lîé^'des  parois  crâniennes  ;  on  dit ,  dans  le  premier  cas,  qu’elle  est  ac- 
-epi'ise  ,  dans  le  second,  qu’elle  est  congénitale  ;  ces  deux  variétés  méritent 
une  étude  distincte  ;  la  première  sera  l’objet  de  ce  chapitre. 

Les  épanchements  les  plus  considérables  et  les  plus  importants  par  les 
troubles  fonctionnels  auxquels  ils  donnent  lieu  sont  ceux  qui  siègent  dans 
les  ventricules  cérébraux  ;  c’est  à  eux  surtout  que  se  rapportera  notre  des¬ 
cription.  Le  liquide  peut  encore  s’épancher  dans  le  tissu  interstitiel  de 
l’encéphale,  dans  les  mailles  de  la  pie-mère  et  les  espaces  sous-arach¬ 
noïdiens,  enfin  entre  l’arachnoïde  et  la  dure-mère,  dans  la  cavité  que 
formerait  cette  membrane  en  se  réfléchissant  sur  la  dure-mère. 

Gekèse  et  étiologie.  —  L’hydrocéphalie  peut,  comme  toutes  les  hydro- 
pisies,  reconnaître  deux  ordres  de  causes  ;  les  unes,  mécaniques,  mettailt 
obstacle  à  la  déplétion  des  capillaires  ;  les  autres,  plus  générales,  altérant 
le  sang  dans  sa  composition. 

Toutes  les  lésions  qui,  directement  ou  indirectement,  gênent  la  circu¬ 
lation  en  retour  de  l’encéphale  peuvent  amener  l’hydrocéphalie.  Elles 
siègent  dans  Tintérieur  ou  en  dehors  de  la  cavité  crânienne.  Parmi  les  pre¬ 
mières,  nous  citerons  les  tumeurs  de  l’encéphale,  des  méninges  et  des  pa¬ 
rois  crâniennes,  les  exsudats  méningés,  les  anévrysmes  ;  ces  différentes 
productions  peuvent  comprimer  les  veines  encéphaliques  ou  les  sinus  de  la 
dure-mère.  La  thrombose  des  veines,  qu’elle  soit  sous  l’influence  d’une 
inflammation  locale  ou  d’une  état  général,  peut  également  donner  lieu  à 
l’hydrocéphalie.  Il  n’est  pas  rare  qu’un  épanchement  séreux  coïncide  avec 
la  présence  de  granulations  tuberculeuses  dans  les  méninges  et  semble 
être  sous  la  dépendance  de  ces  néoplasmes  ;  la  pathogénie  de  l’hydropisie 
est  alors  plus  obscure  ;  on  ne  conçoit  guère  au  premier  abord  comment 
de  telles  lésions  peuvent  apporter  dans  la  circulation  une  gêne  assez 
considérable  pour  provoquer  la  transsudation  du  sérum;  il  semble  qu’il  y 
ait  disproportion  entre  la  cause  et  l’effet  ;  il  faut  remarquer  pourtant  que 
les  tubercules  siègent  pour  la  plupart  sur  le  trajet  des  petits  vaisseaux 
et  qu’ils  en  amènent  l’oblitération  ;  si  un  grand  nombre  de  petites  veines 
deviennent  ainsi  imperméables,  on  comprend  aisément  qu’il  en  résulte  une 
hydropisie.  D’ailleurs  dans  la  tuberculose,  un  autre  élément,  la  dyscrasie, 
intervient  et  suffit,  dans  la  plupart  des  cas,  à  expliquer  l’hydrocéphalie.  En 
dehors  du  crâne,  toutes  les  tumeurs  qui  compriment  les  veines  jugulaires, 
les  troncs  brachio-céphaliques  ou  la  veine  cave  supérieure,  les  lésions  qui 
mettent  obstacle  à  la  circulation  cardio-pulmonaire,  particulièrement  celles 
qui  intéressent  le  cœur  droit  ou  la  valvule  mitrale  et  certaines  altérations 
du  poumon,  telles  que  l’emphysème,  la  pneumonie  chronique  avec  proli¬ 
fération  du  tissu  interstitiel  et  compression  des  petits  vaisseaux  peuvent 
donner  lieu  à  l’hydrocéphalie.  Parmi  les  causes  mécaniques  nous  citerons 
enfin  l’atrophie  du  cerveau;  cette  altération  peut  résulter  des  progrès  de 
l’âge  ;  plus  souvent,  même  quand  on  l’observe  chez  un  vieillard,  elle  est 


ENCÉPHALE.  —  hydrocéphalie.  151 

la  conséquence  tardive  d’une  lésion  datant  de  l’enfance  :  quand  la  masse 
nerveuse  se  trouve  réduite  dans  une  proportion  considérable,  la  pression 
tend  à  diminuer  dans  la  cavité  crânienne,  les  parois  vasculaires  n’étant 
plus  soutenues  cèdent  à  la  tension  du  sang  et  se  laissent  distendre;  bientôt 
l’excès  de  la  tension  intravasculaire  aboutit  à  une  transsudation  séreuse 
plus  ou  moins  abondante  (hydrocéphalie  ex  vacuo)  . 

Parmi  les  dyscrasies,  celle  qui  cause  le  plus  fréquemment  l’hydrocé¬ 
phalie  ,  est  la  maladie  de  Bright  ;  lés  anasarques  indépendantes  de 
l’albuminurie  peuvent  également  lui  donner  naissance;  deux  fois  l’un  de 
nous  l'a  observée  dans  des  cas  où  la  misère  était  la  seule  cause  de  la 
cachexie.  L’inanition,  la  cachexie  cancéreuse,  la  tuberculose,  provoquent 
plus  rarement  l’hydrocéphalie.  Chez  les  cancéreux,  elle  peut  résulter, 
soit  de  l’altération  du  sang,  soit  de  thromboses.  C’est  à  la  dyscrasie 
qu’il  faut  également  rapporter  l’hydrocéphalie  qui  se  développe  quelque¬ 
fois  dans  le  cours  de  la  cirrhose.  Nous  avons  observé  plusieurs  faits  de 
ce  genre  ;  le  cerveau  et  ses  membranes  ne  présentaient  aucune  autre  alté¬ 
ration,  et  la  cirrhose  du  foie  était  la  seule  lésion  concomitante. 

On  a  admis  une  hydrocéphalie  primitive  se  produisant  en  l’absence  de 
toute  autre  lésion;  celte  opinion  ne  s’appuie  sur  aucun  fait  démonstratif. 
L’existence  d’une  hydrocéphalie  aiguë,  s’accompagnant  de  phénomènes 
fébriles,  n’est  pas  mieux  établie;  il  est  probable  que  l’on  a  décrit 
sous  ce  nom  de  véritables  méningites.  L’hydrocéphalie  coïncide  fréquem¬ 
ment  avec  d’autres  hydropisies,  surtout  quand  elle  est  d’origine  dyscra- 
sique,  ou  que  l’obstacle  à  la  circulation  siège  dans  l’appareil  cardio¬ 
pulmonaire  ou  dans  les  gros  vaisseaux. 

Amatojiie  pathologique.  —  L’épanchement  de  sérosité  dans  la  cavité 
de  l’arachnoïde,  ou  plutôt  entre  cette  membrane  et  la  dure-mère,  car 
l’existence  de  la  cavité  arachnoïdienne  n’est  rien  moins  que  démontrée, 
(hydropisie  sus-arachnoïdienne,  hydrocéphalie  externe),  n’a  qu’une  mé¬ 
diocre  importance;  il  est  habituellement  peu  considérable  et  coïncide 
avec  les  autres  variétés  d’hydrocéphalie.  On  peut  surtout  en  constater 
l’existence  au  moment  où  l’on  retire  le  cerveau  ;  le  liquide  s’accumule 
en  général  dans  les  fosses  occipitales  qui  se  trouvent  ordinairement  les 
parties  les  plus  déclives  de  la  cavité  crânienne  ;  il  est  toujours  mé¬ 
langé  à  une  certaine  quantité  de  liquide  céphalo-rachidien  qui  s’est 
écoulée  au  moment  où  l’encéphale  a  été  enlevé.  Aussi  doit-on  tou¬ 
jours  hésiter  à  lui  attribuer  une  origine  pathologique. 

L’infiltration  séreuse  de  la  pie-mère  est  une  lésion  plus  fréquente  et 
plus  facile  à  constater;  mais  elle  n’a  de  valeur  que  lorsqu’elle  est  très- 
prononcée,  car  elle  existe  à  un  faible  degré  dans  tous  l'es  cas  où  la 
circulation  veineuse  a  été  entravée  pendant  les  heures  qui  ont  précédé  la 
mort.  Quand  le  liquide  est  abondant,  il  remplit  les  sillons  intermé¬ 
diaires  aux  circonvolutions,  ainsi  que  les  espaces  sous-arachnoïdiens,  et 
distend  la  séreuse;  la  pie-mère  infiltrée,  tuméfiée,  se  détache  facilement 
des  circonvolutions,  excepté  dans  les  cas  où  la  substance  nerveuse  a  été 
ramollie  par  l’imbibition. 


152 


ENCEPHALE.  —  hyorocéphaue. 

L’œdème  cérébral  se  reconnaît  à  un  éclat  spécial  du  tissu  cérébral ,  à 
l’apparition  de  gouttelettes  aqueuses  sur  les  surfaces  de  section.  Dans  les 
cas  où  l’infiltration  est  considérable,  la  substance  cérébrale  est  moins 
consistante  qu’à  l’état  normal,  et,  si  l’on  y  marque  l’empreinte  du  doigt, 
on  voit  la  petite  dépression  ainsi  formée  se  remplir  peu  à  peu  de  liquide. 
Ce  n’est  pas  seulement  dans  le  tissu  interstitiel  que  l’eau  se  trouve  en 
quantité  anormale;  la  proportion  d’eau  de  constitution  contenue  dans  le 
tissu  nerveux  a  elle-même  augmenté  ;  c’est,  du  moins,  ce  qui  résulte  des 
recherches  de  Bühl  qui  a  trouvé,  chez  des  individus  morts  du  typhus, 
75  au  lieu  de  69  pour  100  d’eau  dans  la  substance  blanche.  C’est  surtout 
dans  les  cas  où  l’hydrocéphalie  s’est  développée  rapidement  que  l’on 
observe  l’œdème  du  cerveau. 

L’hydrocépbalie  ventriculaire  peut  atteindre  des  proportions  beaucoup 
plus  considérables  que  les  précédentes  variétés.  Quand  l’épanchement  se 
fait  vite,  il  suffit  de  50  à  80  grammes  de  liquide  pour  donner  lieu  à  des 
accidents;  dans  les  cas  chroniques,  il  est  beaucoup  plus  abondant.  On 
en  a  trouvé  plus  de  200  grammes;  il  est  tantôt  limpide,  transparent, 
tantôt  trouble,  opalescent;  il  renferme  alors  des  débris  de  substance 
cérébrale,  ou  des  cellules  épithéliales;  il  est  pauvre  en  albumine  (60 
à  80  pour  1000)  ;  il  contient  des  sels  de  potasse.  11  occupe  ordinai¬ 
rement  les  deux  ventricules  latéraux  et  le  ventricule  moyen;  dans 
certains  cas  pourtant,  l’bydrocéphalie  est  unilatérale;  quelquefois  les 
corps  striés  sont  aplatis,  le  corps  calleux  soulevé  forme  une  véritable 
voûte;  rarement  la  substance  nerveuse  est  ramollie,  plus  souvent  elle 
est  indurée  et  semble  avoir  été  comme  tassée.  La  membrane  ventricu¬ 
laire  est  épaissie  ;  elle  présente  souvent  de  petites  saillies  dures,  formées 
de  tissu  connectif;  les  plexus  choroïdes  renferment  quelquefois  de  petits 
kystes.  L’épanchement  peut  passer  du  ventricule  moyen  dans  le  corps 
pituitaire,  distendre  cet  organe  et  lui  donner  des  proportions  assez  consi¬ 
dérables  pour  qu’il  produise  les  mêmes  troubles  fonctionnels  qu’une 
tumeur  de  la  base  du  crâne.  Dans  un  cas  observé  par  Willmann,  la  cavité 
du  septum  lucidum  était  le  siège  d’un  épanchement.  L’hydropisie  peut  être 
limitée  à  une  partie  d’un  ventricule,  par  exemple,  à  l’une  des  cornes 
postérieures;  dans  un  cas,  le  quatrième  ventricule  était  seul  distendu,  et 
l’une  de  ses  parois,  soulevée  par  le  liquide,  formait  une  tumeur  qui 
comprimait  une  partie  des  nerfs  bulbaires. 

A  la  longue,  l’hydrocéphalie  peut  amener  l’amincissement  des  parois 
crâniennes,  le  diploé  disparaît  peu  à  peu,  les  tables  interne  et  externe  se 
rapprochent  et  se  soudent.  Dans  les  cas  où  le  cerveau  s’atrophie,  l’épais¬ 
seur  des  os  du  crâne  augmente  généralement. 

SniPTOMES.  —  L’hydrocéphalie  a  pour  effet  principal  d’élever  la  pres¬ 
sion  intra-crânienne;  la  masse  encéphalique  se  trouve  ainsi  soumise  à 
une  compression  dont  l’intensité  varie  avec  la  quantité  de  liquide 
épanché;  les  parois  vasculaires  se  rapprochent,  le  calibre  des  vaisseaux 
diminue  et  tend  à  s’effacer  ;  les  éléments  nerveux  ne  reçoivent  plus  la 
quantité  de  sang  nécessaire  à  l’intégrité  de  leurs  fonctions  ;  c’est  par  ce 


153 


ENCÉPHALE.  —  hydrocéphalie. 
mécanisme,  c’est-à-dire  par  l’anémie  de  l’encéphale  que  Traube,  Leyden, 
Niemeyer  expliquent  les  troubles  fonctionnels  dans  tous  les  cas  où  cet  or¬ 
gane  est  comprimé,  soit  par  un  épanchement ,  soit  par  une  tumeur. 
Leyden,  dans  les  expériences  où  il  a  étudié  les  effets  de  la  compression 
cérébrale,  a  vu  l’apparition  des  troubles  fonctionnels  coïncider  avec  l’in¬ 
stant  ou  la  pression  s’élevait  à  un  degré  suffisant  pour  triompher  de  la 
tension  intra-vasculaire  et  rétrécir  le  calibre  des  vaisseaux.  La  théorie  de 
Traube  et  de  Niemeyer  est  donc  d’accord  avec  les  données  de  l’expéri¬ 
mentation;  nous  allons  voir  que  les  résultats  de  l’observation  clinique 
lui  sont  également  favorables,  et  que  les  symptômes  de  l’hydrocéphale 
présentent  une  frappante  analogie  avec  ceux  de  l’anémie  cérébrale. 

La  compression  s’exerçant  simultanément  sur  les  différentes  parties  de 
l’encéphale,  les  symptômes  sont  diffus,  on  n’observe  généralement  pas  de 
paralysies  limitées;  la  gravité  des  troubles  fonctionnels  est  en  rapport 
avec  l’abondance  de  l’épanchement  et,  à  quantité  égale,  l’hydropisie 
donne  lieu  à  des  désordres  d’autant  plus  marqués  qu’elle  se  produit  plus 
rapidement.  Quand  l’épanchement  se  forme  ou  augmente  brusquement, 
les  fonctions  cérébrales  peuvent  tout  d’abord  être  paralysées;  plus  souvent, 
suivant  les  lois  que  nous  avons  établies  plus  haut  {voy.  Anémie  cérébrale), 
une  période  d’excitation  précède  l’apparition  des  phénomènes  dépressifs. 
Au  point  de  vue  clinique,  on  peut  distinguer  une  forme  apoplectique,  une 
forme  rapide,  une  forme  lente. 

Dans  la  forme  apoplectique,  le  malade  perd  subitement  connaissance, 
il  est  insensible  à  toute  excitation,  les  membres  sont  dans  la  résolution  ; 
quelquefois,  ils  sont  contracturés  ou  agités  par  des  mouvements  convul¬ 
sifs;  des  évacuations  involontaires  se  produisent,  la  respiration  s’embar¬ 
rasse,  la  mort  survient  au  bout  de  quelques  heures;  rarement  le  coma  se 
prolonge  pendant  deux  ou  trois  jours;  la  mort  peut  être  presque  instan¬ 
tanée.  L’un  de  nous  a  vu  succomber  ainsi  en  dix  minutes,  un  indi¬ 
vidu  atteint  d’une  carie  du  rocher  ;  dans  ces  cas,  l’hydropisie  n’est  pas 
limitée  aux  ventricules,  il  y  a  de  l’œdème  cérébral,  et  particulièrement  du 
mésocépbale;  l’irruption  brusque  du  liquide  dans  la  cavité  du  quatrième 
ventricule  pourrait  également  amener  presque  instantanément  la  mort  du 
malade  en  paralysant  le  centre  d’innervation  des  mouvements  respiratoires. 

Dans  la  forme  rapide,  les  symptômes  de  paralysie  cérébrale  n’apparais¬ 
sent  qu’après  une  période  d’excitation.  Les  enfants  sont  pris  de  convul¬ 
sions  qui  se  reproduisent  par  accès  à  intervalles  plus  ou  moins  rappro¬ 
chés,  et  s’accompagnent  de  perte  de  connaissance.  Chez  les  adultes,  le 
symptôme  le  plus  constant  est  le  délire  :  les  malades,  en  proie  à  une  vive 
agitation,  veulent  quitter  leur  lit,  ils  ont  des  hallucinations  de  la  vue  et 
de  l’ouïe,  ils  ne  reconnaissent  pas  les  personnes  qui  les  entourent;  en 
même  temps  il  se  produit  parfois  des  contractures,  des  convulsions  géné¬ 
rales  ou  partielles;  la  mort  peut  survenir  dans  cette  période;  plus  habi¬ 
tuellement,  l’agitationse  calme  peu  à  peu,  le  délire  fait  place  à  la  stupeur, 
à  la  somnolence,  et  bientôt  au  coma.  Alors  surviennent  quelquefois  des 
rémissions  remarquables  qui  donnent  à  la  maladie  une  physionomie 


154 


ENCEPIIALl'].  -  lIYDIlOCÉi'HALIE. 

toute. spéciale:  les  malades  reprenuent  en  partie  connaissance,  ils  peuvent 
s’asseoir  sur  le  lit,  répondre  aux  questions  qu’on  leur  adresse;  ces  amé¬ 
liorations  sont  de  peu  de  durée,  mais  elles  peuvent  se  reproduire  plusieurs 
fois.  Chez  un  de  nos  malades  atteint  de  cirrhose  du  foie,  ces  rémissions 
se  sont  renouvelées,  à  intervalles  à  peu  près  réguliers,  pendant  plusieurs 
jours  ;  le  soir,  il  était  plongé  dans  un  état  de  stupeur  voisin  du  coma, 
privé  de  connaissance,  insensible  aux  excitations;  la  respiration  était  ster- 
toreuse;  le  matin,  il  parlait,  buvait  seul,  cherchait  à  se  lever.  Il  est  pro¬ 
bable  que  les  périodes  de  dépression  correspondent  à  la  transsudation 
d’une  nouvelle  quantité  de  liquide  ;  les  éléments  nerveux  sont  d’abord 
paralysés;  puis  ils  s’habituent  peu  à  peu  à  la  perturbation  que  l’au¬ 
gmentation  de  l’exsudât  apporte  dans  leurs  fonctions,  ils  recouvrent  en 
partie  leur  activité  et  la  rémission  se  produit.  C’est  sous  cette  forme  ra- 
pide  que  l’hydrocéphalie  se  présente  le  plus  souvent  à  l’observation.  Il 
faut  toujours  penser  à  cette  affection  quand  il  survient  des  phénomènes 
cérébraux  dans  le  cours  de  la  pbthisie  pulmonaire,  de  la  maladie  de  Bright 
ou  à  la  suité  d’une  scarlatine. 

On  a  noté  l’existence  de  paralysies  localisées,  dans  quelques  observa¬ 
tions  d’hydrocéphalie  rapide  ;  dans  ces  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  la 
lésion  cérébrale  était  elle-même  circonscrite.  Nous  citerons  pour  exemple 
le  fait  de  Meissner  où  l’hydropisie  était  limitée  à  l’un  des  ventricules. 

On  décrit  sous  le  nom  d’hydrocéphalie  aiguë  une  maladie  qui  survien¬ 
drait  chez  les  enfants  à  la  suite  des  exanthèmes  fébriles,  donnerait  lieu  à 
des  accès  convulsifs  et  à  de  la  fièvre,  et  se  terminerait  en  peu  de  temps  par 
la  mort.  Nous  ne  trouvons,  ni  dans  la  description  que  l’on  donne  de  celte 
affection ,  ni  dans  les  observations  que  l’on  invoque  pour  en  établir  la 
réalité,  aucun  caractère  qui  n’appartienne  également  à  l’inflammation  des 
méninges.  Aucun  fait  jusqu’ici  n’autorise  donc  à  admettre  l’existence  d’une 
hydrocéphale  aiguë  analogue  à  l’anasarque  et  à  l’ascite  dites  essentielles,  et 
les  observations  publiées  sous  ce  titre  doivent  être  interprétées  dans  le 
sens  de  méningites  avec  épanchement. 

La  forme  lente  donne  lieu,  chez  les  enfants,  aux  mêmes  symptômes  que 
l’hydrocéphalie  congénitale ,  nous  en  donnerons  la  description  dans  le 
chapitre  suivant.  Chez  l’adulte,  elle  peut  être  primitive  ou  succéder  à 
la  forme  rapide.  On  l’observe  chez  les  phthisiques,  chez  les  individus  ca¬ 
chectiques  ;  elle  peut  intervenir  comme  complication  chez  des  sujets 
atteints  de  tumeurs  cérébrales,  de  pachyméningite,  de  congestions  répé¬ 
tées.  Elle  se  traduit  surtout  par  des  troubles  de  l’intelligence  et  de  la  mo¬ 
tilité.  Au  début,  les  malades  se  plaignent  de  vertiges,  de  céphalalgie;  leur 
mémoire  s’affaiblit,  leur  parole  est  lente,  hésitante,  embarrassée;  plus 
tard,  la  marche,  d’abord  incertaine  et  vacillante,  devient  tout  à  fait 
impossible  ;  les  malades  tombent  dans  un  état  habituel  d’hébétude,  de 
stupeur,  qui  parfois  fait  place  momentanément  à  de  l’excitation;  sou¬ 
vent,  ce  sont  des  accès  de  subdelirium;  rarement  les  membres  sont 
agités  de  mouvements  convulsifs.  La  terminaison  fatale  peut  être  préci¬ 
pitée  par  une  attaque  apoplectifornie  ;  plus  souvent  les  symptômes  s’ag- 


ENCÉPHALE.  -  HYDROCÉPHALIE.  i  55 

gravent  progressivement  ;  la  somnolence  devient  presque  continuelle  ; 
le  malade  tombe  dans  le  coma  et  finit  par  succomber  aux  progrès  de 
l’épaiicbement.  D’autres  fois,  la  mort  est  le  résultat  d’une  complication 
ou  d’une  maladie  intercurrente  ;  celles  que  l’on  doit  surtout  redouter  sont 
les  escbares,  le  catarrhe  vésical  et  les  pneumonies  secondaires. 

Diagmostic.  — La  forme  apoplectique,  connue  sous  le  nom  d’apoplexie 
séreuse,  ne  peut  être  distinguée  par  ses  symptômes  des  apoplexies  liées  à 
l’hémorrbagie,  à  l’embolie  artérielle,  à  la  congestion;  quelle  que  soit  la 
cause  de  l’attaque,  le  complexus  symptomatique  est  le  même  ;  on  ne  peut 
arriver  au  diagnostic  que  par  la  connaissance  des  antécédents  et  l’étude 
des  phénomènes  concomitants.  Si  le  malade  a  présenté  les  signes  d’une 
tumeur  cérébrale,  s’il  est  atteint  d’une  cachexie  qui  prédispose  aux  hy- 
dropisies,et  surtout  s’il  existe  de  l’anasarque  et  de  l’hydropisie  des  cavités 
séreuses,  on  peut  pencher  en  faveur  de  l’apoplexie  séreuse,  sans  rien 
affirmer  pourtant,  car  nous  avons  vu  plus  haut  que  la  maladie  de  Bright 
causait  quelquefois  l’hémorrhagie  cérébrale. 

La  forme  rapide,  quand  elle  se  produit  dans  le  cours  de  la  phthisie 
pulmonaire,  pourrait  être  confondue  avec  une  méningite  ;  souvent  l’ex¬ 
ploration  thermométrique  donnera  le  .diagnostic;  si  la  température  ne 
s’élève  pas  au-dessus  du  chiffre  normal,  on  peut  affirmer  que  les  accidents 
cérébraux  ne  dépendent  pas  d’une  phlegmasie  méningée  ;  mais,  dans  le 
cas  contraire,  l’existence  de  la  fièvre  n’exclut  pas  l’hydrocéphalie  ,  puis¬ 
qu’on  peut  l’attribuer  aux  lésions  de  l’appareil  respiratoire  ;  l'intensité  de 
la  céphalalgie,  les  contractures  partielles,  les  vomissements  sont  plutôt  des 
signes  de  méningite. 

Les  symptômes  des  hémorrhagies  qui  se  produisent  dans  le  cours  de 
la  pachyméningite  présentent,  dans  certains  cas,  une  grande  analogie 
avec  ceux  de  l’hydrocéphalie,  et  le  diagnostic  entre  les  deux  affections 
peut  être  difficile  ;  c’est  particulièrement  dans  les  cas  de  cirrhose  que 
l’erreur  peut-être  commise  ;  l’existence  de  l’alcoolisme,  l’absence  d’hydro- 
pisies  concomitantes,  portent  tout  d’abord  l’observateur  à  voir  dans  les 
accidents  cérébraux  le  résultat  d’une  pachyméningite  ;  dans  celle  affec¬ 
tion,  comme  dans  l’hydrocéphalie,  les  symptômes  sont  diffus,  il  n’y  pas 
de  fièvre,  pas  de  vomissements  ;  le  cours  de  la  maladie  est  coupé  par  plu¬ 
sieurs  épisodes  apoplectiformes  ou  par  des  phases  de  coma  et  de  somno¬ 
lence;  la  durée  peut  seule,  dans  certains  cas,  conduire  au  diagnostic;  la 
pachyméningite  se  développe  beaucoup  plus  lentement  que  l’hydrocépha¬ 
lie  ;  ce  n’est  souvent  que  plusieurs  mois  après  le  début  de  l’affection  que 
les  symptômes  gravés  se  manifestent  ;  si  l’on  est  privé  de  renseignements 
sur  les  antécédents  du  malade,  il  est  dans  certains  cas  impossible  de  se 
prononcer. 

Lorsque  des  accidents  cérébraux  se  produisent  dans  le  cours  d’une  scar¬ 
latine  ou  d’une  maladie  de  Bright,  la  confusion  est  facile  entre  l’hydro¬ 
céphalie  et  l’encéphalopathie  urémique  ;  l’existence  d’une  anasarque  con¬ 
sidérable  ,  d’épanchements  dans  les  séreuses ,  l’absence  de  convulsions, 
et  de  troubles  gastro-intestinaux  ne  constituent  que  de  simples  présomp- 


156  ENCÉPHALE.  —  hydrocépjialite. 

lions  en  faveur  de  l’hydrocéphalie.  Les  seuls  éléments  de  diagnostic  sont 
fournis  par  l’examen  des  urines  ;  la  diminution  de  la  quantité  d’urine  ex¬ 
crétée,  l’abaissement  de  son  poids  spécifique,  la  présence  dans  ce  liquide 
de  cylindres  granulo-graisseux  et  surtout  des  cylindres  dits  colloïdes  qui 
indiquent  une  destruction  complète  de  l’épithélium,  permettent  de  con¬ 
clure  avec  une  grande  probabilité  à  l’existence  d’une  intoxication  uré¬ 
mique. 

Pronostic.  —  Il  est  des  plus  graves;  la  forme  lente  ne  guérit  jamais  , 
et  pendant  toute  sa  durée,  qui  peut  être  fort  longue,  la  situation  du  ma¬ 
lade  est  des  plus  lamentables  ;  les  formes  rapides  se  terminent  presque 
toujours  par  la  mort;  pourtant  dans  les  cas  où  la  maladie  n’est  pas  liée  à 
une  affection  organique  incurable,  la  guérison  est  possible,  et,  quand  elle 
a  lieu,  elle  est  ordinairement  rapide  et  complète. 

Tbaitejient.  —  Dans  la  forme  apoplectique,  on  peut  avoir  utilement  re¬ 
cours  aux  émissions  sanguines,  et  surtout  à  la  saignée,  si  l’état  de  la  nutrition 
générale  ne  constitue  pas  une  contre-indication  ;  on  peut  espérer  que  la 
soustraction  soudaine  d’une  quantité  considérable  de  sang  arrêtera  l’exha¬ 
lation  séreuse,  en  diminuant  la  tension  artérielle  et  même  qu’elle  facilitera 
ainsi  la  résorption  de  l’épanchement.  Les  émissions  sanguines  sont  égale¬ 
ment  indiquées  dans  les  formes  rapides  où  l’affection  semble  résulter  d’un 
obstacle  à  la  circulation  veineuse.  On  s’efforcera  en  même  temps  d’obtenir 
d’abondantes  évacuations  intestinales  par  l’administration  des  drastiques, 
particulièrement  de  l’eau-de-vie  allemande,  de  la  gomme-gutte,  de  la 
scammonée  ;  on  agira  sur  les  reins  par  les  sels  de  nitre  ;  nous  prescri¬ 
vons  habituellement  en  pareil  cas,  l’infusion  de  genièvre  avec  addition  de 
six  à  huit  grammes  d’acétate  de  potasse  par  litre.  Enfin  de  larges  vésica¬ 
toires  seront  appliqués  simultanément  à  la  nuque  et  aux  membres  infé¬ 
rieurs  ;  ils  agiront  d’une  part  en  excitant  les  extrémités  des  nerfs  sensi¬ 
tifs  et  en  stimulant  ainsi  l’activité  des  éléments  nerveux,  d’autre  part  en 
amenant  l’élimination  d’une  certaine  quantité  de  liquide.  Ce  que  nous 
avons  dit  du  pronostic  indique  suffisamment  que  l’on  est  réduit  à  l’im¬ 
puissance  dans  la  forme  chronique,  on  peut  tout  au  plus  éloigner  la  ter¬ 
minaison  fatale  en  combattant,  par  les  moyens  appropriés,  les  accidents 
apoplectiformes  qui  interrompent  parfois  la  marche  essentiellement  chro¬ 
nique  de  la  maladie. 

Étoc-Demazv,  De  l’œdème  du  cerveau.  Thèse  de  Paris,  1855. 

Blache  et  Guersant,  art.  Hîdeocéphale,  in  Dictionnaire  en  50  vol. 

Moxneret  et  FLEt'Eï,  Compendium  de  médecine,  IV.  Paris,  1841. 

Mohb,  Casper’s  Wochenschrift,  1842. 

PoHi,,  OEsterreichische  JakrbOcher,  1845. 

Buhl,  Ueber  den  Wassergehalt  ini  Gehirn  bei  Typhus  (llenle  und  Pfeufer’s  ZciiscAr.,  III  Reihe, 
IV  Band). 

Bambeegee,  Würzburger  Yerhandlungeti,  VI,  1856. 

Birkneb,  Bas  VVasser  der  Nerven  in  physiol.  und  path.  Beziehung.  Ausburg,  1857. 

Zenkee,  Virchow’s  Archiv,  XII. 

Fôester,  Wasserbruch  der  mittleren  Hirnbôhle  (Virehow’s  Archiv,  1858). 

Wallmanx,  Eod.  loca,  XIII,  1858. 

Mabcé,  Sur  l’œdème  du  cerveau  [Bulletin  de  la  Société  anatomique,  1859). 

Rokitanski,  Lehrbuch  der  path.  Anatomie.  Wien,  1859. 


157 


ENCÉPHALE.  —  hydrocéphalie  congénitale. 

Pasqdali  (A.],  Sull’  idrocefalo  aculo,  cronico  e  lento.  Milano,  1860. 

Bartoez  et  Rilliet,  Traité  des  maladies  des  enfants.  Paris,  1861. 

Meissnee,  Fall  von  èinseitigeii  Hydrocephalus  chronieus  [Archiv  der  Heilkunde,  1861). 
Figueiba,  Apoplexia  serosa  [Gaz.  med.  da  Lisboa,  1862j. 

Hydrocéphalie  congénitale.  —  Hydrocéphalie  chronique. 

—  Genèse  ET  étiologie.  —  Nous  décrirons  sous  ce  nom  les  différentes  va¬ 
riétés  d’hydrocéphalie,  que  l’on  observe  dans  la  première  enfance,  celles 
qui  débutent  pendant  la  vie  intra-utérine,  et  celles  qui  se  développent 
plusieurs  mois  ou  peu  d’années  après  la  naissance. 

On  cite,  sans  preuves  suffisantes,  comme  prédisposant  à  cette  affection, 
la  vieillesse  des  parents,  leurs  habitudes  alcooliques,  les  excès  de  coït,  les 
contusions  et  la  compression  du  ventre  pendant  la  grossesse,  la  compres¬ 
sion  de  la  tête  pendant  l’accouchement  ;  les  seules  causes  qui  paraissent 
bien  établies  sont  l’existence  du  crétinisme  chez  les  ascendants,  la  com¬ 
pression  des  veines,  l’inflammation  chronique  de  l'épendyme  ventricu¬ 
laire,  les  arrêts  de  développement  de  l’encéphale  ;  des  faits  nombreux 
montrent  la  réalité  de  l’influence  héréditaire  et  la  corrélation  qui  existe 
entre  le  développement  de  l’hydrocéphale  et  celui  du  crétinisme.  Gœlis 
rapporte  qu’une  femme  eut  consécutivement  six  enfants  atteints  d’hydro¬ 
céphalie;  il  n’est  pas  très-rare  que  dans  une  famille,  un  ou  deux  enfants 
soient  affectés  d’hydrocéphalie  et  les  autres  de  crétinisme. 

Anatomie  pathologique.  —  La  quantité  de  liquide  épanchée  est  ordi¬ 
nairement  considérable  quand  l’hydropisie  se  produit  avant  l’ossification 
des  sutures,  elle  peut  s’élever  jusiju’à  vingt  et  même  vingt-cinq  livres;  au 
contraire,  quand  l’épanchement  se  fait  après  l’ossification  complète  du 
crâne,  il  est  beaucoup  moins  abondant.  Le  liquide  est  généralement  clair, 
un  peu  jaunâtre,  il  ne  renferme  qu’une  faible  quantité  d’éléments  solides. 
Marcet  n’y  a  trouvé  que  0,112  de  matières  muqueuses  et  albuminoïdes; 
dans  une  analyse  de  Hilger,  le  liquide  contenait  0,246  pour  100  d’albu¬ 
mine,  des  sels  en  faibles  proporlions,  particulièremént  des  sels  de  soude 
et  une  matière  organique  peu  différente  de  la  leucine. 

Les  cavités  de  l’encéphale  sont  agrandies;  la  cloison  transparente  peut 
être  atrophiée,  déchirée  et  perforée,  les  ventricules  latéraux  .communi¬ 
quent  alors  librement  entre  eux;  les  trous  de  Mouro,  l’aqueduc  de 
Sylvius  sont  dilatés,  et  l’infundibulum  êst  refoulé,  l’épendyme  présente 
souvent  une  épaisseur  et  une  vascularisation  anormales,  sa  surface  sup¬ 
porte  alors  de  petites  granulations  ;  ces  diverses  lésions  sont  probable¬ 
ment  le  résultat  d’un  travail  inflammatoire.  Les  corps  striés  sont  apla¬ 
tis;  le  cerveau  a  subi  habituellement  une  atrophie  totale  ou  partielle; 
quelquefois  il  ne  reste  plus  autour  des  cavités  ventriculaires,  énormé¬ 
ment  dilatées  et  distendues  par  le  liquide,  qu’une  couche  mince,  mem- 
braniforme  ;  les  hémisphères  ne  sont  plus  représentés  que  par  une  sorte 
de  kyste  à  parois  minces ,  grisâtres,  médiocrement  consistantes,  derni- 
transparentes,  dans  lesquelles  on  trouve  des  éléments  nerveux  plus  ou 
moins  altérés,  des  vaisseaux,  du  tissu  conjonctif,  et  généralement  un 
grand  nombre  de  corps  amyloïdes. 


158  ENCÉPIIÂLE.  —  hydrocéphalie  congénitale. 

La  tête  augmente  de  volume  proportionnellement  à  la  quantité  de 
liquide  épanchée;  elle  commence  à  grossir  avant  ou  après  la  naissance, 
suivant  l’époque  à  laquelle  se  fait  l’hydrocéphalie.  Elle  peut  atteindre  un 
volume  énorme  :  Franck  a  vu,  chez  un  enfant  de  dix  mois,  la  circon¬ 
férence  du  crâne  mesurer  1,40  ;  par  contre,  le  volume  du  crâne  peut 
s’abaisser  au-dessous  de  ses  dimensions  normales.  L’hypermégalie  ne 
porte  pas  également  sur  toutes  les  parties  des  parois  crâniennes  :  dans 
certains  cas,  c’est  surtout  une  moitié  du  crâne  qui  s’agrandit  ;  d’autres 
fois,  ce  sont  les  régions  frontales  et  sincipitales  qui  se  développent  à 
l’excès,  de  sorte  que  le  diamètre  vertical  de  la  tête  s’allonge  démesuré¬ 
ment  :  la  saillie  des  frontaux  entraîne  la  dépression  des  voûtes  orbitaires, 
la  saillie  des  globes  oculaires  et  l’œdème  des  paupières;  les  fosses 
temporales  sont  effacées  ;  la  face,  dont  les  dimensions  restent  normales, 
contraste  par  sa  petitesse  relative  avec  l’énorme  développement  du  crâne. 
Les  os  de  la  voûte  s’atrophient;  le  diploé  disparaît;  les  lames  compactes, 
soudées  entre  elles,  peuvent  s’amincir  au  point  de  devenir  translucides. 
Quand  l’épanchement  se  fait  avant  l’ossification  des  sutures,  les  os  de  la 
voûte  s’écartent;  ils  sont  alors  séparés  par  des  espaces’ membraneux  dans 
lesquels  il  se  forme  fréquemment  des  points  d’ossification  ;  le  développe¬ 
ment  des  os  de  la  base  est  également  entravé,  contrairement  à  ce  que 
l’on  pensait  autrefois.  Rarement  l’ossification  du  crâne  est  complète 
avant  la  cinquième  année  ;  les  os  supplémentaires  s’agrandissent  peu  à 
peu  en  surface  et  se  soudent  entre  eux  et  avec  les  os  du  crâne.  Dans  cer¬ 
tains  cas,  le  travail  d’ossification  dépasse  les  limites  physiologiques;  les 
parois  crâniennes  acquièrent  une  épaisseur  exagérée,  soit  dans  toute 
leur  étendue,  soit  dans  certaines  régions  seulement;  il  peut  en  résulter 
la  déformation  et  l’asymétrie  de  la  tête.  Chez  certains  sujets,  l’ossifica¬ 
tion  ne  s’achève  que  très-tard;  des  espaces  membraneux  persistent  au 
niveau  des  sutures  et  des  fontanelles. 

L’hydrocéphalie  coïncide  souvent  avec  d’autres  vices  de  conformation, 
entre  autres  le  spina  bifida  et  le  bec-de-lièvre. 

Symptôjœs.  —  Leur  gravité  est  en  relation  avec  la  quantité  de  liquide 
épanchée;  quand  l’hydrocéphalie  est  considérable  au  moment  de  la  nais¬ 
sance,  les  enfants  meurent  habituellement  au  bout  de  peu  d’instants  ; 
rarement  ils  survivent  quelques  jours. 

Ordinairement  les  symptômes  n’apparaissent  qu’au  bout  de  quelques 
semaines  ou  de  quelques  mois.  C’est  souvent  la  déformation  de  la  tête  qui 
attire  en  premier  lieu  l’attention;  la  proéminence  de  la  région  frontale,  la 
petitesse  relative  delà  face  donnent  à  l’enfant  une  physionomie  étrange; 
les  fontanelles  s’agrandissent  ;  la  tête,  trop  lourde  pour  être  maintenue 
par  les  muscles  du  cou  dans  son  attitude  normale,  tombe  de  côté. 
Pendant  la  première  année,  ces  symptômes  sont  souvent  les  seuls  qui 
puissent  révéler  l’existence  de  la  maladie  ;  mais  à  l’époque  où  d’habi¬ 
tude  l’enfant  commence  à  donner  des  signes  d’intelligence,  on  est  frappé 
de  la  lenteur  avec  laquelle  il  se  développe.  Il  reste  étranger  à  ce  qui  se 
fait  autour  de  lui  ;  il  n’apprend  pas  à  marcher;  la  face  a  une  expression 


ENCÉPHALE.  —  nYDnocÉPHALip,  congénitale.  159 

d’hébétement  et  d’apathie;  la  nutrition  se  fait  mal,  les  forces  n’augmen¬ 
tent  pas,  les  membres  restent  petits  et  leur  gracilité  contraste  avec  le 
volume  de  la  tête.  L’enfant  peut  dès  lors  s’affaiblir  graduellement  et 
mourir  d’épuisement;  d’autres  fois  la  mort  est  provoquée  par  des  accès 
convulsifs. 

Quand  l’enfant  résiste,  la  maladie  se  manifeste  par  des  symptômes  plus 
caractérisés  à  mesure  qu’il  avance  en  âge.  S’il  peut  apprendre  à  parler, 
il  n’y  parvient  que  très-lentement  et  péniblement;  il  trouve  difficilement 
les  mots;  la  voix  est  aigre,  d’un  timbre  désagréable,  rarement  il  apprend 
à  lire  et  à  écrire  ;  on  ne  peut  que  difficilement  fixer  son  attention  et  on 
n'y  réussit  que  pour  un  instant  ;  constamment  il  reste  dans  un  état  d’hé¬ 
bétude,  presque  de  stupeur  ;  son  regard  incertain  ne  se  fixe  pas;  il  est  in¬ 
sensible  aux  caresses  de  ses  parents.  Assez  souvent  la  vue  est  affaiblie, 
les  pupilles  sont  inégalement  dilatées,  les  globes  oculaires  sont  agités  d’un 
tremblement  incessant  ;  l’odorat,  le  goût  sont  habituellement  conservés; 
la  surdité  n’est  pas  très-rare  ;  souvent  les  malades  accusent  des  four¬ 
millements  dans  les  extrémités,  des  douleurs  dans  les  membres  :  quel¬ 
quefois  la  tête  tremble,  les  muscles  masticateurs  se*  contractent  auto¬ 
matiquement  ;  les  lèvres  entr’ouvertes  laissent  écouler  la  salive  ;  quand 
la  marche  est  possible,  elle  est  incertaine,  hésitante  ;  certains  malades 
ne  peuvent  se  tenir  debout;  quelquefois  la  paralysie  est  plus  marquée 
dans  un  côté  du  corps.  11  peut  se  produire  des  phénomènes  d’exci¬ 
tation  dans  la  sphère  de  la  motilité,  des  contractures  partielles,  rare¬ 
ment  hémiplégiques,  quelquefois  liinitées  aux  extrémités  inférieures; 
des  attaques  épileptiformes.  Les  troubles  digestifs  sont  exceptionnels; 
quelques  malades  pourtant  vomissent  fréquemment.  Lorsque  les  fonta¬ 
nelles  ne  sont  pas  encore  ossifiées,  le  liquide  soulève  les  parties  mem¬ 
braneuses  de  la  voûte  crânienne  sous  forme  de  saillies  molles,  dépressi- 
bles  et  fluctuantes.  Si  l’on  vient  à  comprimer  ces  parties,  le  malade 
tombe  dans  la  somnolence,  puis  dan^  un  état  comateux  qui  persiste  tant 
que  dure  la  compression. 

L’bydrocéphalie  est  une  affection  à  marche  éminemment  chronique  ; 
parfois  pourtant  les  symptômes  présentent  des  exacerbations  brusques  ; 
tantôt  la  parésie  des  membres  s’aggrave  rapidement  et  le  malade  qui 
jusque-là  avait  pu  marcher  un  peu  est  contraint  de  garder  le  lit;  tantôt  il 
survient  de  véritables  accès  de  somnolence  et  des  attaques  épileptiformes. 
Généralement  ces  accidents  donnent  comme  un  coup  de  fouet  à  la  maladie 
et  sont  suivis  d’une  aggravation  permanente  ;  rarement  les  malades  attei¬ 
gnent  l’adolescence.  Quelquefois  pourtant  l’hydropisie  cesse  de  faire  des 
progrès;  la  maladie  devient  stationnaire  ;  dans  ces  circonstances  la  vie 
peut  se  prolonger  jusque  quarante,  cinquante  ans  et  même  au  delà. 
Dans  un  cas  cité  par  Gaelis,  la  mort  n’est  survenue  qu’à  soixante  et 
onze  ans.  La  guérison  est  tout  à  fait  exceptionnelle  ;  la  distension  exces¬ 
sive  des  parties  membraneuses  du  crâne  peut  en  amener  la  rupture  ;  tan¬ 
tôt  le  liquide  s’écoule  au  dehors,  tantôt  il  s’infiltre  sous  les  téguments 
du  crâne  et  de  la  face,  quelquefois  il  s’écoule  par  les  cavités  nasales. 


160  ENCÉPHALE.  —  hydrocéphalie  congénitale. 

D’après  Hœfling  l’évacuation  du  liquide  peut  être  suivie  d’une  guérison 
définitive. 

Dugnostic. — Quand  la  tête  est  peu  volumineuse,  l’hydrocéphalie  pourrait 
être  confondue  avec  l’hypertrophie  de  l’encéphale  :  l’absence  de  troubles 
intellectuels  dans  cette  affection  très-rare  et  mal  connue  éloignera  l’idée 
d’hydrocéphalie.  L’encéphalocèle  se  reconnaît  à  l’existence  d’une  tumeur 
nettement  limitée  et  réductible.  Dans  le  rachitisme  du  crâne,  comme  dans 
l’hydrocéphalie,  les  fontanelles  sont  élargies  et  l’intelligence  est  troublée; 
mais  dans  le  rachitisme,  la  surface  du  crâne  est  inégale,  surmontée  de 
saillies  dures,  adhérentes  à  la  paroi  osseuse;  d’autres  parties  du  squelette 
présentent  les  déformations  caractéristiques;  enfin  l’hypermégalie  cr⬠
nienne  est  moins  considérable  que  dans  l’hydropisie.  Il  ne  faudrait  pas 
conclure  cependant  du  petit  volume  de  la  tête  à  l’absence  de  liquide 
dans  la  cavité  crânienne,  car  nous  avons  vu  que ,  dans  les  cas  où'  le 
crâne  s’ossifie  de  bonne  heure ,  l’épanchement  n’en  augmente  pas  les 
dimensions. 

PaoKOSTic.  —  Nous  avons  dit  quelle  était  la  gravité  de  l’hydrocéphalie; 
la  mort  en  est  la» terminaison  à  peu  près  constante.  Le  pronostic  est 
généralement  plus  fâcheux  dans  les  cas  ou  le  crâne  n’est  pas  augmenté 
de  volume,  à  cause  de  l’atrophie  cérébrale  qui  coïncide  alors  nécessaire¬ 
ment  avec  l’hydropisie. 

Traitement.  —  Les  moyens  que  l’on  oppose  habituellement  aux  hydro- 
pisies,  échouent  complètement  contre  l’hydrocéphalie  chronique.  Les 
révulsifs  intestinaux,  les  vésicatoires,  les  cautères,  fatiguent  le  malade 
sans  amener  de  résultat  favorable;  l’iodure  de  potassium,  la  digitale,  le 
nitrate  de  potasse,  les  applications  de  pommade  mercurielle  sur  le  cuir 
chevelu  préalablement  rasé,  ont  été  employés  sans  plus  de  succès.  Il  faut 
donc  renoncer  à  un  traitement  médical  actif,  placer  le  malade  dans  de 
bonnes  conditions  hygiéniques,  prescrire,  s’il  y  a  indication,  les  toniques 
reconstituants  et  combattre  les  complications. 

On  a  tenté  d’amener  la  résorption  graduelle  du  liquide  en  comprimant 
la  tête  au  moyen  de  bandelettes  aggluti natives  imbriquées;  le  crâne  se 
trouvait  serré  dans  une  sorte  de  calotte  de  diachylon  qu’on  laissait  en 
place  pendant  plusieurs  semaines.  L’expérience  a  montré  que  ce  traite¬ 
ment  était  dangereux  et  sans  efficacité. 

La  ponction  du  crâne  est  une  opération  périlleuse  ;  souvent  elle 
amène  la  mort.  Quand  le  malade  survit,  le  liquide  a  tendance  à  se 
reproduire,  et  souvent  il  faut  recommencer.  La  gravité  de  l’opération, 
son  peu  d’efficacité  dans  la  plupart  des  cas,  ont  déterminé  un  certain 
nombre  de  chirurgiens  éminents  à  la  repousser  formellement.  On  a 
cependant  publié  des  statistiques  relativement  favorables;  d’après  West, 
sur  56  cas,  il  y  aurait  eu  16  guérisons.  Or,  il  s’agit  ici  d’nne  maladie 
presque  fatalement  mortelle  ;  il  semble  donc  qu’une  opération,  suivie  de 
succès  dans  plus  du  quart  des  cas,  ne  doive  pas  être  absolument  aban¬ 
donnée.  Malgaigne  en  formule  ainsi  les  indications  : 

«  L’opération  peut  en  être  tentée  :  1“  lorsque  le  malade  a  moins  de 


161 


ENCÉPHALE,  —  tdmeübs. 

3  ou  4  mois,  alors  même  que  l’hydrocéphalie  paraîtrait  stationnaire  ; 
2°  au  delà  de  4  mois,  et  jusqu’à  l’ossification  du  crâne,  si  l’hydrocéphalie 
s’accroît  sensiblement  et  menace  la  vie  générale  ou  la  vie  de  relation  de 
l’individu.  »  Bruns  n’admet  l’opération  que  «  dans  les  hydrocéphalies 
considérables,  lorsque  les  fontanelles  et  les  sutures  sont  largement  ou¬ 
vertes,  lorsque  les  os  du  crâne  sont  libres  et  mobiles,  lorsque  l’enfant 
sain,  bien  nourri,  non  paralysé,  présente  un  développement  physique  et 
intellectuel  à  peu  près  en  rapport  avec  son  âge,  lorsque  enfin  l'hydro- 
pisie  subit  une  augmentation  continuelle.  » 

Si  l’on  se  décide  à  faire  l’opération,  il  est  prudent  de  ne  retirer  à  la  fois 
qu’une  petite  quantité  de  liquide,  de  50  à  100  grammes;  c’est  la  pratique 
qui  a  été  généralement  suivie  dans  les  opérations  dont  l’issue  à  été  favorable. 

Klein  (C.  C.),  Kurze  Beschreibung  einiger  seltenen  Wasserkôpfe.  Stuttgart,  1819. 

Ono,  Neue  scltene  Beobachtungen.  Berlin,  1824. 

Bbisht,  Report  of  medical  Cases,  vol.  II. 

Bôflisg,  Casper’.s  Woschenschrift ,  1837 

Vkolie,  Traité  sur  rbydrocépbalie  interne.  Amsterdam,  1839. 

lliLGAiGNE,  De  la  ponction  du  crâne  dans  l’bydrocépbale  chronique  (Bulletin  de  thérapeu^ 
tique,  1840,  t.  XIX,  p.  226). 

ViacHow,  Journal  fur  Piychiatrie,  1846. 

Denusvilliees  et  Gosselin,  Compendium  de  chirurgie  pratique,  18S1. 

Broks,  Handbucb  der  Chirurgie.  Tübingen,  1854,  1“  Abtheil. 

Virchow,  Entwickelung  des  Schâdelgrundes.  Berlin,  1857,  in-4. 

Brunet,  Sur  l’hydrocéphalie  chronique,  etc.  [Ann.  méd.  psychol.,  1861). 

Gurz,  liydrocephalus  congenitus  [Wochenblatt,  1862). 

Hilgek,  Zur  chemischer  Zusaramensetzung  serôser  Transsudate  [Centralblatt,  1867). 

Tumeurs.  —  Nous  étudierons  sous  ce  titre  toutes  les  productions 
pathologiques  persistantes  et  limitées  qui  ne  dépendent  ni  de  l’encépha¬ 
lite  ni  de  l’hémorrhagie  cérébrale  :  diverses  par  leur  structure,  par  leur 
genèse,  par  leur  signification  nosologique,  elles  doivent  à  la  similitude  de 
leur  mode  d’action  pathogénique  une  analogie  frappante  dans  leur  ex¬ 
pression  symptomatique.  Quelle  que  soit  leur  nature,  elles  ont  pour  effet  ; 
1”  d’élever  la  pression  intérieure  du  crâne  en  augmentant  le  contenu  de 
sa  cavité  ;  2°  de  comprimer  et  souvent  d’irriter  les  parties  avec  lesquelles 
elles  se  trouvent  en  connexion  directe;  de  là  résultent  des  troubles  fonc¬ 
tionnels  qui  varient  beaucoup  avec  le  volume  et  la  situation,  mais  fort  peu 
avec  la  structure  du  produit  morbide,  de  sorte  que,  s’il  est  souvent  pos¬ 
sible  de  reconnaître  l’existence  d’une  tumeur  intra-crânienne,  on  ne  par¬ 
vient  que  rarement  à  en  spécifier  la  nature.  Les  divers  néoplasmes  qui  se 
développent  dans  la  cavité  crânienne  présentent  ainsi  de  telles  analogies 
au  point  de  vue  clinique,  que  l’on  est  nécessairement  conduit  à  les  réunir 
dans  une  même  description. 

Gemêse  et  étiologie.  —  Nous  diviserons  les  tumeurs  cérébrales  en 
quatre  groupes  ;  les  tumeurs  vasculaires,  les  parasitaires,  les  diathésiques 
ou  constitutionnelles  et  les  accidentelles. 

Deux  espèces  de  tumeurs  vasculaires,  les  angiomes  et  les  anévrysmes, 
peuvent  se  développer  dans  la  cavité  crânienne.  Les  angiomes  sont  très- 
rares;  les  tumeurs  décrites  sous  ce  nom  par  Luschka  ne  seraient,  d’après 

NOOT.  niCT.  MÉD.  ET  CII'R.  XIU.  11 


162 


ENCÉPHALE.  —  tümedrs. 


MM.Cornil  et  Ranvier,  que  des  dilatations  des  gaines  lymphatiques.  La 
cause  presque  constante  des  anévrysmes  est  l’endartérile  chronique;  on 
les  observe  donc  surtout  chez  les  individus  âgés  ;  l’alcoolisme  y  prédispose 
en  favorisant  la  production  des  altérations  athéromateuses.  Les  trauma¬ 
tismes,  les  chutes ,  les  efforts  peuvent  jouer  le  rôle  de  causes  occasion¬ 
nelles.  Dans  une  observation  célèbre  de  Nélaton,  un  corps  étranger  poussé 
avec  force  avait  traversé  la  paroi  supérieure  de  l’orbite,  pénétré  dans  le 
sinus  caverneux,  déchiré  la  carotide  interne  et  donné  lieu  à  un  anévrysme 
artério-veineux. 

Les  tumeurs  parasitaires  sont  formées  par  des  cysticerques  ou  deséchi- 
nocoques;  assez  rares  en  France,  elles  s’observent  plus  fréquemment  dans 
les  pays  où  l’on  se  nourrit  de  viande  crue  ou  peu  cuite. 

Les  tumeurs  diathésiques  ou  constitutionnelles  sont  le  cancer,  le  tuber¬ 
cule  et  le  syphilome.  Le  cancer  de  l’encéphale  n’est  pas  très-rare;  il 
affecte  de  préférence  le  sexe  masculin  ;  on  ne  le  rencontre  guère  avant  l’âge 
adulte;  quand,  par  exception,  il  se  développe  chez  des  sujets  jeunes,  il  est 
le  plus  souvent  consécutif  à  un  cancer  de  l’œil;  généralement,  il  est 
primitif;  rarement  les  tumeurs  sont  multiples. 

Le  tubercule  du  cerveau  est  une  lésion  propre  au  jeune  âge;  presque 
toujours  on  trouve  simultanément  des  productions  de  même  nature  dans 
différents  viscères  et  particulièrement  dans  les  poumons  et  les  ganglions 
du  médiastin. 

Le  syphilome  encéphalique  se  développe  à  la  même  période  de  la  maladie 
que  les  gommes  sous-cutanées,  les  exostoses  et  les  lésions  viscérales  ;  deux 
observations  de  Howitz  semblent  démontrer  qu’il  faut  le  compter  parmi 
les  manifestations  de  la  syphilis  infantile. 

On  n’a  pas  de  notions  positives  sur  l’étiologie  des  tumeurs  accidentelles 
(sarcomes,  gliomes,  kystes,  myxomes,  etc.);  plus  fréquentes  chez  les 
adultes,  elles  peuvent  se  produire  à  tout  âge,  et  il' n’est  pas  rare  d’en 
rencontrer  chez  de  très-jeunes  sujets;  elles  semblent  quelquefois  avoir 
eu  pour  point  de  départ  une  violence  extérieure;  certaines  exostoses  se 
développent  sous  l’influence  de  la  puerpéralité. 

Anatomie  pathologique.  —  Tumeurs  vasculaires.  ■— -Tes  anévrysmes  inté¬ 
ressent  presque  exclu-sivement  les  artères  qui  forment  le  cercle  deWillis  ou 
leurs  branches  ;  onn’a  trouvé  qu’une  fois  une  de  ces  tumeurs  sur  le  trajet 
delà  méningée  moyenne.  La  basilaire  en  est  le  siège  le  plus  fréquent;  l’excès 
de  pression  que  la  confluence  des  vertébrales  produit  dans  ce  vaisseau  peut 
expliquer  cette  prédisposition.  Parmi  les  branches  de  la  carotide,  les  syl- 
viennes  sont  le  plus  souvent  affectées  ;  celle  du  côté  gauche  surtout  offre 
une  prédisposition  due  sans  doute  à  ce  que  la  carotide  gauche  naît  direc¬ 
tement  de  l’aorte  et  que  par  suite  Fondée  sanguine  y  est  lancée  avec  plus 
de  force.  Les  anévrysmes  des  carotides,  à  leur  passage  dans  les  sinus  ca¬ 
verneux  ou  à  leur  terminaison,  sont  plus  rares  ;  ceux  des  communicantes 
postérieures,  des  cérébrales  postérieures,  des  cérébelleuses,  de  la  commu¬ 
nicante  antérieure,  sont  tout  à  fait  exceptionnels.  Il  est  assez  fréquent  de 
trouver  simultanément  plusieurs  anévrysmes  intra-crâniens  ;  leur  volume 


ENCEPHALE.  —  tdmedrs. 


163 


atteint  parfois  celui  d’un  œuf  de  poule;  on  en  rencontre  de  sacciformes  et 
de  fusiformes.  Souvent  ils  renferment  des  caillots  qui  envoient  des  pro¬ 
longements  plus  ou  moins  étendus  dans  l’artère  et  dans  ses  branches;  le 
courant  sanguin  en  détache  quelquefois  des  fragments  qui  vont  jouer, 
dans  des  vaisseaux  moins  volumineux,  le  rôle  d’embolies.  Les  anévrysmes 
peuvent  comprimer  des  branches  artérielles  et  provoquer  ainsi  des  acci¬ 
dents  d’anémie  cérébrale;  d’autres  fois,  ils  gênent  la  circulation  veineuse 
et  deviennent  la  cause  d’une  hydrocéphalie  chronique.  Dans  près  de  la 
moitié  des  cas  surtout,  quand  la  tumeur  siège  sur  l’artère  sylvienne,  les 
parois  finissent  par  se  rompre;  il  en  résulte  une  hémorrhagie  abondante; 
il  peut  s’écouler  plus  de  500  grammes  de  sang:  ce  liquide  s’accumule 
dans  les  espaces  sous-arachnoïdiens  et  quelquefois  pénètre  dans  les  ven¬ 
tricules  par  les  parties  latérales  de  la  grande  fente  cérébrale. 

L’anévrysme  artérioso-veineux  est  très-rare  ;  on  ne  l’observe  que  dans 
le  sinus  caverneux.  Nous  avons  vu  plus  haut  qu’il  peut  être  d’origine 
traumatique  ;  d’autres  fois  il  est  consécutif  à  la  rupture  d'un  petit  ané¬ 
vrysme  de  la  carotide. 

Tumeurs  parasitaires.  —  Les  kystes  à  cysticerques  siègent  surtout 
dans  la  substance  grise  des  circonvolutions  ou  dans  les  masses  grises 
centrales  ;  tantôt  on  n’en  trouve  que  deux  ou  trois  ,  tantôt  ils  sont  très- 
nombreux,  disséminés  dans  toutes  les  parties  de  l’encéphale;  ils  n’occu¬ 
pent  pas  alors  exclusivement  les  centres  nerveux  ;  les  muscles,  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané,  quelquefois  les  plèvres  et  les  poumons  sont  envahis 
par  ces  productions.  Le  volume  des  vésicules  ne  dépasse  guère  celui  d’un 
œuf  de  pigeon  ;  la  paroi  kystique  est  résistante  ;  la  substance  cérébrale 
qui  l’entoure  a  souvent  son  aspect  normal.  Le  contenu  de  la  tumeur  peut 
subir  la  métamorphose  graisseuse  ;  il  forme  alors  une  sorte  de  mastic 
dans  lequel  on  peut  retrouver  des  crochets. 

Les  échinocoques  siègent  habituellement  dans  les  hémisphères.  Les 
kystes  sont  volumineux  et  peu  nombreux;  rarement  on  en  trouve  plus 
de  deux  ou  trois. 

Tumeurs  diathésiques  ou  eonstitutionnelles. — Les  plus  fréquentes  sont 
les  cancers  ;  le  cerveau  en  est  le  siège  habituel  ;  pourtant  ils  peuvent 
avoir  pour  point  de  départ  les  os  du  crâne,  les  parois  de  l’orbite  et  sur¬ 
tout  la  dure-mère. 

Les  tumeurs  qui  se  développent  dans  le  cerveau  peuvent  atteindre  le 
volume  du  poing;  quand  elles  sont  multiples,  elles  sont  de  plus  petites 
dimensions.  Tantôt  elles  s’enkystent,  tantôt  elles  envoient  des  prolonge¬ 
ments  plus  ou  moins  étendus  dans  le  tissu  nerveux  qui  les  entoure;  leur 
consistance  varie  avec  leur  composition  élémentaire  ;  dans  la  variété  qui 
porte  le  nom  de  squirrhe,  l’élément  fibreux  prédomine,  la  trame  intersti¬ 
tielle  forme  la  majenre  partie  du  néoplasme,  les  alvéoles  sont  petits,  les 
cellules  peu  nombreuses,  la  tumeur  crie  sous  le  scalpel  et  contient  peu 
de  liquide.  Dans  l’encéphaloïde  ,  les  parties  fibreuses  sont  peu  dévelop¬ 
pées  ;  la  tumeur  est  surtout  composée  d’éléments  cellulaires  ;  elle  est 
très-molle  et  offre  par  ses  caractères  physiques  une  grande  ressemblance 


164  ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 

avec  la  substance  cérébrale.  Les  cancers  colloïdes  se  rencontrent  rare¬ 
ment  dans  l’encéphale. 

Les  carcinomes  de  la  dure-mère  sont  mamelonnés ,  durs  au  début, 
mous  à  une  période  avancée  de  leur  évolution,  souvent  très-vasculaires; 
ils  peuvent  siéger  dans  toutes  les  parties  de  la  membrane;  rarement  ils 
sont  multiples.  Leur  accroissement  se  fait  surtout  vers  les  parties  centrales 
de  la  cavité  crânienne,  en  raison  du  peu  de  résistance  qu’ils  rencontrent 
dans  cette  direction;  il  n’est  pas  rare  pourtant  qu’ils  amènent  l’altération, 
puis  la  perforation  des  os  du  crâne,  et  qu’ils  forment  ainsi  une  des  variétés 
de  tumeurs  que  l’on  décrivait  sous  le  nom  de  fongus  de  la  dure-mère. 
Quelquefois,  des  prolongements  issus  de  la  tumeur  intra-crânienne  pé¬ 
nètrent  dans  l’orbite  ou  dans  les  fosses  nasales. 

Ces  cancers  subissent  fréquemment,  dans  une  partie  plus  ou  moins 
considérable  de  leur  étendue,  la  métamorphose  graisseuse  et  prennent 
l’aspect  caséeux;  dans  des  cas  exceptionnels,  la  trame  conjonctive  devient 
le  siège  de  dépôts  calcaires. 

On  décrit,  dans  l’encéphale,  sous  le  nom  de  tubercules,  de  petites  tumeurs 
arrondies,  de  volume  variable,  de  couleur  jaunâtre,  formées  en  grande  partie 
de  matière  caséeuse,  quelquefois  incrustées  de  sels  calcaires.  A  leur  péri¬ 
phérie, on  trouve  beaucoup  de  vaisseaux  remplis  défibriné  coagulée.  Elles 
occupent  indifféremment  les  parties  blanches  et  les  parties  grises  ;  assez 
souvent  on  les  rencontre,  à  la  base  des  circonvolutions,  sur  la  limite  qui 
sépare  les  deux  substances.  Leur  volume  est  habituellement  peu  consi¬ 
dérable  ;  il  ne  dépasse  guère  celui  d’une  noisette;  les  masses  volu¬ 
mineuses  décrites  par  les  auteurs  sous  le  nom  de  tubercules,  sont  for¬ 
mées  en  réalité  par  plusieurs  de  ces  nodosités  réunies  entre  elles.  On  a 
contesté  que  ces  productions  fussent  réellement  de  nature  tuberculeuse  ; 
d’après  liindfleisch,  on  confond  sous  ce  nom  deux  ordres  distincts  de 
produits,  les  uns  sont  de  véritables  tubercules,  les  autres  des  sarco¬ 
mes  ;  dans  tous  on  peut  distinguer  :  au  centre  une  masse  opaque,  jaune, 
sèche,  d’apparence  caséeuse;  â  la  périphérie,  une  couche  à  demi-trans¬ 
parente,  grisâtre,  vasculaire,  que  Rindfleisch  désigne  sous  le  nom  de  zone 
d’accroissement.  Cette  zone  peut  présenter  des  caractères  très-différents  : 
dans  certaines  tumeurs,  elle  est  formée  en  grande  partie  de  noyaux  em- 
bryoplastiques,  peu  différents  des  globules  blancs  ;  quelques-uns  de  ces 
éléments  sont  chargés  de  fines  granulations  graisseuses  ;  ils  sont  sé¬ 
parés  par  des  fibrilles  de  tissu  conjonctif;  on  peut  d’après  ces  caractères 
classer  ces  néoplasmes  parmi  les  sarcomes;  dans  les  autres,  la  couche 
périphérique  n’est  pas  homogène,  un  examen  attentif  permet  d’y  recon¬ 
naître  une  quantité  de  granulations  identiques  par  leur  aspect  physique 
et  leur  composition  histologique  aux  granulations  miliaires  des  méninges 
et  des  poumons;  ces  dernières  doivent  être  seules  considérées  comme  des 
tubercules  ;  elles  sont  généralement  multiples  et  plus  petites  que  les  sar¬ 
comes;  elles  peuvent  s’incruster  de  sels  calcaires;  rarement  elles  se  ra¬ 
mollissent.  En  général,  on  trouve  simultanément  des  tubercules  dans 
les  méninges  et  dans  les  poumons  ;  dans  des  cas  où  la  lésion  de  l’encé- 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 


165 


phale  existerait  seule,  on  ne  pourrait  la  rapporter  sans  réserve  à  la  tuber¬ 
culose,  car,  d’après  Wagner,  la  confusion  est  quelquefois  facile  entre  les 
tubercules  cérébraux  et  certaines  néoplasies  syphilitiques. 

Syphilomes. —  Des  productions  de  nature  diverse  peuvent  se  développer 
sous  l’influence  de  la  syphilis  dans  la  cavité  crânienne  ;  elles  occupent 
la  dure-mère,  la  pie-mère  ou  la  substance  même  de  l’encéphale;  quand 
elles  ont  acquis  des  dimensions  considérables,  il  devient  difficile  de  dé¬ 
terminer  quel  en  a  été  le  point  de  départ. 

Dans  la  dure-mère,  la  syphilis  donne  lieu  à  des  lésions  phlegmasiques 
et  à  des  tumeurs  gommeuses  ;  les  premières  occupent  surtout  le  feuillet 
externe  de  la  membrane  ;  elles  amènent  assez  souvent  la  formation  de  tu¬ 
meurs  osseuses;  quand  elles  siègent  sur  le  trajet  des  nerfs  crâniens,  elles 
donnent  lieu  à  des  paralysies  localisées;  de  simples  épaississements  de  la 
membrane  peuvent  avoir  ce  résultat  et  en  imposer  pour  des  tumeurs 
volumineuses.  Les  gommes  de  la  dure-mère  proéminent  à  la  face  in¬ 
terne  de  cette  membrane  ;  elles  siègent  fréquemment  à  la  base  du  cer¬ 
veau;  ordinairement  petites,  elles  peuvent  atteindre  le  volume  d’une 
noix;  elles  contractent  alors  adhérence  avec  la  pie-mère,  et  provoquent 
consécutivement  des  altérations  dans  la  partie  adjacente  de  l’encéphale. 
Nous  avons  vu  plus  haut  qu’elles  peuvent,  en  comprimant  les  artères, 
devenir  la  cause  indirecte  d’un  ramollissement  cérébral. 

Dans  la  pie-mère,  les  gommes  atteignent  des  dimensions  plus  considé¬ 
rables,  sans  arriver  jamais  au  volume  relativement  énorme  qu’elles  offrent 
parfois  dans  les  poumons  et  dans  le  foie;  mal  limitées,  elles  envoient  des 
expansions  dans  le  tissu  normal.  C’est  au-dessus  de  la  selle-turcique  et  de 
la  gouttière  basilaire  qu’on  les  rencontre  surtout. 

Les  gommes  de  l’encéphale  sont  plus  rares  ;  on  en  a  vu  dans  les  cir¬ 
convolutions,  les  corps  opto-striés,  la  protubérance.  D’après  Virchow,  les 
caractères  suivants  les  distinguent  des  tubercules  :  elles  sont  moins  arron¬ 
dies,  elles  représentent  la  forme  des  parties  dans  lesquelles  elles  se  sont 
développées,  elles  ne  sont  pas  nettement  limitées  et  se  continuent  insen¬ 
siblement  avec  les  parties  saines;  elles  ne  deviennent  caséeuses  que 
dans  une  petite  partie  de  leur  étendue.  Leur  ressemblance  avec  les  sar¬ 
comes  et  les  gliomes  est  telle  dans  certains  cas,  que  le  diagnostic  anato¬ 
mique  ne  peut  être  posé  qu’à  l’aide  des  commémoratifs  et  des  lésions 
concomitantes. 

.  Les  gommes  provoquent  habituellement,  dans  le  tissu  qui  les  entoure', 
un  travail  inflammatoire  qui  peut  persister  après  leur  disparition  ;  la 
coexistence  d’autres  lésions  syphilitiques  permet  seule  alors  d’en  recon¬ 
naître  la  nature,  encore  peut-on  se  demander  s’il  s’agit  d’une  inflamma¬ 
tion  simple  ou  gommeuse. 

Ces  tumeurs  sont  d’apparence  homogène,  d’un  gris  rougeâtre;  sur 
une  coupe  on  aperçoit  des  taches  jaunâtres  qui  représentent  les  par¬ 
ties  caséeuses;  dans  le  cerveau,  elles  sont  souvent  entourées  d’une  ma¬ 
tière  semi-transparente,  d’aspect  colloïde.  Ordinairement  molles,  elles 
peuvent  acquérir  en  vieillissant  une  dureté  considérable  ;  elles  s’en- 


166  ENCÉPHALE.  —  tdmedrs, 

tourent  alors  d’une  membrane  kystique;  le  tissu  nerveux  périphérique 
s’indure,  se  sclérose.  A  l’examen  microscopique,  elles  apparaissent  es¬ 
sentiellement  composées  de  noyaux  et  de  cellules  que  sépare  tanlôt  une 
substance  homogène,  tantôt  un  tissu  conjonctif  fibrillaire.  Les  cellules 
ressemblent  aux  leucocytes;  leur  origine  est  controversée;  d’après  Wagner, 
elles  se  formeraient  par  multiplication  des  noyaux  des  capillaires;  plus 
généralement,  on  pense  qu’elles  résultent  de  la  prolifération  des  éléments 
de  la  névroglie;  mais  depuis  les  expériences  de  Conheim,  toutes  les. 
questions  relatives  à  la  genèse  des  éléments  sont  de  nouveau  à  l’étude;  on 
n’admet  plus  qu’avec  réserve  la  prolifération  des  éléments  conjonctifs,  et 
l’on  tend  à  faire  jouer  à  la  migration  des  globules  blancs  un  rôle  essentiel 
dans  la  genèse  de  certaines  néoplasies.  Les  gommes  subissent  souvent, 
dans  une  partie  de  leur  étendue,  la  métamorphose  caséeuse;  des  granu¬ 
lations  graisseuses  se  déposent  dans  leurs  cellules,  qui  bientôt  se  ramol¬ 
lissent,  puis  se  désagrègent.  Dans  leurs  périodes  anciennes,  ces  tumeurs 
sont  en  grande  partie  composées  d’un  tissu  conjonctif  dense  et  de  cel¬ 
lules  fusiformes. 

Les  lésions  syphilitiques  de  l’encéphale  coïncident  souvent  avec  des 
lésions  semblables  des  autres  viscères,  du  s([uelette  et  des  téguments. 

Les  tumeurs  accidentelles  non  vasculaires  offrent  beaucoup  de  variétés. 
Nous  nous  occuperons  d’abord  de  celles  que  l’on  désignait  autrefois  sous 
le  nom  de  tumeurs  fibro-plastiques.  Les  auteurs  ne  sont  pas  d’accord  sur 
leur  véritable  nature  :  tandis  que  Lebert,  Forster  et  la  plupart  des  his¬ 
tologistes  allemands  les  décrivent  comme  des  sarcomes,  Vulpian,  Bou¬ 
chard  et  Robin  les  considèrent  comme  des  épithéliomes,  et  c’est  bien 
aux  mêmes  produits  que  se  rapportent,  sous  des  titres  différents,  les 
descriptions  données  par  ces  auteurs,  car  elles  présentent  dans  les  dé¬ 
tails  la  plus  grande  analogie;  l'interprétation  seule  diffère. 

Ces  tumeurs  occupent,  le  plus  souvent,  la  selle-turcique  ou  les  parties 
qui  l’entourent  ;  leur  consistance  est  habituellement  très-molle,  bien  que 
leur  tissu  ait  une  certaine  ténacité  ;  quelquefois  pourtant  elles  sont  dures 
et  résistent  sous  le  scalpel  comme  du  cartilage.  Leur  couleur  est  d’ordi¬ 
naire  grisâtre  ;  elle  tire  sur  le  rouge  quand  la  tumeur  est  très-vascu¬ 
laire.  Le  tissu  morbide  est  parfois  tacheté  de  petits  points  jaunes  qui  ré¬ 
pondent  aux  parties  devenues  caséeuses.  Les  parois  fragiles  des  vaisseaux 
qu'il  renferme  peuvent  se  rompre  et  donner  lieu  à  des  hémorrhagies 
généralement  peu  abondantes,  mais  suffisantes  pour  amener  un  accroisse¬ 
ment  soudain  du  volume  de  la  tumeur;  c’est  sans  doute  à  d’anciennes  hé¬ 
morrhagies  qu’il  faut  attribuer  la  présence,  dans  certains  de  ces  produits, 
de  petites  cavités  remplies  d’un  liquide  diversement  coloré.  Ces  néo¬ 
plasmes  peuvent  atteindre  des  dimensions  considérables  ;  ils  se  dévelop¬ 
pent  surtout  aux  dépens  de  la  dure-mère;  tantôt  ils  proéminent  à  sa  face 
interne,  compriment  la  surface  de  l’encéphale  et  s’y  creusent  une  cavité 
sans  déterminer  habituellement  de  lésions  inflammatoires;  tantôt  ils 
s’accroissent  de  dedans  en  dehors,  ulcèrent,  puis  perforent  les  parois  cr⬠
niennes,  et  viennent  former,  sous  le  cuir  chevelu,  les  tumeurs  que  l’on 


167 


ENCÉPHALE.  —  tdhecrs. 
confondait  autrefois  avec  les  carcinomes,  sous  le  nom  de  fongus  dè  la 
dure-mère.  Au  microscope,  on  les  trouve  formés  en  grande  partie  d’élé¬ 
ment  cellulaires;  ils  renferment  en  outre  une  quantité  variable  de  vais¬ 
seaux  et  une  trame  conjonctive  généralement  très-peu  développée. 
Les  cellules  sont  de  grande  dimension,  aplaties,  allongées,  finement 
granulées;  leur  noyau  est  très-apparent;  quand  on  les  voit  de  profil,  le 
noyau  seul  fait  saillie,  et,  comme  elles  sont  très-allongées,  elles  ont  tout 
à  fait  l’aspect  de  cellules  fusiformes;  quelques-unes  contiennent  plu¬ 
sieurs  noyaux;  d’autres,  en  nombre  variable,  renferment  dans  leur  épais¬ 
seur  un  corps  vésiculeux  plus  ou  moins  volumineux  ;  le  noyau  est  alors 
refoulé  à  la  périphérie  et  semble  aplati  en  forme  de  croissant.  Outre  ces 
éléments,  on  voit  dans  les  tumeurs  qui  nous  occupent  une  quantité  gé¬ 
néralement  considérable  de  corps  arrondis  qui  sont  manifestement  for¬ 
més  de  cellules  enroulées  ;  ils  offrent  la  plus  grande  ressemblance  avec 
les  globes  épidermiques;  on  peut,  en  les  comprimant  légèrement,  ame¬ 
ner  la  dissociation  des  cellules  qui  les  constituent  et  les  étudier  isolé¬ 
ment.  Enfin  ces  tumeurs  renferment,  le  plus  souvent,  en  quantité  va¬ 
riable,  des  grains  de  sable  cérébral  :  ce  sont  de  petites  masses  allon¬ 
gées  ou  arrondies,  composées  en  grande  partie  de  sels  calcaires.  D’après 
Cornil  et  Ranvier,  les  dépôts  calcaires  se  font  dans  les  parois  de  petits 
bourgeons  qui  se  forment  aux  dépens  des  vaisseaux;  d’après  Vulpian, 
les  grains  de  sable  ne  sont  que  des  globes  épidermiques  incrustés 
de  sels  calcaires;  d’après  Yirchow,  tantôt  les  concrétions  sont  libres, 
tantôt  elles  sont  déposées  dans  des  faisceaux  de  tissu  connectif.  Ces 
grains  de  sable  existent,  à  l’état  normal,  dans  les  plexus  choroïdes,  dans  la 
glande  pinéale,  dans  les  granulations  dePacchioni.  On  les  rencontre  dans 
diverses  productions  pathologiques,  et  surtout  dans  les  tumeurs  que 
Virchow  décrit  sous  le  nom  de  psammomes. 

Les  psammomes  sont  essentiellement  formés  de  grains  de  sable  et  de 
tissu  connectif  fibrillaire.  Leur  consistance  est  ferme,  leur  volume  dé¬ 
passe  rarement  celui  d’une  grosse  noisette  ;  ils  ont  quelquefois  l’aspect 
mûriforme;  ils  naissent  presque  toujours  de  la  dure-mère.  On  en  a  vu  se 
développer  dans  l’épaisseur  du  tissu  nerveux. 

On  rencontre  dans  la  cavité  crânienne,  en  dehors  des  tumeurs  que 
nous  venons  d’étudier,  plusieurs  variétés  de  sarcomes  ;  on  y  trouve  des 
cellules  arrondies,  fusiformes  ou  étoilées,  et  des  vaisseaux  plus  ou  moins 
nombreux  :  tels  sont  les  néoplasmes  que  nous  avons  plus  haut  différen¬ 
ciés  des  tubercules.  Les  sarcomes  dits  mélanés  forment  des  tumeurs 
peu  volumineuses  qui  siègent  surtout  sur  le  trajet  des  vaisseaux;  leurs 
cellules  renferment  des  granulations  pigmentaires;  on  trouve  habituel¬ 
lement  de  ces  productions  dans  l’œil,  la  peau,  le  foie  ou  l’intestin  en 
même  temps  que  dans  l’encéphale. 

Les  lipomes  sont  très-rares;  on  en  a  vu  au-dessous  du  chiasma  et  au- 
devant  de  la  protubérance;  ils  peuvent  se  développer  également  au  niveau 
des  raphés  du  corps  calleux  et  de  la  voûte  à  trois  piliers,  sans  doute 
parce  que  ces  parties  contiennent  normalement  un  peu  de  graisse. 


ENCÉPHALE.  —  tumedrs. 


Les  cylindromes  sont  principalement  formés  de  tissu  conjonctif  et  de 
tissu  muqueux  homogène  ;  on  y  trouve  aussi  des  cellules  fusiformes  et 
des  fibres  élastiques. 

Les  myxomes  sont  des  tumeurs  molles,  demi-transparentes,  d’aspect 
colloïde;  leur  volume  peut  dépasser  celui  d’une  orange.  Elles  sont  consti¬ 
tuées  par  une  substance  fondamentale,  presque  fluide,  offrant  les  réactions 
du  mucus,  et  par  des  éléments  cellulaires  ronds  quand  la  tumeur  est 
d’origine  récente,  étoilés  et  anastomosés  par  leurs  prolongements  lors¬ 
qu’elle  est  plus  âgée.  Quelquefois  la  substance  fondamentale  se  liquéfie 
par  places,  les  cellules  s’atrophient,  il  se  forme  des  cavités  kystiques. 

Nous  rapprocherons  de  ces  productions  l’ecchondrose  sphéno-occipitale 
de  Virchow.  Ordinairement  l’apophyse  basilaire  et  le  sphénoïde  se  sou¬ 
dent  rapidement;  quand  il  en  est  autrement,  les  points  non  ossifiés 
peuvent  être  le  point  de  départ  d’une  tumeur  qui  s’élève  au-dessus  du 
clivus  de  Blumenbach,  perfore  la  dure-mère  et  vient  comprimer  la  partie 
moyenne  de  la  protubérance  ;  elle  adhère  intimement  à  la  pie-mère  et  se 
détache  avec  elle  quand  on  enlève  l’encéphale,  de  telle  sorte  qu’on  peut 
en  méconnaître  la  véritable  nature  et  croire  à  une  tumeur  de  la  protubé¬ 
rance  ;  sa  consistance  est  très-molle,  presque  gélatineuse. 

Les  cholestéatomes  ou  tumeurs  perlées,  peuvent  se  former  dans  le 
squelette,  dans  les  méninges  et  dans  le  tissu  cérébral  ;  elles  siègent  le 
plus  souvent  à  la  base  de  l’encéphale  ;  leur  volume  dépasse  rarement  celui 
d’une  grosse  noix  ;  elles  sont  lobulées  et  semblent  composées  de  plusieurs 
tumeurs  accolées.  Les  surfaces  de  section  ont  un  aspect  blanchâtre, 
comme  nacré ,  dû  à  la  quantité  considérable  de  cholestérine  que  ren¬ 
ferme  le  néoplasme.  Les  petites  masses  qui  constituent  la  tumeur  sont 
formées  de  cellules  épithéliales  enroulées  en  couches  concentriques; 
ces  cellules  sont,  pour  la  plupart,  aplaties,  atrophiées,  d’apparence  cornée; 
d’autres  ont  subi  la  dégénérescence  graisseuse.  Un  tissu  conjonctif  dé¬ 
pourvu  de  vaisseaux  réunit  entre  eux  les  différents  lobules  ;  la  tumeur  est 
enveloppée  d’une  membrane  conjonctive. 

On  appelle  gliomes  des  tumeurs  constituées  par  un  tissu  semblable  à 
celui  de  la  névroglie;  elles  sont  molles,  d’une  coloration  variable  suivant 
leur  richesse  vasculaire,  quelquefois  comparable  à  celle  de  l’hortensia. 
On  y  trouve  à  l’examen  microscopique  un  réticulum  très-fin,  renfermant 
de  nombreuses  cellules  étoilées  dont  les  prolongements  s’anastamosent 
entre  eux  et  avec  les  fibrilles  du  réticulum.  Très-vasculaires,  elles  sont 
fréquemment  le  siège  d’hémorrhagies  qui  peuvent  donner  lieu  aux  mê¬ 
mes  symptômes  qu’une  hémorrhagie  cérébrale;  le  diagnostic  anato¬ 
mique  même  peut  présenter  de  réelles  difficultés  quand  le  foyer  sanguin 
est  considérable.  Ces  tumeurs  subissent  assez  fréquemment  la  dégéné¬ 
rescence  graisseuse.  On  peut  confondre  un  gliome  avec  un  foyer  d’encé¬ 
phalite  chronique  ;  certains  faits  sont  même  difficiles  à  classer  :  pour¬ 
tant  dans  le  gliome,  le  tissu  morbide  s’isole  nettement  des  parties 
saines;  il  foime  une  saillie  à  la  surface  de  l’encéphale;  il  ne  ren¬ 
ferme  pas  d’éléments  nerveux,  tandis  que  dans  l’encéphalite  on  retrouve 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 


169 


des  cellules  et  des  tubes  nerveux  plus  ou  moins  altérés,  mais  parfaite¬ 
ment  reconnaissables.  Ces  néoplasies  s’accroissent  généralement  avec  une 
grande  lenteur;  elles  n’agissent  sur  les  parties  qui  les  entourent  que  par 
compression,  et  peuvent  rester  très-longtemps  stationnaires.  Virchow 
pense  qu’elles  ne  sont  peut-être  pas  complètement  incurables. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner  les  glio-sarcomes,  tumeurs  formées  de 
parties  glieuses  et  de  cellules  fusiformes;  les  enchondromes  de -la  dure- 
mère  et  des  parois  ventriculaires;  les  kystes  dont  on  rencontre  trois 
variétés,  les  kystes  simples,  les  kystes  composés  ou  cystoïdes  et  les  kystes 
pileux;  ces  divers  produits  ne  se  rencontrent  qu’exceptionnellement. 

La  glande  pinéale  peut  s’hypertrophier  ;  on  l’a  vue  former  une  tumeur 
du  volume  d’une  noix,  comprimant  les  tubercules  quadrijumeaux  et  les 
veines  de  Galien. 

Les  exostoses  offrent  un  grand  nombre  de  variétés.  Leur  origine  est 
souvent  inconnue  ;  dans  un  certain  nombre  de  cas  on  peut  les  rattacher 
à  un  traumatisme,  à  la  syphilis,  à  l’état  puerpéral  ou  à  la  tuberculose. 
Elles  peuvent  naître  dans  les  cavités  de  la  face,  particulièrement  dans 
l’orbite  ou  le  sinus  maxillaire,  et  ne  pénétrer  dans  le  crâne  qu’ultérieu- 
rement.  Elles  s’étendent  en  surface  ou  en  profondeur;  quelquefois  elles 
se  développent  dans  l’épaisseur  même  de  l’os  et  méritent  alors  le  nom 
d’énostoses.  Leur  tissu  est  tantôt  dur  et  compacte  comme  celui  de  l’ivoire  ; 
tantôt  spongieux,  creusé  de  vacuoles;  quelquefois  il  renferme  des  kystes 
plus  ou  moins  volumineux.  Ces  tumeurs  ne  se  forment  pas  toujours 
aux  dépens  des  parois  crâniennes  ;  la  dure-mère  peut  en  être  le  point  de 
départ  ;  elles  sont  alors  séparées  de  la  paroi  osseuse  par  une  couche  de 
tissu  fibreux.  Enfin  la  substance  cérébrale  elle-même  peut  en  être  l’ori¬ 
gine;  on  en  a  rencontré  dans  les  couches  optiques,  le  corps  calleux  et  le 
cervelet. 

.  Les  tumeurs  que  nous  venons  d'énumérer,  présentent  des  différences 
importantes  dans  leur  mode  de  développement  et  dans  leur  action  sur  le 
tissu  de  l’encéphale  ;  les  néoplasmes,  dont  la  marche  est  habituellement 
la  plus  rapide,  sont  les  carcinomes  et  certains  sarcomes;  ils  se  distinguent 
en  outre  par  leur  tendance  à  perforer  les  parois  crâniennes  et  à  proémi- 
ner  au  dehors.  Les  productions  syphilitiques  s’accroissent  aussi  rapide¬ 
ment;  mais,  arrivées  à  un  certain  degré  de  développement,  elles  cessent 
d’augmenter,  et  bientôt  leur  volume  diminue;  de  là  des  oscillations  re¬ 
marquables  dans  la  marche  des  accidents.  Certains  néoplasmes,  en  parti¬ 
culier  les  carcinomes,  les  sarcomes  et  les  gliomes  peuvent  être  le  siège 
d’hémorrhagies  interstitielles  et  subir  ainsi  soudainement  une  augmen¬ 
tation  de  volume  considérable. 

Toutes  les  tumeurs,  avons-nous  dit,  ont  pour  effet  commun  d’augmenter 
la  pression  intra-crânienne  ;  elles  tendent  ainsi  â  affaisser  les  parois  des 
petits  vaisseaux  et  à  empêcher  l’abord  du  sang  dans  le  tissu  nerveux.  Elles 
exercent  en  outre  une  action  directe  sur  les  parties  avec  lesquelles  elles 
sont  en  contact.  Parla  compression  des  artères,  elles  peuvent  amener  des 
ramollissements  nécrobiotiques;  par  la  compression  des  veines,  elles  pro- 


170 


ENCÉPHALE.  —  tdmedrs. 
duisent  des  thromboses,  des  congestions  passives,  de  l’hydrocéphalie  ;  les 
nerfs  subissent,  au  bout  d’un  certain  temps,  la  dégénérescence  grais¬ 
seuse.  La  partie  de  l’encéphale  qui  est  en  rapport  direct  avec  la  tumeur 
peut  être  le  siège  d’altérations  diverses  ;  tantôt  elle  s’atrophie,  de  sorte 
que  la  pression  intra-crânienne  tend  à  redevenir  normale  ;  tantôt  elle 
s’infiltre  de  sérosité,  .se  congestionne  ou  s’enflamme;  quelquefois  il  s’y 
fait  des  hémorrhagies  ;  l’œdème  et  la  congestion  sont  des  phénomènes 
transitoires  qui  peuvent  expliquer  les  irrégularités  que  l’on  observe  sou¬ 
vent  dans  la  marche  des  tumeurs  cérébrales. 

La  gravité  des  lésions  de  voi.sinage  varie  beaucoup  avec  la  nature  de  la 
tumeur;  les  cancers,  les  exostoses,  les  syphilomes  ont  une  tendance  par¬ 
ticulière  à  provoquer  l’inflammation  des  parties  qui  les  entourent.  La 
plupart  des  productions  accidentelles  n’agissent,  au  contraire,  que  par 
compression  ;  elles  peuvent  refouler  la  substance  nerveuse  sans  y  déter¬ 
miner  d’altérations  appréciables. 

Il  peut  se  produire,  sous  l’influence  des  tumeurs  cérébrales,  des  lésions 
remarquables  du  nerf  optique  et  de  son  expansion  terminale  ;  elles  sont 
le  plus  souvent  de  nature  inflammatoire  ;  on  distingue  deux  formes  prin¬ 
cipales  de  névrite  optique  :  la  première  débute  constamment  par  la  par¬ 
tie  intra-crânienne  du  nerf;  elle  résulte  de  la  propagation  à  ce  cordon 
nerveux  du  travail  inflammatoire  que  souvent  les  tumeurs  provoquent  à 
leur  périphérie;  on  l’observe  surtout  dans  les  cas  de  cancer  et  de  syphi¬ 
lomes;  toujours  elle  coïncide  avec  des  lésions  phlegmasiques  des  méninges 
ou  de  l’encéphale  ;  la  lésion  peut  s’étendre  progressivement  jusqu’à  la  pa¬ 
pille  du  nerf  optique;  au  microscope,  on  trouve  comme  lésion  dominante 
une  hyperplasie  de  la  trame  conjonctive.  Cette  première  forme,  que  l’on 
désigne,  en  raison  de  sa  marche,  sous  le  nom  de  névrite  descendante,  est 
une  conséquence  assez  rare  des  tumeurs  cérébrales  ;  il  n’en  est  pas  de  même 
delà  seconde;  dans  celle-ci,  les  lésions  sont  limitées  à  la  papille  du  nerf  op¬ 
tique  et  aux  parties  voisines  de  la  rétine  ;  elles  reconnaissent  pour  cause, 
ainsi  que  l’a  établi  de  Græfe,  la  stase  sanguine  que  les  tumeurs  cérébrales 
provoquent  dans  la  papille,  soit  directement  en  comprimant  la  veine  oph- 
thalmique  ou  les  sinus  caverneux,  soit  indirectement  en  élevant  la  pression 
intra-crânienne.  Au  début,  il  n’y  a  d’autre  altération  qu’une  hypérémie vei¬ 
neuse;  bientôt  la  papille  se  gonfle,  s’œdématie,  et  il  en  résulte  un  nou¬ 
vel  obstacle  à  la  circulation  ;  au  bout  d’un  certain  temps,  les  éléments 
conjonctifs  se  multiplient;  il  se  forme  de  nouveaux  vaisseaux;  les  tubes 
nerveux  s’altèrent;  le  processus  aboutit,  en  dernière  analyse,  à  l’atrophie 
de  la  papille.  Nous  devons  mentionner  enfin,  comme  conséquence  plus 
rare  des  tumeurs  cérébrales,  l’atrophie  simple  et  la  sclérose  du  nerf  op¬ 
tique  ;  cette  dernière  altération  peut  se  produire  d’emblée  ou  consécuti¬ 
vement  à  une  névrite  descendante. 

Quand  les  tumeurs  amènent  l’altération  des  corps  opto-striés  ou  des 
faisceaux  nerveux  qui  relient  ces  organes  aux  cordons  antérieurs  de  la 
moelle,  elles  peuvent  donner  lieu,  comme  les  hémorrhagies  et  les  ramol¬ 
lissements,  à  des  dégénérations  secondaires  du  mésocéphale  et  de  la 


171 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 
moelle,  et  à  des  lésions  des  muscles,  des  nerfs  et  des  articulations  dans 
les  membres  paralysés  ;  nous  ne  reviendrons  pas  sur  la  pathogénie  et  les 
caractères  de  ces  altérations  qui  ne  présentent  dans  ce  cas  aucune  parti¬ 
cularité  que  nous  n’ayons  déjà  signalée.  {Voy.  Hémorrhagie.) 

Symptômes.  —Nulle  part,  dans  le  domaine  de  la  pathologie  interne,  l’inter¬ 
vention  constante  de  l’analyse  physiologique  n’est  plus  nécessaire  que  dans 
l’étude  clinique  des  tumeurs  cérébrales.  Ce  n’est  qu’en  remontant  à  l’ori¬ 
gine  de  chaque  symptôme,  en  déterminant  avec  rigueur  quelles  peuvent 
en  être  les  causes  prochaines,  que  l’on  arrive  à  reconnaître  l’existence  et 
le  siège  du  néoplasme.  Cette  étude  est  entourée  de  sérieuses  difficultés; 
elle  exige,  pour  être  fructueuse,  des  notions  précises  sur  la  physio¬ 
logie  de  l’encéphale,  et  avant  tout  la  connaissance  de  quelques  prin¬ 
cipes  généraux  que  nous  devons  exposer  avant  d’aborder  la  descrip¬ 
tion  des  symptômes  des  tumeurs  cérébrales,  car  ils  la  dominent  tout 
entière. 

Quand  on  lit  les  observations  de  tumeurs  cérébrales,  on  est  tout  d’abord 
frappé  de  ce  fait  que  des  productions  volumineuses  ont  été  trouvées  à  l’au¬ 
topsie  quand  aucun  trouble  fonctionnel  n’avait  pu  en  faire  soupçonner 
l’existence,  tandis  que,  dans  d’autres  cas,  une  tumeur  de  volume  mé¬ 
diocre  a  donné  lieu  pendant  longtemps  à  des  symptômes  très-caracté- 
risés  ;  ces  différences  dans  les  manifestations  symptomatiques  des  pro¬ 
ductions  intra-crâniennes  sont  surtout  en  relation  avec  le  siège  qu’elles 
occupent;  nous  avons  vu  plus  haut  que  certaines  parties  de  l’encéphale 
telles  que  la  substance  blanche  intra-hémisphérique,  les  parties  blan¬ 
ches  commissurales,  présentaient  une  remarquable  tolérance,  que  des 
hémorrhagies  considérables,  des  abcès,  pouvaient  s’y  produire  sans 
donner  lieu  à  aucun  trouble  significatif;  on  ne  saurait  donc  s’éton¬ 
ner  qu’une  tumeur  développée  dans  l’une  de  ces  régions  demeure  si¬ 
lencieuse. 

Quelle  que  soit  la  néoplasie,  la  marche  des  accidents  est  généralement 
très-irrégulière  ;  habituellement  lente,  elle  est  interrompue  à  intervalles 
variables  par  des  épisodes  paroxystiques  qui  consistent  en  des  phénomènes 
comateux  et  des  accès  convulsifs  accompagnés  ou  non  de  réaction  fébrile. 
D’autres  fois  les  phénomènes  morbides,  après  s’être  aggravés  progressi¬ 
vement,  s’amendent  peu  à  peu  et  finissent  par  disparaître  complètement. 
Souvent  ces  oscillations  se  reproduisent  plusieurs  fois  avant  que  les  acci¬ 
dents  ne  deviennent  continus.  Elles  peuvent  reconnaître  plusieurs  causes 
différentes.  La  tumeur  peut  être  le  siège  de  congestions,  d’hémorrha¬ 
gies,  qui  en  augmentent  le  volume  ;  il  en  résulte  une  aggravation  subite 
des  accidents  ;  puis  peu  à  peu  le  sang  épanché  se  résorbe,  l’encéphale 
s’accoutume  à  l’excès  de  pression  qu’il  subit,  et  l’état  du  malade  s’amé¬ 
liore  momentanément.  D’autres  tumeurs  arrivées  à  un  certain  degré  de 
développement  subissent  une  évolution  rétrograde  et  finissent  par  dispa¬ 
raître  entièrement  en  même  temps  que  des  tumeurs  semblables  se  déve¬ 
loppent  en  d’autres  parties  de  l’encéphale  :  telles  sont  surtout  les  pro¬ 
ductions  syphilitiques.  D’autre  part  les  lésions  que  les  tumeurs  cérébrales 


172 


ENCÉPHALE.  —  tumedrs. 
déterminent  habituellement  dans  le  tissu  qui  les  entoure,  sont  souvent  peu 
profondes  et  passagères,  et  par  cela  même  leurs  symptômes  sont  alors 
d’une  extrême  mobilité.  Rien  de  plus  variable  enfin  que  les  troubles 
fonctionnels  dus  à  l’excitation  des  éléments  nerveux;  cette  excitation 
porte  d  abord  sur  les  parties  qui  sont  en  contact  immédiat  avec  le  néo¬ 
plasme  ;  puis  elle  est  transmise  par  les  filets  nerveux  qui  mettent  en  re¬ 
lation  les  différentes  parties  de  l’encéphale  à  des  régions  éloignées,  et 
provoque  des  manifestations  morbides  de  leur  activité;  ces  deux  ordres 
de  symptômes  peuvent  exister  et  se  combiner  diversement,  ils  peuvent 
manquer  complètement;  jamais  ils  ne  sont  permanents;  ils  ne  survien¬ 
nent  qu’à  intervalles  irréguliers  en  raison  de  l’épuisement  rapide  de 
l’excitabilité  nerveuse  ;  on  ne  connaît  qu’imparfaitemerit  les  conditions 
qui  en  provoquent  le  retour;  les  différences  que  présente  chez  les  divers 
individus  l’excitabilité  des  éléments  nerveux  ne  suffisent  pas  à  en  rendre 
compte  ;  il  faut  admettre  dans  beaucoup  de  cas  l’intervention  de  causes 
occasionnelles  de  nature  inconnue. 

On  voit  que  le  mode  d’action  des  tumeurs  intra-crâniennes  est  com¬ 
plexe;  on  peut  partager  en  trois  classes  les  troubles  fonctionnels  auxquels 
elles  donnent  lieu  ;  les  uns  sont  dus  à  l’excitation  directe  ou  réflexe  des 
éléments  nerveux  ;  ce  sont  surtout  des  contractions,  des  convulsions,  des 
hyperesthésies,  du  délire;  d’autres  sont  l’effet  des  lésions  de  voisinage, 
ce  sont  de  même  le  plus  souvent  des  phénomènes  d’exaltation  nerveuse, 
accompagnés  ou  non  de  réaction  fébrile  ;  enfin  la  compression  exercée 
par  la  tumeur  et  l’exagération  de  la  pression  intra-crânienne  se  tradui¬ 
sent  par  des  paralysies  localisées  et  par  la  dépression  des  facultés  intel¬ 
lectuelles. 

Ces  trois  ordres  de  symptômes,  en  raison  même  de  leur  pathogénie,  se 
succèdent  le  plus  souvent  dans  l’ordre  où  nous  les  avons  énumérés  ;  le 
premier  effet  de  la  tumeur  est  l’excitation  morbide  des  parties  qui  l’avoi¬ 
sinent;  les  troubles  de  vascularisation  viennent  ensuite;  les  accidents 
décompression  apparaissent  généralement  en  dernier  lieu  ;  il  existe  ainsi 
dans  certains  cas  une  sorte  de  régularité  dans  l’ordre  d’apparition  des 
symptômes  ;  mais  il  n’y  a  là  rien  de  fixe,  et  l’on  s’exposerait  à  être  fré¬ 
quemment  contredit  par  les  faits  si  l’on  voulait  poser  en  loi  ce  mode  d’é¬ 
volution;  il  n’est  pas  rare,  par  exemple,  de  voir  des  paralysies  localisées 
marquer  le  début  de  la  maladie. 

Souvent  les  trois  ordres  de  symptômes  coexistent  et  forment  un  en¬ 
semble  d’autant  plus  complexe  que  chacun  d’eux  comprend  des  phéno¬ 
mènes  circonscrits  et  des  phénomènes  diffus  ;  l’excitation  des  éléments 
nerveux  se  transmet  par  voie  réflexe  à  des  parties  éloignées  delà  lésion; 
les  lésions  de  nutrition  ne  restent  pas  limitées  à  la  périphérie  de  la  tu¬ 
meur;  l’hydrocéphale  coïncide  avec  l’œdèrne  localisé  delà  région  direc¬ 
tement  lésée  ;  enfin  l’élévation  de  la  pression  intra-crânienne  ajoute  ses 
effets  à  ceux  de  la  compression  locale. 

On  conçoit,  d’après  la  complexité  de  l’action  pathogénique  des  tumeurs 
cérébrales,  quelles  difficultés  peut  présenter  l’interprétation  physiolo- 


ENCÉPHALE.  -  TUMEURS.  175 

gique  de  leurs  symptômes.  La  plupart  sont  susceptibles  d’explications 
diverses;  les  paralysies  limitées  dans  le  domaine  des  nerfs  crâniens 
font  seules  exception;  elles  indiquent  positivement  une  lésion  de  l’un 
de  ces  nerfs;  il  ne  reste  qu’à  en  déterminer  le  siège,  et  l’on  peut 
souvent  y  arriver  en  tenant  compte  des  symptômes  concomitants  et 
des  caractères  que  présente  la  paralysie.  Le  problème  est  beaucoup 
plus  compliqué  quand  il  s’agit  de  phénomènes  d’excitation  ou  de 
troubles  généraux  de  la  circulation  encéphalique  ;  ils  peuvent  tous  être 
rapportés  à  des  causes  diverses  :  les  convulsions  et  les  vomissements 
peuvent  résulter  d’une  lésion  directe  du  bulbe,  ou  d’une  excitation 
réflexe  de  cet  organe;  la  torpeur  intellectuelle  et  les  accidents  coma¬ 
teux  peuvent  être  attribués  à  l’élévation  de  la  pression  extra-crânienne, 
à  l’hydrocéphalie  ou  à  une  hémorrhagie  secondaire  dans  l’épaisseur 
de  la  tumeur,  et  ainsi  des  autres  symptômes.  Ces  phénomènes  aident 
au  diagnostic  de  la  tumeur,  mais  ils  perdent  une  grande  partie  de  leur 
valeur  quand  il  s’agit  d’en  déterminer  le  siège. 

On  peut  dire,  en  donnant  à  l’expression  toute  sa  valeur,  qu’il  n’y  a 
pas  deux  cas  de  tumeur  cérébrale  dans  lesquels  le  tableau  symptoma¬ 
tique  soit  semblable;  la  diversité  des  troubles  fonctionnels,  la  variété 
des  combinaisons  qu’ils  forment  en  s’associant  sont  telles,  qu’il  est  im¬ 
possible  de  comprendre  dans  une  description  générale  toute  l'histoire  cli¬ 
nique  des  tumeurs  cérébrales;  nous  indiquerons  cependant  les  principales 
formes  sous  lesquelles  elles  se  présentent,  mais  après  avoir  fait,  d’une 
manière  générale,  l’étude  analytique  des  différents  troubles  fonctionnels 
par  lesquels  elles  se  traduisent. 

Le  début  est  souvent  marqué  par  des  symptômes  diffus  d’excitation 
cérébrale.  La  céphalalgie  peut  être  pendant  longtemps  le  seul  trouble 
appréciable.  Rarement  elle  manque;  elle  est  diffuse  ou  localisée;  dans 
les  cas  de  lésion  cérébelleuse,  elle  occupe  surtout  la  région  occi¬ 
pitale.  Elle  atteint  quelquefois  un  tel  degré  d’acuïté,  quelle  arrache 
des  cris  aux  malades  ;  le  moindre  effort,  le  bruit,  la  lumière  l’exaspè¬ 
rent;  souvent  elle  présente  des  exacerbations  périodiques  qui  co'incident 
avec  des  vomissements  et  peuvent  faire  croire  à  de  simples  migraines, 
surtout  si,  comme  on  l’observe  quelquefois,  la  douleur  est  limitée  à  une 
moitié  du  crâne.  L’interprétation  physiologique  de  ce  symptôme  est  dif¬ 
ficile;  la  plus  grande  partie  de  la  masse  encéphalique  est  insensible 
même  quand  elle  est  enflammée  ;  dans  les  cas  où  elle  fait  hernie  à  l’ex¬ 
térieur,  on  peut  l’irriter  sans  provoquer  de  douleur;  la  céphalalgie  ne 
peut  donc  être  rapportée  qu’à  l’excitation  de  la  dure-mère  ou  des  parties 
sensibles  de  l’encéphale,  c’est-à-dire  du  bulbe,  de  la  protubérance  et  d(  S 
pédoncules  cérébraux  ;  il  est  probable  que  dans  le  cas  de  tumeurs,  elle 
peut  reconnaître  plusieurs  mécanismes  différents  et  qu’elle  résulte  tantôt 
de  l’action  directe  de  la  tumeur  sur  l’une  des  parties  que  nous  venons  de 
nommer,  tantôt  de  la  compression  à  laquelle  ces  parties  se  trouvent  sou¬ 
mises  quand  la  pression  intra-crânienne  s’élève  outre  mesure.  Ce  sym¬ 
ptôme  co'incide  souvent  avec  d’autres  phénomènes  d’excitation  ;  les  ma- 


174  ENCÉPHALE.  —  tümeuks. 

lades  sont  inquiets,  agités,  irascibles:  une  insomnie  opiniâtre  les  tour¬ 
mente;  s’ils  parviennent  à  s’endormir,  iis  sont  en  piroie  à  des  rêves  pé¬ 
nibles;  ils  supportent  difficilement  la  lumière  et  le  bruit;  ils  voient  des 
phantasmes  lumineux,  ils  éprouvent  des  tintements  d’oreilles:  le  délire 
est  exceptionnel  et  habituellement  de  peu  de  durée.  Le  vertige  est  sou¬ 
vent  un  des  premiers  symptômes  des  tumeurs  cérébrales;  fréquemment, 
surtout  quand  ils  sont  debout,  quand  ils  se  baissent  ou  quand  ils  veulent 
fixer  un  objet  situé  au-dessus  de  leur  tête  ou  à  leur  côté,  les  malades  se 
sentent  tout  à  coup  étourdis;  ils  voient  osciller  ou  tourner  tout  ce  qui 
les  entoure,  il  leur  semble  que  le  sol  manque  sous  leurs  pieds  et  qu’ils 
vont  tomber;  poussés  par  un  instinct  irrésistible,  ils  cherchent  à  repren¬ 
dre  équilibre,  ils  s’agitent,  tremblent  de  tous  leurs  membres,  chancellent 
comme  s’ils  étaient  ivres,  et  quelquefois  ils  tombent  privés  de  connais¬ 
sance;  ordinairement  ils  ont  le  temps  de  chercher  un  appui  et  ils  peu¬ 
vent  rester  debout  jusqu’à  la  disparition  des  troubles  morbides  qui  sont 
toujours  de  très- courte  durée.  On  voit  que  le  vertige  est  le  résultat  d’une 
hallucination,  et  qu’il  doit  prendre  place  à  côté  des  troubles  sensoriels 
que  nous  avons  mentionnés.  Nous  noterons  encore  comme  phénomènes  de 
même  ordre,  les  sensations  erronées  qu’accusent  certains  malades  ;  il  leur 
semble  que  leur  tête  va  éclater,  qu’elle  est  pleine  de  liquide,  qu’un  corps 
étranger  s’y  déplace.  Quelquefois  les  tumeurs  amènent  dès  leur  première 
période  un  abaissement  des  facultés  intellectuelles  ;  la  mémoire  s’affaiblit, 
les  malades  fixent  difficilement  leur  attention,  ils  sont  incapables  de  tout 
travail  suivi,  et  bientôt  ils  tombent  dans  un  état  continuel  de  stupeur  et 
d’apathie. 

Les  symptômes  que  nous  venons  d’énumérer  se  rapportent  tous  à  la 
perturbation  que  la  tumeur  amène  dans  les  fonctions  des  hémisphères 
cérébraux  ;  ils  coïncident  presque  constamment  avec  des  signes  d’excita¬ 
tion  mésozéphalique,  particulièrement  des  vomissements  et  des  accès  épi¬ 
leptiformes;  que  l’excitation  soit  directe  ou  indirecte, en  d’autres  termes, 
que  la  tumeur  intéresse  le  bulbe  lui-même  ou  une  autre  partie  de  l’encé¬ 
phale  ,  ces  symptômes  ont  le  même  caractère  ;  les  vomissements  se  pro¬ 
duisent  sans  efforts,  sans  nausées  ;  ils  surviennent  indifféremment  dans 
l’état  de  réplétion  et  dans  l’état  de  vacuité  de  l’estomac;  ils  se  répètent 
souvent  à  de  courts  intervalles  et  peuvent  revenir  pendant  plusieurs 
mois  avec  une  remarquable  persistance  ;  ils  se  produisent  fréquem¬ 
ment  quand  le  malade  se  lève  pour  disparaître  alors  qu’il  prend  l’at¬ 
titude  horizontale.  Cette  influence  de  la  station  debout  est  presque 
constante  quand  la  tumeur  intéresse  le  cervelet  ou  les  pédoncules 
cérébelleux  ;  on  peut  la  considérer,  lorsqu’elle*  est  très-accusée,  comme 
presque  caractéristique  d’une  tumeur  intra-crânienne.  En  même  temps 
qu’ils  vomissent,  les  malades  sont  gênés  souvent  par  une  constipation 
opiniâtre. 

Les  attaques  épileptiformes  ne  diffèrent  des  attaques  épileptiques  que 
par  leur  cause,  et  il  est  impossible  au  point  de  vue  clinique  d’établir  une 
distinction;  les  accès  symptomatiques  peuvent  présenter  tous  les  carac* 


175 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 
tères  de  la  grande  attaque  épileptique;  d’autres  fois,  ils  sont  incomplets 
et  consistent  alors,  le  plus  souvent,  en  des  vertiges  qui  diffèrent  surtout 
de  ceux  que  nous  avons  décrits  plus  haut  en  ce  que  la  perte  de  connais¬ 
sance  est  soudaine  et  complète  de  sorte  que  le  malade  tombe  brutale¬ 
ment  sans  avoir  le  temps  de  chercher  un  appui  et  qu’il  ne  garde  pas  le 
souvenir  de  l’accident.  Les  accès  peuvent  se  succéder  à  courts  intervalles 
et  amener  la  mort  du  malade  comme  l’épilepsie  dite  essentielle.  Habituel¬ 
lement  ils  se  rapprochent  à  mesure  que  la  maladie  fait  des  progrès.  Ces 
accidents  sont  souvent  un  des  premiers  symptômes  des  tumeurs  céré¬ 
brales  :  il  importe  donc,  chaque  fois  qu’un  individu  a  depuis  peu  de  temps 
des  attaques  épileptiformes,  d’examiner  attentivement  s’il  n’existe  pas  des 
signes  de  néoplasie  intra-crânienne. 

Nous  avons  passé  en  revue  tous  les  symptômes  qui  résultent  de  la  per¬ 
turbation  que  la  tumeur  apporte  dans  l’innervation  générale  de  l’encé¬ 
phale  ;  par  leur  réunion  et  leur  persistance  ils  peuvent  faire  soupçonner 
l’existence  de  la  lésion,  mais  ils  n’ont  en  somme  rien  de  caractéristique  , 
ils  peuvent  être  l’expression  d’autres  lésions  de  l’encéphale ,  ils  peuvent 
manquer.  Les  symptômes  de  foyer,  c’est-à-dire  les  troubles  qui  résultent 
de  l’action  directe  de  la  tumeur  sur  la  partie  de  l’encéphale  qui  lui  est 
connexe,  ont  plus  de  valeur  ;  ce  sont  des  phénomènes  d’excitation  ou  de 
paralysie. 

Les  phénomènes  d’excitation  peuvent  être  dus  au  simple  contact  de  la 
tumeur,  ils  peuvent  être  l’effet  des  lésions  secondaires  que  le  néoplasme 
détermine  à  sa  périphérie  ;  ils  consistent  surtout  dans  des  contractures 
partielles,  des  hyperesthésies  localisées;  ils  peuvent  revenir  sous  forme 
d’accès,  à  intervalles  variables  :  chez  une  de  nos  malades,  il  se  produisait 
tous  les  quinze  jours  environ  une  contracture  d’une  moitié  de  la  face  avec 
douleurs  violentes  dans  la  même  région,  ces  accidents  duraient  quelques 
heures,  puis  disparaissaient  sans  laisser  de  trace  ;  dans  d’autres  cas,  l’ex¬ 
citation  porte  sur  un  des  nerfs  moteurs  de  l’œil  et  provoque  ainsi  un  stra¬ 
bisme  passager.  Ces  phénomènes  peuvent  s’accompagner  de  fièvres  ;  on 
est  alors  en  droit  de  les  rapporter  à  une  méningite  ou  à  une  encépha¬ 
lite  secondaire.  Ils  sont  habituellement  de  courte  durée,  mais  ils  peuvent 
se  reproduire  plusieurs  fois.  Les  lésions  de  voisinage  qui  n’ont  pas  un 
caractère  inflammatoire  se  traduisent  par  une  aggravation  passagère  des 
phénomènes  paralytiques. 

Les  symptômes  les  plus  importants  au  point  de  vue  du  diagnostic  de  la 
tumeur  et  de  sa  localisation,  sont  les  paralysies  partielles  dues  à  la  com¬ 
pression  qu’elle  exerce  sur  les  parties  qui  l’entourent.  La  paralysie  peut 
avoir  le  caractère  d’une  hémiplégie  simple  ;  habituellement  elle  n’affecte 
pas  simultanément  les  deux  membres  ;  à  peine  marquée  au  début,  elle 
marche  lentement,  et  ne  se  caractérise  qu’au  bout  d’un  certain  temps, 
La  contractilité  électrique  est  consei'vée  dans  les  membres  atteints.  Fré* 
quemment  on  voit  se  produire,  comme  dans  les  hémiplégies  par  lésions 
vasculaires,  les  troubles  de  calorification,  les  douleurs  et  les  contractures 
que  nous  avons  rattachés  à  la  paralysie  vaso-motrice  et  aux  lésions  secon- 


176  ENCÉPHALE.  —  tumedrs. 

daires  de  la  moelle,  des  muscles  et  des  nerfs.  L’hémiplégie  indique  né¬ 
cessairement  une  lésion  des  parties  qui  font  suite  dans  l’encéphale  aux 
cordons  antérieurs  de  la  moelle,  c’est-à-dire  des  pyramides  antérieures, 
de  la  protubérance,  des  pédoncules  cérébraux  ou  des  parties  blanches 
des  corps  striés;  la  compression  peut  être  directe  ou  se  faire  par  l’inter¬ 
médiaire  d’autres  parties  ;  on  voit  ainsi  des  tumeurs  volumineuses  de  la 
convexité  exercer  à  distance  une  pression  assez  considérable  sur  les  corps 
striés  pour  produire  une  hémiplégie.  Dans  certains  cas,  l’hémiplégie  est 
double,  soit  qu’il  y  ait  plusieurs  tumeurs,  soit  qu’une  production  unique 
agisse  simultanément  sur  les  deux  pédoncules  ou  leurs  prolongements  ou 
sur  les  parties  médianes  du  mésocéphale.  Il  est  rare  que  l’affaiblissement 
porte  simultanément  sur  les  deux  membres  inférieurs  sans  affecter  en 
même  temps  l’un  au  moins  des  membres  supérieurs.  La  paralysie  des 
sphincters  est  exceptionnelle. 

Les  paralysies  isolées  des  nerfs  crâniens  ont  des  caractères  très- 
différents,  suivant  que  la  lésion  intéresse  ces  organes  dans  leur  por¬ 
tion  cérébrale  ou  dans  leur  partie  périphérique.  Pour  bien  fixer  la 
valeur  de  ces  termes,  nous  rappellerons  que  tout  nerf  crânien,  avant 
d’arriver  à  sa  terminaison  dans  l’encéphale,  traverse  un  ou  plusieurs 
noyaux  de  substance  grise.  Ainsi  le  nerf  facial,  parvenu  dans  le  bulbe, 
se  rend  dans  un  noyau  qui  fait  saillie  sur  le  plancher  du  quatrième 
ventricule,  dans  la  partie  qui  correspond  à  l’union  du  bulbe  et  de  la 
protubérance,  près  de  la  ligne  médiane  ;  il  ne  s’y  termine  pas,  car 
l’on  voit  partir  du  noyau  un  faisceau  nerveux  qui  se  réfléchit  presque 
à  angle  droit  et  traverse  la  ligne  médiane  (Deiters);  on  ne  l’a  pas 
suivi  au  delà,  mais  la  physiologie  et  l’anatomie  pathologique  permet¬ 
tent  d’affirmer  qu’il  se  rend  dans  les  ganglions  cérébraux,  probable¬ 
ment  dans  le  corps ‘  strié.  Le  noyau  bulbaire  sépare  donc  le  nerf  en 
deux  portions,  l’une  périphérique ,  l’autre  cérébrale.  Cette  distinction 
est  d’une  haute  importance  en  pathologie.  Quand  la  portion  cérébrale 
est  seule  intéressée,  la  paralysie  est  toujours  incomplète,  elle  est  très- 
peu  marquée  dans  la  partie  supérieure  de  la  face,  l’orbiculaire  des  pau¬ 
pières  se  meut  librement,  les  muscles  paralysés  se  contractent  comme  à 
l’état  normal  sous  l’influence  de  l’électricité;  au  contraire,  dans  les 
lésions  de  la  partie  périphérique,  la  paralysie  porte  sur  toute  la  sphère 
de  distribution  du  nerf  facial,  les  paupières  ne  peuvent  se  fermer,  il 
est  impossible  d’obtenir  des  mouvements  réflexes,  la  contractilité  élec¬ 
trique  des  muscles  de  la  face  est  affaiblie  ou  abolie.  Ou  peut  donc,  d’après 
les  caractères  de  la  paralysie,  déterminer  avec  certitude  sur  quelle  por¬ 
tion  du  nerf  porte  la  lésion  ;  on  peut  également  reconnaître  dans  quelle 
moitié  de  l’encéphale  siège  le  produit  morbide,  car  il  résulte  des  données 
anatomiques  que  nous  avons  rappelées  que  les  lésions  de  la  partie  péri¬ 
phérique  donnent  lieu  à  une  paralysie  du  côté  correspondant  de  la  face 
(paralysie  directe),  celle  de  la  portion  cérébrale  à  une  paralysie  du  côté 
opposé  (paralysie  croisée).  Les  lésions,  qui  intéressent  le  nerf  facial, 
peuvent  porter  en  même  temps  sur  le  faisceau  moteur  :  la  paralysie  fa- 


ENCÉPHALE.  —  TUMEURS.  177 

ciale  coïncide  alors  avec  une  hémiplégie;  mais  le  faisceau  moteur  ne 
s’entre-croise  qu’au  niveau  de  la  partie  inférieure  du  bulbe  ;  par  suite, 
la  paralysie  faciale  d’origine  cérébrale  se  fait  du  même  côté  que  l’hémi¬ 
plégie,  la  paralysie  faciale  d’origine  périphérique  siège  du  côté  opposé  ; 
la  première  est  dite  uniforme  ou  concordante,  la  deuxième  inverse  ou 
antagoniste.  Romberg  en  Allemagne,  Millard  et  Gubler  en  France,  ont  les 
premiers  reconnu  le  mode  de  production  et  signalé  l’importance  cli¬ 
nique  de  la  paralysie  inverse.  Ce  que  nous  venons  de  dire  du  facial 
peut  s’appliquer  à  la  plupart  des  nerfs  crâniens  ;  ils  offrent  presque  tous 
la  même  disposition  ;  leurs  noyaux  sont  échelonnés  de  bas  en  haut  dans 
le  bulbe  et  la  protubérance  ;  les  lésions  qui  portent  simultanément  sur 
la  portion  périphérique  de  ces  nerfs  et  sur  le  faisceau  moteur  donnent 
lieu  à  autant  de  variétés  de  paralysie  antagoniste  ;  ainsi,  pour  prendre 
un  exemple,  une  tumeur  qui  comprime  à  la  fois  un  des  pédoncules  céré¬ 
braux  et  un  des  nerfs  moteurs  de  l’œil  produit  une  paralysie  croisée  des 
membres  et  une  déviation  paralytique  de  l’œil  correspondant  à  la  lésion. 
Les  tumeurs  donnent  lieu  fréquemment  à  la  paralysie  de  plusieurs  nerfs 
crâniens,  surtout  quand  elles  siègent  au  voisinage  du  bulbe.  Elles  amè¬ 
nent  assez  souvent  des  troubles  de  la  parole,  soit  en  comprimant  le  tronc 
du  nerf  hypoglosse,  soit  en  lésant  les  fibres  conductrices  qui  relient 
le  centre  d’innervation  des  muscles  de  la  langue  aux  corps  striés  et 
aux  circonvolutions  frontales,  soit  en  agissant  directement  sur  la  troi¬ 
sième  circonvolution  frontale  gauche  ou  sur  les  parties  qui  l’avoisinent. 
(Voy.  Auhasie.)  Certains  malades  enfin  présentent  des  troubles  de  motilité 
qui  paraissent  se  rattacher  à  un  défaut  de  coordination  des  mouvements; 
ils  marchent  difficilement,  ils  chancellent  comme  s’ils  étaient  ivres,  et, 
malgré  leurs  efforts  pour  se  maintenir  en  équilibre,  ils  tombent  fréquem¬ 
ment  ;  c’est  surtout  dans  les  cas  où  la  tumeur  intéresse  le  cervelet  qu’on 
observe  ces  symptômes;  dans  des  expériences  sur  les  animaux,  Vuîpian 
a  obtenu  des  phénomènes  analogues  en  excitant  les  parties  profondes 
ou  les  pédoncules  de  cet  organe. 

Les  troubles  de  la  sensibilité  générale  affectent  habituellement  la  même 
disposition  que  la  paralysie  des  mouvements;  ils  sont  rarement  très- 
prononcés;  quelques  faits  semblent  prouver  qu’ils  peuvent  se  produire 
indépendamment  de  la  paralysie  motrice.  On  a  trouvé  plusieurs  fois, 
dans  des  cas  de  ce  genre  (L.  Türck,  Luys),  une  lésion  limitée  au  côté  ex¬ 
terne  de  la  couche  optique  et  à  la  partie  voisine  de  l’hémisphère. 

L’anesthésie  de  la  face  porte  habituellement  sur  toutes  les  parties 
animées  par  le  trijumeau.  La  paralysie  est  directe  ou  croisée,  suivant 
que  le  nerf  est  atteint  dans  sa  partie  périphérique  ou  dans  sa  partie  cé¬ 
rébrale.  On  peut,  du  côté  malade,  piquer  et  pincer  les  téguments  de 
la  face  sans  provoquer  aucune  douleur;  les  muqueuses  des  cavités 
nasale,  orbitaire  et  buccale  sont  également  insensibles.  Le  malade  ne 
peut  reconnaître  le  goût  des  substances  sapides  placées  sur  la  moitié 
correspondante  de  la  langue  ;  on  a  remarqué  pourtant  que,  dans  son  tiers 
postérieur,  la  muqueuse  conserve  ses  propriétés  gustatives  ;  on  ne  saurait 

NOllV.  Dior.  MÉD.  ET  CHIE  XIII.  —  12 


178 


ENCÉPHALE.  —  tomedrs. 
s’en  étonner,  puisque,  dans  cette  partie  de  son  étendue,  elle  reçoit  ses  nerfs 
sensitifs  du  glosso-pharyngien.  Les  mouvements  réflexes  sont  abolis  ;  on 
peut  titiller  la  conjonctive  sans  provoquer  le  clignement;  dans  certains 
cas,  on  a  noté  la  contraction  et  l’immobilité  de  la  pupille.  Les  muscles 
masticateurs,  animés  parla  branche  motrice,  sont  paralysés.  Il  peut  sur¬ 
venir  des  troubles  vaso-moteurs  analogues  à  ceux  que  l’on  observe  à  la 
suite  des  sections  expérimentales  du  trijumeau  :  le  côté  malade  de  la  face 
s’injecte,  s’œdématie,  prend  une  teinte  livide;  les  gencives  saignent,  se 
gonflent  et  quelquefois  s’ulcèrent,  la  cornée  et  la  conjonctive  s’enflam¬ 
ment.  Ces  derniers  phénomènes  ne  se  produisent  que  dans  les  cas  où  le 
nerf  est  atteint  dans  sa  partie  périphérique;  les  lésions  de  la  portion  céré¬ 
brale  se  reconnaissent  à  la  persistance  des' mouvements  réflexes. 

Les  troubles  de  la  vue  comptent  parmi  les  symptômes  les  plus  fréquents 
des  tumeurs  cérébrales;  ils  se  rattachent  le  plus  souvent  aux  altérations 
dont  nous  avons  indiqué  plus  haut  les  caractères,  c’est-à-dire  qu’ils  ré¬ 
sultent  soit  de  l’inflammation  que  provoque  dans  la  papille  la  stase  vei¬ 
neuse  liée  à  un  excès  de  pression  dans  la  cavité  crânienne,  soit  de  l'ex¬ 
tension  au  nerf  optique  d’une  phlegmasie  secondaire  (névrite  descen¬ 
dante),  soit  de  la  compression  directe  de  ce  cordon  nerveux,  du  cbiasma 
ou  de  la  bandelette  optique;  d’autres  fois  ils  semblent  être  de  nature  ré¬ 
flexe  et  dépendre  de  la  perturbation  que  subit  sous  l’influence  àe  la  tu¬ 
meur  l’innervation  motrice  des  vaisseaux  rétiniens;  dans  certains  cas 
enfin  ils  ont  pour  cause  la  lésion  de  certaines  parties  de  l’encéphale,  par¬ 
ticulièrement  des  tubercules  quadrijumeaux  et  du  cervelet;  on  les  a  en¬ 
core  signalés  dans  des  cas  où  l’altération  portait  sur  les  couches  optiques 
ou  les  corps  striés,  mais  c’étaient  là  de  pures  coïncidences.  L’action  des 
tubercules  quadrijumeaux  sur  l’appareil  visuel  est  démontrée  par  l’expé¬ 
rimentation  ;  chez  les  animaux,  leurs  lésions  amènent  l’affaiblissement  de 
la  vision  et  abolissent  les  mouvements  réflexes  de  l’iris  ;  quelques  faits  pa¬ 
thologiques  montrent  qu’il  en  est  de  même  chez  l’homme  ;  W.  "Wagner, 
H.  Jackson,  Mohr,  M.  Rosenthal,  ont  trouvé  ces  organes  diversement  al¬ 
térés  chez  des  amaurotiques.  L’amblyopie  est  un  symptôme  relativement 
fréquent  des  tumeurs  du  cervelet  ;  la  physiologie  ne  permet  pas  jusqu’ici 
de  donner  une  interprétation  satisfaisante  de  ce  fait. 

Les  troubles  visuels  sont  quelquefois  le  premier  symptôme  qui  attire 
l’attention  ;  ils  peuvent  prendre  rapidement  un  caractère  grave  ;  le  plus 
souvent  ils  atteignent  les  deux  yeux  ;  quelquefois,  au  début  surtout,  ils 
ne  sont  pas  continus  et  n’apparaissent  qu’à  intervalles  irréguliers,  tantôt 
d’un  côté,  tantôt  de  l’autre  ;  dans  les  cas  où  ils  sont  dus  à  une  inflamma¬ 
tion  du  nerf  optique,  ils  peuvent  s’accompagner  de  douleurs  péri-orbi- 
taires;  quelquefois  les  malades  sont  tourmentés  par  de  la  photophobie 
et  des  phantasmes  lumineux;  ordinairement  l’amblyopie  est  le  seul  sym¬ 
ptôme  qu’ils  accusent  ;  elle  peut  affecter  la  forme  de  l’hémiopie,  elle  in¬ 
dique  alors  la  lésion  de  l’une  des  bandelettes  optiques;  l’affaiblissement 
de  la  vision  suit  habituellement  une  marche  progressive,  et  les  malades 
finissent  par  devenir  amaurotiques.  Souvent  les  pupilles  sont  inégale^ 


ENCÉPHALE.  —  tuhedrs. 


179 


ment  dilatées;  rarement  elles  sont  rétrécies.  A  l’ophthalinoscope,  on 
ne  trouve  dans  certains  cas  aucune  lésion  appréciable  ;  d’autres  fois,  on 
constate  l’existence  d’une  atrophie  papillaire  ;  souvent  enfin,  surtout  si 
l’on  pratique  l’examen  à  une  période  peu  avancée  de  la  maladie,  on  peut 
reconnaître  les  signes  caractéristiques  de  la  névrite  optique  :  la  papille  est 
très-saillante,  d’une  couleur  grisâtre,  quelquefois  rosée;  elle  n’a  plus  de 
contours  distincts;  à  sa  périphérie,  les  parties  malades  de  la  rétine  for¬ 
ment  une  zone  d’aspect  louche  où  l’on  peut  distinguer  les  fibres  du  nerf 
optique  sous  forme  de  stries  radiées;  les  artères  sont  rétrécies;  les  veines, 
énormément  dilatées,  présentent  de  nombreuses  flexuosités.  Ces  caractères 
appartiennent  surtout  à  la  névrite  que  provoque  l’élévation  de  la  pres¬ 
sion  intra-crânienne;  on  peut  cependant  les  rencontrer  également  dans 
certains  cas -de  névrite  descendante.  Ces  lésions  n’ont  de  valeur,  au  point 
de  vue  du  diagnostic  des  tumeurs  cérébrales,  que  si  on  les  rapproche 
des  autres  symptômes,  car  aucune  n’est  par  elle-même  caractéristique. 
Elles  indiquent  l’existence  d’une  lésion  intra-crânienne  ou  intra-orbitaire, 
mais  n’apprennent  rien  sur  sa  nature. 

L’abolition  de  l’ouïe  est  rarement  complète,  mais  on  observe  fréquem¬ 
ment  un  certain  degré  de  surdité,  en  même  temps  que  des  phénomènes 
d’excitation  ;  les  malades  se  plaignent  de  bourdonnements  ;  ils  entendent 
des  voix,  des  cloches  et  autres  sons  imaginaires.  L’affaiblissement  de 
l’odorat  est  un  symptôme  exceptionnel  des  tumeurs  cérébrales;  il  appar¬ 
tient  aux  néoplasmes  qui  occupent  la  partie  antérieure  de  la  base.  La 
perte  des  sensations  gustatives  s’observe,  comme  nous  l’avons  vu  plus 
haut,  quand  le  trijumeau  est  comprimé  par  la  tumeur.  Dans  des  cas  où 
la  lésion  portait  sur  le  glosso-pharyngien,  on  a  constaté  que  le  goût  de 
substances  sapides  placées  sur  la  base  de  la  langue  et  sur  le  voile  du 
palais,  n’était  plus  reconnu  ;  cette  anesthésie  était  unilatérale  et  siégeait 
du  même  côté  que  la  tumeur.  Chez  certains  malade.s,  le  sens  du  goût 
semble  perverti  ;  le  contact  de  différentes  substances  produit  chez  eux 
une  sensation  pénible  de  chaleur  ou  de  froid. 

Les  troubles  psychiques  sont  constants,  mais  ils  peuvent  n’apparaître 
qu’à  la  dernière  période  de  la  maladie;  c’est  pour  cette  raison  qu’ils  ne 
sont  pas  notés  dans  un  certain  nombre  d’observations.  Ils  se  présentent 
généralement  sous  une  forme  à  peu  près  semblable  chez  les  différents 
sujets  atteints  de  tumeurs  de  l’encéphale,  que  le  produit  morbide  siège 
à  la  base  ou  à  la  convexité;  il  est  donc  probable  qu’ils  reconnaissent,  dans 
les  différents  cas,  une  même  cause  productrice,  et,  par  conséquent,  on  ne 
peut  les  attribuer  à  la  lésion  d’une  partie  circonscrite  de  l’encéphale  ; 
d’autre  part,  ils  offrent  une  certaine  analogie  avec  ceux  que  l’on  ob¬ 
serve  dans  des  affections  dont  l’effet  principal  est  d’élever  la  pression 
intra-crânienne,  dans  l’hydrocéphalie,  par  exemple,  et  c’est  à  cette  même 
cause  que,  selon  toute  vraisemblance,  il  faut  les  rapporter.  Ce  sont  gé¬ 
néralement  des  phénomènes  de  dépression  ;  la  mémoire  est  plus  ou  moins 
affaiblie;  le  malade  est  dans  un  état  habituel  d’apathie;  il  répond  len¬ 
tement  aux  questions  qu’on  lui  pose ,  il  semble  qu’il  trouve  difficilement 


180  ENCÉPHALE.  —  tümeürs, 

ses  idées,  il  parle  avec  difficulté,  chaque  mot  est  séparé  par  une  pause 
et  semble  nécessiter  un  effort;  d’autres  fois,  l’articulation  des  mots  est 
si  défectueuse  que  la  parole  est  inintelligible;  la  physionomie  a  une  ex¬ 
pression  toute  particulière,  presque  caractéristique  d’hébétude  et  de 
stupeur;  le  regard  est  atone  et  sans  expression.  Quelquefois  des  périodes 
d’excitation  viennent  modifier  ce  tableau;  les  malades  s’agitent,  ils  sont 
en  proie  à  des  hallucinations,  à  des  illusions  des  sens  ;  le  délire  peut  devenir 
aigu  et  simuler  un  accès  de  manie;  ces  phénomènes  se  rattachent,  soit 
à  l’excitation  purement  fonctionnelle  de  la  substance  corticale,  soit  à  une 
méningite  ou  une  encéphalite  intercurrente.  Souvent  les  symptômes  de 
dépression  présentent  des  périodes  d’aggravation  ;  le  malade  tombe  dans 
un  état  de  profonde  somnolence,  ou  même  dans  le  coma;  il  est  indiffé¬ 
rent  à  toutes  les  excitations,  les  membres  sont  dans  la  résolution  ;  puis, 
au  bout  de  quelques  heures,  la  connaissance  et  le  mouvement  revien¬ 
nent  peu  à  peu;  la  dernière  période  de  la  maladie  peut  être  ainsi  mar¬ 
quée  par  une  série  d’accès  comateux  suivis  de  rémissions  plus  ou  moins 
complètes.  Certains  malades  deviennent  aliénés. 

Les  tumeurs  peuvent  n’avoir  aucun  retentissement  sur  la  nutrition 
générale;  il  y  a  même  des  malades  qui  commencent  à  engraisser  en  même 
temps  qu’apparaissent  les  premiers  symptômes  de  la  tumeur  ;  'd’autres  fois, 
sous  l’influence  des  vomissements  répétés ,  des  attaques  épileptiformes, 
du  séjour  prolongé  au  lit,  le  malade  maigrit  et  s’affaiblit  progressive¬ 
ment.  Quand  la  tumeur  est  de  nature  cancéreuse,  il  peut  se  produire 
de  bonne  heure  des  symptômes  de  cachexie,  un  amaigrissement  rapide, 
de  l’anasarque  et  des  thromboses.  Dans  certains  cas,  surtout  quand  le  plan¬ 
cher  du  quatrième  ventricule  est  intéressé,  l’urine  contient  du  sucre  ou 
de  l’albumine,  et  le  malade  présente  les  symptômes  généraux  de  l’albu¬ 
minurie  ou  du  diabète  sucré.  Nous  avons  mentionné  déjà  les  altérations 
que  subissent  la  conjonctive  et  la  cornée  dans  les  cas  où  le  trijumeau  est 
paralysé;  elles  peuvent  aboutir  à  la  fonte  purulente  de  l’œil.  Les  paraly¬ 
sies  faciales  d’origine  périphérique  peuvent  également,  en  paralysant 
l’orbiculaire  et  en  privant  ainsi  le  globe  oculaire  de  la  protection  des 
paupières,  être  la  cause  de  conjonctivites;  rarement  ces  phlegmasies 
ont  des  conséquences  graves.  Les  lésions  du  bulbe  et  du  pneumogas¬ 
trique  peuvent  enfin  donner  lieu  à  des  troubles  de  là  respiration  et  de  la 
circulation  ;  c’est  surtout  dans  les  dernières  périodes  de  la  maladie  qu’ap¬ 
paraissent  ces  symptômes. 

Les  tumeurs  qui  perforent  les  parois  crâniennes  proéminent  sous  le  cuir 
chevelu,  dans  la  cavité  orbitaire  ou  dans  les  fosses  nasales.  Dans  le  pre¬ 
mier  cas,  les  malades  accusent  une  douleur  persistante  dans  la  partie  où 
siège  la  tumeur  ;  la  paroi  osseuse,  amincie,  se  laisse  refouler  et  donne  à 
la  palpation  une  sorte  de  crépitation  semblable  à  celle  du  parchemin; 
bientôt  la  perforation  est  complète,  la  tumeur  soulève  la  peau  et  quel¬ 
quefois  l’ulcère;  tantôt  elle  est  consistante  et  résiste  sous  le  doigt;  tantôt 
elle  est  molasse,  et  présente  une  sorte  de  fluctuation;  elle  est  animée, 
quand  elle  n’est  pas  étranglée  par  l’orifice,  de  pulsations  isochrones  au 


ENCÉPHALE.  —  tdmedrs.  i  8d 

pouls;  plus  rarement  on  la  voit  se  soulever  au  moment  de  l’expiration.  Peu 
mobile  latéralement,  elle  se  laisse  quelquefois  déprimer  et  l’on  peut  arriver 
par  une  compression  continue  à  la  faire  rentrer  complètement  dans  la  cavité 
crânienne,  on  sent  alors  à  travers  les  téguments  les  bords  de  l’ouverture 
osseuse  :  cette  manœuvre  n’est  pas  sans  danger  ;  elle  augmente  la  pres¬ 
sion  intra-crânienne  et  détermine  de  la  somnolence,  de  l’engourdisse¬ 
ment  des  membres,  quelquefois  des  convulsions  et  même  le  coma;  ces 
accidents  se  dissipent  quand  on  cesse  la  compression.  La  tumeur  peut 
continuer  à  s’accroître  après  sa  sortie  du  crâne  et  acquérir  des  dimen-- 
sions  hors  de  proportion  avec  celles  de  l’orifice,  d’autres  fois  elle  con¬ 
tracte  des  adhérences  avec  le  périoste;  dans  les  deux  cas,  la  réduction  de¬ 
vient  impossible. 

Les  tumeurs  pénètrent  dans  l’orbite  en  traversant  la  paroi  supérieure 
de  cette  cavité  ou  la  fente  sphénoïdale;  elles  donnent  lieu  alors  à  de 
l’exophthalmos  en  même  temps  qu’à  de  l’amblyopie  ou  à  de  l’amaurose  ; 
quand  elles  proéminent  dans  les  fosses  nasales,  elles  amènent  la  perte  de 
l’odorat  et  se  comportent  comme  un  polype. 

L’apparition  de  la  tumeur  à  l’extérieur  est  une  circonstance  relative¬ 
ment  favorable;  elle  a  pour  effet  immédiat  un  abaissement  delà  pres¬ 
sion  intra-crânienne,  et  souvent  elle  amène  une  rémission  marquée  dans 
les  symptômes  ;  dans  certains  cas  pourtant  les  troubles  fonctionnels  per¬ 
sistent  avec  la  même  intensité  qu’auparavant. 

Nous  avons  énuméré  les  différents  symptômes  auxquels  donnent  lieu  les 
tumeurs  cérébrales.  Rien  de  plus  variable  que  l’ordre  dans  lequel  ils  se 
succèdent.  La  durée  de  la  maladie  est  habituellement  très-longue  ;  il  peut 
survenir  à  plusieurs  reprises  des  rémissions  complètes  qui  peuvent  faire 
croire  à  une  guérison  ;  d’autres  fois  la  marche  lente  des  accidents  est  inter 
rompue  par  des  épisodes  aigus  dus  au  développement  de  lésions  secon¬ 
daires  ;  les  phénomènes  paralytiques  peuvent  persister  pendant  de  lon¬ 
gues  années;  la  mort  survient  souvent  par  paralysie  du  bulbe,  alors  que 
l’état  de  la  nutrition  générale  est  satisfaisant  ;  d’autres  fois  le  malade  s’af¬ 
faiblit,  maigrit,  et  bientôt  il  est  emporté  par  une  affection  thoracique 
intercurrente  ou  par  des  eschares  ;  quand  la  tumeur  est  de  nature  cancé¬ 
reuse,  il  succombe  aux  progrès  de  la  cachexie.  Dans  les  cas  où  la  tumeur 
s’est  fait  jour  à  l’extérieur,  la  terminaison  fatale  peut  être  hâtée  par  la 
formation  d’ulcérations  à  la  surface  du  néoplasme  et  par  les  hémorrha¬ 
gies  qui  en  sont  la  conséquence. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  est  complexe;  on  doit  reconnaître  l’existence 
de  la  tumeur,  en  déterminer  le  siège,  dire  qu’elle  en  est  la  nature. 

Il  n’existe  pas  de  signe  pathognomonique  qui  permette  d’affirmer 
l’existence  d’un  néoplasme  dans  l’intérieur  du  crâne,  c’est  par  l’ensemble 
des  symptômes  et  la  marche  de  la  maladie  que  l’on  arrive  au  diagnostic. 
On  peut  à  ce  point  de  vue  distinguer  trois  formes  cliniques  :  dans  la 
première,  on  n’ohserve  que  des  troubles  généraux  de  l’innervation  encé¬ 
phalique;  dans  la  deuxième,  il  existe  les  signes  d’une  lésion  localisée; 
dans  la  troisième,  la  tumeur  fait  saillie  sous  le  cuir  chevelu.  La  céphâ-- 


182 


ENCÉPHALE.  —  tdmedrs. 
lalgie,  les  convulsions  épileptiformes  et  les  vomissements  caractérisent 
la  première  forme.  Quand  ces  symptômes  se  produisent  simultanément 
avec  une  certaine  persistance,  on  peut  considérer  comme  très-probable 
l’existence  d’une  tumeur  inlra- crânienne;  ils  pourraient  à  la  rigueur  être 
dus  à  la  présence  d'un  foyer  ancien  dans  les  circonvolutions;  et,  bien  que 
la  marche  progressive  des  accidents,  l’absence  d’altaque  apoplectique 
initiale,  la  fréquence  des  attaques  convulsives,  permettent  le  plus  souvent 
de  reconnaître  la  tumeur,  le  diagnostic  peut  pourtant  rester  incertain  si 
Ton  n’est  pas  suffisamment  renseigné  sur  la  marche  des  accidents,  et  il 
convient  d’attendre  avant  de  se  prononcer;  le  diagnostic  est  encore  plus 
difficile  dans  les  cas  où  l’un  des  symptômes  que  nous  avons  indiqués,  la 
céphalalgie  par  exemple,  existe  seul  ;  si  la  douleur  est  très-violente  et 
nettement  localisée,  si  elle  résiste  à  tous  les  moyens  de  traitement,  si 
l’on  ne  peut  la  rattacher  à  aucune  cause  apparente,  il  est  permis  de  soup¬ 
çonner  l’existence  d’une  tumeur  cérébrale;  quelquefois  pourtant  elle  est 
unilatérale,  elle  s’accompagne  de  vomissements  et  ne  revient  qu’à  inter¬ 
valles  plus  ou  moins  éloignés,  il  est  difficile  alors  de  ne  pas  croire  à  une 
simple  migraine.  Quand  il  existe  des  troubles  de  là  vue,  il  est  important 
de  pratiquer  l’examen  ophthalmoscopique,  car  si  là  papille  présente  les 
altérations  caractéristiques  de  l’une  des  formes  de  névrite  que  nous  avons 
signalées  plus  haut,  on  peut  affirmer  l’existence  d’une  lésion  intra-cr⬠
nienne  ou  intra-orhitaire. 

L’apparition  des  symptômes  de  foyer  et  surtout  des  paralysies  locali¬ 
sées  facilite  beaucoup  le  diagnostic.  Quand  la  paralysie  est  nettement 
hémiplégique  et  qu’elle  existe  seule,  on  est  tout  d’abord  tenté  de  la  rappor¬ 
ter  à  une  lésion  hémorrhagique  ou  nécrosique  des  corps  opto-striés;  l’absence 
d’attaque  initiale  et  la  progression  lente  des  accidents  permettent  d’éviter 
cette  erreur.  Les  paralysies  des  nerfs  crâniens  sont  presque  caractéristiques, 
leur  multiplicité,  l’existence  d’autres  symptômes  empêchent  de  les 
prendre  pour  de  simples  paralysies  rhumatismales.  On  peut  dans  certains 
cas  hésiter  entre  un  foyer  ancien  et  une  tumeur  du  mésocéphale  ;  mais 
alors,  comme  dans  le  cas  d’hémiplégie,  le  mode  de  début  et  la  marche  de 
la  maladie  conduisent  au  diagnostic. 

Quand  la  tumeur  fait  saillie  sous  le  cuir  chevelu,  il  n’y  a  guère  d’er¬ 
reur  possible  ;  les  troubles  de  l’innervation  encéphalique  empêchent  la 
confusion  avec  les  tumeurs  superficielles;  on  reconnaît  l’encéphalocèle  à 
l’époque  de  son  apparition  qui  a  toujours  lieu  dans  les  premiers  temps 
de  la  vie.  Les  tumeurs  qui  s’accompagnent  d’exophthalmos  peuvent  être 
confondues  avec  les  cancers  de  l’œil;  celles  qui  proéminent  dans  les  fosses 
nasales  donnent  lieu  à  tous  les  symptômes  d’un  polype;  le  diagnostic  ne 
peut  être  posé  en  pareille  circonstance  que  s’il  existe  en  même  temps  des 
troubles  cérébraux. 

Le  diagnostic  du  siège  n’est  possible  que  dans  les  cas  où  il  existe  des 
paralysies  des  nerfs  crâniens  ;  et  alors  même  on  ne  peut  souvent  le  dé¬ 
terminer  que  très-approximativemeut.  Il  faut  établir  d’abord  si  la  lésion 
porte  sur  la  portion  périphérique  ou  centrale  du  nerf.  (Voy.  plus  haut.) 


ENCÉPHALE.  —  tdmeues. 


183 


Certaines  paralysies,  celles  du  facial  et  de  l’hypoglosse  par  exemple,  pré¬ 
sentent  des  caractères  différents,  suivant  qu’elles  sont  d’origine  centrale 
ou  périphérique;  pour  les  autres  nerfs,  l’absence  ou  la  conservation  des 
mouvements  réflexes  qu’ils  contribuent  à  produire  montre  dans  quelle 
partie  de  leur  trajet  ils  sont  lésés  :  la  conservation  de  ces  mouvements 
suppose  l’intégrité  du  nerf  jusqu’à  son  noyau  d’origine,  et  indique  une 
paralysie  d’origine  cérébrale  ;  leur  disparition  implique  la  destruction  du 
noyau  d’origine  ou  une  lésion  de  la  partie  périphérique  du  nerf.  Ainsi, 
chez  un  individu  atteint  de  cécité,  la  persistance  du  clignement  et  des 
mouvements  de  l’iris  permet  d’affirmer  que  la  lésion  ne  porte  ni  sur  la 
partie  périphérique  du  nerf  optique,  ni  sur  son  noyau  d’origine,  et  que 
sa  portion  cérébrale  est  seule  intéressée. 

Il  peut  exister  en  même  temps  que  les  paralysies  des  nerfs  crâniens 
une  hémiplégie  qui  siège  tantôt  du  même  côté  (paralysie  uniforme), 
tantôt  du  côté  opposé  (paralysie  antagoniste) .  La  paralysie  antagoniste 
suppose  nécessairement  une  lésion  du  mésocéphale. 

Le  plus  souvent,  plusieurs  nerfs  sont  paralysés  en  même  temps  ;  il  faut 
chercher,  en  se  guidant  sur  les  données  de  l’anatomie  et  de  la  physiologie 
en  quel  point  doit  siéger  la  lésion  encéphalique,  que  l’on  suppose  d’abord 
unique,  pour  produire  les  symptômes  observés.  L’abolition  de  l’odorat, 
l’exophthalmie,  indiquent  une  tumeur  de  la  partie  antérieure  du  crâne  ; 
la  pax’alysie  antagoniste  du  moteur  oculaire  commun  et  des  membres  ne 
peut  s’expliquer  que  par  une  lésion  de  la  base  intéressant  les  pédoncules; 
la  paralysie  faciale  double  indique  presque  nécessairement  l’existence 
d’une  tumeur  volumineuse  au  niveau  de  la  protubérance  ;  cette  hy¬ 
pothèse  est  la  seule  admissible,  car  une  tumeur  occupant  le  bulbe  don¬ 
nerait  lieu  en  même  temps  à  d’autres  symptômes;  la  coexistence  d’une 
paralysie  faciale  d’origine  périphérique  et  d’une  paralysie  du  moteur 
oculaire  commun  du  même  côté,  indique  une  tumeur  siégeant  latérale¬ 
ment  vers  la  partie  moyenne  de  la  base  du  crâne  ;  la  paralysie  des  au¬ 
tres  nerfs  moteurs  de  l’œil  n’a  pas  la  même  valeur,  car  ces  nerfs  ont 
leurs  noyaux  d’origine  dans  le  bulbe  et  une  lésion  de  cet  organe  peut  les 
paralyser  en  même  temps  que  le  facial  et  l’auditif. 

La  paralysie  d’un  ou  de  plusieurs  des  nerfs  qui  ont  dans  le  bulbe  leur 
noyau  d’origine,  la  coexistence  d’une  hémiplégie  du  côté  opposé,  d’ac¬ 
cès  convulsifs,  de  vomissements  opiniâtres,  de  troubles  circulatoires,  de 
glycosurie,  permettent  de  considérer  comme  très-probable  l’existence 
d’une  tumeur  du  bulbe. 

La  signification  des  troubles  de  la  parole  varie  suivant  leur  nature  ; 
l’amnésie  verbale  avec  conservation  de  l’intelligence  indique  une  lésion 
des  circonvolutions  frontales,  probablement  de  la  troisième;  l’aphasie  avec 
intégrité  de  l’intelligence,  conservation  de  l’écriture,  et  conservation  des 
mouvements  de  la  langue,  ne  peut  s’expliquer  que  par  une  lésion  des  fibres 
qui  relient  les  lobes  antérieurs  au  centre  d’innervation  motrice  de  la  langue; 
l’aphasie  avec  paralysie  de  la  langue  ou  défaut  de  coordination  de  ses 
mouvements,  se  rattache  à  une  lésion  du  nerf  hypoglosse  ou  des  olives. 


184 


ENCÉPHALE.  —  tdmbürs. 


Les  troubles  de  coordination  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  sont  en 
faveur  d’une  lésion  cérébelleuse,  surtout  s’ils  coïncident  avec  de  la  cé¬ 
phalalgie  occipitale,  des  vomissements  opiniâtres,  et  des  accès  con¬ 
vulsifs. 

On  voit  que  par  l’analyse  physiologique,  on  peut  parvenir  souvent  à 
déterminer  quel  est  vraisemblablement  le  siège  de  la  lésion  ;  mais  l’on 
ne  peut  se  prononcer  d’une  façon  absolue,  car  on  ignore  toujours  si  les 
paralysies  sont  dues  à  une  ou  plusieurs  tumeurs. 

La  nature  de  la  tumeur  ne  peut  être  soupçonnée  que  dans  un  petit 
nombre  de  cas. 

Quand  le  malade  est  avancé  en  âge,  qu’il  n’a  aucun  antécédent  dia- 
thésique,  qu’il  est  frappé  d’une  attaque  apoplectique  alors  que  depuis 
un  certain  temps  il  présentait  les  symptômes  d’une  tumeur  cérébrale, 
que  les  troubles  fonctionnels  consistent  surtout  en  des  paralysies  isolées 
des  nerfs  crâniens,  et  que  les  signes  d’excitation  bulbaire  sont  peu  mar¬ 
qués  ou  font  défaut,  les  probabilités  sont  en  faveur  d’un  anévrysme  intra¬ 
crânien  ;  les  attaques  apoplectiques  surtout  ont  une  valeur  diagnostique 
réelle,  quand  elles  se  présentent  dans  les  circonstances  que  nous  venons 
d’exposer;  d’autres  tumeurs,  les  sarcomes,  par  exemple,  et  les  gliomes, 
peuvent  leur  donner  naissance  quand  elles  augmentent  brusquement  de 
volume  par  l’effet  d’une  hémorrhagie  interstitielle,  mais  ce  sont  là  des 
faits  exceptionnels. 

On  peut  dans  certains  cas  soupçonner  quel  est  le  siège  de  l’anévrysme. 
Dans  les  anévrysmes  de  la  carotide,  les  malades  éprouvent  parfois  une 
sensation  de  battements  dans  l’orbite  ;  on  perçoit  un  bruit  de  souffle  en 
appliquant  le  stéthoscope  sur  la  paroi  externe  de  cette  région  ;  le  globe 
oculaire,  foulé  par  la  tumeur,  fait  une  saillie  anormale  ;  le  diagnostic  peut 
alors  être  posé  avec  une  certitude  presque  entière.  Si,  dans  le  cas  où  l’on  a 
diagnostiqué  un  anévrysme,  la  paralysie  porte  particulièrement  sur  le  mo¬ 
teur  oculaire  commun,  si  l’intelligence  est  troublée,  la  vue  affaiblie,  c’est, 
d’après  Lebert,  dans  la  communicante  postérieure  que  doit  vraisemblable¬ 
ment  siéger  la  tumeur.  Le  peu  d’intensité  des  troubles  psychiques  et  sen¬ 
soriels,  l’existence  d’une  hémiplégie  caractérisée  et  d’une  paralysie  incom¬ 
plète  du  facial,  de  fréquentes  attaques  épileptiques  sont  en  faveur  d’une 
tumeur  de  l’artère  sylvienne.  Enfin,  l’anévrysme  étant  reconnu,  on  peut 
admettre  qu’il  occupe  la  basilaire  lorsque  la  céphalalgie  siège  à  l’occiput, 
qu’elle  s’accompagne  de  surdité,  de  troubles  de  la  locomotion,  que  l’ar¬ 
ticulation  des  mots  est  difficile,  que  les  paralysies  sont  étendues,  les  at¬ 
taques  épileptiques  fréquentes,  les  troubles  psychiques  peu  prononcés,  et 
enfin  que  la  respiration  est  gênée  sans  qu’il  existe  de  lésion  dans  l’appareil 
respiratoire.  Griesinger,  se  basant  sur  les  résultats  de  l’expérimentation 
{voy.  Anémie  cérébrale),  pensait  que  dans  les  cas  où  une  tumeur  anévrys¬ 
male  interrompait  la  circulation  dans  le  tronc  basilaire,  la  compression 
des  deux  carotides  devait  provoquer  des  attaques  épileptiformes  et  pouvait 
ainsi  conduire  au  diagnostic.  C’est  un  moyen  dont  on  ne  pourrait  user 
qu’avec  une  grande  circonspection. 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 


185 


Le  diagnostic  des  tumeurs  diathésiques  est  possible  dans  certaines 
circonstances. 

Les  tubercules  surviennent  presque  exclusivement  dans  le  jeune  âge, 
alors  que  les  autres  tumeurs  sont  excessivement  rares.  Souvent  l’enfant 
est  né  de  parents  phthisiques  ;  il  présente  des  signes  de  scrofule,  tels  que 
des  abcès  ganglionnaires,  des  affections  articulaires  chroniques;  d’autres 
fois  on  constate  par  l’auscultation  du  thorax  des  signes  positifs  de  tuber¬ 
culose  pulmonaire.  Ces  tumeurs  siégeant  le  plus  souvent  dans  l’intimité 
du  tissu  nerveux,  produisent  rarement  des  paralysies  isolées  des  nerfs 
crâniens  ;  elles  donnent  lieu  plutôt  à  des  hémiplégies  incomplètes,  mais 
elles  sont  surtout  caractérisées  par  des  accès  convulsifs,  de  la  céphalal¬ 
gie  et  des  vomissements.  Quand  elles  s’accompagnent  de  fièvre,  on  peut 
facilement  croire  à  une  méningite. 

On  soupçonnera  un  cancer  de  l’encéphale  si,  chez  un  individu  pré¬ 
sentant  les  signes  d’une  tumeur  intra-crânienne,  il  se  produit  un  amai¬ 
grissement  rapide,  si  les  téguments  prennent  l’aspect  caractéristique, 
s’il  se  fait  des  coagulations  spontanées  dans  les  veines ,  et  surtout  si 
d’autres  organes  sont  le  siège  de  semblables  productions  ;  mais  le  plus 
souvent  ces  tumeurs  sont  limitées  â  l’encéphale  et  leur  retentissement 
sur  la  nutrition  générale  est  à  peu  près  nul  ;  on  ne  possède  alors  aucun 
signe  qui  permette  de  les  distinguer  des  productions  purement  acci¬ 
dentelles. 

Les  antécédents  du  malade,  les  symptômes  concomitants,  la  nature,  la 
marche  et  la  mobilité  des  accidents,  les  modifications  qu’ils  subissent 
sous  l’influence  du  traitement  spécifique,  font  reconnaître  les  néoplasies 
syphilitiques.  Les  symptômes  varient  beaucoup,  non-seulement  chez  les 
différents  sujets,  mais  aussi  chez  le  même  malade,  aux  différentes  périodes 
de  la  maladie.  Ils  peuvent  apparaître  dans  la  deuxième  période  de  la  sy¬ 
philis,  en  même  temps  que  les  affections  superficielles  de  la  peau,  vers  la 
fin  de  la  première  ou  dans  la  seconde  année  qui  suit  l’apparition  du 
chancre  ;  on  peut  alors  les  rapporter  avec  vraisemblance  à  l’existence 
d’épaississements  de  la  dure-mère  ou  à  de  petites  exostoses  comprimant  les 
nerfs  ou  les  vaisseaux  intra-crâniens;  ce  sont  surtout  des  paralysies  limitées, 
généralement  incomplètes  :  elles  se  développent  rapidement,  puis  restent 
stationnaires,  et  au  bout  d’un  temps  variable ,  souvent  de  plusieurs  mois, 
elles  rétrogradent  peu  à  peu,  soit  spontanément,  soit  sous  l’influence  du 
traitement  ;  en  même  temps  d’autres  nerfs  sont  intéressés,  et  de  nouvelles 
paralysies  se  manifestent  pendant  que  les  premières  disparaissent.  Ces 
symptômes  s'accompagnent  de  vertiges,  de  vomissements,  de  céphalalgie 
avec  exaspérations  nocturnes.  Quand  les  accidents  surviennent  dans  les 
périodes  anciennes  de  la  syphilis,  ils  ont  un  autre  caractère  ;  souvent  ils 
peuvent  s’expliquer  par  l’existence  d’une  seule  tumeur  ;  les  attaques  épi¬ 
leptiformes  sont  plus  fréquentes  ;  quelquefois  il  se  produit  une  hémi¬ 
plégie,  soit  par  compression  de  la  sylvienne,  soit  par  lésion  directe 
des  corps  striés  ou  du  faisceau  moteur;  les  symptômes  sont  encore 
mobiles,  mais  leur  évolution  est  plus  lente.  Pour  toutes  ces  produc- 


186 


ENCÉPHALE.  —  tumeurs. 
lions,  l’action  du  traitement  spécifique  est  la  véritable  pierre  de  touche. 

Parmi  les  productions  accidentelles,  les  tumeurs  parasitaires  ont  pu 
seules  être  reconnues  dans  certains  cas  ;  elles  siègent  presque  toujours 
dans  la  couche  grise  des  circonvolutions,  et  elles  sont  presque  constam¬ 
ment  multiples  :  de  là  quelques  particularités  dans  leur  symptomatologie  : 
elles  s’annoncent  souvent  par  des  attaques  épileptiformes,  dont  l’intensité 
et  la  fréquence  augmentent  progressivement  ;  rarement  il  se  produit  des 
paralysies  des  nerfs  crâniens  :  l’hémiplégie  s’observe  quelquefois,  mais 
dans  la  dernière  période  de  l’affection;  les  troubles  psychiques  peuvent 
prendre  rapidement  un  caractère  grave  ;  ce  sont  surtout  des  phénomèpes 
de  dépression.  Ces  tumeurs  apparaissent  habituellement  vers  l’àge  de 
40  ans.  Si  l’on  constate  la  coïncidence  des  différents  signes  que  nous 
venons  d’énumérer,  on  peut  considérer  comme  probable  l’existence 
de  cysticerques  :  on  a  pu  ainsi  diagnostiquer  avec  succès  ce  genre  de 
tumeurs. 

Enûn  quand  on  est  arrivé  à  éliminer  les  différentes  tumeurs  que  nous 
venons  d’énumérer,  on  peut  se  rattacher  de  préférence  à  l’hypothèse  d’un 
sarcome,  car  c’est  de  tous  les  néoplasmes  accidentels  celui  que  l’on  ob¬ 
serve  le  plus  fréquemment',  la  production  d’attaques  apoplectiques  serait 
en  faveur  de  la  même  opinion,  car  ces  tumeurs  sont  susceptibles  d’aug¬ 
menter  soudainement  de  volume  par  suite  d’hémorrhagies  intersti¬ 
tielles,  et  elles  peuvent  mieux  que  d’autres  rendre  compte  de  ces 
symptômes. 

Pronostic.  —  Les  tumeurs  cérébrales,  à  l’exception  des  néoplasies 
syphilitiques,  se  terminent  presque  constamment  parla  mort;  mais  la 
durée  de  leur  évolution  offre  de  grandes  différences  qui  sont  surtout  en 
relation  avec  leur  siège  et  leur  nature.  Les  tumeurs  développées  dans 
les  parties  tolérantes  de  l’encéphale  peuvent  durer  des  années  avant 
de  provoquer  aucun  trouble  morbide;  on  trouve  quelquefois  à  l’au¬ 
topsie  d’individus  morts  en  peu  de  jours  d’accidents  survenus  soudaine¬ 
ment  des  tumeurs  volumineuses  qui  sans  aucun  doute  ont  été  longtemps 
silencieuses.  Au  contraire  les  tumeurs  de  la  protubérance  et  surtout 
celles  du  bulbe  donnent  lieu  rapidement  à  des  symptômes  graves  et  amè¬ 
nent  d’ordinaire  la  mort  en  peu  de  temps.  Les  tumeurs  de  la  partie 
moyenne  de  la  base  ont  moins  de  gravité  que  les  précédentes;  mais  leur 
pronostic  est  très-fâcheux  en  raison  de  la  gravité  des  troubles  sensoriels 
et  particulièrement  de  l’amaurose  qu’elles  causent  habituellement,  de 
la  précocité  et  de  l’intensité  des  troubles  intellectuels.  Relativement  à  la 
nature  de  la  tumeur,  les  plus  rapidement  mortelles  sont  les  cancers;  les 
anévrysmes  sont  également  d’un  pronostic  grave,  car  ils  ont  dans  cette 
région  une  tendance  toute  particulière  à  se  rompre  et  ils  peuvent  ainsi 
amener  la  mort  presque  subitement  ;  les  tubercules  sont  fatalement 
mortels,  les  enfants  succombent  soit  aux  attaques  épileptiformes,  soit  au 
développement  d’une  méningite  secondaire,  soit  aux  lésions  viscérales 
concomitantes.  La  durée  de  la  maladie  varie  de  quelques  semaines  à 
cinq  ou  six  ans. 


ENCÉPHALE.  —  tümeürs.  187 

On  a  attribué  aux  néoplasies  syphilitiques  un  caractère  relativement 
bénin;  le  traitement  spécifique  en  triompherait  le  plus  souvent.  Cela  est 
vrai  pour  les  néoplasies  qui  se  développent  dans  les  périodes  récentes  de 
la  maladie;  mais  il  n’enestplus  de  rtiême  quand  il  s’agit  de  tumeurs  gom¬ 
meuses  ;  deux  fois  l’un  de  nous  a  vu  ces  tumeurs  entraîner  la  mort  malgré 
la  médication  appropriée.  C’est  qu’en  effet  les  gommes  exercent,  comme 
nous  l’avons  vu,  une  action  irritante  sur  le  tissu  qui  les  environne,  qu’au 
bout  de  peu  de  temps  elles  déterminent  à  leur  périphérie  des  lésions  ir¬ 
réparables  et  que  le  traitement  spécifique,  tout  puissant  contre  la  néo¬ 
plasie  syphilitique,  est  sans  action  sur  les  altérations  secondaires  dont 
elle  a  été  le  point  de  départ. 

Les  tumeurs  accidentelles  suivent,  le  plus  souvent,  une  marche  très- 
lente;  la  vie  peut  se  prolonger  pendant  plusieurs  années,  mais  le  pronostic 
n’en  reste  pas  moins  grave,  car  les  malades  sont  généralement  condamnés 
à  l’existence  la  plus  pénible. 

Traitement.  —  Dans  la  plupart  des  cas,  la  médication  ne  peut  être 
dirigée  que  contre  les  symptômes.  Les  congestions  encéphaliques  seront 
combattues  par  les  révulsifs  cutanés  et  intestinaux;  on  s’adressera  de 
préférence  aux  drastiques,  tels  que  l’eau-de-vie  allemande;  il  ne  faut  pas 
craindre,  si  l’individu  est  robuste,  de  recourir  à  l’application  de  sangsues 
derrière  les  oreilles,  ou  de  ventouses  à  la  nuque.  La  céphalalgie  atteint 
quelquefois  une  telle  violence,  qu’elle  nécessite  une  intervention  active  et 
promptement  efficace;  l’application  sur  la  tête  de  compresses  trempées 
dans  une  solution  faible  de  cyanure  de  potassium,  amène  quelquefois  un 
soulagement  rapide.  D’autres  fois  la  douleur  est  calmée  par  l’application 
continue  sur  la  tête  d’une  vessie  remplie  de  glace;  les  injections  sous- 
cutanées  de  morphine  à  dose  faible,  les  pilules  de  belladone,  ont  été 
également  employées  avec  succès.  Si  la  paralysie  persistait  malgré  ces 
moyens,  on  pourrait  pratiquer  des  injections  sous-cutanées  de  sulfate 
d’atropine,  mais  en  commençant  par  des  doses  minimes,  2  ou  3  milli¬ 
grammes.,  par  exemple,  et  en  usant  de  grandes  précautions,  car  il  suffit, 
chez  certains  sujets,  de  quelques  milligrammes  pour  amener  des  accidents 
graves.  Dans  les  cas  de  céphalalgie  violente  et  opiniâtre,  nous  avons 
obtenu  les  meilleurs  résultats  du  bromure  de  potassium.  On  peut  élever 
sans  crainte  la  dose  jusqu’à  5  ou  6  grammes  par  jour;  il  est  rare  qu’au 
bout  de  deux  jours  la  douleur  ne  soit  pas  apaisée.  Dans  le  cas  contraire, 
on  peut  aller  jusqu’à  8  ou  10  grammes;  constamment  alors  il  se  pro¬ 
duit  un  soulagement.  Il  survient,  il  est  vrai,  quelques  accidents,  de 
Tincerlitude  des  mouvements ,  de  l’incontinence  d’urine ,  de  la  somno¬ 
lence,  mais  ils  se  dissipent  au  bout  de  peu  de  jours  sans  laisser  de  traces, 
et  l’amélioration  persiste.  On  a  souvent  cherché  à  enrayer  l’évolution  de 
la  tumeur  en  appliquant  à  la  nuque  des  cautères  ou  des  sétons  ;  il  est  bien 
reconnu  aujourd'hui  que  cette  médication  pénible  et  douloureuse  n’offre 
aucun  avantage.  On  administre  fréquemment,  dans  le  même  but  et  avec 
peu  de  chance  de  succès,  l’iodure  de  potassium. 

Quand  il  s’agit  d’une  tumeur  syphilitique,  il  faut  combattre  énergique- 


188  ENCÉPHALE. —  tümeübs. 

ment  la  maladie  générale  par  le  traitement  approprié,  associer  le  trai¬ 
tement  mercuriel  à  l’iodure  de  potassium.  Si  le  danger  est  pressant, 
dans  les  cas,  par  exemple,  où  des  attaques  épileptiformes  se  succèdent  à 
courts  intervalles,  il  faut  donner  d’emblée  de  fortes  doses  d’iodure  ;  on 
peut  ainsi  obtenir  en  peu  de  jours  une  amélioration  considérable.  Il  est 
urgent,  en  pareil  cas,  de  seconder  l’action  des  spécifiques  par  l’usage 
d’une  médication  révulsive  énergique.  On  peut  ainsi  prévenir  ou  arrêter 
le  développement  des  complications  phlegmasiques  que  provoquent  si 
fréquemment  les  tumeurs  gommeuses. 

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EBfCÉPHAUTE  DIFFESE.  Voy.  Paralysie  générale. 

EMCÊPHAIjOCÈEE.  —  On  désigne  sous  le  nom  d’encéphalocèle, 
la  hernie  d’une  partie  plus  ou  moins  considérable  du  cerveau  ou  de  ses 
enveloppes  à  travers  la  boîte  crânienne.  Cette  définition  aussi  large  que 
possible  s’applique,  comme  on  peut  le  comprendre,  et  à  l’encéphalocèle 
proprement  dite  et  à  l’affection  que  l’on  a  appelée  méningocèle;  elle 
comprendrait  aussi  à  la  rigueur  les  hernies  du  cerveau  consécutives  à  des 
lésions  traumatiques  :  aussi,  bien  que  nous  n’ayons  ici  en  vue  que  l’eri- 
cephalocèle  congénitale,  consacrerons-nous  quelques  lignes  à  l’encépha¬ 
locèle  traumatique. 

Des  cas  extrêmement  curieux  de  hernies  de  l’encéphale,  consécutives 
aux  plaies  par  armes  à  feu  ont  été  relatés  par  les  auteurs  du  Compendium; 
c’est,  disent-ils,  dans  les  ble.ssures  de  cette  espèce  que  l’on  voit  le  cerveau 
se  soulever,  s’échapper  par  les  ouvertures  sous  forme  de  champignons 
fongueux,  noirâtres,  gangrenés  et  tomber  par  morceaux  représentant  une 
masse  considérable  de  matière  cérébrale.  Le  plus  bizarre  est  que  la  mort 
n’a  pas  toujours  été  la  conséquence  de  semblables  lésions,  et  l’on  trouve 
dans  les  Mémoires  de  l’Académie  de  chirurgie  deux  faits  qui  confirment 
la  possibilité  d’une  guérison  malgré  la  suppression  d’une  portion  notable 
de  l’encéphale  hernié.  En  1861,  Houzé  de  l’Aulnoit,  pour  donner  issue  à 
un  abcès  du  cerveau  consécutif  à  une  fracture  du  temporal,  détacha  une 
très-large  esquille  de  cette  région.  Peu  de  temps  après  se  produisit  une 
hernie  du  cerveau  qui  ne  tarda  pas  à  acquérir  le  volume  d’une  orange. 
Contre  toute  attente,  celte  tumeur  s’atrophia  et  finit  par  disparaître.  Le 
malade  guérit  et  conserva  toute  son  intelligence.  Ils  s’agissait  d’un  enfant 
de  14  ans.  Je  dois  rapprocher  de  ces  faits  relatifs  à  la  hernie  traumatique 
du  cerveau,  le  cas  dont  j’ai  donné  la  description  à  l’article  Crâne  du  Nou¬ 
veau  dictionnaire  de  rnédecine,  et  que  j’ai  observé  dans  ma  clientèle  par¬ 
ticulière;  l’encéplialocèle  reconnaît,  eu  effet,  évidemment  ici  une  cause 
traumatique,  puisqu’elle  est  consécutive  à  une  application  de  forceps  ;  et 
encore  n’est-elle  pas  immédiate,  elle  ne  se  produit  que  plusieurs  jours 
après  et  consécutivement  à  la  chute  de  l’eschare  jiroduite  :  de  plus  elle  ne 
se  produit  que  lentement,  progressivement.  Ainsi  que  je  me  suis  attaché 
à  le  faire  comprendre  dans  la  description  de  ce  phénomène  qui  s’est  len¬ 
tement  manifesté  sous  mes  yeux,  les  méninges  ont  d’abord  fait  hernie 
sous  ta  forme  d’un  petit  tube  légèrement  renflé  à  son  extrémité,  puis  s’é¬ 
panouissant  légèrement  et  simulant  assez  bien  une  corolle  ;  la  matière 
cérébrale  ne  se  trouvait  qu’à  la  base  de  ce  tube,  et  ce  n’est  qu’après  un 


ENCÉPHALOCÈLE.  —  encéphalocèle  cosgénitale.  191 

temps  qu’il  est  possible  d’évaluer  à  quinze  jours  que  l’encéphale  s’enga¬ 
geant  petit  à  petit  dans  cet  orifice  et  le  dilatant,  est  arrivé  à  constituer  à 
l’extérieur  du  crâne  une  masse  du  volume  d’une  tomate.  Ce  cas,  des  plus 
curieux,  semble  donc  relier  d’une  manière  bien  nette  les  cas  de  hernie 
du  cerveau  par  cause  traumatique,  avec  les  cas  d’encéphalocèle  congé¬ 
nitale  qui  doivent  surtout  nous  occuper.  Aussi  ai-je  cru  nécessaire  de  si¬ 
gnaler  ici  les  phénomènes  les  plus  saillants  du  fait  que  j’ai  rapporté  in 
extenso. 

Encêphalocèle  congénitale.  —  Cette  affection  peut  être  consi¬ 
dérée  comme  un  rudiment  de  l’ encêphalocèle  et  de  la  pseudencéphalie  ; 
dans  ces  derniers  vices  de  conformation,  en  effet,  on  trouve  presque  tout 
l’encéphale,  ou  même  cet  organe  en  totalité  à  l’extérieur  de  la  boîte  cr⬠
nienne;  au  lieu  que  dans  l’affection  qui  nous  occupe,  on  trouve  en  de¬ 
hors  du  crâne  une  petite  portion,  ou  du  cerveau,  ou  du  cervelet  accom¬ 
pagnée  des  méninges  et  d’une  quantité  variable  de  liquide.  Bien  qu’on 
trouve  dans  les  Archives  générales  de  médecine  deux  cas  d’encéphalocèle 
se  faisant  jour  par  le  trou  occipital  déformé  et  agrandi  considérablement 
par  son  bord  postérieur,  on  peut  dire  que  généralement  cette  hernie 
se  produit  dans  la  région  occipitale,  soit  au  milieu  même  de  l’os,  soit 
sur  la  suture  lambdoïde;  plus  rarement  dans  la  région  frontale  (cas 
cité  par  M.  Guersant,  dans  lequel  la  tumeur  s’était  fait  jour  entre  l’un- 
guis  et  le  frontal),  presque  exceptionnellement  dans  la  région  tempo¬ 
rale  (cas  cité  par  Billard),  dans  lequel  la  portion  écailleuse  manquait 
complètement.  Tirman  a  observé  une  encêphalocèle  sur  un  enfant  de 
9  ans.  La  tumeur  est  conjonctivale,  et  occupe  la  partie  interne  de 
la  cavité  orbitaire  gauche.  Tirman  signale  surtout  comme  symptôme 
important  un  bruit  de  souffle  continu  avec  renforcement  que  l’on  en¬ 
tendait  au  niveau  de  la  tumeur;  un  souffle  analogue  s’entendait  sur  le 
trajet  de  la  carotide.  Il  s’agissait  sans  doute  d’un  bruit  de  souffle  ané¬ 
mique.  Ce  malade  a  été  opéré  par  Gosselin  au  moyen  du  petit  trocart 
de  Pravaz,  et  l’ouverture  pratiquée  a  donné  issue  à  du  liquide  céphalo¬ 
rachidien. 

En  1863,  Dolbeau  a  observé  une  encêphalocèle  aux  Enfants-Assistés 
au  niveau  de  la  suture  fronto-nasale.  Elle  était  de  la  grosseur  d’un  œuf 
de  poule.  L’extrémité  antérieure  du  lobe  droit  faisait  hernie.  Le  corps  cal¬ 
leux  refoulé  était  à  l’état  d’une  lamelle  blanchâtre.  L’épaisseur  des  parois 
était  énorme.  L’origine  même  de  l’ encêphalocèle  a  beaucoup  préoccupé 
les  chirurgiens.  La  plupart  ont  pensé  qu’elle  ne  pouvait  se  produire  qu’au 
niveau  d’une  suture  ;  quelques-uns  n'ont  même  pas  été  arrêtés  par  les  cas 
où  l’encéphalocèle  se  produisait  au  centre  même  de  l’occipital,  et  ont  ex¬ 
pliqué  le  fait  par  la  multiplicité  des  points  d’ossification  admise  par 
Meckel  ;  de  sorte  que  ce  serait  encore  au  niveau  d’une  suture  reliant  les  di¬ 
verses  pièces  de  l’os  que  la  hernie  encéphalique  se  serait  produite.  Quoi 
qu’il  en  soit,  nous  ne  pouvons  que  constater  le  fait  de  l’issue  du  cerveau 
par  la  partie  moyenne  de  l’os.  D’après  Holmes,  le  siège  ordinaire  est  dans 
la  région  occipitale,  et  de  plus  la  tumeur  fait  hernie  à  travers  la  portion 


192  ENCÊPHALOCÈLE.  —  EJSCÉPHALOCÈLE  COiNGÉNITALE. 

élargie  de  l’os.  Dans  le  cas  que  nous  représentons  (fig.  17),  la  tumeur  a 

fait  saillie  à  travers  la  partie  membraneuse  centrale  qui  correspond  à  la 


Fig.  17.  —  Méningocèle  de  la  région  occipitale,  d’après  un  moule  qui  est  déposé  au  musée  de 
Saint-Georges-Hospilal.  La  0gure  représente  très-fidèlement  l’apparence  sous  laquelle  se 
montre  ordinairement  le  méningocèle  de  la  région  occipitale  ;  la  distance  qui  existe  entre  le 
pédicule  de  la  tumeur  et  la  nuque  cervicale  indique  la  distance  probable  entre  le  collet  du 
sac  et  le  trou  occipital  ;  la  hauteur  du  front  et  le  volume  relativement  considérable  du  crâne 
par  rapport  à  celui  de  la  face  révèlent  la  présence  du  liquide  dans  les  ventricules.  (Holmes.) 

région  de  la  protubérance  occipitale  et,  par  conséquent,  à  la  réunion  des 
quatre  parties  qui  doivent  constituer  l’occiput. 

Causes.  —  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  effets  attribués  à  l’imagi¬ 
nation  maternelle.  Un  examen  sérieux  et  approfondi  des  faits  a  complète¬ 
ment  fait  justice  de  toutes  ces  erreurs.  Les  violences  extérieures  exercées 
sur  le  ventre  de  la  mère  durant  la  grossesse  ne  nous  paraissent  guère  plus 
admissibles;  quant  au  travail  de  l’accouchement,  nous  serions  disposé  à 
croire  avec  Delpech  qu’il  n’est  que  pour  peu  de  chose  dans  la  production 
de  l'encéphalocèle,  si  le  fait  observé  par  nous  et  cité  au  commencement 
de  cet  article  n’ébranlait  un  peu  notre  opinion  à  cet  égard.  Pourquoi  ne 
pas  admettre,  en  effet,  que  les  désordres  produits  par  une  application 
malheureuse  du  forceps,  ne  puissent  se  manifester  également  à  la  suite 
d’une  compression  énergique  et  prolongée  sur  l’angle  sacro-vertébral  par 
exemple  ?  Il  nous  paraît  toutefois  rationnel  d’admettre  que  le  défaut  d’os¬ 
sification,  l’arrêt  de  développement  des  os  du  crâne  d’une  part,  une  for¬ 
mation  irrégulière  ou  plutôt  une  malformation  de  l’encéphale,  d’autre 
part  doivent  être  considérés  comme  les  véritables  causes  de  l’affection 
qui  nous  occupe. 

Anatomie  pathologique.  —  Ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  au  sujet  du 
siège,  nous  dispense  d’insister  beaucoup  sur  l’ouverture  qui  livre  passage 
à  la  hernie.  Fibreuse  ou  osseuse  suivant  son  siège,  elle  ne  permet  dans 
aucun  cas  la  réduction  de  la  masse  herniée.  Examinons  maintenant  la 
partie  herniée.  Dans  quelques  cas  exceptionnels,  la  dure-mère  a  été 
éraillée  et  la  tumeur  n’a  alors  d’autres  enveloppes  que  le  péricrânetrès- 
aminci  et  la  peau  ;  dans  d’autres  cas,  c’est  la  peau  qui  manque  et  la  dure- 


ENCÉPHALOCÈLE.  —  escépiialocèle  CONGÉNITALE.  19Ô 

mère  est  la  seule  enveloppe  ;  le  plus  souvent  la  tumeur  est  recouverte  par¬ 
la  peau  tendue,  lisse,  dépourvue  de  cheveux  au  sommet  de  la  tumeur,  le, 
tissu  cellulaire  et  lepéricrâne,  et  enfin  la  dure-mère  et  l’arachnoïde.  L'ad¬ 
hérence  interne  de  ces  différentes  couches  rend  leur  dissection  très-diffi¬ 
cile  ;  et  cette  difficulté  est,  d’après  les  auteurs  du  Compendium,  rendue  plus 
grande  encore  par  la  présence  de  kystes  assez  fréquents.  Lorsque  les  en¬ 
veloppes  de  la  tumeur  ont  été  incisées,  on  trouve  le  plus  souvent  une  as¬ 
sez  grande  quantité  de  liquide  (jusqu’à  500  grammes),  surtout  dans  les 
cas  de  hernie  comprenant  la  partie  postérieure  d’un  ventricule  latéral  ; 
puis  la  tumeur  elle-même  qui  appartient  le  plus  souvent  au  cerveau  plus 
rarement  au  cervelet,  plus  rarement  encore  au  cerveau  et  au  cervelet. 
Nous  ne  citons  que  pour  mémoire  les  cas  dans  lesquels  la  tumeur  ne  con¬ 
tenait  que  du  liquide.  C’était  alors  une  méningocèle  et  non  point  une  encé- 
phalocèle. 

L’encéphalocèle  a  été  si  fréquemment  l’objet  d’erreurs  de  diagnostic 
considérables  qu’on  ne  saurait  trop  insister  sur  ses  symptômes  les  plus 
saillants.  Disons-le  cependant;  ces  symptômes  ne  sont  point  constants  et 
l’embarras  devient  extrême.  Le  plus  souvent  l’encéphalocèle  se  présente  à 
nous  sous  la  forme  d’une  tumeur  molle  variant  du  volume  d’une  noisette 
à  celui  d’un  œuf  de  dinde,  pédiculée,  fluctuante  et  par  conséquent  en 
partie  réductible,  le  plus  souvent  translucide  et  offrant  à  la  palpation  des 
pulsations  isochrones.  Les  bosselures  que  l’on  constate  à  sa  surface,  sont 
dues  à  des  brides,  à  des  adhérences  profondes  ou  à  des  éraillures  du 
derme,  et  non,  comme  on  l’a  avancé,  aux  circonvolutions  cérébrales,  la 
couche  liquide  qui  les  entoure  rendant  leur  perception  complètement  im¬ 
possible.  Cette  tumeur  comprimée  donne  lieu  aux  phénomènes  de  com¬ 
pression  cérébrale,  (nausées,  convulsions,  coma,  etc.).  Elle  peut  rester 
stationnaire,  mais  c’est  fort  rare;  le  plus  souvent  elle  se  développe,  donne 
lieu  à  des  accidents  de  plus  en  plus  marqués  ;  et  l’affection  se  termine  par 
une  méningite  déterminée  par  action  directe,  ou  par  la  gangrène  des  en¬ 
veloppes  de  la  tumeur.  Ainsi,  bien  que  des  cas  aient  été  cités  d’individus 
porteurs  d’cncéplialocèles  atteignant  l’âge  de  17,  de  25,  de  35  ans,  peut- 
on  affirmer  que  les  sujets  atteints  de  cette  affection  succombent  habituel¬ 
lement  dans  les  premières  années.  L’encéphalocèle  a  été  confondue  avec 
une  loupe  (cas  de  Lallement,  cité  par  Cloquet).  Il  s’agissait  d’une  jeune 
fdle  de  17  ans.  La  tumeur  était  molle,  fluctuante,  non  transparente  et  ne 
pulsaitpas.  Elle  fut  incisée,  et  peu  de  jours  après  une  méningite  emporta 
la  malade.  Un  cas  analogue,  relaté  dans  le  mémoire  de  Dezeimeris,  eut 
une  issue  moins  funeste  :  la  malade  guérit  de  l’opération.  Chassaignae 
cite  un  cas  dans  lequel  il  prit  une  encéphalocèle  pour  un  kyste  séreux,  et 
l’incisa.  La  tumeur  était  molle,  fluctuante,  transparente  ;  mais  n’offrant 
ni  expansion,  ni  battements.  Bien  que  l’on  donne  comme  signes  dia¬ 
gnostics  de  l’encéphalocèle  sa  transparence  et  ses- battements,  pour  la 
distinguer  des  loupes  et  des  kystes,  une  foule  de  circonstances,  telles  que 
l’épaisseur  considérable  des  membranes,  les  petits  diamètres  de  l’orifice, 
peuvent  rendre  le  diagnostic  très-obscur.  Aussi  ne  doit-on  faire  entrer  en 

KODV.  DICT.  aÉD.  ET  CHilt.  XIII.  —  13 


194  ENCÉPHALOCÈLE.  —  emcéphalocèle  congénitale. 

ligne  de  compte  que  l’ancienneté  de  la  tumeur  qui  remonte  à  la  naissance 
et  la  rareté  extraordinaire  des  kystes  séreux  dans  cette  région.  Le  dia¬ 
gnostic  avec  le  céphalœmatome  reposera  surtout  sur  le  siège  de  l’affection 
(d’après  M.  Chassaignac,  la  région  pariétale  où  l’on  trouve  le  plus  souvent 
le  céphalœmatome  n’aurait  jamais  été  le  siège  de  l’encephalocèle)  et  en¬ 
suite  la  persistance,  voire  même  la  progression  de  la  tumeur,  le  contraire 
ayant  lieu  dans  le  céphalœmatome.  Ce  sont,  croyons-nous,  les  meilleurs 
signes  :  car  la  transparence,  l’expansion,  la  pulsation,  laréductihilité  sont 
soumises  à  trop  de  causes  d'erreur.  —  La  tumeur  érectile  se  distin¬ 
guera  de  l’encéphalocèle  par  sa  coloration,  sa  réductibilité  complète  et 
dans  le  cas  célèbre  présenté  par  Guersant  à  la  Société  de  chirurgie,  cas 
dans  lequel  le  diagnostic  fut  partagé  entre  une  encéphalocèle  et  une  tu- 
tumeur  érectile,  l’autopsie  prouva  qu’il  y  avait  coïncidence  des  deux  affec¬ 
tions. 

Bien  que  le  pronostic  soit  toujours  fâcheux,  puisque  la  méningite  vient 
toujours  terminer  la  scène,  il  y  a  cependant  des  degrés  dans  la  gravité 
des  cas.  Les  plus  sérieux  sont  sans  contredit  ceux  qui  se  rapportent  aux. 
encéphalocèles  dépourvues  de  peau.  Viennent  ensuite  les  plus  volumi¬ 
neuses.  Les  encéphalocèles  d’un  très-petit  volume,  étant  moins  exposées- 
aux  violences  extérieures,  auraient  une  gravité  moindre. 

Quelle  que  soit  la  gravité  du  pronostic,  un  traitement  palliatif  doit 
seul  être  conseillé  dans  l’encéphalocèle  ;  les  traitements  prétendus  cu¬ 
ratifs  ayant  tous  été  sans  exception  suivis  d’une  mort  plus  ou  moins 
rapide.  Si  nous  les  passons  en  effet  en  revue,  nous  trouvons  que  :  1“  la. 
ligature  pratiquée  5  fois  seule,  1  fois  combinée  par  Velpeau  avec  l’exci¬ 
sion,  a  fourni  4  cas  de  méningite  suivie  de  mort  ;  2“  l’incision  a  donné 
une  moyenne  moins  déplorable,  3  cas  de  guérison  sur  7  ;  mais  encore 
faut-il  s’entendre,  le  mot  guérison  veut  dire  ici  que  les  malades  n’ont 
pas  succombé  à  l’opération;  mais  nous  n’avons  pas  besoin  d’ajouter  que 
le  liquide  seul  a  été  évacué  et  que  la  hernie  encéphalique  n’a  pas  été 
réduite  ;  3“  l’excision  exposant  encore  bien  plus  que  l’incision  aux  acci¬ 
dents  inflammatoires  doit  être  rejetée. 

Nous  devons  dire  cependant  qu’en  1 866  Broca  appela  l’attention  de  la- 
Société  de  chirurgie  sur  un  travail  de  Béiin  (de  Colmar),  relatif  à  l’exci¬ 
sion  d’une  tumeur  congénitale  située  sur  la  petite  fontanelle.  Le  malade 
avait  conservé,  longtemps  après  l’opération,  un  écoulement  de  liquide 
céphalorachidien  par  sa  plaie,  mais  avait  fini  par  guérir. 

Ce  qui  serait  peut-être  le  plus  rationnel  consisterait  à  pratiquer  d’abord 
une  ponction,  puis  à  exercer  une  compression  sur  la  tumeur.  La  ponction 
aurait  en  effet  donné  de  bons  résultats  entre  les  mains  d’Adams,  à  con¬ 
dition  d’être  pratiquée  au  moyen  d’un  instrument  très-ténu,  une  aiguille 
par  exemple;  et  d’être  répétée  aussi  souvent  qu’il  serait  nécessaire. 
Entre  chacune  des  ponctions,  la  compression  serait  pratiquée.  S'il  est,  en 
effet,  tout  à  fait  absurde  d'employer  la  compression  conime  moyen  cura¬ 
tif,  puisque  l’on  peut  tout  au  plus  amener  par  elle  la  réduction  du  li¬ 
quide,  mais  non  de  la  masse  cérébrale  herniée,  il  est  très-logique  de  l’em- 


ENCÉPHALOCËLE.  -  DE  LA  MÉiMSGOCÈLE.  195 

ployer  comme  palliatif  et  surtout  comme  adjuvant  de  la  ponction,  soit 
au  moyen  d’un  bandage  analogue  aux  brayers,  soit  à  l’aide  d’une  plaque 
de  plomb,  de  cuir  bouilli  ou  de  gutta-percha.  Cette  méthode  a,  au  reste, 
pour  avantage  immédiat  de  protéger  la  tumeur  contre  les  agents  exté¬ 
rieurs,  notamment  contre  les  chocs  et  les  frottements  de  toute  nature,  et 
peut-être  ne  serait-il  pas  impossible  qu’elle  s’opposât  à  un  accroissement 
de  volume  de  la  tumeur. 

Spring  a  cherché  à  établir  les  différences  diagnostiques  qui  séparent 
l'encéphalocèle  de  la  méningocèle;  outre  le  peu  d’importance  clinique 
que  présente  cette  distinction,  il  paraîtrait  certain,  d’après  un  travail  fort 
intéressant  de  Houel  dont  nous  allons  donner  l’analyse  (1859),  qu’il  est 
tout  à  fait  impossible  d’admettre  l’existence  de  la  méningocèle  pure. 
Suivant  Houel,  il  y  aurait  en  effet  toujours  une  concordance  ou  plutôt 
une  concomittance  entre  les  deux  affections.  L’opinion  de  ce  chirurgien 
aurait  d’autant  plus  d’intérêt  qu’elle  s’écarte  en  plusieurs  points  des 
idées  émises  par  les  auteurs  du  Compendium  de  chirurgie. 

Houel  veut  surtout,  dans  ce  travail,  élucider  quelques  points  restés 
obscurs  dans  le  sujet.  H  n’envisage  que  les  hernies  congénitales.  Ledran 
le  premier  aurait  cru  à  l’existence  d’une  encéphalocèle  de  la  région  parié¬ 
tale  ;  mais  il  aurait  pris  un  céphalœmatome  pour  une  hématocèle.  Plus 
tard,  Corvinus  Ferrand,  Cloquet,  Langenbeck,  les  auteurs  du  Compendium, 
ont  traité  cette  question.  Les  tumeurs  herniaires  du  cerveau  sont  fort  loin 
d’être  identiques;  delà,  des  variétés  considérables  de  succès  et  de  revers, 
résultat  de  telle  ou  telle  thérapeutique.  Spring  les  a  très-nettement  distin¬ 
guées  en  méningocèles  et  encéphalocèles. 

De  la  méningocèle.  —  Elle  est  formée  par  la  dure-mère  et  le 
feuillet  pariétal  de  l’arachnoïde  contenant  de  la  sérosité  {hydrocéphale 
externe  de  Wepfer;  poche  arachnoïdienne  de  Rokitanshy).  Simple  ou 
compliquée,  la  méningocèle  peut  encore  être  distinguée  en  congénitale, 
de  l’enfant,  de  l’adulte.  La  méningocèle  congénitale  est  la  plus  com¬ 
mune.  Celle  de  l’enfance  ne  se  manifeste  qu’après  un  ou  plusieurs  mois, 
parfois  quelques  années.  Enfin  la  méningocèle  de  l’adulte  ne  se  montre 
qu’après  l’ossification  de  la  boîte  crânienne  et  nécessite  pour  se  produire 
un  état  pathologique  beaucoup  plus  considérable. 

Causes.  —  La  plupart  des  auteurs  admettent  comme  cause  primor¬ 
diale  une  hydrocéphalie  chronique  arachnoïdienne  qui,  distendant  les 
méninges,  fait  céder  la  boîte  crânienne.  H  faudrait  pour  que  cela  fût  vrai, 
démontrer  d’une  manière  irrécusable  cette  hydrocéphalie  ;  or  Legendre, 
Barthez  et  Piilliet  admettent  que  les  hydrocéphalies  sont  consécutives  à 
une  hémorrhagie  dans  l’arachnoïde  et  que  la  séreuse  normalement  lubré- 
fiée  par  une  sérosité  peu  abomlante  n’a  que  peu  de  tendance  à  une  hy- 
dropisie  chronique  essentielle. 

Anatomie  pathologique.  —  Spring  a  publié  24  observations  qu’on  peut  . 
diviser  en  4  groupes.  La  première  série  de  10  comprend  les  méningocèles 
congénitales  simples,  les  plus  communes  d’après  lui  :  7  fois  la  hernie 
était  occipitale,  2  fois  au  sommet  de  la  tête,  1  fois  au  niveau  de  la  foiita- 


196  ENCÉPIIALOCÈLE.  —  ekcéphalocèle  co.ngésitai.e, 

nelle  antérieure.  L’examen  de  la  poche  ne  permet,  dans  aucun  cas,  de 
conclure  d’après  l’observation  à  une  méningocèle  simple  sans  la  présence 
d’une  lamelle  de  tissu  cérébral.  La  compression  aurait  guéri  4  de 
ces  cas.  Cette  appréciation  se  trouve  confirmée  par  deux  cas  de  ménin¬ 
gocèles  observés  par  Holmes  à  Saint-Georges  Hospital,  à  Londres.  Dans 
un  de  ces  cas,  la  tumeur  située  derrière  la  tête  avait  à  la  naissance  le  vo¬ 
lume  d’une  noix,  puis  grossit  au  point  de  mesurer  huit  pouces  un  quart 
en  longueur  et  six  pouces  en  largeur.  Elle  se  tendait  au  moment  de 
l’effort  et  se  réduisait  en  partie.  Plusieurs  ponctions  suivies  d’injec¬ 
tions  iodées  furent  pratiquées,  et  l’on  put  observer  plusieurs  alterna¬ 
tives  de  diminution  et  d’augmentation.  On  pouvait  cependant  espérer  un 
heureux  résultat  lorsque  l’enfant  succomba  à  la  suite  d’une  broncho¬ 
pneumonie.  A  la  dissection,  la  tumeur  présenta  l’aspect  que  retracent  lés 
figures  18  et  19.  La  tumeur  extérieure  que  représente  la  figure  18  est 
multiloculaire;  elle  communique  par  une  très-petite  ouverture  avec  la 
cavité  crânienne.  Le  pédicule  est  formé  par  le  trou  occipital  et  l’arc  an¬ 
térieur  de  l’atlas  rempli  par  une  membrane.  Les  ventricules  latéraux  sont 
très-élargis  ;  mais  le  quatrième  ventricule  ne  l’est  que  très-légèrement. 
L’intérêt  de  cette  observation  repose  d’une  part  sur  l’étroitesse  extrême 
du  canal  de  communication  avec  la  cavité  crânienne,  d’autre  part  sur  l'in¬ 
nocuité  relative  des  injections  iodées  dans  la  méningocélie. 

La  deuxième  série  comprend  les  méningocèles  simples  de  l’enfant 
(3  faits)  :  2  à  l’occiput,  1  au  sommet  de  la  tête.  L’étude  attentive  de 
ces  faits  ne  permet  point  de  croire  à  une  méningocèle,  pas  plus  que  les 
2  cas  de  la  troisième  série  qui  ont  trait  à  la  méningocèle  chez  l’adulte. 
Une  observation  de  Paul  Dubois,  dans  laquelle  la  méningocèle  parais¬ 
sait  exister  seule,  mais  où  le  cervelet  manquait;  elle  inspire  également  des 
doutes. 

D’après  ces  faits,  la  méningocèle  est  rare,  si  même  elle  existe  ;  et  cette 
lésion  n’est  pas  encore  suffisamment  démontrée,  pour  que  l’on  puisse  en 
tracer  les  symptômes  et  le  diagnostic  même  de  la  méningocèle. 

De  l’encêpha-locèle.  —  Tantôt  la  hernie  est  produite  par  une  partie 
du  ventricule  distendu  par  la  sécrétion,  tantôt  cette  dernière  manque,  La 
première  variété  a  été  désignée  par  Corvinus  sous  le  nom  à’hydrencé- 
fhaloeèle.  La  seconde  constitue  Vencéphalocèle  simple.  Cetle  division 
incontestable  étant  admise,  il  paraît  certain  que  l’hydrencéphalocèle  est 
de  beaucoup  la  variété  la  plus  commune. 

Anatomie  pathologique.  —  1°  Siège.  —  Le  front,  la  partie  antérieure 
de  la  base  du  crâne  et  l’occiput  sont  les  lieux  d’élection  de  la  maladie 
qui  noua  occupe.  Région  occipitale,  56  observations.  Cette  variété  com¬ 
prend  deux  sous-variétés.  Les  sus-occipitales  (contenant  les  lobes  céré¬ 
braux),  les  sous-occipitales  (contenant  le  cervelet)  et  enfin  les  tumeurs 
volumineuses  appartenant  plutôt  à  la  tératologie  qu’à  la  pathologie  et 
dans  lesquelles  la  plus  grande  partie  du  cerveau  et  du  cervelet  étaient 
comprises. 

Hernie  occipitale  {notencéphale  de  Geoffroy  8aint-Hilairc).  —  Le  siège 


198  EINCÉPHALOCÈLE.  -  ESCÉPHALOCÊLE  CONGÉNITALE. 

de  l’ouverture  occupe  les  régions  sus  et  sous-occipitales  et  réunit  les  deux 
précédents.  La  tumeur  contient  la  partie  postérieure  des  lobes  cérébraux 
et  le  cervelet.  Houel  en  a  réuni  16  observations,  dont  1  à  P.  Dubois  et  1  à 
Depaul. 

Région  du  front  et  de  la  partie  antérieure  de  la  base  du  crâne. 
—  Hernies  fronto-nasales  {proencéphale  de  Geoffroy  Saint-Hilaire) .  — 
Le  plus  souvent  l’ouverture  qui  leur  donne  passage  est  à  l’union  du 
frontal  avec  les  os  nasaux,  rarement  dans  le  frontal. 

Hernie  de  la  partie  antérieure  de  la  base  du  crâne.  —  Le  pédicule  de 
la  hernie  est  loin  de  sortir  toujours  du  même  point  :  tantôt  au  niveau  de 
l’os  unguis,  d’autres  fois  en  arrière  du  globe  oculaire  et  par  la  fente  sphé¬ 
noïdale,  tantôt  enOn  par  la  fente  spbéno-maxillaire. 

Enfin,  l’ouverture  herniaire  peut  être  creusée  à  travers  le  corps  du 
sphénoïde,  ou  la  partie  interne  des  grandes  ailes,  ou  bien  la  lame  cribléé 
de  l’ethmoïde. 

Les  fontanelles  et  les  sutures  sont  généralement  regardées  comme 
étant  les  points  par  lesquels  se  produisent  les  hernies.  Malgaigne  rejette 
du  cadre  des  encéphale  cèles  toutes  les  tumeurs  ne  siégeant  pas  à  ce  ni¬ 
veau.  Les  auteurs  du  Cdmpendium  font  même  entrer  en  ligne  de  compte 
les  sutures  rudimentaires  qui  séparent  les  points  d’ossification. 

Éléments  constituants  de  la  tumeur  herniaire.  —  Peau.  —  Plus  ou 
moins  amincie,  elle  s’enflamme  pourtant  exceptionnellement.  Les  che¬ 
veux  nuis  au  sommet  entourent  la  base,  puis  finissent  par  disparaître 
tout  à  fait. 

Tissu  cellulaire.  —  Lamelle  mince  contenant  parfois  des  kystes. 

Aponévrose.  —  Lamelle  plus  forte  dans  les  hernies  occipitales  et  for¬ 
mée  par  l’aponévrose  épicrânienne. 

Parties  contenues.  —  Bure-mère.  —  Elle  est  rarement  éraillée  et  pré¬ 
sente  un  aspect  bosselé  dû  en  partie  à  la  propulsion  des  sinus  en  dehors 
du  crâne,  de  l’autre  à  des  brides  de  renforcement.  —  L’arachnoïde  est 
souvent  le  siège  d’une  exhalation  séreuse,  donnant  naissance  à  un  kyste 
volumineux.  —  Les  centres  nerveux,  quand  ils  appartiennent  aux  ven¬ 
tricules,  sont  distendus,  amincis,  et  souvent  réduits  à  l’épaisseur  d’une 
lamelle  excessivement  mince. 

Causes.  —  Houel  croit  avec  Spring  que  dans  l’encéphalocèle  l’ou¬ 
verture  qui  donne  passage  à  la  hernie  est  accidentelle  et  reconnaît 
pour  cause  l’hydropisie  ventriculaire.  L’hyperthrophie  du  cerveau,  invo¬ 
quée  par  Heshmann  ne  s’appuie  sur  aucun  fait  positif.  L’hydropisie 
ventriculaire  est  une  cause  beaucoup  plus  plausible  en  ce  sens  que  l’hy- 
drencéphalocèle  ne  se  produit  que  là  où  il  y  a  des  ventricules. 

Svmptômes;  volume.  —  Depuis  le  volume  d’un  pois  jusqu’au  volume 
du  poing.  Ces  tumeurs  semblent  parfois  une  tête  surajoutée  comme  dans 
les  deux  modèles  en  cire  donnés  au  Musée  par  Dupuytren.  L’encéphalo¬ 
cèle  est  toujours  pédiculée,  lisse  ou  bosselée. 

Coloration.  —  Coloration  normale,  quelquefois  légèrement  bleuâtre  à 
l’occiput.  Dans  la  région  frontale,  elle  affecte  parfois  une  coloration  rou- 


ENCÉPHALOCÈLE.  —  bibliographie. 


199 


;geâtre  qui  peut  la  faire  confondre  avec  une  tumeur  érectile,  et  qui  serait 
-due  à  un  surcroît  de  circulation  artérielle  ou  plutôt  à  une  anastomose  de 
la  circulation  artérielle  crânienne  avec  la  circulation  superficielle. 

La  fluctuation  est  un  signe  constant,  mais  la  transparence  est  un  signe 
■trompeur  en  ce  sens  qu’elle  peut  faire  croire  à  une  méningocèle  simple, 
alors  qu’une  couche  mince  de  cerveau  est  interposée  entre  le  liquide  et 
le  bistouri. 

L’irréductibilité  a  paru  la  règle  à  Houel  ;  de  même  que  les  pulsations 
et  l'expansion  lui  ont  semblé  manquer  souvent. 

Résdjié.  —  L’hydrocéphalie  arachnoïdienne  simple  n’existe  pas,  à 
l’exception  de  celle  qui  succède  à  l’hémorrhagie  méningée.  Le  liquide 
s’accumule  toujours  à  l’intérieur  des  ventricules. 

La  méningocèle  de  Spring  ne  paraît  pas  prouvée  et  doit  rentrer  dans 
l’hydren  cép  halo  cèle . 

L’hydrencéphalocèle  est  la  variété  la  plus  commune.  Le  siège  de  ces 
hernies  concorde  toujours  avec  le  siège  des  cavités  ventriculaires.  Les 
hernies  frontales  et  de  la  partie  antérieure  de  la  base  du  crâne  seraient 
plus  fréquentes  qu’on  ne  croit. 

Le  siège  de  ces  tumeurs  est,  avec  leur  forme  pédiculée,  le  meilleur 
signe  diagnostique. 

La  coloration  de  ces  tumeurs  à  la  région  fronto-nasale  paraît  due, 
d’après  Breslau,  à  une  anastomose  entre  les  vaisseaux  crâniens  et  ceux 
de  la  face. 

Le  traitement  chirurgical  paraît  dangereux  à  cause  de  la  connaissance 
incomplète  que  l’on  a  de  ces  tumeurs. 

Ferhakd,  Mémoire  sur  l’encéphalocèle  [Mémoires  de  l’Académie  royale  de  chirurgie,  t.  V, 

p.  60). 

■Eakle,  Case  of  hernia  of  the  dura-mater  [Medico-chirurg .  Transactions,  1816,  t.  VII,  p.  427). 
pAtiEiTA,  Exercitationes  pathologicæ.  Mediolani,  1820,  tab.  10,  p.  127. 

ÎSESFLAMji  (J.-F.),  Encéphalocèle  résultant  de  l’élargissement  outre  mesure  du  grand  trou  occi¬ 
pital  (Anatomische  üntersuchungen.  Erlangen,  1821.  Extrait  in  Arch.  gén.  de  méd.,  1824, 
t.IV). 

Geoffkoï  Saint-Hilaiee  (Et.l,  Philosophie  anatomique.  Paris,  1825,  t.  II,  pl.  II. 

Bbescbet,  Mémoire  sur  quelques  vices  de  conformation  du  cerveau  par  agenèse  de  l’encéphale 
et  de  ses  annexes  (Arch.  gén.  de  méd.,  1851,  t.  XXV,  p.  455;  t.  XXVI,  p.  58). 

JBillaed,  Encéphalocèle  dont  l’ouverture  herniaire  occupait  la  place  de  la  portion  écailleuse  du 
temporal  (traité  des  maladies  des  enfants,  1855,  p.  U21,  obs.  79). 
jAdams  (Rob.),  The  Dublin  Journal  of  Medic.  Science,  1835,  t.  II. 

Cloquet  (J.),  Dictionnaire  de  médecine  en  50  vol.  Paris,  1835,  t.  XII,  art.  Encéphalocèle. 
Geoffroy  Saint-Hilaire  (Isidore),  Histoire  des  anomalies  de  l’organisation.  Paris,  1836,  t.  II 
et  III. 

.Dezeimeris,  Mémoire  sur  le  traitement  de  l’encéphaloeèle  (l’Expérience,  1837,  t.  I,  p.  113). 
L’auteur  y  a  réuni  les  observations  de  Forest,  Schneider,  Fried,  Thiébault,  Held,  Robert 
Adams,  Reisel,  Baffos,  Lallement,  Horner. 

Olliviee  (d’Angers),  Bull,  de  l’Acad.  de  méd.,  1837,  t.  II,  p.  95. 

HrvET,  Essai  sur  l’encéphalocèle  congénitale  ou  spontanée  (Arch.  gén.  de  méd.,  1838,  3*  sé¬ 
rie,  t.  III,  p.  410). 

Cbïveilhiee,  Hydrocéphalie,  in  Anatomie  pathologique  du  corps  humain,  1840,  in-folio,  le¬ 
çon  XXXIX,  pl.  IV. 

Ddbois  (P.),  Hydro-encéphalocèle  (Gazette  des  hôpitaux,  avril  1840,  p.  170). 

Gtto  (A.  G.),  Monstrorum  sexcentorum  descriptio  anatomica.  Breslau,  1841. 

Malgaigne,  De  la  nature  et  du  traitement  de  l’encéphalocèle  (Journal  de  chirurgie,  1844, 
p.  333). 


200  EiNDÉMlE.  —  maladies  esdémiqües. 

Moeeab  él.VELi-EAu,  Bull.  de  VAcad.  de  méd.,  1844,  t.  X,  p.  112. 

CuASSAiGXAc,  Sur  les  tumeurs  de  la  voûte  du  crâne.  Thèse  de  concours.  Paris,  1848.  —  Bulletin 
de  la  Société  de  chirurgie,  1848, 1. 1,  p.  65. 

Spking,  Monographie  de  la  hernie  du  cerveau  [Mémoires  de  l’Académie  royale  de  médecine  de 
Belgique,  1854,  t.  III,  fasc.  i).  Vingt-quatre  observations  de  méningocèle  empruntées  à  di¬ 
vers  qui  ne  leur  ont  pas  toujours  donné  la  même  interprétation  que  Spring. 

Beuss,  Die  chirurgischen  Krankheiten  und  Yerletzungen  des  Gehirns  und  seiner  Umhüllungen. 
Tübingen,  1854,  in-8. 

lIocEL,  Jlémoire  sur  l’encéphalocèle  congénitale  [Arch.  gén.  de  méd.,  1859,  5'  série,  t.  XIV). 
IlouzÉ  DE  i.’Acikoit,  Do  l’encéplialocèlé  consécutive  aux  abcès  du  cerveau  [Société  impériale  de 
Lille,  18bl,  et  Gazette  hebdomadaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  1863,  p.  145). 

Tiemax,  Gazette  médicale,  1862,  p.  805. 

ViECHow,  Spina  biCda  occipitis.  Hyperplasie  cérébrale  avec  encépbalocèle  [Monatsschrift  fur 
Geburtskunde,  juin  1862,  et  Gazette  hebdomadaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  1862, 
p.  496). 

Deux  (de  Colmar),  Tumeur  congénitale  située  sur  la  petite  fontanelle  et  enlevée  avec  succès 
[Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie,  11  juillet  1866,  et  Gazette  hebd.  de  méd.  et  de  chir., 
1866,  p.  489). 

liipoLL  (A.),  De  l’encéphalocelo  congéniale  [Bulletin  général  de  thérapeutique,  15  avril  1868, 
t,  LXXIV). 

Holmes,  Saint-Georges-Bospital  Beporls,  vol.  I,  London.  —  Thérapeutique  chirurgicale  des 
maladies  de  l’enfance,  trad.  0.  Larcher.  Paris,  1870,  in-8,  lig. 

Labeeï  (Hipp.),  Étude  sur  la  trépanation  du  crâne  dans  les  lésions  traumatiques  de  la  tête, 
1869  [Mémoires  de  la  Société  de  chirurgie,  t.  VII), 

Tr.aités  d’anatomie  pathologique  de  Conradi,  1796;  Baillie,  Voigtel,  1804;  Meckel,  1812; 
Rokitansky,  1844-1846;  Cruveilhier,  t.  III,  p.  622. 

L.  A.  DE  Saint-Geiîm.4in. 

ENCÉPHAlLOIDE.  Voy.  C.ANCEB,  t.  VI,  p.  157. 

EIVCHONDROME.  Voy.  Chokdrome,  t.  VU,  p.  498. 

EKfCEA.VEMEIV'ir.  Voy.  Accouchement  et  Dystocie,  t.  XII,  p.  126. 

EIVPÉMÏE.  —  Maladies  endémiques  (de  h  o-qiAsg).  A  propre¬ 
ment  parler  :  maladies  qui  sont  propres  à  un  peuple  ou  à  une  localité  ; 
on  dirait  de  même  :  maladies  de  pays  ;  en  allemand  :  Landskrankheiten 

Le  mot  endémie  a  un  sens  vague  ;  il  comprend  en  effet  des  objets  va¬ 
riés  et  différents.  Pris  dans  son  acception  la  plus  générale,  il  embrasse 
l’ensemble  des  circonstances  multiples  qui  engendrent  ou  entretiennent 
des  maladies  spéciales  dans  les  différentes  contrées  du  globe.  On  peut 
concevoir  l’idée  d’un  pareil  plan,  mais  sans  espoir  de  le  réaliser.  A  notre 
époque,  les  expressions  d’ethnographie  et  de  géographie  médicale  ont 
été  imaginées  pour  répondre  à  deux  chapitres  détachés  de  cet  ensemble. 

Avant  d’examiner  la  question  historiquement  ou  plutôt  dans  ses  ori¬ 
gines  premières,  il  convient  d’en  indiquer  les  limites  et  d’en  montrer  la 
vaste  étendue.  Tout  d’abord  on  a  dû  classer  les  maladies  des  peuples- 
comme  les  peuples  eux-mêmes  d’après  des  caractères  extérieurs  très-ap¬ 
parents,  sans  pouvoir  donner  la  raison  de  ces  caractères.  Le  cantonne¬ 
ment  des  peuplades,  la  barbarie  qui  y  maintenait  immuables  les  habi¬ 
tudes  les  plus  contraires  à  la  santé,  l’absence  de  tout  progrès  dans  les 
mœurs  et  dans  l’hygiène,  l’immobilité  imposée  à  des  sociétés  à  peine 
ébauchées,  parla  tyrannie  de  la  religion  et  des  superstitions  de  toute 
sorte,  nous  expliquent  comment,  à  l’origine,  les  foyers  de  maladies  spé¬ 
ciales  étaient  nettement  circonscrits.  On  peut  dès  lors  imaginer  que  des. 


ENDEMIE.  -  MALADIES  E^’l)ÉMIQIiES.  20l 

causes  innombrables  et  d’ordres  différents  pouvaient  être  invoquées  pour 
expliquer  les  endémies.  Quelques-unes  de  ces  causes  étant  plus  appa¬ 
rentes,  plus  grossières,  ont  dû  attirer  d’abord  l’attention  des  premiers 
observateurs,  si  tant  est  que  le  mot  d’observation  pris  aujourd’hui  dans 
un  sens  étroitement  scientifique  puisse  être  appliqué  à  ces  récits  prove¬ 
nant  le  plus  souvent  de  voyageurs  peu  éclairés.  Le  climat,  à  lui  seul,  com¬ 
prend  une  si  grande  complexité  d’éléments  qu’on  ne  saurait  le  définir 
exactement  aujourd’hui  que  la  science  s’est  faite  plus  scrupuleuse.  A  l’o¬ 
rigine,  on  définissait  le  climat  en  quelques  traits  :  plaine  ou  montagne, 
froid  ou  chaud,  sec  ou  humide,  exposition  d’un  lieu  au  sud,  au  nord,  au 
levant  ou  au  couchant.  La  race  était  de  même  décrite  superficiellement. 
Pour  les  habitudes,  le  régime,  les  produits  du  sol,  les  descriptions  n’é¬ 
taient  pas  moins  laconiques.  Quant  à  la  météorologie,  c’est  une  science 
à  peine  naissante.  Les  maladies  tenant  à  l’éducation,  à  l’état  social  et 
politique  des  nations,  ont  été  encore  peu  étudiées.  Pour  ce  qui  est  des 
maladies' parasitaires,  elles  ont  été  à  peine  connues  des  auteurs  anciens. 
On  remonte  volontiers  à  Hippocrate  comme  à  la  source  de  toute  science 
médicale.  Il  n’a  point  écrit  à  proprement  parler  sur  les  endémies,  mais 
on  a  loué  beaucoup  son  Traité  des  airs,  des  eaux  et  des  lieux.  Quelque 
respect  que  doive  inspirer  ce  livre  qui  a  fait  l’admiration  de  tant  de  gé¬ 
nérations  et  servi  d’exemple  jusqu’en  ces  derniers  temps,  il  faut  avoir 
le  courage  d’avouer  que  les  enseignements  qu’on  y  puise  sont  plutôt 
philosophiques  que  médicaux.  On  y  trouve,  à  la  vérité,  comme  un  exposé 
de  la  méthode  qu’il  faudra  suivre.  Le  point  de  départ  en  est  juste,  le 
principe  est  posé,  mais  les  observations  sont  rares  et  manquent  de  réa¬ 
lité  :  c’est  une  conception  idéale.  Un  pareil  plan  suppose  connu  ce  qui 
est  inconnu,  à  savoir  :  la  géographie,  l’astronomie,  la  météorologie;  en 
un  mot,  la  physique  du  globe.  11  faut  savoir  distinguer  un  tableau  d’une 
ébauche.  Rien  n’est  complet  comme  une  ébauche;  or  ce  plan  à  peine 
esquissé  par  Hippocrate  ne  saurait  être  réalisé,  même  aujourd’hui.  On 
comprend  comment  les  livres  hippocratiques  ont  tenu  le  monde  sous  le 
charme  pendant  deux  mille  ans;  ils  semblaient  répondre  à  tout,  comme 
les  livres  sacrés,  et  l’on  n’osait  ni  les  contredire  ni  les  contrôler. 

Hippocrate  dit  que  le  médecin  doit,  en  arrivant  dans  une  ville,  en  étu¬ 
dier  la  position  topographique,  l’exposition  par  rapport  au  soleil  et  aux 
vents  ;  qu’il  doit  examiner  si  le  sol  est  sec  ou  boisé,  si  les  eaux  sont  la¬ 
custres  ou  rocheuses,  se  rendre  compte  du  climat,  des  habitudes  et  du 
régime  des  habitants,  et  qu’il  pourra  ensuite  prévoir  la  constitution  fu¬ 
ture  de  l’année.  Il  semble  que  les  astrologues  du  moyen  âge  se  soient 
conformés  à  ces  préceptes  qui  renferment  la  vérité,  mais  une  vérité  qu’il 
s’agit  d’extraire,  ce  à  quoi  n’ont  pas  encore  suffi  deux  mille  ans.  Il  n’y  a 
pas  quarante  ans  qu’on  voit  enfin  apparaître  la  météorologie  scientifique. 

Lorsque,  sortant  du  vague  des  préceptes,  Hippocrate  entre  sur  le  ter¬ 
rain  des  réalités  de  détail,  il  perd  son  prestige;  on  en  pourra  juger  par 
les  passages  suivants  :  «  Dans  des  lieux  exposés  aux  vents  chauds,  dit-il, 
les  eaux  seront  abondantes,  saumâtres,  les  habitants  ont  la  tête  humide 


202  ENDÉMIE.  —  maladies  endémiques. 

et  pituiteuse.  Quant  aux  maladies  endémiques,  les  femmes  sont  maladives 
et  exposées  aux  écoulements,  elles  avortent  facilement...  Dans  les  villes 
exposées  aux  vents  froids,  les  hommes  sont  robustes  et  secs,  ils  ont  des 
pleurésies  et  toutes  les  affections  dites  aiguës...,  ils  mangent  beaucoup 
et  boivent  peu.  »  On  ne  reconnaît  pas  là  l’étude,  mais  bien  plutôt  des  as¬ 
sertions  faites  a  priori.  Le  chapitre  des  eaux  nous  montre  quelques  ob¬ 
servations  justes  égarées  au  milieu  de  notions  imparfaites  ou  contesta¬ 
bles  :  «  Les  eaux  des  marais  sont,  en  été,  chaudes,  épaisses,  de  mauvaise 
odeur;  elles  sont  malsaines...  et  propres  à  augmenter  la  bile...  Ceux  qui 
en  font  usage  ont  toujours  la  rate  volumineuse  et  dure,  le  ventre  res¬ 
serré,  émacié  et  chaud,  les  épaules  et  les  clavicules  décharnées.  En  effet, 
les  chairs  se  fondent  au  profit  de  la  rate,  et  c’est  là  la  cause  de  la  mai¬ 
greur  de  ces  hommes...;  en  outre  les  hydropisies,  dans  ces  pays,  sont 
très-fréquentes,  ainsi  que  les  dysenteries,  les  fièvres  quartes,  etc.  Les 
meilleures  eaux  sont  celles  dont  la  source  regarde  le  levant. . .  »  (Hippo¬ 
crate,  Des  airs,  des  eaux  et  des  lieux,  t.  II,  p.  15  et  suiv.,  traduction  de 
Littré.) 

Les  observations  hippocratiques  sur  les  saisons  et.  sur  la  météorologie 
sont  vagues  et  beaucoup  trop  générales;  on  n’y  trouve  aucun  élément  de 
statistique,  aucun  moyen  de  contrôle. 

Quant  aux  notions  tirées  des  habitudes,  du  climat,  delà  race,  des  ins¬ 
titutions  politiques,  elles  ont  été  fort  louées,  dans  Hippocrate,  et  avec 
raison,  par  les  philosophes  et  les  littérateurs.  Sans  doute  la  concep¬ 
tion  du  plan  est  philosophique,  mais  la  médecine  ne  trouve  dans  ces 
morceaux  de  style  aucun  renseignement  positif  ni  pratique.  Le  pro¬ 
blème  est  à  peine  indiqué,  et  il  est  résolu  par  approximation.  S’il  était 
permis  d’indiquer  par  avance  la  marche  que  suivra  prochainement  la  mé¬ 
decine  scientifique,  on  pourrait  dire  que  bientôt  les  observations  faites 
en  différents  points  du  globe  se  multiplieront  assez  pour  fournir  les  élé¬ 
ments  d’une  géographie  médicale  complète.  Déjà  des  éléments  épars  ja¬ 
lonnent  ce  vaste  champ  et  forment  comme  les  linéaments  indicateurs  de 
cette  science  nouvelle  qui  procède  plus  encore  de  l’hygiène  que  de  la  no¬ 
sologie  proprement  dite.  L’expérimentation  même  trouve  ici  sa  place, 
en  ce  sens  que  certaines  maladies  endémiques  naissent  à  coup  sûr  dans 
certaines  conditions  déterminées  qui  sont  aujourd’hui  bien  connues,  et 
que  les  médecins  signalent  sans  avoir  la  puissance  de  prédication  néces¬ 
saire  pour  aider  les  autres  hommes  à  s’y  soustraire.  Certains  climats 
meurtriers  prélèvent  sur  ceux  qui  y  pénètrent  de  trop  nombreuses  vic¬ 
times.  Certaines  circonstances  artificielles  font  naître  de  toutes  pièces  des 
maladies  infectieuses  qui  sévissent  sur  les  agglomérations  d’hommes. 
Le  fait  est  connu,  mais  l’intérêt  cupide  ou  la  politique  contraignent  les 
hommes  à  s’y  exposer.  C’est  par  ce  côté,  qui  a  sa  grandeur,  que  la  méde¬ 
cine  prendra  dans  les  sciences  sociales  la  part  légitime  qui  lui  revient. 

La  statistique  montre,  suivant  une  expression  anglaise,  quelle  énorme 
proportion  de  mortalité  est  due  à  des  maladies  évitables. 

Si  l’on  réfléchit  à  l’immense  quantité  de  circonstances  extérieures  te- 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES.  205 

nant  au  sol,  à  l’air,  à  la  température,  à  la  Flore  et  à  la  Faune,  en  un  mot 
au  milieu  ambiant,  et  qui  peuvent  influer  sur  la  santé  des  hommes  de 
toute  une  contrée  ou  d’une  région  circonscrite;  si  l’on  ajoute  à  cela  l’in¬ 
fluence  du  régime,  des  mœurs,  des  passions,  de  l’état  social,  etc.,  de  la 
race,  on  aura  réuni  toutes  les  circonstances  où  nous  pouvons  puiser  les 
notions  nécessaires  pour  la  connaissance  des  causes  des  maladies.  Ce  n’est 
plus  alors  une  partie  de  la  médecine,  c’est  la  médecine  tout  entière  que 
comprendrait  un  pareil  travail.  Il  faut  ajouter  encore  que  les  progrès  de 
l’industrie  humaine  ont  engendré  une  foule  de  professions  qui  créent  des 
aptitudes,  des  habitudes,  des  régimes,  des  atmosphères  artificielles,  et 
par  suite  une  foule  de  maladies  pour  ainsi  dire  endémiques  que  l’on 
pourrait  appeler  artificielles  ou  professionnelles. 

L’étude  de  ces  différentes  circonstances  doit  nécessairement  se  répartir 
5ur  un  grand  nombre  d’articles  différents  et  ne  saurait  appartenir  en 
propre  à  cet  article. 

Mortalité  selon  les  lieux.  —  Les  statistiques  sont  partielles  et  ont  rap¬ 
port  à  une  population  spéciale.  La  plupart  du  temps  elles  ont  été  faites  à 
l’occasion  de  quelque  grand  événement  perturbateur  comme  une  épi¬ 
démie  et  qui  a  motivé  une  enquête,  ou  bien  elles  procèdent  des  comités 
spéciaux  de  la  guerre  ou  de  la  marine.  L‘e  plus  souvent  les  statistiques 
sont  faites  en  vue  d’éclairer  les  questions  de  commerce  et  d’occupation 
d’un  pays  étranger  par  des  conquérants,  par  exemple  en  vue  de  la  santé 
des  Anglais  dans  l’Inde  ou  des  Français  en  Algérie.  Ce  sont  là  des  éléments 
spéciaux,  trop  particuliers  pour  servir  de  base  à  un  tableau  général  de  la 
mortalité  à  l’état  normal  dans  les  différents  pays.  La  question  de  l’accli¬ 
matement  joue  ici  un  rôle  important  et  que  nous  n’avons  pas  à  examiner. 
La  race  joue  aussi  un  rôle  considérable  dans  les  tables  de  mortalité, 
c’est-à-dire  que  les  différentes  races  mises  aux  prises  avec  les  difficultés 
d’un  même  climat  ne  se  comportent  pas  de  même,  les  unes  étant  plus 
accessibles  à  certaines  maladies,  d’autres  s’y  montrant  réfractaires.  De 
là  la  possibilité  de  répartir  les  différentes  races  sur  la  terre  suivant  leurs 
aptitudes  ;  il  peut  naître  de  là  une  science  économique  importante. 

Répartition  des  maladies  sur  le  globe  (d’après  Boudin).  —  «  Sem¬ 
blables  aux  plantes  dont  plusieurs  se  rencontrent  sur  presque  tous  les 
points  du  globe,  tandis  que  d’autres  ne  se  montrent  que  d’une  manière 
■endémique  dans  quelques  localités,  les  maladies  de  l’homme  sont,  elles 
aussi,  ou  répandues  sur  toute  la  surface  du  globe,  ou  liées  à  certaines 
zones,  ou  enfin  restreintes  à  des  localités  plus  ou  moins  circonscrites.  On 
peut  donc  dire  avec  une  parfaite  exactitude,  des  maladies  considérées 
au  point  de  vue  géographique,  comme  des  végétaux,  qu’elles  ont  leurs 
habitats,  leurs  stations,  leurs  limites,  sous  le  triple  rapport  de  la  lati¬ 
tude,  de  l’altitude,  et  même  de  la  longitude  géographique.  Ces  habitats, 
ces  stations,  ces  limites  géographiques  des  maladies,  sont  plus  ou  moins 
subordonnés  à  des  conditions  météorologiques  ou  telluriques  ;  quelque¬ 
fois  cependant,  les  causes  de  la  présence  ou  de  l’absence  des  espèces 
nosologiques  échappent  à  l’appréciation  de  la  science. 


SO-i  ENDÉMIE.  —  maladies  endémiques. 

«  La  limite  septentrionale  du  choléra  se  trouve  en  Europe,  à  Archangel 
par  64  degrés  de  latitude  nord;  en  Amérique,  il  a  pénétré  jusqu’au  Ca¬ 
nada  ;  jusqu’ici  il  a  épargné  l’Islande,  le  Groënland  et  la  Sibérie.  Dans 
l’hémisphère  sud,  il  ne  s’est  montré  que  très-exceptionnellement,  et  il  y 
a  atteint  sa  limite  méridionale  à  Bourbon  par  21  degrés  de  latitude.  Le 
Cap  et  l’Australie  ont  été  épargnés  jusqu’à  ce  jour  (1857)  ;  la  portion  de 
l’Amérique  qui  s’étend  dans  l’hémisphère  sud  n’a  été  envahie  que  vers  la 
fin  de  1855.  La  fièvre  typhoïde  ne  se  rencontre  guère  que  dans  la  zone 
tempérée  et  froide  de  l’hémisphère  nord  ;  elle  paraît  faire  défaut  dans  la 
région  tropicale,  et  meme  dans  la  région  tempérée  de  l’hémisphère  süd. 
Elle  commence  à  devenir  très-rare  à  partir  de  la  ligne  isotherme  de 
16  degrés  centigrades,  et  l’on  peut  lui  assigner  pour  limite  méridionale 
l’isotherme  de  20  degrés. 

«  Le  domaine  de  la  pellagre  endémique  est  compris  entre  le  46®  et  le 
42®  degré  de  latitude  nord  ;  celui  du  bouton  d’Alep  entre  38  et  35  degrés 
nord;  celui  du  béribéri  entre  20  et  16  degrés  nord.  Les  fièvres  palu¬ 
déennes  qui  cessent  de  se  manifester  dès  le  57®  degré  de  latitude  nord, 
s’élèvent  en  Russie,  jusqu’au  59®,  et  elles  vont  même  en  Suède  jusqu’au 
63®  degré.  Des  limites  analogues  s’observent  sous  le  rapport  de  la  longi¬ 
tude  géographique;  ainsi  la  fièvre  jaune  ne  s’est  rencontrée,  jusqu’ici 
qu’entre  Livourne  et  Acapulco,  sur  la  côte  occidentale  de  l’Amérique  ; 
les  verugas,  espèce  de  frambœsia  ne  se  trouvent  au  Pérou  que  sur  le  ver¬ 
sant  occidental  des  Andes,  jamais  sur  le  versant  oriental,  et  toujours 
entre  600  et  1000  mètres  d’altitude.  (Tschudi.)  Dans  la  péninsule  Scan¬ 
dinave,  on  voit  la  radesyge,  principalement  à  l’est,  et  la  spedalshed,  à  l’ouest 
des  monts. 

«  Diverses  maladies  peuvent  se  manifester  des  mois  et  des  années  en¬ 
tières  après  que  l’homme  a  quitté  le  foyer  de  leur  endémicité.  A  Marseille, 
nous  avons  vu  des  fièvres  pernicieuses  chez  des  militaires  qui  avaient 
quitté  r.Algerie depuis  un,  deux, et  même  depuis  trois  mois;  en  France, 
le  bouton  d'Alep  paraît  s’être  montré  chez  des  individus  qui  avaient 
quitté  la  Syrie  depuis  des  années.  Pour  d’autres  maladies,  au  contraire, 
la  période  d’incubation  est  très-courte;  celle  de  la  peste  paraît  ne  pas 
excéder  huit  jours  ;  selon  Mathei,  celle  de  la  fièvre  jaune  ne  dépasserait 
jamais  quatre  jours. 

«  Quelques  formes  pathologiques  semblent  n’appartenir  qu’à  des  locali¬ 
tés  très-circonscri  tes;  telles  sont  les  verugas  au  Pérou;  la  maladie  appelée 
pinta  ou  mal  de  los  pintos,  au  Mexique,  sur  le  versant  occidental  des  Cor¬ 
dillères  ;  le  caak  en  Nubie  ;  la  plique  en  Pologne  ;  le  bouton  de  Bishra  en 
Algérie  ;  les  hydatides  du  foie,  en  Islande.  D’autres  affections  s’observent 
sinon  exclusivement  dans  certains  pays,  du  moins  avec  une  fréquence 
exceptionnelle  ;  telles  sont  ;  le  tænia,  en  Abyssinie  ;  le  croup  en  Suède 
sur  le  lac  de  Wen  ;  le  trismus  des  nouveau-nés  dans  l’île  Westmannoë 
près  de  l’Islande  ;  la  gangrène  du  rectum  au  Brésil  ;  le  pemphigus,  en 
Irlande;  l’idiotie,  aux  îles  Feroë,  etc. 

«  Par  contre,  divers  pays  se  font  remarquer  par  l’absence  de  certaines. 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES. 


205 


affections.  Ainsi  la  pellagre  manque  en  Sicile  et  en  Sardaigne;  la  Suisse, 
l’Islande  et  les  Feroë  ont  été  jusqu’ici  épargnées  par  le  choléra;  la  phthisie 
est  presque  inconnue  en  Islande,  aux  Feroë  et  dans  les  steppes  des  Kirghis  ; 
les  fièvres  intermittentes  rares  à  Saint-Pétersbourg  et  à  l’île  Maurice, 
manquent  complètement  au  cap  de  Bonne-Espérance.  Le  crétinisme  semble 
inconnu  en  Amérique  ;  le  goitre  est  très-rare  au  Pérou,  au  Brésil,  en 
Nubie  et  en  Égypte  ;  les  scrofules  qui  trouvent  en  Suède  leur  limite  septen¬ 
trionale,  par  62  degrés  nord,  ne  se  rencontrent  presque  pas  aux  Feroë  et 
manquent  complètement  en  Islande. 

«  Plusieurs  maladies  se  montrent  plus  ou  moins  dépendantes  d’un 
certain  degré  de  température,  et  cette  dépendance  se  révèle  par  leur  pré¬ 
dilection  pour  des  conditions  déterminées  de  latitude,  d’altitude  et  de 
saisons.  C’est  ainsi  que  la  fièvre  jaune  semble  exiger  une  température 
d’au  moins  20  degrés  centigrades,  pour  revêtir  la  forme  épidémique, 
tandis  que  la  peste  épidémique  tend  à  disparaître,  au  moins  en  Égypte,  dès 
que  le  thermomètre  approche  de  28  degrés.  » 

Histoire  d'une  endémie  disparaissant  devant  les  progrès  de  la  médecine. 
—  Colique  sèche.  Cette  maladie  était  endémique  par  excellence.  Ja¬ 
mais  elle  ne  fut  généralisée  sous  forme  d’épidémie,  jamais  elle  ne  fut 
réputée  contagieuse.  Cantonnée  en  un  espace  limité,  tantôt  dans  une  pro¬ 
vince  de  France  (colique  du  Poitou),  tantôt  dans  les  pays  intertropicaux 
(colique  sèche  des  pays  chauds),  tantôt  dans  une  île  (Madagascar),  ou 
dans  l’intérieur  d’un  navire,  la  colique  sèche  a  tenu  un  certain  rang 
parmi  les  préoccupations  des  médecins  depuis  deux  siècles.  Son  rôle  est 
fini,  sa  cause  dévoilée,  elle  change  aujourd’hui  de  nom,  perd  ses  nom¬ 
breuses  appellations,  et  en  même  temps  qu’elle  est  réduite  à  un  unique 
facteur  le  plomb,  elle  est  aussi  chassée  de  tous  les  lieux  où,  étant  mise 
à  découvert,  elle  peut  être  détruite  dans  sa  cause  même  si  facilement 
accessible.  Quelques  mots  d’historique  feront  comprendre  mieux  le  ta¬ 
bleau  de  cette  maladie  destinée  à  disparaître  entièrement  et  qui  peut 
servir  d’exemple.  .Au  dix-septième  siècle  Sydenham  disait  :  «Apud  insulas 
Caribum  notissima  est  colica  pictorum.  (Voir  pour  cet  historique  l’excel¬ 
lent  traité  d’A.  Lefèvre,  1859.)  En  1685  Dellon  décrivant  les  coliques 
éprouvées  à  Madagascar  par  les  équipages  de  la  flotte,  les  comparait  aux 
coliques  du  Poitou.  En  1717,  Mouson  Smith  signalait  la  même  maladie 
accompagnée  de  paralysies  (thèse,  Leyde)  ;  et  il  rapprochait  cette  maladie 
de  celle  des  plombiers  et  des  potiers.  En  1765,  Fermin,  à  Amsterdam, 
signalait,  parmi  les  maladies  de  Surinam,  une  colique  qu’il  croyait  n’être 
pas  autre  chose  que  la  colique  des  peintres.  En  1777,  le  médecin  anglais, 
David  Macbride  exprimait  une  opinion  identique.  En  1780  et  1784,  les 
médecins  français.  Poissonnier  Desperrières  et  Gardanne  signalaient  la 
même  cause.  Depuis  lors,-  les  ouvrages  publiés  sur  cette  maladie  se  sont 
•extrêmement  multipliés  ;  mais,  en  même  temps,  l’opinion  de  plusieurs 
médecins  s’égara  sur  d’autres  objets  et  la  vraie  cause  de  la  maladie  fut 
perdue  de  vue.  Mérat  et  Segond  (1837)  défendirent  l’idée  d’un  mal  spé¬ 
cial  que  Segond  définissait  dans  le  titre  même  du  livre  qu’il  publiait  sur 


206  ENDÉMIE.  —  sialadies  ekdémiques. 

ce  sujet  :  Essai  sur  la  névralgie  du  grand  sympathique,  maladie  connue 
sous  les  noms  de  colique  végétale,  de  Poitou,  de  Devonshire,  de  Madrid, 
de  Surinam,  de  Barbier,  de  Béribéri,  etc...  Tanquerel  des  Planches  a 
réfuté  cette  opinion.  Enfin  il  était  réservé  à  Lefèvre,  l’éminent  directeur 
du  service  de  santé  de  la  marine,  de  dissiper  tous  les  doutes,  de  grouper 
les  cas  épars,  d’analyser  et  de  ramener  à  un  élément  commun  les  faits 
contenus  dans  des  observations  particulières,  en  démontrant  d’une  façon 
certaine  que  le  plomb,  le  plomb  seul  était  la  cause  de  ces  maladies.  Le 
mode  principal  d’intoxication  provenait  de  l’eau  conservée  dans  des  ré¬ 
servoirs  ou  passant  par  des  tuyaux  en  plomb  ;  là  surtout  comme  pour  la 
colique  du  Poitou  et  autres  lieux  où  des  vases  de  plomb  ou  vernis  au 
plomb  renfermaient  des  liquides  acides  (cidre,  vins  aigres,  etc.)  qui  for¬ 
maient  avec  le  plomb  des  composés  solubles  (acétate,  citrate,  etc.)  ou  de 
l’eau,  soit  altérée,  soit  mêlée  pour  être  mieux  conservée,  à  des  liquides 
acides.  A.  Lefèvre  a  poursuivi  partout  cet  agent  toxique,  et  en  réformant 
totalement  les  habitudes  et  l’outillage  des  marins,  a  amené  une  réforme 
qui  s’étend,  se  généralise,  et  fera  bientôt  disparaître  cette  espèce  morbide 
endémique  qui  tenait  une  place  si  importante  dans  la  nosologie.  —  C’est 
ainsi  que  prend  fin  une  maladie  signalée,  poursuivie  et  combattue  par 
l’hygiène. 

Nous  avons  voulu  montrer  par  l'exemple  qui  précède  combien  le  mot 
endémie  comprend  d’objets  différents,  et  comment  une  maladie  endé¬ 
mique  peut  disparaître  lorsqu’elle  est  attaquée  dans  sa  source  même. 

Nous  allons  passer  en  revue  rapidement  un  certain  nombre  de  circon¬ 
stances  physiques  qui  sont  comme  les  conditions  nécessaires  de  quelques 
maladies  endémiques. 

Altitude.  ■ —  Influence  de  la  pression  de  l’air  diminuée.  —  Mal  des 
montagnes.  ■ —  Anémie  des  altitudes.  —  Dacosta,  dès  le  quinzième  siècle, 
signalait  le  mal  des  montagnes,  et  en  1745,  Bouguer,  dans  la  relation  de 
son  voyage  au  Pérou,  décrivait  les  mêmes  symptômes.  Ces  phénomènes 
ont  été,  depuis,  bien  analysés  par  un  grand  nombre  d’observateurs,  soit 
dans  l’ascension  des  hautes  montagnes,  soit  dans  des  ascensions  en 
ballon.  (Saussure,  Biot,  Bixio,  Gay-Lussac,  Clarke,  Ch.  Martins,  Le  Pileur, 
de  Ilumboldt,  Boussingault,  etc.) 

Bécemment  des  expériences  directes  ont  été  faites  dans  des  appareils 
artificiels,  où  l’on  pouvait  condenser  ou  raréfier  l’air  (Yivenot,  devienne), 
et  la  question  est  entrée  définitivement  dans  la  voie  de  l’expérimentation 
scientifique. 

Boudin  résume  ainsi  l’action  physiologique  de  l’ascension  sur  les 
hautes  montagnes  :  vertiges,  céphalalgie,  somnolence,  dyspnée,  accélé¬ 
ration  de  la  respiration ,  traiissudation  du  sang  par  les  surfaces  mu¬ 
queuses,  tendance  syncopale,  palpitation,  accélération  du  pouls,  nausées, 
soif,  douleurs  musculaires,  suppression  de  la  transpiration,  cyanose  de  la 
face.  (Boudin,  t.  I,  p.  185.) 

On  a  décrit,  sous  le  nom  d’anémie  des  altitudes  (Jourdanet),  un 
ensemble  de  symptômes  morbides,  consistant  dans  un  état  de  faiblesse 


ENDÉMIE.  - MALADIES  ENDÉMIQUES  CAUSÉES  PAR  UN  VICE  DE  l’ ALIMENTATION.  207 

générale  produite  par  un  séjour  plus  ou  moins  prolongé  sur  de  hauts 
plateaux  (au  delà  de  3,000  mètres).  II  existe  au  Mexique  une  maladie  qui 
frappe  les  indigènes  et  qui  se  nomme  matlazahuatl.  Elle  consiste  en 
symptômes  nerveux  qui  ont  quelque  analogie  avec  ceux  de  la  méningite. 
D’après  Tschudi,  les  verugas,  espèce  de  frambœsia  endémique  sur  le 
versant  occidental  des  Andes  du  Pérou,  ne  se  rencontrerait  qu’entre 
2,000  et  5,000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

L’altitude  paraît  favorable  en  ce  sens  qu’elle  met  les  hommes  à  l’abri 
de  certaines  maladies  (fièvre  jaune,  fièvres  paludéennes).  Cette  obsei'va- 
tion  a  été  mise  à  profit  pour  les  maisons  de  santé  des  troupes  européennes 
dans  certaines  contrées  intertropicales. 

Maladies  ENDÉraQUES  causées  par  un  vice  de  l’alimentation.  —  Certaines 
substances,  certain  mode  d’alimentation,  doivent  être  considérés  comine 
donnant  lieu  à  des  endémo-épidémies  dont  le  caractère  est  constant.  De  ce 
nombre  sont  les  intoxications  connues  sous  le  nom  à' ei'gotisme,  àe  pellagre. 

Ergotisme.  —  Il  est  produit ,  à  certaines  époques  et  dans  certaines 
régions,  par  l’ergot  de  seigle.  On  reconnaît  pour  formes  principales  de 
cette  maladie,  Y  ergotisme  convulsif  et  Y ergotisme  gangréneux. 

Les  premières  notions  sur  l’ergotisme  convulsif  remontent  à  l’épi¬ 
démie  qui  régna  en  Allemagne  (Hesse),  en  1596.  En  1736,  J.  A.  Srink 
en  observa  un  grand  nombre  de  cas  en  Silésie. 

L’ergotisme  gangréneux  fut  observé  d’abord  en  1709  par  Noël,  dans 
l’Orléanais  et  le  Blaisois;  depuis,  des  épidémies  semblables  ont  été  décrites 
dans  notre  pays  par  Vetillart  (1770),  dans  le  Maine,  et  par  Bouchet  et 
Janson  (de  Lyon),  de  1818  à  1820. 

Pellagre.  —  La  pellagre  fut  signalée  en  1730,  en  Espagne,  par  don 
Gaspar  Casai,  sous  le  nom  àemal  de  larosa.  Plus  tard  cette  maladie  fut  ob¬ 
servée  en  Lombardie,  dans  l’État  de  Venise,  et  dans  le  centre  de  l’Italie,  dans 
les  provinces  méridionales  de  l’Autriche,  puis  en  France,  en  Valachie,  etc. 

La  pellagre  a  donné  lieu  à  de  nombreux  travaux  et  à  des  discussions  qui 
n’ont  pris  fin  que  dans  ces  dernières  années.  Elle  reconnaît  pour  point 
de  départ  l’alimentation  par  le  maïs.  L’altération  de  cett®  substance 
(Venderame)  a  été  signalée  tout  d’abord  comme  l’origine  de  la  maladie. 
Elle  n’atteindrait  que  les  populations  qui  font  usage  de  cette  substance 
pour  leur  nourriture.  C’est  en  Lombardie  qu’on  en  a  observé  les  plus 
graves  épidémies  ;  cependant ,  l’alimentation  insuffisante  et  l’extrême 
misère  en  sont  les  causes  les  plus  certaines.  C’est,  suivant  une  expression 
moderne,  un  mal  de  misère.  (La  pellagre  sera  l’objet  d’un  article  spécial 
dans  ce  dictionnaire.)  On  doit  rattacher  à  la  même  cause,  c’est-à-dire 
à  l’inanition,  à  l’alimentation  insuffisante,  à  la  famine  progressive, 
certaines  épidémies  de  typhus  des  armées,  des  villes  assiégées,  Hunger 
typhus  d’Allemagne,  typhus  d'inanition  de  l’Irlande,  de  l’Algérie,  etc. 

Le  scorbut  se  rapproche  des  maladies  qui  précèdent  par  un  de  ses  élé¬ 
ments  :  l’alimentation  insuffisante  ou  de  mauvaise  qualité. 

Scorbut.  —  Le  scorbut  est  une  maladie  qui  a  fait  de  grands  ravages 
et  a  occupé  une  grande  place  parmi  les  maladies  endémo-épidémiques 


208  ENbÉMIE.  —  maladies  endémiques. 

dans  les  temps  anciens  et  à  quelques  époques  encore  peu  éloignées  de 
nous.  Cette  maladie  aujourd’hui  est  réduite  à  de  faibles  proportions  et 
n’entre  pour  ainsi  dire  que  pour  une  part  infime  dans  les  préoccupations 
des  hygiénistes  modernes.  Le  scorbut,  sous  différents  noms,  paraît  avoir 
été  connu  des  plus  anciens  auteurs  {üenes,  stomacaee).  On  a  cru  en  trou¬ 
ver  une  description  plus  ou  moins  exacte  dans  Hippocrate  (Prédictions), 
dans  Celse,  Cælius  Aurelianus,  Avicenne,  etc.  C’est  à  partir  du  quinzième 
siècle  que  se  déclarent  pour  nous  les  grandes  endémo-épidémies  de  scor¬ 
but.  Cette  époque,  en  effet,  est  celle  des  longues  expéditions  maritimes 
et  aussi  des  campagnes  maritimes  aventureuses  et  de  la  grande  misère  des 
gens  de  mer.  Vasco  de  Gama,  en  1498,  vit  mourir  du  scorbut  cinquante- 
cinq  de  ses  compagnons  sur  son  navire,  à  la  côte  d’Afrique.  Une  épidé¬ 
mie  meurtrière  se  montra  aussi  pendant  l’expédition  de  Cartier  en  1555, 
et  sur  la  flotte  française,  à  la  fin  du  seizième  siècle,  au  Canada,  de  1740  à 
1744,  sur  la  flotte  anglaise  commandée  par  Dellon,  dans  un  voyage  au¬ 
tour  du  monde,  et  dans  l’expédition  anglaise  de  1773  sur  les  côtes  d’Al¬ 
gérie.  Le  scorbut  a  été  longtemps  considéré  comme  une  maladie  qui  sé¬ 
vissait  presque  exclusivement  sur  les  hommes  embarqués. 

Cette  maladie  a  été  observée  sur  la  terre  ferme,  sous  forme  de  graves 
épidémies,  au  commencement  du  seizième  siècle,  au  nord  de  l’Allemagne 
et  dans  les  provinces  Scandinaves  :  Wier,  Fabricius,  Albertus,  Eugalenus, 
Lennox,  ont  traité  du  scorbut  dans  leurs  ouvrages  et  en  ont  cherché  la 
cause  et  la  nature.  Sydenham,  Hoffmann,  en  un  mot,  presque  tous  les 
médecins  illustres  des  siècles  passés,  ont  été  tentés  par  cette  maladie 
longtemps  inexpliquée.  Les  plus  graves  épidémies  en  ont  été  observées 
dans  les  pays  du  Nord  (Allemagne,  Suède,  Pays-Bas,  Danemark,  Finlande, 
Prusse,  Hongrie,  Canada,  Russie,  Angleterre  et  Irlande).  Cependant  on 
trouve  des  récits  d’épidémies  survenues  en  Turquie,  en  Italie,  dans  l’Inde, 
à  Alger,  et  quelques  apparitions  de  la  maladie  dans  les  climats  tempérés 
(France,  Paris,  Strasbourg,  Boulogne  et  Saint-Omer,  Roanne). 

Cette  maladie  ne  peut  pas  être  considérée  comme  endémique  en  France; 
elle  ne  s’y  est  jamais  montrée  qu’à  l’état  de  courte  épidémie  (en  1699, 
à  Paris  ;  en  1 7’76,  à  Évreux  ;  en  1840,  à  Clairvaux  ;  en  1847,  à  Paris  et  à 
Givet;  en  1855  et  54,  à  Strasbourg;  en  1853  et  56,  à  Aix;  en  1855,  à 
Boulogne  ;  en  1856,  à  Roanne).  On  en  a  observé  des  cas  en  Espagne,  mais 
les  récits  de  ces  faits  sont  vagues  et  incomplets.  Quelques  épidémies  ont 
été  signalées  en  Californie,  au  Brésil. 

Le  scorbut  de  mer  a  été  observé  avec  soin  et  étudié  dans  ses  causes  de¬ 
puis  le  commencement  de  ce  siècle.  On  a  d’abord  observé  qu’il  se  mon¬ 
trait  surtout  sur  les  navires  qui  montaient  vers  les  pôles  et  atteignaient 
les  régions  glaciales  (Williamson,  Scorbut  observé  ml 855  sur  les  côtes 
de  l’Amérique  du  Nord;  Armstrong,  Expédition  de  l’ Investigator  au  pôle 
Nord);  puis  le  scorbut  a  été  étudié  sous  d’autres  latitudes  (Hardy,  en 
mars  1838,  à  bord  du  Palimnus,  sur  la  côte  orientale  d’Afrique;  Du- 
troulau,  à  bord  de  la  Belle-Poule,  en  1846;  Coale,  pendant  un  voyage 
sur  les  côtes  de  Chine). 


ENDÉlMlE.  - MALADIES  ENDÉMIQUES  CAUSÉES  PAU  l’iNFI.UENCE  DU  SOL.  209 

Influence  du  climat  et  des  saisons.  —  Sur  68  épidémies  relevées  par 
Hirsch  dans  les  climats  tempérés,  on  en  trouve  37  au  printemps,  21  en 
hiver,  8  en  été  et  2  en  automne.  Les  relevés  de  la  Russie  et  de  l’Alle¬ 
magne  du  Nord  donnent  la  plus  grande  fréquence  de  la  maladie  en  hiver, 
entre  février  et  mars.  Le  froid  paraît  donc  jouer  un  rôle  considérable  dans 
la  production  du  scorbut;  cela  est  incontestable  pour  les  expéditions  ma¬ 
ritimes,  et  si  le  scorbut  tend  à  disparaître  aujourd'hui,  cela  tient  au  meil¬ 
leur  aménagement  et  aux  meilleurs  moyens  de  protection  que  les  hommes 
embarqués  trouvent  dans  l’hygiène  des  bâtiments  où  ils  sont  enfermés. 

.  A  terre,  le  froid  et  l’humidité  ont  été  signalés  de  tout  temps  comme  les 
deux  causes  climatériques  les  plus  évidentes  du  scorbut  (Monro,  1758,  à 
Brême;  Giinsburg,  1854,  à  Breslau  ;  Scoutteten,  1845,  àGivet;  Perrin, 
1855,  en  Crimée). 

Conditions  sociales.  —  Le  scorbut  est  une  maladie  des  navires,  des 
camps,  des  prisons  et  des  hôpitaux.  La  misère,  la  mauvaise  nourriture, 
sont  des  causes  également  importantes.  Dans  diverses  épidémies,  on  a  vu 
mourir  les  soldats  dans  une  très-grande  proportion  alors  que  les  officiers 
étaient  épargnés.  Ces  circonstances  semblent  exclure  l’idée  de  l’endémi¬ 
cité  climatérique.  Il  est  constant  cependant  que  le  scorbut  est  endémique 
dans  certaines  contrées,  notamment  dans  les  provinces  est  du  nord  de  la 
Russie.  ■ 

Le  scorbut  de  mer  a  surtout  été  observé  chez  les  marins  affaiblis  par 
une  longue  navigation  pendant  la  saison  froide  et  sous  des  climats  froids, 
et  lorsque  les  aliments  étaient  insuffisants,  soit  par  la  quantité,  soit  par 
la  qualité  (défaut  de  légumes  et  de  viandes  frais).  Les  grandes  et  meur¬ 
trières  épidémies  ont  toujours  réuni  ces  conditions.  Ces  observations', 
faites  au  dix-huitième  siècle  (expédition  de  l’amiral  Hosier  en  1726;  de 
brd  Anson  en  1741),  ontété  confirmées  à  notre  époque  (Foltz,  le  Scorbut 
de  la  flottille  américaine  dans  l'été  de  1846,  dans  le  golfe  du  Mexique, 
par  le  manque  de  nourriture). 

Les  mêmes  circonstances  se  rencontrent  dans  les  épidémies  ou  endé¬ 
mies  de  scorbut  observées  sur  la  terre  ferme  (steppes  de  Saratow,  Kam- 
schatka,  Laponie). 

Maladies  endémiques  causées  par  l’influence  du  sol.  —  Goître  et 
crétinisme.  —  Le  goître  et  le  crétinisme  associés  se  montrent  dans 
certains  pays  d’Europe  dont  la  constitution  géologique  a  été  bien  étudiée. 
Le  terrain  où  se  rencontrent  les  calcaires  magnésiens  (dolomie),  dans  les 
Alpes  notamment,  produit  le  goître  endémique.  On  trouve  cette  même 
endémie  dans  les  Pyrénées,  sur  les  calcaires  du  lias  et  sur  les  calcaires 
magnésiens  qui  se  trouvent  sur  la  zone  d’éruption  des  ophites,  sur  le 
trias  dans  les  Vosges,  sur  le  lias  dans  le  Jura,  les  hautes  et  les  basses 
Alpes;  sur  les  calcaires  dolomitiques  de  l'époque  carbonifère  en  Angle¬ 
terre,  en  France  et  en  Belgique;  sur  le  trias  dans  le  Wurtemberg,  la 
Saxe;  sur  les  dolomies  dans  le  Tyrol.  D’après  Escharich  ('1843),  sur  le 
muschelkalk  et  le  terrain  keuprique  de  la  Souabe  inférieure,  on  compte 
annuellement  de  129  à  155  exemptions  du  service  militaire  pour  cause  de 


210  E>’DÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d'oRIGI-NE  PAUASITAIRE. 

goitre,  sur  1,000  jeunes  gens.  Boudin  a  donné  une  carte  géologique  du 
goitre  pour  la  France.  D’après  Chatin,  le  goitre  proviendrait  de  l’absence 
d’iode  dans  les  eaux  potables.  Lunier  s’est  rallié  à  cette  opinion  {vay.  Cré- 
TEiisME,  t.  X,  p.  225),  mais  elle  n’est  pas  acceptée  par  tous  les  médecins. 

L’influence  des  eaux  peut  être  considérée  comme  jouant,  par  rapport 
aux.  maladies  endémiques,  un  certain  rôle,  à  coup  sûr  moindre  que  celui 
que  supposaient  des  traditions  anciennes  et  des  croyances  populaires.  Les 
eaux  peuvent  être  malsaines  par  les  matières  qu’elles  tiennent  en  disso¬ 
lution,  et  agir  d’une  façon  toxique  (eaux  arsenicales  d’Afrique);  elles 
peuvent  engendrer  le  goitre  (terrains  dolomitiques),  et  certaines  condi¬ 
tions,  telles  que  l’évaporation  des  eaux  stagnantes  et  la  décomposition 
de  matières  végétales  spéciales,  peuvent  souvent  entraîner  la  production 
d’effluves  d’où  naissent  les  fièvres  intermittentes. 

L’influence  des  vents  ne  saurait  être  méconnue,  mais,  sous  ce  rapport, 
la  science  est  encore  peu  avancée.  Ils  peuvent  modifier  considérablement 
la  température,  et  surtout  y  amener  des  variations  brusques.  L’étude  des 
vents,  par  rapport  au  climat,  est  d’une  importance  capitale  en  hygiène. 
Il  n’est  pas  douteux  non  plus  que  les  vents  puissent  être  les  véhicules  de 
matières  septiques,  et  propager  au  loin  certaines  maladies  épidémiques 
et  contagieuses  {choléra). 

Boudin  a  tenté  d’étahlir  l’idée  d’un  antagonisme  existant  entre  cer¬ 
taines  maladies  en  un  même  lieu,  par  exemple,  entre  la  phthisie  pulmo¬ 
naire  et  la  fièvre  intermittente ,  tandis  que  d’autres  maladies  vont  de 
pair,  telles  que  le  goitre  et  le  crétinisme,  ou  la  fièvre  paludéenne  et  la 
fièvre  jaune,  lesquelles  diminuent  avec  l’altitude  et  cessent  à  une  certaine 
élévation.  {Voy.  Antagonisme.) 

Maladies  endémiques  d’oeiginte  parasitaire.  —  Nul  doute  que  le  parasi¬ 
tisme  ne  joue  un  rôle  d’une  certaine  importance  parmi  quelques  popu¬ 
lations,  non-seulement  à  l’état  sauvage,  mais  même  dans  un  état  de 
civilisation  avancée. 

Le  nombre  des  parasites  de  l’homme  est  considérable;  quelques-uns 
n’atteignent  que  ses  téguments  et  y  développent,  soit  une  action  passa¬ 
gère,  soit  une  lésion  plus  ou  moins  profonde;  les  uns  n’y  sont  que 
tangents,  d’autres  y  pénètrent  et  y  habitent,  soit  pendant  toute  la  durée 
de  leur  vie,  soit  pendant  une  période  nécessaire  à  leur  développement,  à 
l’incubation  de  leurs  œufs,  à  l’évolution  ou  à  la  métamorphose  de  la 
larve,  etc.  Nous  indiquerons  brièvement  la  nature  et  le  siège  de  quelques- 
uns  de  ces  parasites,  ne  nous  attachant  qu’à  ceux  qui  sont  positivement 
endémiques,  c’est-à-dire  que  l’homme  ne  contracte  que  dans  certaines 
régions  bien  limitées,  soit  par  le  fait  même  du  milieu  (air  et  eau),  soit 
par  suite  d’une  alimentation  spéciale. 

Tous  les  végétaux  ou  animaux  parasites  de  l’homme  sont  passés  en 
revue  aux  articles  Entozoaires  et  Parasites.  Il  suffira  d’indiquer  ici  ce 
fait  qu’à  l’état  sauvage  l’homme  est  la  proie  de  tous  les  parasites  que  le 
défaut  de  soin,  le  mauvais  état  des  habitations,  l’absence  de  vêtements, 
entretiennent  sur  son  corps.  Il  en  est  dont  les  soins  de  propreté  peuvent 


211 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’ ORIGINE  PARASITAIRE. 

nous  débarrasser,  d’autres  qui  se  développent  et  se  multiplient  dans 
•certains  climats,  et  ne  peuvent  être  complètement  évités. 

Le  tænia  dont  les  transformations  ont  été  si  bien  étudiées  dans  ces 
dernières  années  (Leuckart,  Steenstrup,  Siebold,  van  Beneden,  Kûchen- 
meister,  Davaine)  et  qui  a  été  suivi  dans  le  corps  des  animaux  et  d’un 
animal  à  l’autre  à  l’état  de  cysticerque  hydatique,  de  cænure,  d’échino- 
coque,  de  tænia,  se  développe  d’une  façon  endémique  chez  l'homme.  On 
peut  citer  des  régions  où  ce  parasite  se  multiplie  extrêmement,  d’autres 
-qui  en  sont  à  peu  près  exemptes.  Les  deux  espèces  principales,  tænia  so¬ 
lium  et  botriocéphale  n’habitent  pas  les  mêmes  contrées.  A  l’est  de  l’Eu¬ 
rope,  on  trouve  le  botriocéphale,  et  à  l’ouest  le  solium.  Le  botriocéphale 
est  très-répandu  à  Genève  où  une  notable  partie  (un  quart  d’après  Odier) 
delà  population  en  serait  atteinte.  En  diverses  contrées  de  notre  pays  on 
trouve  des  habitants  qui  contractent  le  tænia.  On  rencontre  le  tænia  solium 
en  Italie,  en  Grèce,  en  Portugal,  en  Allemagne,  en  Hollande,  en  France 
et  en  Angleterre,  et  le  botriocéphale  en  Russie,  en  Suisse,  en  Belgique  et 
dans  les  États  du  nord  de  l’Europe. 

Le  tænia  est  fréquent  en  Arabie,  dans  l’Inde,  la  Syrie  (Alep) .  On  a 
observé  qu’à  Java  les  nègres  en  sont  atteints  beaucoup  plus  que  les  Euro¬ 
péens.  En  Afrique,  le  tæmia  est  très-commun.  En  Abyssinie,  la  population 
se  divise  en  deux  parties,  dont  l’une  a  le  tænia  jet  l’autre  non,  cela  tient 
au  régime;  une  partie  de  la  population  mangeant  de  la  viande  crue  ou  de 
la  viande  de  porc  que  l’autre  se  refuse  à  manger.  En  Russie,  le  tænia  est 
devenu  plus  commun  depuis  l’usage  de  la  viande  crue  pour  guérir  la 
diarrhée  infantile. 

Le  dragonneau  ou  filaire,  encore  appelé  ver  de  Guinée  ou  de  Médine 
■{venu  Medinensis,  Fertit,  Naru,  etc.);  on  le  rencontre  surtout  en  Éthiopie, 
dans  la  Nubie  (Sennaar  et  Kartum),  dans  le  Darfour,  à  Cordovan,  dans  le 
Soudan,  à  Tuggurt,  dans  la  Sénégambie,  le  golfe  de  Guinée,  le  long  du 
Gabon  ;  ce  ver  ne  se  rencontre  pas  ou  du  moins  ne  se  contracte  pas 
en  Égypte,  il  n’y  est  qu’importé  par  des  voyageurs  venant  d’autres 
parties  de  l’Afrique.  On  le  trouve  à  Khiva,  sur  les  bords  de  la  mer  Cas¬ 
pienne,  à  Bokhara  (Asie)  et  dans  les  steppes  des  Kirgis.  On  en  a  constaté 
de  véritables  épidémies  sur  les  troupes  anglaises  dans  l’Inde.  On  ne  sau¬ 
rait  énumérer  ici  les  nombreuses  contrées  de  l’Afrique  et  de  l’Asie  où  le 
filaire  se  rencontre  sur  l’homme. 

Ce  ver  a  son  siège  habituellement  dans  les  parties  inférieures  du  corps 
(jambes  et  pieds)  ;  il  occupe  ordinairement  le  tissu  cellulaire  sous-cutané 
quelquefois  le  tissu  cellulaire  inter-musculaire,  rarement  les  organes  pro¬ 
fonds  ;  cependant  Primer  en  a  observé  un  dans  le  mésentère.  Sur  1 33  cas 
•observés  par  Lorimer,  le  filaire  occupait  : 


Les  pieds  ou  le  bas  de  la  jambe .  80  fois. 

La  jambe .  39  — 

La  cuisse .  6  — 

Le  scrotum .  2  — 

Le  pénis.  . .  1  — 

L’avant-bras . . . .  S  — 


(Lorimer,  Madras  quart,  med.  Journal,  1839, 1.) 


212  ENDÉMIE.  —  maladies  esdémiqües  d'obigi.ne  inconnue. 

Nous  ne  faisons  que  mentionner  le  makaqiie  qui  se  loge  sous  la  peau 
(le  l’homme,  surtout  du  nègre  à  Cayenne.  Cet  insecte  décrit  par  Thion  de 
la  Chaume  se  rencontre  surtout  aux  extrémités  inférieures  du  corps. 

La  chique  {chigoa,  pulex  penetrans,  ton,  toriga,  dermatophilus  pene- 
trans,  sarco-psglla  Mygor,  etc.)  a  été  bien  décrite  par  G.  Bonnet,  mé¬ 
decin  de  la  marine  (Paris,  1867).  Cet  animal  parasite  habite  exclusive¬ 
ment  là  zone  torri(le  des  deux  Amériques;  d’après  d’Azara,  elle  ne 
dépasserait  pas  le  29®  degré  de  latitude  sud.  Il  en  est  à  peu  près  de 
même  pour  l’hémisphère  nord.  D’après  G.  Bonnet,  «  elle  est  excessi¬ 
vement  commune  au  Brésil,  à  la  Guyane,  au  Mexique  ;  on  la  rencontre 
aussi  dans  toutes  les  républiques  équatoriales  du  nouveau  monde  et  dans 
les  nombreuses  îles  du  golfe  du  Mexique.  Les  puces  pénétrantes  semblent 
extrêmement  multipliées  dans  les  lieux  chauds  et  secs  habités  par  les 
nègres  ;  cependant  elles  peuvent  exister  en  quantité  innombrable  dans 
des  lieux  inhabités.  » 

La  chique  attaque  l’homme  et  quelques  animaux  domestiques.  Toutes 
les  espèces  d’hommes  en  sont  atteints  ;  ceux  qui  marchent  nus  y  sont  na¬ 
turellement  plus  exposés.  Les  femmes,  et  les  enfants  en  sont  plus  particu¬ 
lièrement  atteints  que  les  hommes  aciultes.  [G.  Bonnet.  {Voy.  Parasites: 
Animaux.)] 

Le  distome  est  un  ver  qui  se  rencontre  sur  l’homme.  Il  appartient  à 
la  classe  des  trématodes.  Une  partie  de  la  population  des  Fellahs  et  des 
Coptes  en  Égypte  en  serait  atteinte.  (Griesinger  et  Bilharz.)  On  le  trouve 
dans  le  tronc  et  les  branches  de  la  veine  porte,  dans  la  veine  splénique, 
les  veines  mésentériques  et  le  plexus  veineux  du  rectum  et  de  la  vessie. 
On  a  rencontré  ses  œufs  sous  la  muqueuse  de  la  vessie,  du  rectum  et 
dans  le  foie.  Il  produit  une  inflammation  avec  hypertrophie  de  la  mu¬ 
queuse  vésicale.  (Foi/.  Entozoaires.) 

Nous  ne  pouvons  énumérer  ici  les  parasites  cutanés  ou  les  entozoaires 
qui  constituent  de  nombreuses  maladies.  Ce  ne  sont  point  là  à  proprement 
parler  des  endémies  ;  tout  au  plus  pourrait-on  considérer  quelques-unes 
de  ces  maladies  parasitaires  comme  épidémiques  (trichinose)  ;  mais  il 
nous  paraît  préférable  de  laisser  à  ces  maladies  leur  vrai  nom  ;  parasi¬ 
taires,  et  de  renvoyer  le  lecteur  à  ce  mot  et  à  l’article  Entozoaires. 

M.ALADIE  ENDÉMIQUE  d’origine  INCONNUE.  —  L’ éléphantiosis  est  une  ma¬ 
ladie  qui  se  rencontre  sur  toute  la  surface  du  globe,  mais  qui  atteint 
particulièrement  certaines  races,  sous  certains  climats.  Elle  est  endémique 
dans  l’Inde,  sur  la  côte  du  Malaliar,  au  Bengale,  à  Ceylan,  dans  les  Phi¬ 
lippines,  en  Chine,  à  Shanghaï  et  Canton,  au  Japon,  dans  la  Polynésie, 
à  Taïti,  à  la  Nouvelle-Calédonie,  aux  îles  Sandwich,  en  Australie.  Cette 
maladie  a  été  signalée  parmi  les  Arabes  dès  la  plus  haute  antiquité.  Dans 
les  îles  Maurice,  de  la  Réunion,  Séchelles,  à  Madagascar,  en  Abyssinie, 
en  Égypte,  elle  est  très-commune.  Elle  paraît  complètement  inconnue 
dans  certaines  contrées  africaines.  Elle  est  commune  chez  les  Berbères. 
En  Europe,  il  n’y  a  point  d’endémie  d’éléphantiasis  ;  on  en  trouve  seule¬ 
ment  quelques  cas  isolés  dans  le  midi  delà  France,  en  Corse,  à  Lisbonne, 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’oIUGINE  MIASMATIQUE.'  213 

à  Gibraltar.  Dans  le  nord  de  l’Amérique,  l’éléphantiasis  n’existe  qu’à 
l’état  de  cas  rares.  On  l’observe  plus  fréquemment  dans  l’Amérique  cen¬ 
trale  et  du  Sud,  et  aux  Antilles,  là  où  abondent  les  nègres  importés.  Au 
Brésil  et  au  Pérou,  la  maladie  est  véritablement  endémique  et  sévit  sur 
une  grande  quantité  d’hommes. 

Si  l’on  considère  le  climat,  l’éléphantiasis  paraît  avoir  ses  conditions 
d’existence,  surtout  dans  les  pays  intertropicaux. 

Quant  aux  races,  il  semble  que  les  nègres  et  les  hommes  à  peau  forte¬ 
ment  pigmentée,  y  soient  plus  aptes  que  les  blancs  pour  lesquels  existe 
une  immunité  relative.  {Voy.  Éléphantiasis,  par  Barrallier,  t.  XII.) 

Maladies  endémiques  d’origine  miasmatique. —  La  dysenterie  est  une  ma¬ 
ladie  de  tous  les  pays,  mais  elle  se  montreà  l’état  endémique  dans  quelques- 
uns,  principalement  dans  les  pays  chauds.  C’est  là,  suivant  l’expression 
de  Rufz  de  Lavison  «  le  vrai  fléau  des  pays  chauds  ;  jeunes  ou  vieux, 
acclimatés  ou  non,  sobres  ou  tempérants,  hommes  ou  femmes,  soldats, 
matelots,  tous  y  sont  exposés.  »  En  même  temps  que  l’élévation  de  la 
température,  on  a  signalé  comme  cause  physique,  les  brusques  variations 
de  la  température.  C’est' dans  la  zone  intertropicale 'que  la  dysenterie  est 
vraiment  endémique.  Cependant,  d’autres  contrées  différentes  de  celles- 
ci  à  tous  les  points  de  vue,  sauf  peut-être  la  variabilité  de  la  température, 
sont  aussi  remarquables  par  les  épidémies  de  dysénterie,  tels  sont  le 
Groënland,  la  Laponie,  le  nord  de  la  Russie.  On  ne  peut  expliquer  la  dysen¬ 
terie  par  des  raisons  tirées  de  la  nature  du  sol.  Les  saisons  ont  une  in¬ 
fluence  marquée  sur  la  dysenterie,  du  moins  a-t-on  observé  qu’elle 
sévissait  surtout  en  été  et  en  automne.  D’après  Hirsch,  sur  546  épidémies, 
15  seulement  auraient  eu  lieu  en  hiver.  (T.  II,  p'.  '224.) 

Les  documents  statistiques  fournis  par  l’administratioji  de  .la  guerre  et 
de  la  marine  en  Angleterre,  permettent  de  juger- des  ravages  faits  par  la 
dysenterie  dans  les  pays  chauds  où  cette  nation'  a  ses  'côlônîes  l’un  de 
ces  tableaux  est  donné  par  Boudin.  . 

MALADIES  DÉCÈS 

SCR  1000  HOMMES.  SUR  1000  HOMMES. 


Antilles  et  Guyane . 

Jamaïque . 

Gibraltar . 

.  .  205,9 

.  .  95,2 

44,0 

15,7 

3,6 

1,0 

3,0 

0,2 

0,5 

29,8 

1,9 

7,8 

Cap  de  Bonne-Espérance . 

Sainte-Hélène . 

Maurice . 

62', 7 

.  .  83,7 

Ceylan . 

.  .  2H  0 

11,5 

f’rovince  de  Tenasserim . 

.  .  214,1 

28,0 

17.6 

10.7 
8.5 

p.  442.) 

Madras . 

Bengale . 

Bombay . 

(Boudin,  Géograph.  et 

.  .  209,9 

.  .  135,0 

.  .  106,0 

statut,  méd;  t.  II,  ] 

De  1850  à  1845,  on  a  compté  dans  la  Méditerranée,  sur  un  effectif 


214  ENDÉMIE.  —  maladies  endémiques  d’origine  miasmatique. 
général  de  100,464  marins  et  de  102,214  soldats,  pour  la  dysenterie  r 

MABINE.  SOLDATS. 

Malades .  1152  5688 

Morts .  32  157 


La  dysenterie  sévit  en  France,  principalement  dans  les  provinces  du 
centre  (Berry),  où  elle  atteint  surtout  les  enfants. 

Hépatite  des  pays  chauds.  — Parmi  les  maladies  qui  déciment 
les  Européens  transportés  dans  les  pays  chauds,  l’hépatite  tient  une  grande 
place.  C’est  dans  les  régions  tropicales  qu’elle  sévit  principalement. 

L’hépatite  a  pour  résultat  habituel  de  produire  des  ahcès  du  foie.  Des 
tableaux  fournis  par  l’Amirauté  et  la  Guerre,  en  Angleterre,  permettent 
de  comparer  les  différents  climats  des  colonies  anglaises  sous  le  rapport 
de  la  mortalité  par  les  maladies  du  foie. 


TABLEAU  DES  ADMISSIONS  A  l’hÔPITAL  ET  DES  DÉCÈS  CAUSÉS  PAR  LES  MALADIES  DU  FOIE 
PARMI  LES  TROUPES  ANGLAISES  : 


Antilles  et  Guyane .  86,661 

Jamaïque .  51,567 

Gibraltar .  60,269 

Malte .  40,826 

Iles  Ioniennes .  70,293 

Bermudes .  11,721 

Nouveau-Brunswick  et  Nou¬ 
velle-Écosse .  46,442 

Canada . 64,280 

Afrique  occidentale .  1 , 843 

Cap  de  Bonne-Espérance. .  .  .  22,714 

Sainte-Hélène . .  .  8,975 

Maurice .  30,515 

Ceylan .  42,978 

Tennasserim .  6,818 

Madras .  31,627 

Bengale .  38,136 

Bombay .  17,612 


(Boudin,  Géograplne  et 


20  ans. 

20  — 

19  — 

20  — 

20  — 

20  — 

20  — 

20  — 

18  — 

19  - 

19  — 

20  - 
10  — 

5  — 

5  — 

5  — 

statistique  médicales, 


ADMIS  ADX  MOI 

HÔÏITADÏ.  1000 

22.4 

10.4 

12.5 

21,2 

16.6 
15,1 


8,2 

7,6 

81,4 

21,1 

18,1 

79,2 

102,0 

71,6 


72,4 

t.  Il,  p.  442.) 


0,9 

0,3 

1,1 

0,7 

0,5 


0,2 

0,1 

6,0 

1,1 

2,7 


4,9 

4,1 


L’élévation  de  la  température  n’est  pas  la  seule  cause  des  maladies  du- 
foie.  Le  maximum  de  la  mortalité  s’observe  sur  la  côte  occidentale  d’Afri¬ 
que,  dans  l’Inde,  à  Ceylan  et  à  Maurice. 

D’après  d’autres  documents  anglais  relevés  par  Boudin,  les  pertes  aug¬ 
mentent  enraison  de  la  durée  du  séjour  des  Européens  dans  les  pays  chauds. 

\j  influence  delà  race  est  aussi  à  considérer;  ainsi,  d’après  les  mêmes 
documents,  tandis  que  la  mortalité  du  blanc  ne  varie  que  de  0,9  à  6,0 
décès,  celle  du  nègre  varie  de  0,3  à  9,0.  Bien  que  le  nègre  semble  devoir 
supporter  mieux  que  le  blanc  les  climats  tropicaux,  l’expérience  prouve 
que  la  mortalité  du  nègre  par  hépatite  est  quatre  fois  plus  élevée  que 
celle  du  blanc  à  Bahama  et  à  la  Jamaïque,  et  cinq  fois  plus  élevée  dans 
les  Antilles  et  à  la  Guyane.  Quant  au  soldat  cipaye,  il  paraît  jouir,  dans 
l’Inde,  d’une  immunité  relative  par  rapport  aux  maladies  du  foie.  Celles- 
ci  feraient  16,  50  et  70  fois  plus  de  victimes  parmi  les  Européens  que 
parmi  les  indigènes. 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d'ORIGI.NE  MIASMATIQUE.  215 

Étiologie.  —  Tous  les  auteurs  sont  d’accord  pour  reconnaître  une 
grande  analogie  entre  la  dysenterie  et  l'hépatite  endémique,  ces  deux 
maladies  sévissant  aux  mêmes  lieux  et  en  même  temps  ;  ce  fait  pourtant 
n’est  pas  constant. 

Influences  climatériques .  —  Aucune  maladie,  suivant  l’expression  de 
Hirsch  ne  mérite  mieux  d’être  appelée  tropicale.  Il  est  reconnu  que  le 
transport  d’un  climat  tempéré  dans  un  climat  très-chaud  accroît  beaucoup 
la  sécrétion  biliaire  et  amène  une  suractivité  fonctionnelle  du  foie  (poly- 
cholie) . 

Il  se  produit  donc  en  pareil  cas  une  hypérémie  du  foie  avec  toutes  ses 
conséquences  (dyspepsie,  diarrhée  bilieuse,  etc.).  Haspel  a  observé  en 
Algérie  et  Pruner  en  Égypte  que  le  foie,  chez  les  Européens,  augmentait 
souvent  de  volume.  Néanmoins  la  température  étant  considérée  comme  la 
cause  essentielle,  il  n’en  reste  pas  moins  vrai  que  toutes  choses  égales 
d’ailleurs,  certaines  contrées  sont  plus  favorables  au  développement  de 
cette  hépatite. 

Quant  aux  saisons,  ce  n’est  pas  en  été,  c’est  plutôt  à  la  fin  de  l’été  et 
au  commencement  de  l’automne  que  se  produit  surtout  la  maladie.  Du- 
troulau  donne  la  statistique  suivante  pour  les  cas  d’hépatite  observés  aux 
Antilles  françaises,  de  1846  à  1851.  Sur  558  cas,  il  y  en  a  en 


De  j.nnvier  à  mars.  . .  74  cas. 

D’avril  à  juin.  . .  74  — 

De  juillet  à  septembre. .  ................  100  — 

D’octobre  à  décembre . . .  90  — 


(Dutroulau,  Mémoires  de  l'Académie  de  médecine,  ISSo,  t.  XX.) 

Les  modifications  brusques  de  la  température  ne  seraient  pas  sans 
influence.  Au  Bengale,  dit  Murray,  quand  les  jours  sont  chauds  et  les 
nuits  froides,  ou  quand  les  transitions  de  la  température  sont  brusques  et 
grandes,  on  observe  davantage  d’hépatites  que  lorsque  la  température  est 
uniformément  élevée... 

Des  circonstances  d’une  autre  nature  tenant  au  climat  ont  aussi  été 
invoquées  comme  cause  de  l’hépatite:  «La  rareté  de  l’hépatite  à  Cayenne, 
dit  J.  Laure,  ainsi  que  sa  fréquence  au  Sénégal,  dépend  de  circonstances 
opposées  dans  les  deux  climats.  A  la  Guyane,  où  le  sol  couvert  de  forêts 
est  inondé  pendant  huit  mois,  une  belle  végétation  maintient  partout 
l’humidité  ;  la  température  moyenne  annuelle  de  28  degrés  centigrades 
préserve  également  de  l’excès  de  chaleur  et  des  transitions  brusques  ;  on 
doit  à  ces  conditions  le  repos  du  foie  et  la  guérison  des  dysenteries.  A 
Saint-Louis,  et  à  Gorée,  le  terrain  sablonneux  ne  conservant  pas  l’humidité, 
l’air  sec  et  brûlant  contient  plus  de  poussière  que  de  vapeur  d’eau;  la 
température  du  jour  est  extrême  ;  la  nuit,  elle  est  froide  à  cause  du 
rayonnement.  Des  mouvements  de  l’atmosphère  et  des  variations  thermo- 
métriques  résultent  chaque  jour  des  suppressions  de  sueur  et  des  engor¬ 
gements...  l’hépatite  est  endémique  et  se  mêle  à  toutes  les  maladies.  » 
(Jules  Làure,  Maladies  de  la  Guyane.) 

Le  régime  paraît  exercer  une  influence  notable  sur  la  prédisposition  à 


216  ENDÉMIE.  —  maladies  ekdémiqdes  d’origine  miasmatique. 
l’hépatite.  Cette  question  a  été  étudiée  principalement  par  les  auteurs 
anglais  dans  l’Inde.  Annesley  s’exprime  ainsi  à  ce  sujet  ;  «  Parmi  les 
influences  variées  qui  occasionnent  le  plus  directement  l’inflammation  du 
foie,  il  n’y  en  a  pas  de  plus  énergique  que  l’usage  immodéré  des  liqueurs 
spiritueuses.  »  La  même  observation  a  été  faite  en  Algérie,  aux  Antilles,  à 
Ceylan,  au  Pérou. 

Typhus  {Typhus  exanthématique,  fièvre  récurrente).  —  Le  typhus 
paraît  avoir  existé  en  Europe  depuis  les  temps  les  plus  reculés.  Quel¬ 
ques  auteurs  pensent  en  retrouver  la  trace  dans  les  écrits  qui  traitent 
de  la  guerre  du  Péloponèse  ;  Thucydide,  Aetius,  Zacutus  Lusitanus,  fe¬ 
raient  mention  d’une  maladie  qui  ne  peut  être  que  le  typhus.  C’est  au 
quinzième  siècle  pendant  la  grave  épidémie  des  Flandres,  puis  en  Italie 
pendant  les  guerres  qui  occupèrent  la  fin  de  ce  même  siècle,  que  le 
typhus  fut  décrit  avec  tous  ses  caractères.  (Fracastor,  Lyon,  1554.)  Au 
commencement  du  seizième  siècle,  de  grandes  épidémies  de  typhus  se 
montrèrent  dans  toute  l’Europe,  en  Allemagne,  en  France,  en  Espagne... 
et  la  maladie  y  fut  décrite  sous  différents  noms. 

Le  typhus  paraît  avoir  été  endémique  en  Irlande,  depuis  les  temps  les 
plus  anciens.  Depuis  trois  siècles,  les  épidémies  les  plus  graves  de  cette 
maladie  n’ont  cessé  de  s’y  montrer.  L’épidémie  de  1817  y  atteignit 
800,000  personnes,  dont  45,000  moururent.  La  famine  doit  être  comptée 
pour  quelque  chose  dans  .ce  résultat.  La  maladie  du  reste  ne  cesse  de 
donner  lieu  à  une  mortalité  relativement  élevée  dans  les  lies  Britanniques. 

Le  typhus  exanthématique  est  endémique  aussi  en  Russie  et  en  Po¬ 
logne,  et  dans  certaines  parties  du  nord-est  de  la  Prusse,  en  Suède,  en 
Norwége.  Il  n’est  qu’à  l’éiat  passager  et  épidémique  dans  les  autres  pays 
du  Nord  tels  que  la  Hollande  et  le  Danemark,  et  la  Belgique.  En  France, 
le  typhus  n’a  jamais  paru  qu’accidentellement  et  d’une  façon  épidémique, 
1829,  1835,  1845  et  1851  au  bagne  de  Toulon  ;  en  1827,  à  Beaulieu; 
en  1839,  à  Reims;  en  1856,  sur  quelques  troupes  venant  d’Orient.  En 
réalité,  le  typhus  ne  s’acclimate  point  en  France. 

Dans  le  sud  de  l’Espagne,  à  Gibraltar,  le  typhus  a  exercé  de  fréquents 
ravages  sur  les  troupes  anglaises. 

En  Italie  le  typhus  a  été  endémique,  et  ce  pays  a  vu  les  plus  graves 
épidémies  de  cette  maladie  jusqu’au  commencement  du  dix-neuvième  siè¬ 
cle  (1814).  Depuis  il  s’est  montré  quelques  épidémies,  à  Brescia,  1828 
et  1829;  en  Lombardie,  1834  et  1835:  à  Naples,  1841.  En  Hongrie, 
Valachie,  Turquie,  le  typhus  s’est  montré  souvent  à  l’état  d’épidémies 
graves.  L'Asie  du  Sud  et  l’Afrique  paraissent  exemptes  de  cette  maladie. 

Le  typhus  sévit  habituellement  dans  l’Amérique  du  Nord,  et  s’y  est 
produit  plusieurs  fois,  de  1817  à  1856- sous  la  forme  d’épidémies  éten¬ 
dues  ;  dans  l’Amérique  centrale  on  ne  l’y  observe  qu’à  l’état  d’épidémie, 
du  moins  les  cas  .sporadiques  y  sont-ils  relativement  peu  nombreux. 

Le  typhus  rentre  dans  les  jnaladies  endémiques  si  l’on  considère  que, 
géographiquement,  il  se  tient  à  l’état  habituel  dans  certaines  contrées 
(nord  de  l’Europe)  et  qu’il  ne  s’est  jamais  acclimaté  dans  les  autres.  Ce 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’oUIGINE  MIASMATIQUE.  217 

caractère  suffit  à  justifier  l’idée  d’endémie.  En  outre,  le  typhus  présente 
ce  caractère  d’être  limité  et  confiné,  même  en  temps  d’épidémie,  dans  un 
lieu  étroit,  dans  des  bâtiments,  des  camps,  des  casernes,  des  vaisseaux, 
et  quelquefois  de  ne  pas  rayonner  au  loin.  C’est  par  excellence  une  ma¬ 
ladie  épidémique  locale,  et  tenant  à  des  causes  tout  à  fait  spéciales,  à 
un  milieu  artificiel.  Le  typhus,  comme  le  scorbut,  doit  disparaître,  c’est 
une  maladie  évitable.  11  appartient  à  ces  fléaux  qu’engendrent  la  guerre 
et  un  mauvais  état  social.  Ses  deux  causes  principales  sont  la  famine  et 
l’encombrement. 

Fièvre  typhoïde  (Typhus  abdominal).  —  La  fièvre  typhoïde  a  été 
longtemps  confondue  avec  le  typhus.  Elle  n’est  bien  décrite  comme  espèce 
séparée  que  depuis  le  dix-huitième  siècle.  Cette  maladie  est  endémique 
et  épidémique  dans  presque  toute  l’Europe  du  Nord,  soit  isolée,  soit  mar¬ 
chant  de  pair  avec  le  typhus  vrai  ou  typhus  exanthématique.  Elle  a  porté 
d’abord  le  nom  de  typhus  sporadique  en  Allemagne,  puis  le  nom  de  do- 
thiénenterie  (Bretonneau)  en  France.  Elle  est  moins  commune  dans  le 
nord  de  l’Europe  et  en  Angleterre  et  en  Irlande  que  le  typhus  vrai.  Elle 
existe  à  l’état  endémique  en  Italie,  en  Russie,  mais  elle  se  montre  sur¬ 
tout  à  l’état  épidémique  dans  ces  pays  ;  elle  est  plus  rarement  observée 
en  Turquie,  elle  ne  l’est  presque  jamais  en  Syrie;  on  en  observe  quelques 
cas  dans  l’Inde  anglaise.  Sur  la  côte  occidentale  d’Afrique  (Sénégal),  on 
a  vu  plusieurs  fois  de  petites  épidémies  de  fièvre  typhoïde,  et  en  Algérie 
plusieurs  épidémies  graves  en  ont  été  observées  depuis  l’occupation  fran¬ 
çaise. 

En  Amérique,  dans  les  États  du  Nord,  la  fièvre  typhoïde  est  rare  et  pa¬ 
raît  de  date  récente;  en  1847,  plusieurs  provinces  des  États-Unis  ont  é(é 
visitées  par  une  épidémie  de  cette  maladie.  On  en  a  observé  d’assez  nom¬ 
breux  cas  aussi  dans  l’Amérique  du  Sud,  depuis  quelques  années. 

En  France,  la  fièvre  typhoïde  est  endémique  presque  partout;  à  Paris 
elle  forme  une  des  endémies  les  plus  accusées,  et  elle  procède  souvent 
par  épidémies.  11  n’est  pas  rare  de  la  voir  atteindre  à  Paris  plusieurs 
milliers  de  personnes  en  une  année  ;  elle  y  est  généralement  bénigne. 
On  a  observé  que  cette  maladie  acquérait  quelquefois  une  gravité  excep¬ 
tionnelle  principalement  dans  de  petites  localités,  en  province,  et  dans 
des  conditions  qui  ne  peuvent  être  interprétées  comme  rentrant  dans  le 
cadre  des  causes  d’insalubrité.  Ces  faits  sont  inexpliqués  jusqu’ici. 

Lsl  fièvre  à  rechute  (typhus  reeurrens,  relapsing  fever).,  s’est  montrée 
en  1842  et  1845,  dans  plusieurs  villes  d’Écosse  sous  la  forme  épidé¬ 
mique.  Griesinger  a  montré  que  cette  fièvre  devait  être  rapportée  au 
typhus,  dont  elle  serait  l’une  des  formes. 

Dès  le  dix-huitième  siècle,  pendant  une  épidémie  de  typhus  en  Irlande, 
Rutty  avait  signalé  le  caractère  particulier  de  la  maladie,  qui  consistait 
en  des  rémittences  marquées  avec  rechutes.  Depuis,  un  certain  nombre 
d’auteurs  anglaisent  signalé  le  même  caractère  dans  diverses  épidémies 
de  typhus  (Barker,  Rogan,  Horty,  Graves,  O’Brien,  Bateman,  etc.).  Depuis 
1842,  à  la  suite  de  l’épidémie  irlandaise,  la  relapsing  fever  a  été  observée 


218  ENDÉMIE.  —  maladies  endémiques  d’origine  miasmatique. 
sur  un  grand  nombre  de  points  du  Royaume-Uni.  En  1847,  on  la  décri¬ 
vait  (Dùmmler  et  Bærensprung)  dans  la  haute  Silésie  et  la  Galicie,  et  de¬ 
puis  elle  a  été  observée  sur  un  grand  nombre  de  points  de  l’Europe  du  Nord. 

Peste  (Peste  à  bubons,  Beulen-Pest) . — ^La  peste  qui  a  été  l’effroi 
des  peuples  de  la  Méditerranée  pendant  plusieurs  siècles,  semble  dis¬ 
paraître  ou  se  cantonner  du  moins  au  lieu  de  son  origine;  et  en  tout 
cas  elle  n’entre  plus  dans  les  préoccupations  des  hygiénistes  de  notre 
époque.  On  fait  remonter  la  première  apparition  en  Europe  de  la  peste, 
venue  d’Orient  en  543  ;  la  maladie  après  avoir  parcouru  l’Égypte  et  l’Asie 
Mineure,  entra  à  Constantinople  et  de  là  se  répandit  sur  notre  continent. 
On  trouve  des  traces  de  description  se  rapportant  à  cette  maladie  dans 
les  écrivains  anciens  qui  ont  relaté  les  épidémies  de  l’Orient  et  de  l’A¬ 
frique.  La  dernière  épidémie  importante,  la  peste  en  Europe,  a  eu  lieu  aa 
dix-huitième  siècle.  Il  y  en  a  eu  une  apparition  nouvelle  mais  plus  limitée 
en  Russie,  de  1826  à  1829. 

Le  siège  endémique  de  la  peste  est  l’Asie  Mineure  et  l’Égypte  d’où  elle 
a  souvent  rayonné  jusqu’à  Constantinople,  et  sur  les  côtes  de  la  mer 
Noire.  Smyrne  a  été  souvent  visitée  par  la  peste,  ainsi  que  Trébizonde,. 
Erzerum  ;  elle  s’est  montrée  plusieurs  fois  dans  l’ouest  de  la  Perse. 

Nous  donnons  ici  les  conclusions  du  rapport  dePrus  [Acad.  roy.  deméd. 
Paris,  1846,  t.  XI,  p.  839)  relativement  aux  conditions  d’endémicité  de 
la  peste  :  «  1"  On  a  vu  la  peste  naître  spontanément,  non-seulement  en 
Égypte,  en  Syrie  et  en  Turquie,  mais  encore  dans  un  grand  nombre 
d’autres  contrées  d’Asie,  d’Afrique  et  d’Europe.  2“  Dans  tous  les  pays  où 
l’on  a  observé  la  peste  spontanée,  son  développement  a  pu  être  ration¬ 
nellement  attribué  à  des  causes  déterminées  agissant  sur  une  grande 
partie  de  la  population.  Ces  causes  sont  surtout  l’habitation  sur  des  ter¬ 
rains  d’alluvion  ou  sur  des  terrains  marécageux,  près  de  la  Méditerranée 
ou  près  de  certains  fleuves,  le  Nil,  , l’Euphrate  et  le  Danube  ;  des  maisons 
basses,  mal  aérées,  encombrées  ;  un  air  chaud  et  humide,  l’action  de 
matières  animales  et  végétales  en  putréfaction,  une  alimentation  mal¬ 
saine  et  insuffisante,  une  grande  misère  physique  et  morale.  3°  Toutes 
ces  conditions  se  trouvant  réunies  chaque  année  dans  la  basse  Égypte,  la 
peste  est  endémique  dans  cette  contrée,  où  on  la  voit  presque  tous  les 
ans  sous  la  forme  sporadique,  et,  tous  les  dix  ans  environ,  sous  la  forme 
épidémique.  4°  L’absence  dans  l’ancienne  Égypte  de  toute  épidémie  pesti¬ 
lentielle  pendant  le  long  espace  de  temps  qu’une  administration  éclairée 
et  vigilante  et  une  bonne  police  sanitaire  ont  lutté  victorieusement  contre 
les  causes  productrices  de  la  peste,  justifie  l’espérance  que  l’emploi  des 
mêmes  moyens  serait  suivi  des  mêmes  résultats.  5°  L’état  de  la  Syrie,  de 
la  Turquie,  de  la  régence  de  Tripoli,  de  celle  de  Tunis  et  du  Maroc  étant 
à  peu  près  le  même  qu’aux  époques  où  des  épidémies  de  peste  s’y  sont 
montrées  spontanément,  rien  n’autorise  à  penser  que  des  épidémies  sem¬ 
blables  ne  pourraient  pas  y  éclater  encore.  6“  La  peste  spontanée  paraît 
peu  à  craindre  pour  l’Algérie,  parce  que  d’une  part,  les  Arabes  et  les 
Kabyles  vivant  les  uns  sous  la  tente,  les  autres  dans  des  demeures  placée 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉ31IQDES  d’oRIGIKE  MIASMATIQUE.  219 

au  sommet  ou  dans  les  flancs  des  roches,  ne  peuvent  engendrer  la  ma¬ 
ladie,  et,  d’autre  part,  parce  que  l’assainissement  de  plusieurs  parties 
marécageuses  et  les  améliorations  vraiment  remarquables  déjà  apportées 
dans  la  construction  et  la  police  du' petit  nombre  des  villes  existantes, 
semblent  une  garantie  suffisante  contre  le  développement  spontané  de  la 
peste.  7“  Les  progrès  de  la  civilisation  et  une  application  générale  et 
constante  des  lois  de  l’hygiène,  peuvent  seuls  nous  fournir  les  moyens 
de  prévenir  le  développement  de  la  peste  spontanée.  8“  Lorsque  la  peste 
a  sévi  avec  violence  en  Afrique,  en  Asie  et  en  Europe,  elle  s’est  toujours 
montrée  avec  les  principaux  caractères  des  maladies  épidémiques.'  9°  La 
peste  sporadique  diffère  de  la  peste  épidémique,  non-seulement  par  le 
petit  nombre  d’individus  atteints  de  la  maladie,  mais  encore  et  surtout 
parce  quelle  ne  présente  pas  les  caractères  appartenant  aux  maladies 
épidémiques.  10°  La  peste  se  propage  à  la  manière  de  la  plupart  des  ma¬ 
ladies  épidémiques,  c’est-à-dire  par  l’air  et  indépendamment  de  l’in¬ 
fluence  que  peuvent  exercer  les  pestiférés.  11°  L’inoculation  du  sang  tiré 
de  la  veine  d’un  pestiféré  ou  du  pus  d’un  bubon  pestilentiel  n’a  fourni 
que  des  résultats  équivoques  ;  l’inoculation  de  la  sérosité  prise  dans  la 
phlyctène  d’un  charbon  pestilentiel  n’a  jamais  donné  la  peste:  il  n’est 
donc  pas  prouvé  que  la  peste  puisse  se  transmettre  par  inoculation.  12°  Un 
examen  attentif  et  sévère  des  faits  contenus  dans  la  science  établit,  d’une 
part,  que  dans  les  foyers  épidémiques  le  contact  immédiat  de  milliers  de 
pestiférés  est  resté  sans  danger  pour  ceux  qui  l’ont  exercé  à  l’air  libre  ou 
dans  des  endroits  bien  ventilés  ;  et  d’une  autre  part,  qu’une  observation 
rigoureuse  ne  démontre  pas  la  transmissibilité  de.  la  peste  par  le  seul 
contact  des  malades.  »  (Bulletin  de  l’Académie  deméd.,  t.  XI,  p.  841.) 

Ces  conclusions  que  nous  ne  reproduisons  pas  dans  leur  entier  montrent 
combien  on  s’est  donné  de  peine  à  une  époque  encore  voisine  de  la  nôtre, 
pour  démontrer  que  des  maladies  épidémiques  et  contagieuses  par  excel¬ 
lence  n’étaient  pas  contagieuses  ni  spécifiques.  Quant  aux  règles  d’hygiène 
véritablement  insuffisantes,  dont  on  se  contentait  à  l’époque  où  a  paru  le 
rapport  précédent,  elles  ne  doivent  être  relatées  qu’à  titre  de  document 
historique.  Quoiqu’il  en  soit,  la  peste  a  été  et  reste  une  maladie  endé¬ 
mique  sujette  à  des  exacerbations  épidémiques,  mais  dont  l’intensité  pa¬ 
raît  décroître  de  jour  en  jour. 

Choléra.  —  Cette  maladie  porte  en  général  le  nom  du  lieu  d’où  elle 
provient  :  choléra  asiatique  ou  indien.  Le  choléra  est  donc  une  maladie 
endémique  dans  l’Inde.  La  commission  sanitaire  réunie  à  Constantinople 
en  1866,  à  l’occasion  de  la  dernière  invasion  du  choléra  en  Europe,  a  adopté 
à  l’unanimité  la  conclusion  suivante  ;  «  Le  choléra  asiatique,  celui  qui,  à 
diverses  reprises  a  parcouru  le  monde,  a  son  origine  dans  l’Inde  où  il  a 
pris  naissance  et  où  il  existe  en  permanence  à  l’état  endémique.  »  Cette 
même  commission  tout  en  admettant  comme  incontesté  que  nul  autre 
pays  que  l’Inde  n’a  donné  lieu  à  l’endémie  et  aux  épidémies  cholériques, 
a  cru  cependant  devoir  examiner  attentivement  cette  question  par  rap¬ 
port  aux  provinces  limitrophes  de  l’Inde,  c’est-à-dire  l’Indo-Chine,  la 


220  ENDÉMIE.  —  maladies  e.ndémiqdks  d'oi\igise  miasmaïiüue. 

Chine,  les  îles  de  l’archipel  indien,  l’Afghanistan  et  une  partie  de  la  pé¬ 
ninsule  arabique  où  de  nombreuses  épidémies  ont  eu  lieu  depuis  quel¬ 
ques  années.  Il  est  résulté  de  cette  enquête  qu’on  ne  pouvait  pas  absolu¬ 
ment  exclure  l’idée  d’une  endémie  directement  développée  dans  ces  pays. 

Quant  à  l'Europe,  à  la  Turquie  d’Asie,  au  nord  de  l’Afrique  et  à 
l’Amérique,  il  paraît  certain  que  le  choléra  n’y  naît  point  et  y  a  toujours 
été  importé.  La  commission  de  Constantinople  a  donc  adopté  la  conclu¬ 
sion  suivante  :  «  Le  choléra  asiatique  envahissant  ne  s’est  jamais  développé 
spontanément  et  n’a  jamais  été  observé  à  l’état  à’ endémie  dans  aucun  des 
pays  ci-dessus  nommés,  et  il  y  est  toujours  venu  du  dehors.  » 

Quant  au  foyer  constant  du  choléra,  au  lieu  où  il  est  étroitement  ren¬ 
fermé,  à  son  origine,  quant  aux  .circonstances  locales  qui  contribuent  à 
sa  production,  voici  comment  s’exprime  Eauvel  :  «  L’existence  du  choléra 
dans  l’Inde,  de  temps  immémorial  est  un  fait  si  bien  établi  par  les  nom¬ 
breuses  recherches  faites  à  ce  sujet  qu’il  est  inutile  de  le  confirmer.  De 
même,  de  nombreux  documents  avaient  établi  que,  jusqu’à  notre  époque, 
cette  maladie  était  restée  confinée  en  quelque  sorte  sur  les  lieux  où  elle 
prenait  naissance. 

«  Les  épidémies  signalées  dans  l’Inde  au  siècle  dernier  en  font  foi.  Elles 
sévissaient  tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un  autre  de  la  superficie  de 
l’Inde,  sans  envahir  les  contrées  voisines. 

«  Ces  épidémies  avaient  même  cessé  de  se  reproduire  depuis  plus  de 
vingt  ans,  lorsque  se  déclara  la  grande  manifestation  de  1817.  A  partir 
de  ce  moment,  le  choléra  apparaît  avec  un  caractère  qu’on  ne  lui  con¬ 
naissait  pas,  il  devient  envahissant,  il  sort  de  ses  foyers  habituels ,  et  de 
l’Inde,  il  se  propage  au  loin. 

«  Telle  est  l’origine  des  épidémies  qui,  à  trois  reprises  différentes,  ont 
envahi  l’Europe,  en  1830,  en  1845  et  en  1865 . 

«  L’endémicité  du  choléra  dans  l’Inde  est  un  fait  hors  de  contestation. 
L’opinion  vulgaire  voulait  même  que  l'endémie  cholérique  eût  pour  foyer 
exclusif  le  delta  du  Gange,  et  pour  causes  les  miasmes  provenant  des 
alluvions  de  ce  fleuve  ;  d’où  la  conséquence  qu’en  assainissant  cette  région 

par  des  travaux  hydrauliques,  on  éteindrait  le  choléra . 

,  «  ...Il  est  certain  que  le  choléra  n’est  véritablement  endémique  que  sur 
des  points  limités  de  l’Inde,  dont  les  principaux  se  trouvent  en  eflet  dans 
la  vallée  du  Gange,  mais  dont  plusieurs  autres  occupent  des  régions  qui 
en  sont  très-éloignées.  Tels  sont  Arcot,  près  de  Madras,  et  Bombay,  sur 
la  côte  de  Malabar.  Toutefois  il  est  impossible,  dans  l’état  actuel  des  con¬ 
naissances  à  ce  sujet,  d’assigner  des  limites  bien  précises  aux  foyers  con¬ 
nus  d’endémie,  ni  même  d’affirmer  qu’en  dehors  des  points  signalés 
comme  tels,  il  n’y  en  ait  pas  d’autres.  De  ces  notions  incomplètes  ressort 
cependant  ce  fait  considérable  que  la  vallée  du  Gange  n’est  pas  le  théâtre 
exclusif  de  l’endémie  cholérique. 

«  Outre  les  foyers  permanents  du  choléra,  il  y  a  dans  l’Inde  ce  qu’on 
peut  appeler  les  foyers  périodiques  ;  ce  sont  certains  lieux  de  pèlerinage 
où,  chaque  année  à  l’époque  de  l’affluence  des  pèlerins ,  le  choléra  règne 


ENDÉMIE.  —  maladies  endémiques  D’oniciNE  hiasm.atique.  221 
épidémiqueraent.  A  part  ces  deux  ordres  de  foyers,  il  résulte  des  docu¬ 
ments  anglais  qu’en  définitive,  dans  la  majeure  partie  de  l’Inde,  et  sur¬ 
tout  dans  les  provinces  nord-ouest,  le  choléra  ne  fait  apparition  qu’à  des 
époques  indéterminées  et  sous  forme  épidémique . 

«  Il  eût  été  d’un  immense  intérêt  de  pouvoir  saisir  dans  ces  foyers  la 
cause  spéciale  à  laquelle  on  peut,  avec  probabilité,  attribuer  l’endémicité 
du  choléra.  Malheureusement,  il  n’a  pas  été  permis  à  la  conférence  d’ar¬ 
river  à  autre  chose  qu’à  un  résultat  négatif.  Aucune  des  suppositions 
faites  à  ce  sujet,  ni  les  alluvions  du  Gange,  ni  la  coutume  d’abandonner 
les  cadavres  au  cours  du  fleuve  sacré,  ni  la  ruine  des  grands  travaux  hy¬ 
drauliques  édifiés  autrefois  pour  l’aménagement  et  la  distribution  des 
eaux,  ni  les  conditions  du  sol,  ni  le  climat,  ni  les  habitudes,  ni  l’alimen¬ 
tation,  rien,  en  un  mot,  des  circonstances  invoquées  n’a  pu  résister  à  un 
examen  approfondi. 

«  Aujourd’hui  donc  encore  on  n’a  aucune  donnée  positive  sur  la  cause 
spéciale  ou  l’ensemble  de  causes  d’où  résulte  l’endémie  cholérique;  on  n’en 
connaît  que  certaines  circonstances  adjuvantes.  Et  cependant  la  permanence 
du  choléra  dans  certaines  localités  depuis  une  époque  récente,  ne  permet 
pas  de  douter  que  quelque  condition  spéciale  et  nouvelle  ne  se  soit  pro¬ 
duite  dans  ces  localités  mêmes. 


«  L’importance  des  pèlerinages  indiens,  de  ces  agglomérations  périodi¬ 
ques  dont  quelques-unes  réunissent,  à  un  moment  donné,  jusqu’à  un 
million  d’hommes  ne  saurait  être  méconnue.  Ces  agglomérations  où  toutes 
les  conditions  d’insalubrité  se  trouvent  réunies,  sont  la  plus  puissante  de 
toutes  les  causes  qui  favorisent  le  développement  et  l’extension  des  épi¬ 
démies  de  choléra  dans  l’Inde.  Elles  y  sont  à  la  fois  des  foyers  de  renfor¬ 
cement  et  des  foyers  propagateurs  de  la  maladie.  »  (Fauvel,  p.  13  à  17.) 

Guette  miliaire  [Suelte  des  Picards,  fièvre  miliaire).  —  Cette 
maladie  ne  paraît  pas  avoir  été  nettement  décrite  par  les  anciens  auteurs. 
Elle  affecte  habituellement  la  forme  épidémique,  mais  elle  se  localise 
dans  certaines  contrées  ;  c’est  en  cela  qu’elle  peut  rentrer  dans  la  classe 
des  endémies.  Les  premières  descriptions  de  la  suette  épidémique  remon¬ 
tent  à  la  fin  du  quinzième  siècle  (1486)  et  au  commencement  du  seizième 
(1506,  1528.  Londres).  C’est  au  dix-huitième  siècle,  surtout,  qu’elle  a 
sévi  principalement  en  France  et  dans  quelques  parties  de  l’Allemagne. 
Sur  129  épidémies  observées  en  France,  de  1715  à  1856,  et  qui  ont 
sévi  sur  43  départements ,  on  trouve  que  le  plus  grand  nombre  se  sont 
montrées  dans  la  Franche-Comté,  l’Alsace,  la  Lorraine,  la  Champagne,  la 
Picardie,  la  Normandie,  Seine-et-Oise,  Seine,  etc.;  plus  rarement  la 
maladie  est  apparue  dans  les  départements  du  Centre  et  du  Sud-Ouest. 

En  Allemagne,  la  suette  s’est  montrée  à  la  fin  du  dix-septième  siècle  et 
au  commencement  du  dix-huitième,  puis  au  commencement  du  dix- 
neuvième,  1828,  1836,  1838  et  1839. 

En  Italie,  elle  est  apparue,  de  1715  à  1720,  à  Turin,  et,  dans  les 
années  qui  suivirent,  elle  sévit  sur  différentes  provinces  des  États  sardes; 


222  ENDÉMIE.  —  maladies  e.ndémiques  d’okigike  miasmatique. 
en  1829  il  y  en  eut  une  épidémie  en  Lombardie;  en  1836,  en  Toscane, 

En  Espagne  (Biscaye)  il  y  en  a  eu  une  épidémie  en  1849. 

Cette  maladie  paraît  inconnue  en  Amérique  ;  elle  n’a  pas  été  étudiée 
en  Asie  ni  en  Afrique. 

Influence  des  saisons.  —  Si  l’on  consulte  la  statistique,  on  trouve  que 
cette  influence  est  manifeste;  ainsi,  sur  130  épidémies,  dont  Hirsch  a  fait 
le  relevé,  on  en  trouve  44  au  printemps,  60  en  été,  20  en  hiver,  et 
6  seulement  en  automne. 

Quant  à  la  constitution  géologique  et  à  l’élévation ,  on  ne  peut  tirer 
aucune  conclusion  des  épidémies  observées,  attendu  qu’elles  ont  sévi 
dans  les  pays  les  plus  divers  et  les  moins  comparables  quant  au  sol  et 
quant  à  l’altitude. 

Il  en  est  de  même  de  l’habitation  et  des  conditions  sociales.  La  maladie 
paraît  avoir  sévi  principalement  dans  les  petites  localités,  dans  les  villages, 
dans  les  habitations  isolées,  en  pleine  campagne,  et  non  dans  les  villes  ni 
dans  les  agglomérations  d’hommes  ;  elle  ne  reconnaît  pour  cause  ni 
l’insalubrité  des  habitations,  ni  l’encombrement,  ni  la  misère. 

.  On  a  observé  plusieurs  fois  la  coïncidence  des  épidémies  de  suette  et 
des  épidémies  de  choléra. 

Fîêvpe  jaune  (Vomito  negro,  Yellow  fever,  fièvre  bilieuse  d’Amé¬ 
rique,  typhus  amarille,  etc.). — .  Cette  maladie,  éminemment  infectieuse 
et  contagieuse ,  qui  procède  par  épidémies  et  constitue  l’un  des  plus 
grands  fléaux  de  l’espèce  humaine,  appartient  en  propre  au  nouveau 
monde  et  ne  peut  s’acclimater  dans  l’ancien. 

D’après  l’historien  Herrera,  d’après  Rochefort,  1667  ;  Dutertre,  1667  ; 
Raymond  Breton ,  1655  ;  la  fièvre  jaune  a  été  observée  aux  Antilles  depuis 
que  ces  îles  sont  connues  des  Européens.  Les  Espagnols  l’y  trouvèrent  à 
l’état  endémique  parmi  les  naturels  du  pays.  D’après  Webster,  1 799,  la 
fièvre  jaune  sévissait  sur  le  continent  américain  parmi  les  Indiens  de¬ 
puis  la  côte  est  jusqu’ au  Massachusetts  de  1618  à  1623.  Depuis,  on  observe 
périodiquement  ou  constamment  la  fièvre  jaune  à  l’état  en  déni  o -épidémi¬ 
que  au  Mexique,  à  la  Nouvelle-Grenade,  à  Venezuela  et  sur  tout  le  littoral 
de  l’Amérique  centrale  et  du  Sud. 

D’après  Boudin,  le  théâtre  habituel  de  la  fièvre  jaune  est  représenté 
par  tout  le  littoral  du  golfe  du  Mexique  et  de  la  mer  des  Antilles  ;  cepen¬ 
dant  elle  a  été  observée  aussi  sur  le  littoral  américain  de  l’océan  Pacifique 
et  à  Acapulco,  en  1833,  et  même  au  Pérou  et  au  Chili,  en  1854.  Hirsch 
donne  de  nombreux  tableaux  des  épidémies  qui  ont  régné  dans  les  diverses 
contrées'de  l’Amérique  depuis  le  siècle  dernier  jusqu’à  nos  jours.  La  ma¬ 
ladie  paraît  avoir  été  observée  pour  la  première  fois  à  la  Guyane,  en  1793  ; 
à  Surinam,  en  1836  ;  à  Cayenne,  en  1802  et  en  1850;  au  Brésil,  en  1849. 

La  fièvre  jaune  a  été,  à  diverses  reprises,  importée  par  des  navires  en 
Europe,  principalement  en  Espagne,  à  Cadix,  en  1730  ;  à  Malaga,  en  1741  ; 
à  Cadix  de  nouveau,  en  1764  et  1780  et  en  1800,  d’où  elle  se  répandit 
dans  l’intérieur  du  pays  jusqu’à  Séville.  En  1810,1a  fièvre  jaune  semontra 
de  nouveau  en  Espagne,  à  Cadix,  Carthagène  et  Gibraltar.  En  1819,  elle 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’oMGIKE  MIASMATIQUE.  223 

.fut  de  nouveau  importée  et  sévit  sur  plusieurs  villes  d’Espagne,  Cadix, 
Xérès,  Séville,  Malaga,  et,  en  1821,  à  Barcelone  et  en  Catalogne;  en  1828, 
à  Gibraltar.  Lisbonne  a  été  ravagée  par  la  fièvre  jaune,  en  1723  et  en 
1857.  On  l’a  vue  apparaître  accidentellement  en  France,  à  Brest,  en 
1857,  et  à  Saint-Nazaire  en  1861.  (Mêlier.)  Elle  s’est  montrée  également 
dans  quelques  villes  du  littoral  de  l’Angleterre,  à  Portsmouth;  en  Italie, 
à  Livourne,  etc.;  sur  la  côte  occid&ntale  d’Afrique  ,  aux  îles  Canaries. 

Certaines  conditions  paraissent  favoriser  le  développement  de  la  fièvre 
jaune  (Hirsch,  d’après  les  documentS'anglo-américains  et  français)  :  1°  elle 
sévirait  davantage  sur  les  individjûs  non  acclimatés  et,  parmi  ceux-ci, 
principalement  sur  ceux  qui  sont  nés  et  ont  été  élevés  dans  les  provinces 
plus  septentrionales.  2°  La  réceptivité  de  l’étranger  serait  en  raison  de  la 
durée  de  son  séjour  dans  la  zone  de  la  fièvre  jaune. 

Un  étranger,  même  acclimaté,  n’est  jamais  sûr  de  ne  pas  contracter  la 
lièvre  jaune. 

Les  indigènes,  qui  sont  bien  moins  exposés  à  la  maladie  que  les  étran¬ 
gers,  contractent  une  susceptibilité  analogue  à  celle  de  ceux-ci  lorsque 
après  avoir  quitté  leur  pays  pour  voyager  ou  résider  dans  des  contrées 
lointaines,  surtout  dans  des  pays  plus  froids ,  ils  retournent  au  lieu  de 
leur  naissance. 

Race.  —  Les  nègres  jouissent  d’une  immunité  spéciale  par  rapport  à 
la  fièvre  jaune,  même  ceux  qui  sont  récemment  importés  de  la  côte  d’A¬ 
frique  et  qui  ne  sont  pas  acclimatés. 

Influence  de  la  saison.  —  Dans  un  relevé  de  6(f’épidémies  de  fièvre 
jaune  observées  aux  Antilles,  fait  par  Hirsch,  on  trouve  qu’il  y  en  a  eu 
5  en  janvier,  6  en  février,  4  en  mars,  5  en  avril,  4  en  mai,  8  en  juin  , 
5  en  juillet,  août  et  septembre,  8  en  octobre,  4  en  novembre  et  3  en  dé¬ 
cembre.  On  ne  saurait  rien  conclure  de  ces  chiffres,  quant  à  l’influence 
des  saisons. 

Dans  d’autres  tableaux  empruntés  à  des  auteurs  qui  ont  observé  les 
épidémies  de  l’Amérique  du  Nord,  on  trouve  que  la  maladie  s’est  mon¬ 
trée  le  plus  souvent  à  la  fin  de  l’été  et  pendant  l’automne. 

Vinfluence  de  la  température  paraît  mieux  établie.  Toutes  les  observa¬ 
tions  faites  jusqu’ici  montrent  que  la  fièvre  jaune  ne  se  développe  guère 
qu’avec  une  température  dépassant  22“  centigr.  Une  chaleur  humide  pa¬ 
raît  favoriser  le  développement  de  cette  maladie. 

Parmi  toutes  les  circonstances  locales  que  l’on  a  signalées  comme 
étant  importantes  au  point  de  vue  de  la  préservation  de  la  fièvre  jaune, 
il  n’en  est  pas  de  mieux  démontrée  que  celle  de  l’élévation  du  ter¬ 
rain.  Un  terrain  élevé  préserve  de  la  fièvre  jaune.  Les  côtes  basses , 
humides  et  chaudes,  au  contraire,  favorisent  le  développement  de  cette 
maladie. 

On  a  voulu  trouver  une  analogie  entre  les  conditions  qui  font  naître  la 
fièvre  jaune  et  celles  qui  engendrent  les  fièvres  intermittentes  ;  mais  les 
arguments  fournis  pour  soutenir  cette  manière  de  voir  ne  sont  pas  de  na¬ 
ture  à  entraîner  la  conviction. 


224  ENDÉMIE.  —  maladies  endéhiqces  d’omgise  miasmatique. 

Fièvre  intermittente  (fièvre  de  marais,  fièvre  paludéenne,  au¬ 
tomnale,  périodique,  malaria,  etc.).  —  C’est  une  des  maladies  les  plus  ré¬ 
pandues  à  la  surface  du  globe,  soit  à  l’état  endémique  soit  sous  forme 
épidémique  ;  aucune  maladie  ne  dépend  plus  directement  du  sol,  et  par 
conséquent  n’est  plus  franchement  endémique.  L’influence  de  l’hygiène 
sous  la  forme  de  grands  travaux  agricoles  spéciaux,  est  telle  par  rapport  à 
cette  maladie,  qu’on  la  peut  faire  disparaître  complètement  d’une  contrée. 
La  diffusion  de  la  fièvre  intermittente  est  si  grande,  que  l’on  ne  saurait 
dans  un  court  exposé  passer  en  revue  tous  les  pays  où  elle  réside.  Aussi 
n’indiquerons-nous  que  les  principales  régions  de  son  domaine. 

C’est  entre  les  tropiques  quelle  sévit  surtout  et  dans  l’hémisphère 
boréal,  moins  dans  l’hémisphère  austral.  La  côte  ouest  d’Afrique,  c’est- 
à-dire  le  Sénégal,  la  baie  de  Guinée,  les  îles  du  Cap-Vert,  sont  des  pays 
où  la  maladie  sévit  en  permanence  et  avec  une  gravité  particulière.  Cette 
côte  est  couverte  de  marais  formés  par  les  embouchures  du  Sénégal,  du 
Niger  ou  de  la  rivière  de  Gambie.  La  côte  orientale  de  l’Afrique,  Mozam¬ 
bique  et  Zanzibar,  Madagascar,  sont  également  le  siège  de  la  fièvre  in¬ 
termittente  qui  est  presque  inconnue  aux  îles  de  France  et  de  la  Réunion. 
La  partie  haute  de  l’Abyssinie  en  est  exempte,  une  grande  partie  du 
continent  africain  du  Nord  y  est  au  contraire  fort  exposé.  En  Égypte,  les 
débordements  du  Nil  la  font  apparaître  d’une  façon  périodique.  Dans  la 
régence  de  Tripoli  elle  est  endémique.  La  fièvre  intermittente  est  la  ma¬ 
ladie  principale  de  l’Algérie,  et  elle  a  été  l’un  des  obstacles  les  plus  for¬ 
mels  opposés  à  la  colonisation;  elle  s’y  rencontre  à  l’état  endémique  dans 
la  province  d’Alger  (Mitidjah),  dans  celle  d’Oran,  dans  celle  de  Constantine 
(Bone),  à  Philippeviüe,  dans  l’oasis  de  Biskra. 

Sur  le  continent  américain,  les  fièvres  intermittentes  sont  rares  dans  la 
partie  sud,  malgré  la  présence  de  grands  marais  et  de  grands  fleuves  dont 
les  débordements  sont  périodiques.  Cependant  cette  immunité  n’est  pas 
telle  qu’on  le  pensait,  et  la  fièvre  intermittente  fait  de  grands  ravages  au 
Brésil,  ainsi  qu’en  Bolivie,  dans  la  république  de  l’Équateur  et  au  Pérou. 
Elle  sévit  aussi  dans  la  Guyane,  et  elle  est  endémique  aux  Antilles,  Ja- 
ma'ique,  Saint-Domingue,  Dominique,  Puertorico,  Martinique,  Trinidad, 
Saint-Thomas.  Dans  1  Amérique  centrale,  la  fièvre  intermittente  sévit  sur 
les  côtes  bases  de  l’océan  Atlantique,  et  épargne  les  hauts  plateaux..  Au 
Mexique,  la  partie  est,  comme  la  partie  ouest,  est  exposée  à  cette  maladie. 

Dans  l’Amérique  du  Nord,  la  fièvre  intermittente  est  endémique  dans 
les  pays  situés  sur  le  golfe  du  Mexique  (Texas,  Louisiane,  Mississipi,  Ala- 
bama.  Floride,  prairies  de  l’Ouest)  ;  elle  est  moins  répandue  dans  la 
Colombie  et  sur  les  rives  du  Rio  Colorado,  etc.  Ces  différents  États 
ne  sont  comparables  ni  par  l’altitude  ni  quant  aux  caractères  du  sol. 
Les  côtes  du  Pacifique  (Californie)  ne  sont  pas  exemptes  de  la  fièvre 
intermittente. 

Europe.  L’Espagne  et  le  Portugal  ont  la  fièvre  intermittente  à  l'état  en- 
démo-épidémique  ;  on  l’observe  surtout  dans  l’Andalousie,  dans  la  Cas¬ 
tille  et  l’Estramadure,  à  Valence,  à  Barcelone,  à  Malaga,  rarement  à 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’oRIGINE  MIASMATIQUE.  225 

Gibraltar.  Elle  règne  habituellement  aux  îles  Winorques,  de  Sardaigne  cl 
de  Corse,  tant  sur  les  côtes  que  dans  l’intérieur  du  pays. 

L’Italie  est,  en  Europe,  la  terre  classique  de  la  fièvre  intermittente 
(Piémont,  Turin,  Asti,  Alexandrie,  Vercelli,  Novare,  la  Lombardie  et  les 
Etats  de  Venise,  Mantoue,  Padoue)  ;  Gênes  jouit  sous  ce  rapport  d’une 
sorte  d’immunité.  La  Toscane  avec  ses  marais,  Livourne,  tout  le  sud  de 
l’Italie  (Naples),  ont  la  fièvre  intermittente  permanente.  C’est  surtout  dans 
la  campagne  romaine  qu’elle  règne  endémiquement  et  avec  un  caractère 
de  gravité  excessive,  enserrant  la  ville  de  Rome  de  plus  en  plus,  au  point 
d’en  rendre  quelques  quartiers  inhabitables  pendant  l’été  et  l’automne 
(mal’aria).  (Voy.  Fièvre  intermittente.  Géographie  médicale  ) 

En  Sicile,  la  fièvre  intermittente  est  très-répandue  et  très-grave  ;  elle 
est  rare  au  contraire  à  Malte.  Elle  est  très-commune  à  Corfou,  et  dans 
toutes  les  îles  de  la  Grèce,  sur  le  continent  grec  et  en  Turquie,  en  Mol¬ 
davie,  en  Valachie,  Bulgarie,  dans  les  provinces  danubiennes. 

En  France,  la  fièvre  intermittente  est  très-répandue.  Suivant  le  cours  de 
la  Loire,  ellerègne  à  l’état  endémo-épidémique  dans  la  Touraine  et  l’Anjou, 
dans  la  Sologne  (pays  de  marais),  dans  une  partie  du  Berry.  La  côte  de 
l’Océan  depuis  l’embouchure  de  la  Loire  jusqu’à  la  limite  pyrénéenne  pré¬ 
sente  un  grand  nombre  de  marais  où  se  développé  la  fièvre  intermittente 
(Vendée,  Charente-Inférieure,  les  landes  de  Gascogne,  Bordeaux).  Le 
Languedoc  jusqu’à  Marseille  est  également  le  siège  de  la  fièvre  intermit¬ 
tente  (Narbonne,  Béziers,  Celte,  Montpellier,  et  surtout  la  Camargue,  le 
Delta  du  Rhône).  Entre  le  Rhône  et  la  Saône  existe  un  pays  où  la  fièvre 
est  endémique,  pays  de  marais,  c’est  la  Bresse,  la  Bombes  (Ain).  La 
fièvre  intermittente  est  aussi  endémique  aux  pieds  des  monts  Auvergnes 
dans  la  Limagne. 

En  Allemagne,  la  fièvre  intermittente  est  peu  répandue  dans  les  pays  du 
Nord  et  de  l’Ouest.  Elle  est  plus  fréquente  dans  les  régions  Danubiennes 
et  le  Tyrol.  Elle  est  commune  en  Hongrie,  en  Esclavonie  et  en  Croatie 
(terrains  marécageux),  en  Istrie  et  en  Dalmatie.  En  Istrie,  la  maladie  a 
une  telle  gravité  qu’on  lui  a  quelquefois  attribué  une  part  de  d/5  dans  la 
mortalité  totale  du  pays. 

La  Hollande,  eu  égard  à  sa  situation  exceptionnelle,  à  son  terrain  bas 
et  conquis,  sur  la  mer,  à  ses  canaux,  semblait  prédisposée  plus  que  tout 
autre  pays  à  la  fièvre  intermittente,  et  cependant  cette  maladie  y  est  re¬ 
lativement  rare. 

L’Angleterre  jouit  dans  la  plus  grande  partie  de  son  territoire  d’une 
complète  immunité  par  rapport  à  la  fièvre  intermittente. 

Dans  les  États  du  Nord  (Suède,  Norwége,  Danemark),  la  fièvre  inter¬ 
mittente  se  montre  assez  souvent  à  l’état  endémo-épidémique  ;  elle  est 
très-rarement  observée  dans  les  provinces  du  nord  de  la  Russie. 

Asie.  — Presque  toutes  les  côtes  de  l'Asie  Mineure  présentent  la  fièvre 
intermittente  à  l’état  endémique.  Elle  règne  avec  une  grande  intensité 
sur  les  bords  du  golfe  Persique,  à  Mascate  et  dans  l’intérieur  des  terres  , 
sur  les  bords  du  Tigre,  en  Mésopotamie.  On  la  rencontre  sur  les  bords 

Koev.  MCI.  MÊD.  ET  CHIR.  XIII.  -  15 


226  ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  D  ORIGI-NE  MIASMATIQUE. 

de  la  mer  Caspienne;  elle  est  endémique  dans  l’Afghanistan,  et  dans 
presque  toute  l’Inde  anglaise.  Elle  règne  endémiquement  et  avec  une 
gravité  extrême  à  Ceylan,  dans  l’archipel  Indien,  Java,  Bornéo,. Su¬ 
matra,  aux  Moluques,  etc. 

La  fièvre  intermittente  règne  endémiquement  étalés  caractères  les  plus 
graves  sur  les  côtes  sud  et  sud-ouest  de  la  Chine,  à  Canton,  Hong-Kong,. 
Chusan. 

Dans  les  îles  australiennes,  la  fièvre  intermittente  est  presque  complè¬ 
tement  inconnue  malgré  les  conditions  en  apparence  les  plus  favorables  à 
sa  production  (chaleur  et  marais) . 

La  fièvre  intermittente  est  donc  la  plus  répandue  de  toutes  les  mala¬ 
dies,  et  elle  mérite  bien  d’être  appelée  pandémique,  c’est-à-dire  de  tous 
les  pays. 

Quant  aux  différentes  formes  de  la  maladie ,  la  fièvre  intermittente 
simple  est  surtout  observée  en  dehors  des  pays  intertropicaux  et  princi¬ 
palement  en  Europe  ;  la  rémittente,  la  fièvre  pernicieuse  surtout  dans  les 
pays  intertropicaux,  en  Sénégambie,  Zanzibar,  à  Madagascar,  dans  le 
nord  de  l’Afrique,  en  Algérie,  dans  la  haute  Égypte,  au  sud  de  la  Nubie, 
dans  les  parties  marécageuses  du  Rio-de-Janeiro,  dans  les  États  voisins 
du  golfe  du  Mexique  ;  en  Europe,  sur  les  côtes  de  Corse,  en  Sardaigne,, 
dans  certaines  parties  de  l’Italie  et  de  la  Sicile,  en  Hongrie,  et  en  Asie, 
dans  l’Inde.  Il  n’y  en  a  en  France  que  des  cas  isolés. 

Nous  trouvons  le  type  quotidien  et  tierce  doublé  principalement  dans 
les  pays  tropicaux  et  en  général  dans  les  pays  chauds  (côtes  occidentales 
d’Afrique,  Algérie,  Brésil,  Guyane,  Antilles,  Texas,  Corse  ,  Corfou  ,  Tur¬ 
quie,  Indes  anglaises,  Syrie).  Le  type  tierce  est  le  plus  répandu  principa¬ 
lement  dans  les  pays  tempérés,  le  type  quarte  est  plus  rare,  ainsi  que  les 
autres  types  à  retours  éloignés. 

Races.  — ^  Il  n’y  a  point  de  races  ni  de  nationalités  qui  jouissent  d’une 
immunité  particulière  par  rapport  à  la  fièvre  intermittente.  Cependant  la 
race  nègre  y  paraît  beaucoup  moins  disposée  que  les  autres,  non-seulement 
dans'son  pays  natal  (Afrique),  mais  lorsqu’elle  est  transportée  dans  d’au¬ 
tres  pays  où  règne  la  fièvre  intermittente. 

Quant  à  l’acclimatation,  elle  n’existe  point  à  proprement  parler;  il 
est  certain  que  les  races  étrangères  transportées  à  titre  de  colons  ou  de 
soldats  dans  les  pays  où  règne  la  fièvre  intermittente  y  sont  plus  exposées- 
que  les  indigènes. 

L’influence  de  la  saison  est  très-réelle,  mais  la  fièvre  intermittente  sévit 
en  des  saisons  différentes  suivant  les  pays  ;  d’après  Hirsch,  en  Sénégambie 
et  sur  les  côtes  de  Guinée,  la  fièvre  se  montre  au  mois  de  juin,  septembre  et 
octobre  ;  en  Sierra-Leone,  au  commencement  et  à  la  fin  des  pluies  ;  en 
Zanzibar,  aux  changements  des  moussons,  de  mars  à  mai  et  d’octobre  à 
décembre  ;  en  Abyssinie ,  en  Nubie ,  dans  les  provinces  nord-ouest  de 
l’Inde,  dans  l’archipel  indien  et  la  Chine,  la  fièvre  se  montre  après  les 
pluies  et  dure  jusqu’à  la  saison  froide;  dans  l’Amérique  centrale,  au  Bré- 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  ENDÉMIQUES  d’oRIGISE  MIASMATIQUE.  227 

sil,  au  moment  de  la  sécheresse  ;  elle  dure  ici  de  novembre  à  mai  et  là 
d’avril  à  juin. 

En  Égypte,  à  Alger,  dans  l’Amérique  du  Nord,  en  Syrie,  en  Asie  Mi¬ 
neure,  Perse,  Caucase,  Hongrie,  Turquie,  Grèce,  Italie,  Espagne  ,  le  Sud 
de  la  France,  la  fièvre  sévit  surtout  au  milieu  de  l’été,  entre  juin  et  août, 
plus  rarement  en  septembre,  etc. 

L’influence  de  l’état  atmosphérique  semble  se  résumer  dans  la  pro¬ 
position  suivante  :  les  épidémies  de  fièvres  intermittentes  sont  d’autant 
plus  graves  qu’un  été  plus  chaud  succède  à  un  printemps  très-pluvieux 
ou  qu’un  été  très-chaud  est  suivi  de  grandes  pluies  automnales. 

L’influence  de  la  chaleur  est  évidente;  nous  l’avons  montré  par  l’endé¬ 
micité  et  la  gravité  spéciale  de  la  maladie  dans  les  pays  intertropicaux , 
elle  se  montre  aussi  dans  ce  fait  que  dans  les  pays  tempérés  la  maladie 
cesse  toujours  au  commencement  de  l’hiver. 

L’élévation  peut  jouer  un  certain  rôle  dans  quelques  contrées,  mais  il 
n’y  a  point  que  les  pays  bas  et  humides  qui  soient  exposés  à  la  fièvre 
intermittente;  les  plus  hauts  plateaux  n’en  sont  point  exempts,  témoin  le 
Mexique,  le  Pérou,  etc.  L’influence  de  la  constitution  géologique  n’est 
guère  plus  prouvée.  Les  pays  marécageux  dans  lesquels  le  sous-sol  est 
peu  perméable,  et  où  la  putréfaction  végétale  s’opère  sous  l’influence 
de  la  chaleur  ont  été  de  tous  temps  considérés  comme  fournissant  les 
conditions  les  plus  favorables  au  développement  de  la  fièvre  intermit¬ 
tente  ;  on  a  cru  trouver  la,  cause  directe  et  spécifique  de  cette  fièvre  dans 
certains  végétaux.  D’autre  part,  le  mélange  de  l’eau  douce  et  de  l’eau  de 
mer  dans  certains  marais  des  côtes  paraît  favoriser  particulièrement  le 
développement  de  la  fièvre  intermittente.  Diverses  théories  et  explications 
ont  été  proposées  pour  expliquer  ce  fait.  Dans  l’état  actuel  de  la  science 
et  après  les  grandes  enquêtes  qui  ont  été  faites  sur  les  différentes  parties 
du  globe,  aucune  de  ces  explications  n’a  paru  susceptible  d’être  généralisée. 

Léon  Colin  a  établi,  par  des  démonstrations  irréfutables,  que  les  fièvres 
intermittentes  dépendaient  non  pas  seulement  des  miasmes  des  marais, 
mais  aussi  et  surtout  des  influences  telluriques. 

Grîesinger  [Traité  des  maladies  infectieuses)  avait  dit  déjà,  en  par¬ 
lant  des  pays  intertropicaux  :  «  A  peine  peut-on  trouver  dans  ces  pays 
quelque  lieu  élevé  ou  quelque  formation  géologique  particulière  qui  en 
soit  complètement  à  l’abri.  »  Léon  Colin  propose  donc  de  remplacer 
l’expression  ü! intoxication  palustre  par  celle  d’intoxication  tellurique,  en 
se  fondant  sur  les  raisons  suivantes  :  «  L’apparition  des  fièvres  intermit¬ 
tentes  n’est,  dit-il,  subordonnée  :  1°  ni  à  l’existence  de  foyers  marécageux 
dans  la  zone  tropicale,  surtout  là  où  le  sol  est  assez  riche  et  assez  échauffé 
par  le  soleil  pour  suffire  à  la  production  du  miasme  fébrigène  le  plus 
énergique  ;  2“  ni  aux  conditions  géologiques  locales,  puisque  ces  fièvres 
peuvent  apparaître  sur  des  terrains  de  formations  très-diverses;  5°  ni  enfin 
à  la  distribution  géographique  de  certaines  plantes,  puisque  les  plus 
grandes  différences  peuvent  exister  entre  les  espèces  végétales  de  régions 
également  atteintes. 


228 


ENDÉMIE.  —  MALA 


VIRULENTES. 


D’ailleurs  les  marais  ne  produisent  les  fièvres  intermittentes  que  là  où 
existe  une  température  assez  élevée  ;  aussi  les  marais  sont-ils  inoffensifs  au 
nord  du  60®  degré  de  latitude  nord,  constamment  nuisibles  sous  les 
tropiques,  et  nuisibles  seulement  dans  la  saison  chaude,  dans  les  climats 
tempérés.  Cette  influence  tellurique  ne  peut  s’étendre  que  de  la  surface, 
et  non  des  profondeurs  de  la  terre.  Il  n’y  a  point  de  danger  de  cette 
nature  à  pénétrer  dans  les  couches  profondes,  et  les  mineurs  sont  bien 
moins  exposés  à  la  fièvre  intermittente  que  les  ouvriers  employés  au 
défrichement  de  la  terre. 

L’aménagement  du  sol  sans  aération  et  sa  culture  sont  les  principaux 
obstacles  à  opposer  au  développement  de  la  fièvre  intermittente. 

Nous  avons  indiqué  brièvement  quelques-unes  des  circonstances  clima¬ 
tériques  et  météorologiques  qui  influent  sur  les  endémies.  Il  nous  reste  à 
parler  des  maladies  de  nature  virulente. 

Maladies  VIRULENTES.  —  Parmi  les  maladies  qui  se  transmettent  d’homme 
à  homme,  ou  des  animaux  à  l’homme,  if  en  est  quelques-unes  qui  appar¬ 
tiennent  à  l’ensemble  de  l'humanité  et  qui  sont  cosmopolites.  Telles  sont 
les  maladies  éruptives  exanthématiques,  rougeole,  scarlatine,  variole,  qui 
ne  sont  point  de  provenance  spéciale  et  n’appartiennent  point  actuelle¬ 
ment  à  une  contrée  en  particulier.  Originairement  elles  ont  pu  être  et 
demeurer  longtemps  cantonnées;  historiquement  on  les  a  vu  apparaître 
à  un  moment  donné  sous  la  forme  de  grandes  et  nouvelles  épidémies, 
mais  actuellement  elles  sont  pandémiques  et  procèdent  par  exacerbations 
épidémiques.  11  en  est  de  même  de  la  coqueluche,  des  angines  diphthé- 
riques.  Il  n’y  a  point  de  pays  où  ces  maladies  stationnent  et  résident 
constamment,  et  les  circonstances  de  milieu  qui  en  favorisent  le  dévelop¬ 
pement  échappent  à  notre  appréciation. 

D’autres  maladies  contagieuses  échappent  également  à  toute  tentative 
de  cantonnement  géographique  artificiel,  et  ne  sauraient  être  réputées 
endémiques  dans  le  sens  littéral  du  mot.  Telles  sont  les  maladies  transmises 
par  les  animaux  à  l’homme,  et  connues  sous  le  nom  de  morve,  farcin, 
pustule  maligne.  Leur  origine  bien  connue,  les  agents  de  leur  trans¬ 
missions,  qui  n’ont  plus  rien  de  mystérieux,  les  circonstances  de  saisons, 
de  climat,  qui  les  engendrent,  offrent  sans  doute  un  intérêt  particulier, 
mais  cependant  bien  inférieur  à  celui  des  maladies  graves  infectieuses 
vraiment  endémo-épidémiques  que  nous  avons  citées  plus  haut. 

Quelques  maladies  virulentes  spéciales  méritent  une  description 
particulière,  à  cause  de  leur  diffusion  en  certaines  circonstances  et  de 
leur  caractère  endémo-épidémique  manifeste.  Telle  est,  par  exemple, 
Vophthalmie  purulente. 

Ophthalmie.  —  Certaines  maladies  des  yeux  peuvent  être  considérées 
comme  étant  endémiques  dans  des  contrées  spéciales  ;  d’autres  ont 
fourni  nombre  d’épidémies  sévissant  sur  une  population  particulière  et 
dans  des  lieux  déterminés,  se  rapprochant  ainsi  des  conditions  propres 
aux  endémies.  Parmi  ces  affections,  celle  qui  a  donné  lieu  aux  remar¬ 
ques  les  plus  importantes  et  motivé  les  plus  sérieuses  enquêtes ,  est 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  VIRDLEKTES. 


£29 


ou  l’oplithalmie  conjonctivite  purulente.  L’historique  de  celte  question  a 
été  exposé  avec  le  plus  grand  soin  par  Laveran  et  Lustreman  (1857),  d’a¬ 
près  les  documents  recueillis  au  congrès  ophthalmologique  de  Bruxelles. 
D’après  ces  auteurs,  au  commencement  de  ce  siècle,  on  vit  se  développer 
successivement,  en  Europe,  dans  l’armée  anglaise,  dans  les  régiihents 
italiens,  dans  les  armées  prussienne,  autrichienne,  russe,  belge,  une 
ophthalmie  très -grave  se  propageant  avec  une  extraordinaire  facilité. 
On  ignorait  son  origine,  qu’on  faisait  remonter  à  l’expédition  d’Égypte, 
en  1798. 

Cette  maladie  endémo- épidémique  des  troupes  militaires  reçut  les 
noms  les  plus  divers  :  ophthalmie  d'Egypte,  des  Orientaux,  épidémique, 
purulente,  contagieuse,  blennorrhée  oculaire ,  conjonctivite  purulente  ou 
granuleuse. 

Les  différentes  épidémies  dont  on  a  conservé  des  récits  sont ,  pour 
l’ar-mée  anglaise,  celles  d’Égypte  (1798),  de  Malte  (1802)  et  de  Gibral¬ 
tar.  Cette  maladie  était  connue  dans  l’armée  anglaise  et  en  Angleterre, 
même  avant  la  fin  du  siècle  dernier,  sous  le  nom  de  ocular  diseuse. 
En  1840,  2,507  soldats  anglais  furent  atteints  de  cécité  absolue.  Ce  n’est 
pas  seulement  sur  les  soldats,  c’est  aussi  dans  les  asiles  d’enfants  et  dans 
les  asiles  consacrés  à  la  misère  en  général  que  l’ophthalmie  a  sévi  en  An¬ 
gleterre.  En  1809,  se  produisit  une  grave  épidémie  d’ophthalmie  dans  le 
military  Asylum  de  Chelsea,  consacré  aux  enfants,  392  en  furent  atteints  ; 
en  1808,  il  y  en  eut  230  cas,  en  1809,  240. 

Dans  les  workhouses  d’Irlande  on  a  compté,  de  1849  à  1853, 
134,838  cas  d’ophthalmie  épidémique;  sur  ce  nombre  il  y  eut  1363  ma¬ 
lades  privés  d’un  œil,  578  atteints  de  cécité  complète. 

Des  faits  analogues  ont  été  observés  dans  plusieurs  armées  étrangères. 
En  Italie  (1808),  une  épidémie  d’ophthalmie  atteignit  80  hommes  sur 
1700  à  Yicence.  D’autres  villes  présentèrent  de  semblables  foyers  (Pa- 
doue,  Parme,  Mantoue,  Vérone).  En  1812,  l’épidémie  atteignit  179  ma¬ 
lades  à  Vérone,  au  mois  d’août.  La  maladie  se  maintenait  dans  certains 
régiments  à  l’état  permanent(endémique).  Ainsi  l’ophthalmie  régnait  dans 
le  6®  de  ligne  depuis  sept  ans  :  «  Elle  avait  suivi  ce  régiment  en  Espagne, 
attaquant  les  recrues,  les  nouveaux  soldats  qui  étaient  incorporés  ,  alors 
que,  dans  les  mêmes  garnisons,  les  autres  régiments  étaient  épargnés. 
On  faisait  remonter  l’existence  de  ce  foyer  au  contact  que  les  soldats  ita¬ 
liens  avaient  eu  avec  les  soldats  français  revenant  d’Égypte.  De  1822  à 
1848,  diverses  épidémies  se  montrent  tant  sur  les  troupes  italiennes  que 
sur  les  autrichiennes  tenant  garnison  en  Italie.  » 

Prusse.  L’armée  prussienne  fut  atteinte  ,  dans  une  grande  proportion  : 
par  l’ophthalmie,  en  1813,  surtout  à  Mayence,  pendant  le  blocus.  En  1817, 
1818  et  1819,  de  graves  épidémies  se  montrèrent. 

L’armée  russe  eut  près  de  5,000  hommes  atteints  d’ophthalmie  pen¬ 
dant  la  campagne  de  Érance.  En  1817  et  1819,  il  y  eut  de  grandes  épi¬ 
démies  de  cette  maladie  dans  les  troupes  russes  en  Pologne,  et,  en  1832, 
à  Pétersbourg. 


250 


ENDÉMIE.  -  MJS.LADIES  VIRULEMES. 

De  tout  temps,  l’ophthalmie  purulente  existe  à  l’état  endémique,  en  Fin¬ 
lande  et  en  Crimée,  et  dans  d’autres  provinces  de  la  Russie. 

L’armée  autrichienne  a  eu  aussi  ses  épidémies  (1817  et  1848).  L’oph¬ 
thalmie  purulente  règne  endémiquement  dans  les  provinces  danubiennes, 
Servie  et  Illyrie. 

Cette  maladie  semble  régner  endémiquement  dans  le  sud  de  l’Espagne, 
comme  en  Égypte  et  en  Algérie.  Elle  a  donné  lieu  plusieurs  fois  à  des 
endémo-épidémies  qui  ont  sévi  principalement  sur  les  militaires  réunis 
en  troupes.  Le  docteur  Cervera  en  compte,  de  1851  à  1856 , 20,516  cas 
dans  l’armée  espagnole,  dont  2,069  furent  réformés  (1,862  dans  la  Pénin¬ 
sule,  les  îles  Baléares  et  Canaries,  et  207  dans  Cuba  et  Porto-Rico). 

Dans  les  Pays-Bas  (Hollande,  Belgique  et  Danemark),  en  Hongrie,  en 
Portugal,  la  maladie  n’est  pas  endémique  et  elle  est  considérée  comme 
ayant  été  importée  accidentellement  et  concentrée  dans  certains  milieux 
artificiels.  C’est  en  1814  qu’elle  fut  introduite  par  les  armées  prussienne 
et  française  en  Belgique.  En  1826,  sur  une  armée  de 40,000  hommes,  on 
comptait  4,159  ophthalmies.En  1853,  6,888  en  furent  atteints.  En  1855, 
on  trouvait  en  Belgique  un  aveugle  sur  1000  habitants  ;  et  sur  le  chiffre 
total  de  4,11 7,960  ou  1  sur  482  avaient  perdu  la  vue  par  le  fait  de  l’oph¬ 
thalmie  militaire. 

France.  C’est  aussi  dans  les  armées  ou  dans  des  agglomérations  spé¬ 
ciales  que  l’ophthalmie  s’est  montrée  en  France  à  l’état  épidémique. 
Les  premières  relations  de  ces  épidémies  se  trouvent  dans  les  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  les  maladies  des  soldats  français  en  Égypte,  où  régnait  l’oph¬ 
thalmie. 

A  diverses  reprises,  elle  se  montre  dans  des-  casernes,  en  France,  ou 
dans  des  asiles  consacrés  à  l’enfance  (Paris,  1832). 

L’ophthalmie  est-elle  endémique  en  France?  D’après  van  Roosbrœck 
(de  Gand),  elle  n’est  pas  rare  parmi  les  populations  ouvrières  du  nord  de 
la  France  (Roubaix,  Lille,  Tourcoing). 

Dans  les  possessions  françaises  d’Afrique  (Algérie),  il  existe  une  oph- 
thalmie  purulente  endémique  qui  attaque  surtout  la  population  indigène 
des  villes  et  les  Arabes  des  oasis,  habitant  dans  des  lieux  humides.  Elle 
paraît  épargner  l’Arabe  qui  vit  sous  la  tente.  Elle  atteint  quelquefois  lès 
colons  des  villages  bas  et  humides,  et  elle  s’est  montrée  plusieurs  fois  à 
l’état  épidémique  dans  l’armée  française. 

En  Égypte,  l’ophthalmie  purulente  est  endémique  et  sévit  avec  une 
gravité  particulière.  Il  en  serait  de  même  pour  toute  la  côle  africaine  de 
la  Méditerranée,  et  pour  les  pays  asiatiques  qui  sont  bordés  par  cette  mer. 

L’ ojihthalmie  purulente  des  enfants  doit  être  placée  à  côté  de  celle  des 
armées  ;  elle  se  développe  aussi  dans  des  endroits  où  existe  l’encombre¬ 
ment  et  procède  par  endémo-épidémies  dans  les  hôpitaux  et  les  asiles,  et 
dans  les  pensionnats.  Cette  question  rentre  plutôt  dans  les  chapitres  de  la 
contagion  et  de  l’épidémie  que  dans  celui  de  l’endémie  proprement  dite. 

Les  conclusions  du  congrès  ophthalmologique  de  Bruxelles  relatives  aux 
causes  prédisposantes  de  l’ophthalmie  purulente,  sont  ainsi  conçues  : 


251 


ENDÉMIE.  -  MALADIES  VIRULENTES. 

<(  Uâge  :  on  a  remarqué  partout,  dans  les  armées,  que  ce  sont  les  recrues 
•qui  fournissent  le  plus  grand  nombre  d’ophthalmiques  ; . . .  on  sait  du  reste 
avec  quelle  facilité  l’ophthalmie  purulente  se  déclare  chez  les  nouveau- 

nés... 

-  Les  variations  atmosphériques  :  les  temps  orageux,  les  vents  d’automne 
froids  et  humides,  les  chaleurs  de  l’été  surtout,  les  veilles,  les  fatigues, 
■ont été  signalés...  D’après  les  observations  faites  en  Egypte  et  répétées 
•dans  d’autres  contrées,  les  mauvaises  conditions  hygiéniques  et  le  refroi¬ 
dissement  dans  une  atmosphère  humide,  semblent  les  causés  initiales 
essentielles  de  l’ophthalmie. 

Syphilis.  —  La  syphilis  a  donné  lieu  à  de  nombreux  travaux  relatifs 
•à  son  origine  et  à  ses  manifestations  endémiques.  Les  divers  noms  qu’a 
portés  successivement  cette  maladie  indiquent  qu’elle  a  été  observée  à 
l’état  endémo-épidémique  en  divers  lieux  et  peut-être  avec  des  formes 
variées  {mal  napolitain,  mal  français,  mal  castillan,  pian,  etc.).  On  trou¬ 
vera  aux  articles  Syphilis,  Contagion,  Épidémie,  réponse  aux  diverses 
questions  qui  ont  été  posées  à  ce  sujet.  Les  erreurs  historiques  abondent 
dans  l’histoire  de  la  syphilis,  et  ses  différents  noms  cachent  plus  de  mé¬ 
prises  que  de  variétés  réelles  de  la  maladie.  Cependant  il  existe  quelques 
endémies  syphilitiques  plus  particulièrement  célèbres  et  sur  lesquelles  nous 
fournirons  de  courtes  explications,  en  nous  reportant  au  chapitre  consa¬ 
cré  par  nous  à  ces  maladies  dans  le  Guide  du  médecin  praticien  (1866, 
p.  410  et  suiv.). 

Sous  le  nom  de  maladie  de  Brunn,  Thomas  Jordan  décrivit  en  1578 
une  épidémie  de  syphilis  locale. 

En  1800,  le  docteur  Camhieri  publiait  une  histoire  de  la.  maladie  dite  de 
Séherlièvo  ou  de  Fiume,  qui  avait  atteint  plusieurs  milliers  de  personnes. 
Un  hôpital  spécial  a  été  fondé  à  Portore  pour  éteindre  cette  endémie  sy¬ 
philitique  qui  dura  de  1800  à  1862.  Il  en  est  de  même  de  l’épidémie  de 
Facaldo  (Facaldina).  Le  sibbens  d' Écosse  on  yaws  décrit  par  Gilchrist  en 
1771,  puis  par  B.  Bell,  doit  être  également  rattaché  à  la  syphilis.  Il  existe 
en  Norwége  une  maladie  endémique,  la  radezyge,  dont  le  docteur  Boeck  a 
donné  une  description  en  1860.  Cette  radezyge  (littéralement  mal  im¬ 
monde),  débuta  en  1710,  à  la  suite  du  séjour  d’un  vaisseau  russe  à  Sta- 
vanger.  Observée  en  1758  par  Honoratius  Bonnevie,  elle  se  propageait 
rapidement  par  le  coït,  le  contact  des  nourrissons  avec  les  nourrices  et 
réciproquement.  En  17  71,  une  commission  médicale  en  reconnut  la  na¬ 
ture  syphilitique.  Des  hôpitaux  spéciaux  furent  fondés  et  de  nombreux 
travaux  publiés  sur  cette  question.  La  même  maladie  s’est  montrée  à  l’é¬ 
tat  endémo-épidémique  dans  l’Esthonie  et  le  Jutland. 

En  Afrique,  la  syphilis  a  pu  régner  endémiquement  et  affecter  cer¬ 
taines  formes  spéciales,  tel  est  le  mal  kabyle  ou  syphilis  du  Djurjura, 
décrit  par  Vincent  (1862),  Deleau  et  C.  J.  Daga. 

Il  en  est  de  même  du  mal  de  la  baie  de  Saint-Paul  (Canada),  qui,  à  la 
date  de  1785,  avait  atteint  5,800  personnes,  et  qui  n’était  que  la  syphilis 
à  l’état  endémo-épidémique. 


232 


ENDÉMIE.  -  BIBLIOGRAPHIE. 

Il  faut  rattacher  à  la  même  maladie  le  -pian  Ab  la  côte  occidentale 
d’Afrique.  Ain.si,  la  syphilis  a  pu  porter  différents  noms  et  même  affecter 
des  formes  variées,  régner  endémiquement,  être  méconnue,  ce  ne  sont 
pas  là,  à  proprement  parler,  des  endémies  vraies. 

Nous  renvoyons  le  lecteur  aux  articles  traitant  des  maladies  sui¬ 
vantes  : 

Maladies  endémiques  parasitaires  :  articles  Parasites,  Tejg:\es,  Gale, 
Ektozoaibes,  animaux  et  végétaux  [tænia,  ses  variétés.  Dragonneau,  ma- 
kaque,  chique,  cysticerquc  et  hydatides.  Trichinose,  distome,  œstres,  etc.] 
Maladies  endémiques  Jocales  :  articles  Béribéri,  Bouton  d’Alep,  de 
Biskba,  d’Amboine,  Éléphaktiasis,  Crétinisme  et  Goitre,  Ulcère  de  Mozam¬ 
bique. 

Maladies  virulentes  ;  articles  Syphilis,  Ophthalmie,  Morve. 

Maladies  miasmatiques:  articles  Choléra,  Peste,  Dysenterie,  Foie  (Aepa- 
tité).  Typhus,  Fièvre  typhoïde.  Fièvre  jaune,  Suette. 

Maladies  telluriques  et  paludéennes  :  article  Fièvres  intermittentes. 
Maladies  tenant  à  des  causes  d’insalubrité  évitables:  articles  Scorbut, 
Pellagre,  certaines  formes  de  Typhus. 

Maladies  des  pays  chauds  :  articles  Acclimatement,  Climat,  Géographie  mé¬ 
dicale,  Races  humaines.  Contagion,  Épidémie,  Constitutions  médicales,  etc. 

L’index  bibliographique  ne  contient  que  les  noms  d’un  petit  nombre  d’auteurs  qui  ont  traité 
des  endémies  en  général  ou  que  nous  avons  consultés  plus  particulièrement.  Quant  aux  auteurs 
qui  ont  rapporté  des  exemples  de  maladies  endémo-épidémiques,  le  nombre  en  est  infiniment 
grand.  Les  plus  modernes  sont  cités  dans  les  articles  énumérés  ci-dessus. 

Hippocrate,  Des  airs,  des  eaux  et  des  lieux,  in  Œuvres  complètes,  trad.  Littré.  Paris,  1840, 
t.  IL 

Hmsen  (.Aug.),  Handbucb  der  historisch-geographischen  Pathologie.  Erlangen,  1859-1864, 2  Bande. 
Laveras  et  Lüstremas,  Rapport  sur  l’oplitbaltnie  militaire  (Recueil  de  -mémoires  de  médecine 
et  de  chirurgie  militaires.  Paris,  1857,  t.  XX). 

Boudix  (J.  Ch.  M.),  Traité  de  géographie  et  de  statistique  médicales  et  des  maladies  endémiques 
Paris,  1857,  2  vol.  in-8. 

Lefèvre  (A.),  Recherches  sur  les  causes  de  la  colique  sèche  observée  sur  les  navires  de  guerre- 
français,  particulièrement  dans  les  régions  équatoriales,  et  sur  les  moyens  d’en  prévenir  le 
développement.  Paris,  1859,  in-8.  —  Nouveaux  documents  concernant  l’étiologie  saturnine 
de  la  colique  sèche  des  pays  chauds.  Paris,  1864,  in-8. 

Valleix,  Guide  du  médecin  praticien,  5“  édition,  1866,  art.  Svpnius,  par  P.  Lorain. 

Griesisgek,  Traité  des  maladies  infectieuses.  Maladies  des  marais,  fièvre  jaune,  maladies  ty¬ 
phoïdes  (fièvre  pétéchiale  ou  typhus  des  armées,  fièvre  récurrente  ou  à  rechutes,  typhoïde  bi¬ 
lieuse,  peste),  choléra,  traduit  d’après  la  2' édition  allemande  par  G.  Lemattre.  Paris,  1868, 
in-8. 

Dütrodead,  Traité  des  maladies  des  Européens  dans  les  pays  chauds.  Climatologie  et  maladies- 
communes,  maladies  endémiques;  2«  édit.  Paris,  1868,  in-8. 

Fadvel  (S.  .A.),  Le  Choléra,  origine,  endémicité,  transmissibilité,  propagation,  mesures  d’hy¬ 
giène,  mesures  quarantainaires,  et  mesures  à  prendre  en  Orient  pour  prévenir  de  nouvelles 
invasions  du  choléra  en  Europe.  Exposé  des  travaux  de  la  Conférence  sanitaire  internationala 
de  Constantinople.  Paris,  1868,  in-S. 

CoLix  (Léon),  Traité  des  fièvres  intermittentes.  Paris,  1870,  in-8. 


Paul  Lorain. 


ENDERMIQÜE  (méthode).  233 

EIVDERMIQUE (Méthode).  —  On  entend  par  cette  expression  l’ap¬ 
plication  de  substance  médicamenteuses  sur  la  surface  de  la  peau  privée 
de  son  épiderme.  Cette  définition  exclut  de  notre  cadre  toutes  les  applica¬ 
tions  extérieures  qui  sous  le  nom  do  friction,  badigeon,  ou  fomentation 
se  superposent  à  l’épiderme.  Elle  exclut  également  la  méthode  plus  ré¬ 
cente  qui,  sous  le  nom  à' hypodermique,  consiste  à  porter  l’agent  curateur 
jusqu  au-dessous  delà  peau  dans  la  couche  celluleuse  (î;oî/. Hypodermique). 
Les  avantages  qui  recommandent  la  métliode  sont  les  suivants  :  1°  l’ab¬ 
sorption  est  directe,  le  médicament  endermiquo  passe  dans  les  voies  cir¬ 
culatoires  sans  être  altéré  parla  digestion,  ce  qui  est  important  surtout 
pour  quelques  agents  énergiques  qui  appartiennent  au  règne  animal 
comme  par  exemple,  le  curare;  2"  celte  voie  directe  a  pour  conséquence 
la  rapidité  et  la  sûreté  de  l'action,  ce  qui,  dans  certains  cas  urgents  ne 
manque  pas  d’importance;  5“  par  la  meme  raison  lorsqu’il  s’agit  de  dou¬ 
leurs  extérieures  ou  superficielles,  le  médicament  est  plus  directement 
rais  en  contact  avec  le  point  douloureux. 

La  médication  agit  donc  de  deux  façons  distinctes  :  en  premier  lieu  par 
application  immédiate  sur  les  éléments  organiques,  qu’il  s’agit  de  modifier 
et  secondement  par  voie  d’absorption.  Ainsi,  par  exemple,  dans  une  né¬ 
vralgie  faciale  portant  sur  les  filets  superficiels  comme  le  nerf  frontal, 
l’application  endermique  delà  morphine  délermineun  soulagement  tel¬ 
lement  instantané,  qu’il  y  a  lieu  de  l’attribuer  au  contact  direct.  Dans  les 
douleurs  profondes,  au  contraire,  il  est  rationnel  de  penser  que  l’absorp¬ 
tion  et  le  passage  de  l’agent  thérapeutique  dans  le  sang,  sont  les  condi¬ 
tions  de  son  efficacité.  Les  expériences  de  Cl.  Bernard  semblent  justifier 
cette  opinion.  Il  faut  ajouter  cependant,  ainsi  que  le  relate  Trousseau  et 
que  nous  l’avons  observé  nous-mêmes,  que  la  morphine  appliquée  sur  une 
surface  dénudée  détermine  presque  immédiatement  des  phénomènes  de 
somnolence. 

Indications.  —  La  nécessité  d’avoir  pour  chaque  administration  ender¬ 
mique  une  surface  fraîchement  dénudée,  la  difficulté  plus  grande  encore 
de  calculer  la  quantité  absorbée,  et  par  suite  d’arriver  à  un  dosage  exact, 
limitent  singulièrement  le  cercle  d’indications  de  la  méthode.  Elle  ne 
comporte  pas  un  traitement  à  longue  échéance  et  doit  se  borner  de  plus 
à  des  médicaments  très-actifs  sous  un  petit  volume  comme  les  alcalo’ides. 
Cette  restriction  a  été  notablement  augmentée  encore  dans  ces  derniers 
tempspar  la  prépondérance  delaméthode  hypodermique  (uoi/.  ce  mot).  Bien 
autrement  expéditive  et  rigoureuse.  On  peut  dire  en  effet  que  ce  dernier 
procédé  l’emporte  presque  dans  tous  les  cas  où  a  prévalu  jusqu’ici  la  mé¬ 
thode  endermique;  seulement  celle-ci  pouvant  se  passer  de  toute  inter¬ 
vention  instrumentale  restera  toujours  une  ressource  à  conserver. 

L’indication  de  la  thérapeutique  endermique  prévaut  principalement 
contre  les  hyperesthésies  et  les  spasmes  superficiels  et  localisés;  les  dou¬ 
leurs  péri-crâniennes,  les  névralgies  intercostales,  dentaires,  faciales,  les 
tics  douloureux,  les  spasmes  et  contractures  hystériques,  limités  à  quel¬ 
ques  muscles,  les  douleurs  rhumatiques  aiguës  et  restreintes.  On  en  usera 


23i  ENDERMIQÜE  (méthode). 

d’autant  plus  volontiers  dans  ces  cas  s’il  existe  déjà  un  vésicatoire  anté¬ 
rieurement  appliqué  dans  une  intention  révulsive. 

L’indication  peut  devenir  plus  étendue  si  les  voies  gastro-intestinales, 
])ar  une  cause  quelconque,  sont  réfractaires  ou  inaccessibles  au  traite¬ 
ment  intérieur  :  dans  le  délire,  la  folie,  les  vomissements  incoercibles,  les 
maladies  de  l’estomac  et  de  l’œsopbage,  etc. 

Le  procédé  pour  l’application  de  l’agent  thérapeutique  consiste  à  sou- 
■  lever  l’épiderme  par  une  substance  vésicante.  On  peut  se  servir,  soit  de 
vésicatoires  ordinaires,  soit  de  l’ammoniaque  caustique,  sous  forme  de 
pommade  de  Gondret  ou  d’un  morceau  de  laine  imbibé  d’ammoniaque 
caustique  et  maintenue  sous  un  verre  de  montre;  soit  enfin  à  l’aide 
de  l’eau  bouillante  où  l’on  tremperait  le  marteau  de  Mayor  ou  tout  autre 
corps  métallique.  Dans  ce  cas,  la  vésication  est  presque  instantanée;  par 
l’ammoniaque  quinze  minutes  suffisent.  On  peut  aussi  à  l’aide  d’une  lan¬ 
cette  trempée  dans  une  solution  médicamenteuse  concentrée,  inoculer  le 
médicament. 

L’épiderme  une  fois  soulevé  on  le  rompt,  puis  on  le  récline,  on  étanche 
la  surface  dénudée,  et  on  y  applique  la  substance  médicamenteuse,  ordi¬ 
nairement  pulvérulente  qu’on  peut  recouvrir,  soit  de  l’épiderme  récliné, 
soit  de  taffetas  gommé.  L’application  d’un  corps  quelconque  sur  le  derme 
fraîchement  dénudé,  détermine  une  cuisson  assez  vive,  mais  très-passa¬ 
gère,  suivie  plus  tard  d’un  exsudât  qui  forme  avec  le  reste  de  la  substance 
non  absorbée,  une  légère  croûte  adhérente  qui  empêche  toute  absorption 
ultérieure  sur  le  même  point.  Il  est  bon,  à  cet  effet,  étant  donné  un  vési¬ 
catoire  de  ne  dénuder  successivement  que  les  petites  surfaces  nécessaires 
à  chaque  application  pour  se  réserver  les  autres  places. 

En  tout  cas,  l’absorption  n’est  certaine  que  sur  une  surface  fraîche  trop 
sèche  ou  déjà  suppurante,  la  perméabilité  devient  restreinte,  l'action  dou¬ 
teuse. 

Par  une  raison  analogue,  les  substances  caustiques  ou  coagulantes  ne 
peuvent  entrer  dans  la  thérapeutique  endermique.  Ainsi  les  procédés  au¬ 
trefois  usités  de  Serres,  pour  cautériser  par  voie  sous-cutanée  les  pustules 
varioleuses  (méthode  ectrotique) ,  ou  ceux  qui  consistent  à  traiter  les  bubons 
par  le  sublimé  appliqué  sur  le  derme  dénudé  (méthode  Malapert)  n’ap¬ 
partiennent  pas  à  la  médication  que  nous  étudions.  Les  médicaments  en- 
dermiques  doivent-ils  être  nécessairement  solubles?  Nous  ne  saurionsfaire 
à  cette  question  une  réponse  absolue.  Il  est  probable  que  les  corps  entiè¬ 
rement  insolubles  comme  les  poudres  métalliques,  par  exemples,  n’âu- 
raient  que  peu  d’action,  mais  d’un  autre  côté,  les  substances  habituelle¬ 
ment  employées,  la  morphine,  la  strychnine,  l’atropine  n’ont  pas  une 
grande  solubilité. 


Hip.tz. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 


255 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  Les  rapports  des  alté¬ 
rations  de  l’endocarde  avec  les  thromboses  intra-cardiaques  et  avec  les 
lésions  valvulaires,  ont  été  étudiés  par  Raynaud  dans  son  excellent  article 
(voy.  Cœük,  t.  VllI,  p.  249)  ;  nous  n’avons  à  décrire  ici  que  les  diverses 
formes  d’endocardite. 

Endocardite  aiguë.  —  Considérations  historiques.  —  L’expression 
d’ endocardite  n’a  été  introduite  que  récemment  dans  la  science  pour  dé¬ 
signer  l’inflammation  aiguë  ou  chronique  de  la  membrane  interne  qui 
tapisse  les  cavités  du  cœur,  et  plus  particulièrement  l’appareil  valvulaire. 
Vainement,  en  effet,  on  chercherait  dans  les  traités  classiques  français  ou 
étrangers  publiés  au  commencement  de  ce  siècle,  une  description  didac¬ 
tique  de  la  phlegmasie  de  l’endocarde.  Cependant  à  cette  époque  les 
médecins  les  plus  célèbres  de  cinq  nations  ont  enrichi  presque  en  même 
temps  l’histoire  des  maladies  du  cœur  par  des  ouvrages  remarquables  qui 
ont  servi  à  préparer  la  voie  à  nos  contemporains.  Ce  sont  :  Corvisart  et 
Laennec,  en  France;  Baillie,  Farre,  Allan  Burns,  Hogdson,  H.  Reeden, 
■en  Angleterre;  J.  Warren,  en  Amérique;  Testa,  en  Italie;  Kreysig  et 
Puchelt,  en  Allemagne. 

Dans  son  article  spécial  sur  le  carditis,  Corvisart  confond  sous  cette 
dénomination  l’inflammation  du  tissu  musculaire  et  du  tissu  séreux  du 
cœur  :  «  Les  membranes  séreuses,  dit-il,  sont  en  général  si  intimement 
unies  aux  organes  qu’elles  recouvrent,  que  leurs  affections  intéressent 
presque  toujours  les  tissus  de  ces  organes  eux-mêmes  et  réciproquement.  » 

Laennec,  dans  la  première  édition  de  son  Traité  de  l’auscultation 
médiate,  ne  distingue  pas  non  plus  l’endocardite  delà  cardite. 

Dans  une  édition  ultérieure  (1857),  Laennec  consacre  un  chapitre 
à  l’inflammation  de  la  membrane  interne  du  cœur,  qu’il  considère 
comme  une  affection  fort  rare;  mais  à  cette  époque  il  connaissait  l’ou¬ 
vrage  de  Bertin  et  Bouillaud,  paru  en  1824.  Andral  ajoute  à  cet  article 
-une  note  intéressante  dans  laquelle  nous  remarquons  le  passage  suivant: 
«  11  y  a  longtemps  que  j’ai  tracé  les  caractères  anatomiques  de  l’inflam¬ 
mation  de  la  membrane  interne  du  cœur,  et  que  j’en  ai  indiqué  les  symp¬ 
tômes. 

«  Je  ne  doute  pas  que  ce  ne  soit  par  un  oubli  tout  à  fait  involontaire 
que,  dans  l’historique  qu’il  a  donné  des  travaux  publiés  sur  l’inflammation 
de  la  membrane  interne  du  cœur,  Bouillaud  n’a  pas  mentionné  ce  que  j’en 
ai  dit  dans  le  troisième  volume  de  la  première  édition  de  ma  Clinique,  qui 
a  paru  en  1826.  Quoi  qu’il  en  soit,  je  me  hâte  de  reconnaître  que  c’est  à 
Bouillaud  que  l’on  doit  d’avoir  tout  récemment  appelé  l’attention  d’une 
manière  toute  particulière  sur  cette  phlegmasie ,  que  j’avais  appelée 
■cardite  interne,  et  à  laquelle  il  a  donné  la  dénomination  plus  heureuse 
'd’endocardite.  Je  ne  doute  pas  que  cette  affection,  longtemps  inconnue 
ou  à  peine  aperçue,  ne  soit  beaucoup  plus  commune  qu’on  ne  l’avait 
pensé,  je  ne  doute  pas  non  plus  qu’elle  n’exerce  réellement  une  très- 
grande  influence  sur  la  production  d’un  certain  nombre  d’affections  orga¬ 
niques  du  cœur.  » 


236  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  esdocardite  aigüë. 

L’histoire  de  l'endocardite  peut  se  diviser  en  trois  périodes  correspon¬ 
dant  assez  exactement  aux  phases  successives  par  lesquelles  a  passé  cette 
maladie  avant  de  prendre  rang  dans  le  cadre  nosologique. 

Complètement  ignorée  d’abord,  ou  confondue  avec  les  autres  phleg- 
masies  du  cœur  et  de  ses  enveloppes ,  à  peine  entrevue  et  mentionnée 
ensuite  par  quelques  rares  observateurs,  l’endocardite  n’a  été  décrite  d'une 
façon  précise  que  dans  le  premier  quart  de  notre  siècle.  Les  travaux  de 
Bouillaud  ont  marqué  une  ère  nouvelle  dans  la  pathologie  cardiaque,  et 
c’est  à  lui  que  revient  l’honneur  d’avoir  tracé  la  description  clinique  des 
altérations  diverses  de  la  membrane  interne  du  cœur,  auxquelles  il  a 
appliqué,  le  premier,  la  dénomination  générique  d'endocardite.  En  1824 
et  en  1826,  il  étudia  d’abord  l’endocardite  dans  les  fièvres  graves;  plus 
tard,  en  1832,  il  établit,  dans  son  Traité  du  rhumatisme  articulaire  aigu, 
la  coïncidence  de  l’endocardite  avec  les  inflammations  des  articulations, 
de  la  plèvre  et  des  poumons  ;  mais  ce  ne  fut  qu’en  1835,  dans  la  première 
édition  du  Traité  clinique  des  maladies  du  cœur,  qu’il  présenta  le  tableau 
complet  et  détaillé  de  l’endocardite. 

Quels  que  soient  le  mérite  et  la  supériorité  de  l’œuvre  de  Bouillaud,  il 
ne  faut  pas,  pour  le  rehausser,  effacer  jusqu’au  souvenir  de  ses  prédé¬ 
cesseurs,  qui  ont  contribué  à  établir  les  premiers  fondements  de  cette 
étude;  mais  on  ne  doit  pas,  toutefois,  exagérer  l'importance  de  leurs 
travaux,  comme  semblent  le  faire  certains  auteurs  modernes.  Les  uns,  en 
effet,  s’efforcent  de  remuer  la  poussière  du  passé  pour  trouver,  dans 
quelques  passages  obscurs  d'ouvrages  inconnus,  la  trace  d’une  descrip¬ 
tion  de  l’endocardite;  d’autres,  animés  sans  doute  par  un  orgueil  na¬ 
tional  légitime,  mais  exagéré,  revendiquent  énergiquement,  pour  leurs 
compatriotes,  le  mérite  exclusif  de  la  découverte  contestée.  Il  convient 
d’éviter  ces  deux  fautes  ;  mais  il  est  juste  de  rétablir  la  filiation  réelle 
des  faits. 

Bouillaud,  le  premier,  a  décrit  en  France  l’inflammation  de  l’endo¬ 
carde,  et  indiqué  la  commune  origine  des  inflammations  articulaires  et 
cardiaques  ;  mais  la  première  mention  du  fait  appartient  incontestable¬ 
ment  à  Kreysig.  Dix  ans,  en  effet,  avant  la  publication  des  premiers 
travaux  de  Bouillaud,  il  avait  démontré  l’existence  de  l’inflammation 
de  l’endocarde,  à  laquelle  il  avait  donné  le  nom  de  cardite  pohjpeuse, 
dans  son  Traité  des  maladies  du  cœur,  publié  en  1815,  à  Berlin. 
Kreysig  a  posé  nettement  les  premières  bases  de  la  pathologie  endocar- 
diaque,  en  faisant  déjà  dériver  d’une  origine  inflammatoire  les  épaissis¬ 
sements,  ulcères,  perforations  et  anévrysmes  des  valvules  du  cœur.  Il  a 
reconnu,  en  outre,  l’influence  de  ces  lésions  sur  le  fonctionnement  du 
cœur,  aussi  bien  que  sur  l’organisme  tout  entier,  et  a  essayé  d’en  tracer 
la  symptomatologie  sur  le  vivant;  mais  l’insuffisance  des  moyens  de  dia¬ 
gnostic  devait  rendre  cette  tentative  stérile  jusqu’au  jour  où  l’immortelle 
découverte  de  l’auscultation  allait  la  féconder.  Ajoutons,  enfin,  que 
Kreysig  a  indiqué  très-explicitement  la. corrélation  du  rhumatisme  et  des 
affections  inflammatoires  du  cœur,  mentionnée,  du  reste,  avant  lui,  pour 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite 


257 


la  première  fois,  par  David  Pitcairn,  qui  avait  créé  le  mot  de  rhumatisme 
du  cœur  (1788),  et  plus  tard  par  Saillie  (1797),  Odier  (1800),  Wagtstaffe 
(1803),  Dundas  (1806),  Wells  (1812).  Il  est  vrai  que  la  plupart  des  faits 
relatés  par  ces  observateurs  se  rapportent  à  la  péricardite,  sauf  une  des 
observations  du  mémoire  de  Wells,  dans  laquelle  il  est  parlé  de  végéta¬ 
tions  verruqueuses  développées  à  la  face  interne  du  cœur  gauche. 

En  résumé,  en  comparant  sans  prévention  ni  parti  pris,  les  travaux 
de  Kreysig  avec  ceux  de  Bouillaud,  on  doit  reconnaître  qu’ils  sont  soli¬ 
daires  d’une  œuvre  commune  ;  mais  c’est  à  ce  dernier  que  revient  in¬ 
contestablement  le  mérite  de  la  'première  description  complète. 

Depuis  plus  de  trente  années,  l’endocardite  se  trouve  constituée  en  tant 
qu’entité  morbide,  et,  depuis  cette  époque,  les  cadres  restés  vides  se  sont 
remplis,  les  observations  se  sont  multipliées,  les  recherches  anatomiques 
entreprises  récemment  sur  l’endocarde,  aussi  bien  que  l’application  du 
microscope  à  l’étude  des  lésions  inflammatoires  de  cette  membrane,  ont 
modifié,  en  les  complétant,  le  premiers  résultats  anatomo-pathologiques. 
Les  conditions  étiologiques  ont  été  mieux  précisées,  les  formes  morbides 
étudiées  avec  soin  dans  ces  dernières  années,  ont  éclairé  d’un  nouveau 
jour  les  points  restés  obscurs;  enfin,  grâce  aux  nouveaux  moyens  d’in¬ 
vestigation  et  aux  progrès  de  la  physiologie,  l’étude  de  cette  maladie  a 
atteint  un  remarquable  degré  de  perfection  et  d’e.xactitude. 

Plus  récemment,  l’attention  des  médecins  a  été  appelée  sur  une 
forme  spéciale  de  l’endocardite,  ou,  plus  exactement,  sur  une  lésion 
particulière  de  l’endocarde,  avec  laquelle  on  a  vu  souvent  coïncider  des 
symptômes  généraux  qui  ont  une  terminaison  rapide  et  fatale.  Cette 
forme  morbide,  qui  a  reçu  le  nom  d'endocardite  ulcéreuse,  typhoïde, 
pyohémique,  semble  avoir  été,  pour  la  première  fois,  indiquée  par 
Senhouse  Kirkes,  en  1852.  On  ne  peut  contester  à  cet  auteur  le  mérite 
d’avoir  fait  ressortir  la  relation  qui  existe  entre  les  ulcérations  de  l’en¬ 
docarde  et  les  phénomènes  généraux  graves  qui  se  développent  chez  les 
malades. 

Le  mémoire  de  S.  Kirkes,  en  signalant  les  effets  toxiques  de  quelques 
parcelles  fibrineuses,  porta  certains  observateurs  à  revenir  sur  des  faits 
précédemment  observés  par  eux  et  dont  l’interprétation  était  restée  obscure; 
c’est  ce  que  fit  Charcot  pour  une  observation  publiée  un  an  auparavant. 
En  recherchant  dans  les  auteurs,  on  trouve  qu’il  y  est  parfois  fait  men¬ 
tion  d’ulcérations  de  l’endocarde,  à  l’autopsie,  de  sujets  ayant  présenté 
pendant  la  vie  des  phénomènes  typhoïdes,  mais  ces  symptômes  n’étaient 
pas  regardés  comme  subordonnés  aux  lésions  cardiaques.  Bouillaud  men¬ 
tionne  très-formellement  l’endocardite  typhoïde,  mais  sans  lui  donner  sa 
légitime  signification.  «  L’endocardite,  dit  cet  auteur,  nous  apparaît 
sous  deux  grandes  formes  :  la  première  de  ces  formes  constitue  une  affec¬ 
tion  purement  inflammatoire  :  telle  est  l’endocardite  qui  éclate  sous  l’in¬ 
fluence  des  grandes  vicissitudes  atmosphériques,  c’est  là  ce  que  nous 
pouvons  appeler  l’endocardite  simple. 

«  La  seconde  forme  est  celle  qui  se  rencontre  dans  les  maladies  dites 


258 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocakuite 


typhoïdes  (septiques  ou  putrides).  Nous  lui  donnerons  le  nom  d’endocar¬ 
dite  typhoïde,  ayant  bien  soin  de  prévenir  nos  lecteurs  que  par  cette 
dénomination,  nous  entendons  uniquement  désigner  une  endocardite 
modifiée  par  la  coïncidence  avec  un  état  typhoïde,  et  non  une  endocardite 
qui  donne  lieu  par  elle-même,  à  des  phénomènes  typhoïdes,  »  et  en  note 
l’auteur  ajoute  «  l’endocardite  gangréneuse  pourrait  constituer  cette 
espèce  morbide,  mais  que  savons-nous  de  bien  positif  sur  l’endocardite 
gangréneuse?  » 

En  1854,  Simpson  publia  dans  le  deuxième  volume  de  ses  «  Obstetric 
Memoirs  »  un  travail  remarquable  sur  l’endocardite  puerpérale  appuyé 
sur  certain  nombre  d’observatTons. 

Deux  ans  plus  tard,  en  1856,  Virchow  entreprit  de  remarquables  tra¬ 
vaux  sur  ce  sujet  et  signala  la  fréquence  de  l’endocardite  ulcéreuse  dans 
l’état  puerpéral.  L’éminent  professeur  de  Berlin  dans  plusieurs  publica¬ 
tions  successives  a  présenté  une  analyse  complète  et  détaillée  du  proces¬ 
sus  pathologique  de  l’endocardite,  en  insistant  plus  particulièrement  sur  le 
mode  de  formation  des  ulcérations  de  l’endocarde,  et  sur  la  constitution 
histologique  des  infarctus  viscéraux  qu’elles  entraînent  à  leur  suite.  Ces 
recherches  consciencieuses  et  fécondes  imprimèrent  un  nouvel  élan  à 
ces  études.  En  juin  1862,  Charcot  et  Vulpian,  et,  quelques  mois  après, 
Lancereaux,  publièrent  dans  la  Gazette  médicale  leurs  recherches  sur 
les  principales  formes  symptomatiques  que  peut  revêtir  l’endocardite 
ulcéreuse.  Ces  travaux  que  leurs  auteurs  ont  accrus  et  complétés  dans 
des  publications  ultérieures,  ont  attiré  l’attention  sur  un  sujet  resté  pres¬ 
que  complètement  inconnu  en  France  jusque  dans  ces  derniers  temps, 
quoique  complètement  traité  déjà  en  Allemagne  et  en  Angleterre  depuis 
plus  de  dix  années.  Et  l’attrait  instinctif  de  la  nouveauté,  en  stimulant  le 
zèle  des  observateurs,  en  a  bien  vite  augmenté  le  nombre.  Ainsi  s’est 
promptement  répandue  et  vulgarisée  l’étuded’une  forme  morbide,  naguère- 
ignorée  des  uns,  et  considérée  par  d’autres  comme  une  singularité  patho¬ 
logique. 

Nous  aurons  l’occasion  dans  le  courant  et  à  la  fin  de  notre  travail  de- 
citer  les  noms  des  auteurs  qui  dans  ces  huit  dernières  années  sont  venus 
apporter  leur  contingent  à  l’œuvre  commune,  nous  ne  mentionnerons- 
que  pour  mémoire  les  intéressantes  observations  de  Lesouef,  Cenouville, 
Luys,  Duguet  et  Hayem  en  France;  Dickinson,  Paget,  Wilks,  Edemans- 
son,  en  Angleterre;  Schivardi,  Mastrorelli,  en  Italie;  Westpbal,  Oppolzer, 
Bumke,  Yolkmann,  etc.,  en  Allemagne.  Quelques-uns  de  ces  travaux  sé^ 
trouvent  en  partie  résumés  dans  trois  thèses  récentes  de  Wast,  Butaud  et 
Decornière.  Bucquoy,  J.  Simon  et  Bail  dans  leurs  thèses  d’agrégation 
ont  traité  incidemment  de  ce  sujet.  Enfin,  Martineau  a  essayé  de  pré¬ 
senter,  dans  une  thèse  de  concours,  une  description  didactique  des  en¬ 
docardites. 

Telles  sont  les  annales,  toutes  modernes,  on  le  voit,  de  l’endocardite 
aiguë.  Quatre  grands  noms  dominent  cette  histoire;  ce  sont  ceux  de 
Kreysig,  Bouillaud,  S.  Kirkes  et  Virchow, 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  e.ndocakdite  aigüë. 


259 


Synonymie.  —  Divisions.  —  L’inflammation  de  l’endocarde  a  été  succes¬ 
sivement  dénommée:  rhumatisme  du  cœur  (B.  Pitcairn,  Wells,  Mathey, 
Johnson,  Guilbert).  Carditis  folyposa  (Kreysig)  car  dite  interne  (Andral), 
enfin  endocardite  (Bouillaud).  Ce  dernier  auteur  a  encore  proposé  le  nom 
de  cardi-valvulite  pour  désigner  spécialement  l’inflammation  de  cette 
partie  de  la  membrane  interne  du  cœur  qui  tapisse  les  valvules.  Cette 
phlegmasie  ainsi  localisée  a  été  également  appelée  endocardite  partielle 
(Simonnet),  endocardite  valvulaire.  Comime  toutes  les  inflammations  en 
général,  celles  de  la  membrane  interne  du  cœur  peut  exister  à  l’état  aigu 
et  à  l’état  chronique.  La  plupart  des  auteurs  ont  eu  le  tort  de  confondre 
dans  une  même  description  ces  deux  formes  morbides  le  plus  souvent 
connexes,  mais  qui  présentent  des  différences  très-importantes  au  point  de 
vue  de  leur  marche,  de  leur  évolution  et  de  leurs  conséquences  pour  ne 
pas  être  étudiées  séparément.  Les  lésions  chroniques  de  l’endocardite 
ainsi  que  les  altérations  valvulaires  qu’elles  déterminent,  ayant  été  déjà 
traitées  dans  un  précédent  article  (voy.  t.  VIII),  nous  bornerons  notre 
étude  à  la  description  de  V endocardite  aiyuë. 

L’endocardite  aiguë  présente  deux  formes  morbides  basées  sur  l’évo¬ 
lution  différente  des  produits  phlegmasiques  ;  tantôt  ils  persistent  et  le 
travail  inflammatoire  ne  va  pas  au  delà  de  la  période  de  formation; 
tantôt  ils  sont  détruits  par  régression  et  l’inflammation  aboutit  à  l’ulcéra¬ 
tion  de  l’endocarde;  de  là,  la  forme  simple,  plastique  ou  végétante  et  la 
forme  ulcéreuse. 

Les  différences  dans  le  processus  des  lésions  anatomiques  ne  suffiraient 
pas  à  elles  seules  pour  légitimer  une  séparation  complète  entre  ces  deux 
formes  morbides,  si  les  conditions  individuelles  des  malades  et  des  cir¬ 
constances  étiologiques  particulières  en  imprimant  un  caractère  spécial  à 
ces  deux  modalités  pathologiques ,  ne  justifiaient  cette  distinction  que  la 
clinique  vient  en  outre  confirmer.  Nous  nous  efforcerons  dans  le  cours  de 
notre  description  de  mettre  en  relief  ces  deux  formes  primordiales  de 
l’endocardite  aiguë  sans  négliger  toutefois  les  types  intermédiaires  qui 
peuvent  leur  servir  de  point  de  départ,  de  transition  ou  de  dernier 
terme. 

Genèse  et  étiologie.  —  L’inflammation  de  l’endocarde  réalise,  avec 
une  inégale  fréquence ,  l’ensemble  des  conditions  étiologiques  inhérentes 
au  processus  inflammatoire  en  général.  Tantôt  elle  est  idiopathique  et 
primitive,  tantôt,  et  le  plus  souvent,  elle  constitue  une  lésion  secondaire 
dans  le  cours  de  diverses  maladies  générales  ou  constitutionnelles.  Elle 
peut  être  simple,  ou  bien  coïncider  avec  la  phlogose  des  autres  tissus  qui 
entrent  dans  la  composition  du  cœur.  Parfois,  enfin,  elle  s’associe  à  des 
maladies  analogues  occupant  des  organes  différents  qui  n’ont  avec  le  cœur 
que  des  rapports  de  voisinage.  Ces  deux  dernières  formes  ont  attiré  dès 
l’abord  l’attention  des  médecins ,  et  la  plupart  des  auteurs  considéraient 
autrefois  l’inflammation  de  la  membrane  interne  du  cœur  comme  consé¬ 
cutive  à  la  myocardite.  Quant  aux  recherches  modernes,  l’attention  des 
observateurs  s’est  portée  plus  particulièrement  sur  l’étude  des  causes  de 


240  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  eindocardite  aiguë. 
l’endocardite  et  en  a  multiplié  le  nombre.  Aussi,  dans  ces  dernières 
années,  a-t-on  tenté  de  séparer  de  ce  groupe  morbide  cerlaines  formes 
d’endocardite  présentant  une  communauté  d’origine;  mais,  si  celte  dis¬ 
tinction  offre  une  certaine  importance  pour  les  différentes  formes  ana¬ 
tomo-pathologiques  de  la  maladie,  nous  ne  croyons  pas  qu’il  puLsse  en 
être  de  même  pour  les  diverses  espèces  étiologiques,  car  il  est  impossible, 
par  la  seule  constatation  des  signes  physiques,  de  reconnaître  une  endo¬ 
cardite  rhumatismale,  scarlatineuse,  varioleuse,  puerpérale,  etc.,  en 
dehors  des  phénomènes  concomitants  et  de  tout  commémoratif. 

U  endocardite  jmmitive  est  rarement  de  cause  externe  et  traumatique; 
les  traités  de  pathologie  externe  ne  font  pas  mention  de  l’inflammation 
de  l’endocarde  à  la  suite  des  plaies  du  cœur.  Jamain  signale  comme 
assez  fréquente  la  péricardite  traumatique,  mais  passe  sous  silence  les 
complications  endocardiaques.  Il  rapporte  cependant  l’ohservation  d’un 
jeune  nègre  chez  lequel  on  trouva  trois  chevrotines  dans  lé  ventricule 
droit  et  deux  dans  l’oreillelle.  Piorry,  dans  une  leçon  clinique  cite  un 
cas  d’endocardite  traumatique  produite  par  une  aiguille  implantée  dans 
la  cloison  du  cœur. 

Mühlig  a  publié  une  observation  intéressante  au  point  de  vue  de  sa 
terminaison.  Il  s’agit  d’un  maçon  ayant  reçu  un  coup  de  stylet  dix  ans 
auparavant,  et  à  l’autopsie  duquel  on  trouva,  entre  autres  lésions,  les 
traces  d’une  endocardite  ancienne  sur  les  valvules  mitrales  et  sigmoïdes. 

Ramberger  a  cité  deux  cas  d’endocardite  traumatique  accompagnée  de 
myocardite. 

Cependant ,  en  parcourant  les  observations  de  Laugier ,  Barbier 
(d’Amiens)  et  David,  et  celles  plus  récentes  de  Biffi(de  Milan,  1869),  et 
de  Tillaux,  on  est  frappé  de  l’innocuité  du  séjour  souvent  prolongé  de 
corps  étrangers  dans  le  cœur. 

Lebert  a  fait  deux  expériences  qui  semblent  confirmer  ces  données. 
En  introduisant  des  corps  étrangers  dans  les  cavités  du  cœur,  il  a  es¬ 
sayé  d’irriter  et  de  déchirer  la  membrane  interne,  mais  dans  aucun  cas 
il  n’a  trouvé  trace  d’endocardite  à  l’autopsie. 

Cependant,  au  dire  de  Bouillaud,  Desclaux  aurait  pu  faire  naître  l’en¬ 
docardite  sur  des  lapins  en  enfonçant  une  aiguille  dans  le  cœur,  mais 
l’extrême  fréquence  de  cette  maladie  chez  ces  animaux  pourrait  bien 
infirmer  les  résultats  de  l’expérience. 

Dans  d’autres  circonstances,  rares  à  la  vérité,  l’endocardite  surgit  isolée 
et  indépendante  de  toute  manifestation  rhumatismale  antécédente  ou 
actuelle,  à  la  suite  de  l’impression  du  froid.  Cette  endocardite  a  frigore, 
qui  est  l’analogue  de  la  pneumonie,  de  la  pleurésie  et  de  la  péricardite,  de 
même  origine,  a  été  mise  en  doute  par  certains  auteurs  et  vivement 
contestée  par  d’autres,  qui  ne  veulent  admettre  que  des  endocardites 
rhumatismales  et  secondaires. 

La  genèse  de  cette  affection  est  déjà  plus  complexe  que  celle  de  la 
variété  précédente.  On  ne  peut  nier  l’influence  de  la  cause  externe,  qui  est 
le  froid,  mais  cette  cause  est  purement  occasionnelle,  et  elle  ne  devient 


ENDOCARDE.  —  ENCOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


241 


efficace  que  chez  les  individus  prédisposés,  en  état  d’opportunité  morbide. 
C’est  pour  cela  que  cette  forme  d’endocardite,  comme  toutes  les  maladies 
a  frigore,  peut  être  dite  spontanée. 

De  même,  en  effet,  que  l’influence  nocive  extérieure  est  néee.ssaire  pou 
mettre  en  jeu  la  prédisposition,  pour  susciter  le  travail  pathologique  et 
transformer  en  acte  la  maladie  jusqu’alors  en  puissance,  de  même  cette 
transformation  est  le  résultat  d’un  acte  spontané  de  l’organisme,  qui  crée 
l’état  morbide  et  le  localise  sur  la  partie  prédisposée  {pars  rninoris 
resistentiæ) .Deux  éléments  également  indispensables,  l’un  externe,  l’aütre 
interne,  concourent  à  la  genèse  de  la  maladie.  Aussi,  cette  phlegmasie  a 
frigore  constitue-t-elle,  en  réalité,  une  transition  naturelle  entre  l’in¬ 
flammation  de  cause  externe,  et  l’inflammation  de  cause  interne. 

L’endocardite  a  frigore  peut  revêtir  tous  les  caractères  d’une  endo¬ 
cardite  aiguë  franche,  et  frapper  des  individus  en  parfait  état  de  santé, 
comme  le  témoignent  les  faits  de  Rilliet  et  Barthez,  et  de  Aug.  Voisin, 
cités  dans  la  thèse  de  Martineau;  mais  elle  est  surtout  observée  chez  les 
sujets  dont  l’organisme  est  altéré  par  des  conditions  hygiéniques  mau¬ 
vaises  qu’entraînent  la  misère  et  l’ivrognerie,  chez  des  individus  épuisés 
par  de  grandes  fatigues  et  plongés  dans  un  état  de  débilité  profonde. 
Dans  ces  cas  elle  revêt  presque  constamment  la  forme  ulcéreuse.  Senhouse 
Kirkes  considère  cette  misère  physiologique  comme  une  des  principales 
conditions  du  développement  de  l’intoxication  du  sang,  qu’il  invoque  en 
pareil  cas  :  «  Cette  destruction  ulcérative,  dit- il,  et  les  effets  si  graves  qui 
l’accompagnent  dans  certains  cas,  arrivent  le  plus  souvent  chez  des  sujets 
très-affaiblis ,  qui  ont  mené  une  vie  intempérante,  ou  qui  sont  sous  le 
coup  d’une  cachexie.  » 

II.  L’ endocardite  secondaire  est  de  cause  interne,  mais  il  y  a  lieu,  au 
point  de  vue  pathogénique,  de  diviser  les  faits  en  deux  groupes. 

1°  Dans  l’un,  la  cause  génératrice  est  l’inflammation  préalable  de  quel¬ 
qu’un  des  organes  qui  sont  en  rapport  de  contiguïté  ou  de  vascularisation 
avec  l’endocarde,  et  ce  dernier  ne  s’enflamme  que  par  extension  du  travail 
pathologique  de  voisinage.  A  ce  groupe  appartiennent,  en  premier  lieu, 
les  endocardites  qui  accompagnent  la  myocardite,  la  péricardite  et 
l’aortite,  et,  en  second  lieu,  celles  qui  sont  produites  par  les  pneumonies 
ou  les  pleurésies,  et  en  particulier  celles  du  côté  gauche. 

2°  Dans  un  second  groupe,  l’endocardite  est  provoquée  par  une  maladie 
générale  dont  elle  est  une  des  déterminations  possibles.  Tantôt,  alors, 
l’endocarde  est  touchée  en  raison  des  rapports  histologiques  qu’il  pré¬ 
sente  avec  les  tissus  frappés  par  la  maladie  première  (inflammation  des 
parties  similaires);  comme  pour  la  péricardite,  le  rhumatisme  articulaire 
aigu  tient  ici  la  première  place.  Tantôt  la  membrane  interne  du  cœur  est 
directement  modifiée  par  un  poison  morbide  ou  par  une  substance  irri¬ 
tante  ou  septique  qui  circule  avec  le  sang;  l’inflammation  est  dite  alors 
dyscrasique,  toxique  ou  septicémique. 

Cette  dernière  forme  est  observée  dans  les  fièvres  éruptives,  particu¬ 
lièrement  dans  la  var.ole  et  la  scarlatine,  dans  les  typhus,  dans  les  raala- 

KOEV.  DICT,  MÉI).  ET  CHIP.  XÎII.  -  16 


242  END0C4RDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 
dies  pyogéniques,  surtout  dans  la  septicémie  puerpérale,  dans  le  mal  de 
Bright  aigu  ou  chronique  ;  enfin,  mais  plus  rarement,  dans  la  cachexie 
tuberculeuse  et  cancéreuse  ;  en  un  mot,  dans  toutes  les  maladies,  soit 
virulentes,  soit  infectieuses,  et  dans  les  affections  septiques  et  dyscra- 
siques. 

A  côté  de  ce  groupe  pourraient  se  placer  les  endocardites  toxiques 
produites  par  certains  poisons  minéraux  :  l’acide  arsénieux,  le  sublimé, 
par  exemple. 

1“  Endocardites  secondaires  par  propagation.  —  L’endocardite,  dans 
le  cours  des  phlegmasies  thoraciques,  serait  assez  fréquente  d’après  cer¬ 
tains  auteurs.  Bouillaud  ne  croit  pas  exagérer  en  disant  que  les  séreuses 
du  cœur  se  prennent  dans  un  tiers  ou  dans  un  quart  des  cas  de  violente 
pleurésie  ou  de  pleuro-pneumonie  gauche.  Selon  Legroux,  les  inflam¬ 
mations  pulmonaires  se  propageraient  avec  une  extrême  facilité  au  cœur. 
«  Parmi  ces  phlegmasies,  dit  cet  auteur,  la  pneumonie  et  la  pleurésie 
doivent  être  citées  en  premier  lieu;  mais,  il  faut  qu’on  le  sache  bien,  la 
bronchite  elle-même  peut  réagir  sur  le  cœur  de  manière  à  y  provoquer 
une  phlegmasie.  Le  catarrhe  épidémique,  désigné  sous  le  nom  de 
grippe,  a  dû  présenter  souvent  cette  grave  complication,  car  il  a  laissé 
chez  bon  nombre  de  personnes  des  traces  profondes  de  son  passage  sur 
le  cœur. 

Grisolle  professe  au  contraire  une  opinion  toute  opposée  et  n’admet 
la  possibilité  de  cette  propagation  que  dans  des  cas  très-rares.  (Pneu¬ 
monie,  2®  édit.,  p.  469.)  D’après  Niemeyer,  une  inflammation  du  pou¬ 
mon  ou  de  la  plèvre  se  communique  très-rarement  à  l’endocarde.  Frie- 
dreich  ne  fait  même  pas  mention  de  cet  ordre  de  causes. 

F.  L.  Barthélemy,  en  réunissant  les  observations  d’endocardite  aiguë 
rapportées  par  Bouillaud,  Martineau  et  Decornière,  a  trouvé  que  sur 
44  cas  d’endocardite  de  forme  et  de  gravité  variables,  il  y  avait  eu  15  fois 
pneumonie  ou  pleuro-pneumonie.  Mais  ce  chiffre  peut  tout  au  plus  in¬ 
diquer  la  coïncidence  fréquente  des  deux  affections,  mais  ne  permet  pas 
de  tirer  de  conclusion  rigoureuse  sur  leur  relation  étiologique,  car  dans 
ce  nombre  comparativement  assez  restreint,  l’endocardite  a  tantôt  joué 
le  rôle  de  cause,  tantôt  d’effet  ou  de  complication  de  la  phlegmasie  tho¬ 
racique.  Le  plus  souvent  les  deux  inflammations  se  développent  simulta¬ 
nément  ou  à  quelques  jours  de  distance,  sous  l’influence  des  mêmes 
conditions  pathogéniques,  et  doivent  par  conséquent  être  considérées 
comme  une  coïncidence  de  deux  maladies  a  frigore.  L’endocardite, 
qui  se  joint  à  la  péricardite,  à  la  myocardite  ou  à  l’aortite,  peut  être 
considérée  comme  propagée  par  continuité  de  tissu.  Joy  fait  remarquer 
à  ce  propos  que  la  transmission  de  l’inflammation  est  plus  fréquente 
du  péricarde  à  l’endocarde  que  de  cette  dernière  membrane  à  la  pre¬ 
mière. 

Cette  transmission  peut  avoir  lieu  parfois  dans  les  deux  ou  trois  pre¬ 
miers  jours,  d’autres  fois  un  peu  plus  tard,  vers  la  fin  de  la  première  se¬ 
maine. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  EiNdocardite  aigüë.'  243 

Ailleurs  l’endocardite  se  montre  en  même  temps  que  la  péricardite, 
plus  rarement  enfin  elle  la  précède. 

Dans  ces  cas  comme  précédemment,  le  développement  de  ces  deux  af¬ 
fections  est  dû  à  la  même  influence  :  celle  du  froid  et  bien  plus  fréquem¬ 
ment  encore  celle  du  rhumatisme. 

L’aortite  coexiste  souvent  avec  l’endocardite  et  constitue  avec  elle 
Y angiocardite  de  Bouillaud.  Tantôt  l’inflammation  de  l’aorte  précède 
eelle  du  ventricule  gauche,  tantôt  elle  l’accompagne  ou  lui  succède,  et 
dans  tous  les  cas  les  deux  lésions  relèvent  de  la  même  cause  dont  nous 
allons  maintenant  étudier  les  effets. 

2“  Endocardite  rhumatismale.  —  Le  rhumatisme  articulaire  aigu  tient 
en  effet  la  première  place  dans  l’étiologie  de  l’endocardite.  La  coïncidence 
fréquente  des  affections  aiguës  du  cœur  avec  le  rhumatisme  articulaire  est 
aujourd’hui  une  vérité  bien  établie  et  admise  sans  contestation  par  tous  les 
observateurs,  mais  la  fréquence  de  l’endocardite  a  été  longtemps  exagérée, 
car  le  rhumatisme,  plus  que  toute  autre  maladie  fébrile,  peut  produire  des 
bruits  de  souffle  systoliques  indépendamment  de  toute  lésion  inflamma¬ 
toire  de  l’endocarde  ;  et  l’on  comprend  comment  la  constatation  de  ce  phé¬ 
nomène  morbide  a  pu  en  imposer  à  certains  observateurs  qui  ont  porté 
au  bilan  de  l’endocardite  des  cas  qui  devaient  en  être  soigneusement  éla¬ 
gués.  Une  autre  cause  d’erreur  peut  encore  tenir  à  ce  que  les  malades 
sont  déjà  anémiques  avant  leur  attaque  de  rhumatisme,  et  présentent 
par  conséquent  un  bruit  de  souffle  qu’il  faut  bien  se  garder  d’attribuer 
à  une  complication  endocardiaque.  Ces  considérations  expliquent  en  ma¬ 
jeure  partie  lès  résultats  contradictoires  obtenus  par  les  divers  observa¬ 
teurs. 

Tandis  que  Bouillaud,  Fuller,  Latham  et  Budd  admettent  la  coïnci¬ 
dence  de  l’endocardite  avec  le  rhumatisme  articulaire  aigu  dans  la  moi¬ 
tié  ou  même  les  deux  tiers  des  cas.  Basse,  Bamberger,  Hamernjk,  Duchek 
évaluent  à  20,  22  et  25  pour  100  le  rapport  de  fréquence. 

Quelques  auteurs  se  sont  élevés  contre  cette  estimation,  qui  leur  parut 
•  exagérée.  Ainsi  Roth  réduit  cette  proportion  à  12  pour  100  (79  cas), 
et  Tl^nderlich  à  10  pour  100  (108  cas),  Vaîleix  enfin  n’admettait  la 
coïncidence  que  dans  un  neuvième  des  cas,  et  Brockmann  la  considère 
comme  très-rare.  Ces  derniers  chiffres  sont  bien  inférieurs  à  ceux  que 
nous  ont  fournis  nos  observations  personnelles,  nous  sommes  en  effet  ar¬ 
rivé  au  rapport  de  25  à  28  pour  100. 

La  divergence  de  ces  résultats  me  paraît  dépendre  de  deux  causes 
principales  :  en  premier  lieu,  dans  des  statistiques  qui  fournissent  des 
chiffres  très-élevés,  on  a  sans  doute  englobé,  sous  le  nom  d’endocar¬ 
dites,  bon  nombre  de  cas  dans  lesquels  les  troubles  fonctionnels  et  les 
signes  physiques  se  rattachaient  soit  à  l’anémie  antérieure  ou  rhumatis¬ 
male,  soit  à  une  ancienne  affection  du  cœur,  et,  d’autre  part,  dans  les 
estimations  inférieures  à  la  nôtre,  on  n’a  probablement  pas  tenu  compte 
du  degré  d’intensité  du  rhumatisme. 

11  résulte  en  effet  des  recherches  de  Fuller  que  la  fréquence  de  l’endo- 


244  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 
cardite  est  directement  proportionnelle  à  l’intensité  de  l’attaque  rhu¬ 
matismale. 

Les  chiffres  donnés  par  cet  auteur  justifient  nettement  cette  proposi¬ 
tion  :  sur  246  cas  de  polyarthrite  violente,  il  a  trouvé  75  fois  l’endo¬ 
cardite  récente,  tandis  que  sur  153  cas  de  rhumatisme  subaigu,  il  n’en 
a  rencontré  que  14  exemples.  (Fuller,  Lebert.) 

Quant  au  rhumatisme  monoarticulaire,  il  est  universellement  admis 
qu’il  se  complique  très-rarement  d’inflammations  cardiaques.  La  fré¬ 
quence  relative  de  l’endocardite  et  de  la  péricardite  dans  le  rhumatisme 
articulaire  aigu  a  été  diversement  interprétée  par  les  auteurs.  Bail,  dans 
sa  thèse  d’agrégation,  a  dressé  le  tableau  des  relevés  statistiques  emprun¬ 
tés  à  certains  auteurs  et  arrive  aux  résultats  suivants  :  c’est  que  l’endo¬ 
cardite  est  plus  fréquemment  observée  que  l’endopéricardite,  la  péricar¬ 
dite  ne  viendrait  qu’en  troisième  ligne  ;  elle  se  montrerait  dans  un  peu 
moins  d’un  cinquième  des  cas  de  rhumatisme  articulaire  aigu.  Cette  es-\ 
timation,  qui  se  rapproche  de  celle  de  Duchek  (16  pour  100),  nous  sem¬ 
ble  insuffisante,  et  la  proportion  indiquée  par  Bouillaud  (50  pour  100) 
nous  paraît  la  plus  exacte,  à  condition  toutefois  qu’on  tienne  compte, 
ainsi  que  je  le  fais  moi-même;  des  manifestations  péricardiaques  les  plus 
légères.  La  péricardite  rhumatismale  serait  donc,  à  notre  sens,  près  de 
deux  fois  plus  fréquente  que  l’endocardite;  il  est  certain,  en  effet,  que 
c’est  elle  qui  se  présente  le  plus  souvent  à  l’observation  journalière. 

L’endocardite  peut  prendre  naissance  pendant  toute  la  durée  du  rhu¬ 
matisme,  mais  il  résulte  des  recherches  de  Lebert  que  son  maximum  de 
fréquence  appartient  à  la  seconde  semaine  de  la  maladie  articulaire,  de 
même  que  pour  la  péricardite,  ainsi  que  l’ont  démontré  Ormerod  et 
Bamberger.  La  première  semaine  vient  ensuite,  la  troisième  en  dernier 
lieu;  enfin,  après  le  vingtième  jour,  l’inflammation  de  l’endocarde  n’est 
plus  à  redouter,  pas  plus  du  reste  que  celle  du  péricarde. 

S’il  est  beaucoup  plus  commun  de  voir  l’endocardite  se  développer 
en  même  temps  que  le  rhumatisme  articulaire  aigu  ou  quelques  jours 
après  son  apparition,  il  est  cependant  des  cas  bien  constatés,  dans  les-* 
quels  l’ordre  habituel  des  phénomènes  est  renversé  et  l’endocardite  peut 
alors  précéder  de  quelques  jours  les  accidents  articulaires. 

La  précession  des  inflammations  cardiaques,  quoique  assez  rarement 
indiquée,  a  cependant  été  notée  par  un  certain  nombre  d’observateurs  : 
Graves,  Latliam,  Stokes,  Hope,  Wilson,  Fuller,  Gubler  et  Trousseau,  etc. 

«  Dans  l’immense  majorité  des  cas,  dit  ce  dernier  auteur,  l’endocarde 
s’affecte  après  les  articulations;  mais  il  arrive  parfois  et  d’une  façon  tout 
exceptionnelle,  que  la  phrase  symptomatique  est  renversée  et  que  la  loi 
de  M.  Bouillaud  se  trouve  vérifiée  en  sens  inverse,  c’est-à-dire  que  le 
rhumatisme  frappe  d’abord  l’endocarde,  puis  les  articulations.  Nous 
avons  eu  trois  exemples  de  ce  fait  dans  l’année  1864.  » 

Hallez,  dans  une  thèse  toute  récente  (1870),  en  relevant  la  plupart 
des  faits  consignés  par  les  auteurs,  arrive  aux  conclusions  suivantes  : 

Les  27  cas  de  maladies  aiguës  du  cœur,  qui  à  des  intervalles  variables 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë.  245 
ont  précédé  l’inflammation  articulaire  dans  le  rhumatisme  aigu,  se  répar¬ 
tissent  ainsi  : 

Péricardites . II 

Endocardites .  5 

Endopéricardites . 11 

L’endocardite  se  serait  donc  montrée  soit  simple,  soit  combinée  avec 
la  péricardite,  16  fois  avant  les  accidents  articulaires.  Quant  à  l’époque 
dé  leur  apparition  elle  a  été  extrêmement  variable,  mais  le  plus  souvent 
c’est  du  deuxième  au  neuvième  jour  après  le  début  de  l’endocardite  que 
les  manifestations  articulaires  du  rhumatisme  se  sont  déclarées.  Ainsi  que 
l’on  en  peut  juger  par  le  tableau  qui  va  suivre,  dans  lequel  nous  avons 
réuni  les  cas  dans  lesquels  la  nature  des  accidents  et  l’époque  de  leur 
début  avaient  été  nettement  indiquées.  Cependant  l’arthrite  rhumatismale 
peut  survenir  à  une  époque  plus  avancée  de  l’évolution  de  la  phlegmasie 
cardiaque.  J’ai  eu  en  effet  l’occasion  d’observer  une  endocardite  d’emblée 
qui  avait  précédé  de  15  jours  une  attaque  de  rhumatisme  articulaire  aigu. 
J’ai  consigné  ce  fait  dans  une  note  de  la  clinique  de  Graves  (t.  I,  p.  554). 
On  a  enfin  cité  (fes  cas  dans  lesquels  l’endocardite  s’est  montrée  plusieurs 
mois,  un  an  et  plus  avant  la  lésion  articulaire  (Roger,  4  mois,  1  an;  Gu- 
bler,  2  ans  ;  Trousseau,  5  ans). 

Ces  observations  ne  doivent  pas  être  comptées  ici,  car  elles  rentrent 
dans  un  autre  ordre  d’idées.  Elles  ont  trait  en  effet  à  la  diathèse  rhuma¬ 
tismale  qu’elles  annoncent  et  non  à  V attaque  qu’elles  commencent.  Peut- 
être  ne  seraient-elles  aussi  que  des  endocardites  primitives  simples  sur¬ 
venues  fortuitement  sous  l’influence  d’un  refroidissement  et  à  ce  titre 
elles  devraient  rentrer  dans  notre  première  classe  des  endocardites  a 
frigore. 

Nous  ne  ferons  donc  figurer  dans  ce  tableau  que  les  cas  d’endocardite 
offrant  des  relations  trop  intimes  avec  les  manifestations  articulaires  pour 
que  l’on  ne  puisse  mettre  en  doute  leur  commune  origine  rhumatismale. 


Il 

ÎNDICATIONS  BIBLIGGRAPHIOÜES 

DE  LA  MALADIE 

ARTICDLAIRES  ' 

BüNEiO. 

Edinburgh  medic,  and  surgic.  Journal 
for  1816. 

Ëndopéricardite  et 
pneumonie. 

liour. 

Watsox. 

Practice  of  physic,  t.  Il,  p.  SU,  1857. 

Ëndopéricardite. 

3  jours. 

Foller. 

On  Rheumatism,  p.  SU, 

Ëndopéricardite. 

7  jours. 

i 

WlESOM. 

On  the  true  character  of  acute  rhumatism 
in  référencé  to  its  treatmenl  by  medi- 
cine  (The  Lancet,  vol.  Il,  p.  217.  1860). 

Ëndopéricardite. 

8  jours. 

5 

Jaccocd. 

CUnigue  de  Graves,  1. 1,  p.  548,  noie,  1862. 

Endocardite. 

15  jours. 

ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdi 


1 

1 

1 

1 

1 

1 

La  pathogénie  de  l’endocardite  d’emblée  aussi  bien  que  celle  de  toutes 
les  inflammations  cardiaques  d’origine  rhumatismale  a  été  diversement 
interprétée  par  les  auteurs. 

Selon  Gendrin,  on  peut  dans  ce  cas  attribuer  l’inflammation  de  la  sé¬ 
reuse  du  cœur  à  la  cause  qui  a  produit  le  rhumatisme  lui-même  ou  à  une 
cause  accessoire  ;  ainsi  le  refroidissement  subit,  le  corps  étant  en  sueur, 
provoque  une  endocardite  ou  une  péricardite,  après  l’invasion  ou  vers  la 
terminaison  de  laquelle,  le  rhumatisme  articulaire  survient  avec  sa  forme 
normale. 

L’inflammation  rhumatismale  du  cœur  a  été  considérée  par  Bouillaud 
comme  un  élément  du  rhumatisme  articulaire,  et  pour  que  le  rapproche¬ 
ment  fût  aussi  intime  que  possible,  il  a  comparé  le  péricarde  et  l’endo¬ 
carde  à  des  cavités  articulaires  et  leur  inflammation  à  une  sorte  d’ar¬ 
thrite. 

•  Pour  Stokes  et  Graves,  l’inflammation  de  l’appareil  cardiaque  a  des 
rapports  plus  étroits  avec  la  fièvre  rhumatismale  qu’avec  la  phlogose  des 
articulations. 

Fuller,  après  avoir  observé  des  cas  d’inflammation  primitive  des  sé¬ 
reuses  du  cœur,  attribue  également  une  grande  importance  à  la  fièvre 
rhumatismale,  mais  il  propose  une  théorie  nouvelle  pour  expliquer  son 
mode  pathogénique  :  la  fièvre  rhumatismale,  angioténique  devient  pour 
lui  un  empoisonnement  du  sang  qui  agira  sur  l’économie  tout  entière  et 
fera  que  les  lésions  débuteront  par  les  organes  qui  le  contiennent  et  dans 
lesquels  il  circule.  «  Dans  les  cas,  dit-il,  où  l’affection  cardiaque  se  montre 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë.  247 
la  première  et  reste  pendant  quelque  temps  le  seul  symptôme  local,  la 
théorie  de  la  métastase  fait  complètement  défaut  :  la  seule  explication  pos¬ 
sible  paraît  être  que  le  cœur  est  affecté  par  suite  de  l’action  du  sang,  qui 
par  une  cause  quelconque  est  devenu  malade  et  a  acquis  des  propriétés 
irritantes.  »  (Introduct.,  p.  12.) 

Je  n’insisterai  pas  plus  longtemps  sur  les  innombrables  interpréta¬ 
tions  auxquelles  la  nature  du  rhumatisme  a  donné  lieu  ;  les  doctrines 
anciennes  de  la  métastase  et  de  l’indépendance  des  manifestations  nous 
paraissent  aujourd’hui  suffisamment  jugées  ;  nous  croyons  préférable  de 
voir  simplement  dans  les  actes  morbides  dont  le  cœur  est  le  siège,  des 
déterminations  du  rhumatisme,  sans  autre  rapport  avec  les  manifestations 
articulaires  que  celui  de  la  cause,  et  souvent  aussi  de  la  modalité  patho¬ 
logique. -En  d’autres  termes,  l’endocardite  rhumatismale,  d’emblée  ou 
consécutive  aux  inflammations  articulaires,  doit  être  considérée  comme 
l’une  des  déterminations  d’une  affection  générale  fébrile  dans  laquelle 
rentrent  des  lésions  et  des  symptômes  multiples,  dont  les  uns  ou  les 
autres  peuvent  manquer  et  qui  réunis  ou  séparés  affirment  leur  nature 
rhumatismale  par  leur  union  même  ou  par  leur  modalité. 

5“  Endocardite  secondaire  dyscrasique.  —  Si  nous  avons  aussi  longue¬ 
ment  insisté  suy  la  variété  précédente,  c’est  que  le  rhumatisme  occupe  le 
premier  rang  dans  l’étiologie  de  l’endocardite  et  qu’il  domine  aussi  toute 
la  pathologie  cardiaque.  Après  le  rhumatisme,  mais  avec  une  fréquence 
infiniment  moindre,  viennent  certaines  maladies  générales  qui  ont  pour 
caractère  commun  de  produire  une  altération  profonde  du  sang.  Plusieurs 
d’entre  elles  sont  en  outre  virulentes  ou  infectieuses.  En  premier  lieu  nous 
mentionnerons  les  fièvres  éruptives  et  les  typhus. 

Bouillaud  a  déjà  depuis  longtemps  noté  la  coïncidence  de  l’endocardite 
avec  les  fièvres  éruptives,  en  particulier  avec  la  rougeole  et  la  scarlatine. 

Quelques  années  après  lui,  Pigeauxla  mentionne  explicitement  dans  les 
lignes  suivantes  :  «  Dans  presque  toutes  les  fièvres  exanthématiques  de 
mauvaise  nature,  dont  la  terminaison  est  funeste,  on  reconnaît  pendant  la 
vie  des  symptômes  d’irritation  du  cœur  et  à  l’autopsie, dans  quelques  cas, 
on  trouve  des  traces  évidentes  d’inflammation  commençante  siégeant  sur 
la  membrane  interne  de  cet  organe.  »  (Pigeaux,  1. 1,  p.  538.)  L’endo¬ 
cardite  ne  se  montre  pas  avec  une  égale  fréquence  dans  toutes  les  fièvres 
éruptives.  Du  reste,  les  opinions  des  auteurs  diffèrent  à  cet  égard. 

Wunderlich  considère  la  rougeole  comme  la  cause  la  plus  fréquente  de 
l’endocardite  après  le  rhumatisme  articulaire  aigu. 

Trousseau,  AVest,  H.  Roger,  s’accordent  au  contraire  à  placer  la  scar¬ 
latine  en  première  ligne  dans  l’ordre  de  fréquence.  L’endocardite  peut 
survenir  dans  le  cours  de  l’éruption  scarlatineuse  ou  se  montrer  dans  la 
convalescence. 

Tantôt  elle  est  légère  et  disparaît  sans  laisser  de  traces,  d’autres  fois 
elle  persiste  et  peut  exposer  ainsi  les  malades  à  tous  les  accidents  qui 
accompagnent  les  lésions  chroniques  de  l’endocarde.  Martineau  a  rap¬ 
porté  cinq  observations  à’  endocardite  scarlatineuse  (1864).  Il  les  divise 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 


en  deux  groupes  :  le  premier  comprend  les  cas  où  l’endocardite  est  sur¬ 
venue  dans  le  cours  de  la  scarlatine,  en  dehors  de  toute  autre  complica¬ 
tion,  et  dans  le  deuxième  groupe  il  place  celles  qui  se  sont  montrées  en 
même  temps  que  les  douleurs  articulaires. 

Or,  pour  ces  dernières,  si  l’on  admet,  avec  Trousseau,  la  nature  rhu¬ 
matismale  des  douleurs  articulaires  qui  surviennent  dans  la  scarlatine, 
il  est  aisé  de  les  rattacher  au  rhumatisme  scarlatineux  au  même  titre  que 
l’endocardite  qui  complique  si  fréquemment  le  rhumatisme  articulaire 
aigu. 

Mais  cette  explication  pathogénique  n’est  plus  applicable  pour  les  cas 
où  l’endocardite  a  existé  en  dehors  de  toute  lésion  articulaire.  Doit-on 
l’attribuer  à  la  jirésence  d’un  exanthème  scarlatineux  qui  aurait  lieu 
aussi  bien  sur  le  système  séreux  que  sur  le  tégument  externe  et  interne? 
Ou  bien  faut-il  admettre  avec  Alison  etNoirot,  des  composés  cristallisables 
qui,  se  formant  en  excès  et  n’étant  pas  enlevés  à  temps  par  les  reins, 
‘donneraient  lieu  à  l’inflammation  de  la  membrane  interne  du  cœur?  Jus¬ 
qu’à  présent  nous  ne  connaissons  aucun  fait  qui  permette  d’établir  la 
réalité  de  cette  hypothèse,  et  même  en  la  supposant  confirmée,  on  com¬ 
prendrait  difficilement  la  localisation  morbide  sur  un  seul  point  du  système 
circulatoire. 

Nous  rapprocherons  de  ces  faits,  Y  endocardite  qui  se  montre  dans  le 
cours  de  Vérysipèle;  Fuller  la  range  parmi  les  phlegmasies  érysipéla¬ 
teuses  des  séreuses.  Nous  avons  récemment  observé  un  bel  exemple  d’en- 
dopéricardite  survenu  au  huitième  jour  d’un  érysipèle  de  la  face.  Pour 
ces  cas  comme  pour  les  précédents,  les  mêmes  considérations  sont  appli¬ 
cables. 

Certains  auteurs  admettent  en  effet  une  connexion  intime  entre  l’érysi¬ 
pèle  et  le  rhumatisme.  Selon  Trousseau,  il  n’y  a  pas  seulement  analogie 
morbide  entre  ces  deux  affections,  qui  n’ont,  dit-il,  d’inflammatoire  que 
l’apparence,  il  y  a  corrélation.  Elles  n’ont  pas  seulement  le  même  génie 
migrateur,  elles  peuvent  se  remplacer  l’une  l’autre  et,  par  exemple,  le 
rhumatisme  peut  succéder  à  l’érysipèle.  Il  cite  à  l’appui  de  son  opinion 
l’observation  d’une  jeune  fille  qui  fut  prise  dans  la  convalescence  d’un 
érysipèle  grave  de  la  face,  de  douleurs  rhumatismales  et  chez  laquelle 
apparut  deux  jours  après  une  endocardite. 

A  ce  propos  Trousseau  ajoute  :  «  Il  m’est  impossible  de  ne  pas  rappro¬ 
cher  un  instant  ce  que  nous  observons  ici  après  l’erysipèle  de  ce  qui  se 
voit  si  souvent  après  la  scarlatine  et  plus  rarement  il  est  vrai,  après 
V érythème  noueux.  Je  vous  ai  dit  combien  il  était  fréquent  de  voir  appa¬ 
raître  le  rhumatisme  articulaire  aigu  et  même  la  péricardite  ou  l’endocar¬ 
dite  dans  la  convalescence  de  la  scarlatine.  Or  l’érysipèle,  affection  dans 
laquelle  la  peau  est  intéressée  comme  dans  la  scarlatine,  l’érysipèle  qui 
présente  bien  plus  d’affinité  avec  les  fièvres  qu’avec  les  phlegmasies, 
possède  comme  la  scarlatine  et  l’érythème  noueux  de  la  tendance  à  être 
suivi  de  rhumatisme  avec  endocardite.  » 

L’endocardite  a  également  été  notée  dans  la  rarioZe-  mais  cette  complica- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë.  249 
tion  plus  rare  ici  que  dans  les  autres  fièvres  éruptives.  Duroziez  (1867)  a 
décrit  d’une  façon  spéciale  V endocardite  varioleuse.  La  cruelle  épidémie 
qui  règne  à  Paris  depuis  plusieurs  mois  a  permis  d’observer  l’influence 
qu’exerce  la  variole  sur  la  séreuse  du  cœur.  En  février  dernier,  notre  excel¬ 
lent  ami  Desnos  a  constaté,  dans  son  service  des  varioleux  à  l’hôpital  La¬ 
riboisière,  onze  cas  de  complications  cardiaques  (endocardites,  endopéri- 
cardites,  péricardites,  ramollissements  du  cœur),  dans  le  cours  des  varioles 
discrètes  ou  confluentes,  mais  il  n’en  a  jamais  observé  dans  les  vario- 
loïdes. 

Les  affections  typhoïdes,\e  lyphns  épidémique  (exanthématique  et  pété¬ 
chial)  et  la  fièvre  typhoïde  se  compliquent  souvent  de  troubles  cardiaques 
et  de  bruits  de  souffle  qui  ne  doivent  que  rarement  être  imputés  à  l’en¬ 
docardite.  Doit-on  invoquer,  pour  expliquer  ces  faits,  une  condition  par¬ 
ticulière  de  l’innervation  cardiaque,  ou  bien  une  altération  matérielle  des 
fibres  musculaires  ou  de  leur  tissu  conjonctif?  Selon  Stokes,  le  cœur 
jouirait  au  point  de  vue  de  l’inflammation  d’une  immunité  singulière, 
comparé  aux  autres  organes  placés  sous  l’influence  du  poison  typhique.  Il 
appuie  son  opinion  sur  une  statistique  d’Andral  où,  sur  86  cas  de  mort 
survenue  dans  les  fièvres  graves,  13  fois  seulement  le  cœur  présentait  des 
lésions  et  il  est  fort  douteux,  dit-il,  qu’on  puisse  en  trouver  le  point  de 
départ  dans  un  travail  inflammatoire.  Il  invoque,  pour  expliquer  la  fai¬ 
blesse  de  l’impulsion  du  cœur,  un  ramollissement  du  cœur  dû  à  l’infiltra¬ 
tion  de  son  tissu  musculaire  par  une  sécrétion  particulière. 

Graves  repousse  cette  interprétation  et  dit  au  contraire  que  dans  le 
typhus  fever,  le  cœur  est  soumis  à  l’influence  de  la  même  cause  qui  affai¬ 
blit  le  système  musculaire  tout  entier,  «  c’est  l’abattement  général  de  la 
force  nerveuse.  »  Quant  au  ramollissement  cardiaque  constaté  chez  les 
sujets  morts  du  typhus,  il  attribue  cette  altération  à  la  putréfaction  toujours 
si  prompte  après  les  maladies  malignes. 

Les  recherches  micrographiques  récentes  sont  venues  éclairer  ces  faits 
restés  longtemps  obscurs  en  démontrant  l’existence  d’altérations  muscu¬ 
laires  dans  les  fièvres  graves,  dans  la  fièvre  typhoïde  et  la  variole  en 
particulier.  (Zenker,  Waldeyer,  Rindfleisch,  È.  Hoffmann  et  Hayem.) 
Hoffmann  a  eu  l’occasion  d’examiner  six  fois  le  système  musculaire  dans 
la  variole,  et  dans  tous  les  cas  il  y  a  trouvé  des  lésions  très-manifestes  et 
très-étendues.  Hayem  vient  de  publier  tout  récemment  une  intéressante 
étude  sur  les  myosites  symptomatiques,  dont  il  a  constaté  l’extrême  fré¬ 
quence  dans  la  variole  et  la  fièvre  typhoïde  (variole,  22  fois  sur  24  au¬ 
topsies  ;  fièvre  typhoïde,  19  fois  sur  21  cas). 

Les  altérations  peuvent  frapper  la  fibre  cardiaque  au  même  titre  que 
le  reste  du  système  musculaire,  et  rendent  compte  ainsi  de  la  plupart  des 
troubles  cardiaques  observés  dans  les  affections  typhiques  aussi  bien  que 
dans  la  variole  ;  mais  il  ne  faut  pas  pour  cela  exclure  la  possibilité  de 
l’endocardite  dans  le  cours  de  ces  affections. 

Griesinger  mentionne  un  cas  remarquable  d’endocardite  récente  de  la 
vilvule  mitrale  avec  végétation,  chez  un  malade  arrivé  au  plus  haut 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite 


degré  de  la  fièvre  typhoïde  et  mort  après  des  manifestations  d’un  col- 
lapsus  intense  et  prolongé. 

Skoda  fait  dépendre  le  collapsus  typhique  et  les  bruits  systoliques  qui 
l’accompagnent  d’une  tuméfaction  de  l’endocarde  ou  des  valvules.  Mais, 
dans  ses  publications  ultérieures,  il  décrit  en  outre  une  insuffisance 
valvulaire  transitoire  qu’il  rapporte  à  la  paralysie  des  muscles  papillaires 
du  cœur. 

Enfin,  Bouillaud  a  décrit,  comme  une  forme  spéciale  d’endocardite, 
celle  qui  se  développe  pendant  le  cours  des  fièvres  éruptives  et  des  ma¬ 
ladies  typhoïdes  :  «  Sans  doute,  dit-il,  dans  cette  forme,  l’élément  inflam¬ 
matoire  est  comme  dans  la  précédente  l’élément  essentiel  mais  cet 
élément  est  tellement  modifié  par  l’élément  typhoïde  surajouté  qu’il 
convient  réellement  de  ne  pas  confondre  l’endocardite  de  cette  espèce  avec 
l’endocardite  simplement  inflammatoire,  et  pour  l’en  distinguer,  nous  lui 
donnerons  le  nom  d’endocardite  typhoïde,  ayant  bien  soin  de  prévenir  que, 
par  cette  dénomination,  nous  entendons  uniquement  désigner  une  endo¬ 
cardite  modifiée  par  sa  coïncidence  avec  un  état  typhoïde,  et  non  une 
endocardite  qui  donne  lieu  par  elle-même  à  des  phénomènes  typhoïdes.  » 
A  côté  de  ces  maladies  infectieuses  pouvant  produire  l’endocardite,  doivent 
se  ranger  ici  les  affections  pyohémiques,  et  en  première  ligne  nous  place¬ 
rons  la  septicémie  puerpérale  qui  en  est  une  des  causes  les  plus  fréquentes. 

Ce  n’est  que  depuis  quelques  années  seulement  que  l’attention  a  été 
spécialement  dirigée  sur  ce  sujet.  Mais  depuis  que  Simpson,  (1854), Vir¬ 
chow  (1856),  de  Lotz  (1857)  et  AVestphal  (1861)  ont  publié  leurs  intéres¬ 
santes  recherches  sur  l’endocardite  puerpérale,  le  rmmbre  des  cas  s’est 
considérablement  accru  et  est  venu  démontrer  la  fréquence  de  cette 
complication  dans  le  cours  de  la  puerpéralité. 

Cette  affection  paraît  sedévelopper,dit  J.  Simon  (1866),sousl’influence 
du  mauvais  état  général  dans  lequel  se  trouve  placée  la  femme  en  couches, 
aussi  bien  avant  la  parturition  qu’après  le  travail,  c’est-à-dire  sous  l’in¬ 
fluence  des  altérations  profondes  de  son  économie,  produites  successive¬ 
ment  par  l’état  puerpéral. 

L’endocardite  peut  en  effet  se  développer  aussi  bien  pendant  la  gros¬ 
sesse  qu’après  l’accouchement,  mais  c’est  surtout  après  la  parturition 
qu’elle  acquiert  son  maximum  de  fréquence.  Quoique  la  plupart  des 
auteurs  modernes  s’accordent  à  reconnaître  l’influence  de  cette  cause 
puissante,  l’interprétation  de  son  mode  pathogénique  est  encore  le  sujet 
de  nombreuses  controverses.  Virchow,  à  ce  propos,  fait  remarquer  que 
l’endocardite  puerpérale  survient  d’emblée,  sans  qu’on  puisse  invoquer 
une  maladie  générale,  infection  purulente  ou  autre,  sans  que  l’utérus 
ou  ses  annexes  soient  lésés.  Pour  lui,  l’endocardite  serait  une  forme 
de  la  maladie  puerpérale  qu’il  faudrait  placer  à  côté  de  la  forme  périto¬ 
néale. 

Simpson,  qui  le  premier  a  signalé  cette  forme  d’nndocardite,  l’attribue 
à  une  altération  du  sang.  «  Dans  ce  cas,  dit-il,  le  sang  est  plus  ou  moins 
vicié,  les  caractères  sont  plus  ou  moins  semblables  à  ceux  de  ce  liquide 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 


251 


dans  le  rhumatisme  articulaire  aigu  et  l’albuminurie  chronique  ;  ainsi 
on  constate  une  diminution  des  globules  rouges,  augmentation  du  sérum, 
excès  de  fibrine.  —  Une  autre  cause  serait  la  rétention  de  l’urée  et  de  l’a¬ 
cide  lactique,  substances  toutes  deux  irritantes.  —  De  plus,  dans  l’état 
puerpéral,  le  sang  est  chargé  de  nouveaux  matériaux.  Toutes  ces  causes 
réunies  vicient  le  sang  et  par  suite  du  contact  de  ce  liquide  ainsi  altéré, 
il  peut  survenir  une  endocardite.  » 

Nous  aurons  occasion  de  revenir  sur  cette  interjirétation  qui  a  été 
étendu  à  la  plupart  des  cas  d’endocardite. 

Enfin  certains  auteurs,  Peter,  Decornière  et  Simpson  lui-même  seraient 
assez  portés  à  considérer  l’endocardite  puerpérale  comme  une  manifestation 
rhumatismale.  Ils  appuient  leur  opinion  sur  l’existence  d’antécédents 
rhumatismaux  dans  un  certain  nombre  de  cas.  Dans  ceux  où  il  n’existait 
pas  de  manifestations  rhumatismales  antérieures  à  l’endocardite,  ils  con¬ 
sidèrent  cette  affection  comme  la  première  manifestation  de  la  diathèse 
rhumatismale  elle-même .  «  Il  y  a  certainement,  dit  Decornière  (1 869 ,  p .  5  7) , 
de  grandes  probabilités  en  faveur  de  la  nature  rhumatismale  de  l’endo¬ 
cardite  puerpérale.  Pendant  l’état  puerpéral,  la  femme  se  trouve  dans 
les  mêmes  conditions  que  celle  qui  est  soumise  à  la  diathèse  rhumatis¬ 
male.  Elle  aune  augmentation  de  fibrine  du  sang  plus  considérable  en¬ 
core  que  dans  le  rhumatisme. 

(Le  sang  dans  l’état  puerpéral  contient  en  effet  7  à  8  p.IOOO  de  fibrine, 
tandis  qu’il  n’en  contiendrait  que  4  à  5  p.  1000  dans  le  rhumatisme  au 
lieu  de  5  (chiffre  normal).  L’on  conçoit  donc,que  les  deux  influences  réu¬ 
nies  ne  peuvent  manquer  de  favoriser  la  production  de  l’endocardite. 

Si  l’endocardite  peut  se  montrer  dans  tout  le  cours  de  la  puerpéralité, 
il  faut  reconnaître  qu’elle  revêt  des  formes  différentes  suivant  l’époque 
de  son  apparition.  C’est  en  effet  pendant  la  grossesse  que  paraissent  de 
préférence  les  formes  simples  de  la  maladie  (endocardite. simple  ou  végé¬ 
tante);  tandis  que  la  forme  dite  ulcéreuse  est  liée  de  préférence  à  la  pé¬ 
riode  qui  suit  ou  accompagne  la  parturition.  Niemeyer  paraît  ne  pas  avoir 
observé  d’endocardite  puerpérale  en  dehors  de  ce  qu’on  appelle  la  fièvre 
puerpérale.  Dans  ces  cas,  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  fréquents,  les 
diverses  formes  de  pyémie  ou  de  septicémie  puerpérales  impriment  un 
cachet  spécial  à  l’endocardite  qu’elles  déterminent  et  qui  vient  à  son  tour 
les  compliquer. 

Pour  terminer  la  liste  déjà  longue  des  affections,  dans  le  cours  des¬ 
quelles  peut  se  développer  l’inflammation  de  l’endocarde,  nous  citerons 
enfin  la  maladie  de  Briyht.  En  Angleterre,  Taylor,  Walshe  et  Ormerod 
ont  signalé  la  coïncidence  des  inflammations  thoraciques  dans  l’albumi¬ 
nurie  ;  mais  leurs  travaux  ont  trait  surtout  à  la  péricardite  qu’ils  consi¬ 
dèrent  comme  plus  fréquente  que  l’endocardite  dans  le  cours  du  mal  de 
Bright. 

D’après  les  faits  recueillis  par  Chambers  et  Bergson,  le  cœur  aurait  été 
malade  à  peu  près  dans  le  tiers  des  cas  (416  fois  sur  536  cas). 

En  parcourant  les  relevés  statistiques  donnés  par  les  auteurs,  on  est 


252 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdb. 


frappé  de  la  divergence  de  leurs  résultats  ;  cela  tient  à  ce  qu’ils  ont  réuni 
et  confondu  toutes  les  altérations  cardiaques  qui  peuvent  accompagner  la 
néphrite  parenchymateuse. 

Si  nous  réunissons  les  100  faits  de  Bright,  les  292  de  Frerichs  et  les 
114  de  Rosenstein  ;  nous  avons  un  total  de  506  cas  avec  autopsie.  Sur  ce 
nombre,  l’hypertrophie  du  cœur  est  notée  177  fois.  Ce  chiffre  se  décom¬ 
pose  ainsi  ; 


Hypertrophie  avec  lésions  valvulaires . 83  cas. 

Hypertrophie  pure . 94  cas. 


Si  l’on  ne  fait  entrer  en  ligne  de  compte  que  les  cas  dans  lesquels  la  lé¬ 
sion  des  reins  est  arrivée  à  la  période  d’atrophie,  les  résultats  sont  singu¬ 
lièrement  différents  :  la  proportion,  d’aprèsTraube,  est  alors  de  95  p.  100. 
Ainsi  l’hypertrophie  spéciale  manque  dans  la  première  période  de  la  mala¬ 
die,  se  manifeste  dans  la  seconde,  et  est  presque  constante,  si  la  néphrite 
atteint  sa  période  atrophique.  En  premier  lieu,  l’hypertrophie  cardiaque 
doit  donc  soigneusement  être  écartée  aussi  bien  que  la  péricardite  qui  a 
été  constatée  par  Frerichs  et  Rosenstein  40  fois  sur  406  cas  (9,85  p.  100), 
si  l’on  veut  arriver  à  une  appréciation  rigoureuse  de  la  part  de  fréquence 
qui  revient  aux  altérations  valvulaires.  Or,  si  l’on  a  soin  de  séparer  l’hy¬ 
pertrophie  ventriculaire  pure  des  lésions  d’orifice  proprement  dites,  les 
506  faits  de  Bright,  de  Frerichs,  et  de  Rosenstein  comprennent  85  cas 
de  lésions  cardio-aortiques;  c’est  une  proportion  de  16,4  p.  100,  soit  sen¬ 
siblement  un  sixième.  Mais  ces  lésions  valvulaires  sont  à  vrai  dire  plutôt 
une  coïncidence  qu’une  complication  véritable.  Quand  on  réfléchit  d’une 
part  au  rôle  capital  que  jouedans  l’étiologie  de  lanéphriteparenchymateuse 
le  rhumatisme  articulaire  et  d’autre  part  à  la  fréquence  des  localisations  de 
cette  maladie  sur  l’endocarde,  on  comprend  que  le  mal  de  Bright  coexiste 
souvent  avec  une  lésion  valvulaire  du  cœur.  —  Ce  sont  deux  effets  indé¬ 
pendants  l’un  de  l’autre,  mais  issus  d’une  même  cause  et  pouvant  lui 
survivre.  Simple  coïncidence  si  l’on  n’en  considère  que  la  genèse,  la  lé¬ 
sion  cardiaque  est  une  véritable  complication  au  point  de  vue  des  sym¬ 
ptômes  et  du  pronostic. 

Cependant  dans  certains  cas,  rares  à  la  vérité,  l’endocardite  peut  se  dé¬ 
velopper  en  tant  qu’affection  secondaire,  dans  le  cours  d’une  néphrite  pa¬ 
renchymateuse.  Rosenstein  n’en  a  observé  que  trois  exemples  qu’il  rap¬ 
porte  dans  son  ouvrage.  Dans  deux  de  ces  cas,  l’endocardite  affectait  la 
forme  végétante. 

J’ai  observé,  chez  une  jeune  malade  actuellement  encore  dans  mon 
service,  une  endocardite  survenue  au  troisième  jour  d’un  mal  de  Bright 
aigu,  sans  aucun  antécédent  de  rhumatisme. 

Deux  jours  après  l’apparition  du  souffle  systolique  à  la  pointe  du  cœur, 
survint  un  gonflement  douloureux  des  articulations  du  membre  supérieur 
droit  qui  disparut  au  bout  de  peu  de  temps.  Au  moment  de  son  entrée, 
cette  jeune  fille  était  atteinte  d’une  pleurésie  gauche  avec  épanchement 
et,  depuis  six  semaines  qu’elle  est  dans  nos  salles,  elle  ne  conserve  plus 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  E^DocA.BDITE  aigoë.  255 
qu’une  albuminurie  persistante  et  un  souffle  râpeux  au  premier  temps. 
Ces  faits  témoignent  donc  de  la  possibilité  du  développement  d’une  en¬ 
docardite  aiguë  dans  le  cours  de  la  néphrite  brightique.  Mais  dans  la  ma¬ 
jorité  des  cas,  ces  deux  maladies  ont  une  commune  origine  et  sont  sous 
la  d^endance  d’une  affection  primitive,  du  rhumatisme  qui  leur  a  donné 
naissance. 

.Après  avoir  successivement  passé  en  revue  les  conditions  étiologiques 
de  l’endocardite,  et  indiqué  pour  chacune  d’elles  leur  mode  pathogénique, 
il  nous  resterait  encore  à  rechercher  sa  cause  prochaine;  mais  ici,  comme 
pour  toutes  les  autres  maladies  en  général ,  nous  ne  pouvons  invoquer 
que  des  hypothèses  plus  ou  moins  ingénieuses,  des  théories  séduisantes, 
sans  doute,  mais  trop  incertaines  encore  pour  qu’il  soit  permis  de  fonder 
sur  elles  les  premières  hases  solides  d’une  pathogénie  exacte  et  posi¬ 
tive. 

Envisagée  d’une  façon  générale,  l’endocardite  secondaire  se  présente 
dans  deux  conditions  différentes  :  soit  sous  la  dépendance  du  rhumatisme, 
dont  elle  doit  être  regardée  comme  une  des  plus  fréquentes  localisations, 
soit  liée  à  des  maladies  générales  fébriles,  le  plus  souvent  infectieuses  ou 
septiques,  qui  altèrent  profondément  la  crase  sanguine.  Il  était  donc 
naturel  de  rapporter  à  l’altération  primitive  ou  secondaire  du  sang  dans 
ces  cas ,  la  cause  première  de  l’inflammation  cardiaque.  Cette  idée  n’est 
pas  nouvelle,  et  l’on  en  trouve  le  germe  dans  quelques  auteurs  qui  ont 
écrit  sur  ce  sujet. 

Déjà  avant  1839,  Pigeaux,  après  avoir  énuméré  les  causes  les  plus  fré¬ 
quentes  de  l’endocardite,  s’exprimait  ainsi  : 

«  Une  source  non  moins  abondante,  et  pourtant  fort  peu  exploitée,  des 
causes  propres  à  développer  l’endocardite,  est  assurément  l’altération  du 
sang.  C’est  peut-être  la  seule  qui  agisse  certainement  ;  comme  elle  sévit 
directement  sur  la  membrane  interne  du  cœur,  peut-être  même  toutes  les 
autres  causes  ont-elles  besoin  de  l’intermédiaire  de  celles-ci  pour  réagir 
sur  le  cœur. 

«  Elles  n’en  sont  peut-être  même  qu’une  ou  plusieurs  variétés  moins 
connues. 

«  Dans  presque  toutes  les  fièvres  exanthématiques  de  mauvaise  nature, 
l’altération  constatée  du  sang  est  probablement  encore  la  cause  de  l’en¬ 
docardite.  Dans  les  résorptions  purulentes,  quand  on  injecte  des  matières 
putrides  dans  les  veines,  dans  l’empoisounementœrgoté,  dans  le  charbon, 
chez  les  animaux  surmenés,  on  observe  encore  les  mêmes  résultats.» 

Roche  va  plus  loin,  et  il  attribue  le  développement  de  l’endocardite  aux 
altérations  du  sang,  même  dans  les  cas  de  pneumonie,  de  pleurésie  et  de 
rhumatisme.  Cette  cause  avait  déjà  été  signalée  par  Piorry,  qui  considé¬ 
rait  l’hémite  (état  couenneux  du  sang)  comme  la  cause  la  plus  fréquente 
de  l’endocardite. 

Il  est  assez  rationnel  d’admettre  que  le  sang  est  à  l’endocarde  ce  qu’est 
l’urine  à  la  muqueuse  vésicale,  ce  que  sont  les  boissons  et  les  aliments  à 
la  muqueuse  gastrique. 


254  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  •—  endocardite  aigdë. 

A  chaque  organe  son  stimulant  naturel.  Tant  que  ce  stimulant  se  trouve 
dans  des  conditions  normales,  il  n’a  sur  les  surfaces  en  rapport  aucune 
action  nocive  ;  mais  est-il  altéré  dans  ses  qualités  ou  mélangé  avec  des 
substances  irritantes  ,  ou  bien  a-t-il  subi,  soit  primitivement,  soit  secon¬ 
dairement  une  de  ces  altérations  encore  inconnues  dans  leur  nature,  mais 
qui  paraissent  être  un  des  principaux  éléments  de  certaines  maladies;  il 
devient  alors  pour  son  réservoir  une  cause  d’altérations  pathologiques. 

Todd,  ayant  constaté  que  la  sérosité  épanchée  dans  le  péricarde  à  la 
suite  de  péricardite  rhumatismale,  offrait  une  réaction  due  à  la  présence 
de  Tacide  lactique,  avait  émis  l’hypothèse  que  l’accumulation  de  cet  acide 
dans  le  sang  suffisait  pour  déterminer  l’inflammation  de  l’endocarde. 
Prout,  Williams,  Schônlein  et  Simpson,  acceptèrent  sans  contrôle  cette 
théorie,  que  Richardson  essaya  de  confirmer  par  des  recherches  expérimen¬ 
tales  (1859).  Il  produisit  une  endocardite  chez  des  chiens  en  leur  injectant 
dans  le  péritoine  une  solution  au  dixième  d’acide  lactique.  Mosler  et 
Rauch  répétèrent  la  même  expérience,  et  arrivèrent  aux  mêmes  résultats. 
Ils  se  crurent  donc  autorisés  à  conclure  que  l’accumulation  d’acide  lac¬ 
tique  dans  le  sang  suffisait  pour  produire  l’inflammation  de  l’endocarde; 
mais  les  recherches  ultérieures  de  G.  Reylier,  entreprises  sous  la  direc¬ 
tion  de  Virchow,  sont  venues,  infirmer  ces  premiers  résultats  en  montrant 
que  ces  dépôts  fibrineux  sont  très-fréquents  chez  les  chiens  et  les  mammi¬ 
fères  auxquels  on  ne  fait  aucune  injection  d’acide  lactique.  Albaum  a 
également  rencontré,  sur  des  chevaux  qui  n’avaient  pas  été  soumis  aux 
injections  d’acide  lactique,  les  désordres  trouvés  sur  les  chiens  par 
Reyher.  L’acide  lactique  n’a  donc  pas  la  valeur  étiologique  qu’on  lui  avait 
attribué ,  et  la  séduisante  théorie  de  Richardson  et  de  Rauch  doit  être 
abandonnée,  tant  que  des  expériences  nouvelles  ne  seront  pas  venues  lui 
prêter  un  nouvel  appui. 

Nous  avons  déjà  mentionné  l’opinion  d’Alison  et  de  Noirot,  qui  admet¬ 
tent  l’existence,  chez  les  scarlatineux,  de  composés  cristallisahles  qui,  se 
formant  en  excès  et  n’étant  pas  enlevés  à  temps  par  les  reins,  donne¬ 
raient  lieu,  tantôt  à  la  péricardite  ou  à  l’inflammation  de  toute  autre 
séreuse,  tantôt  au  rhumatisme  et  à  la  goutte. 

Cette  dernière  hypothèse  serait  appuyée  à  la  fois  par  les  recherches  de 
Garrod,qui  ont  établi  qu’en  général  l’acide  urique  existe  dans  le  sang  des 
individus  atteints  de  la  forme  chronique  de  la  maladie  de  Rright,  et  par 
les  expériences  de  Zalesky,  montrant  que  la  ligature  des  uretères,  en 
s’opposant  à  l’excrétion  urinaire  ,  amène,  chez  les  oiseaux  en  parti¬ 
culier,  des  dépôts  uratiques  dans  plusieurs  viscères ,  et  notamment  à  la 
surface  ou  dans  l’épaisseur  des  valvules  cardiaques. 

«  Il  y  aurait  peut-être  lieu  d’admettre,  dit  Lancereaux  (1869),  une 
endocardite  consécutive  aux  lésions  rénales,  dont  le  mode  de  formation 
ne  différerait  pas  essentiellement  de  celui  de  cette  endocardite,  que, 
dans  leurs  expériences,  Richardson,  Mosler  et  autres  auteurs,  prétendent 
être  arrivés  à  produire  chez  le  chien  en  lui  injectant  de  l’acide  lactique  dans 
le  péritoine.  Par  conséquent,  malgré  la  rareté  de  l’endocardite  dans  la  goutte 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  eî^docardite 


255 


€t  la  maladie  de  Briglit,  où  le  sang  est  généralement  chargé  d’acide  urique, 
nous  devons  reconnaître  qu’il  y  a  des  recherches  intéressantes  à  faire 
sur  ce  sujet,  et,  tout  en  regrettant  qu’une  analyse  du  sang  n’ait  pas  eu 
lieu  dans  notre  cas,  nous  désirons  vivement  qu’il  puisse  être  le  point  de 
départ  d’observations  approfondies.  » 

Notons,  enfin,  les  récents  travaux  de  Gerhardt  et  Wagner,  qui  font 
ressortir  la  coïncidence  fréquente  du  carcinome  (notamment  celui  de 
l’estomac  et  de  l’utérus)  avec  l’endocardite,  et  sont  portés  à  admettre, 
dans  ces  cas,  une  irritation  chimique  de  l’endocarde,  que  l’on  peut 
rapprocher  des  faits  précédents. 

Quoi  qu’il  en  soit,  si  les  adultérations  du  sang  sont  inconnues  dans 
leur  essence,  il  ne  nous  semble  pas  trop  prématuré  de  conclure  qu’elles 
peuvent  jouer  un  rôle  important  dans  la  pathogénie  de  l’endocardite, 
et  il  est  permis  de  supposer  que  lorsque  la  pathologie  humorale  sera 
mieux  connue,  elle  jettera  sans  doute  quelque  lumière  sur  l’étiologie  de 
cette  affection. 

4°  L’endocardite  chronique  est  ordinairement  le  reliquat  de  la  forme  ai¬ 
guë  et  reconnaît  alors  les  mêmes  causes  ;  cependant  elle  peut  se  développer 
d’emblée  comme  processus  irritatif  lent.  Ces  faits  méritent  d’autant  plus 
l’attention,  que  l’altération  de  l’endocarde  peut  rester  longtemps  silen¬ 
cieuse  et  ne  se  révéler  que  lorsqu’elle  a  produit  des  désordres  irréparables 
dans  les  orifices  et  les  valvules.  Il  arrive  assez  souvent  que,  malgré  l’in¬ 
terrogatoire  le  plus  minutieux,  on  ne  peut  faire  remonter  l’origine  de 
lésions  valvulaires  à  une  endocardite  aiguë,  rhumatismale  ou  autre;  c’est 
alors  l’endocardite  chronique  d’emblée  et  latente  qui  est  la  source  du 
mal.  Nous  savons  peu  de  choses  sur  les  causes  de  cette  forme  particulière; 
l’impression  habituelle  du  froid  humide,  l’alcoolisme,  les  phlegmasies 
des  organes  broncho-pulmonaires,  la  syphilis,  sont  les  conditions  étio¬ 
logiques  les  plus  connues  de  cette  affection,  dont  on  trouvera  la  des¬ 
cription  dans  un  précédent  article  du  Dictionnaire.  (Voy.  Cœur,  t.  YIII, 
p.  555.) 

111.  Avant  d’entrer  dans  la  description  des  lésions  anatomiques  de  l’en¬ 
docardite  aiguë,  il  nous  reste  encore  à  examiner  l’influence  que  l’âge,  le 
sexe  et  les  autres  causes  prédisposantes,  peuvent  exercer  sur  la  produc¬ 
tion  de  l’endocardite. 

Sexe.  —  Le  sexe  ne  paraît  pas  avoir  une  grande  influence  sur  la  pro¬ 
duction  de  l’endocardite;  si  l’homme  est  prédisposé  à  contracter  l’endo¬ 
cardite  rhumatismale  ou  a  frigore,  il  faut,  d’autre  part,  reconnaître  que 
la  parturition ,  en  exposant  la  femme  à  l’endocardite  puerpérale,  tend  à 
rétablir  l’équilibre  de  fréquence  dans  les  deux  sexes.  En  réunissant 
^8  observations  empruntées  à  Bouillaud,  Hope  et  Grisolle,  et  qui  peuvent 
se  rapporter  à  l’état  aigu,  on  trouve  qu’il  y  a  un  même  nombre  de  femmes 
que  d’hommes  :  14.  (Valleix.) 

Age.— L’âge,  au  contraire,  introduit  des  différences  capitales;  avant  la 
trentième  année,  l’endocardite  est  très- fréquente.  Elle  est  également  assez 
commune  dans  l’enfance,  mais  chez  les  vieillards  elle  perd  de  sa  fré- 


256 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  esdocaedite  aiguë. 


quence  et  de  son  intensité,  et  ne  se  présente  que  comme  une  poussée 
inflammatoire  aiguë  entée  sur  des  processus  chroniques  antérieurs. 

Dans  le  premier  âge,  l’endocardite  offre,  dans  son  évolution  et  dans  ses 
diverses  formes  symptomatiques ,  des  caractères  particuliers  qui  la  sépa¬ 
rent  nettement  de  la  même  maladie  chez  l’adulte. 

Chez  les  enfants,  la  forme  aiguë  est  beaucoup  plus  fréquente  et  plus 
accentuée;  mais,  grâce  à  un  heureux  privilège,  les  inflammations  légères 
de  l’endocarde  peuvent  quelquefois  disparaître  sans  laisser  de  traces  ap¬ 
préciables. 

D’un  autre  côté,  il  existe  dans  l’enfance  des  conditions  étiologiques 
nouvelles  qui  impriment  à  l’endocardite  des  moditications  particulières, 
et  qui,  par  leur  multiplicité,  peuvent  en  accroître  la  fréquence. 

C’est  surtout  à  un  âge  peu  avancé  que  l’on  observe  l’endocardite  aiguë 
primitive  et  l’endocardite  dite  d’emblée. 

Mais  les  inflammations  secondaires  de  l’endocarde  n’en  conservent  ms 
moins  le  premier  rang  dans  l’ordre  de  fréquence.  / 

Leur  étiologie  est  moins,  compliquée  qu’aux  autres  périodes  de  la  vie  ; 
cependant,  des  maladies  spéciales  aux  premières  années  de  la  vie  consti¬ 
tuent  de  nouvelles  causes  prédisposantes  à  cette  affection.  Mais,  d’un 
autre  côté,  les  diathèses  et  la  plupart  des  états  pathologiques  de  nature 
à  agir  sur  le  centre  circulatoire,  n’acquièrent  leur  opportunité  que  pen¬ 
dant  la  période  d’état  de  l’organisme  ou  dans  une  période  plus  avancée  de 
son  évolution. 

Une  des  conditions  qui  favorisent  le  plus  spécialement  l’endocardite  de 
l’enfance  est  assurément  Vaffection  rhumatismale,  dont  les  complications 
cardiaques  sont  beaucoup  plus  fréquentes  qu’à  toute  autre  époque  de  la 
vie.  C’est  ce  que  démontrent  péremptoirement  les  recherches  entreprises 
par  West  à  l’hôpital  des  enfants  de  Londres. 

Sur  32  cas  d’affections  cardiaques  chez  des  enfants  au-dessous  de  15  ans, 
le  rhumatisme  a  pu  être  invoqué  comme  cause  9  fois  ;  la  lésion  était  chro¬ 
nique  dans  3  cas,  et  aiguë  dans  6  cas  ;  5  fois  il  s’agissait  d’une  endopé- 
ricardite,  4  fois  d’une  endocardite  simple.  Cette  fâcheuse  tendance  du 
rhumatisme  à  se  localiser  de  préférence  sur  les  séreuses  cardiaques  est 
heureusement  contre-balancée  par  la  fréquence  moindre  de  cette  affection 
dans  l’enfance  et  par  son  extrême  rareté  dans  les  premières  années  de  la 

René  Blache,  dans  son  consciencieux  et  intéressant  travail  sur  les  ma¬ 
ladies  du  cœur  chez  les  enfants,  a  mis  en  relief  l'influence  que  les  diverses 
manifeslations  du  rhumatisme  exercent  sur  les  cardiopathies  infantiles. 
«  11  semble,  dit-il,  que  le  rhumatisme  soit  doué  dans  les  jeunes  orga¬ 
nismes  d’un  pouvoir  d’imprégnation  et  de  diffusion  plus  considérable 
qu’aux  autres  périodes  de  la  vie,  et  qu’il  soit  apte  à  susciter  des  états  pa¬ 
thologiques  plus'nombreux  et  plus  variés.  Ce  qui  prouve  bien  qu’il  en  est 
ainsi,  c’est  que  les  manifestations  les  plus  atténuées  et  les  mieux  loca¬ 
lisées  du  rhumatisme,  comme  le  torticolis  et  l’érythème  noueux,  par 
exemple,  souvent  se  compliquent  d’une  endopéricardite.  Pour  n’être  pas 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


257 


commun,  ce  fait  n’en  est  pas  moins  incontestable  ;  mais  ce  qui  n’est  pas 
rare,  c’est  de  voir  survenir  une  cardiopathie  dans  le  cours.d’une  chorée. 
Là,  le  vice  rhumatismal  a  pris  une  physionomie  singulière,  il  s’est  mani¬ 
festé  sous  la  forme  d’une  chorée  ;  cependant  il  n’est  resté  que  trop  fidèle 
à  lui-même  en  attaquant  le  cœur.  » 

La  chorée  joue  un  rôle  important  dans  l’étiologie  des  maladies  du  cœur 
chez  les  enfants  et  en  particulier  de  l’endocardite.  Dès  1855,  Bright 
avait  indiqué  la  relation  de  la  chorée  avec  les  affections  aiguës  du  cœur 
et  du  péricarde  et  avait  consigné  six  observations  où  cette  coïncidence 
est  positivement  indiquée.  Plus  tard  G.  Sée,  Roth,  Botrel  et  récemment 
enfin  H.  Roger  ont  établi  d’une  façon  péremptoire  la  nature  rhumatismale 
de  la  chorée  dans  la  majorité  des  cas  et  ont  noté  la  fréquente  coïnci¬ 
dence  des  inflammations  cardiaques  dans  cette  affection;  ils  désignent 
cette  complication  sous  le  nom  de  chorée  cardiaque  (Roger)  ou  rheumo- 
cardiaque  (Roth).  L’endocardite  se  montrerait  d'après  ces  auteurs  dans 
près  d’un  tiers  des  cas  de  chorée.  L’influence  pathogénique  de  la  chorée 
sur  les  affections  cardiaques  ayant  été  étudiée  avec  soin  (art.  Cœur, 
p.  568),  nous  n’insisterons  pas  plus  longuement  sur  cette  condition 
étiologique. 

Parmi  lés  maladies  propres  à  l’enfance  et  exerçant  une  certaine  in¬ 
fluence  sur  le  développement  de  l’endocardite,  nous  citerons  i’ostéo- 
myélite  aiguë  et  la  périostite  phlegmoneuse,  dans  lesquelles  cette  com¬ 
plication  a  été  observée  quelquefois. 

Giraldès,  Louvet  (1867),  Droin  (1868)  et  R.  Blache  (1869),  ont 
rapporté  des  cas  où  cette  coïncidence  se  trouve  indiquée  ;  j’ai  eu  l’occa¬ 
sion  moi-même  d’observer  une  endocardite  aiguë  survenue  dans  le  cours 
d’une  ostéomyélite  suppurée. 

L’inflammation  secondaire  de  l’endocarde  dans  ces  cas  doit-elle  être 
rapportée  à  l’influence  du  rhumatisme,  qui  a  été  rangé  parmi  les  causes 
de  la  périostite  phlegmoneuse  diffuse  par  un  certain  nombre  d’observa¬ 
teurs  (Chassaignac,  Schützenberger,  Verneuil),  ou  bien  faut-il  la  rapporter 
à  la  pyémie  qu’entraîne  après  elle  cette  redoutable  affection?  Les  deux 
hypothèses  sont  également  admissibles,  mais  il  n’est  pas  permis  d’élever 
une  théorie  pathogénique  sur  des  faits  encore  si  peu  nombreux. 

Quant  aux  fièvres  éruptives,  leur  extrême  fréquence  chez  les  enfants, 
apporte  un  nouveau  tribut  à  l’étiologie  de  l’endocardite.  La  scarlatine  à 
cet  égard  doit  être  placée  en  première  ligne. 

■  Les  enfants  semblent  enfin  moins  prédisposés  que  les  adultes  à  cette 
forme  spéciale  d’endocardite,  dite  ulcéreuse,  si  l’on  en  juge  par  le  petit 
nombre  de  cas  qui  en  ont  été  rapportés  (Seuhouse  Kirkes,  garçon  de 
14  ans  ;  Duguet  et  Hayem,  enfant  de  15  ans). 

L’endocardite  peut  également  se  montrer  chez  les  nouveau-nés  et 
même  chez  le  fœtus.  U  endocardite  fœtale  serait  même  assez  fréquente 
d’après  Rauchfous  (de  Saint-Pétersbourg).  Dans  une  communication  ver¬ 
bale  faite  récemment  à  la  société  des  médecins  de  Dresde,  Rauchfous  dé¬ 
clarait  avoir  rencontré  depuis  quelques  années  plus  de  800  endocardites 

HODV.  DICT.  UÉD.  ET  CHIE.  XIII,  —  17 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 


fœtales.  Sur  ce  nombre  les  lésions  siégeaient  192  fois  à  droite  et  15  fois- 
seulement  dans'le  cœur  gauche. 

Fôrster  avait  déjà  mentionné  la  fréquence  de  l’endocardite  fœtale  dans 
le  cœur  droit,  et  Friedreich  qui  signale  aussi  ce  siège  d’élection,  lui. 
assigne  de  préférence  les  valvules  sigmoïdes  de  l’artère  pulmonaire  ;  cette 
circonstance  peut  être  attribuée  à  la  pression  prépondérante  que  subit 
cette  partie  du  cœur  pendant  la  vie  intra-utérine. 

L’endocardite  fœtale  localisée  sur  les  valvules  sigmoïdes  de  l’artère- 
pulmonaire,  serait  d’après  Friedreich,  la  cause  des  rétrécissements  con¬ 
génitaux  de  cette  artère.  Ferber,  de  Hambourg,  attribue  à  des  endocar¬ 
dites  de  la  vie  intra-utérine,  la  plupart  des  affections  organiques  et  des 
maladies  bleues  dont  on  cherche  vainement  la  cause. 

h’ endocardite  des  nouveau-nés  est  rare  et  le  plus  souvent  dépend 
d’une  endocardite  fœtale.  Ne  pourrait-elle  pas  aussi  accompagner  dans 
certains  cas  les  myocardites  ou  les  péricardites  purulentes  qui,  d’après 
Weber,  ne  sont  pas  rares  à  la  suite  de  l’inflammation  du  cordon  (1852). 
Steiner  et  Neuretter,  dans  leurs  Mélanges  sur  les  maladies  des  enfants,  ont 
également  signalé  les  rapports  qui  existent  entre  certains  états  de  suppu¬ 
ration  et  la  myocardite. 

L’endocardite  semble  bien  plus  rare  chez  les  nouveau-nés  que  la  pé¬ 
ricardite  qui  serait  pour  Billard,  une  cause  fréquente  de  mort  des  enfants 
à  la  mamelle  (1828).  L’inflammation  de  l’endocarde  paraît  affecter  de 
préférence  chez  eux  la  forme  végétante,  à  en  juger  par  les  cas  rapportés- 
par  R.  Blache,  Bednar,  Massmann  (1854).  Telles  sont  les  modifications 
qui  peuvent  ressortir  de  l’âge. 

Nous  ne  reproduirons  pas  ici  la  longue  série  de  causes  banales  que  la- 
plupart  des  auteurs  se  complaisent  à  répéter  ;  disons  toutefois  qu’il  est 
certaines  conditions  qui  paraissent  exercer  une  certaine  influence  sur  le- 
début  et  sur  l’évolution  de  l’endocardite,  et  que  l’on  peut  partant  consi¬ 
dérer  comme  des  causes  prédisposantes  à  cette  affection  :  telles  sont  les 
conditions  hygiéniques  mauvaises  qu’engendrent  la  misère  et  l’ivro¬ 
gnerie.  Ajoutons  enfin  pour  terminer,  que  toutes  les  conditions  physio¬ 
logiques  qui  ont  pour  résultat  de  déterminer  un  excès  d’activité  del’organe 
de  la  circulation,  le  prédisposent  ainsi  directement  à  la  phlegmasie  en 
faisant  pour  ainsi  dire  converger  sur  lui  les  effets  de  toutes  les  causes 
qui  peuvent  provoquer  une  inflammation.  Il  suffît  dans  cet  état  de  la 
cause  accessoire  la  plus  légère,  pour  qu’une  endocardite  se  développe. 

Anatomie  et  physiologie  pathologiques.  —  Le  ventricule  gauche  est,' 
chez  l’adulte,  le  siège  ordinaire  de  l’endocardite.  Mais  l’inflammation 
est  presque  toujours  partielle  et  limitée  aux  régions  des  valvules.  La  mi¬ 
trale  est  le  plus  souvent  atteinte,  les  sigmoïdes  aortiques  ne  viennent 
qu’en  second  lieu.  Dans  bon  nombre  de  cas,  les  valvules  sont  prises  en 
totalité,  insertions,  lames  membraneuses,  tendons,  tout  est  lésé  ;  d’autres 
fois  l’inflammation  se  restreint  à  un  endroit  très-limité,  et  n^ttaque 
qu’une  seule  valve.  Pour  la  valvule  mitrale,  c’est  surtout  la  valve  la  plus^ 
voisine  de  l’orifice  aortique  qui  est  atteinte  la  première. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


259 


Lorsque  l’endocardite  est  plus  restreinte,  c’est  toujours  la  face  valvu¬ 
laire  tournée  vers  la  colonne  sanguine  (face  centrale)  qui  est  la  plus  al¬ 
térée,  parfois  même  la  face  opposée  (face  pariétale)  conserve  les  caractères 
de  l’état  normal.  Cette  disposition  est  la  conséquence  de  ce  fait  général 
que  le  travail  inflammatoire  porte  sur  les  points  qui  sont  le  plus  exposés 
aux  influences  mécaniques  de  pression  ou  de  distension.  C’est  pour  ce 
motif  que  l’endocardite  fœtale  occupe  surtout  les  cavités  droites  où  la 
tension  est  beaucoup  plus  considérable  que  dans  le  cœur  gauche.  Les 
orifices  de  communication  entre  les  ventricules  provenant  de  la  vie  intra- 
utérine  peuvent  également  devenir  le  siège  de  l’endocardite.  Chez  les 
vieillards,  dont  la  circulation  pulmonaire  est  depuis  longtemps'  embar¬ 
rassée,  les  valvules  tricuspide  et  sigmoïdes  pulmonaires  présentent  assez 
souvent  des  altérations  qui  résultent  en  général  d’un  travail  inflamma¬ 
toire  chronique. 

Les  oreillettes  peuvent  enfin  être  affectées  et  d’après  quelques  auteurs 
elles  le  seraient  plus  souvent  que  les  ventricules.  Von  Dusch  dresse  en 
effet  le  tableau  suivant,  d’après  l’ordre  progressif  de  fréquence. 

Oreillette  gauche,  oreillette  droite,  ventricule  gauche,  ventricule  droit, 
cloison  interventriculaire,  infundibulum. 

Parfois  le  tissu  musculaire  lui-même  est  aussi  enflammé  et  cette  myo¬ 
cardite  est  tantôt  primitive,  tantôt  consécutive  à  la  phlegmasie  de  l’en¬ 
docarde. 

Les  lésions  de  l’endocardite  siègent,  avons-nous  dit,  de  préférence  sur 
les  valvules,  c’est-à-dire  sur  la  partie  la  plus  épaisse  de  l’endocarde  et  en 
même  temps  celle  qui  est  la  plus  éloignée  des  vaisseaux.  Les  recherches 
de  Luschka  ont  en  effet  démontré  l’existence  d’un  fin  réseau  vasculaire 
dans  l’épaisseur  de  la  valvule  mitrale, mais  la  vascularisation  des  valvules 
sigmoïdes  est  encore  contestée.  Or,  comment  donc  expliquer  la  fréquence 
de  l’endocardite  dans  ce  lieu  d’élection? 

Peter  a  cherché  à  en  donner  la  raison  et  son  explication  lui  a  fourni 
l’occasion  d’émettre  une  théorie  générale  qui  rend  compte  des  phéno¬ 
mènes  inflammatoires  dans  les  tissus  dépourvus  de  vitalité  propre.  «Là 
vitalité  obscure  de  ces  tissus,  dit  Peter,  ne  leur  permet  pas  de  résister  à 
des  causes  de  destruction  sans  cesse  renaissantes,  comme  le  frottement  du 
sang,  dans  le  cas  qui  nous  occupe;  ils  s’usent  constamment,  et  sont  par 
conséquent  en  voie  de  prolifération  et  de  rénovation  incessantes.  La  répa¬ 
ration,  à  l’état  normal,  est  justement  égale  à  la  perte  subie.  Que  sous 
l’influence  d’un  trouble,  d’une  irritation  quelconques ,  l’usure  vienne  à 
augmenter,  la  prolifération  augmente  dans  une  proportion  égale  comme 
pour  rétablir  l’équilibre. 

-  «  Mais  sur  quels  points  portera  plus  spécialement  cette  prolifération 
exagérée?  Sur  ceux  qui  sont  soustraits  à  l’influence  des  lois  organiques, 
sur  les  valvules  qui  réunissent  au  plus  haut  degré  ces  deux  conditions  , 
puisqu’elles  n’ont  que  quelques  vaisseaux  à  la  base,  bien  loin  de  leurs 
bords,  et  qu’elles  sont  incessamment  battues  sur  leurs  deux  faces  et  agi¬ 
tées  par  le  courant  sanguin.  » 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 


Nous  sommes  loin,  on  le  voit,  des  théories  deGendrin  qui,  croyant  l’en¬ 
docarde  plus  vasculaire  que  la  membrane  interne  des  vaisseaux,  expliquait 
par  cet  excès  de  vascularité  la.  fréquence  plus  grande  de  l’endocardite. 

L’explication  de  Peter,  conforme  aux  données  anatomiques  et  physiolo¬ 
giques  modernes,  nous  paraît  rendre  suffisamment  compte  de  la  fréquence 
relative  de  l’inflammation  dans  cette  partie  du  système  circulatoire  où  le 
sang,  mû  par  une  force  d’impulsion  considérable  vient  se  heurter  avec 
violence  contre  les  valvules  et  les  innombrables  anfractuosités  de  l’endo¬ 
carde  qui  multiplient  les  frottements. 

Les  lésions  de  l’endocarde  sont  essentiellement  celles  de  l’inflammation 
parenchymateuse.  L’exosmose  vasculaire  n’y  prend  qu’une  très-faible 
part  et  les  éléments  propres  du  tissu  endocardiaque  sont  primitivement 
et  principalement  atteints.  Le  processus  consiste  essentiellement  dans  la 
prolifération  plus  ou  moins  rapide  des  cellules  du  tissu  conjonctif  qui  forme 
la  couche  profonde  de  l’endocarde  et  dans  la  formation  de  nouveaux  élé¬ 
ments  qui  s’organisent  ou  dégénèrent. Tantôt,  en  effet,  l’activité  formative 
qui  leur  a  donné  naissance  n’a  pas  dépassé  les  moyens  de  nutrition  de  la 
partie  enflammée  et  leur  existence  est  assurée  ou  du  moins  leur  organi¬ 
sation  ou  leur  disparition  sont  possibles  ;  tantôt  au  contraire  leur  abon¬ 
dance  est  telle  que  leur  nutrition  devient  insuffisante,  ils  dégénèrent  et  se 
détruisent.  Cette  seconde  phase  n’est  plus  sans  doute  l’inflammation , 
c’est-à-dire  un  processus  aigu  et  rapide,  mais  elle  en  est  la  conséquence, 
l’inévitable  résultat  et  l’en  séparer  serait  méconnaître  à  la  fois  son  origine 
et  sa  nature. 

Les  périodes  initiales  du  travail  pathologique  sont  les  mêmes  ;  les  dif¬ 
férences  ne  commencent  à  s’accentuer  qu’après  la  phase  d'irritation  nu¬ 
tritive.  A  partir  de  ce  moment,  elles  deviennent  si  nettes  et  si  accusées 
qu’elles  doivent  être  étudiées  séparément. 

La  plupart  des  auteurs  signalent,  au  début  de  l’endocardite  ,  une  rou¬ 
geur  plus  ou  moins  vive.  On  a  beaucoup  discuté  sur  le  caractère  inflam¬ 
matoire  ou  non  de  la  rougeur  observée  à  la  surface  interne  du  cœur 
que  déjà  Galien  avait  remarquée  et  que,  jusqu’à  ces  derniers  temps,  on 
attribuait  généralement  à  l’imbibilion  du  sang. 

Cette  rougeur  offre  diverses  nuances  :  tantôt  elle  est  d’un  rouge  vif, 
écarlate  ;  d’autres  fois,  d’un  brun  foncé,  violet,  lie  de  vin.  Ces  dernières 
colorations  s’observent  plutôt  dans  les  cavités  droites  que  dans  les  gau¬ 
ches.  Rarement  disposée  uniformément  sur  toute  l’étendue  d’une  ou  plu¬ 
sieurs  cavités,  elle  est  souvent  bornée  à  certains  points,  et  se  présente 
sous  formes  de  ponctuations,  de  tacbes  miliaires  ou  de  fines  arborisations 
vasculaires;  lorsque  la  fluxion  est  intense,  elle  peut  même  aller  jusqu’à 
la  production  de  petites  taches  ecchymoliques,  de  véritables  hémorrha¬ 
gies  punctiformes. 

La  rougeur  de  la  surface  interne  du  cœur  est  loin  de  caractériser  l’en¬ 
docardite,  car,  dans  bien  des  cas,  Timbibition  cadavérique  peut  revendi¬ 
quer  sa  part  dans  sa  production.  Le  sang  s’imbibe  en  effet  à  travers  les 
parois  vasculaires,  comme  la  bile  à  travers  les  parois  de  sa  vésicule  et 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  e.ndocardite  aigdb. 


261 


colore  en  rouge  livide  les  premières,  comme  la  bile  colore  les  secondes  en 
jaune  verdâtre,  La  coloration  de  l’endocarde  n’est  alors  qu’un  phénomène 
purement  physique,  qu’un  effet  mécanique  de  l’imbibilion  favorisé  par 
l’altération  du  sang  et  par  la  décomposition  du  cadavre.  La  rougeur 
inflammatoire  diffère  de  celle-ci  en  ce  qu’elle  n’est  pas  modifiée  par  les 
frictions  et  qu’elle  résiste  aux  lavages.  Elle  est  en  effet  due  à  l’hypérémie 
de  la  couche  sous-séreuse  qui  rattache  l’endocarde  à  la  charpente  muscu¬ 
laire  du  cœur,  ainsi  que  de  la  couche  de  tissu  cellulaire  réunissant  l’une 
à  l’autre  les  deux  lamelles  des  valvules. 

En  pratiquant  une  coupe  sur  l’endocarde  enflammé ,  il  est  facile  de 
s’assurer  que  l’injection  vasculaire  est  bien  bornée  aux  couches  profondes, 
et  à  l’examen  microscopique  on  peut  voir  les  capillaires  du  tissu  sous- 
séreux  gorgés  de  globules  sanguins. 

La  rougeur  d’imhibilion  n’atteint  au  contraire  que  les  couches  superfi¬ 
cielles  et  peut,  dans  bien  des  cas,  se  joindre  à  la  précédente. 

Du  reste,  cette  distinction  n’est  pas  aussi  importante  qu’on  le  pourrait 
croire,  car  on  a  rarement  l’occasion  d’observer  l’injection  vasculaire , 
inflammatoire  qui,  en  tant  que  phénomène  initial, échappe  le  plus  souvent 
à  l’examen  et  fait  bientôt  place  aux  lésions  plus  facilement  appréciables 
en  même  temps  que  plus  importantes  qui  frappent  les  éléments  propres 
du  tissu. 

Un  des  principaux  phénomènes  de  l’inflammation  est  une  tuméfaction 
et  une  diminution  de  consistance  causée  par  l’infiltration  parenchyma¬ 
teuse  des  éléments  du  tissu  conjonctif  et  de  la  substance  interstitielle.  Les 
corpuscules  conjonctifs,  écartés  par  l’exsudât  interstitiel  qui  tend  à  les 
dissocier,  sont  gonflés  par  l’exsudât  qui  a  lieu  dans  leur  intérieur  (exsudât 
parenchymateux)  et,  par  suite,  l’endocarde  perd  son  éclat,  son  aspect 
poli  et  sa  transparence.  11  paraît  trouble  et  hyalin. 

11  est  très-probable  qu’une  exsudation  semblable  est  déversée  à  la  sur¬ 
face  libre  de  l’endocarde,  mais  il  est  impossible  de  constater  l’existence 
de  ce  produit  qui  doit  être  immédiatement  emporté  par  le  courant  sanguin. 

En  même  temps  que  les  éléments  du  tissu  conjonctif  de  l’endocarde  se 
troublent  et  se  tuméfient  par  une  intersusception  cellulaire  plus  abon¬ 
dante,  ils  subissent  une  multiplication  endogène  plus  ou  moins  riche  qui 
a  pour  premier  effet  l’épaississement  de  la  membrane. 

Cette  prolifération  a  lieu  par  division  des  noyaux  à  l’intérieur  et  par 
scission  des  cellules.  Les  éléments  plasmatiques  grossis,  perdent  peu  à  peu 
leur  forme  étoilée;  ils  se  gonflent,  deviennent  arrondis  et  se  résolvent 
bientôt  en  une  masse  d’éléments  plus  petits ,  résultant  de  la  scission  de 
leurs  noyaux.  Cette  prolifération  est  d’autant  plus  abondante  que  le  pro¬ 
cessus  est  plus  rapide  et  plus  actif.  Les  éléments  qui  en  résultent  sont 
des  corps  ronds,  globuleux,  contenant  à  leur  centre  un  noyau,  rendu  ap¬ 
parent  par  l’addition  d’acide  acétique. 

Par  suite  de  leur  abondante  prolifération,  ces  corps  sont  pressés  les  uns 
contre  les  autres  ;  la  matière  intercellulaire,  qui  séparait  les  cellules  plas¬ 
matiques,  tend  de  plus'eh  plus  à  disparaître  et  il  en  résulte  un  tissu  com- 


262 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekoocardite  aiguë. 


posé  uniquement  d’éléments  globuleux  d’une  adhésion  extrêmement 
faible  et  glissant  les  uns  sur  les  autres  à  la  moindre  pression.  N’ayant  pas 
une  nutrition  suffisante,  ces  éléments  subissent  à  la  longue  la  dégéné¬ 
rescence  granulo-graisseuse  et  se  transforment  en  un  détritus  dans  le¬ 
quel,  à  une  période  avancée,  on  ne  reconnaît  plus  trace  d’organisation. 

Les  premières  phases  de  la  prolifération  cellulaire  donnent  lieu  à  un 
tissu  mou,  gélatineux,  imprégné  d’un  liquide  offrant  une  réaction  ana¬ 
logue  à  celle  du  mucus.  Cette  multiplication  d’ailleurs  n’étant  pas  égale 
sur  tous  les  points  malades  de  l’endocarde,  donne  lieu  à  des  granulations 
molles,  gris  rougeâtres,  qui  s’élèvent  au-dessus  de  sa  surface,  en  par¬ 
ticulier  sur  les  valvules.  Le  tissu  devient  rugueux,  inégal  et  comme 
chagriné.  L’endocarde  n’est  plus  seulement  grisâtre,  opaque  et  tur¬ 
gescent,  il  est  hérissé  de  petites  villosités,  de  mamelons,  de  saillies 
lamelliformes  qui  ont  été  désignées  sous  le  nom  de  végétations.  Or 
ces  lésions  premières  ont  pour  effet  de  modifier  les  rapports  d’attrac¬ 
tions  entre  le  sang  et  le  tissu,  et  les  inégalités  de  la  surface  endocar- 
diaque  sont  autant  de  points  d’appel  pour  la  coagulation  de  la  fibrine,  qui 
forme,  en  se  précipitant  au  sommet  de  chacune  de  ces  excroissances  mor¬ 
bides,  comme  autant  de  stalactites  verruqueuses.  Les  coagula  fibrineux, 
incessamment  battus  par  l’ondée  sanguine,  sont  parfois  détachés  par  elle, 
mais  souvent  accrus  aussi  par  la  superposition  de  couches  nouvelles.  Ils 
constituent  de  véritables  thromboses  en  miniature ,  qui  sont  susceptibles 
de  toutes  les  transformations  propres  aux  coagulations  sanguines;  elles 
peuvent  être  reprises  par  absorption,  ou  dissociées  et  emportées  par  le 
sang,  avec  ou  sans  embolies  consécutives,  ou  bien  encore  elles  persistent 
en  produisant,  sur  l’endocarde,  des  modifications  irréparables;  elle  peu¬ 
vent  enfin  subir  le  ramollissement  simple. 

Le  ramollissement  commence  toujours  par  les  parties  les  plus  an¬ 
ciennes  ;  les  éléments  centraux  sont  dissociés,  et  l’on  trouve  là  une  petite 
cavité  grandissant  peu  à  peu  vers  la  périphérie,  qui  est  remplie  par  un 
liquide  de  la  consistance  d’une  bouillie  plus  ou  moins  épaisse,  d’une  colo¬ 
ration  blanche  ou  d’un  blanc  jaunâtre.  Au  début,'  ce  liquide  est  bien 
circonscrit  dans  la  cavité  qui  le  contient,  mais,  un  peu  plus  tard,  il  fuit 
dans  les  couches  périphériques,  qu’il  imbibe  ;  de  sorte  que  la  masse  tout 
entière  participe  bientôt  au  ramollissement,  et  l’ancien  caillot  fibrineux, 
ainsi  dissocié,  peut,  après  sa  liquéfaction  complète,  aller  se  perdre  dans 
le  torrent  de  la  circulation, 

Il  arrive  parfois  que  la  bouillie  centrale  du  coagulum  renferme,  sous 
forme  de  particules  granuleuses,  des  débris  des  couches  fibrineuses  dis¬ 
sociées;  mais  cette  disposition  est  temporaire,  ces  débris  ne  tardent  pas  à 
se  dissoudre  eux-mêmes,  et  la  partie  centrale,  complètement  ramollie, 
présentant  alors  une  homogénéité  parfaite,  offre  l’aspect  d’une  bouillie 
blanchâtre  puriforme  qui  ressemble,  à  s’y  méprendre,  à  du  pus  véritable, 
et  a  été  longtemps  considérée  comme  tel.  Ce  n’est  pourtant  pas  du  pus, 
mais  bien  un  mélange  de  molécules  protéiques,  de  gouttelettes  graisseuses 
et  de  globules  sanguins  rouges  et  blancs,  tantôt  normaux,  plus  souvent 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë.  263 
■altérés.  Par  l’addition  d’eau,  cette  masse  puriforme  se  coagule,  mais  au 
bout  d’un  certain  temps  le  coagulum  se  dissout,  l’acide  acétique  y  déter¬ 
mine  d’abondants  précipités,  la  réaction  est  variable.  (Virchow.) 

Tels  sont  les  phénomènes  qui  caractérisent  le  premier  stade  de  l’in¬ 
flammation  de  l’endocarde.  Les  éléments  cellulaires  des  valvules  se 
troublent,  augmentent  de  volume;  la  scission  des  noyaux  conduit  à  la 
multiplication  endogène  des  cellules,  et  donne  naissance  à  une  grande 
quantité  de  corps  fusiformes  (cellules  embryonnaires,  embryoplastiques, 
plasmatiques) ,  qui  sont  souvent  entourés  d’une  substance  homogène, 
comme  hyaline,  et  dans  lesquels  se  voit  un  noyau  après  addition  d’acide 
acétique. 

Cette  prolifération  conjonctive  de  l’endocarde  est  accompagnée,  au 
■début,  d’un  semblable  travail  dans  la  couche  épithéliale,  mais  ces  élé¬ 
ments  superficiels  ont  la  plus  grande  tendance  à  se  dissocier  et  à  se 
■détacher  des  couches  sous-jacentes. 

Les  fibres  élastiques  contenues  dans  la  valvule,  et  servant  de  séparation 
entre  les  couches  superficielles  et  profondes ,  deviennent  granuleuses  et 
■disparaissent.  (Cornil  et  Ranvier.) 

D’après  ces  deux  habiles  micrographes,  le  processus  inflammatoire  débute 
toujours  par  la  couche  de  cellules  aplaties,  à  la  face  supérieure  ou  auricu¬ 
laire  des  valvules  mitrale  et  tricuspide,  à  la  face  inférieure  des  valvules 
artérielles,  et  c’est  toujours  dans  la  partie  la  plus  superficielle  de  cette 
couche  interne  que  la  prolifération  est  la  plus  active. 

Les  lésions  se  produisent  habituellement  sur  la  partie  de  la  valvule 
privée  de  vaisseaux  au  niveau  de  leurs  bords  libres. 

Telle  est  la  première  phase  des  lésions.  Jusqu’à  ce  point  la  phlegmasie 
peut  encore  se  terminer  par  résolution,  et  l’endocarde  recouvrer  son  inté¬ 
grité  première,  sans  conserver  aucune  trace  de  l’atteinte  momentanée  que 
sa  nutrition  a  subie;  mais,  à  une  période  plus  avancée,  la  restitution 
■ad  integrum  n’est  plus  possible,  et  dans  les  cas  même  où  la  terminaison 
est  le  plus  heureuse,  les  valvules  subissent  toujours  des  modifications 
plus  ou  moins  profondes  et  irrémédiables. 

L’évolution  ultérieure  varie,  d’ailleurs,  suivant  que  la  maladie  prend 
.la  forme  végétante  ou  la  forme  ulcéreuse. 

1“  Forme  plastique  ou  végétante.  —  Cette  forme  pathologique  est 
essentiellement  caractérisée  par  la  persistance  des  éléments  nouveaux, 
engendrés  par  l’inflammation.  La  lésion  varie  dans  ses  caractères  objectifs, 
suivant  qu’on  l’observe  à  telle  ou  telle  période  de  son  évolution,  mais  l’élé- 
■ment  fondamental  est  toujours  le  même;  c’est  une  néoplasie  conjonctive. 

Sous  l’influence  de  l’irritation  nutritive  qu’ils  ont  subie,  pendant  la 
•période  initiale  de  l’inflammation,  les  corpuscules  conjonctifs  interstitiels 
■de  l’endocarde  sont  entrés  en  prolifération;  puis,  comme  la  résolution  fait 
défaut,  le  travail  formateur  continue.  Les  éléments  cellulaires,  parcou¬ 
rant  leur  évolution  ascendante,  aboutissent,  en  dernière  analyse,  à  une 
production  souvent  colossale  de  tissu  conjonctif  qui  occupe  les  mêmes 
, points  que  le  tissu  normal,  mais  qui,  en  raison  de  son  abondance,  donne 


264  ENDOCAÏIDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocardite  aiguë. 
aux  valvules  une  dureté  et  une  rigidité  toutes  spéciales.  Le  tissu  nouveau, 
produit  par  cette  formation  conjonctive  exubérante,  acquiert  la  propriété 
de  rétractilité ,  et,  par  son  retrait,  détermine  un  rétrécissement  pro¬ 
gressif  de  l’orifice  ou  une  insuffisance  persistante,  et  souvent  ces  deux 
effets  en  même  temps;  en  un  mot,  l’exagération  de  toutes  les  modifi¬ 
cations  vicieuses  préexistantes. 

Tant  que  la  transformation  conjonctive  n’est  pas  achevée,  et  que  l’in¬ 
flammation  n’est  pas  éteinte,  les  parties  malades  peuvent  contracter  des 
adhérences  anormales  ;  les  lames  valvulaires  se  soudent  entre  elles  ou  avec 
la  paroi  ventriculaire;  elles  perdent  leur  mobilité,  et  quand  la  période  de 
rétraction  arrive,  elles  peuvent  être  réduites,  par  ratatinement  graduel, 
sans  perte  de  substance,  à  un  bourrelet  épais  et  inégal  qui  tapisse  la  cir¬ 
conférence  de  l’orifice;  dans  d’autres  cas  les  lames  ne  sont  pas  effacées, 
mais  soudées  entre  elles  et  rigides  ;  elles  figurent  une  sorte  d’appendice 
immobile  dont  la  forme  rappelle  celle  d’un  entonnoir;  le  sommet  de 
l’infundibulum  est  une  ouverture  à  diamètre  immuable;  elle  est  ordinai¬ 
rement  semi-lunaire  à  l’orifice  mitral,  et  plutôt  triangulaire  aux  orifices 
artériels.  Si  l’adhérence  a  lieu  entre  la  valvule  et  la  paroi  ventriculaire  ou 
artérielle,  l’occlusion  rhythmique  de  Torifice  n’est  plus  possible,  ce  n’est 
plus  qu’un  orifice  toujours  béant.  Quelquefois,  cependant,  il  se  produit  des 
compensations,  ainsi  que  Jacksch  (1860)  l’a  très-bien  montré.  Le  raccour¬ 
cissement  d’une  des  valvules  sigmoïdes  de  l’aorte,  par  exemple,  laisse  un 
vide  qui  se  trouve  quelquefois  comblé  par  l’allongement  des  deux  autres, 
et  l’élément  mécanique  de  la  lésion  peut  être  réparé  de  celte  manière. 

Quelle  que  soit  l’origine  de  l’endocardite,  c’est  aux  orifices  du  cœur,  sur 
les  valvules  que  se  produisent  le  plus  souvent  les  lésions.  Cependant, 
l’inflammation  peut  avoir  exceptionnellement  son  siège  sur  les  parois 
ventriculaires  ou  auriculaires,  et  la  transformation  conjonctive  des  élé¬ 
ments  proliférés  peut  entraîner ,  soit  des  épaississements  partiels,  des 
callosités  étendues  et  diffuses,  de  larges  taches  blanchâtres  (Lambl  ert 
Lôschner,  1860),  ou  même  un  épaississement  général  de  la  membrane 
interne  d’une  ou  de  plusieurs  des  cavités  du  cœur;  c'est  cet  état  que 
Fërster  a  décrit  sous  le  nom  d’hypertrophie  de  l’endocarde. 

L’endocarde  peut  avoir  conservé  son  poli,  mais  souvent  il  est  ridé  et 
comme  crépu.  L’épaississement,  d’ailleurs,  peut  être  variable;  dans 
l’oreillette  gauche,  il  est  en  général  plus  considérable  que  dans  les 
ventricules.  La  surface  interne  de  cette  cavité  présente  alors  une  teinte 
blanchâtre,  jaunâtre,  opaque,  et  l’endocarde  auriculaire  semble  avoir 
doublé  et  même  triplé  d’épaisseur. 

Dans  le  ventricule,  l’épaississement  est  plus  rare  et  moins  considé¬ 
rable  que  dans  l’oreillette,  souvent  il  est  borné  au  sommet  de  quelques 
colonnes  charnues;  d’autres  fois  il  se  remarque  sur  l’une  ou  l’autre  face 
ventriculaire,  plutôt  vers  la  base  qu’au  sommet.  Au  lieu  d’un  épaississe¬ 
ment,  il  n’y  a  quelquefois  qu’une  teinte  blanchâtre,  laiteuse,  de  l’endocarde. 

L’endocardite  peut  siéger  au  niveau  des  cordages  tendineux  et  des 
muscles  papillaires;  au  début,  les  cordes  tendineuses  se  gonflent,  s’épais- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  eadocardite  aigdë. 


265 


sissent,inais  en  augmentant  d’épaisseur,  elles  deviennent  en  même  temps 
plus  friables,  et,  comme  d’autre  part  la  contraction  des  muscles  pa¬ 
pillaires  est  exagérée  par  l’excitation  fébrile  du  cœur,  toutes  ces  condi¬ 
tions  réunies  favorisent  leur  rupture,  et  l’on  conçoit  aisément  que  ces 
déchirures  totales  ou  partielles  doivent  sérieusement  compromettre  le  jeu 
régulier  de  la  lame  valvulaire  correspondante. 

Les  extrémités  déchirées  et  inégales  du  petit  cordage,  appendues  à  leurs 
points  respectifs  d’implantation,  flottent  ainsi  dans  la  cavité  ventriculaire, 
et  sont  bientôt  recouvertes  de  dépôts  fibrineux. 

Lorsque  l’inflammation  se  propage  des  valvules  à  la  partie  supérieure 
de  la  cloison,  elle  peut  atteindre  précisément  ce  point  du  septum  dé¬ 
pourvu  de  fibres  musculaires,  et  où  la  cloison  est  constituée  par  le  simple 
adossement  de  l’endocarde  gauche  et  droit.  La  résistance  à  la  pression  du 
sang  est  beaucoup  moindre  en  ce  point ,  on  le  conçoit,  et,  lorsque  le 
début  du  travail  inflammatoire  vient  diminuer  la  cohésion  et  la  résistance 
du  tissu,  il  peut  se  laisser  forcer  et  se  rompre,  d’où  résulte  une  commu¬ 
nication  anormale  entre  les  deux  ventricules.  (Tliurnam,  Hauschka, 
Scbleimann,  Virchow,  Peacock.)  Pareille  communication  serait  assez 
fréquente,  d’après  Friedreicli,  chez  le  fœtus,  dans  les  inflammations  des 
valvules  sigmoïdes  pulmonaires,  et  servirait  à  expliquer  la  plupart  des 
cas  de  perforations  congénitales  de  la  partie  supérieure  du  septum,  ac¬ 
compagnées  des  signes  d’une  endocardite  éteinte  de  l’orifice  pulmonaire. 

Cette  lacération  n’a  point  la  signification  des  ulcérations  qui  caracté- 
l’isent  l’endocardite  ulcéreuse;  c’est  un  fait  quasi  mécanique  résultant  de 
la  localisation  particulière  de  la  lésion. 

Les  déchirures  analogues  à  celles  que  nous  venons  de  mentionner, 
peuvent  également  se  produire  sur  les  autres  parties  de  l’endocarde  et 
sur  les  valvules  elles-mêmes.  Il  est  très-rare  que  l’endocarde  cède  sur 
quelques  points  de  la  paroi  musculaire  du  cœur,  et,  dans  ce  cas,  si  la 
fibre  cardiaque  participe  à  l’inflammation,  le  sang  peut  pénétrer  dans  la 
crevasse  et  se  créer  une  loge  dans  la  substance  charnue  du  cœur,  et 
constituer  ainsi  un  anévrysme  aigu  du  cœur.  Le  mode  de  formation  de  cet 
anévrysme  n’est  pas  toujours  le  même  ;  il  faut  bien  distinguer  entre  celui 
qui  est  produit  par  une  myocardite  simple  et  celui  qui  résulte  d’une  en¬ 
docardite  pariétale  avec  myocardite;  dans  ce  dernier  cas,  l’endocarde 
peut  être  rompu  au  niveau  de  la  poche,  ainsi  que  cela  avait  lieu  sur  une 
pièce  que  j’ai  présentée  en  1865  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux.  11 
s’agissait  d’un  anévrysme  ventricule  aortique,  suite  d’endocardite;  la  ca¬ 
vité  communiquait  d’une  part  avec  le  ventricule  gauche,  de  l’autre  avec 
l’aorte,  et  servait  dé  voie  collatérale  à  l’ondée  sanguine,  qui  pouvait  à 
peine  passer  par  l’orifice  aortique  extrêmement  rétréci.  Quelquefois  les 
valvules  se  déchirent  de  la  même  façon  et  suivant  que  la  rupture  porte  sur 
une  de  ses  faces  ou  atteint  toute  l’épaisseur  de  la  valvule,  il  peut  se  pro¬ 
duire  de  même  un  anévrysme  valvulaire  ou  un  détachement  plus  ou 
moins  complet  de  la  valvule.  Ces  déchirures,  purement  mécaniques  de 
l’endocarde,  sont  extrêmement  rares  et  doivent  soigneusement  être  dis- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite 


tinguées  des  ruptures  consécutives  à  l’endocardite  ulcéreuse,  que  nous 
allons  bientôt  décrire. 

Il  nous  reste  auparavant  à  mentionner  une  des  conséquences  les  plus 
fréquentes  de  l’endocardite  aiguë,  nous  voulons  parler  des  végétations. 
Si  la  marche  de  l’inflammation  est  subaiguë,  elle  s’arrête  à  la  proliféra¬ 
tion  du  tissu  conjonctif  sur  laquelle  nous  avons  déjà  précédemment  insisté. 
Cette  néoformation  exubérante  se  transforme  en  un  tissu  muqueux,  mou, 
gélatiniforme  abondamment  pourvu  de  cellules  embryoplastiques.  Ce  tissu 
se  condense  et  se  solidifie  plus  tard,  et  constitue  enfin  les  végétations 
endocarditiques  qui  se  présentent  tantôt  sous  forme  d’un  fin  duvet  comme 
velvétique,  tantôt,  et  le  plus  souvent,  sous  forme  de  villosités  granu¬ 
leuses,  d’excroissances  déchiquetées,  de  mamelons  verruqueux.  Ces  végé¬ 
tations  siègent  le  plus  souvent  sur  les  valvules  à  la  face  opposée  à  la  di¬ 
rection  du  courant  sanguin.  Cependant  Bellingham  prétend  que  la  valvule 
mitrale  présente  ordinairement  ces  altérations  sur  la  face  auriculaire. 
Dans  les  valvules  sigmoïdes,  elles  affectent  une  disposition  toute  spéciale 
lorsque  la  lésion  n’est  pas  trop  avancée;  elles  sont  rangées  en  guirlande, 
parallèlement  au  bord  libre  des  valvules  et  au  niveau  du  point  où  la  par¬ 
tie  opaque  de  la  valvule  se  confond  avec  son  bord  mince  et  transparent, 
c’est-à-dire  le  long  du  double  croissant  qui  sert  de  limite  au  feuillet 
fibreux  intermédiaire  né  de  la  circonférence  de  l’orifice  artériel. 

Watson  (t.  II,  p.  193),  qui  s’attribue  la  découverte  de  cette  disposition 
pathologique,  prétend  qu’elle  se  rencontre  plus  spécialement  chez  les  su¬ 
jets  morts  de  bonne  heure. 

Barlow  (1836)  avait  signalé  cette  disposition,  dont  on  trouve  un  bel 
exemple  dans  la  thèse  de  Bail  (pl.  II,  fig.  1). 

Les  végétations,  dans  certains  cas,  sont  groupées  en  amas  irréguliers 
au  niveau  des  nodules  et  forment,  en  ce  point,  des  saillies,  plus  ou  moins 
analogues  à  celles  des  condylomes,  qui  ont  été  comparées  à  des  crêtes  de 
coq,  des  choux-fleurs,  des  framboises,  etc. 

On  peut  aussi  les  rencontrer  sur  les  tendons  des  muscles  papillaires  ou 
en  d’autres  points  de  la  paroi  cardiaque,  surtout  des  oreillettes. 

Laennec  divisait  ces  végétations  en  deux  espèces  :  les  globuleuses  et 
les  verruqueuses.  Bouillaud  a  accepté  cette  division,  changeant  seulement 
le  nom  des  premières,  qu’il  appelle  albumineuses  ou  fibrineuses.  Voici, 
du  reste,  la  description  qu’il  en  a  donnée  ; 

«  l'’Les  végétations  albumineuses  ou  fibrineuses  sont  molles,  faciles  à 
écraser  comme  de  l’albumine  concrète  ou  un  fragment  de  pseudo¬ 
membrane  fibrineuse  à  demi  organisée.  Leur  couleur  est  d’un  blanc  gri¬ 
sâtre  ou  jaunâtre,  mêlé  quelquefois  d’une  teinte  rosée  ou  tout  à  fait  rouge. 
Elles  se  détachent  par  une  traction  assez  légère.  Ces  granulations  m’ont 
paru  avoir  une  grande  analogie  avec  celles  que  l’on  trouve  quelquefois 
à  la  surface  de  la  plèvre,  du  péricarde  ou  du  péritoine  enflammés.  2“  Les 
végétations  verruqueuses,  très-analogues  aux  poireaux  vénériens,  contrac¬ 
tent  avec  les  parties  sur  lesquelles  elles  sont  implantées  une  telle  adhé¬ 
rence,  qu’elles  font,  pour  ainsi  dire,  corps  avec  elles.  Le  tissu  de  ces 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocakdite  aigdë. 


267 


•végétations  est  comme  corné  ;  il  crie  sous  le  scalpel  à  l’instar  du  fibro- 
cartilage.  » 

La  nature  de  ces  productions  a  diversement  été  interprétée  par  les  au¬ 
teurs.  Laennec  les  regardait  commç  de  simples  concrétions  fibrineuses 
produites  à  l’occasion  d’un  trouble  circulatoire  et  pouvant  s’organiser  par 
la  suite  ;  mais  il  ne  trouvait  pas  de  rapport  bien  manifeste  entre  la  phleg» 
masie  de  l’endocarde  et  le  développement  de  ces  concrétions.  Cette  opi¬ 
nion,  formellement  contredite  parKreysig,  Bertin,  Legroux  et  Bouillaud, 
a  été  reprise  en  Angleterre,  dans  ces  derniers  temps,  par  Simon  (1850), 
et  complètement  adoptée  par  Fuller  ;  mais  elle  a  trouvé  en  Bellingham  un 
terrible  adversaire  (part.  II,  p.  340). 

Bouillaud  et  la  plupart  des  auteurs  français  ont,  il  est  vrai,  reconnu 
l’origine  inflammatoire  de  ces  produits,  mais  en  ont  donné  une  fausse 
interprétation.  Ils  les  considèrent,  en  effet,  comme  des  dépôts  de  lymphe 
plastique,  sécrétés  par  la  surface  elle-même  de  l’endocarde. 

Tout  autre  est  l’explication  donnée  par  les  auteurs  allemands.  «  Les 
éléments  cellulaires,  dit  Virchow,  se  remplissent  d’une  grande  quantité 
de  matériaux  nutritifs  ;  le  point  correspondant  devient  inégal  et  rugueux. 
Quand  le  processus  est  lent,  il  se  produit,  soit  une  excroissance,  soit  un 
condylome,  ou  bien  l’épaississement  forme  une  saillie  mamelonnée  qui 
peut  devenir  plus  tard  le  siège  d’un  encroûtement  calcaire.  » 

Nous  avons  suffisamment  insisté  sur  le  mode  de  production  de  ces  vé¬ 
gétations  pour  qu’il  ne  soit  pas  nécessaire  de  nous  appesantir  plus  lon¬ 
guement  sur  leur  structure.  Nous  avons  dit,  en  effet,  qu’elles  sont  con¬ 
stituées  par  une  production  exubérante  des  éléments  du  tissu  conjonctif 
de  l’endocarde,  et  que  leur  surface  villeuse  sert  de  point  d’appel  à  la 
coagulation  de  la  fibrine.  Les  végétations  valvulaires  de  l’endocarde  ré¬ 
sultent  donc  de  l’inflammation  des  tissus  eux-mêmes  et  du  dépôt  consé- 
■cutif  d’une  couche  fibrineuse. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  les  opinions  émises  par  Corvisart 
et  plus  récemment  par  Julia  (1845)  relativement  à  la  nature  syphilitique 
■de|  ces  produits. 

Indépendamment  des  végétations  dont  les  valvules  du  coeur  peuvent 
■devenir  le  siège,  elles  peuvent  offrir  dans  certains  cas  une  vascularité  assez 
prononcée.  On  comprend,  d’après  cela,  que  le  processus  inflammatoire  soit 
analogue  à  celui  qu’on  rencontre  dans  des  tissus  vasculaires;  mais  ce 
n’est  que  dans  des  cas  exceptionnels  et  à  une  période  déjà  avancée  du 
travail  phlegmasique  que  se  développent  les  vaisseaux  de  nouvelle  forma¬ 
tion.  L’irritation  nutritive  des  cellules  est  toujours  l’acte  fondamental  et 
primitif  de  l’inflammation  de  l’endocarde. 

Mais  cette  vascularisation  secondaire  et  pathologique  des  valvules  peut 
ultérieurement  modifier  la  constitution  des  produits  inflammatoires  et  en 
faciliter  peut-être  la  résorption  ou  déterminer  leur  désorganisation  com- 
,  plète. 

Deux  cas  d’arborisations  vasculaires  des  valvules  mitrales  et  sigmoïdes 
figurent  dans  le  travail  de  Bail  (pl.  I,  fig.  1  et  2).  Parmi  les  états  patho- 


26S 


ENDOCAlïDE.  —  ENDOCARDITES.  .ekdocardite 


logiques  qui  favorisent  celte  disposition  ,  la  diathèse  rhumatismale  semble, 
d’après  cet  auteur,  occuper  le  premier  rang. 

Les  lésions  que  nous  venons  de  décrire  et  qui  caractérisent  la  deuxième 
phase  de  l’évolution  inflammatoire  tendent  incessamment  à  devenir  per¬ 
manentes  et  à  produire  des  désordres  irréparables.  L’ endocardite  chronique 
fait  suite  à  ce  premier  état,  sans  transition  et  sans  différences  bien  mani¬ 
festes;  dans  celle-ci,  en  effet,  la  lésion  ne  diffère  de  l’état  aigu  que  par  la 
condensation,  la  dureté,  la  rétraction  plus  grande  des  éléments  nouveaux. 
Il  n’y  a  là  qu’une  question  d’âge  et  non  une  question  de  nature.  Aiguë 
ou  chronique,  l’endocardite  végétante  est  essentiellement  une  inflamma¬ 
tion  scléreuse.  La  lésion  varie  dans  les  caractères  objectifs  suivant  qu’on 
l’observe  à  telle  ou  telle  période  de  son  inflammation,  mais  le  caractère 
fondamental  est  toujours  le  même,  c’est  une  ne'oplasie  conjonctive. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  transformations  ultimes  propres  à  l’état 
chronique,  telles  que  l’incrustation  calcaire  et  la  dégénérescence  graisseuse 
des  produits  inflammatoires  que  l’on  trouvera  décrite  dans  un  précédent 
article  (t.  VIII,  p.  555  et  suiv.). 

V embolie  est  une  des  suites  possibles  de  l’endocardite  aiguë,  aussi  bien 
que  de  la  forme  chronique  ;  dans  les  deux  cas  l’embolus  est  constitué,  soit 
par  des  dépôts  fibrineux  dissociés,  soit  par  des  débris  de  valvules, soitenfin 
pardesvégétationsdétachées.  Les  excroissances  polypeuses  n’adhèrent  quel¬ 
quefois  à  leur  point  d’insertion  que  par  un  pédicule  étroit  et  mince  que 
le  choc  du  courant  sanguin  peut  aisément  briser.  Cette  rupture  amène  le 
détachement  des  particules  végétantes  qui  sont  transportées  par  la  circu¬ 
lation  dans  les  points  les  plus  divers  et  produisent  des  désordres  plus  ou 
moins  étendus  et  graves,  suivant  la  dimension  et  l’importance  du  vaisseau 
sanguin  qu’elles  viennent  obstruer.  Ces  lésions  secondaires  emboliques 
seront  étudiées  dans  le  chapitre  suivant,  à  propos  de  la  forme  ulcéreuse 
dont  elles  sont  une  des  plus  graves  et  des  plus  fréquentes  conséquences. 

II.  Forme  ulcéreuse. —  Si  l’on  appliquait  la  qualification  d’ulcéreuse  à 
toute  endocardite  qui  peut  amener  la  solution  de  continuité  de  la  mem¬ 
brane,  les  formes  précédentes  pourraient,  dans  bien  de's  cas,  mériter 
cette  désignation,  mais  ce  n’est  point  dans  ce  sens  large  qu’elle  doit 
être  entendue. 

On  appelle  endocardite  ulcéreuse  une  forme  d’endocardite  aiguë  qui 
est  caractérisée  par  la  genèse  et  l'élimination  rapides  des  produits  inflam¬ 
matoires  ;  or,  comme  ces  produits  sont  intra-cellulaires  et  interstitiels, 
cette  élimination  a  nécessairement  pour  conséquence  une  destruction 
proportionnelle  du  tissu  malade.  Les  lésions  initiales  sont,  comme  nous 
l’avons  dit  précédemment,  celles  de  l’endocardite  plastique  ;  même  in¬ 
jection,  même  imbibition  inlercellulaire,  même  turgescence  des  cellules 
conjonctives;  mais,  à  partir  de  ce  moment,  tout  change.  Les  cellules  plas¬ 
matiques  et  le  tissu  cellulaire  intermédiaire  de  l’endocarde  infiltrés  par 
l’exsudât  parenchymateux  sont  distendus  et  tuméfiés;  puis  ils  se  ramol¬ 
lissent,  se  dissocient  et  se  résolvent  enfin  en  un  détritus  de  consistance 
pultacée  par  leur  mélange  avec  l’exsudât  ramolli  et  avec  le  liquide  inter- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


269 


cellulaire  de  coloration  gris  sale  ou  jaunâtre.  Cette  bouillie  sanieuse,  opa¬ 
que,  finement  granuleuse,  résiste  à  peu  près  absolument  aussi  bien  à  l’ac¬ 
tion  de  l’acide  acétique  que  de  la  soude.  La  production  de  cet  exsudât 
étant  d’ailleurs  très- rapide  et  très-abondante,  amène  promptement  une 
décomposition  moléculaire  nécrobiotique  de  l’endocarde  avec  perle  de 
substance.  L’examen  microscopique  de  la  masse  finement  grenue  formée 
par  l’exsudât  parenchymateux  et  les  éléments  cellulaires  tombés  en  déü- 
quium  y  révèle  la  présence  de  fibrine  à  l’état  fibrillaire  avec  quelques 
rares  noyaux  oblongs,  des  éléments  fusiformes  plus  rares  encore,  des 
granulations  graisseuses  très-nombreuses  et  très-fines  et  quelques  corps 
granuleux,  mais  pas  de  leucocytes  ni  de  globules  pyoïdes. 

L’élimination  de  ce  détritus  inflammatoire  laisse  après  elle  une  perte  de 
substance  plus  ou  moins  profonde,  une  ulcération  que  sa  précocité  et 
son  évolution  permettent  de  regarder  comme  une  ulcération  aiguë.  Cette 
ulcération  pathologique  doit,  en  effet,  être  essentiellement  distinguée  de 
celles  qui  se  présentent  accidentellement  dans  la  forme  plastique  ou 
consécutivement  à  la  dégénérescence  des  coagulations  fibrineuses  et  de 
celles  qui  se  montrent  parfois  dans  l’endocardite  chronique.  C’est  aux 
premières  que  Friedreich  a  appliqué  la  dénomination  d’ulcérations  di- 
phthéritiques  ou  malignes  en  opposition  aux  ulcérations  dites  bénignes 
qui  succéderaient  au  ramollissement  graisseuxdesvalvules.il  existe  enfin 
«n  dernier  mode  de  formation  des  ulcérations  de  l’endocarde,  à  la  vérité 
extrêmement  rare,  nous  voulons  parler  des  cas  où  la  phlegmasie  aboutit 
à  la  suppuration  de  l’endocarde.  Les  abcès  qui  en  résultent  ne  se  vident 
pas  toujours  dans  la  cavité  cardiaque  et  ne  déterminent  pas  par  consé¬ 
quent  d’une  façon  constante  l’ulcération  de  l’endocarde  ;  il  peut  arriver 
en  effet  que  les  abcès  s’enkystent  comme  dans  les  cas  rapportés  par 
Millard  (1855)  et  par  Vidal  (1854).  Ces  kystes  purulents  doivent  soi¬ 
gneusement  être  distingués  de  ces  petites  cavités  remplies  d’une  bouillie 
de  matière  albumineuse,  n’ayant  pas  la  moindre  analogie  de  composition 
avec  le  pus.  (Cruveilher,  Lebert,  Ahrcbow.)  Mais  la  tendance  la  plus  na¬ 
turelle  de  ces  abcès,  qui  siègent  presque  toujours  sur  les  valvules,  est  de 
s’ouvrir  et  la  rupture  a  lieu  en  général  du  côté  sur  lequel  le  sang  exerce 
son  effort  et  qui,  par  cela  même,  est  le  moins  résistant.  Il  se  fait  un  petit 
orifice,  une  fissure  par  laquelle  le  pus  vient  sourdre  et  va  se  mélanger  au 
•courant  sanguin.  (Pelvet,  Lancereaux,  Chalvet.) 

Le  cœur  gauche  paraît  être  le  siège  de  prédilection  des  ulcérations, 
■elles  se  rencontrent  quelquefois  sur  la  paroi  ventriculaire,  mais  bien  plus 
fréquemment  elles  occupent  l’une  ou  l’autre  face  des  valvules,  soit  auriculo- 
ventriculaires,  soit  aortiques.  La  valvule  mitrale  est  atteinte  le  plus  sou¬ 
vent. 

Dans  22  cas  d’endocardite  ulcéreuse,  relevés  par  Butaud  (1869),  la 
lésion  portait  quatorze  fois  sur  les  valvules  ;  sur  ce  nombre,  onze  fois  la 
«valvule  mitrale  était  seule  altérée  et  trois  fois  les  sigmoïdes  de  l’aorte 
«participaient  à  la  lésion.  Ces  ulcérations  n’ont  pas  toutes  la  même  étendue 
«ni  le  même  aspect;  leurs  dimensions  varient  depuis  celle  d’une  tête  d’é- 


270  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdb. 
pingle  jusqu’à  celle  d’un  grain  de  maïs  ;  tantôt  la  perte  de  substance  est 
circulaire,  à  bords  nettement  découpés  et  comme  taillés  à  pic  ;  tantôt  elle 
présente  des  contours  irréguliers,  à  bords  déchiquetés  ou  comme  fran¬ 
gés.  Il  n’est  pas  rare  de  trouver  autour  de  l’ulcération  des  végétations 
verruqueuses  qui  la  circonscrivent  et  semblent  en  augmenter  la  profon¬ 
deur.  Dans  quelques  cas  même,  il  existe  au  voisinage  d’une  perforation 
ulcéreuse,  une  végétation  polypiforme  susceptible  de  l’obturer  en  jouant 
le  rôle  de  soupape. 

Lorsque  Tulcération  siège  sur  l’endocarde  pariétal,  elle  constitue  une 
solution  de  continuité  dont  le  fond  est  formé  par  des  tissus  mous  et  fria¬ 
bles  ;  car  il  est  très-rare  que,  dans  ce  cas,  les  fibres  musculaires  les  plus  voi¬ 
sines  ne  participent  pas  à  l’inflammation  et  au  ramollissement.  Le  sang 
s’engage  dans  cette  plaie,  la  creuse,  la  dilate  et  bientôt  y  forme  une  ca¬ 
vité  anévrysmatique  plus  ou  moins  circonscrite.  Ainsi  se  produit  ïané- 
vrysme  partiel  aigu  dont  les  observations  de  Virchow  et  celle  de  Herzfelder 
(1860)  offrent  deux  beaux  exemples.  Dans  le  premier  cas,  il  s’agit  d’une 
endomyocardite  aiguë  développée  sous  l’influence  de  la  syphilis.  La  paroi 
postérieure  du  cœur  droit  présentait  une  ulcération  profonde  qui  s’était 
convertie  en  un  anévrysme  partiel.  Dans  le  second,  la  paroi  du  ventricule 
gauche  était  excavée  à  sa  face  interne  et  présentait  une  dilatation  ampul- 
laire  que  Rokitansky  assura  être  un  anévrysme  partiel.  Il  faut  bien  se 
garder  de  confondre  ces  lésions  avec  celles  qui  résultent  de  la  myocardite 
suppurée  primitive  ;  celle-ci  avons-nous  dit,  peut  en  effet  produire  des 
résultats  analogues,  quoique  Thurnam,  Peacock  et  Cruveilhier  n’en  aient 
pas  observé  d’exemples,  et  malgré  l’opinion  de  Pelvet  qui  n’en  admet  la 
possibilité  qu’avec  une  extrême  réserve.  Dittrich,  au  contraire,  regarde  la 
myocardite  comme  la  lésion  primitive  et  principale  dans  la  majorité  des 
cas,  tandis  que  l’endocardite  serait,  d’après  lui,  presque  toujours  consé¬ 
cutive. 

Cette  assertion  est,  il  est  vrai,  trop  exclusive  ;  la  preuve  en  est  dans  le 
siège  fréquent  de  l’anévrysme  dans  la  partie  supérieure  du  septum  qui  ne 
renferme  pas  de  fibres  musculaires.  La  myocardite  ne  peut  donc  pas  être 
invoquée  ici  comme  lésion  première. 

L’anévrysme  ne  se  forme  en  ce  point  que  si  l’ulcération  endocardiaque 
est  peu  profonde  ;  le  sang  pénètre  alors  dans  la  perte  de  substance,  refoule 
les  tissus  sous-jacents,  décolle  souvent  les  bords  de  l’ulcération  et  fuse 
entre  les  deux  feuillets  adossés  de  l’endocarde  en  constituant  un  véritable 
anévrysme  disséquant.  D’autres  fois  la  lame  endocardiaque  sur  laquelle 
repose  le  fond  de  l’ulcération  se  laisse  distendre  en  un  petit  sac  qui  proé- 
mine  dans  le  ventricule  du  côté  opposé  et  forme  ainsi  un  petit  anévrysme 
dont  la  rupture  amène  une  communication  intra-ventriculaire.  [Murchi- 
son  (1865),  Lemaire  (1863),  Hope  (1839),  Dittrich,  Todd  (1846).] 

Mais  lorsque  l’ulcération  primitive  de  l’endocarde  est  plus  profonde, 
et  c’est  le  cas  le  plus  commun,  le  septum  est  immédiatement  rompu 
et  la  perforation  a  lieu  sans  laisser  à  l’anévrysme  le  temps  de  se  pro¬ 
duire. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë.  271 

Dans  la  majorité  des  cas,  les  valvules  sont  le  siège  de  l’ulcération  ;  lors¬ 
que  celle-ci  est  profonde,  elle  peut  les  perforer  ou  bien  en  détacher  des 
fragments  ;  mais  si  elle  est  superficielle,  la  valvule  peut  résister  encore  ; 
son  feuillet  encore  intact  forme  godet  pour  ainsi  dire  sous  l’influence  de 
la  pression  du  sang,  et  cette  dépression  a  pour  conséquence  un  anévrysme 
valvulaire  dont  l’orifice  est  toujours  tourné  du  côté  sur  lequel  le  sang 
exerce  son  effort,  tandis  que  la  poche  se  développe  sur  la  face  opposée. 
Ainsi  pour  les  sigmoïdes,  le  sac  proémine  dans  le  ventricule  et  l’orifice  re¬ 
garde  le  vaisseau  ;  pour  les  valvules  auriculo-ventriculaires,  la  poche  fait 
saillie  dans  l’oreillette  et  l’orifice  siège  à  la  face  ventriculaire.  Ces  ané¬ 
vrysmes  siègent  de  préférence  dans  le  cœur  gauche  et  en  particulier  sur 
la  valvule  mitrale  ;  les  valvules  aortiques  paraissent  en  être  moins  souvent 
atteintes.  Sur  vingt-trois  observations  rassemblées  par  Pelvet,  seize  fois 
l’anévrysme  occupait  la  mitrale  et  sept  fois  seulement  les  sigmoïdes  aorti¬ 
ques. 

L’orifice  d’entrée  de  ces  petites  tumeurs  est  situé  sur  la  face  inférieure 
de  la  valvule  pour  les  auriculo-ventriculaires,  sur  la  face  pariétale  pour 
les  artérielles.  Il  n’est  pas  rare  de  le  trouver  garni  à  son  pourtour  de 
villosités  et  de  végétations  qui  peuvent  par  leur  volume  en  rétrécir  le  ca¬ 
libre.  Les  anévrysmes  valvulaires  ont,  en  général,  la  forme  depetites  ampou¬ 
les  globulaires,  ou  de  cupules  hémisphériques;  parfois  ils  sont  allongés 
et  cylindriques  en  forme  de  doigts  de  gant.  Leur  volume  varie  depuis  les 
dimensions  d’une  tête  d’épingle  jusqu’à  la  grosseur  d’une  noisette  ou  d’un 
marron  (Rokitansky,  Fôrster,  Thurnam);  le  plus  souvent  il  ne  dépasse 
pas  celui  d’un  petit  pois. 

Les  parois  du  sac  anévrysmal  sont  formées  principalement  de  tissu  élas¬ 
tique  et  sa  cavité  est  souvent  remplie  de  caillots  qui  peuvent  se  dissocier 
plus  tard  et  donner  lieu  à  des  embolies,  mais  lorsque  l’orifice  est  large, 
la  coagulation  du  sang  n’a  pas  lieu.  Les  anévrysmes  valvulaires  pour  peu 
qu’ils  soient  volumineux,  causent  le  rétrécissement  de  l’orifice  auquel  ils 
correspondent  ;  mais  ils  peuvent  aussi  en  empêchant  la  valvule  de  se 
fermer  et  de  s’opposer  au  reflux  du  sang  produire  en  même  temps  une 
insuffisance 

Cette  dernière  est  le  plus  souvent  déterminée  par  la  rupture  de  l’ané¬ 
vrysme  et  la  perforation  consécutive  delà  valvule. 

Toutes  les  lésions  que  nous  venons  de  décrire  déterminent  la  chute  de 
certaines  particules  à  la  face  interne  du  cœur  que  le  courant  sanguin  en¬ 
traîne  et  transporte  au  loin  dans  les  points  les  plus  divers  du  système 
circulatoire. 

Dans  la  forme  subaiguë  ou  végétante  de  l’endocardite,  ce  sont  des  frag¬ 
ments  de  végétations,  des  parcelles  de  fibrine  coagulée,  parfois  même  des 
lambeaux  valvulaires  qui  produisent  les  oblitérations  vasculaires. 

Dans  la  forme  ulcéreuse,  les  embolies  succèdent  à  l’évacuation  des 
foyers  endocardiaques;  les  dépôts  métastatiques  qui  en  résultent,  sont  for¬ 
més  par  des  tissus  altérés  par  l’inflammation,  par  une  masse  de  détritus 
nécrosés,  finement  granulés,  quelquefois  par  du  pus  ou  des  fragments  de 


27iJ  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 
fibrine,  parfois  enfin  par  des  morceaux  de  valvules  détachés  et  emportes 
par  le  courant. 

Ces  dépôts  emboliques  reflètent  et  reproduisent  les  caractères  du  foyer 
originel  :  l’observation  démontre  ici  deux  modalités  différentes  ;  tantôt  les 
effets  sont  purement  mécaniques,  il  n’y  a  que  les  désordres  locaux  pro¬ 
duits  en  toute  circonstance  par  l’obturation  d’un  ou  de  plusieurs  ra¬ 
meaux  artériels  ;  tantôt  avec  ces  effets  mécaniques  locaux  coïncident  des 
accidents  d’infection,  d’empoisonnement  général  et  les  foyers  à  distance 
présentent,  non  plus  les  caractères  de  la  nécrobiose  simple,  mais  bien  ceux 
des  infarctus  hémorrhagiques  avec  suppuration  ichoreuse  et  putride.  Aux 
effets  mécaniques  communs,  se  sont  ajoutés  des  effets  infectieux  spécifi¬ 
ques  ;  et  comme  ces  dépôts  métastatiques  sont  le  produit  d’un  foyer  uni¬ 
que,  force  est  bien  de  rapporter  à  ce  générateur  l’influence  toxique  géné¬ 
rale  et  d’admettre  que,  dans  un  cas,  le  foyer  endocardiaque  verse  dans  le 
sang  des  éléments  indifférents,  à  propriétés  purement  mécaniques,  tandis 
que,  dans  l’autre  cas,  il  jette  dans  la  circulation  des  éléments  toxiques, 
dont  chaque  débris  emporte  au  loin  la  spécificité  infectieuse  qu’il  tient  de 
son  origine. 

Ces  données  ont  une  conséquence  qui  a  été  méconnne;  ce  qui  caracté¬ 
rise  en  effet  l’endocardite  ulcéreuse,  ce  qui  la  spécialise  au  point  d’en 
faire  une  forme  distincte,  ce  n’est  pas  le  fait  brut  de  l’ulcération  de  l’endo¬ 
carde  et  des  embolies  secondaires.  Tout  cela  peut  exister  dans  les  endo¬ 
cardites  rhumatismales  aiguës,  qui  n’ont  point  le  cachet  clinique  de  la 
forme  dite  ulcéreuse  ;  la  caractéristique  n’est  pas  dans  l’ulcération,  elle 
est  dans  la  septicité  des  produits  éliminés  et  dans  les  phénomènes  symp¬ 
tomatiques  tout  particuliers  qui  en  découlent. 

Il  résulte  de  là  que  la  dénomination  d’endocardite  ulcéreuse  est  mau¬ 
vaise,  parce  qu’elle  prête  à  l’équivoque  ;  en  fait,  une  endocardite  peut 
être  ulcéreuse  (anatomiquement  parlant),  sans  présenter  le  tableau  clini¬ 
que  auquel  le  médecin  reconnaît  cette  forme  spéciale  ;  il  vaut  mieux  dès 
lors  abandonner  cette  désignation  et,  pour  qualifier  la  maladie  par  un 
caractère  à  la  fois  constant  et  exlusif,  je  propose  de  la  nommer  endocar¬ 
dite  SEPTIQUE  ou  INFECTIEUSE. 

En  raison  de  sa  grande  importance  pratique,  je  tiens  à  rappeler  ici 
une  proposition  que  j’ai  déjà  formulée  :  cette  endocardite  est  propre  aux 
individus  surmenés,  mal  nourris,  alcoolisés,  cachectiques  ;  elle  éclate  pri¬ 
mitivement  ou  dans  le  cours  d’une  autre  maladie,  mais,  en  tout  cas,  c'est 
du  mauvais  état  de  l’organisme  que  les  formations  inflammatoires  tirent 
leurs  propriétés  nocives,  les  malades  s’infectent  eux-mêmes  par  les  pro¬ 
duits  qu'ils  engendrent.  Le  processus  pathologique  de  cette  affection  pour¬ 
rait  [donc  être  défini  par  l’expression  d’auto-septicémie  qui  en  résume 
pour  ainsi  dire  les  traits  essentiels  et  caractéristiques. 

Lésions  second.aires.  —  Les  formes  anatomiques  de  l’endocardite  aiguë 
que  nous  venons  de  décrire  peuvent  produire  deux  ordres  de  lésions 
secondaires  et  éloignées  suivant  le  volume  des  particules  détachées  de  la 
paroi  cardiaque. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ei^docardite  aigüë.  275 

Le  transport  de  concrétions  ou  de  végétations  volumineuses  peut  en¬ 
traîner  l’oblitération  des  vaisseaux  de  premier  ordre  et  donner  ainsi  lieu 
à  la  production  de  véritables  embolies  artérielles. 

Le  plus  souvent  les  corps  migrateurs  sont  constitués  par  des  petites 
parcelles  granuleuses  ou  par  des  détritus  inflammatoires  de  l’endocarde 
qui,  pénétrant  plus  avant  dans  les  voies  circulatoires,  produisent,  au 
sein  ou  à  la  surface  des  organes,  des  dépôts  métastatiques  désignés  sous 
le  nom  à'infarctiis. 

1“  Embolies  artérielles.  —  Nous  serons  brefs  sur  cette  lésion  secon¬ 
daire  dont  on  trouvera  la  description  à  l’article  Embolie  (t.  Xll).  D’après 
Friedreich,  les  embolies  sont  plutôt  le  résultat  de  l’endocardite  chronique 
que  de  l’état  aigu.  Les  blocs  erratiques  qui  les  déterminent  sont  consti¬ 
tués  soit  par  des  fragments  de  végétations  polypeuses  détachées  de  l’endo¬ 
carde,  soit  par  des  lambeaux  des  valvules  elles-mêmes.  Leurs  effets  dif¬ 
fèrent  suivant  l’artère  qu’ils  viennent  obturer.  Mais  ces  dépôts  doivent 
avoir  un  certain  volume  pour  arrêter  la  circulation  dans  les  vaisseaux 
assez  larges. 

«  On  a  vu,  dit  Charcot,  la  fémorale  et  même  l’iliaque  externe  devenir 
subitement  imperméables  au  torrent  sanguin,  par  suite  d’un  caillot  vo¬ 
lumineux  parti  du  cœur.  » 

Lorsque  les  artères  des  membres  inférieurs  se  trouvent  ainsi  oblitérées, 
il  en  résulte  une  ischémie  qui  se  termine  ordinairement  par  la  gangrène. 
Watson,  Tufnell,  Goodfellow  et  plusieurs  autres  auteurs  en  ont  rapporté 
des  exemples  dans  l’endocardite  rhumatismale. 

Lancereaux  a  également  cité  un  cas  d’embolie  fémorale  consécutive  à 
une  endocardite  verruqueuse.  {Anat.  path.,  p.  444.) 

D’autres  fois,  l’embolus  s’arrête  dans  une  artère  d’un  moindre  calibre. 
Les  artères  cérébrales  ont  souvent  été  vues  oblitérées  : 

Dans  un  cas  de  Senhouse  Kirkes  (1863)  l’artère  cérébrale  moyenne  et 
ses  principales  branches  étaient  obstruées  par  des  caillots  fibrineux.  Le 
corps  strié,  réduit  à  un  état  de  bouillie  pâle,  présentait  un  ramollissement 
blanc-. 

Lancereaux(A?iat.pat/i.,p.221)  rapporte  l’observation  d’une  femme  qui 
fut  tout  â  coup  frappée  d’apoplexie  avec  hémiplégie  gauche  et  chez  laquelle 
il  trouva  une  obstruction  de  l’artère  sylvienne  droite  produite  par  une  vé¬ 
gétation  papilliforme,  détachée  de  la  face  ventriculaire  de  l’une  des  val¬ 
vules  aortiques;  une  végétation  semblable  se  retrouvait  sur  la  valvule 
voisine. 

Les  lésions  de  cet  ordre  sont  tellement  fréquentes  à  la  suite  des  car¬ 
diopathies  rhumatismales  que  Lancereaux,  dans  sa  thèse,  attribue  à  cette 
cause  plus  de  la  moitié  des  faits  pathologiques  qu’il  a  rassemblés  (1862). 

Une  lésion  bien  plus  rare  encore  est  l’atrophie  aiguë  du  foie  qui ,  dans 
les  deux  cas  cités  par  Virchow  et  Oppolzer  a  pu  être  rapportée  avec  une 
pleine  évidence  à  l’embolie  de  l’artère  hépatique. 

Le  fait  cité  par  Luys  (1865)  pourrait  bien  reconnaître  une  semblable 
origine. 


Xin.  —  18 


274 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekeocakdite  aiguë. 


Nous  citerons  enfin  les  embolies  des  artères  rénales,  spléniques  et  plus 
rarement  des  artères  mésentériques,  thyroïdiennes,  ophthalmique. 

Les  vaisseaux  obturés  par  les  embolies  appartiennent  le  plus  souvent 
au  département  de  la  grande  circulation,  puisque  l’endocardite  a  son 
siège  de  prédilection  dans  le  ventricule  gauche. 

Lorsque  l’endocardite  siège  dans  le  cœur  droit,  il  peut  se  produire  des 
embolies  pulmonaires  qui  déterminent  quelquefois  une  mort  presque 
subite.  Tel  est  le  cas  mentionné  par  Cohn  (obs.  V,  p.  260). 

Tel  est  aussi  celui  de  Goddard  Rogers  (1865) ,  rapporté  par  Char¬ 
cot  (1867).  Dans  le  cours  d’un  rhumatisme  articulaire  aigu  avec  endo¬ 
cardite,  le  malade  fut  pris  au  quinzième  jour  d’un  accès  d’orthopnée 
qui  amena  la  mort  dans  l’espace  de  dix  minutes.  —  A  l’autopsie,  on 
trouva  l’artère  pulmonaire  oblitérée  par  un  caillot  volumineux  parti  du 
cœur  droit. 

2“  Infarctus.  —  Les  infarctus  sont  les  lésions  secondaires  les  plus  fré¬ 
quemment  observées  dans  le  cours  de  l’endocardite. 

Les  parcelles  emboliques  détachées  delà  surface  interne  du  cœur  sont  ‘ 
en  effet  rarement  assez  considérables  pour  oblitérer  le  calibre  des  grosses 
artères,  mais  leur  volume  ne  leur  permet  pas  de  franchir  les  artères  de 
2'  ou  de  3°  ordre  ;  elles  s’arrêtent  donc  au  niveau  des  artérioles,  et  pro¬ 
duisent  des  désordres  variables  suivant  l’étendue  du  territoire  vasculaire 
de  l’artère  embolisée  et  suivant  l’organe  atteint. 

Les  effets  immédiats  de  cette  obstruction  sont,  en  premier  lieu,  une 
diminution  de  l’afflux  sanguin  pouvant  aller  jusqu’à  la  suspension  totale, 
en  d’autres  termes,  une  anémie  locale  ;  en  second  lieu ,  dans  la  zone 
voisine,  une  congestion  fluxionnaire  ou  active,  une  véritable  hypérémie 
collatérale  et  compensatrice.  L’augmentation  de  pression  dans  les  vais¬ 
seaux  perméables  en  amène  la  dilatation  et,  dans  bon  nombre  de  cas,  cette 
distension  produit  la  rupture  de  quelques  rameaux  plus  ou  moins  volu¬ 
mineux,  de  là  des  hémorrhagies  de  la  région  congestionnée. 

Quelle  que  soit  la  modification  définitive  de  la  circulation  locale  com¬ 
promise  par  l’embolie,  le  premier  et  constant  effet  de  celle-ci  est  la  for¬ 
mation  de  ces  deux  zones  à  peu  près  concentriques,  dont  l’intérieure  est 
en  état  d’ischémie  ou  d’anémie,  dont  la  périphérique  est  en  état  d’hypé- 
rémie  hémorrhagipare. 

Les  phénomènes  ultérieurs  diffèrent  selon  qu’il  s’établit  'ou  non  une 
circulation  collatérale  suffisante  pour  compenser  l’ischémie.  Dans  le  pre¬ 
mier  cas,  l’embolie  n’a  pas  d’autre  suite  anatomique  que  la  lésion  parié¬ 
tale  du  vaisseau  obstrué;  mais  si  la  circulation  compensatrice  est  insuffi¬ 
sante  ou  nulle,  l’ischémie  persistante  produit  dans  le  tissu  embolisé  une 
altération  irréparable. 

Cette  altération  est  une  sorte  de  mort  locale  par  l’absence  de  maté¬ 
riaux  nutritifs;  mais  les  caractères  de  ce  processus  nécrobiotique  varient 
avec  le  siège  de  l’embolie.  Dans  les  viscères,  l’ischémie  produit  des  foyers 
limités  de  nécrose,  caractérisés  par  le  ramollissement  et  la  régression 
graisseuse  des  éléments  histologiques  avec  ou  sans  hémorrhagies  péri- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  — ■  endocardite  aiguë.  275 
phériques.  Nous  ne  nous  étendrons  pas  plus  longuement  sur  ces  sortes 
d’infarctus  qui  se  présentent  dans  le  cours  de  l’endocardite  aiguë.  Leur 
description  a  été  déjà  faite  complètement  (art.  Embolie,  t.  XII). 

3°  Embolies  capillaires.  —  Les  embolies  capillaires  se  rencontrent  le 
plus  souvent  dans  la  forme  ulcéreuse.  Elles  constituent  une  des  lésions 
secondaires  les  plus  constantes  de  la  maladie,  mais  n’en  sont  pas  la  ca¬ 
ractéristique.  Elles  ont  des  effets  multiples  en  rapport  avec  la  nature  de 
l’altération  qui  leur  a  servi  de  point  de  départ  et  forment  deux  groupes 
distincts  :  tantôt  les  substances  charriées  par  le  sang  n’ont  qu’une  action 
mécanique  et  ne  déterminent  d’autre  effet  que  celui  qui  résulte  de  l’obstruc¬ 
tion  d’un  certain  nombre  de  capillaires  ;  tantôt  les  débris  détachés  de 
l’endocarde  emportent  avec  eux  la  spécificité  infectieuse  qu’ils  tirent  de 
leur  origine  et  dans  ce  cas,  à  leurs  effets  mécaniques  s’ajoutent  une  ac¬ 
tion  spéciale  sur  les  tissus  au  sein  desquels  ils  ont  été  transportés. 

Les  embolies  capillaires,  partant  du  cœur,  peuvent  prendre  toutes  les 
directions  ;  on  peut  en  découvrir  dans  tous  les  tissus,  dans  les  viscères  et 
les  membranes.  Dans  ces  dernières,  elles  déterminent  des  ecchymoses, 
qui  peuvent  suppurer  ou  se  résorber.  Dans  les  viscères,  elles  donnent  lieu 
à  des  lésions  dont  le  premier  terme  est  l’infarctus  hémorrhagique,  le 
dernier  Tabcès  infarctueux. 

L’infarctus  consécutif  aux  embolies  capillaires  est  toujours  hémorrha¬ 
gique,  parce  que  la  rupture  des  capillaires  est  presque  forcée,  vu  la  min¬ 
ceur  de  leurs  parois  d’une  part,  les  efforts  du  sang  sur  les  bouchons 
d’autre  part.  (Feltz.) 

Après  cette  première  période  caractérisée  comme  toujours  par  un  mé¬ 
lange  d’anémie  et  d’hypérémie  et  par  la  production  d’hémorrhagies  ca¬ 
pillaires,  le  rétablissement  de  la  circulation  prévient  la  mort  locale  qui 
était  imminente  et  le  tissu  irrité  par  les  dépôts  métastatiques  et  par  le 
sang  extravasé,  subit  les  altérations  caractéristiques  de  l’inflammation 
depuis  l’exsudation  fibrineuse  constatée  plusieurs  fois  par  Virchow,  jus¬ 
qu’à  la  suppuration. 

Nous  n’avons  pas  à  énumérer  ici  les  embolies  capillaires  qui  peuvent 
se  présenter  dans  tous  les  organes  ;  les  plus  fréquentes  sont  celles  de  la 
rate,  des  reins  et  de  l’encéphale.  Dans  des  cas  plus  rares,  on  les  observe 
dans  l’intestin  grêle  et  les  lésions  qu’elles  déterminent,  ayant  quelque 
analogie  avec  celles  de  la  fièvre  typhoïde,  peuvent  ainsi  entretenir,  à  l’au¬ 
topsie,  une  erreur  diagnostique  souvent  commise  pendant  la  vie  du  ma¬ 
lade. 

Ces  altérations  consistent  en  ulcérations  disséminées  en  nombre  varia¬ 
ble,  sur  une  longueur  plus  ou  moins  grande  de  l’intestin  ;  de  forme  assez 
■nettement  circulaire,  d’un  diamètre  qui  est  généralement  compris  entre 
■1  et  3  centimètres,  ces  ulcérations  peuvent  pénétrer  jusqu’à  la  tunique 
musculeuse  ;  leurs  bords  ne  sont  pas  taillés  à  pic,  le  fond  est  d’un  gris 
sale,  piqueté  de  rouge  ;  elles  diffèrent  des  ulcérations  typhoïdes  par  plu¬ 
sieurs  caractères  importants  ;  elles  ne  sont  pas  bornées  au  segment  infé¬ 
rieur  de  l’intestin  grêle  et  ne  sont  pas  limitées  au  bord  opposé  à  l’inser- 


276  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 
tion  du  mésentère  ;  elles  n’affectent  aucun  rapport  constant  avec  les  glandes 
intestinales;  enfin,  elles  présentent  à  leur  pourtour  une  fluxion  capillaire 
intense  avec  hémorrhagies  punctiformes.  Ces  faits  ne  sont  pas  communs 
quoique  Colin  semble  en  avoir  observé  plusieurs  cas  ;  j’en  ai  vu  moi-même 
un  exemple  très-net  à  l’hôpital  Saint-Antoine,  il  y  a  quelques  années. 

On  a  souvent  parlé  des  cécités  subites  observées  dans  le  cours  des  af¬ 
fections  cardiaques,  de  l’endocardite  ulcéreuse  en  particulier,  et  on  les  ex¬ 
pliquait  par  l’embolie  de  l’artère  ophthalmique.  (Von  Graefe,  Liebreich, 
Blusig,  Schneller.)  Certaines  ophthalmies  purulentes  à  évolution  rapide 
ont  été  attribuées  à  cette  cause.  (Virchow,  Lancereaux,  Vast,  Lefeuvre.) 
Mais  les  infarctus  hémorrhagiques  peuvent  se  montrer  sur  la  rétine  et 
succéder  à  des  embolies  capillaires.  Tel  est  le  cas  observé  par  Virchow 
sur  une  femme  de  54  ans  atteinte  d’une  endocardite  puerpérale  qui  avait 
déterminé  des  infarctus  métastatiques  des  reins,  de  la  rate  et  du  foie  en 
même  temps  que  des  foyers  métastatiques  siégeant  entre  la  rétine  et  la 
choroïde.  Ces  dernières  avaient  été  le  point  de  départ  d’une  ophthalmie 
interne  généralisée.  ^ 

Les  poumons  sont  assez  rarement  le  siège  d’embolies  capillaires  par 
suite  de  la  localisation  plus  fréquente  de  l’endocardite  à  gauche.  On 
q  pu  cependant  les  y  observer  quelquefois  ;  ces  organes  présentent 
assez  souvent  à  leur  surface  de  petites  taches  ecchymotiques  ;  à  la 
coupe,  on  trouve  ici  des  infarctus  hémorrhagiques,  là  des  abcès  mé¬ 
tastatiques. 

Vulpian  et  Charcot  ont  signalé,  dans  une  de  leurs  observations,  de  pe¬ 
tits  abcès  de  diverses  dimensions,  mais  dont  les  plus  volumineux  ne  dé¬ 
passaient  pas  la  grosseur  d’une  petite  noisette  ;  les  plus  petits  avaient  une 
forme  sphéroïdale,  les  plus  grands  offraient  une  configuration  irrégulière 
et  leurs  parois  étaient  tapissées  d’une  fausse  membrane  assez  épaisse.  Le 
liquide  contenu  dans  ces  abcès  offrait  une  teinte  gris  jaunâtre  et  l’on  y 
trouvait  de  très-nombreux  globules  purulents  et  pyoïdes  ainsi  que  d’assez 
nombreuses  cellules  à  plusieurs  noyaux. 

Les  embolies  capillair^  de  la  rate,  du  foie  et  des  reins  ont  été  fort  bien 
décrites  dans  la  thèse  a’Hermann  (1854). 

Nous  n’insisterons  pas  plus  longtemps  sur  ces  lésions  secondaires  qui 
ont  toutes  pour  commune  origine  le  transport  de  différents  détritus  mi¬ 
grateurs  détachés  des  parois  enflammées  de  l’endocarde.  Ces  lésions 
multiples  varient  suivant  le  volume  et  le  siège  des  dépôts  emboliques 
et  suivant  aussi  la  nature  de  la  lésion  endocardiaque  primitive;  leurs 
effets  sont  tantôt  purement  mécaniques  et  consistent  en  désordres  pure¬ 
ment  locaux  produits  par  l’obturation  vasculaire;  tantôt,  aux  effetsméca- 
niques  locaux,  s’ajoutent  des  accidents  d’infection  générale  et  les  foyers 
à  distance  présentent  alors,  dans  ce  cas,  les  caractères  des  infarctus  hé¬ 
morrhagiques  avec  suppuration  ichoreuse  ou  putride.  Dans  cette  dernière 
foi*me  qui  caractérise  l’endocardite  ulcéreuse  septique,  on  peut  admettre 
avec  vraisemblance  que  le  foyer  endocardiaque  verse  dans  la  circula¬ 
tion  une  substance  ichoreuse  ou  putride  particulière  qui  vient  imprégner 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë.  277 
les  débris  emboliques  et  qu’ainsi  se  produit  rapidement  une  viciation 
générale  de  la  crase  sanguine. 

Ces  propriétés  infectantes  et  toxiques  ne  peuvent  être  encore  démon¬ 
trées  d’une  façon  péremptoire  et  l’examen  microscopique  ne  permet  pas 
jusqu’à  présent  de  distinguer  les  produits  inflammatoires  infectieux  des 
exsudais  indifférents  et  inoffensifs.  L'inoculation  du  détritus  des  valvules 
à  des  animaux  pourrait  seule  éclairer  sur  la  septicité  de  ces  produits. 
Mais  les  expériences  entreprises  par  Gaspard  (1822),  Trousseau  et  Du- 
puy  et  les  recherches  toutes  récentes  de  Stich,  Panum,  Bergmann,  Vir¬ 
chow,  Billroth,  0.  Weber  et  Roser  en  Allemagne,  ont  suffisamment  éta¬ 
bli  l’existence  d’une  intoxication  générale  de  l’économie  par  l’absorption 
ou  la  pénétration  directe  dans  le  sang  des  éléments  altérés  de  nos  tissus 
pour  qu’il  nous  soit  permis  d’admettre  par  analogie  une  infection  sep¬ 
tique  de  l’organisme  résultant  d’une  altération  spéciale  des  produits  in¬ 
flammatoires  de  l’endocarde. 

L’altération  du  sang  existe  donc  certainement  dans  l’endocardite  sep¬ 
tique,  mais  elle  n’est  pas  encore  chimiquement  démontrée,  Virchow  a 
constaté  dans  quelques  cas  que  ce  liquide  présentait  une  réaction  acide 
et  renfermait  de  grandes  quantités  de  leucine  et  de  tyrosine  ;  malheu¬ 
reusement  dans  le  fait  observé  par  cet  auteur,  l’endocardite  était  com¬ 
pliquée  d’ atrophie  aiguë  du  foie  et  il  est  probable  que  cette  dernière  lésion 
était  la  cause  de  la  modification  remarquable  du  sang. 

Le  liquide  sanguin  a  été  examiné  avec  soin  dans  un  cas  rapporté  par 
Chalvet  (Mémoire  de  Lancereaux,  1862,  obs.  IV)  ;  «  A  part  deux  caillots 
fibrineux  de  petit  volume  et  très-mous  situés  dans  l’un  et  l’autre  ventri¬ 
cule,  le  sang  dans  ce  cas,  dit  Chalvet,  est  partout  noir,  fluide,  légèrement 
gluant,  visqueux  et  parsemé  de  points  brillants.  A  l’examen  microsco¬ 
pique,  les  globules  rouges  sont  plus  déformés  et  plus  irréguliers  qu’on 
ne  le  voit  généralement  dans  les  mêmes  conditions  cadavériques;  il  existe 
de  nombreuses  cellules  sphériques  et  granuleuses  contenant  un  ou 
deux  noyaux  et  qui  ne  sont  vraisemblablement  que  des  globules  blancs 
du  sang  un  peu  modifiés  ;  mais  on  trouve,  en  outre,  des  cellules  allon¬ 
gées,  irrégulières  et  plus  volumineuses  avec  un  noyau  très-granuleux,  des 
corpuscules  déformés  et  presque  uniquement  composés  de  granulations 
(corpuscules  granuleux)  ;  des  globules  de  graisse,  de  nombreuses  granu¬ 
lations  élémentaires  et  quelques  rares  débris  de  fibres  fines  de  tissu  con¬ 
jonctif.  Ces  mêmes  particules  étrangères  se  rencontrent  encore  dans  les 
concrétions  fibrineuses  des  artères  de  la  rate,  du  foie  et  des  reins.  Ces 
éléments  comme  ceux  qui  font  partie  du*petit  foyer  siégeant  encore  dans 
l’épaisseur  de  la  valvule  mitrale,  pâlissent  sans  se  dissoudre  sous  l’in¬ 
fluence  des  acides  ;  ils  sont  inattaquables  par  les  alcalis.  Ces  caractères 
chimiques  viennent  par  conséquent  s’ajouter  aux  caractères  physiques 
pour  démontrer  l’origine  réelle  des  corps  étrangers  rencontrés  dans  le 
sang.  » 

Frerichs  admet  bien  une  infection  du  sang  en  pareil  cas,  mais,  au  lieu 
de  la  rapporter  aux  lésions  de  l’endocarde, il  l’attribue  plutôt  à  l’altération 


278 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


de  la  rate  consécutive  aux  foyers  emboliques.  Dans  les.  cas  très-rares  à 
la  vérité  d’endocardite  suppurée,  l’adultération  du  sang  est  incontestable 
et  aboutit  à  une  véritable  intoxication  purulente.  Et  l’on  pourrait  se  de¬ 
mander  si  la  plupart  des  faits  de  pyohémie  spontanée  ne  pourraient  pas 
reconnaître  une  semblable  origine. 

I.  Symptômes  et  marche.  —  Endocardites  aiguë  et  suraiguë.  —  Au 
point  de  vue  clinique,  il  est  important  de  distinguer  l’endocardite 
valvulaire  de  l’endocardite  pariétale;  car  si  la  première  a  des  signes- 
propres  qui  en  révèlent  l’existence,  la  seconde  au  contraire  peut  à  peine 
être  soupçonnée,  et  nos  connaissances  à  ce  sujet  sont  encore  si  bornées, 
qu’il  est  à  peu  près  impossible  de  déterminer  si  l’inflammation  siège  uni¬ 
quement  sur  la  membrane  interne  des  ventricules  ou  si  elle  attaque  en 
même  temps  la  fibre  cardiaque. 

L’endocardite  valvulaire  est  la  plus  fréquente  et  donne  lieu  à  des  phé¬ 
nomènes  bien  plus  importants  que  l’endocardite  pariétale  (auriculaire  ou 
ventriculaire).  C’est  donc  à  la  cardio-valvulite  que  se  rapporteront  plus 
spécialement  les  détails  dans  lesquels  nous  allons  entrer.  Nous  avons  déjà 
vu  que  l’endocardite  était  rarement  primitive,  simple  et  isolée.  Le  plus 
souvent  elle  est  sous  la  dépendance  d’une  affection  générale  aiguë  anté¬ 
rieure  ou  bien  elle  est  associée  à  d’autres  phlegmasies  qui  peuvent  en 
partie  la  voiler.  Ces  diverses  circonstances  modifient  la  symptomatologie 
de  l’endocardite,  et  ne  permettent  pas  d’en  présenter  une  description  gé¬ 
nérale  applicable  à  tous  les  cas.  Nous  essayerons  cependant  de  tracer  l’es¬ 
quisse  de  la  forme  la  plus  habituelle,  sauf  à  indiquer  les  modalités  les 
plus  importantes  qu’elle  peut  offrir  à  son  début  ou  dans  son  cours. 

Début.  —  L’endocardite  primitive  simple  peut  présenter  au  début  le 
cortège  habituel  à  l’invasion  de  toutes  les  maladies  aiguës  ;  la  fièvre, 
l’anorexie,  la  courbature,  l’insomnie,  etc.  Ce  mode  de  début  est  très-net, 
mais  il  est  aussi  très-rare,  comme  l’endocardite  primitive  elle-même. 

Le  début  de  l’endocardite  secondaire  et,  en  particulier,  de  celle  qui  sur¬ 
vient  dans  le  cours  d’un  rhumatisme  articulaire  aigu  est.  souvent  annoncé 
par  une  recrudescence  notable  du  mouvement  fébrile  ;  les  contractions 
cardiaques  deviennent  irrégulières  et  tumultueuses,  le  pouls  s’accélère 
et  la  température  générale  du  corps  s’élève  brusquement  d’un  demi-degré 
à  un  degré  et  plus. 

Lorsque,  chez  un  rhumatisant,  dit  Vernay,  on  observe  une  accélération 
du  pouls  allant  jusqu’à  120,  125  ou  140  pulsations  par  minute,  et  ne 
s’expliquant  pas  par  l’intensité,  des  manifestations  articulaires,  ou  s’il 
survient  des  palpitations  et  une  véritable  ataxie  du  cœur,  on  est  en 
droit  de  diagnostiquer  une  endocardite  même  en  l’absence  de  bruit  de 
souffle. 

Graves,  dans  sa  leçon  sur  la  péricardite,  signale  aussi  ce  fait,  que  les 
troubles  fonctionnels  du  cœur  précèdent  de  plusieurs  jours  les  bruits 
anormaux  caractéristiques. 

Ce  qui  domine,  ce  qui  frappe,  c’est  la  force  et  l’accélération  des  bat¬ 
tements  du  cœur,  le  pouls  dur  et  vibrant.  Tout  se  borne  en  général  à  ces 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocakditb  aîgdê.  279 
symptômes  d’excitation  du  cœur,  mais  ceux-ci  sont  souvent  éphémères 
et  parfois  si  légers  qu’ils  échappent  à  l’observation.  On  doit  -donc  se 
garder  d’accorder  une  valeur  exagérée  à  des  signes  incertains,  passagers 
et  inconstants,  qui  n’ont  d’autre  importance  que  d’attirer  l’attention  du 
médecin  sur  des  complications  qui  pourraient  sans  cela  passer  inaper¬ 
çues.  Un  des  phénomènes  prodromiques  qui  nous  semble  devoir  mériter 
une  mention  spéciale,  est  l’élévation  brusque  de  la  température;  cosigne 
nous  a  souvent  permis  de  prédire  quelques  jours  à  l’avance  l’invasion 
prochaine  d’une  inflammation  cardiaque  dans  le  cours  d’un  rhumatisme 
articulaire  aigu,  alors  qu’aucun  trouble  ne  s’était  encore  manifesté  dans 
l’organe  central  delà  circulation.  Lorsque  le  thermomètre  appliqué  dans 
le  rectum  ou  dans  l’aisselle,  s’élève  brusquement  de  plus  d’un  degré  au- 
dessus  du  niveau  habituel  du  cycle  thermique,  cette  ascension  qui  dé¬ 
passe  l’étendue  de  l’exaspération  vespérale  est  vraiment  caractéristique 
en  ce  sens  qu’elle  indique  d’une  façon  presque  certaine  l’invasion  d’une 
phlegmasie  nouvelle,  et  qu’elle  impose  l’obligation  d’un  examen  appro¬ 
fondi  des  organes.  Mais  cette  recrudescence  peut  manquer  ou  n’être  que 
trop  faiblement  accusée,  et  cela,  même  dans  le  rhumatisme  ;  de  sorte 
que  la  conduite  la  plus  sûre  à  tenir  est  d’examiner  tous  les  jours  le  cœur 
des  rhumatisants,  bien  qu’ils  ne  présentent  encore  aucun  phénomène 
suspect. 

Le  m,ême  précepte  s’applique  à  toutes  les  autres  maladies  aiguës  sus¬ 
ceptibles  de  déterminer  l’endocardite,  et  l’examen  direct  du  cœur,  prati¬ 
qué  tous  les  jours,  peut  seul  déceler  cette  inflammation  commençante. 
Car,  dans  ces  cas,  plus  que  dans  tout  autre  peut-être,  l’endocardite  aiguë 
secondaire  manque  de  signes  caractéristiques  et  révélateurs.  La  fièvre 
en  effet  n’éveille  aucune  inquiétude,  parce  qu’elle  est  le  fait  de  la  ma¬ 
ladie  antécédente,  et  qu’elle  ne  subit  souvent  aucune  modification  appré¬ 
ciable  au  moment  de  la  phlegmasie  secondaire  ;  tout  phénomène  subjectif 
faisant  alors  défaut,  l’endocardite  peut  ainsi  rester  longtemps  voilée  et 
ne  se  démasquer  enfin  que  lorsqu’il  est  déjà  trop  tard  pour  la  guérir. 

L’endocardite  subaiguë  est  le  plus  souvent  silencieuse  dans  son  inva¬ 
sion  et  reste  latente  si  l’observateur  ne  va  pas  à  sa  découverte.  La  forme, 
chronique  d’emblée,  affecte  également  ce  mode  de  début. 

Au  total,  abstraction  faite  de  quelques  cas  exceptionnels,  l’endocardite 
est  du  nombre  des  maladies  qni  ne  se  dénoncent  pas  elles-mêmes  ;  elle 
veut  être  cherchée  et  n’est  vraiment  saisie  que  par  l’exploration  directe  ; 
aussi  le  médecin  doit-il  toujours  avoir  l’oreille  au  guet,  pour  ainsi  dire, 
afin  d’être  averti  de  son  approche  et  de  la  reconnaître  à  son  premier 
signe. 

1°  Symptômes  généraux  et  fonctionnels.  —  La  fièvre  de  l’endocardite 
aiguë  n’a  rien  de  caractéristique.  —  Dans  la  forme  primitive  et  a  frigore 
elle  affecte  le  type  subcontinu  ou  rémittent,  sans  présenter  d’ailleurs  au¬ 
cune  particularité  qui  la  distingue.  Le  mouvement  fébrile  est  au  maximum 
dès  les  deux  premiers  jours.  Dans  la  forme  secondaire,  elle  paraît  bien 
plutôt  influencée  par  la  maladie  primitive  que  par  l’inflammation  endo- 


280  E^'DOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë. 
cardiaque  elle-même.  L’élévation  de  la  température  est  généralement 
médiocre  ;  il  est  rare  qu’elle  dépasse  39  degrés  dans  la  forme  plastique; 
en  revanche  dans  la  forme  septique  ou  putride,  on  peut  observer  les 
chiffres  de  40,  41  degrés  qui  appartiennent  à  toutes  les  maladies  infec¬ 
tieuses.  —  La  fièvre  n’obéit  dans  ses  allures  à  aucun  cycle  défini  et  l’en¬ 
docardite  aiguë  n’a  pas  en  réalité  de  symptômes  thermiques  propres.  Elle 
peut  suivre  son  cours  sans  modifications  bien  notables  de  la  température 
ou  présenter  parfois  des  élévations  et  des  recrudescences  qui  ne  sont 
soumises  à  aucune  règle  fixe. 

Lorsque  l’endocardite  est  légère,  subaiguë,  bénigne,  les  malades  n’ac¬ 
cusent  ordinairement  anmn  phénomène  subjectif.  Mais  si  l’endocardite  a 
une  certaine  intensité,  ils  éprouvent  assez  souvent  une  sensation  vague 
à’ oppression  précordiale;  plus  rarement  c’est  une  sensation  de  chaleur 
derrière  le  sternum  ou  dans  le  creux  épigastrique;  mais  il  n’y  a  pas  de 
douleur  proprement  dite  ;  la  sensibilité  obtuse  de  la  membrane  interne 
du  cœur  en  donne  l’explication,  et  si  on  la  constate  dans  quelques  cas, 
on  doit  la  rapporter  à  une  péricardite  ou  à  une  pleurésie  concomitante. 

A  l’anxiété  précordiale,  à  cette  sensation  de  gêne,  de  malaise  ou  de  pe¬ 
santeur  dans  les  régions  épigastrique  ou  cardiaque,  se  joignent  habiiuelle- 
ment  des  palpitations  plus  ou  moins  violentes  appréciables  pour  le  malade 
et  pour  le  médecin.  Tantôt  continues  ou  à  rémissions  très-courtes,  elles 
augmentent  ou  se  reproduisent  au  moindre  mouvement,  à  la  moindre 
émotion,  et,  dans  certains  cas,  elles  se  montrent  plus  fréquentes  la  nuit, 
troublent  le  sommeil  des  malades  en  produisant  chez  eux  de  pénibles 
cauchemars  ou  de  douloureux  réveils  en  sursaut. 

L’action  du  cœur  et  les  caractères  du  pouls  sont  très-variables.  Tantôt 
le  cœur  bat  avec  une  remarquable  énergie,  les  contractions  sont  percep¬ 
tibles  à  la  vue,  et  la  main,  appliquée  sur  la  région  précordiale,  peut  sentir 
un  frémissement  vibratoire  assez  marqué. 

Le  pouls  est  alors  plein,  dur,  ample  et  fréquent;  parfois  il  conserve  sa 
régularité,  mais  le  plus  souvent  il  présente  des  intermJttences  plus  ou 
moins  complètes  et  prolongées  qui  ne  se  retrouvent  pas  dans  les  contrac¬ 
tions  cardiaques.  Ces  intermittences  fausses  par  rapport  au  cœur  sont 
produites  par  la  difficulté  qu’éprouve  le  sang  à  franchir  l’orifice  aortique. 
Aussi  ne  se  retrouvent-elles  qu’à  une  période  déjà  plus  avancée  de  l’en¬ 
docardite,  lorsqu’il  s’est  formé  des  concrétions  fibrineuses,  des  végéta¬ 
tions  valvulaires  ou  autres  productions  accidentelles,  toutes  circonstances 
qui,  malgré  l’énergie  des  battements  du  cœur,  s’opposent  à  ce  qu’une 
large  ondée  sanguine  soit  projetée  dans  le  système  artériel.  (Bouillaud.) 

Les  intermittences  du  pouls  coexistent  souvent  avec  celles  du  cœur, 
et  Pigeaux  attribue  une  grande  valeur  à  ce  double  signe,  qu’il  regarde 
comme  un  indice  presque  certain  d’endocardite. 

Simonet  (1824)  a  signalé  un  caractère  remarquable  du  pouls  qui  pour¬ 
rait  avoir  une  certaine  importance  séméiologique,  s’il  n’était  si  inconstant 
et  s’il  ne  se  retrouvait  dans  d’autres  maladies  que  l’endocardite;  c’est 
une  sorte  de  crépitation  du  pouls,  qu’il  désigne  sous  le  nom  de  frottement 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë.  281 
globulaire.  Le  sang  qui  circule  dans  l’artère  radiale  semble  divisé  en  une 
infinité  de  petites  molécules  qui  laissent  sur  le  doigt  l’impression  de  leur 
passage  successif  et  difficile. 

Le  pouls  présente  quelquefois  une  intéressante  particularité  indiquée 
par  Legroux  :  «  Dans  un  cas,  dit  cet  auteur,  étudié  avec  soin  et  constaté 
par  une  observation  attentive,  continuée  pendant  plus  d’une  heure,  le  pouls 
était  insensible  aux  artères  des  membres  supérieurs,  tandis  qu’il  était 
large  et  plein  dans  les  autres  artères.  Le  cœur  était  agité  de  palpitations 
violentes  et  tumultueuses.  Après  une  large  saignée  générale  et  une  émis¬ 
sion  sanguine  locale,  les  palpitations  se  calmèrent  et  les  battements 
reparurent  dans  les  artères  radiales.  Nous  signalons  ce  fait,  ajoute-t-il, 
sans  en  donner  l’explication.  » 

L’activité  anormale  du  cœur,  qui  se  révèle  au  début  de  l’endocardite 
par  la  force  d’impulsion,  par  les  battements  exagérés  des  carotides  et 
l’accélération  du  pouls,  a  été  attribuée,  par  certains  auteurs,  à  l’excitation 
produite  sur  le  muscle  cardiaque  par  le  travail  phlegmasique  auquel  les 
fibres  les  plus  intimes  prendraient  une  certaine  part;  selon  d’autres,  la 
fréquence  du  pouls  serait  le  résultat  d’une  irritation  des  ganglions  ner¬ 
veux  logés  dans  les  parois  du  cœur.  Sans  nous  arrêter  à  ces  explications 
purement  hypothétiques,  nous  allons  examiner  l’influence  que  le  trouble 
de  la  circulation  cardiaque  exerce  sur  les  autres  fonctions. 

L’éréthisme  cardiaque  du  début  retentit  assez  souvent  sur  la  circulation 
encéphalique.  Ainsi  s’expliquent  la  céphalalgie,  les  éblouissements  et  les 
tintements  d’oreille,  que  l’on  voit  notés  dans  un  certain  nombre  d’ob¬ 
servations. 

Mais  c’est  sur  la  circulation  pulmonaire  que  les  troubles  cardiaques 
produisent  leur  premier  et  principal  effet.  L’étroite  relation  pathologique 
qui  existe  entre  le  cœur  et  les  poumons,  n’avait  pas  échappé  à  la  judi¬ 
cieuse  observation  de  Gendrin  ;  «  L’appareil  vasculaire  des  poumons ,  dit 
cet  éminent  clinicien,  est,  plus  que  toute  autre  partie  du  système  circula¬ 
toire,  sous  la  dépendance  immédiate  des  fonctions  du  cœur.  En  effet,  les 
vaisseaux  des  poumons  s’ouvrent  directement,  par  leurs  troncs  princi¬ 
paux,  dans  les  cavités  cardiaques.  L’appareil  vasculaire  est  court,  l’in¬ 
fluence  de  la  pesanteur  y  est  relativement  moindre,  tandis  que  l’activité 
musculaire  locomotrice  y  exerce  une  action  énergique.  Les  conditions 
dynamiques  qui  président  à  la  circulation  pulmonaire  se  dérangent  avec 
facilité,  et  dans  de  larges  limites,  dans  les  maladies  du  cœur. 

«  Aussi  la  circulation  pulmonaire  est  plus  rapidement  troublée  que 
la  grande,  C’est  en  elle  qu’on  trouve  le  point  de  départ,  comme  c’est  en 
elle  qu’on  trouve  les  premiers  indices  de  tous  les  accidents  les  plus  graves 
des  maladies  du  cœur  »  (1842). 

Valleix  insiste  également  sur  la  fréquence  des  troubles  respiratoires 
dans  l’endocardite.  Sur  11  cas  rassemblés  par  lui,  la  respiration  ne  fut 
libre  qu’une  seule  fois.  Dans  tous  les  autres,  elle  était  plus  ou  moins  gê¬ 
née,  fréquente,  avec  oppression  et  étouffement. 

L’influence  de  l’endocardite  aiguë  sur  la  respiration  serait  au  contraire 


282  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 
presque  nulle,  d’après  Bouillaud,  dans  les  cas  où  la  circulation  se  fait 
assez  librement  à  travers  le  cœur.  Mais  en  revanche,  ajoute  ce  savant 
professeur,  toutes  les  fois  qu’un  grand  obstacle  s’oppose  au  cours  du 
sang  dans  les  cavités  du  cœur,  les  malades  sont  en  proie  à  la  plus  déchi¬ 
rante  oppression  ;  ils  étouffent,  comme  ils  le  disent,  restent  assis  plutôt 
que  couchés  dans  leur  lit,  ne  goûtent  aucun  moment  de  sommeil,  et  cher¬ 
chent  vainement,  au  milieu  d’une  jactitation  perpétuelle,  quelque  position 
qui  leur  permette  de  satisfaire  le  pressant  besoin  de  respirer  qui  les  tour¬ 
mente.  » 

La  dyspnée  est  fréquente,  mais  elle  peut  manquer;  elle  résulte  en 
effet,  non  pas  du  processus  phlegmasique  lui-même,  mais  de  la  lésion 
valvulaire  aiguë  qu’il  détermine.  Le  dérangement  subit  de  la  circulation 
cardio-pulmonaire  en  est  la  cause  véritable  ;  aussi  lorsque  la  maladie, 
traînant  en  longueur,  permet  le  développement  d’une  dilatation  ou  d’une 
hypertrophie  suffisante,  la  dyspnée  diminue  peu  à  peu  et  disparaît  si  la 
compensation  est  parfaite. 

L’ éréthisme  cardiaque  du  début  est  le  plus  ordinairement  transitoire; 
les  battements  du  cœur  peuvent  bien  conserver  leur  fréquence,  mais  ils 
perdent  leur  intensité,  et  le  pouls  qui,  au  début,  était  dur  et  résistant, 
devient  ensuite  mou,  faible,  parfois  même  irrégulier.  —  Cet  affaiblisse¬ 
ment  secondaire  de  l’action  du  cœur  est  d’autant  plus  précoce  que  l’exci¬ 
tation  initiale  a  été  plus  violente  ;  il  manque  complètement  dans  les  en¬ 
docardites  légères,  et  apparaît  au  contraire  après  un  très-court  délai,  dans 
les  formes  intenses  de  la  maladie.  Quelle  est  la  cause  de  ce  phénomène? 
Doit-on  l’attribuer  aux  modifications  produites  dans  la  contractilité  des 
fibres  musculaires  cardiaques  par  leur  participation  à  la  phlegmasie  (Ha- 
mernjk),  ou  au  simple  épuisement  paralytique  de  ces  fibres  (Stokes),  ou 
bien  aux  troubles  fonctionnels  de  l’appareil  nerveux  qui  commande  le 
rhythme  du  cœur  (ganglions  cardiaques  et  nerfs  vagues).  Faut-il  invoquer 
enfin,  avec  Rokitansky  et  Niemeyer,  l’infiltration  œdémateuse  du  tissu  con¬ 
tractile?  Quoi  qu’il  en  soit,  tous  ces  processus  ont  pour  dernier  terme  la 
diminution  de  la  contractilité  de  l’organe,  et  l’on  conçoit  aisément  qu’une 
altération  étendue  des  parois  cardiaques,  frappant  d’inertie  les  fibres 
musculaires,  puisse  déterminer  un  ralentissement  de  l’action  du  cœur,  et 
même  une  véritable  parésie  de  cet  organe.  Cette  parésie  cardiaque,  à  son 
tour,  tient  sous  sa  dépendance  la  plupart  des  troubles  fonctionnels  qui 
surviennent  dans  le  cours  de  l’endocardite. 

Il  n’est  pas  rare  en  effet  d’observer  à  une  certaine  période  de  la  ma¬ 
ladie,  une  tendance  marquée  aux  syncopes.  —  Les  malades  éprouvent 
souvent  des  sentiments  de  défaillance  et  même  des  lipothymies  plus  ou 
moins  complètes. 

Si  une  cause  fortuite,  une  émotion  un  peu  vive,  un  effort  musculaire 
énergique  vient  alors  agir  sur  l’appareil  nerveux  d’un  cœur  déjà  atténué 
dans  son  action,  il  est  aisé  de  concevoir  qu’une  syncope  pourra  prompte¬ 
ment  s’ensuivre.  Avec  la  parésie  cardiaque  apparaissent  constamment  les 
troubles  de  la  respiration  par  défaut  d’hématose.  —  Deux  causes  puis- 


ENDOCARDE.  : —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdb. 


285 


santés  viennent  en  effet  concourir  à  gêner  considérablement  la  circula¬ 
tion  pulmonaire  et  à  favoriser  la  stase  sanguine  dans  ces  organes.  D’une 
part,  les  lésions  des  valvules  qui  s’opposent  au  libre  cours  du  sang,  d’au¬ 
tre  part,  l’affaiblissement  de  la  contractilité  du  cœur,  devenu  impuissant 
à  surmonter  l’obstacle. 

Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  un  type  spécial  de  dyspnée  que 
Stokes  considère  comme  un  signe  presque  pathognomonique  de  l’affaiblis¬ 
sement  du  cœur  et  sur  lequel  Barthélemy  a  également  insisté.  —  «  Il  con¬ 
siste  dans  une  série  d’inspirations  de  plus  en  plus  fortes,  jusqu’à  un  ma¬ 
ximum  d’intensité  après  lequel  elles  diminuent  progressivement  d’étendue 
et  de  force,  et  finissent  par  une  suspension  en  apparence  complète  de  la 
respiration.  Le  malade  peut  rester  dans  cet  état  pendant  assez  longtemps 
pour  que  les  personnes  qui  l’entourent  croient  à  sa  mort,  puis  une  pre¬ 
mière  inspiration  faible,  suivie  d’une  deuxième  inspiration  mieux  mar¬ 
quée,  commence  une  nouvelle  série  de  mouvements  respiratoires  analo¬ 
gue  à  celle  que  nous  venons  de  décrire.  »  (Stokes.) 

Cette  dyspnée,  il  est  vrai,  ne  se  montre  que  dans  les  formes  très- 
graves  et  compliquées  le  plus  souvent  de  myocardite,  et  dans  les  quelques 
jours  qui  précèdent  la  mort. 

D’autres  désordres,  assez  importants  parfois  pour  dominer  la  scène 
morbide,  ressortissent  en  majeure  partie  de  l’affaiblissement  de  la  con¬ 
tractilité  cardiaque  ;  tels  sont  les  éblouissements,  la  céphalalgie,  les  ver¬ 
tiges,  les  bourdonnements  d’oreilles,  la  jactitation,  le  délire,  les  spasmes, 
mouvements  convulsifs  ou  même  convulsions  véritables,  tous  phéno¬ 
mènes  résultant  de  la  stase  encéphalique;  mais  nous  verrons  plus  tard 
que  les  désordres  cérébraux  ou  pulmonaires  ne  sont  pas  seulement  sous 
la  dépendance  des  troubles  circulatoires  de  l’encéphale  ou  des  poumons, 
mais  qu’ils  peuvent  aussi  être  dus  à  des  lésions  secondaires  de  ces  or¬ 
ganes  (embolie,  infarctus,  ischémie,  œdème,  apoplexie,  ramollisse¬ 
ment,  etc.). 

On  peut  voir,  par  ce  qui  précède,  que  c’est  la  parésie  du  cœur  qui  fait 
le  danger  actuel  de  l’endocardite,  comme  les  lésions  valvulaires  en  font 
le  danger  ultérieur.  11  résulte  aussi  de  cet  exposé  que  les  troubles  fonc¬ 
tionnels  et  les  symptômes  subjectifs  de  l’endocardite,  n’ont  rien  de  ca¬ 
ractéristique,  et  que  la  plupart  d’entre  eux  se  présentent,  soit  isolés, 
soit  réunis  dans  les  autres  maladies  du  cœur  et  de  ses  enveloppes,  soit 
même  dans  les  affections  d’organes  éloignés. 

C’est  donc  sur  les  signes  physiques  que  devra  se  fonder  le  diagnostic, 
car  les  symptômes  précédents  ne  peuvent  fournir  que  des  présomptions 
sur  la  nature  et  le  siège  de  la  lésion.  Gomme  le  fait  remarquer  Stokes, 
les  symptômes  de  la  péricardite  et  de  l’endocardite  se  ressemblent  telle¬ 
ment  qu’on  ne  peut  souvent  distinguer  ces  affections  que  par  l’ausculta¬ 
tion  et  la  percussion. 

2“  Signes  physiques.  —  Ces  signes  sont  fournis  par  l’inspection,  la  pal¬ 
pation,  la  percussion  et  l’auscultation. 

Vinspection  fait  découvrir  quelquefois  une  légère  voussure  à  la  région 


284  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiclE. 
précordiale,  mais  ce  signe  fait  défaut  dans  l’endocardite  simple,  et  n’ap¬ 
paraît  que  lorsqu’il  existe  une  péricardite  concomitante,  à  laquelle  doit 
se  rapporter  exclusivement  la  saillie  anomale  du  thorax. 

On  peut  aussi,  dans  certains  cas,  apprécier  parla  vue  l’impulsion 
énergique  et  puissante  du  cœur,  ainsi  que  le  nombre  de  ses  battements. 

Ces  derniers  signes  sont  encore  beaucoup  plus  sensibles  à  la  palpation. 
—  Le  cœur  semble  «parfois  tout  à  fait  superficiel,  et  la  main  appliquée 
sur  la  région  précordiale  est  fortement  repoussée  par  la  violence  des 
battements  qui  l’ébranlent.  Ces  véritables  palpitations  aiguës  se  font  sen¬ 
tir  dans  une  étendue  plus  considérable  qu’à  l’état  normal,  et  ce  phéno¬ 
mène  forme  un  contraste,  dit  Niemeyer,  avec  le  pouls  petit  et  mou  que 
l’on  retrouve  dans  les  cas  où  la  substance  musculaire,  pénétrée  d’une 
infiltration  séreuse,  se  contracte  d’une  manière  peu  efficace,  malgré  l’ac¬ 
tion  tumultueuse  du  cœur:  Hopefait  remarquer  que  lorsque  la  circulation 
reste  intacte,  l’action  du  cœur,  stimulée  par  l’irritation  inflammatoire, 
devient  violente  et  brusque,  et  c’est  à  cette  violence  même  qu’il  attribue 
l’étendue  plus  considérable  dans  laquelle  se  perçoit  l’impulsion  du  cœur, 
tandis  que  Bouillaud  explique  cette  circonstance  par  la  turgescence  in¬ 
flammatoire  de  l’organe. 

C’est  aussi  par  la  palpation  que  l’on  constate  le  frémissement  vibra¬ 
toire,  qui  indique  déjà  l’existence  d’une  affection  valvulaire. 

La  percussiora  précordiale  ne  fournit  d’ordinaire  aucun  signe  avant  la 
production  des  bruits  de  souffle  ;  mais  lorsque  les  souffles,  c’est-à-dire 
les  altérations  d’orifices  sont  constitués,  alors  les  résultats  de  la  percus¬ 
sion  changent  en  peu  de  temps,  en  raison  de  la  dilatation  aiguë  qu’en¬ 
traîne  le  développement  rapide  et  souvent  brusque  de  la  lésion  valvu¬ 
laire. 

L’ectasie  porte  sur  le  cœur  droit  dans  les  lésions  mitrales,  sur  le  ven¬ 
tricule  gauche  dans  les  lésions  aortiques.  Dans  le  premier  cas,  la  matité 
précordiale  est  accrue  dans  le  sens  transversal  ;  dans  l’autre,  elle  prédo¬ 
mine  dans  le  sens  vertical.  Selon  Bouillaud,  la  matité  reconnaîtrait  une 
toute  autre  cause,  elle  serait  produite  par  la  congestion  et  la  turgescence 
du  cœur  et  non  par  la  stase  sanguine  dans  ses  cavités. 

Cette  matité  se  distingue  aisément  de  celle  qui  appartient  à  un  épan¬ 
chement  dans  le  péricarde,  en  ce  que  cette  dernière  se  montre  d’habitude 
au  début  de  l’endo-péricardite,  tandis  que  la  première  n’apparaît  que 
dans  le  cours  d’une  endocardite  simple.  Dans  le  cas  d’épanchement  péri- 
cardiaque,  l’impulsion  du  cœur  est  peu  distincte,  ondulatoire  et  non 
isochrone  au  pouls,  tandis  que  dans  le  second  cas,  les  battements  sont 
superficiels,  visibles,  très-sensibles  à  la  main. 

L’ auscultation  est  de  tous  nos  m.oyens  d’investigation  celui  qui  nous 
permet  d’arriver  à  la  connaissance  des  signes  vraiment  pathognomoni¬ 
ques  de  l’endocardite  aiguë,  mais  ils  n’existent  ordinairement  que  dans 
V endocardite  valvulaire  et  ne  deviennent  caractéristiques  que  lorsque  la 
lésion  en  altérant  les  valvules  ou  les  orifices,  en  a  dérangé  les  fonctions. 

L’auscultation  pratiquée  dès  le  début  ne  fait  souvent  entendre  qu’un 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  EKDocAnDiiE  aigdë. 


285 


tintement  métallique  qui  accompagne  le  premier  bruit  ;  le  plus  souvent 
les  bruits  valvulaires  sont  sourds  et  voilés  ;  ces  changements  sont  évidem¬ 
ment  dus  au  boursouflement  de  l’endocarde  qui  revêt  les  valvules.  Si  ce 
boursouflement  devient  plus  considérable  et  qu’il  se  fasse  un  dépôt  de 
coagulations  fibrineuses,  le  premier  bruit  peut  alors  ne  plus  être  entendu 
et  se  trouver  remplacé  par  un  murmure  léger,  un  souffle  ordinairement 
doux;  mais  qui,  au  bout  de  quelque  temps,  peut  devenir  plus  intense, 
se  prolonger  pendant  tout  le  petit  silence,  offrir  tous  les  caractères  des 
bruits  de  râpe,  de  scie,  de  lime  et  même  s’accompagner  d’un  véritable 
bruit  musical. 

Ces  bruits  de  souffle  en  eux-mêmes  n’ont  rien  qui  les  distingue  des 
souffles  propres  aux  lésions  valvulaires  chroniques,  ils  n’ont  de  spécial 
que  la  soudaineté,  que  l’acuité  de  leur  apparition  dans  le  cours  d’une 
maladie  fébrile. 

Le  siège  et  le  moment  de  ces  souffles  varient  suivant  le  siège  de  la  lé¬ 
sion  et  suivant  le  désordre  qu’elle  cause  dans  la  circulation  intra-car- 
diaque. 

Comme  l’inflammation  affecte  de  préférence  la  valvule  mitrale,  on 
s’explique  comment  les  bruits  morbides  sont  le  plus  souvent  systoliques. 
Ils  peuvent  aussi,  mais  plus  rarement,  être  diastoliques  dès  le  début. 

Duchek  a  même  prétendu  que  toute  endocardite  mitrale  violente  serait 
accompagnée  d’un  souffle  diastolique. 

Le  bruit  anormal  est  au  premier  temps  et  à  la  pointe  si  la  valvule 
mitrale  est  devenue  insuffisante,  au  second  temps  et  à  la  pointe  si 
l’orifice  correspondant  a  été  rétréci  par  les  produits  phlegmasiques  ; 
dans  ce  dernier  cas  le  souffle  peut  être  interposé  entre  le  second  temps 
et  le  premier  qui  le  précède  :  c’est  ce  que  l’on  appelle  le  souffle  présysto¬ 
lique. 

La  lésion  a-t-elle,  au  contraire,  dérangé  les  sigmoïdes  aortiques,  le 
souffle  est  à  la  base  et  au  premier  temps  si  la  sténose  de  l’orifice  est  le 
fait  dominant  ;  à  la  base  et  au  second  temps  si  l’ouverture  ne  peut  plus 
être  dûment  fermée  par  les  valvules  devenues  insuffisantes. 

Lorsque  l’endocardite  valvulaire  frappe  le  cœur  droit,  ce  qui  du  reste 
est  fort  rare,  de  semblables  phénomènes  pourront  avoir  lieu  ;  les  souffles 
présenteront  les  mêmes  caractères  au  point  de  vue  du  temps,  mais  ils 
différeront  quant  à  lenr  siège. 

On  devra,  en  effet,  rechercher  les  bruits  morbides  dans  les  foyers 
d’auscultation  des  orifices  droits,  c’est-à-dire  à  la  base  et  à  droite  de  l’ap¬ 
pendice  xyphoïde  pour  l’orifice  auriculo-ventriculaire,  sur  la  troisième 
articulation  synchondro-costale  gauche  pour  l’orifice  de  l’artère  pulmo¬ 
naire. 

Les  lésions  pouvant  être  multiples,  les  souffles  peuvent  eux-mêmes  être 
combinés  de  diverses  façons. 

Nous  n’insisterons  pas  sur  la  cause  et  le  mécanisme  de  ces  divers  bruits 
de  souffle  qui  reconnaissent  tons  pour  origine  soit  une  modification  des 
valvules  elles -mêmes  ayant  altéré  leur  souplesse  et  diminué  l’amplitude 


286  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 
de  leurs  vibrations,  soit  des  changements  dans  la  forme  et  les  dimensions 
des  orifices. 

«  L’apparition  d’un  souffle,  tout  à  fait  au  début  de  l’endocardite  aiguë, 
pourrait,  d’après  Stokes,  faire  supposer  que  les  valvules  présentent  quel¬ 
quefois  des  altérations,  dues  à  d’autres  causes,  que  l’épaississement  in¬ 
flammatoire,  ou  les  dépôts  de  lymphe  plastique  à  leur  surface  ;  il  est 
possible  que  les  faisceaux  musculaires  des  valvules  participent  eux-mêmes 
à  la  phlogose  de  l’endocarde  ou  en  subissent  les  effets:  alors  soit  qu’il 
y  ait  exagération  de  la  contractilité  ou  spasme,  soit  qu’il  y  ait  affaiblis¬ 
sement,  comme  dans  la  paralysie  inflammatoire,  la  valvule  ne  serait  plus 
dans  des  conditions  normales  et  il  pourrait  s’y  développer  un  murmure, 
avant  même  qu’il  y  ait  désorganisation  de  son  tissu,  »  et  l’auteur  ajoute 
en  note  :  «  Tout  en  croyant  à  la  possibilité  de  l’existence  de  la  paralysie, 
j’attribue  une  plus  grande  valeur  à  un  état  tout  opposé  dans  la  production 
d’un  bruit  de  souffle  au  début  de  la  maladie.  » 

Bamberger  (1859)  insiste  également  sur  la  contraction  spasmodique 
et  la  paralysie  des  muscles  papillaires  et  admet  que  ces  deux  états  con¬ 
traires  des  piliers  tenseurs  de  la  valvule  mitrale  peuvent  produire  son  in¬ 
suffisance.  Hamernyk  avait  déjà,  en  1840,  mentionné  l’insuffisance  des 
valvules  auriculo-venlriculaires  consécutive  à  l’inflammation  des  muscles 
papillaires,  et  plus  récemment  enfin  Bernheim,  dans  son  excellent  et  con¬ 
sciencieux  travail  sur  la  myocardite  (1867),  a  défendu  cette  théorie. 
«  Lorsque  les  piliers  charnus  se  contractent  incomplètement  et  laissent 
la  valvule  mitrale  insuffisante,  soit  qu’ils  soient  malades  eux-mêmes,  soit 
que  leurs  parois  d’insertion  affaiblies  n’offrent  plus  un  appui  assez  solide 
pour  que  la  contraction  de  ces  muscles  devienne  efficace,  cette  insuffi¬ 
sance  fonctionnelle  de  la  valvule  peut  expliquer  souvent  des  souffles  que 
l’examen  des  orifices  et  des  valvules  du  cœur  ne  paraît  pas  justifier.  » 
Demme  a  noté  dans  trois  cas  un  souffle  systolique  à  la  pointe  qu’il  in¬ 
terprète  de  la  même  manière. 

Or,  si  l’on  admet  avec  Bamberger,  Duchek  et  Niemeyer  que  l’endocar¬ 
dite  aiguë  est  toujours  accompagnée  de  l’inflammation  des  couches  mus¬ 
culaires  sous-jacentes,  ne  pourrait-on  pas,  dans  ce  cas,  pour  expliquer  les 
souffles  du  début,  invoquer  ces  perturbations  imprimées  aux  tenseurs 
valvulaires  par  la  phlegmasie  elle-même  ?  Cette  ingénieuse  théorie  servi¬ 
rait  également  à  expliquer  les  souffles  de  l’endocardite  pariétale  des  ven¬ 
tricules.  Malheureusement  les  bruits  anormaux  sont  fort  rares  dans  la 
myocardite  indépendante  de  toute  complication  endocarditique,  et  il 
est  même  possible,  suivant  Stein  (1861),  que  l’inflammation  du  tissu 
musculaire  du  cœur,  lorsqu’elle  s’associe  aux  altérations  valvulaires 
les  plus  intenses,  efface  presque  complètement  tous  les  bruits  nor¬ 
maux. 

Nous  aurons  du  reste  à  revenir  sur  ce  point  en  traitant  du  diagnostic 
de  ces  deux  maladies,  et,  sans  nous  étendre  plus  longuement  sur  ces  ap¬ 
plications  ingénieuses,  si  nous  nous  contentons  de  rapprocher  tous  ces 
faits  et  d’en  dégager  ce  qui  est  vraiment  significatif,  nous  arriverons  à 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aigdë. 


287 


cette  conclusion  :  L’endocardite  aiguë  simple  est  caractérisée  par  Vappa- 
rition  rapide  ou  brusque  des  phénomènes  d' auscultation  et  de  percussion 
qui  sont  propres  aux  lésions  valvulaires  chroniques. 

En  cette  formule  est  résumée  pour  ainsi  dire  la  symptomatologie  de 
l’affection  qui  nous  occupe.  On  peut  cependant  ajouter  que  les  lésions 
mitrales  sont  plus  fréquentes  que  les  lésions  aortiques,  et  l’on  s’explique 
ainsi  comment  les  bruits  de  souffle  ayant  leur  maximum  d’intensité  à 
la  pointe  du  cœur  sont  le  plus  souvent  systoliques  ;  car,  parmi  les  lésions 
mitrales,  c’est  l’inocclusion  qui  est  le  plus  communément  produite.  De 
sorte  que  le  développement  rapide  ou  brusque  des  symptômes  de  l’insuffi¬ 
sance  mitrale  est  le  signe  le  plus  net  de  V endocardite  aiguë. 

Les  altérations  de  l’orifice  mitral  (sténose  ou  insuffisance)  sont  celles 
qui  troublent  le  plus  promptement  et  le  plus  sérieusement  la  circulation 
pulmonaire  ;  elles  ont  pour  effet  immédiat  d’augmenter  la  résistance  au 
cours  du  sang  dans  l’artère  pulmonaire;  or  toutes  les  fois  que  celte 
condition  existe,  la  pression  rétrograde  de  la  colonne  sanguine  au  mo¬ 
ment  de  la  diastole  devient  plus  énergique  et,  par  suite,  les  sigmoïdes 
retombent  avec  une  force  et  une  brusquerie  bien  plus  grandes  qu’à  l’état 
normal  ;  ce  changement  est  révélé  par  l’intensité  inusitée  du  second  bruit 
perçu  dans  le  foyer  d’auscultation  de  l’artère  pulmonaire.  Ce  phénomène 
connu  en  séméiologie  sous  le  nom  de  renforcement  ou  accentuation  du 
second  ton  pulmonaire  est  fréquent  dans  l’endocardite  ;  il  suit  de  peu 
l’apparition  des  signes  de  la  lésion  mitrale  et  il  permet  de  distinguer 
avec  une  certitude  absolue  les  souffles  résultant  d’altérations  matérielles 
des  valvules  {souffles  organiques),  des  souffles  anorganiques  produits  par  ' 
l’anémie  et  la  fièvre. 

Les  symptômes  divers  que  nous  venons  d’énumérer  s’accompagnent, 
se  succèdent  et  se  continuent  d’une  façon  très-variable. 

L’endocardite  aiguë,  telle  que  nous  l’avons  décrite  n’est  pas  une  ma¬ 
ladie  cyclique  comme  la  pneumonie,  par  exemple,  parcourant  ses 
diverses  phases  avec  une  constante  régularité.  Elle  est  souvent  au  con¬ 
traire  irrégulière  et  capricieuse  dans  son  cours,  variable  et  changeante 
dans  ses  formes  et  dans  ses  degrés.  Tantôt  rapide,  passagère  et  subai¬ 
guë  ;  tantôt  lente,  progressive  et  irrémédiable  dans  ses  conséquences  ; 
parfois  soudaine  dans  son  début,  franche  dans  ses  allures  et  accessible 
dans  son  cours;  le  plus  souvent  insidieuse,  obscure  et  comme  larvée, 
silencieuse  dans  son  évolution,  presque  fatale  dans  ses  effets. 

Tels  sont  en  quelques  mots  les  différents  aspects  que  peut  revêtir  cette 
forme  morbide  qui  échappe  par  sa  complexité  même  à  toute  description 
générale. 

Dorée  et  terminaison.  —  La  durée  de  l’endocardite  aiguë  est  va¬ 
riable  et  subordonnée  à  de  nombreuses  influences  qui  peuvent  la  mo¬ 
difier  ;  telles  sont  la  nature  et  l’intensité  des  causes  de  la  maladie, 
son  étendue,  la  disposition  individuelle  des  sujets  qu’elle  attaque  et 
les  complications  fréquentes  qui  l’accompagnent.  De  quelques  jours 
seulement,  dans  les  cas  légers,  elle  arrive  à  une  ou  deux  semaines 


288  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endoc.^rdite  aiguë. 
dans  les  cas  graves,  mais  elle  dépasse  rarement  ce  terme  en  tant  que 
forme  aiguë. 

La  terminaison,  de  beaucoup  la  plus  fréquente,  est  le  passage  à  l’état 
chronique  :  la  fièvre  cesse,  les  troubles  circulatoires  périphériques  peu¬ 
vent  eux-mêmes  s’amender  par  le  fait  d’une  bonne  compensation,  mais 
les  signes  d’auscultation  et  de  percussion  subsistent  ;  l’endocardite  aiguë 
a  conduit  à  une  lésion  valvulaire  irréparable.  Bien  souvent  même  cette 
transition  est  pour  ainsi  dire  insensible  et  graduelle,  si  bien  que  dans  ce 
cas,  la  distinction  de  l’endocardite  en  aiguë  et  chronique  ne  saurait  être 
qu’artificielle.  Hardy  et  Béhier  ont  très-bien  indiqué  cette  forme:  «Il 
existe  une  véritable  endocardite  chronique  dont  les  symptômes  partici¬ 
pant  à  la  fois  de  ceux  de  l’endocardite  aiguë  et  de  ceux  des  affections 
chroniques  du  cœur,  sont  assez  difficiles  à  isoler,  quoi  qu’on  en  ait  pu 
dire.  » 

Les  lésions  chroniques  et  persistantes  que  laisse  à  sa  suite  l’affection 
primitive,  peuvent  souvent  dans  leur  longue  évolution  se  compliquer  de 
nouvelles  recrudescences  aiguës.  L’endocardite  semble  ainsi  traverser 
une  longue  série  de  processus  alternativement  lents  et  rapides. 

Quand  l’endocardite  aiguë  est  mortelle,  elle  tue  tantôt  par  l’affaiblis¬ 
sement  des  contractions  cardiaques  et  l’asphyxie  qui  en  est  la  suite; 
tantôt  par  des  coagulations  intra-cardiaques  ;  tantôt  enfin,  par  des  em¬ 
bolies  viscérales,  notamment  par  embolie  cérébrale,  comme  nous  en 
avons  déjà  précédemment  cité  des  exemples.  Il  importe  en  effet  de  se 
mettre  en  garde  contre  une  erreur  grave  et  trop  commune ^que  Ton  ne 
saurait  donc  trop  prévenir  :  c’est  à  tort,  nous  le  répétons,  que  l’embolie 
est  regardée  comme  propre  à  la  forme  infectieuse  ;  elle  est  observée,  bien 
plus  rarement  dans  la  forme  commune. 

Dans  d’autres  cas,  la  mort  n’est  point  le  fait  de  l’endocardite,  mais  le 
résultat  d’une  complication.  Les  plus  communes  sont  la  péricardite,  la 
myocardite  et  les  phlegmasies  pleuro-pulmonaires. 

Ces  maladies  développées  sous  la  même  influence  que  l’endocardite, 
coïncident  le  plus  souvent  avec  elle,  mais  elles  peuvent  parfois  lui  succé¬ 
der  et  apparaître  dans  son  cours  ;  dans  ces  cas  on  doit  les  considérer 
comme  de  véritables  complications  ;  car  non-seulement  elles  peuvent  en¬ 
traver  la  marche  régulière  de  la  maladie  primitive  ;  aggraver  son  pro¬ 
nostic  et  retarder  la  guérison  ;  mais  souvent  aussi  par  les  désordres 
qu’elles  déterminent  dans  l’appareil  cardio-pulmonaire,  provoquer  promp¬ 
tement  l’issue  léthale. 

La  péricardite  précède  le  plus  souvent  l’inflammation  de  l’endocarde, 
mais  elle  peut  aussi  venir  la  compliquer.  Selon  Latham,  sur  90  cas  d’af¬ 
fections  cardiaques  liées  au  rhumatisme  articulaire  aigu,  la  péricardite 
compliquait  11  fois  l’endocardite  et  celle-ci  existait  63  fois  seule.  Nous 
reviendrons  bientôt  sur  cette  fréquente  coïncidence  et  sur  les  signes  qui 
permettent  de  la  reconnaître. 

Une  autre  complication  fréquente  est  l’inflammation  de  la  substance 
charnue  du  cœur;  jusque  dans  ces  derniers  temps,  les  auteurs  ont  con- 


ENDOCAHDE.  —  EiSDOGAUDlTES.  —  E^uocAiiDiTE  aigdë.  289 
fondu  ensemble  les  deux  affections  qu’ils  décrivaient  sous  le  nom  de  car- 
dite.  Quand  la  myocardite  s’ajoute  à  la  phlegmasie  de  l’endocarde,  elle 
détermine  d’ordinaire  un  certain  nombre  de  phénomènes  alarmants  qui 
permettent  de  soupçonner  la  présence  de  cette  complication  :  le  malade 
en  effet  accuse  des  symptômes  plus  marqués  :  des  accès  fréquents  de 
syncope,  une  anxiété  précordiale  plus  vive  avec  irradiations  douloureuses 
dans  les  épaules  ou  dans  les  bras,  une  dyspnée  intense  avec  exacerba¬ 
tion,  des  sueurs  froides,  avec  un  refroidissement  considérable  des  extré¬ 
mités;  un  pouls  faible,  petit,  mou,  parfois  irrégulier.  Le  choc  du  cœur 
est  extrêmement  affaibli,  presque  nul;  les  bruits  atténués  et  sourds, 
finissent  souvent  par  disparaître.  L’angoisse  et  le  désespoir  du  malade 
atteignent  leurs  dernières  limites  et  la  mort  survient  par  paralysie  du 
muscle  cardiaque. 

La  pleurésie  peut  se  développer  en  même  temps  que  paraît  l’endocar¬ 
dite  et  naître  alors  d’une  façon  isolée,  individuelle  en  quelque  sorte,  sous 
l’influence  du  froid  qui  a  produit  la  phlegmasie  cardiaque.  Elle  occupe 
alors  presque  toujours  le  côté  gauche.  Dans  d’autres  cas,  au  contraire, 
la  pleurésie  se  manifeste  pendant  l’existence  et  quelque  temps  déjà  après 
le  début  de  l’endocardite,  comme  si  la  sympathie  des  tissus  similaires 
jouait  alors  un  rôle  dans  le  développement  de  cette  complication.  (Hardy 
etBéhier.) 

La  pneumonie  ne  complique  point  généralement  les  endocardites  fran¬ 
ches,  mais  les  endocardites  de  mauvaise  nature,  soit  consécutives  elles- 
mêmes  à  l’état  puerpéral  ou  à  la  fièvre  typhoïde,  soit  se  présentant  sous 
la  forme  grave  dite  ulcéreuse.  Le  début  de  la  pneumonie  est  marqué  sur¬ 
tout  par  des  frissons  et  une  recrudescence  de  dyspnée.  La  douleur  de 
côté  paraît  peu  vive  ;  les  crachats  sont  plutôt  sanglants  que  rouillés,  et 
les  signes  physiques  ne  sont  pas  en  général  très-bien  accusés.  Ce  qui 
domine  c’est  la  gêne  de  la  respiration  qui  est  courte,  précipitée,  sus¬ 
picieuse.  La  mort  arrive  au  milieu  d’une  anxiété  extrême.  (Barthélemy.) 
Dans  les  cas  où  l’inflammation  s’est  propagée  de  l’endocarde  à  l’aorte, 
le  diagnostic  de  cette  complication  est  fort  incertain  ;  dans  ce  cas  on 
trouverait,  d’après  certains  auteurs,  des  battements  impétueux  de  la 
crosse  de  l’aorte,  visibles  à  la  partie  inférieure  du  cou,  un  bruit  de 
souffle  se  prolongeant  dans  le  vaisseau  et  perceptible  le  long  de  la  co¬ 
lonne  vertébrale.  Le  mouvement  fébrile  serait  aussi  très-intense  ;  mais 
il  faut  bien  le  dire,  Vaortite  aiguë  n’a  pas  en  réalité  de  symptomato¬ 
logie  propre  et,  dans  la  plupart  des  observations,  on  ne  trouve  aucun 
phénomène  imputable  à  l’appareil  circulatoire  lui-même  et  l’on  ne  peut 
lui  attribuer  une  part  quelconque  dans  la  production  des  symptômes 
observés. 

Telles  sont  les  diverses  complications  qui  peuvent  se  montrer  dans 
l’endocardite  aiguë  ;  mais  nous  devons  toutefois  remarquer  qu'elle  peut  à 
son  tour  compliquer  une  foule  d'autres  affections  dans  le  cours  desquelles 
elle  se  présente  et,  à  ce  titre,  la  forme  ulcéreuse  doit  être  placée  au  pre¬ 
mier  rang. 


XIII.  —  19 


290 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocardite  aigdë. 


La  guérison  complète  sans  lésion  persistante  est  possible  dans  les  cas- 
légers,  mais  cette  terminaison  est  positivement  rare. 

Il  en  est  une  autre  qui  est  néanmoins  favorable,  quoique  n’aboutissant 
pas  à  la  restitutio  ad  integruin;  je  veux  parler  des  cas  dans  lesquels  l’en¬ 
docardite  ne  laisse  après  elle  qu’un  simple  épaississement  des  valvules- 
sans  en  détruire  la  souplesse  ;  il  se  peut  bien  alors  que  les  bruits  nor¬ 
maux  du  cœur  restent  altérés,  mais  la  fonction  des  soupapes  demeure 
intacte,  et  le  malade  échappe  aux  accidents  graves  des  lésions  organi¬ 
ques. 

Diagnostic  et  pronostic.  — •  Les  phénomènes  complexes  qui  résultent 
des  altérations  valvulaires  peuvent  être  répartis  en  trois  groupes  :  ce  sont 
des  effets  mécaniques  sur  le  cœur  et  sur  la  circulation  générale;  des 
troubles  fonctionnels,  et  des  lésions  anatomiques,  issus  le  plus  souvent 
du  désordre  mécanique;  enfin  des  sigties  physiques  qui  sont  saisissables- 
par  l’examen  direct  de  l’organe.  C’est  sur  l’étude  approfondie  de  ces 
phénomènes  que  repose  tout  entier  le  diagnostic  de  l’endocardite  valvu¬ 
laire  ;  il  doit  être  distingué  en  général  et  spécial  :  le  diagnostic"  général  a 
pour  but  de  reconnaître  l’existence  de  l’endocardite  et  de  la  lésion 
d’orifice  qu’elle  produit  ;  le  diagnostic  spécial  en  détermine  le  siège  et  le 
sens  (insuffisance  et  rétrécissement). 

L’endocardite  aiguë  simple  est  essentiellement  caractérisée,  comme 
nous  l’avons  dit,  par  des  bruits  de  souffle  analogues  à  ceux  des  lésions 
valvulaires  chroniques ,  mais  qui  s’en  distinguent  par  l’acuité  et  la  sou¬ 
daineté  de  leur  apparition  dans  le  cours  d’une  maladie  fébrile. 

Si  les  murmures  intracardiaques  n’existaient  que  dans  ces  deux  cas,  le- 
diagnostic  général  serait  extrêmement  facile;  mais  des  souffles  persistants 
peuvent  être  produits  sous  l’influence  des  anémies,  et  le  diagnostic 
différentiel  est  d’une  haute  importance,  mais  il  n’est  nécessaire  que  pour 
les  cas  où  le  souffle  est  systolique  (tous  les  souffles  diastoliques  et  présys¬ 
toliques  appartenant  aux  lésions  d’orifices).  Or,  entre  une  anémie  et  une 
endocardite  valvulaire  à  souffle  systolique,  les  signes  distinctifs  sont  les 
suivants  ;  il  n’y  a  pas  d’hypertrophie  ventriculaire  dans  l’anémie  ;  elle 
existe  à  gauche  ou  à  droite  dans  l’autre  cas;  si  le  souffle  suspect  siège  à 
la  pointe  où  à  l’appendice  xyphoïde,  on  ne  le  retrouve  pas  au  cou  dans 
la  lésion  d’orifice;  on  l’y  entend,  au  contraire,  dans  l’anémie  ;  les  lésions 
valvulaires  à  souffle  systolique  rendent  le  pouls  petit,  irrégulier;  il  est 
faible,  ample  et  plein  dans  l’anémie;  enfin  le  souffle  anémique  n’est 
jamais  accompagné  de  l’accentuation  du  deuxième  ton  pulmonaire";  ce 
phénomène  est  presque  constant  dans  l’endocardite  à  souffle  systolique. 

Nous  insistons  d’autant  plus  sur  cette  distinction,  que  l’endocardite  se 
montre  de  préférence  dans  le  rhumatisme  articulaire  aigu.  Or,  plus 
que  toute  autre  maladie  fébrile,  le  rhumatisme  peut  produire  des  bruits 
de  souffle  systolique  liés  à  l’état  anémique  des  malades. 

L'état  fébrile  peut  aussi  déterminer  un  murmure  qui  se  distingue 
du  souffle  endocardiaque  par  sa  faible  intensité  et  sa  prompte  dispa 
rition. 


ENûOGàRDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  aiguë.  291 

Il  existe  enfin  des  bruits  extracardiaques  qui  peuvent  être  confondus 
avec  les  souffles  de  l’endocardite. 

Le  diagnostic  de  cette  affection  et  de  la  péricardite  sèche  est  préci¬ 
sément  fondé  sur  les  caractères  différentiels  des  bruits  de  frottement  et 
des  souffles  intracardiaques;  les  éléments  d’appréciation  sont  fournis  par 
le  timbre  et  le  siège,  par  la  propagation,  par  la  persistance,  et  par  les 
modifications  artificielles  des  bruits  :  le  frottement  est  un  bruit  d’attri- 
tion,  de  roulement,  de  craquement;  c’est  un  bruit  inégal  et  aplati.  Le 
sonffle  endo cardiaque  est  souvent  doux,  filé,  uniforme  et  arrondi,  rappe¬ 
lant  le  bruit  produit  par  l’émission  aphone  de  la  dipbthongue  ou,  tandis 
que  le  frottement  ressemble  au  bruit  que  Ton  produit  par  l’expiration 
gutturale  des  lettres  krr;  mais,  dans  d’autres  circonstances,  ce  souffle 
endocardiaque  présente  un  timbre  tellement  râpeux,  que  les  caractères 
intrinsèques  du  bruit  ne  peuvent  suffire  pour  le  distinguer.  Il  faut  alors 
recourir  à  d’autres  éléments. 

Quelque  étendue  que  soit  la  sphère  d’un  souffle,  il  y  a  toujours  un 
point  où  il  présente  un  maximum  d’intensité,  et  ce  point  correspond 
toujours  à  l’un  des  quatre  foyers  d’auscultation  du  cœur;  le  bruit  de 
frottement  est  parfois  très-limité,  et  le  point  où  on  l’entend  ne  correspond 
à  aucun  des  orifices  cardiaques.  Quant  au  temps,  ce  souffle  est  en  général 
franchement  systolique  ou  diastolique,  et,  s’il  est  double ,  il  reproduit  à 
l’oreille  le  rliythme  des  bruits  du  cœur,  séparé  par  le  petit  silence  ;  le 
frottement  est  beaucoup  plus  irrégulier,  coïncidant  avec  l’un  des  bruits 
du  cœur,  il  le  dépasse  en  durée,  ou  bien,  commençant  avant  ou  après  le 
bruit,  il  se  termine  avec  lui,  ou  bien  enfin,  il  n’occupe  que  le  petit 
silence.  Cette  irrégularité  capricieuse  des  bruits  péricardiaques  est  un  de 
leurs  meilleurs  caractères. 

^e  souffle  endocardiaque  se  propage  à  distance,  suivant  des  directions 
bien  déterminées  et  distinctes  pour  les  souffles  de  la  pointe  et  pour  ceux 
de  la  base. 

Le  frottement  ne  se  propage  pas  ;  il  meurt  où  il  est  né  ;  il  augmente  de 
force  sous  l’oreille,  si,  pendant  qu’on'ausculte,  on  accroît  la  pression  du 
stéthoscope  ;  il  augmente  aussi  lorsqu’on  place  le  malade  dans  la  station 
assise,  le  tronc  fortement  incliné  en  avant.  Or  aucun  de  ces  procédés  ne 
modifie  l’intensité  des  souffles;  il  résulte,  au  contraire,  des  recherches 
de  Sydney  Ringer,  que  les  souffles  sont  plus  éclatants  et  plus  rudes  dans 
la  position  horizontale. 

Tels  sont  les  signes  différentiels  des  frottements  et  des  souffles  ;  dans 
certains  cas,  la  distinction  est  des  plus  simples  ;  dans  d’autres ,  on  n’aura 
pas  trop  de  la  totalité  des  caractères  pour  établir  le  diagnostic. 

Après  avoir  reconnu  l’existence  d’un  souffle  valvulaire,  on  n’est  cepen¬ 
dant  pas  en  droit  d’affirmer,  d’une  façon  certaine,  l’existence  d’une 
endocardite  aiguë.  Il  existe,  en  effet,  assez  souvent  chez  des  malades 
atteints  de  rhumatisme  articulaire  aigu,  des  lésions  valvulaires  anciennes 
produisant  des  souffles  organiques  qui  pourraient  en  imposer  pour  une 
endocardite  récente.  Ces  cas  ne  sont  nullement  rares  d’après  Niemeyer. 


292  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocahdite  aiguë. 

«  Peu  de  maladies  montrent,  dit  cet  auteur,  une  disposition  aux  réci¬ 
dives  aussi  grande  que  le  rhumatisme  articulaire;  on  rencontre  même  des 
malades  qui,  à  partir  de  la  première  atteinte,  en  ressentent  de  nouvelles 
plus  ou  moins  longues  presque  chaque  année.  Si  l’on  n’a  pas  vu,  et,  par  con¬ 
séquent,  pas  examiné  ces  malades  auparavant,  et  que  appelé  à  les  traiter 
d’un  nouveau  rhumatisme,  on  entende  un  bruit  de  souffle  systolique  près 
de  la  pointe  du  cœur,  que  l’on  trouve  la  matité  plus  large,  le  second  bruit 
plus  fort  dans  l’artère  pulmonaire,  on  restera  dans  le  doute,  à  moins  que 
les  symptômes  de  dilatation  du  ventricule  droit  ne  s’élèvent  à  un  degré 
qui  ne  peut  évidemment  pas  dépendre  d’une  insuffisance  aiguë.  » 

Si  l’examen  attentif  et  répété  du  cœur  fait  reconnaître  des  modifications 
dans  les  phénomènes  stéthoscopique,  tels  que  des  changements  brusques 
et  rapides  du  siège  et  du  rhythme  des  souffles,  l’endocardite  sera,  dans 
ces  cas,  très-probablement  aiguë  et  récente. 

Une  anamnèse  exacte  lèvera  tous  les  doutes  et  mettra  à  l’abri  de 
l’erreur. 

Par  contre,  il  peut  se  faire  qu’une  inflammation  aiguë  vienne  s’enter 
sur  des  lésions  valvulaires  préexistantes.  Dans  ce  cas,  l’aggravation  des 
anciens  symptômes,  ou  l’apparition  de  signes  nouveaux,  tels,  par  exemple, 
qu’un  bruit  de  souffle  se  montrant  dans  un  point  ou  dans  un  temps  du 
cœur,  où  jusqu’alors  on  n’en  avait  pas  entendu,  permettent  de  faire  ce 
diagnostic. 

D’après  les  observations  de  Traube,  une  endocardite  aiguë  recrudes¬ 
cente  des  valvules  déjà  malades  se  manifesterait  dans  le  cours  d’un 
rhumatisme  articulaire  par  de  légers  frissons. 

Lorsque  l’ataxie  motrice  du  cœur  est  très-accusée,  que  les  battements 
sont  à  la  fois  inégaux,  irréguliers  et  précipités,  les  souffles,  bien  que  réels, 
peuvent  être  peu  accentués  ou  même  inappréciables.  En  pareille  situation 
il  ne  faut  jamais  prononcer  d’après  un  premier  examen  ;  on  doit  laisser  le 
malade  au  repos,  le  soumettre  à  l’action  de  la  digitale,  et,  dès  que  l’action 
du  cœur  se  régularise,  on  ausculte  de  nouveau;  s’il  y  a  un  souffle,  on 
l’entend  alors  avec  facilité,  et,  si  l’on  n’en  perçoit  pas,  on  peut  alors  en 
affirmer  l’absence;  conclusion  qui  ne  permet  jamais  l’examen  du  cœur  en 
ataxie. 

Les  bruits  de  souffle  peuvent  également  s’effacer  ou  même  disparaître 
dans  des  conditions  tout  opposées.  Dans  les  cas  où  la  parésie  cardiaque  est 
étendue  et  l’ondée  sanguine  si  faible  qu’elle  est  impuissante  à  faire 
vibrer  les  valvules.  La  disparition  progressive  ou  soudaine  d’un  souffle 
antérieurement  perçu,  permettra  de  soupçonner  cette  complication ,  qui 
peut  dépendre,  soit  de  l’affaiblissement  fonctionnel,  de  la  débilité  complète 
du  muscle  cardiaque,  telle  qu’on  l’observe  dans  la  myocardite  {endomyo- 
cardïté)  ;  soit  de  la  distension  exagérée  des  cavités  du  cœur  par  des  cail¬ 
lots  sanguins  {thrombose  cardiaque) . 

Les  bruits  de  souffle  endocardiaques  peuvent  être  également  masqués 
par  une  péricardite  concomitante  avec  épanchement  {endopéricardite) .  Le 
diagnostic,  en  pareil  cas,  est  à  peu  près  impossible  et  l’endocardite  ne 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  — '  E^LOCARB^E  aigüë.  295 
se  révèle  alors  qu’après  la  disparition  de  l’épanchement.  11  existe  enfin 
certaines  formes  d’endocardite  dans  lesquelles,  pendant  quelque  temps 
du  moins,  il  ne  se  produit  pas  de  bruit  de  souffle.  11  est  probable  même, 
dit  Stokes,  que  l’endocardite  sans  murmure,  particulièrement  au  début  de 
la  maladie,  est  plus  commune  qu’on  ne  l’a  cru  jusqu’ici.  Cette  fréquence 
rendrait  compte,  d’après  lui,  de  l’apparition  et  des  progrès  des  murmures 
valvulaires,  après  la  guérison  de  la  péricardite.  Cette  absence  de  bruits  de 
souffle  doit  être  attribuée  à  deux  causes  :  l’inflammation  peut  n’avoir  pas 
atteint  les  valvules  et  être  resté  localisée  sur  la  face  pariétale  des  oreil¬ 
lettes  ou  des  ventricules  (endocardite  pariétale),  ou  bien  s’être  propagée 
aux  valvules,  mais  n’avoir  produit  encore  sur  elles  que  des  lésions  insi¬ 
gnifiantes  et  trop  légères  pour  troubler  le  jeu  de  ces  replis  membraneux. 

La  marche  ultérieure  de  la  maladie  viendra  bientôt  éclairer  le  diagnos¬ 
tic  un  instant  suspendu. 

En  résumé,  en  l’absence  de  tout  bruit  de  souffle  valvulaire,  l’endocar¬ 
dite  aiguë  ne  peut  être  que  soupçonnée.  Mais,  nous  le  répétons,  l’ap¬ 
parition  brusque  d’un  bruit  de  souffle  intracardiaque,  et,  en  particu¬ 
lier,  le  développement  rapide  des  symptômes  de  l’insuffisance  mitrale, 
dans  le  cours  d’une  maladie  fébrile,  permettront  d’alfirmer,  avec 
une  certitude  presque  complète,  l’existence  d’une  phlegmasie  endocar- 
diaque. 

Ainsi  se  trouve  établi  le  diagnostic  général  et  différentiel  de  l’endocar¬ 
dite  valvulaire.  Reste  à  préciser  exactement  son  siège. 

Ce  diagnostic  spécial,  que  certains  observateurs  regardent  encore 
comme  impossible  dans  la  majorité  des  cas,  doit  se  fonder-sur  l’examen 
minutieux  et  attentif  des  signes  différentiels  fournis  par  le  siège  de  la 
dilatation  cardiaque,  par  les  caractères  du  pouls  et  les  phénomènes  que 
présentent  les  artères  et  veines  périphériques,  enfin  et  surtout  par  le  siège 
et  le  temps  des  souffles.  Pour  utiliser  ce  dernier  ordre  de  signes,  il  est 
indispensable  de  connaître  les  points  précis  où  l’on  doit  chercher  les 
bruits  afférents  à  chaque  orifice  :  et  si  l’on  veut  substituer  à  la  notion 
empirique  l’interprétation  rationnelle  des  bruits  morbides  intracardiaques, 
il  n’est  pas  moins  essentiel  de  connaître  le  nombre  et  la  genèse  des  tons, 
normaux.  J’ai  représenté,  dans  deux  tableaux  reproduits  dans  un  pré¬ 
cédent  article  (voy.  Coeüb,  p.  525),  la  dissociation  des  bruits  cardiaques 
en  leur  huit  composants  et  la  répartition  de  ces  derniers  entre  quatre 
foyers  distincts.  Les  résultats  fournis  par  cette  analyse  physiologique  des 
phénomènes  stéthoscopiques  me  semblent  être  les  deux  guides  les  plus 
sûrs  de  l’appréciation  clinique. 

Le  diagnostic  de  la  nature,  des  causes,  de  la  forme  morbide ,  des  acci¬ 
dents  secondaires  ou  consécutifs  et  des  complications,  ressort  assez  clai¬ 
rement  de  la  description  que  nous  nous  sommes  efforcé  de  tracer  ,  pour 
qu’il  nous  semble  superflu  d’y  insister  davantage  ;  nous  aurons  du  reste 
occasion  de  mentionner  les  particularités  les  plus  importantes  relatives  à 
la  seconde  forme  de  l’endocardite  aiguë  dont  nous  allons  maintenant  es¬ 
sayer  de  tracer  le  tableau. 


294  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocardite  septique. 

II.  Endocardite  septiqüe  ou  infectieuse.  —  Plus  insidieuse,  plus  la¬ 
tente  encore,  si  elle  n’est  pas  attentivement  cherchée,  cette  forme  ne 
présente  aucune  particularité  qui  lui  soit  propre  en  ce  qui  concerne 
les  phénomènes  cardiaques  ;  c’est  par  les  caractères  de  la  fièvre,  par  la 
prostration  générale  et  par  la  gravité  des  accidents  secondaires  ,  qu’elle 
s’affirme  comme  une  maladie  de  mauvaise  nature.  L’auscultation  du  cœur 
peut  seule  en  faire  découvrir  le  siège.  Si  cet  examen  est  omis,  l’origine 
du  mal  est  fatalement  méconnue  et  le  diagnostic  oscille,  incertain  et  er¬ 
roné,  entre  une  fièvre  typhoïde  grave  et  une  infection  putride  ou  puru¬ 
lente  indépendante  de  tout  traumatisme.  Ce  sont  là,  en  effet,  les  modalités 
cliniques  que  revêt  le  plus  souvent  l’endocardite  infectieuse  à  laquelle,  en 
conséquence,  on  reconnaît  deux  formes  ;  la  typhoïde  et  la  pyémiqiie.  Ces 
deux  formes  ne  sont  pas  toujours  nettement  tranchées  ;  tantôt  elles  alter¬ 
nent,  tantôt  leurs  symptômes  se  mêlent  et  s’enchevêtrent  pour  ainsi  dire. 
Dans  certains  cas  même  les  symptômes  cardiaques  font  complètement  dé¬ 
faut  ou  éveillent  à  peine  l’attention. 

«  Les  symptômes  locaux,  d’après  Charcot  et  Vnlpian,  sont  ceux  de  l’en¬ 
docardite  aiguë,  avec  cette  différence  que  le  processus  morbide  ,  accom¬ 
plissant  dans  un  espace  de  temps  généralement  plus  court  son  œuvre  de 
destruction,  une  observation  attentive  et  souvent  répétée  peut  parfois  en 
suivre  les  progrès  pour  ainsi  dire  jour  par  jour.  » 

Les  battements  du  cœur  sont  accélérés,  superficiels ,  parfois  précipités 
et  tumultueux  ;  les  palpitations  fréquentes,  la  dyspnée  intense,  l’anxiété 
extrême. 

L’auscultation  permet  de  constater  tantôt  un  souffle  au  premier  temps 
qui  a  son  maximum  à  la  pointe  (obs.  XIII,  thèse  de  Vast),  tantôt  un  souffle 
rude,  râpeux,  à  chaque  systole,  s’entendant  dans  une  grande  étendue  de 
la  région  précordiale.  Dans  d’autres  cas,  le  deuxième  bruit  est  remplacé 
par  un  bruit  de  souffle  qui  s’entend  sur  le  trajet  de  l’aorte  et  dans  les  deux 
carotides.  Sur  d’autres  malades,  enfin,  on  a  constaté  le  redoublement  du 
second  bruit  très-marqué  au  niveau  de  la  base  avec  souffle  aspiratif.  Cer¬ 
tains  observateurs  ont  constaté  la  disparition  brusque  d’un  souffle  anté¬ 
rieurement  entendu;  ou  bien  le  développement  rapide  d’un  bruit  au  se¬ 
cond  temps,  succédant  à  un  souffle  au  premier.  (Fritz,  Charcot  et  Vulpian.) 
Ces  variations  brusques  du  souffle  cardiaque  se  présentent  dans  les  cas 
où  des  végétations  pédiculées,  siégeant  sur  les  valvules,  peuvent  ainsi  ob¬ 
turer  leur  perforation. 

Ces  symptômes  cardiaques  précèdent  toujours  les  phénomènes  géné¬ 
raux  ;  «  Nous  ne  leur  connaissons  jusqu’à  présent,  dit  Lancereaux,  aucun 
caractère  suffisamment  important  pour  nous  instruire  du  danger  que 
courent  les  malades  en  pareilles  circonstances.  » 

Les  symptômes  généraux  donnent,  nous  le  répétons,  à  la  maladie,  son 
cachet  particulier  et  la  différencient  de  l’endocardite  simple.  Ces  phéno¬ 
mènes  morbides  offrent  une  assez  grande  variété  et  diffèrent  assez  nota¬ 
blement,  suivant  les  cas  ;  aussi  a-t-on  voulu  distinguer  dans  cette  affec¬ 
tion  plusieurs  formes  secondaires  fondées  sur  la  prédominance  de  tel  ou 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  septiqde.  295 
tel  groupe  de  symptômes  (c’est  ainsi  qu’on  a  admis  des  ■variétés  :  typhoïde, 
pyémique,  cholérique,  intermittente,  ictérique).  Il  nous  paraît  juste  de 
conserver  les  deux  premières  formes,  bien  qu  elles  présentent  des  mani¬ 
festations  communes. 

Les  phénomènes  généraux  qui  caractérisent  ces  formes  morbides  se 
présentent  d’ordinaire  dans  le  cours  d’états  pathologiques  antérieurs  (rhu¬ 
matisme  articulaire  aigu,  fièvres  éruptives,  fièvre  typhoïde,  ostéomyé¬ 
lite,  etc.)  ou  surviennent  quelques  jours  après  l’accouchement,  quelque¬ 
fois  même  dans  les  derniers  mois  de  la  grossesse,  d’autres  fois  à  la  suite  d’un 
état  cachectique,  d’une  affection  cardiaque  de  date  ancienne  ou  récente. 
Ils  peuvent  enfin  se  montrer  spontanément  chez  des  individus  affaiblis , 
épuisés  par  des  conditions  hygiéniques  mauvaises,  par  des  fatigues  pro¬ 
longées,  par  la  misère  et  les  excès.  Ces  phénomènes  ,  comme  le  fait  avec 
raison  remarquer  Lancereaux,  que  la  plupart  des  auteurs  se  complaisent 
à  rattacher  simplement  à  l’acuité  du  processus  inflammatoire,  ont  leur 
raison  d’être  dans  la  nature  de  la  cause  morbifique  et  dans  les  conditions 
générales  des  individus  affectés,  dont  les  éléments  morphologiques  de 
nouvelle  formation  sont  peu  disposés  à  vivre  et  tendent  fatalement  à  se 
nécroser. 

Le  syndrome  typhoïde  ou  pyémique  est  dans  tous  les  cas  un  phéno¬ 
mène  de  seconde  date ,  toujours  précédé  par  l’affection  de  l’endocarde 
qui  peut  seule  en  expliquer  le  développement  et  à  laquelle  il  paraît  se 
rattacher  à  titre  d’affection  secondaire.  (Charcot  et  Vulpian.) 

1“  Formé  typhoïde.  —  Dans  la  forme  typhoïde,  le  début  a  lieu  le  plus 
souvent  par  un  frisson  unique,  après  quoi  la  fièvre  présente  d’emblée 
l’élévation  thermique  extrême  qui  appartient  aux  maladies  infectieuses.  La 
température  générale  subit  en  effet  une  augmentation  si  prompte  et  si 
■considérable  qu’elle  peut  atteindre  même  dès  les  premiers  jours  40“,  41“  et 
même  41°, 5.  Le  pouls  s’accélère  d’abord  et,  après  avoir  battu  1 50, 140  et 
150  fois,  il  peut,  dans  certains  cas,  retomber  subitement  à  80  ou  90.  Ce 
frappant  et  brusque  ralentissement  du  pouls,  joint  à  son  excessive  fai¬ 
blesse  et  à  ses  irrégularités,  doit  toujours  être  considéré  comme  un  signe 
du  plus  fâcheux  augure. 

La  prostration  des  forces  est  précoce  et  rapide,  et,  dès  le  troisième  ou 
quatrième  jour ,  le  malade  présente  une  adynamie  aussi  complète  que 
celle  qui  est  observée  au  second  septénaire  d’un  typhus  grave. 

L’irritation  encéphalique  se  traduit  par  de  l’agitation,  de  l’excitation 
intellectuelle ,  souvent  aussi  par  du  subdelirium  ou  un  délire  intense  ; 
phénomènes  qui  font  bientôt  place  à  la  somnolence,  à  la  stupeur,  à  un 
•état  demi-soporeux  et  bientôt  à  la  torpeur  et  au  coma.Westphal  a  observé 
dans  un  cas  d’endocardite  puerpérale,  des  accès  présentant  tous  les  carac¬ 
tères  de  la  manie  aiguë. 

La  langue  est  sèche  et  fuligineuse,  les  narines  pulvérulentes,  les  diges¬ 
tions  sont  troublées  dès  le  début,  le  catarrhe  et  les  ulcérations  de  l’in¬ 
testin  produites  par  les  embolies  mésentériques  (voy.  p.  275)  provoquent 
une  diarrhée  abondante,  souvent  incoercible,  avec  ballonnement  du 


296  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ESBOCARDiTE  sebtique. 


ventre.  En  même  temps  que  ces  évacuations  alvines  abondantes,  on 
a  noté,  dans  certains  cas,  très-rares  à  la  vérité,  l’existence  de  cram¬ 
pes,  le  refroidissement  des  membres,  l’altération  des  traits,  l’extinc¬ 
tion  de  la  voix  et  tous  les  signes  d’une  véritable  algidité  cholérique. 
(Trousseau.) 

Parfois  il  se  développe  un  catarrhe  bronchique  qui  détermine  de  la 
toux,  de  la  dyspnée  et  des  râles  sous-crépitants  de  nombre  et  de  grosseur 
variables.  Il  n’est  pas  rare  de  voir  survenir  des  complications  pleuro-pul- 
rnonaires  qui  se  reconnaissent  aisément  à  leurs  symptômes  propres  (pleu¬ 
résie,  pneumonie).  Les  sueurs  sont  très-abondantes,  avec  des  sudamina. 
La  ressemblance  déjà  si  grande  de  ces  phénomènes  ataxo-adynamiques 
avec  le  typhus  abdominal  est  souvent  accrue  par  la  tuméfaction  de  la  rate 
et  par  des  éruptions  rosées  ou  pétéchiales  à  la  surface  du  corps.  Le  pre¬ 
mier  de  ces  symptômes  que  Ton  retrouve  dans  la  plupart  des  maladies 
septiques  est  dû  tantôt  à  l’hyperplasie  de  la  pulpe  splénique  (Friedreicli), 
tantôt  à  la  formation  d’infarctus  dans  l’épaisseur  de  l’organe. 

Quant  aux  éruptions  rubéoliformes,  hémorrhagiques  ou  même  puru¬ 
lentes  (Duguet  et  Hayem),  elles  sont  plus  rares  et  on  les  attribue  généra¬ 
lement  à  l’embolie  diffuse  des  capillaires  cutanés. 

En  cette  situation,  on  le  conçoit,  la  confusion  avec  une  fièvre  typhoïde 
est  aisée,  surtout  au  début  de  la  maladie,  et  cette  erreur,  qui  a  sans  doute 
été  souvent  commise',  ne  peut  être  évitée  que  par  l’auscultation  du  cœur, 
qui  révèle  des  bruits  de  souffle  dont  le  siège  et  le  temps  varient  avec  le 
siège  de  la  lésion  et  avec  la  nature  du  désordre  qu’elle  produit  dans  le  jeu 
des  valvules  (rétrécissement  ou  insuffisance). 

Comme  cette  endocardite  tend  surtout  à  la  destruction  des  valvules,  le 
souffle  siège  le  plus  souvent  à  la  pointe  et  au  premier  temps  (insuffisance 
de  la  valvule  mitrale)  ou  à  la  base  et  au  second  temps  (insuffisance  des 
sigmoïdes  aortiques).  Par  ces  caractères,  par  la  rapidité  de  leur  formation 
et  par  leur  variabilité  même,  ces  souffles  diffèrent  du  souffle  systolique 
diffus  que  produit  quelquefois  le  mouvement  fébrile  lui-même. 

Dans  la  plupart  des  cas,  le  diagnostic  n’a  pas  d’autre  point  de  repère 
que  ces  signes  stéthoscopiques. 

Les  divers  signes  différentiels  indiqués  par  les  auteurs  n’ont  qu’une  va¬ 
leur  infiniment  moindre  et  le  plus  souvent  nulle  :  ainsi ,  on  a  prétendu 
que,  dans  cette  forme  de  la  maladie,  la  langue  sèche  ne  se  présente  pas- 
avec  ces  fuliginosités  que  l’on  remarque  dans  la  dothiénenthérie,  que  la 
face  n’offre  pas  la  stupeur  caractéristique  ;  elle  est  pâle  avec  une  teinte 
ictérique  et  non  injectée.  (Decornière.  )  Dans  l’endocardite  à  forme  typhoïde, 
enfin,  la  rate  augmenterait  plus  vite  de  volume,  le  ventre  serait  plus 
promptement  ballonné,  les  râles  sibilants  de  la  poitrine  feraient  défaut. 
(Butraud.)  Quant  aux  épistaxis  et  aux  taches  rosées  lenticulaires,  elles 
manquent,  il  est  vrai,  le  plus  souvent,  cependant  les  unes  et  les  autres 
ont  été  constatées  dans  un  certain  nombre  d’observations.  (S.  Kirkes, 
Charcot  et  Vulpian,  Lancereaux,  Œdemanson,  Voisin,  Ilabran.) 

Pour  compléter  ces  analogies,  nous  ajouterons  encore  que  l’on  a  par- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  septique.  297 
fois  observé,  dans  le  cours  de  l’endocardite  à  forme  typhoïde,  des  paroti- 
dites  suppurées.  (Senhouse  Kirkes,  1863.)  On  comprend  donc  qu’en  l’ab¬ 
sence  de  symptômes  cardiaques,  le  diagnostic  de  ces  deux  affections  soit 
à  peu  près  impossible.  —  Les  circonstances  étiologiques  et  les  conditions 
même  de  l’individu  affecté  pourraient  seules  au  début  fournir  quelque 
présomption,  mais  jamais  de  certitude. 

La  tuberculisation  miliaire  aiguë,  lorsqu’elle  revêt  la  forme  ty¬ 
phoïde,  peut-elle  être  confondue  avec  cette  variété  d’endocardite  ?  Le 
début  généralement  brusque,  marqué  par  un  frisson  plus  ou  moins  vio¬ 
lent,  le  mouvement  fébrile  intense,  la  céphalalgie,  la  stupeur,  le  subde¬ 
lirium,  et  souvent  aussi  le  délire  qui  lui  succède,  sont  autant  de  signes 
communs  aux  deux  affections.  —  Mais  l’absence  de  phénomènes  cardia¬ 
ques  et  abdominaux,  d’une  part,  et  la  marche  toute  spéciale  et  caracté¬ 
ristique  de  la  température  dans  cette  maladie,  éloigneront  bientôt  l’hy¬ 
pothèse  d’une  endocardite. 

Si  dans  bon  nombre  de  cas,  le  diagnostic  ne  peut  être  fondé  que  sur 
l’examen  attentif  et  minutieux  des  symptômes  cardiaques,  il  est  aidé, 
dans  d’autres  circonstances,  par  l’apparition  subite  de  phénomènes  étran¬ 
gers  à  la  fièvre  typhoïde  aussi  bien  qu’à  la  phthisie  aiguë,  et  qui  résultent 
d’obturations  artérielles.  Ces  processus  emboliques  sont  d’une  précieuse 
utilité  pour  le  diagnostic,  à  moins  qu’ils  ne  se  dérobent  eux-mêmes  à 
l’observation.  Nous  avons  suffisamment  insisté  précédemment  sur  ces  lé¬ 
sions  secondaires,  pour  qu’il  ne  nous  paraisse  pas  nécessaire  de  nous 
étendre  longuement  sur  ce  point.  Nous  ne  mentionnerons  ici  que  les  phé¬ 
nomènes  qui,  par  leur  brusque  apparition,  permettent  dès  l'abord  d’as¬ 
surer  un  diagnostic  resté  jusque-là  obscur  ou  douteux  :  telle  est  l’hémi¬ 
plégie  soudaine  produite  par  embolie  cérébrale  ;  plus  rarement  Tamau- 
rose  par  embolie  des  vaisseaux  choroïdo-rétiniens,  avec  endophthalmite 
consécutive.  (Virchow.)  Nous  aurons  bientôt  l’occasion  de  revenir  sur  ces 
lésions  secondaires  emboliques  et  sur  leurs  conséquences,  en  décrivant  la 
seconde  forme  de  l’endocardite  infectieuse. 

Ces  dépôts  emboliques,  le  plus  souvent  multiples,  ne  paraissent  cepen¬ 
dant  pas  constants,  et  il  est  digne  de  remarque  que  la  mort  peut  survenir 
par  le  progrès  de  l’adynamie,  sans  accidents  métastatiques  ;  ce  fait  ne 
permet  donc  pas  d’attribuer  la  gravité  de  la  maladie  uniquement  à  la 
diffusion  des  produits  endocardiaques,  et  il  conduit  à  voir  dans  ce  com- 
plexus  morbide,  un  état  général  primitivement  grave,  qui  résulte  sans 
doute  d’une  altération  du  sang,  comme  la  fièvre  typhoïde  elle-même,  avec 
laquelle  il  offre  une  si  étroite  analogie  symptomatique. 

2°  Forme  pyémique.  —  Dans  la  forme  pyémique,  les  choses  se  pas¬ 
sent  autrement,  les  foyers  métastatiques  sont  constants,  la  gravité  semble 
croître  selon  leur  siège  et  leur  nombre;  il  semble  que  le  malade  s’infecte 
lui-même  secondairement  par  les  produits  viciés  que  ses  organes  reçoi¬ 
vent  de  l’endocarde  altéré  ,  bref,  la  situation  est  de  tous  points  semblable 
à  l’infection  purulente  traumatique  ;  seulement  la  source  du  poison  est 
dans  le  cœur,  au  lieu  d’être  à  la  surface  d’une  plaie  extérieure.  Et,  je  le 


298  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  ekdocaedite  septique. 
répète,  peut-être  bien  n’est-ce  pas  trop  s’avancer  que  de  dire  que  plusieurs 
des  faits  publiés  comme  exemples  d’infection  purulente  spontanée,  ap¬ 
partiennent,  en  réalité,  à  la  forme  pyémique  de  l’endocardite  ulcé¬ 
reuse. 

Dans  cette  forme  comme  dans  la  précédente,  le  début  est  ordinaire¬ 
ment  brusque,  mais  au  lieu  d’un  frisson  unique  à  l’iuvasion  de  la  fièvre, 
il  y  a,  pendant  les  premiers  jours  des  frissons  répétés,  dont  le  retour 
n’a  d’ailleurs  rien  de  régulier  ;  tantôt,  en  effet,  ils  se  montrent  deux  fois 
dans  le  courant  de  la  même  journée,  tantôt  tous  les  jours,  ou  bien,  mais 
plus  rarement,  ils  laissent  entre  eux  plusieurs  jours  d’intervalle.  —  Par¬ 
fois  leur  répétition  est  si  régulière,  que  l’on  pourrait  croire  à  une  fièvre 
intermittente.  Le  frisson  est  suivi  d’une  chaleur  vive  et  de  sueurs  parfois 
abondantes,  mais  le  plus  souvent  modérées.  — La  durée  est  très-variable. 
Schnitzler  (1865)  a  vu  la  mort  survenir  pendant  un  accès  de  frisson  qui 
durait  depuis  4  heures.  Dès  le  début,  la  fièvre  est  intense,  l’accroissement 
de  chaleur  excessif;  on  peut  observer  à  partir  du  second  jour  40°,  41°  et 
même  41°5.  Le  cycle  thermique  de  cette  forme  morbide  offre  de  grandes 
analogies  avec  celui  de  l’infection  purulente  elle-même.  Il  est  en  effet  es¬ 
sentiellement  caractérisé  par  des  variations  et  des  irrégularités  considé¬ 
rables,  entre  des  élévations  extrêmes  et  des  abaissements  profonds. 

La  fréquence  du  pouls  est,  en  général,  plus  grande  que  dans  la  forme 
précédente  ;  il  dépasse  habituellement  120,  130  et  peut  atteindre  140  et 
même  160.  (Hérard,  1865.)  Il  n’est  pas  rare  de  voir  ses  oscillations  cor¬ 
respondre  assez  exactement  à  celles  que  présente  le  thermomètre  appliqué 
dans  le  rectum  ou  sous  l’aisselle. 

Le  pouls  est  quelquefois  dicrote,  les  pulsations  peuvent  même  être 
réunies  trois  à  trois,  quatre  à  quatre,  chaque  groupe  de  pulsations  res¬ 
tant  séparé  par  un  intervalle  régulier.  —  Assez  souvent  le  pouls  devient 
bondissant  et  revêt  tous  les  caractères  du  pouls  de  Corrigan.  —  Vers  les 
derniers  jours,  il  présente  de  grandes  irrégularités  jointes  à  une  extrême 
faiblesse. 

Les  traits  sont  altérés,  la  face  est  jaunâtre  et  terreuse.  La  teinte  icté- 
rique  des  conjonctives  et  de  la  peau  est  un  symptôme  à  peu  près  con¬ 
stant. 

Dès  ce  moment,  l’examen  du  cœur  révèle  l’existence  d’une  endocar¬ 
dite,  qui  est  le  seul  caractère  différentiel  de  cette  maladie  et  de  la  pyémie 
traumatique.  Puis  surviennent,  avec  une  rapidité  variable,  les  phénomènes 
indicateurs  des  foyers  secondaires  :  la  respiration  est  fréquente  et  pé¬ 
nible,  et  les  malades  accusent  de  l’oppression  et  une  angoisse  souvent 
excessive;  les  crachats  peuvent  être  sanguinolents  etécumeux;  il  y  a  par¬ 
fois  des  râles  disséminés  dans  les  poumons,  plus  rarement  un  souffle 
bronchique  manifeste.  (Lancereaux.)  —  Cette  dyspnée  accompagnée  des 
signes  de  pneumonie  catarrhale,  doit  être imputéeàla  présence  d’infarctus 
dans  les  poumons.  Le  gonflement  et  la  douleur  de  la  région  splénique  se 
montrent  le  plus  habituellement  et  sont  produits  par  des  infarctus  de  la 
rate. 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  endocardite  septiqde.  299 


C’est  aussi  dans  cette  forme  d’endocardite  que  l’on  a  observé  les  symp¬ 
tômes  de  V atrophie  aiguë  du  foie  «  et  il  est  à  peine  douteux,  selon  Vul- 
pian  et  Charcot,  que  quelques  faits  qui  ont  été  rattachés  à  l’ictère  gi'ave 
appartiennent  en  réalité  à  l’endocardite  ulcéreuse  aiguë.  »  Nous  avons  vu 
déjà  précédemment  qu’il  est  permis  d’attribuer,  dans  la  majorité  des  cas, 
cette  complication  à  l’obturation  du  tronc  ou  des  rameaux  de  l’artère 
hépatique. 

Un  ictère  plus  ou  moins  prononcé  a  été  signalé  dans  plusieurs  obser¬ 
vations  (Lancereaux,  3  fois  sur  11  cas  ;  Luys,  Frerichs,  Oppolzer,  Budd, 
Virchow).  Indépendamment  de  la  matière  colorante  de  la  bile,  et  de  l’al¬ 
bumine  qu’elle  renferme  ordinairement,  l’urine  contient  alors  de  la  leu- 
cine  et  de  la  tyrosine.  «  Dans  les  cas,  dit  Lancereaux,  où  l’ictère  fait 
partie  du  cortège  des  accidents  de  l’endocardite  ulcéreuse,  l’erreur  est 
facile  toutes  les  fois  que  les  symptômes  du  début  de  l’infection  viennent 
à  échapper,  ainsi  qu’il  arrive  fréquemment  dans  les  hôpitaux  ;  et  alors 
c’est  avec  l’ictère  grave  ou  typhoïde  que  l’on  confond  l’endocardite  ulcé¬ 
reuse.  Mais  si,  prévenu  par  la  coïncidence  des  signes  d’une  affection  car¬ 
diaque,  on  remonte  aux  antécédents,  le  diagnostic  devient  facile.  L’ictère 
grave  débute  en  effet,  d’une  façon  insidieuse  et,  quand  apparaissent  les 
phénomènes  auxquels  il  doit  sa  dénomination,  déjà  la  teinte  jaune  des 
muqueuses  et  des  téguments  existe  depuis  plusieurs  jours.  C’est  le  con¬ 
traire  qui  a  lieu  dans  les  cas  qui  nous  occupent,  car  l’ictère  est  toujours 
précédé  de  symptômes  alarmants,  tels  que  des  frissons,  des  vomissements, 
une  diarrhée  abondante,  de  l’anxiété,  de  l’angoisse,  etc...  les  hémorrha¬ 
gies  d’ailleurs  y  paraissent  assez  rares .  » 

L’infarctus  des  reins  se  révèle  par  des  douleurs  dans  les  lombes,  irra¬ 
diant  jusque  dans  les  aines  et  dans  les  testicules,  bientôt  suivies  d’héma¬ 
turie  et  d’albuminurie. 

Nous  avons  déjà  mentionné  les  attaques  apoplectiformes  etl’hémiplégie 
liées  à  Vinfarctus  cérébral.  Si  ce  dernier  occupe  les  régions  hémisphéri¬ 
ques,  il  peut  être  absolument  silencieux,  ainsi  que  je  l’ai  déjà  observédeux 
fois. 

Les  abcès  articulaires  ne  sont  pas  rares;  ils  se  forment  avec  une  grande 
rapidité,  ne  provoquent  pas  de  douleurs,  même  dans  les  mouvements,  et 
ne  sont  reconnaissables  qu’aux  signes  physiques,  tels  que  le  gonflement, 
la  déformation  de  la  jointure,  parfois  la  fluctuation.  Tandis  que  ces  phé¬ 
nomènes  de  métastase  se  succèdent  et  se  combinent  de  diverses  manières, 
la  fièvre  persiste  avec  les  mêmes  caractères  ;  le  malade  est  dans  le  délire 
ou  dans  une  torpeur  semi-comateuse;  il  a  des  soubresauts  des  tendons;  la 
langue  et  les  gencives  sont  parcheminées  et  fuligineuses  et  il  est  tué,  soit 
par  l’aggravation  de  l’état  général,  soit  par  une  embolie,  soit  par  l’œdème 
pulmonaire  ou  bien  par  une  coagulation  intra-cardiaque. 

Les  phénomènes  qui  indiquent  la  formation  des  caillots  intra-cardia- 
ques  peuvent  être  observés  à  plusieurs  reprises  dans  le  cours  de  la  maladie  ; 
quand  les  premières  coagulations  se  forment  dans  le  cœur,  cet  organe 
a  assez  de  force  pour  les  dissocier  et  les  expulser  par  ses  contractions  ;  il 


300 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  tiuitejiest. 


s’en  débarrasse  en  effet  aux  dépens  de  l’arbre  artériel  et  ces  alternatives 
de  lutte  et  de  repos  sont  une  des  causes  les  plus  intéressantes  de  l’irré¬ 
gularité  que  présentent  souvent  dans  leur  marche  l’endocardite  infectieuse 
et  même  l’endocardite  simple. 

Après  avoir  esquissé  les  deux  formes  principales  d’endocardite  infec¬ 
tieuse,  si  nous  les  comparons  entre  elles  au  point  de  vue  de  leur  marche 
et  de  leur  gravité,  nous  trouvons  que  l’une  et  l’autre  ont  le  plus  souvent 
une  terminaison  fatale  et  prompte. 

La  mort  est  plus  rapide  dans  la  forme  pyémique  que  dans  la  typhoïde, - 
dans  la  première,  il  est  rare  que  la  vie  se  prolonge  au  delà  de  huit  à  dix 
jours  ;  dans  la  seconde,  elle  peut  persister  durant  trois  ou  quatre  semai¬ 
nes,  avec  une  série  de  rémissions  it  d’aggravations;  Friedreich  a  même 
vu  un  malade  qui  n’a  succombé  que  dans  la  septième  semaine. 

Ici  doit  s’arrêter  ce  que  nous  avons  à  dire  sur  cette  forme  morbide 
qui  n’a  été  jusqu’ici  qu’assez  rarement  observée,  mais,  comme  le  font 
avec  raison  observer  Vulpian  et  Charcot,  à  mesure  qu’on  apprendra  à 
les  mieux  connaître,  les  faits  de  ce  genre  se  multiplieront  inévitablement 
dans  la  clinique.  Vouloir  parler  du  pronostic,  ce  serait  se  borner  à  dire 
que,  jusqu’ici,  les  cas  qui  ont  été  publiés  ont  tous  été  suivis  de  l’examen 
nécroscopique  qui,  assez  souvent,  est  venu  donner  l’explication  de  phéno¬ 
mènes  restés  obscurs  pendant  la  vie  et  plus  rarement  conCrmer  un  dia¬ 
gnostic  habilement  porté. 

III.  Endocaedite  chrokiqce., —  Cette  forme  n’a  pas  de  symptomatologie 
propre;  quand  elle  n’affecte  pas  les  valvules,  elle  est  latente;  quand  elle 
est  valvulaire,  elle  ne  se  manifeste  qu’en  raison  du  désordre  qu’elle 
produit  dans  les  fonctions  des  soupapes  ;  son  histoire  se  confond  avec 
celle  des  lésions  valvulaires  dont  on  trouvera,  dans  un  précédent  volume 
du  dictionnaire,  la  description  complète  et  détaillée.  (Voy.  t.  vin,p.  575.) 

Traitement.  —  Envisagé  d’une  façon  générale,  le  traitement  de  l’en¬ 
docardite  présente  de  nombreuses  indications  que  nous  ne  pouvons  pas 
toutes  passer  en  revue.  Les  unes  sont  communes  à  toutes  les  affections 
inflammatoires  du  cœur  et  de  son  enveloppe,  elles  ont  été  déjà  étudiées 
à  propos  de  la  thérapeutique  des  maladies  du  cœur  en  général  (t.  VIII, 
p.  446  et  suiv.),  et  l’on  trouvera  dans  cet  article  un  examen  approfondi 
des  «  diverses  médications  applicables  aux  affections  cardiaques.  »  Nous 
n’aurons  donc  pas  à  revenir  sur  ce  sujet. 

D’autres  indications  thérapeutiques  ressortissent  plus  spécialement  de 
l’endocardite  et  de  ses  différentes  formes  et  variétés.  C’est  sur  ces  der¬ 
nières  que  se  portera  plus  particulièrement  notre  attention. 

Il  est  le  plus  souvent  impossible  de  remplir  l’indication  causale  dans 
le  traitement  de  l’endocardite.  «  Quel  que  soit,  dit  Niemeyer,  le  nombre 
des  médicaments  et  des  méthodes  curatives  proposés  contre  le  rhuma¬ 
tisme  articulaire  aigu,  leur  infidélité  n’en  est  pas  moins  patente.  Nous 
sommes  tout  aussi  impuissants  en  face  de  l’albuminurie,  des  exanthèmes 
aigus  et  des  autres  maladies  d’infections  qui  déterminent  l’endocardite 
ou  y  prédisposent.  » 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  traitemest. 


301 


Tout  en  reconnaissant  dans  certains  cas  la  vérité  de  cette  triste  asser¬ 
tion,  nous  croyons  toutefois  qu’il  serait  aussi  dangereux  que  blâmable  de 
rester  dans  une  inaction  stérile,  en  présence  d’accidents  que  l’on  peut  du 
moins  amoindrir  sinon  dissiper.  Il  ne  faut  jamais  oublier  que  le  rhuma¬ 
tisme  comporte  dans  tous  les  cas  un  double  pronostic  :  l’un  se  rattache 
à  la  guérison  de  la  maladie  articulaire  actuelle,  l’autre  embrasse  la  des¬ 
tinée  ultérieure  de  l’individu  ;  toutes  les  fois  que  l’endocarde  a  été  tou¬ 
ché,  ce  pronostic  à  longue  distance  doit  être  sérieux,  parce  que  la  resti¬ 
tution  ad  integrum  des  orifices  et  des  valvules  est  positivement  rare  ;  le 
malade  tient  ainsi  de  son  rhumatisme  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour 
constituer  une  lésion  valvulaire  ;  vienne  alors  une  cause  occasionnelle  ou 
simplement  l’involution  naturelle  des  tissus,  la  maladie  organique  du 
cœur  apparaît,  elle  éclate  avec  ses  conséquences  fatales. 

C’est  donc  à  prévenir  cette  irrémédiable  terminaison  que  doivent 
tendre  tous  les  efforts  de  la  thérapeutique.  J’ai  déjà,  depuis  plusieurs 
années,  appelé  l’attention  sur  les  bons  effets  de  la  médication  alcaline 
dans  le  traitement  du  rhumatisme  articulaire  aigu  et  de  ses  principales 
manifestations.  {Ga%ette  hebdomadaire,  1862.)  Les  alcalins,  administrés  à 
haute  dose  dans  le  rhumatisme  aigu,  m’ont  paru  être  d’une  réelle  utilité, 
non-seulement  par  leur  effet  sédatif  sur  la  fièvre  et  les  souffrances, 
parfois  horribles  des  malades,  mais  surtout  au  point  de  vue  de  détermi¬ 
nations  cardiaques,  qu’ils  préviennent  dans  une  certaine  mesure,  ainsi 
qu’il  résulte  des  tableaux  statistiques  de  Garrod  et  de  Dickinson.  Sous 
l’influence  de  cette  médication,  instituée  dès  le  début,  les  accidents  du 
côté  du  cœur  m’ont  toujours  paru  considérablement  atténués.  Les  pro¬ 
priétés  antiplastiques  des  alcalins  rendent  bien  compte  de  cette  action 
spéciale,  et  l’on  comprend  aisément  qu’en  conservant  au  sang  sa  flui¬ 
dité  ils  puissent  s’opposer  ainsi  à  la  formation  des  coagulations  intra¬ 
cardiaques,  complication  si  fréquente  et  si  funeste  de  toute  endocar¬ 
dite. 

Cette  médication  me  semble  donc  remplir  toutes  les  indications  propres 
à  l’endocardite  rhumatismale;  non- seulement  elle  amène  une  prompte 
détente  dans  le  mouvement  fébrile  et  une  sédation  salutaire  des  phéno¬ 
mènes  douloureux,  mais  prévient,  dans  une  certaine  mesure ,  les  lésions 
ultérieures  des  valvules  en  empêchant,  autant  que  possible,  la  formation 
des  dépôts  plastiques,  dont  elle  peut  même,  dans  certains  cas,  favoriser 
la  résorption,  ainsi  que  celle  des  exsudais  interstitiels. 

Cette  indication,  tirée  de  la  nature  inflammatoire  de  la  maladie,  pourrait 
également  être  remplie  par  le  tartre  stibié.  Déjà,  depuis  plusieurs  années, 
j’ai  eu  recours  à  cette  médication  dans  le  traitement  de  l’endo-péricardite 
rhumatismale,  et  j’en  ai  toujours  retiré  d’excellents  effets.  Dès  que  je 
saisis  chez  un  rhumatisant  les  premiers  indices  de  la  péricardite,  je  donne 
immédiatement  le  tartre  stibié  à  hautes  doses,  désirant  ainsi  produire  une- 
action  puissamment  évacuante.  J’administre  dans  une  potion  gommeuse 
ordinaire,  sucrée  avec  du  sirop  simple,  40  centigrammes  d’émétique 
{30  centigrammes  seulement  chez  la  femme).  Cette  potion  est  prise  par 


302  ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  tr-uteme.-it. 

cuillerées  à  bouche  toutes  les  heures;  après  quelques  cuillerées,  quel¬ 
quefois  dès  la  seconde,  des  selles  et  des  vomissements  copieux  sont 
produits  et  se  répètent  avec  une  fréquence  variable.  On  poursuit  néan¬ 
moins  l’administration  du  remède;  les  dernières  cuillerées  déterminent 
d’ordinaire  des  évacuations  moins  abondantes.  Le  lendemain  je  laisse 
reposer  le  malade,  je  lui  fais  prendre  de  l’eau  vineuse,  un  peu  de  vin  de 
Bordeaux,  du  bouillon,  et,  le  jour  suivant,  je  redonne  une  dose  égale  ou 
moindre  de  tartre  stibié,  selon  l’effet  obtenu. 

Dans  les  cas  légers,  dès  le  second  jour  du  traitement,  on  constate  la 
diminution,  ou  même  la  disparition  des  phénomènes  stéthoscopiques  et 
des  symptômes  subjectifs  dans  la  région  précordiale;  dans  les  cas  plus 
sérieux,  ce  n’est  qu’après  la  seconde  ou  la  troisième  potion  que  la  rétro¬ 
cession  des  accidents  est  en  bonne  voie,  et  j’ai  souvent  été  surpris 
moi-même  de  la  rapidité  de  ces  remarquables  et  heureux  résultats. 

Mais  chez  les  sujets  faibles,  débilités,  et  en  particulier  chez  les  femmes 
et  les  enfants,  cette  méthode,  au  moins  dans  son  application  complète,  est 
formellement  contre-indiquée.  Dans  les  cas  où  il  y  aurait  danger  à  re¬ 
courir  à  cette  médication,  en  raison  de  son  action  hyposthénisante,  les 
alcalins  à  haute  dose  devront  être  préférés. 

Ce  qui  précède  ne  s’applique  qu’à  l’endocardite  du  rhumatisme  articu¬ 
laire  aigu ,  avec  ou  sans  q)éricardite  concomitante.  Il  est  vraisemblable, 
cependant,  que  les  mêmes  effets  seraient  obtenus  dans  l’endocardite  pri¬ 
mitive  et  dans  celle  qui  se  développe  dans  le  cours  de  la  pneumonie  ou 
de  la  pleurésie;  mais  ce  n’est  là  qu’une  présomption  que  notre  expérience 
personnelle  ne  nous  a  pas  encore  permis  de  confirmer. 

Hope,  Stokes  et  Graves  ont  préconisé  l’emploi  des  mercuriaux  pour 
diminuer  la  plasticité  du  sang.  Ces  agents  ont  aussi  été  employés  autrefois 
en  Allemagne.  D’après  Puchelt,  il  faudrait  surtout  avoir  recours  au  calomel 
chez  les  enfants  rachitiques  et  scrofuleux;  il  conseille  de  le  donner  à  la 
dose  de  2  à  5  centigrammes,  quatre  fois  par  jour,  et  d’en  commencer 
l’usage  à  partir  du  troisième  ou  du  quatrième  jour  dè  la  maladie.  Kreysig: 
prescrivait  aussi  ce  médicament,  qu’il  associait  à  plusieurs  autres,  tels  que 
le  kermès  minéral,  la  magnésie  et  le  nitrate  de  potasse. 

Le  calomel  à  doses  fractionnées  et  les  applications  d’onguent  mercu¬ 
riel  sur  la  région  du  cœur  ne  m’ont  jamais  donné  les  résultats  favorables 
qui  leur  ont  été  attribués.  Du  reste,  en  Angleterre  même,  on  en  a,  depuis 
quelques  années,  notablement  restreint  l’emploi ,  et  les  médecins  allemands 
de  nos  jours  s’accordent  à  les  proscrire  formellement  comme  inefficaces 
et  dangereux. 

On  a  longtemps  cherché  à  remplir  l’indication  qui  relève  de  l’élément 
inflammatoire  de  la  maladie  par  les  saignées  générales  ;  mais  il  est  pru¬ 
dent  de  les  laisser  de  côté,  parce  que  la  spolation  agit  bien  plus  sur  le 
malade  que  sur  l’endocarde  et  que  'l’on  court  le  risque  de  favoriser  la 
parésie  cardiaque,  qu’il  faut  au  contraire  s’efforcer  de  prévenir.  En  fait, 
la  saignée  n’est  indiquée  que  dans  les  cas  tout  à  fait  exceptionnels  où 
la  maladie  produit  d’emblée  des  accidents  de  stase  cérébrale  ;  elle  agit 


EiNDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  traitement.  503 

alors  mécaniquement  en  diminuant  la  quantité  du  liquide  en  circulation 
et  il  y  a  bien  rarement  lieu  de  la  répéter. 

Si  l’oppression  précordiale  est  très-marquée,  l’application  de  ventouses 
scarifiées  en  nombre  proportionnel  à  la  force  de  l’individu  et  à  son  état 
de  santé  antérieur,  est  un  moyen  très-utile  qui  diminue  la  fluxion  car¬ 
diaque  et  délivre  le  malade  d’un  symptôme  très-pénible.  Ne  pouvant 
réagir  directement  contre  le  processus  inflammatoire  de  l’endocarde, 
nous  sommes  réduits,  dans  la  majorité  des  cas,  à  un  traitement  indirect  et 
symptomatique  ;  abattre  la  fièvre,  calmer  les  phénomènes  douloureux, 
modérer  l’excitation  cardiaque,  prévenir  ou  combattre  les  complications, 
soutenir  enfin  les  forces  du  malade. 

Telles  sont  les  indications  que  l’on  doit  s’efforcer  de  remplir,  en  pré¬ 
sence  d’une  endocardite  aiguë  ;  mais  il  importe  avant  tout  de  se  souvenir 
que  l’état  de  la  contractilité  cardiaque  commande  toute  la  thérapeutique, 
et  loin  de  suivre  les  indications  décevantes  fournies  par  le  pouls,  c’est 
au  cœur  lui-même  qu’il  faut  s’adresser  peur  trouver  la  cause  véritable  des 
accidents,  et  ce  n’est  que  par  ce  moyen  que  l’on  peut  arriver  à  les  con¬ 
jurer. 

Au  début  de  la  maladie,  l’éréthisme  cardiaque  est  le  phénomène  do¬ 
minant  et  capital  ;  or  la  digitale  est  ici  l’agent  héroïque  par  excellence. 
L’indication  en  est  d’autant  plus  nette  que  la  fièvre  est  plus  intense  et  la 
suractivité  du  cœur  plus  violente.  Ce  remède  abaisse  la  température,  mo¬ 
dère  la  combustion  pyrétique  et,  en  ralentissant  les  battements  cardiaques, 
il  augmente  le  travail  utile  parce  que  les  contractions  sont  plus  com¬ 
plètes  et  mieux  ordonnées.  Par  le  ralentissement  même  de  l’action  du 
cœur,  la  digitale  a  en  outre  ici  une  utilité  particulière  ;  elle  peut,  en  effet, 
prévenir  dans  une  certaine  mesure  la  dissociation  des  produits  phlegma- 
siques  de  l’endocarde  et  les  embolies  consécutives. 

Le  meilleur  mode  d’administration  de  ce  précieux  médicament  est,  se¬ 
lon  moi,  l’infusion  de  feuilles  à  la  dose  de  50  centigrammes  à  1  gramme 
par  jour,  pour  125  grammes  d’eau  édulcorée  avec  25  grammes  de  sirop 
simple  de  manière  à  faire  ainsi  une  potion  de  150  grammes,  qui  sera 
prise  par  cuillerées  à  bouche  d’heure  en  heure. 

L’action  de  cette  substance  est  certaine  ;  souvent,  dès  le  premier  jour, 
les  battements  du  cœur  sont  moins  violents,  l’oppression  par  conséquent 
moins  pénible,  le  pouls  se  ralentit  à  son  tour  et,  au  bout  de  quarante-huit 
à  soixante-douze  heures,  le  malade  éprouve  une  amélioration  considé¬ 
rable  ;  mais,  en  présence  de  ces  merveilleux  et  prompts  effets,  on  ne  doit 
point  toutefois  s’endormir  dans  une  fausse  sécurité.  Comme  tout  agent 
actif  et  puissant,  la  digitale  a  ses  dangers,  qu’il  importe  de  connaître, 
soit  que  l’on  donne  d’emblée  une  dose  trop  forte,  soit  que  l’on  prolonge 
outre  mesure  l’administration  de  la  dose  maxima  ;  à  l’action  thérapeu¬ 
tique  salutaire,  succède  promptement  l’action  toxique  funeste. 

Cette  médication  exige  donc  une  surveillance  incessante  et  attentive.  Il 
faut  examiner  plusieurs  fois  par  jour  l’impulsion  du  cœur,  tenir  compte 
aussi  du  mode  de  la  respiration  et  de  l’état  de  la  face  et,  au  premier  signe 


304 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  traitebekt. 


de  faiblesse  ou  de  cyanose,  suspendre  le  médicament  ou  en  diminuer  la 
quantité;  dans  certains  cas,  le  pouls  faiblit  sans  diminuer  de  fréquence, 
l’indication  est  formelle  ;  il  faut,  sur-le-champ,  renoncer  à  la  digitale. 

L’emploi  de  cet  agent  sera  secondé  par  les  boissons  acidulés,  par  une 
diète  modérée  et  par  quelques  laxatifs  légers,  s’il  y  a  de  la  constipation. 

Par  suite  de  je  né  sais  quelle  idée  théorique,  on  a  vanté  Vaconitine, 
comme  succédané  de  la  digitale  ;  mais  les  expériences  de  van  Praag  ont 
prouvé  que  ce  médicament  est  absolument  infidèle. 

Des  observations  faites  en  Allemagne,  celles  de  Friedreich  entre  autres, 
ont  établi  l’utilité  des  applications  de  glace  sur  la  région  précordiale; 
lorsqu’elles  sont  faites  méthodiquement  et  continuées  sans  interruption 
jour  et  nuit,  elles  ont  pour  effets  de  diminuer  l’angoisse  thoracique,  de 
ralentir  l’action  du  cœur  et  peut-être  même  de  prévenir  la  propagation 
au  tissu  musculaire  de  l’organe.  Lorsqu’il  y  a  de  l’insomnie  et  de  l’agita¬ 
tion,  une  petite  dose  de  poudre  de  Dower  (0,30  à  0,50  centigrammes), 
sera  donnée  avec  avantage. 

Tel  est  le  traitement  général  que  l'on  pourra  mettre  en  usage  dans  les 
premières  périodes  de  l’endocardite  aiguë,  lorsque  celle-ci  débute  avec 
des  phénomènes  d’excitation  cardiaque  et  que  le  sujet,  robuste  d’ailleurs, 
n’est  pas  sous  le  coup  d’une  maladie  adynamique. 

Le  traitement  est  tout  différent,  on  peut  le  pressentir,  à  une  période 
plus  avancée  de  la  maladie,  alors  que  se  montrent  les  phénomènes  de 
parésie  cardiaque.  Si  dans  le  cours  d’une  endocardite  aiguë  les  battements 
du  cœur  deviennent  peu  énergiques,  si  l’impulsion  s’affaiblit,  et  que  l’on 
constate  en  même  temps  une  dyspnée  croissante  et  souvent  des  désordres 
cérébraux,  la  compensation  est  imparfaite  et  la  parésie  du  cœur  immi¬ 
nente. 

Dans  ce  cas,  l’indication  est  unique;  il  faut  soutenir  les  forces  du  ma¬ 
lade,  la  médication  stimulante  permet  de  la  remplir.  L’extrait  de  quin¬ 
quina  à  la  dose  de  2  à  3  grammes  par  jour,  le  vin  rouge,  les  alcooliques 
en  quantité  proportionnelle  aux  habitudes  et  aux  conditions  de  l’individu 
sont  les  agents  auxquels  il  convient  de  recourir.  Les  accidents  prennent 
parfois  une  violence  inquiétante,  on  ne  peut  alors  attendre  les  effets  tou¬ 
jours  un  peu  lents  de  la  médication  précédente;  il  faut  recourir  à  des 
stimulants  plus  énergiques  et  plus  prompts  :  l’éther,  la  liqueur  d’Hoff¬ 
mann  (à  la  dose  de  dix  à  douze  gouttes,  répétée  selon  l’effet  produit),  l’a¬ 
cétate  d’ammoniaque  (4  à  8  grammes  dans  120  grammes  de  julep  édul¬ 
coré  avec  du  sirop  d’éther)  ;  enfin  l’esprit  ammoniacal  de  Sylvius  (30  à 
40  gouttes  dans  une  tasse  d’infusion  de  menthe)  sont  alors  particulière¬ 
ment  indiqués.  Une  fois  que  les  accidents  sont  amendés,  on  cesse  l’usage 
de  ces  excitants,  pour  revenir  à  la  médication  tonique  sagement  réglée. 
Ces  moyens  seront  efficacement  secondés  par  l’application  d’un  large  «e- 
sicfltoire  volant  sur  la  région  précordiale,  ou  d’un  vésicatoire  ammoniacal 
et  même  du  marteau  de  Mayor,  si  le  danger  est  pressant.  C’est  dans  ce  cas 
aussi  que  les  ventouses  sèches  trouvent  leur  emploi,  mais  il  faut  les  ap¬ 
pliquer  en  grand  nombre  (trente  ou  quarante  à  la  fois)  et  répéter  l’opé- 


ENDOCARDE.  —  ENDOCARDITES.  —  bibliographie. 


305 


ration  matin  et  soir.  On  les  placera  sur  les  membres  inférieurs,  s’ils  ne 
sont  pas  œdématiés  ;  dans  le  cas  contraire,  on  les  mettra  en  ceinture  à 
la  base  de  la  poitrine.  Les  révulsifs  cutanés  seront  formellement  indiqués 
dans  tous  les  cas  où  la  dyspnée  est  extrême  et  l’asphyxie  imminente;  on 
pourra  aussi  recourir  avec  avantage  à  ces  moyens,  pour  combattre  cer¬ 
tains  symptômes  fonctionnels  pénibles,  tels  que  l’oppression,  les  palpita¬ 
tions,  l'anxiété  précôrdiale,  etc... 

Les  diverses  variétés  d’endocardites  secondaires  présentent  les  mêmes 
indications  ;  dans  les  formes  dyscrasiques ,  les  conditions  générales  des 
individus  frappés  amènent,  dans  ce  cas,  l’impuissance  précoce  du  muscle 
cardiaque,  et  c’est  aussi  à  soutenir  l’énergie  défaillante  du  cœur  que 
doivent  principalement  s’adresser  les  efforts  de  la  thérapeutique.  J'ai 
l’habitude  d’employer  dans  la  pneumonie,  dans  la  fièvre  typhoïde,  dans 
toutes  les  maladies  adynamiques,  une  potion  composée  qui  réalise  au 
plus  haut  degré  l’action  stimulante.  Voici  la  formule  que  j’ai  adoptée  : 

Vin  rouge . 150  gramm. 

Teinture  de  cannelle .  8  — 

Sirop  d'écorces  d’oranges  amères .  40  — 

Mêlez  et  ajoutez  : 

Acétate  d’ammoniaque.  .  .  .  . .  10  gramm. 

Extrait  de  quinquina .  4  — 

Rlium  ou  cognac  vieux .  40  à  100  gramm.  (Selon  le  cas.) 

Cette  potion,  qui  résume  en  elle  la  médication  stimulante,  me  rend 
journellement  d’importants  services  dans  les  maladies  que  je  viens  de 
citer;  elle  m’a  été  également  fort  'Utile  dans  les  cas  où  ces  affections 
étaient  compliquées  de  péricardite  ou  d’endocardite. 

Dans  l’endocardite  infectieuse,  l’adynamie  fournit  l’indication  fondamen¬ 
tale.  Dans  cette  forme,  comme  dans  la  précédente,  le  traitement  général 
l’emporte  de  beaucoup  sur  les  moyens  locaux.  Il  convient  de  donner 
d’emblée  les  toniques  et  les  stimulants,  savoir  ;  le  quinquina,  le  vin, 
l’alcool.  On  peut  administrer  concurremment  le  sulfate  de  quinine  et 
l’alcoolature  d’aconit,  dont  l’emploi  est  aussi  rationnel  ici  que  dans  les 
autres  maladies  toxémiques  ;  mais  ces  efforts  sont  ordinairement  stériles 
dans  la  forme  typhoïde,  ils  le  sont  toujours  dans  la  forme  pyémique. 

Il  nous  paraît  inutile  de  rappeler  les  divers  agents  qui  ont  été  employés 
dans  ces  cas,  tels  que  l’opium,  l’acide  phosphorique,  le  castoréum,  la 
digitale;  leur  emploi  se  trouve  jugé  par  leur  inefficacité  même. 

Nous  ne  pourrions  mieux  terminer  qu’en  reproduisant  les  paroles 
mêmes  de  Lancereaux  :  «  Nous  ignorons  si  d’autres  moyens  seront  plus 
avantageux,  mais  il  est  présumable,  en  se  fondant  sur  l’analogie,  qu’il 
sera  toujours  difficile  de  combattre  les  symptômes  d’infection  profonde, 
déterminés  dans  certains  cas,  par  l’endocardite  ulcéreuse.  » 

La  bibliographie  étendue  de  l’article  Cœor  et  celle  qui  trouvera  place  à  l’article  Péricardite 
réduisent  les  indications  qu’il  est  utile  de  donner  ici. 

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1863,  p.  560,  Fernet;  E.  ulcéreuse,  1864,  Fritz;  E.  valvulaire,  mort,  1865,  p.  51,  Cornil; 
E.  ulcéreuse  de  forme  purulente,  femme  âgée  de  vingt  ans,  mort,  1865,  p.  579,  Barbeu- 
Dubourg;  E.  ulcéreuse;  1865,  p.  383,  René  Blaehe;  E.  ulcéreuse  des  valvules  .sigmoïdes, 
infarctus  des  reins,  mai  1865,  Lamare.  \ 

Yoy.  en  outre  la  bibliographie  des  articles  Embolie,  Rhomatisme,  etc. 

Jaccocd. 

ENDOSCOPE  (Ivoov,  dedans  ;  a-AOTCiv,  regarder). —  Instrument-des- 
tiné  à  re.xatnen  des  conduits  et  des  cavités  du  corps  dont  l’ouverture  étroite 
ne  permet  que  l’introduction  d’une  sonde  de  faible  diamètre. 

Si  la  cavité  d’un  organe  présente  un  très-petit  diamètre  et  une  pro¬ 
fondeur  considérable,  comme  l’urèthre,  le  col  utérin,  l’œsophage,  elle 
ne  peut  admettre  le  spéculum  si  petit  qu’il  soit  et  la  lumière  naturelle 
ou  produite  par  les  procédés  ordinaires  ne  peut  y  pénétrer.  C’est  à  ce 
genre  d’organe  qu’est  destiné  V endoscope  ;  son  domaine  commence  où 
finit  celui  du  spéculum,. 


ENDOSCOPE. 


309 


L’endoscope,  qui  doit  fournir  la  lumière  et  la  projeter  dans  la  direc¬ 
tion  convenable,  est  nécessairement  assez  compliqué,  et  cependant  il  faut 
qu’il  soit  assez  léger  et  assez  peu  volumineux  pour  pouvoir  être  aisément 
manié  d’une  seule  main. 


fta.  20.  —  Théorie  de  l’endoscope.  Fig.  21.  —  Coupe  de  l’endoscope. 

L’endoscope  (fig.  20)  se  compose  d’une  lampe  dont  la  flamme  est  si¬ 
tuée  au  centre  de  courbure  d’un  réflecteur  concave  sphérique  ;  d’une 
lentille  qui  reçoit  la  lumière  directe  et  celle  qui  est  renvoyée  par  le  ré¬ 
flecteur,  et  la  concentre  sur  le  point  à  éclairer;  d’un  miroir  plan,  percé 
au  centre  et  qui,  recevant  le  faisceau  lumineux  sous  un  angle  de  45  de¬ 
grés,  le  réfléchit  à  angle  droit  dans  la  direction  d’jme  sonde  introduite 
dans  les  parties  à  examiner. 


510  ENDOSCOPE. 

Telles  sont  les  parties  essentielles  de  Tendoscope,  dont  la  coupe  est  re¬ 
présentée  dans  la  figure  21,  ainsi  que  la  marche  des  rayons  lumi¬ 
neux.  Les  pièces  sont  montées  dans  un  appareil  que  nous  allons  décrire. 
La  lampe  s’adapte,  au  moyen  d’une  virole  de  baïonnette ,  à  la  partie  infé¬ 
rieure  d’un  cylindre  qui  porte,  à  sa  partie  supérieure,  une  cheminée  des¬ 
tinée,  comme  les  Terres  des  lampes  ,  à  augmenter  l’intensité  de  la  com¬ 
bustion  et  la  production  de  la  lumière  par  le  tirage  qu’il  produit  tout  en 
cachant  entièrement  la  lumière  à  l’œil.  Vers  le  milieu  de  sa  hauteur,  au 
niveau  de  la  flamme  de  la  lampe,  ce  cylindre  est  pourvu  de  tubulures  , 
placées  en  face  l’une  de  l’autre,  et  recevant ,  la  première  ,  le  miroir  con¬ 
cave  ,  et  la  seconde,  l’ajutage  d’un  tube  qui  confient  le  miroir  oblique 
percé  au  centre.  Le  tube  lui-même  se  termine,  d’un  bout  par  une  bague 
fendue  pour  recevoir  l’extrémité  des  sondés,  et,  de  l’autre  bout ,  par  un 
diaphragme  ou  œilleton,  auquel  on  peut  au  besoin  substituer  une  petite 
lunette  de  Galilée  à  court  foyer,  si  on  veut  grossir  les  objets  pour  en  mieux 
voir  les  détails.  Cette  lunette  peut  encore  servir  aUx  myopes  ou  aux 
presbytes  dont  les  yeux  ne  s’adapteraient  pas  à  la  longueur  de  l’in¬ 
strument;  aussi,  pour  cet  usage,  on  a  deux  lunettes  de  portées  diffé¬ 
rentes. 

La  lampe  qui  fournit  la  lumière  à  l’instrument  mérite  une  attention 
particulière.  11  faut  qu’elle  ait  un  pouvoir  éclairant  considérable  sous  un 
petit  volume,  et  qu’elle  soit  d’un  emploi  facile,  c’est  ce  qui  m’a  fait  rejeter 
l’éclairage  électrique  et  lalumièredeDrummond.La  lampe  dont  je  me  sers 
est  alimentée  par  le  gazogène  (liquide  composé  de  quatre  parties  d’ alcool 
rectifié  et  d’une  partie  d’essence  de  thérébenthine  purifiée),  elle  donne 
une  lumière  bien  suffisante  à  toutes  les  distances  où  on  peut  employer- 
l’instrument. 

Les  sondes  qui  s’adaptent  à  l’endoscope  présentent  une  partie  cylindri¬ 
que  qui  doit  être  reçue  dans  la  douille  de  l’instrument.  Le  reste  de  la 
longueur  de  ces  sondes  varie  suivant  l’organe  auquel  on  les  destine.  Pour 
le  rectum,  elles  sont  cylindriques  et  offrent  partout  le  même  diamètre  qu’à 
l’extrémité  qui  s’adapte  à  l’instrument. 

Les  sondes  uréthrales ,  se  rétrécissent  de  façon  à  présenter  dans  la» 
partie  qu’on  introduit  dans  l’organe,  un  diamètre  de  6  à  8  millimètres  ,, 
sur  15  centimètres  de  longueur;  elles  sont  munies  d’un  em.bout  pour 
en  faciliter  l’introduction,  et  présentent,  dans  leur  partie  conique,, 
une  ouverture  qui  se  termine  par  une  longue  fente,  pour  l’introduc¬ 
tion  des  instruments  destinés  à  agir  sur  les  parties  qu’on  explore 
(fig.  22). 

Parmi  ces  instruments  les  plus  fréquemment  employés  sont  des  tiges  d’ar¬ 
gent,  terminées  par  une  extrémité  tordue  sur  laquelle  on  fixedu  coton  pour 
absterger  les  parties,  ou  pour  y  porter  des  caustiques  liquides  (fig.  25). 
Si  on  veut  employer  le  nitrate  d’argent  solide,  on  peut  le  fondre  sur  le 
bout  d’un  stylet,  ou  le  placer  dans  un  petit  porte-nitrate,  porté  à  l’extré¬ 
mité  d’une  tige  coudée.  Pour  explorer  l’orifice  d’un  rétrécissement  ou 
de  quelque  autre  objet  qu’on  peut  apercevoir  dans  l’endoscope,  on  se  sert 


ENDOSCOPE. 


311 


d’un  stylet  d’argent  terminé  par  une  extrémité  coudée  (fîg.  24)  ;  enfin 
pour  pratiquer  des  incisions  et  en  particulier  l’uréthrotomie ,  on  fait 


Fie.  22.  ■  Fig.  25.  Fig.  24.  Fig.  25.  Fig.  26. 


Sonde  et  embout.  Tige  porte-coton.  Stylet.  Uréthrotome.  Sonde  prostatique. 

usage  de  petits  bistouris  boutonnés,  à  longue  tiges  ou  uréthrotomes  dont 
la  vue  peut  diriger -l’action  (fîg.  25). 

La  sonde  uréthrale  que  je  viens  de  décrire  s’emploie  également  dans  la 
cavité  utérine,  dans  les  fosses  nasales,  dans  les  fistules  où  l’on  veut  re¬ 
chercher  des  corps  étrangers.  Pour  l’exploration  de  l’œsophage  il  faut  des 
sondes  delà  même  forme,  mais  plus  grandes  dans  toutes  leurs  dimensions. 
Je  m’en  suis  ser^i  dans  plusieurs  cas  de  rétrécissements  œsophagiens,  et 
le  professeur  Eussmaul  les  a  appliqués  au  diagnostic  du  cancer  de  l’œso¬ 
phage.  Il  les  a  même  portés  jusque  dans  l’estomac. 

Pour  l’exploration  de  la  vessie,  on  fait  usage  d’une  sonde  coudée  à  ex¬ 
trémité  arrondie  (fig,  26),  et  dont  la  longue  portion  est  hermétiquement 


512 


ENDOSCOPE. 


bouchée  par  un  verre.  De  la  sorte,  le  liquide  contenu  dans  la  vessie  est 
retenu  par  le  verre  qui  laisse  passer  librement  la  lumière.  Cette  sonde 
rend  de  grands  services  pour  l’étude  des  affections  de  la  vessie  et  de 
la  prostate.  Elle  donne  sur  l’état  de  ces  organes  et  sur  les  calculs  qui 
peuvent  s’y  rencontrer  des  notions  qu’on  ne  pourrait  se  procurer  par 
aucun  autre  moyen. 

Dans  quelques  cas,  surtout  dans  les  fosses  nasales ,  on  peut  porter  la 
sonde  dans  l’organe  après  l’avoir  fixée  à  l’instrument.  Mais  habituellement 


Fig.  27.  —  PosUion  de  l’endoscope  pendant  l’application.^ 


on  l’introduit  isolément,  et  c’est  lorsqu’elle  est  en  place  qu’on  fixe  sur 
elle  l’endoscope,  comme  on  le  voit  dans  la  figure  27. 

Desobueaux,  De  l’endoscope  et  de  ses  applications  au  diagnostic  et  au  traitement  des  affections 
de  l’urètlire  et  de  la  vessie,  leçons  faites  à  l’hôpital  Necker.  Paris,  1865,  in-8  avec  3  pl. 
chromolithogr. 

WoiLiEz,  Dictionnaire  de  diagnostic  médical,  2“  édition.  Paris,  1870,  in-8. 

WuNDT,  Traité  élénieniaire  de  physique  médicale,  traduit  de  l’allemand,  avec  des  additions  par 
Ferdinand  Monoyer.  Paris,  1871.  in-8. 

Gadjot  et  SpiLLMANK,  -Irsenal  de  la  chirurgie  contemporaine.  Paris,  1871,  t.  II. 

Ant.  Desormeaux. 


ÉNnÉORÊDIE.  Voy.  Urine. 


EIVFANCE.  Voy.  Age,  t.  1,  p.  407,  et  Croissance,  t.  X,  p.  291. 


ENGELURE.  —  synonymie.  —  étiologie. 


313 


EBïGELiURE.  —  On  appelle  engelure  une  tuméfaction  rouge  vio¬ 
lacé,  modérément  douloureuse,  plus  ou  moins  circonscrite,  avec  ou 
sans  destruction  de  l’épiderme,  qui  résulte  de  l’action  du  froid  sur  nos 
tissus. 

Syuonymîe.  —  Pernio ,  bugantia  des  Latins  ;  Erythema  pernio 
(Bazin);  ydgÆ.o  des  Grecs;  angl.,  Kibe  or  Chïlblain;  ail.,  Frostbeule; 
Congelatio.  —  Engelure  dérive  de  gelu,  gelée;  quant  au  mot  pernio,  on 
le  fait  provenir  de  pernicies,  ruine,  dommage,  ou  de  péroné,  le  péroné, 
parce  que  les  engelures  occupent  souvent  la  partie  inférieure  de  la 
jambe,  le  talon.  Dans  cette  dernière  région,  le  vulgaire  les  désigne  quel¬ 
quefois  sous  le  nom  de  mules. 

Quand  on  envisage  les  lésions  produites  par  l'action  du  froid  sur 
nos  tissus,  on  peut,  avec  Callisen,  reconnaître  trois  degrés  :  le  pre¬ 
mier  est  caractérisé  par  une  rougeur  avec  tuméfaction  légère;  dans 
le  second  l’épiderme  est  détruit,  ou  soulevé  sous  forme  de  bulles  par 
une  sérosité  claire  ou  roussâtre  ;  le  troisième  degré  enfin  est  constitué 
par  la  mortification  des  tissus  dans  une  épaisseur  plus  ou  moins  grande. 
Il  existe,  comme  on  le  voit,  une  grande  analogie  entre  les  effets  du 
froid  et  ceux  du  calorique;  aussi  la  classification  de  Callisen  corres¬ 
pond-elle  précisément  à  celle  que  Boyer  a  adoptée  pour  les  brûlures; 
rubéfaction,  vésication,  mortification;  seulement,  tandis  que  le  calo¬ 
rique  a  une  action  immédiate  et  directe,  le  froid  au  contraire  agit 
d’une  manière  indirecte  et  médiate,  par  la  réaction  qui  survient  dans 
les  tissus  refroidis.  11  suffit  donc  que  cette  réaction  soit  contenue  dans 
des  limites  modérées  pour  éviter  la  plupart  des  accidents  qu’on  peut 
avoir  à  redouter,  ce  qui  mène  à  des  conséquences  thérapeutiques  d’une 
importance  incontestée. 

Rayer  désigne  collectivement  sous  le  nom  d’engelures  toutes  les  lé¬ 
sions  produites  par  le  froid,  de  sorte  qu’il  admet  ;  1°  l’engelure  érythé¬ 
mateuse  ;  2"  l’engelure  bulleuse  avec  ou  sans  excoriation  ;  5“  l’enge- 
gelure  gangréneuse.  Nous  ne  saurions  adopter  cette  manière  de  voir  : 
seuls  les  deux  premiers  degrés  constituent  l’engelure  ;  quant  au  troisième, 
il  ne  se  rattache  point  à  notre  sujet  et  a  été  décrit  autre  part.  {Voy. 
Congélation,  t.  IX.) 

Étiologie.  —  La  cause  essentielle  des  engelures  est  le  froid,  car  on 
n’en  observe  ni  dans  les  climats  chauds,  ni  pendant  les  chaleurs  de 
l’été.  Dans  nos  pays,  chez  quelques  sujets  prédisposés,  elles  se  mon¬ 
trent  dès  le  début  de  l’hiver  et  se  perpétuent  jusqu’au  printemps. 
Nous  avons  fait  remarquer  que  le  froid  seul  ne  suffit  pas  à  les  pro¬ 
duire  :  c’est  plutôt  l’exposition  subite  d’une  partie  échauffée  à  une  tem¬ 
pérature  froide,  et  surtout  celle  d’une  partie  engourdie  par  le  froid  à 
une  forte  chaleur.  Aussi  voit-on  souvent  les  engelures  se  manifester 
après  un  froid  rigoureux,  au  moment  où  le  thermomètre  se  rapproche 
de  zéro  ou  même  s'élève  à  quelques  degrés  au-dessus. 

Les  engelures  se  produisent  par  un  mécanisme  qu’il  est,  jusqu’à  un 
certain  point,  possible  d’expliquer  :  l’excitation  produite  par  le  froid 


314 


ENGELURE,  —  symptômes. 


détermine  une  contraction  excessive  des  petits  vaisseaux,  ce  qui  amène 
l’alanguissement  de  la  circulation  et  la  pâleur  des  tissus  ;  puis,  si  cette 
excitation  cesse  brusquement,  à  la  contraction  permanente  succèdent 
l’atonie  des  parois  vasculaires  et  une  congestion  très-vive,  qui  a  pour 
conséquence  un  exsudât  séreux  dans  l’épaisseur  de  la  peau  et  du  tissu 
conjonctif  sous-cutané.  C’est  donc  à  la  congestion  et  à  l’inrillration  de 
sérosité  que  sont  dus  la  rougeur  et  le  gonflement  qui  accompagnent 
l’engelure. 

Les  régions  à  découvert  ou  peu  couvertes,  celles  qui  sont  éloignées 
du  centre  circulatoire  ou  qui,  d’un  petit  volume,  n’offrent  au  refroi¬ 
dissement  qu’une  résistance  médiocre,  sont  naturellement  celles  qui 
présentent  le  plus  souvent  ce  genre  de  lésion.  C’est  pour  ces  différents 
motifs  qu’on  rencontre  les  engelures  plus  spécialement  aux  mains  et 
aux  pieds,  aux  oreilles,  au  nez;  mais  on  peut  les  observer  en  d’autres 

points,  tels  que  les  coudes,  les  genoux,  etc _ Aux  membres  supérieurs, 

c’est  à  la  face  dorsale  des  mains  et  surtout  aux  doigts  qu’elles  sont  le 
plus  communes  ;  aux  pieds,  elles  occupent  presque  toujours  les  orteils 
et  quelquefois  le  talon. 

Elles  sont  beaucoup  plus  fréquentes  pendant  l’enfance  qu’à  tout  autre 
âge  ;  cependant  on  en  voit  aussi  chez  les  adultes,  et  certaines  personnes 
en  souffrent  même  toute  leur  vie. 

Les  femmes  y  semblent  plus  sujettes,  ce  qui  n’a  rien  de  surpi’enant, 
puisque  les  constitutions  chétives  y  sont  prédisposées.  C’est  pour  ce 
motif  également  que  les  scrofuleux  en  sont  si  souvent  atteints;  et,  chez 
eux,  elles  offrent  une  ténacité  et  un  développement  exceptionnels. 

Certaines  professions  et  habitudes  ne  sont  pas  sans  influence.  L’action 
de  plonger  souvent  les  mains  dans  de  l’eau  à  une  température  variable, 
comme  on  peut  le  remarquer  chez  certains  ouvriers,  parliculièi'ement 
les  blanchisseuses,  un  exercice  musculaire  insuffisant,  de  mauvaises 
conditions  hygiéniques,  en  sont  des  causes  très-évidentes  ;  mais  rien 
n’y  expose  plus  que  l’habitude  de  réchauffer  à  l’ardeur  d’un  foyer  les 
parties  engourdies  par  le  froid. 

Symptômes.  —  Quand  une  partie  devient  le  siège  de  l’engelure, 
à  l’engourdissement  et  à  la  pâleur  produits  par  le  froid,  succède  un 
sentiment  de  chaleur  et  de  tension  douloureuse  accompagné  d’une  rou¬ 
geur  mal  limitée,  qui  prend  une  teinte  d’un  bleu  violet.  Le  tissu  cellu¬ 
laire  sous-cutané  se  tuméfie,  s’engorge,  se  durcit,  et  les  surfaces  dor¬ 
sales  des  mains  et  des  pieds  présentent  souvent  un  volume  double  ou 
triple  de  celui  qui  leur  est  naturel.  Cette  tuméfaction  est  ferme,  mais 
elle  cède  et  se  laisse  un  peu  déprimer  sous  une  pression  soutenue 
pour  reprendre  bientôt  sou  volume.  La  température  s’élève  et  dépasse 
généralement  le  degré  normal  de  la  région,  ce  qui  achève  de  donner 
à  la  partie  malade  les  caractères  d’une  inflammation  qui  ne  diffère  du 
premier  degré  de  la  brûlure  que  par  la  coloration  bleuâtre. 

A  une  basse  température,  les  engelures  sont  peu  douloureuses  ;  mais 
quand  elles  s’échauffent,  soit  par  le  séjour  au  lit,  soit  par  le  voisinage 


ENGELURE.  —  symptômes.  315 

d’un  foyer,  elles  deviennent  le  siège  d’une  recrudescence  de  couleur 
avec  tension  plus  marquée,  et  occasionnent  des  démangeaisons,  des 
picotements  insupportables,  des  douleurs  brûlantes  et  pulsatives  ca¬ 
pables  de  troubler  le  sommeil.  Les  mouvements  eux-mêmes  peuvent 
être  gênés  à  un  degré  suffisant  pour  rendre  difficile  l’exercice  de  la 
marche  et  les  fonctions  de  la  main. 

Tels  sont  les  caractères  et  les  conséquences  des  lésions  produites  par 
le  froid  quand  elles  se  bornent  au  premier  degré  ou  rubéfaction.  Ce 
degré  est  de  beaucoup  le  plus  commun,  dans  nos  climats  du  moins. 

Mais  sous  l’influence  d’un  froid  plus  vif,  ou  chez  certains  sujets 
dont  la  constitution  offre  moins  de  résistance,  on  peut  observer  le 
soulèvement  de  l’épiderme,  une  vésication  véritable  :  c’est  le  second  degré 
de  l’engelure.  Cette  destruction  du  revêtement  épidermique  se  présente 
sous  deux  aspects  :  ce  sont  tantôt  des  bulles,  des  phlyclènes,  contenant 
une  sérosité  jaunâtre  ou  sanguinolente;  d’autres  fois  des  fissures 
superficielles,  des  crevasses,  qui  semblent  se  produire  par  le  fait  de  l’ex¬ 
cessive  distension  de  la  peau.  Les  bulles  sont  le  plus  souvent  situées 
à  la  face  palmaire  des  dernières  phalanges  des  doigts,  à  la  face  plan¬ 
taire  des  orteils  ou  à  la  partie  postérieure  du  talon  ;  la  peau  voisine 
est  livide  ou  rouge  bleuâtre. 

A  la  destruction  de  l’épiderme  succèdent  des  ulcérations  grisâtres, 
très-douloureuses,  qui  sécrètent  une  sérosité  puriforme,  sanguinolente 
et  ne  se  cicatrisent  qu’avec  difficulté.  Elles  peuvent  même,  mais  cela  est 
rare,  avoir  une  marche  envahissante  et  creuser  assez  profondément  les 
tissus. 

Il  peut  arriver  que  les  ongles,  soulevés  comme  l’épiderme  par  un  épan¬ 
chement  séreux,  se  détachent  entièrement  et  tombent.  Je  connais  un 
malade  qui,  à  plusieurs  reprises,  a  ainsi  perdu  les  ongles  de  la  plupart 
des  doigts  et  des  orteils  ;  ses  ongles  ont  repoussé,  mais  ils  conservent 
une  forme  défectueuse. 

Legouest  a  vu  en  Crimée  les  bulles  des  engelures,  soulevées  par  du 
sang  pur,  offrir  une  teinte  d’un  noir  foncé.  Ces  bulles  occupaient  surtout 
la  face  inférieure  du  pied  et  des  orteils  ou  le  talon  ;  à  la  chute  de  l’épi¬ 
derme,  qui  se  faisait  attendre  longtemps,  on  trouvait  tantôt  la  couche 
épidermique  régénérée,  tantôt  le  derme  mis  à  nu  et  ulcéré. 

Il  est,  enfin,  un  état  que  Legouest  a  décrit  sous  le  nom  d’engelure 
chronique  et  qui  est  une  forme  du  premier  degré.  Le  derme  est  alors, 
comme  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  épaissi,  coloré  en  rouge  brun  et 
privé  de  sensibilité.  Le  malade  marche  sans  ressentir  l’impression  du  sol 
et  quelquefois  l’insensibilité  persiste  pendant  cinq  à  six  mois.  C’est  l’in¬ 
fluence  prolongée  du  froid  humide,  qui  est  la  cause  habituelle  de  ces 
accidents . 

Chez  la  plupart  des  sujets  atteints  d’engelures,  même  chez  ceux  qui 
en  souffrent  pendant  toute  la  mauvaise  saison,  une  guérison  complète 
survient  au  printemps.  Chez  quelques-uns  cependant,  les  engelures  lais¬ 
sent  à  leur  suite  ces  ulcérations  rebelles,  dont  nous  avons  parlé  et  dont 


516 


ENGELURE.  —  traitement. 


le  chirurgien  ne  peut  avoir  raison  qu’à  l’aide  de  pansements  variés  ou 
d’applications  locales  énergiques.  Quelques  malades,  entachés  du  vice 
scrofuleux,  conservent  un  engorgement  chronique  et  une  induration  lents 
à  disparaître.  Parfois,  enfin,  on  a  vu  les  capillaires,  paralysés  par  l’action 
du  froid,  rester  dilatés  d’une  façon  définitive  et  parmanente.  Billroth 
raconte  avoir  traité  à  Berlin  un  jeune  homme  qui,  sous  l’influence  d’un 
froid  rigoureux,  avait  conservé  le  nez  d’un  rouge  bleu  foncé  et  qui  ne 
put  guérir  de  cette  difformité  par  aucun  moyen. 

Le  diagnostic  des  engelures  est  rarement  difficile,  si  l’on  a  égard  à  la 
cause  qui  leur  a  donné  naissance,  à  leur  siège,  à  leur  couleur  violacée, 
et,  enfin,  aux  picotements  douloureux  et  aux  démangeaisons  qu’elles  font 
éprouver.  .4u  nez  et  aux  oreilles,  le  lupus  érythémateux  et  Vacné  rosacée 
sont  à  peu  près  les  seules  affections  avec  lesquelles  on  pourrait  les  con¬ 
fondre  ;  mais  le  lupus  est  une  lésion  fixe  et  présente  çà  et  là  des  points 
cicatriciels,  et  dans  l’acné  rosacée  l’élément  pustuleux,  qui  prédomine, 
permet  d’éviter  la  confusion.  Les  ulcérations  et  l’induration  consécutives 
aux  engelures  seront  rapportées  à  leur  véritable  cause  par  l’étude  des 
antécédents. 

Traitement.  —  Bien  qu’il  s’agisse  d’une  lésion  vulgaire  et  sans  gra¬ 
vité,  on  voit  par  ce  qui  précède  que  les  engelures  méritent  d’être  prises 
en  considération  ;  aussi  le  praticien  est  souvent  consulté,  et  toujours  on 
lui  saura  gré  de  pouvoir  donner  un  bon  conseil  au  sujet  d’une  affection 
que  l’on  regarde  généralement  comme  sans  remède. 

Et  d’abord,  le  traitement  préventif  ne  doit  pas  être  négligé.  Chez  les 
personnes  prédisposées  aux  engelures  et  qui  tous  les  hivers  en  ont  à 
souffrir,  il  y  a  à  remplir  des  indications  générales  et  locales.  Le  plus 
souvent  ces  malades  sont  des  sujets  débiles,  parfois  disposés  aux  scro¬ 
fules  et  dont  il  faut  modifier  la  constitution,  à  l’aide  des  préparations  to¬ 
niques  les  mieux  appropriées  à  l’état  individuel  :  les  amers,  les  ferru¬ 
gineux,  l’huile  de  morue,  les  médicaments  indiques,  peuvent,  à  divers 
titres,  être  mis  à  contribution;  et,  quand  les  engelures  existent  déjà,  ils 
sont  nécessairement  encore  indiqués.  Une  alimentation  réparatrice,  une 
habitation  salubre,  l’usage  de  vêtements  chauds  et  secs,  l’exercice,  ont 
également  une  heureuse  influence. 

Il  convient,  en  outre,  de  fortifier  les  parties  qui  deviennent  le  siège 
habituel  des  engelures,  par  des  frictions  stimulantes  et  des  lotions  astrin¬ 
gentes  ou  aromatiques  :  l’eau-de-vie  simple  ou  l’alcool  camphré,  la  dé¬ 
coction  de  tan,  une  solution  de  50  grammes  d’alun  dans  un  litre  d’eau, 
sont  les  liquides  qui  peuvent  être  employés  avec  le  plus  d’avantage.  Il 
faut  éviter  d’y  faire  des  applications  tièdes  et  relâchantes:  on  doit,  au 
contraire,  aguerrir  les  tissus  par  l’usage  constant  de  l’eau  froide  pour 
les  soins  de  la  toilette,  et  même  par  des  frictions  avec  de  la  neige. 

Si  une  partie  quelconque  est  engourdie  par  l’action  d’un  froid  un  peu 
vif,  il  faut  bien  se  garder  de  la  réchauffer  brusquement,  soit  par  l’immer¬ 
sion  dans  l’eau  tiède,  soit  par  l’approche  du  feu,  puisque,  comme  nous 
l’avons  dit,  les  engelures  sont  moins  le  résultat  immédiat  du  refroidisse- 


ENGELURE.  —  iiibliographie. 


ment  que  celui  d’une  réaction  trop  vive  et  trop  rapide  ;  on  doit  alors  ré¬ 
chauffer  graduellement  la  région  engourdie ,  soit  à  l’aide  de  frictions 
faites  avec  de  la  neige,  soit  par  des  lotions  avec  de  l’eau  très-froide,  ou, 
enfin,  par  des  frictions  sèches. 

Quand  l’engelure  existe  et  que  l’épiderme  est  intact  (premier  degré), 
les  lotions  avec  des  substances  alcooliques  et  aromatiques  ou  astringentes, 
sont  le  moyen  le  plus  propre  à  rendre  aux  petits  vaisseaux  la  tonicité 
qu’ils  ont  perdue  et  à  favoriser  la  résorption  du  liquide  infiltré  dans  l’é¬ 
paisseur  du  derme.  En  outre  des  liquides  signalés  plus  haut,  on  pourrait 
citer  un  très-grand  nombre  de  préparations,  qui  ont  été  employées  dans 
ce  but  et  dont  voici  les  principales  :  le  baume  de  Fioravanti,  les  tein¬ 
tures  de  benjoin  ou  de  gaïac,  le  baume  du  Pérou,  le  vin  aromatique,  le  vin 
chaud,  le  liniment  oléo-calcaire,  le  sous-acétate  de  plomb  en  pommade 
ou  en  solution,  une  solution  de  sublimé  au  300®  ou  au  1000®  (Bazin), 
l’acide  chlorhydrique  dilué.  Des  frictions  avec  le  jus  de  citron,  une  pom¬ 
made  au  précipité  blanc  (2  grammes  pour  30  d’axonge)  peuvent  avoir 
également  de  l’avantage.  Marjolin  employait  volontiers  une  pommade 
composée  de  blanc  de  baleine,  d’huile,  de  cire,  de  baume  du  Pérou  et 
d’acide  chlorhydrique.  On  voit  que  les  moyens  sont  nombreux;  beaucoup 
ont  une  efficacité  réelle. 

Au  second  degré  des  engelures,  on  se  trouve  en  présence  d’ulcérations 
grisâtres,  souvent  rebelles  et  douloureuses,  qui  pourront  par  exception 
réclamer  l’emploi  de  moyens  calmants,  tels  que  le  cérat  opiacé  ou  les  ca¬ 
taplasmes  émollients  et  narcotiques  arrosés  de  sous-acétate  de  plomb,  mais 
auxquelles  sont  le  plus  souvent  applicables  la  plupart  des  préparations 
stimulantes  et  toniques,  mentionnées  pour  le  pansement  des  engelures  au 
premier  degré.  Ici  conviennent  plus  particulièrement  le  baume  du  Com¬ 
mandeur,  le  styrax,  un  digestif  animé,  la  glycérine,  Une  solution  légère 
d’azotate  d’argent  ou  une  pommade  à  l’oxyde  de  zinc.  Lisfranc  dit  s’être 
bien  trouvé  de  panser  ces  ulcères  avec  un  linge  fenêtré  enduit  de  cérat  et 
recouvert  de  charpie  trempée  dans  une  solution  de  chlorure  de  chaux. 

Enfin,  quand  un  engorgement  notable  accompagne  les  engelures,  ou 
persiste  après  leur  disparition,  le  moyen  le  plus  efficace  est  une  compres¬ 
sion  bien  faite,  soit  avec  une  petite  bande  de  toile,  soit  avec  dés  bande¬ 
lettes  de  sparadrap  commun  ou  mieux  de  sparadrap  de  Vigo,  surtout 
quand  des  ulcérations  compliquent  l’engorgement.  Le  petit  appareil 
est  renouvelé  aussi  souvent  qu-’il  est  nécessaire,  et,  sous  son  influence, 
on  est  quelquefois  surpris  de  la  rapidité  avec  laquelle  la  région  malade 
reprend  son  volume.  C’est  ici  surtout  qu’il  importe  d’instituer  une  médi¬ 
cation  interne  tonique,  car  cette  complication  ne  se  rencontre  guère  que 
chez  les  sujets  scrofuleux. 

Celse,  De  re  medica,  lib.  V,  sect.  xxviii,  §  6. 

Ploücqüet,  Litteratura  medica  digesta,  art.  Peenio. 

Aïues,  Dissertation  sur  les  engelures.  Montpellier,  1813. 

JouEDAN,  Dict.  des  sciences  médic.,  l.  XII,  p.  318,  Paris,  1815. 

Callisen,  System  der  neueren  Chirurgie.  Hamburg,  1822. 


318  ENGHIEN. 

Lisfkaxc,  Observations  d’engelures  traitées  et  guéries  par  le  chlorure  de  chaux  [Revue  médi¬ 
cale,  1826,  t.  I,  p.  210). 

Thomson,  Traité  médico-chirurgical  de  l’inflammation,  trad.  de  Jourdan  et  Boisseau,  p.  656.  Pa¬ 
ris,  1827. 

Bégin,  art.  Congélation  du  Dictionnaire  de  médecine  et  de  eliirurgie  pratiques,  t.  V,  p.  409. 
Paris,  1830. 

Gemt,  Mémoire  sur  l’influence  du  froid  sur  l’économie  animale  [Journal  hebdomadaire,  t.  YIII, 
1830). 

Boïer,  Traité  des  mal.  chirurg.  4»  édit.,  t.  XI,  p.  60.  Paris,  1831. 

Græfe  (E.),  Encyclopâdisches  Wôrterbuch  medicinischen  Wissenschaften.  Berlin,  1832, 
Band  VIII,  article  Congelatio. 

Rayer,  Traité  théorique  et  pratique  des  maladies  de  la  peau.  2“=  édition,  t.  II,  p.  495.  Paris, 
1835. 

Marjolin,  Dictionnaire  de  médecine  en  Zü  volumes,  t.  XII,  p.  27.  Paris,  1855. 

Iacorbière,  Traité  du  froid.  1839. 

Compendium  de  ehirurgie,  t.  I,  p.  300.  Paris,  1840. 

Nélaton,  Éléments  de  pathologie  chirurgicale,  t.  I,  p.  303.  Paris,  1844.  2'  édit.,  1868,  t.  I, 
p.  366. 

Legodest,  Des  eongélations  observées  à  Constantinople  pendant  l’hiver  de  1854  à  1855  [Mém.  de 
médecine,  de  chirurgie,  etc.,  militaires,  t.  XVI). 

Valette  (Tharsile),  Sur  les  congélations  des  pieds  et  des  mains  (même  recueil,  t.  XIX). 

Follin,  Traité  élémentaire  de  pathologie  externe,  t.  I,  p.  537.  Paris,  1861. 

Bazin,  Leçons  théoriques  et  cliniques  sur  les  affections  cutanées  artificielles,. etc.,  publiées  par 
Guérard,  p.  12.  Paris,  1862. 

Billroth,  Éléments  de  pathologie  chirurgicale  générale,  traduction  française,  p.  308.  Paris, 
1868. 

Alfred  Heurt aux. 

EXCtHLBElV  (Seine-et-Oise,  arrondissement  de  Montmorency). — Alti¬ 
tude,  48  mètres.  —  Eaux  sulfurées,  calciques  froides.  —  Température 
variant  de  10  à  14“  centigrades;  12  degrés  paraît  être  le  chiffre  le  plus 
constant.  —  A  11  kilomètres  de  Paris,  ligne  du  chemin  de  fer  du  Nord. 

La  station  d’Enghien  occupe  un  rang  élevé  parmi  les  eaux  sulfurées 
calciques  de  France.  Sa  proximité  de  la  capitale,  l’importance  d’un  éta¬ 
blissement  de  construction  récente,  les  conditions  favorables  du  site 
qu’elle  occupe,  doivent  figurer  au  nombre  des  principaux  éléments  du 
succès  qui  la  favorise  actuellement. 

Cinq  sources  principales  alimentaient  l’établissement  à  l'époque  où  fut 
publié  l’important  travail  de  de  Puisaye  etLeconte  (1853)  :  Source  Cotte, 
source  Deyeux,  source  Péligot  ou  de  la  Rotonde,  source  Nouvelle  ou 
source  Rouland,  source  de  la  Pêcherie. 

Depuis  cette  époque,  trois  nouvelles  sources  sont  venues  s’ajouter  aux 
précédentes,  ce  sont  celles  du  Lac,  des  Roses  et  Lévy.  La  première  jaillit 
au  milieu  du  lac  dont  elle  a  tiré  son  nom.  Parfaitement  captée,  elle  verse 
son  eau  dans  le  réservoir  de  la  Pêcherie. 

D’une  odeur  rappelant  franchement  celle  de  l’hydrogène  sulfuré,  d’une 
saveur  identique,  si  l’odorat  et  le  goût  s’exercent  simultanément,  mais 
douceâtre,  fade  et  légèrement  alcaline,  si  le  goût  senl  intervient  après 
l’interception  préalable  du  passage  de  l’air  à  travers  les  fosses  nasales, 
l’eau  des  cinq  premières  sonrees  a  été  soumise  à  une  analyse  consignée 
dans  le  mémoire  de  de  Puisaye  et  Leconte.  Ces  sources  diffèrent  peu  les 
unes  des  autres  par  leur  composition.  Voici  les  résultats  qu’a  donnés  aux 
auteurs  que  nous  venons  de  citer  l’eau  de  la  source  Cotte. 


ENGHIEN.  319 

Gaz.  —  Azote,  19  milligrammes;  acide  carbonique  libre,  119  milli¬ 
grammes  ;  acide  sulfhydrique  libre,  25  milligrammes. 

Substances  fixes.  — 510  milligrammes  de  minéralisation;  carbonate 
de  chaux  0®'',217,  de  magnésie  O^^OIO  ;  sulfate  de  potasse  O^^OOS, 
de  soude  0®',0507  ;  sulfate  de  chaux  0''',319,  de  magnésie  O^^OOO,  d’a¬ 
lumine  0®'',039;  chlorure  de  sodium  0®'',039  ;  acide,  silicique  08',028  ; 
oxyde  de  fer,  traces  ;  matière  organique  indéterminée. 

Les  trois  sources  du  Lac,  des  Roses  et  Lévy  ont  été  de  la  part  de  Reveü, 
l’objet  de  recherches  ultérieures  (1864).  Les  résultats  obtenus  par  lui 
n’infirment  en  aucune  façon  ceux  qui  viennent  d’être  indiqués  et  s’en 
rapprochent  par  beaucoup  de  points  en  les  complétant.  Aux  substances 
dont  la  présence  a  été  déterminée  par  Leconte,  il  faut  ajouter,  d’après 
Reveil,  des  traces  d’iodure  de  sodium,  d’arséniate  de  soude,  de  borates, 
de  phosphates,  de  manganèse  et  surtout  de  lithine. 

Quant  aux  composés  de  cæsium  et  de  rubidium  dont  la  présence  dans 
les  eaux  minérales  s’allie  si  souvent  à  celle  de  la  lithine,  ni  les  efforts  de 
l’analyse  chimique,  ni  ceux  de  la  spectroscopie,  d’après  la  méthode  de 
Bunsen  etKirchhoff,  n’ont  pu  en  déceler  l’existence  dans  le  résidu  de  l’é¬ 
vaporation  de  300  litres  d’eau. 

L’état  du  soufre  à  l’état  d’hydrogène  sulfuré  libre  dans  les  eaux  d’En- 
ghien,  constitue  un  des  traits  caractéristiques  de  leur  composition  chi¬ 
mique. 

L’opinion  généralement  acceptée,  celle  que  partagent  Reveil,  les  au¬ 
teurs  du  Dictionnaire  des  eaux  minérales,  c’est  que  la  sulfuration  des  eaux 
d’Enghien  provient  des  sulfates  ferreux,  dont  sont  chargées  des  eaux  qui  en 
passant  à  travers  des  terrains  contenant  des  matières  organiques,  de  la 
tourbe  par  exemple,  sont  décomposées  par  celles-ci.  L’oxygène  des  sul¬ 
fates  se  combine  avec  les  matières  organiques  pour  faire  de  l’acide  carbo¬ 
nique  et  de  l’eau,  en  laissant  du  sulfure  de  calcium.  Une  partie  de  l’acide 
carbonique  formé,  déplace  du  sulfure  en  produisant  du  carbonate  de 
chaux,  et  laisse  en  dissolution  ou  déplace  de  l’hydrogène  sulfuré.  Dans 
cette  façon  d’envisager  la  question,  on  peut  considérer  ces  eaux  comme 
prenant  naissance  dans  des  zones  relativement  superficielles.  Telle  n’est 
pas  la  manière  de  voir  de  dePuisaye  et  Leconte  qui  assignent  à  l’eau  d’En¬ 
ghien  une  origine  beaucoup  plus  profonde  dans  les  couches  inférieures  du 
terrain  parisien,  au-dessous  du  gypse  ou  dans  les  terrains  crétacés.  R  est 
juste  de  reconnaître  que  de  de  Puisaye  et  Leconte  restent  à  peu  près  isolés 
dans  cette  opinion  longuement  développée  par  eux,  mais  qui  ne  s’appuie 
que  sur  des  hypothèses. 

Les  eaux  d’Enghien  s’emploient  à  l’intérieur  à  la  dose  d’un  demi-verre 
à  quatre  ou  six  verres  par  jour,  et  à  l’extérieur  sous  toutes  les  formes 
indiquées  par  les  perfectionnements  de  la  balnéation  moderne. 

Reconstruit  récemment  d’après  les  plans  de  Bouillon  et  Muller,  et  sous 
les  inspirations  de  de  Puisaye,  le  nouvel  établissement  d’Enghien  qui 
fonctionne  depuis  1863,  figure  au  nombre  des  mieux  installés.  Il  pos¬ 
sède  quatre-vingts  baignoires,  la  plupart  en  fonte  émaillée  ;  toutes  sont  à 


520 


E.NGHIEN. 


trois  robinets,  l’un  d’eau  froide  sulfureuse,  l’autre  d’eau  ordinaire  froide, 
le  troisième  d’eau  ordinaire  chaude.  Ce  système  d’aménagement,  joint 
à  un  certain  nombre  de  baignoires  à  double  fond,  munies  d’un  ser¬ 
pentin  traversé  par  un  courant  de  vapeur,  permet  selon  les  nécessités 
thérapeutiques,  d’alimenter  les  baignoires  avec  de  l'eau  à  des  degrés 
très-variables  de  sulfuration.  Le  bain  chauffé  à  la  vapeur  marque  16  à  17 
divisions  au  sulfhydromètre  ;  il  présente  donc  une  sulfuration  considé¬ 
rable;  partant  il  devient  très-excitant  et  ne  pourrait  être  d’un  usage 
journalier  pour  la  plupart  des  malades.  Le  bain  préparé  avec  un  tiers 
d’eau  ordinaire  à  80  degrés,  marque  encore  9  divisions  sulfhydfomé- 
triques.  Il  offre  une  sulfuration  qui  répond  à  un  très-grand  nombre  des 
besoins  de  la  pratique.  Des  douches  à  haute  et  à  basse  pression,  peuvent 
être  associées  aux  bains  ou  données  à  l’exclusion  de  ceux-ci .  Elles  sont 
descendantes  ou  ascendantes,  rectales,  vaginales.  Des  ajutages  de  toutes 
sortes,  permettent  d’en  varier  la  forme. 

Les  cabinets  de  bains  sont  précédés  d’un  vestiaire  servant  également  de 
cabinet  de  toilette,  donnant  tous  sur  la  galerie  vitrée;  disposition  qui  a 
l’avantage  d’offrir  aux  malades  une  salle  d’inhalation  naturelle  où  l’atmo¬ 
sphère  sulfurée  se  l’enouvelle  incessamment. 

Des  appareils  spéciaux,  entre  autres  ceux  de  Mathieu  (de  la  Drôme) 
pour  bains  d’eau  pulvérisée,  deux  bains  de  vapeur  complets,  des  douches 
écossaises,  des  bains  russes  et  des  caisses  pour  bains  d’air  chaud  et  fumi¬ 
gations  de  toutes  sortes  complètent  cet  appareil  balnéothérapique,  digne 
des  stations  thermales  les  plus  considérables. 

Une  mention  spéciale  est  due  à  la  salle  de  pulvérisation  qui  contribue 
pour  une  large  part  au  traitement  d’un  certain  nombre  d’affections. 

Elle  mesure  un  espace  de  5'“,45  de  large  sur  7“‘,90  de  long  et  5“,60de 
hauteur.  Son  centre  est  occupé  par  une  grande  table  de  forme  ovale,  al¬ 
longée  de  0”,70  de  large  sur  4  mètres  de  long,  autour  de  laquelle  les 
malades  sont  assis  ;  au  milieu  s’élèvent  cinq  grands  appareils  de  pulvé¬ 
risation.  Autour  d’une  des  murailles  on  a  disposé  dix  petits  instruments 
de  formes  diverses  pour  douches  buccales  et  pharyngiennes.  L’eau  ser¬ 
vant  à  la  pulvérisation,  arrive  directement  du  réservoir  sans  avoir  subi 
d’altération.  Une  machine  à  vapeur  et  une  pompe  à  double  effet,  rempla¬ 
çant  le  moteur  à  bras  et  la  pompe  à  simple  effet  de  l’installation  primi¬ 
tive,  permettent  d’effectuer  la  pulvérisation  dans  les  meilleures  condi¬ 
tions  possibles.  Malgré  l’énorme  déperdition  du  principe  sulfureux  qui 
résulte  toujours  de  la  pulvérisation,  l’atmosphère  de  la  salle  d’inhalation 
d’Enghien  présente  encore,  d’après  les  expériences  de  dePuisayeetReveil, 
un  degré  suffisant  de  sulfuration. 

ll'Les  malades  sont  soumis,  dans  cette  salle  à  la  double  action  d’une  pul¬ 
vérisation  proprement  dite  et  d’une  véritable  inhalation  gazeuse  et,  par 
conséquent  plongés  dans  un  milieu  sulfuré,  dont  la  portée  physiologique 
et  thérapeutique  ne  saurait  être  méconnue. 

Les  eaux  minérales,  au  point  de  vue  de  leurs  effets  physiologiques, 
peuvent,  d’une  manière  générale,  être  divisées  en  deux  grandes  classes. 


ENGHIEN. 


321 


suivant  qu’elles  provoquent  dans  l’organisme  des  phénomènes  d’excitation 
et  de  remontement,  ou  bien  qu’elles  exercent  au  contraire  une  action 
hyposthénisante,  en  rapport  avec  leur  composition  chimique  ou  leur  mode 
d’administration.  Comme  un  grand  nombre  d’eaux  sulfureuses,  celles  d’En- 
ghien  appartiennent  à  la  première  catégorie.  Données  isolément  ou  si¬ 
multanément  à  l’intérieur  et  à  l’extérieur,  elles  produisent,  après  un 
temps  variable,  suivant  les  idiosyncrasies  et  la  manière  dont  elles  sont 
administrées,  de  l’accélération  du  pouls  pouvant  s’accompagner  d’éléva¬ 
tion  de  la  température,  et  arriver  jusqu’à  un  degré  d’état  fébrile  fort  ac¬ 
cusé,  une  sensation  de  bien-être,  de  réveil  des  forces  inusitée,  une  aug¬ 
mentation  de  l’appétit  et  de  la  puissance  digestive,  suivie  parfois  de  phéno¬ 
mènes  de  catarrhe  gastro-intestinal. 

Leur  action  sur  les  muqueuses  et  particulièrement  sur  celle  des  bron¬ 
ches  forme  un  des  traits  saillants  de  l'histoire  des  eaux  d’Enghien.  Les 
expériences  de  Claude  Bernard,  en  nous  montrant  la  muqueuse  respira¬ 
toire  comme  la  voie  d’élection  de  l’élimination  des  principes  sulfureux  in¬ 
troduits  dans  l’organisme,  nous  permet  de  saisir  cette  spécialisation. 

La  peau,  surtout  dans  les  cas  où  l’on  fait  usage  des  bains,  ressent  vi¬ 
vement  l’influence  du  traitement  hydro-minéral.  Cette  impression  qui  se 
traduit  souvent  par  une  diaphorèse  inaccoutumée,  ou  par  le  rétablisse¬ 
ment  d’une  transpiration  habituelle,  accidentellement  supprimée,  peut 
aller  jusqu’à  produire  un  certain  nombre  d’éruptions,  depuis  une  simple 
miliaire,  un  érythème  fugace,  jusqu’à  l’acné,  l’ecthyma,  ou  des  furon¬ 
cles  plus  ou  moins  nombreux.  Les  éruptions  connues  sous  le  nom  de 
poussée,  telles  qu’on  les  voit  près  de  certaines  stations  thermales,  et  no¬ 
tamment  à  Louesche,  ne  s’observent  qu’exceptionnellement  à  Enghein. 

Lorsque  les  malades  sont  soumis  à  l’usage  de  l’eau  pulvérisée,  quelques 
modifications  se  produisent  dans  la  genèse  et  l’enchaînement  des  phé¬ 
nomènes  physiologiques.  Contrairement  à  ce  qui  arrive  lorsque  ces  eaux 
sont  prises  à  l’intérieur,  l’action  excitative  sur  les  organes  immédiatement 
en  contact  avec  l’eau  pulvérisée,  se  fait  sentir  d’abord  et,  parfois  après  un 
temps  très-court,  avant  de  retentir  sur  l’économie  en  général.  Le  séjour 
dans  l’atmosphère  de  la  salle  de  pulvérisation,  exerce,  en  outre,  sur  le 
cœur  une  sédation  qui ,  principalement  au  début  de  la  séance,  peut 
abaisser  notablement  le  chiffre  des  pulsations,  cette  sédation  du  pouls  ac¬ 
compagnée,  quelquefois  d’une  céphalalgie  particulière,  occupant  spéciale¬ 
ment  les  deux  régions  temporales,  doit  être  rapportée  à  l’action  toxique  de 
l’hydrogène  sulfuré.  Cette  action  toxique  s’observe  dans  plusieurs  stations 
où  l’inhalation  de  ce  gaz  est  en  usage;  elle  pourrait  avoir  en  certains  cas, 
des  conséquences  sérieuses;  le  médecin  doit  en  être  averti. 

Parmi  les  affections  tributaires  des  eaux  d’Enghien,  ou  du  moins  parmi 
celles  que  réclament  plus  instamment  les  médecins  qui  pratiquent  près 
de  ce  poste  hydro-minéral,  il  faut  placer  les  affections  catarrhales  des 
différentes  muqueuses.  Le  catarrhe,  des  bronches,  qu’il  soit  proto-pa- 
thique  ou  consécutif  à  une  maladie  aiguë,  telle  que  la  rougeole,  la  coque¬ 
luche,  ou  bien  encore  qu’il  relève  de  quelqu’un  de  ces  étals  diathésiques 

KODV.  mcT.  UÈD.  El  CUIB.  XIII.  —  21 


522 


ENGHIEN. 


et  notamment  de  l’ herpétisme,  contre  lesquels  les  eaux  sulfureuses  sont 
indiquées,  est  au  premier  rang  des  inflammations  des  muqueuses'qui  res¬ 
sortissent  à  la  médication  d’Engliien.  11  y  a  toutefois  des  réserves  à  établir, 
ainsi  que  nous  le  verrons,  relativement  au  traitement  de  la  bronchite  dont 
l’existence  se  lie  à  celle  de  la  tuberculose  pulmonaire. 

La  chronicité  ou,  pour  parler  plus  exactement,  l’absence  actuelle  d’un 
état  aigu,  est  une  condition  importante  de  l’opportunité  thérapeutique. 
L’introduction  de  l’eau  par  les  voies  digestives ,  représente  la  base  du 
traitement,  dont  les  bains  sont  un  adjuvant  utile,  en  produisant  sur  le  té¬ 
gument  externe,  une  dérivation  qui  s’exerce  au  bénéfice  des  muqueuses. 
Ils  sont  d’autant  plus  indiqués,  que  les  fonctions  de  la  peau  ont  pu  être 
entravées  par  la  .suppression  d’anciennes  éruptions  ou  par  l’influence  de 
la  diathèse  rhumatismale. 

Administrée  de  la  manière  qui  vient  d’être  dite,  l’eau  d’Enghien, 
après  un  temps  variable,  suivant  les  susceptibilités  individuelles  et  la 
façon  dont  le  traitement  est  dirigé,  amène  l’amélioration  ou  la  guérison 
de  l’état  catarrhal.  Celles-ci  peuvent  s’effectuer  sans  autre  acte  organique 
appréciable  que  l’amendement  des  symptômes.  D’autres  fois,  et  plus  sou¬ 
vent  peut-être,  on  observe  des  phénomènes  d’excitation  qui  se  traduisent 
d’abord  par  une  sensation  de  sécheresse,  de  chaleur, de  douleur  même  sur 
le  trajet  du  larynx,  de  la  trachée,  des  bronches,  et  suivie  d’une  sécrétion 
abondante  de  matières,  muqueuses,  transparentes,  puis  opaques,  muco- 
purulentes.  Ce  travail  d’excitation  qui  est  souvent  la  condition  nécessaire 
de  la  guérison,  doit  être  surveillé.  11  peut  prendre  des  proportions  suffi¬ 
santes  pour  nécessiter  la  suspension  du  traitement  minéral  ou  une  inter¬ 
vention  thérapeutique  plus  ou  moins  active. 

L’adjonction  de  la  pulvérisation  à  l’eau  donnée  en  bains  et  en  boisson, 
concourt  puissammeiat  à  modifier  la  vitalité  de  la  muqueuse. 

Il  est  permis  de  rapprocher,  sinon  sous  le  rapport  de  leurs  causes  et  de 
eur  nature,  au  moins  par  leur  localisation,  V asthme  et  la  coqueluche  du 
catarrhe  bronchique.  Bien  que  les  observations  de  de  Puisaye,  relative¬ 
ment  à  ces  deux  maladies,  ne  soient  pas  encore  en  nombre  suffisant,  ainsi 
qu’il  est  le  premier  à  le  faire  remarquer,  nous  devons  reconnaître  qu’il 
est  parvenu,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  à  en  atténuer  singulièrement 
les  symptômes.  La  salle  de  pulvérisation  dans  la  coqueluche  et  dans 
l’asthme,  les  douches  révulsives  dans  l’asthme,  lui  ont  été  particulière¬ 
ment  utiles.  11  a  constaté  qu’administrées  en  l’absence  de  l'accès,  les  dou¬ 
ches  déterminent  son  apparition  ;  qu’elles  en  diminuent  au  contraire  l’in¬ 
tensité  ou  même  le  font  disparaître  entièrement  si  on  les  donne  lorsqu’il 
est  à  son  maximum  d’intensité. 

L’histoire  nosologique  et  thérapeutique  de  la  pharyngo-laryngite  chro¬ 
nique,  de  l’angine  glanduleuse  (voy.  art.  Angine,  t.  Il),  du  coryza  posté¬ 
rieur,  voire  même  du  catarrhe  chronique  ou  ulcéreux,  de  l’ensemble  de 
fosses  nasales,  est  unie  à  beaucoup  de  points  de  vue  par  des  liens  in¬ 
times  à  celle  de  la  bronchite  chronique.  Aussi  les  eaux  d’Enghien  sont- 
elles  depuis  longtemps  en  possession  du  traitement  de  ces  affections.  De- 


ENGHIEN. 


325 


puis  que  des  douches  pharyngiennes  à  jet  très-fin,  des  inhalations  d’eau 
pulvérisées  qui  agissent  si  directement,  en  ce  cas,  sur  les  organes  ma¬ 
lades,  ont  été  ajoutées  à  la  médication  par  l’eau  en  boisson  et  en  garga¬ 
risme,  le  chiffre  des  résultats  favorables  s’est  élevé,  et  le  traitement  de 
l’angine  glanduleuse,  est  aujourd’hui  une  des  spécialisations  importantes 
de  cette  station.  Le  traitement  du  coryza  postérieur  se  confond  le  plus  or¬ 
dinairement  avec  celui  de  l’angine  glanduleuse  ;  celui  de  l’inflammation 
des  parties  moyennes  et  antérieures  des  fosses  nasales,  peut  réclamer  en 
outre  l’usage  d’irrigations  continues  à  travers  les  cavités  nasales  avec  de 
l’eau  sulfureuse  pure  ou  mitigée ,  d’après  un  procédé  que  nous  avons 
décrit  ailleurs.  (Foî/.art.  Coryza,  t.  IX,  p.  556.) 

Vient  ensuite,  mais  sur  un  plan  plus  secondaire  l’appropriation  des 
eaux  d’Enghien,  au  catarrhe  de  différents  autres  organes. 

Le  catarrhe  de  la  muqueuse  utérine,  quelle  que  soit  sa  cause,  simple 
ou  accompagné  d’un  certain  degré  d’inflammation  chronique  du  paren¬ 
chyme  de  la  matrice,  est  parfois  traité  à  Enghien.  L’application  des  eaux 
n’est  pas  sans  donner  des  résultats  favorables,  mais  les  difficultés  qui  en¬ 
tourent  la  thérapeutique  des  affections  utérines,  près  d’un  grand  nombre 
de  stations  thermales  se  retrouvent  ici.  (Voy.  ütértis.)  Du  reste,  les  mé¬ 
decins  d’Enghien  semblent  réserver,  au  traitement  hydro-minéral,  le 
rôle  d’une  médication  surtout  adjuvante  des  autres  moyens  thérapeutiques. 

Nous  trouvons  le  catarrhe  vésical  parmi  les  maladies  qui  peuvent  être 
heureusement  modifiées  à  Enghien.  Nous  acceptons  cette  donnée,  mais  en 
rappelant  combien  il  faut  se  mettre  en  garde  contre  l’irritabilité  de  la 
vessie  dans  cette  maladie,  et  peut-être,  lorsque  la  médication  sulfureuse 
est  indiquée,  accorderions-nous  la  préférence  à  des  eaux  d’une  tolé¬ 
rance  plus  facile,  telles  que  Olette,  Molitg,  la  Preste. 

Les  dermatoses,  avons-nous  dit,  forment  un  contingent  considérable  des 
maladies  adressées  à  Enghien.  Cependant,  ni  la  lecture  des  observations, 
ni  les  faits  acquis  à  la  thérapeutique  générale  des  maladies  de  la  peau  par 
les  eaux  minérales  ne  justifient  pleinement  cette  notoriété.  Laissant  de 
côté  les  doctrines  relatives  à  la  pathogénie  des  maladies  cutanées,  et 
faisant  abstraction  des  syphilides,  nous  ferons  remarquer,  à  un  point  de 
vue  tout  pratique,  que  les  dermatoses  considérées  dans  leurs  rapports 
avec  les  eaux  minérales  peuvent  être  divisées  en  affections  de  peau  pro¬ 
fondes,  sèches,  moins  irritables,  telles  sont  le  lichen,  le  psoriasis;  et  en 
affection  plus  superficielles,  humides,  essentiellement  irritables,  dont 
l’eczéma  est  le  type.  Pour  les  premières,  les  eaux  d’Enghien  peuvent  être 
insuffisantes,  et  il  peut  y  avoir  lieu  de  leur  préférer  des  eaux  plus  puis¬ 
santes,  telles  que  Louesche,  Schinznach. 

L’eczéma,  au  contraire,  réclame  les  plus  grandes  précautions  ;  il  ne 
doit  être  traité  par  les  eaux  sulfureuses  que  lorsque  toute  acuité  a  dis¬ 
paru,  à  la  période  squameuse;  souvent  encore,  on  voit  survenir  des  re¬ 
tours  de  la  maladie,  qui,  loin  de  se  restreindre,  comme  on  le  croit  trop 
généralement  dans  des  limites  thérapeutiques,  entraînent  de  véritables 
rechutes  et  des  aggravations  regrettables. 


324 


ENGHIEN. 


On  irait  au  delà  de  noire  pensée  en  croyant  que  nous  nions  d’une  façon 
absolue,  l’utilité  que  peuvent  présenter  les  eaux  d’Enghien  dans  quelques 
eczémas.  Nous  désirons  seulement  qu’on  soit  Lien  en  garde  contre  les  in¬ 
convénients  qu’elles  peuvent  avoir  ,  et  que  la  question  d’opportunité 
d’application  soit  étudiée  avec  tout  le  soin  convenable.  {Voy.  Dartres, 
t.  X,  p.  714.) 

Quant  au  pityriasis  versicolor,  maladie  parasitaire,  liée  à  la  présence  du 
microsperon  fui'fur,  inscrite  sur  les  tableaux  de  guérison  de  de  Puisayc, 
elle  disparaît  trop  facilement  par  les  préparations  sulfo-alcalines  et  les 
bains  sulfureux  artificiels,  pour  qu’on  ne  comprenne  pas  les  modifica¬ 
tions  favorables  que  lui  imprime  l’eau  d'Enghien. 

Il  n’est  pas  douteux  que  les  affections  diathésiques  et  leurs  diverses 
expressions  ne  soient  avantageusement  combattues  par  des  eaux  sulfureuses 
d’une  valeur  thérapeutique  très-formelle  comme  celles  d’Enghien.  Tou¬ 
tefois  il  ne  faut  pas  oublier  qu’à  des  affections  qui  étreignent  aussi  étroi¬ 
tement  l’organisme  que  les  diathèses,  dont  la  portée  pathogénétique  est  si 
profonde,  il  faut  opposer  des  médications  essentiellement  énergiques  et  ra¬ 
dicales.  Sous  ce  rapport,  les  eaux  sulfurées  calciques  sont  inférieures  aux 
sulfurées  sodiques,  leur  action  est  plus  superficielle. 

Ces  réflexions  s’appliquent  particulièrement  à  la  scrofule.  Déjà  en  trai¬ 
tant  de  quelques  stations  sulfureuses  sodiques,  du  groupe  des  Pyrénées, 
nous  n’avons  pas  dissimulé  nos  préférences  pour  les  chlorures  so¬ 
diques  dans  le  traitement  de  cette  diathèse.  Elles  subsistent  tout  entières 
en  ce  qui  concerne  Enghien,  tout  en  reconnaissant  l’excellent  parti  qu’on 
en  peut  tirer,  lorsqu’on  n’a  pas  le  choix  de  la  station,  où  l’on  peut 
adresser  un  malade.  Le  lymphatisme,  simple  prédisposition  morbide, 
simple  acheminement  à  la  diathèse  scrofuleuse,  est  encore  plus  facilement 
justiciable  des  eaux  d’Enghien,  bien  que,  ainsi  qu’on  en  a  fait  la  re¬ 
marque,  il  n’y  ait  pas  de  parité  à  établir  entre  l’habitation  dans  une  cam¬ 
pagne  aux  environs  de  Paris  et  un  séjour  dans  les  Pyrénées. 

Les  tubercules  pulmonaires  et  surtout  le  catarrhe  bronchique  qui  s’y 
rattache  souvent  et  en  est  parfois  la  première  et  l’unique  manifestation, 
sont  traités  avec  bénéfice  parles  eaux  d’Enghien.  Celles-ci  ont  d’autant  plus 
d’énergie,  que  la  phthisie  se  trouve  greffée  sur  une  constitution  scrofu¬ 
leuse  ou  lymphatique.  De  Puisâye  insiste  sur  la  convenance  qu’il  y  a  à 
attendre  la  deuxième  période  de  la  tuberculose  pulmonaire  pour  substi¬ 
tuer  le  traitement.  Il  redoute  la  période  de  début,  celle  des  hémoptysies, 
des  bronchites  aiguës  en  un  mot,  la  période  marquée  pour  les  conges¬ 
tions  actives  initiales.  L’eau  est  surtout  administrée  en  boisson.  Les  demi- 
bains,  les  douches  révulsives  sur  les  extrémités  inférieures,  ne  doivent 
pas  être  négligés  comme  moyens  adjuvants  ;  ils  sont  utiles  pour  combattre 
ou  prévenir  les  phénomènes  congestifs  vers  les  organes  thoraciques. 

Au  même  titre,  le  séjour  dans  la  salle  d’inhalation,  rend  des  services 
en  raison  de  l’action  sédative  de  l’atmosphère  d’eau  pulvérisée  sur  la  cir¬ 
culation.  Cependant  si  les  hémoptysies  sont  conjurées  ou  amendées  par  ce 
procédé,  la  toux,  loin  d’être  calmée,  peut  être  augmentée,  c’est  là  un  des. 


ENGHIEN. 


325 


inconvénients  de  la  pulvérisation  qui,  d’ailleurs,  d’après  de  de  Puisaye, 
ne  produit  dans  le  traitement  de  la  phthisie,  que  des  effets  analogues  à 
ceux  qu’on  obtient  par  les  anciens  modes  d’administration  des  eaux. 

Le  rhumatisme  chronique  sous  toutes  ses  formes,  dans  toutes  ses  loca¬ 
lisations,  à  l’exception  de  celles  qui  se  font  vers  les  séreuses  du  cœur,  les 
arthropathies  rebelles  qui  peuvent  en  être  la  conséquence  aussi  bien  que  de 
la  scrofule,  fournissent  aux  eaux  d’Engbien  une  source  d’applications  heu¬ 
reuses.  Un  rôle  important  est  réservé  dans  ces  affections,  à  la  balnéation 
et  aux  douches.  H  n’y  a  rien  là,  du  reste  qui  diffère  de  ce  qu’on  obtient 
par  d’autres  eaux  sulfureuses  auxquelles  leur  haute  thermalité  constitue 
une  supériorité  marquée. 

Malgré  la  présence  de  la  lithine,  il  est  vrai  qu’il  n’y  en  a  que  des  traces, 
ce  que  nous  disons  du  rhumatisme  'ne  doit  pas  être  étendu  à  la  goutte. 
Les  médecins  d’Enghien  en  répudient  le  traitement.  La  médication  hydro¬ 
minérale,  n’a  pas,  d’après  eux,  d’action  curative,  et  elle  peut  provoquer 
l’explosion  non-seulement  d’accès  de  goutte  articulaire,  mais  ce  qui  est 
plus  grave  d’accès  de  goutte  viscérale.  Quelques  observations  de  de  Pui¬ 
saye  sont  concluantes  à  cet  égard. 

Les  indications  d’Enghien  dans  la  syphilis  ne  diffèrent  pas  de  celles  des 
autres  eaux  sulfureuses;  elles  sont  relatives  aux  ressources  adjuvantes  que 
les  eaux  minérales  offrent  à  la  médication  spécifique  lorsqu’elle  devient 
insuffisante  ou  difficilement  tolérée  par  l’économie.  Elles  peuvent  encore 
s’adresser  à  des  cas  de  diagnostic  incerlain  où  le  traitement  thermal  fait 
apparaître  des  éruptions  caractéristiques  longtemps  après  l’époque  à  la¬ 
quelle  elles  devaient  normalement  se  développer.  Ce  n’est  pas  le  lieu 
d’insister  davantage  sur  l'importante  question  du  traitement  de  la  sy¬ 
philis  par  les  eaux  minérales.  (Voy.  art.  Syphilis.) 

Quant  à  la  chlorose,  aux  anémies,  à  quelques  névropathies  inscrites  sur 
lalistedes  maladies  traitées  avec  succès  à  Enghien,ce  n’est  que  dans  des 
conditions  restreintes  qu’elles  doivent  y  être  adressées.  11  n’est  pas  dou¬ 
teux  que  les  qualités  toniques  de  ces  eaux  ne  puissent  les  rendre  efficaces 
dans  les  cas  où  ces  affections  sont  greffées  sur  un  organisme  débilité 
avec  prédominance  de  lymphatisme  ou  do  scrofule.  Mais  chez  des  malades 
très-excitables,  il  faut  leur  préférer  les  eaux  sédatives,  peu  minéralisées, 
dites  eaux  indifférentes  au  point  de  vue  chimique. 

De  celte  étude,  il  ressort  que  les  eaux  d’Enghien  répondent  à  la  plupart 
des  besoins  thérapeutiques  auxquels  satisfont  un  grand  nombre  d’eaux 
sulfureuses.  Le  nombre  peu  considérable  d’eaux  minérales  dans  la  région 
qu’elles  occupent,  leur  voisinage  d’un  grand  centre  de  population  les  placent 
dans  une  condition  spéciale.  Ellçs  rendent  de  grands  services  à  ceux 
que  des  raisons  d’intérêt  ou  de  toute  autre  nature  empêchent  de  quitter 
Paris,  et  surtout  aux  malades  que  leur  état  empêche  d’entreprendre  un 
voyage  de  quelque  durée,  celui  des  Pyrénées,  par  exemple.  A  côté  de  ces 
avantages,  il  existe  pourtant  un  écueil  contre  lequel  il  faut  prémunir  les 
malades.  Il  est  réservé  au  repos  physique  et  moral,  une  part  indéniable 
dans  les  résultats  du  traitement  thermal.  Il  faut  s’élever  contre  cette  pré- 


326  ENTOZOAIRES. 

teation  de  quelques  personnes  de  se  rendre  journellement  de  Paris  à 
Enghien  pour  y  suivre  la  cure.  Plusieurs  m’ont  avoué  que  des  tentatives 
de  ce  genre  exécutées  par  elles  en  dépit  des  conseils  médicaux  leur  avaient 
été  plus  nuisibles  qu’utiles  par  suite  de  la  fatigue  qu’elles  en  éprouvaient. 

L’eau  d’Enghien  transportée  est  l’objet  d’une  exploitation  considérable. 
D’après  les  recherches  de  Reveil,  cette  eau  embouteillée  d’après  les  pro¬ 
cédés  perfectionnés  aujourd’hui  en  usage  et  placée  à  l’abri  de  la  lumière, 
ne  s’altère  qu’après  un  temps  assez  long.  Dans  quelques  circonstances 
particulières,  son  degré  sulfurométrique  peut  être  augmenté,  probable¬ 
ment  par  la  transformation  de  sulfate  dé  chaux  en  sulfure  de  calcium  au 
moyen  des  matières  organiques  qui  y  sont  accidentellement  mêlées. 

Une  installation  hydrothérapique  importante  est  annexée  à  l’établisse¬ 
ment  hydro-minéral. 

'Dodlasd  (Pierre),  Etudes  sur  les  propriétés  physiques,  chimiques  et  médicinales  des  eaux 
d’Enghien.  1850. 

De  PuisAYE  et  Lecoste,  Eaux  d’Enghicn  au  point  de  vue  chimique  et  médical.  1853. 

Reveil,  Analyse  des  sources  du  Lac,  des  Roses  et  Lévy  {Annales  de  la  Société  d'hydrologie 
médicale  de  Paris,  t.  XI,  1864-1865). 

De  Puisaye,  De  l’inhalation  sulfureuse  et  de  la  pulvérisation  dans  le  traitement  des  voies  res¬ 
piratoires  {Annales  de  la  Société  d'hydrologie  médicale  de  Paris,  t.  XI,  1864-1865). 

L.  Desnos. 

EimOTIEllIENT.  Voy.  Voix. 

EBITÉRAEGIE.  Voy.  Intestin. 

EIVTÉRÏTE.  Voy.  Intestin. 

EIVTÉROTOMIE.  Foî/.  Anus  contre  nature,  t.  II,  p.  702;  Hernie 
et  Intestin. 

El^TORSE.  Voy.  Articulation,  t.  Ill,  p.  280. 

ENTOZOAIRES.  —  Le  terme  Entozoaire,  dans  son  acception  la  plus 
générale  et  dans  le  sens  propre  du  mot,  devrait  s’appliquer  à  tous  les  animaux 
que  l’on  rencontre  dans  le  corps  de  l’homme  et  des  autres  êtres  qui  s’en 
rapprochent;  c’est  ainsi  qu’il  a  été  entendu  par  les  anciens  en  opposition 
aux  Epizoaires  comprenant  les  parasites  extérieurs.  Cette  classification, 
peu  naturelle  en  ce  qu’elle  comprend  sous  une  même  dénomination  des 
animaux  très-éloignés  les  uns  des  autres  par  leur  organisation  et  qui 
n’ont  de  commun  que  leur  habitat,  est  généralement  abandonnée;  toute¬ 
fois,  en  en  restreignant  la  compréhension,  on  se  sert  en  médecine  de  ce 
terme  pour  désigner  l’ensemble  des  vers  intestinaux  du  sous -em¬ 
branchement  des  Vers,  Helmintha,  qui  se  rencontrent  chez  l’homme  et 
les  autres  animaux.  On  en  retranche  donc  les  Œstres  et  les  Linguatules 
[voy.  Parasites  (animaux)]  appartenant  à  l’embranchement  des  Annelés, 
mais  à  la  division  des  Annelés  proprement  dits. 

Ainsi  compris,  les  Entozoaires  forment  un  groupe  plus  homogène,  ca¬ 
ractérisé  par  l’absence  de  soies  et  de  cils  vibratiles,  mais  qui  cependant 


ENTOZOAIRES.  —  kem\toidea. 


327 


n’est  pas  parfaitement  naturel  et  ne  peut  réellement  être  admis  qu’au 
point  de  vue  restreint  de  la  pratique  médicale. 

Les  différents  vers  parasites  de  l’homme  se  rangent  sous  trois  divisions 
faciles  à  reconnaître,  les  Nematoïdes,  dont  le  plus  connu  est  l’Ascaride 
lombricoïde,  les  Trésiatodes,  comme  la  Douve  du  foie  surtout  fréquente 
chez  le  Mouton,  les  Cestoïdes,  dont  le  Taenia,  Ver  solitaire,  peut  être  re¬ 
gardé  comme  le  type.  Le  tableau  suivant  indique  les  caractères  distinctifs 
saillants  de  ces  trois  ordres. 


Premier  ordre.  —  Nematoidea. 

Les  Nématoïdes  (vr,[;.a,  fil  ;  etooç,  forme  ;  Nematoidea,  Rudolphi  ;  Vers 
cylindriques  à  cavité  viscérale,  Moquin-Tandon)  ;  sont  des  Vers  à  sang 
toujours  incolore,  sans  soies,  allongés,  cylindriques,  distinctement  anne- 
lés,  à  sexes  séparés  (excepté  le  Pelodites  liermaphroditus  A.  Schn.  pa¬ 
rasite  de  l’Escargot).  Ce  groupe  a  été  subdivisé  en  plusieurs  familles,  dont 
une  seule,  celle  des  Nématoïdes  proprement  dits,  comprend  des  espèces 
parasites  de  l’homme,  les  Gordiacés  (Dragonneaux,  Gordüis  seta  Millier) 
n’ayant  jamais  été  trouvés  qu’accidentellement  et  parmi  les  Acanthocé- 
phalés,  l’Echinorhynque  géant  {Echinorhynchus  gigas  Gœze),  qui  en  est 
le  type,  étant  propre  au  Porc  domestique.  Les  Nématoïdes  proprement 
dits  se  distinguent  des  deux  autres  familles  par  leur  tube  digestif  à  deux 
ouvertures. 

L’organisation  de  ces  Vers  étudiée  d’abord  par  Rudolphi,  Cloquet,  Du¬ 
jardin,  etc.,  a  été  l’objet  de  travaux  importants  dans  ces  dernières  années, 
et  l’on  peut  dire  qu’à  l’exception  du  développement,  qui  présente,  au  point 
de  vue  des  migrations,  quelque  obscurité,  le  reste  de  l’organisation  est 
suffisamment  bien  connu.  L’Ascaride  lombricoïde,  comme  le  plus  fré¬ 
quent,  est  celui  que  je  choisirai  pour  donner  une  idée  générale  de  l’ana¬ 
tomie  de  ces  animaux. 

Ce  vers  est  médiocrement  allongé,  relativement  à  quelques  autres  Né¬ 
matoïdes  voisins,  la  longueur  étant  à  la  largeur  comme  50  ou  52  est  à  1 
(Dujardin),  suivant  les  sexes.  Le  corps  est  régulièrement  cylindrique, 
atténué  aux  deux  extrémités,  tronqué  antérieurement,  en  pointe  à  la 
partie  postérieure  qui  est  cylindro-conique  et  droite  chez  la  femelle,  tandis 
qu’elle  est  aplatie  au  côté  ventral  et  recourbée  chez  le  mâle,  particularité 
en  rapport  avec  l’acte  de  la  copulation.  La  couleur  est  d’un  blanc  rosé  ou 
jaunâtre,  on  remarque  quatre  lignes  plus  pâles  équidistantes  qui  s’é¬ 
tendent  de  la  partie  antérieure  à  la  partie  postérieure.  La  peau  est  très- 
distinctement  et  finement  striée  en  travers  et  doublée  de  fibres  musculaires 
formant  deux  couches,  une  externe  annulaire,  l’autre,  interne  longitudi- 


528 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 


nale,  entremêlées  d’un  grand  nombre  de  fibres  obliques.  L’appareil  ner¬ 
veux  se  compose  d’un  anneau  entourant  l’œsophage  d’où  partent  en  avant 
six  nerfs  et  deux  en  arrière  ;  ces  derniers  se  prolongent  fort  loin,  sans 
doute  jusqu’à  la  partie  caudale  en  suivant  les  deux  lignes  latérales.  L’ap¬ 
pareil  digestif  commence  à  la  partie  antérieure  par  la  bouche  qui  forme 
la  troncature  signalée  plus  haut  et  se  continue  dans  toute  la  longueur  du 
corps  pour  aboutir  à  un  anus  situé  à  la  partie  inférieure  un  peu  en  avant 
de  la  pointe  caudale.  La  bouche  présente  trois  lobes  arrondis,  sortes  de 
papilles  molles  désignés  par  Dujardin  sous  le  nom  de  valves,  médiocre¬ 
ment  grandes  et  surtout  faciles  à  apercevoir  quand  on  examine  directe¬ 
ment  de  face  l’extrémité  antérieure  de  l’animal  (fig.  40,  41),  de  ces 
lobes,  l’un  est  supérieur,  les  deux  autres  sont  latéro-inférieurs  ;  en  re¬ 
marquant  par  suite  de  cette  disposition  que  la  ligne  pâle  dorsale  doit 
correspondre  au  milieu  du  lobe  supérieur,  la  ligne  ventrale  à  l’intervalle 
qui  sépare  les  deux  autres  lobes,  il  est  possible  de  mettre  l’animal  en  po¬ 
sition.  On  doit  remarquer  que  cette  armature  buccale  met  réellement  les 
ascarides  dans  l’impossibilité  d’attaquer  les  tissus  et  de  les  perforer  comme 
on  l’a  à  tort  admis.  La  bouche  conduit  dans  un"  œsophage  (fig.  29)  mus¬ 
culeux  un  peu  triangulaire,  lequel  débouche  dans  un  tube  gastro-intestinal 
qui  se  continue  sans  dilatation  ni  changement  notable  de  calibre,  jusqu’à 
la  partie  postérieure  et  vient  s’ouvrir  au  dehors  par  l’anus  dont  on  a  plus 
haut  indiqué  la  position  un  peu  en  avant  de  la  pointe  caudale.  Le  sys¬ 
tème  circulatoire  décrit  et  figuré  par  Émile  Blanchard  dans  une  espèce 
voisina,  l’As,  megalocephala,  Cloquet,  est  peu  distinct  et  très-rudimen¬ 
taire. 

L’appareilde  la  génération  est  le  plus  développée!  aussi  le  plus  impor¬ 
tant  à  connaître.  Les  individus  sontunisexués  et  assez  différents  d’aspects, 
pour  qu’on  puisse  aisément  les  distinguer  par  l’apparence  extérieure.  Les 
mâles  beaucoup  moins  nombreux  et  plus  petits  que  les  femelles,  ont  la 
queue  recourbée  en  crochet  (fig.  28).  Les  organes  génitaux  se  composent 
d’un  long  tube  testiculaire  très-atténué  à  son  extrémité  profonde,  qui  est 
en  cul-de-sac  simple,  on  peut  souvent  le  voir  au  travers  de  la  peau  ;  il 
grossit  progressivement  pour  atteindre  un  diamètre  uniforme  d’environ 
0“““,5  qu'il  conserve  sur  tout  son  parcours  ;  cet  organe,  replié  autour 
de  l’intestin,  remplit  les  deux  tiers  postérieurs  du  corps,  sa  longueur 
est  considérable,  mais  difficile  à  apprécier  d’une  manière  absolue  par 
suite  de  la  quasi-impossibilité  qu’on  éprouve  à  le  développer  d’une 
manière  complète.  Ce  tube  se  rend  à  la  partie  postérieure  du  corps 
dans  un  organe  de  même  forme,  mais  d’un  beaucoup  plus  grand  dia¬ 
mètre  ;  c’est  un  réservoir  spermatique  atténué  en  arrière,  et  se  conti¬ 
nuant  dans  les  organes  copulateurs,  qui  sortent  par  l’ouverture  anale. 
Ceux-ci  se  composent  de  deux  pièces  cornées,  spiculés  (fig.  28),  aplatis, 
un  peu  courbes,  longs  d’environ  2  millimètres,  contenus  dans  une  gaîne 
musculaire;  un  seul  de  ces  spiculés  est  creux  et  constitue  réellement  le 
pénis,  c’est  par  lui  qu’est  versé  le  sperme,  l’autre  sert  l’organe  d’adhé¬ 
rence  au  moment  de  la  copulation  et  doit  être  regardé  comme  l’homo- 


ENTOZOÂIRES.  —  nematoidea. 


529 


logue  dégradé  des  appareils  désignés  sous  le  nom  d’armures 
qui,  chez  les  Insectes  en 
particulier,  atteignent  un 
si  haut  degré  de  complica¬ 
tion.  M.  Anton  Schneider 
a  aussi  indiqué  sur  la  face 
ventrale,  aplatie,  de  petites 
papilles  et  une  très-petite 
bourse,  peut-être  une  ven¬ 
touse,  qui  sont  également 
sans  doute  des  organes 
d’adhérence. 

L’appareil  femelle  (fig. 

29)  a,  pour  l’aspect  et  la 
composition,  des  rapports 
très -frappants  avec  celui 
qu’on  vient  de  décrire , 
seulement  les  organes  sont 
doubles  dans  les  parties 
profondes.  Il  y  a  deux  tu¬ 
bes  ovariens,  grêles,  ter¬ 
minés  en  cul-de-sac  à  leur 
partie  profonde,  excessi¬ 
vement  longs,  contournés 
irrégulièrement  autour  de 
l’intestin,  comme  l’était  le 
testicule  ;  ils  sont  aussi 
ordinairement  visibles  au 
travers  de  la  peau  sur  cer¬ 
tains  points  chez  l’animal 
frais.  Ces  ovaires  se  diri¬ 
gent  en  avant  pour  abou¬ 
tir  à  deux  réservoirs  ayant 
environ  la  moitié  de  la  lon¬ 
gueur  du  corps  de  l’ani¬ 
mal,  et  qui  résultent  de  la 
dilatation  graduelle  du 
tube  ovarien  sans  qu’il  y  Fi„  28.  —  Ascaris  lombricoides  (mâlp).  a,  Têle.  — 
ait  brusque  changement  Extrémité  caudale  (elle  est  figurée  g  rossie  au-dessous 
J  J.  °  ,  avec  les  deux  spiculés  sortis).  —  c,  c',  L’intestin  enlevé 

de  diamètre  comme  cela  entre  ces  deux  points  pour  montrer  les  reçlis  multipliés 

a  lieu  dans  les  rapports  du  tube  testiculaire  s’insérant  en  cf  sur  le  réservoir  sper- 

du  testicule  avec  le  reser-  pjg.  29.  —  ^scam  lombricoides  (femelle).  — a,  Tête  avec 
voir  spermatique  ;  les  œufs  trois  valves  buccales.  —  b,  Extrémité  caudale  en  avant 
,  ^  ^  J  de  laquelle  se  trouve  l’anus  —  c.  Vulve.  —  d,  d.  Deux 

S  accumulent  dans  ces  ^Jes  lignes  latérales.  —  c,  e,  Tultes  ovariens  refdiés  un 

deux  poches  ,  désignées  nombre  de  fois  autour  du  tube  digestif  se_ dilatant 

V  ’  i>  -  remon'jint  en  avant  pour  former  les  deux  utérus  qui 

êOUS  le  nom  a.  utérus.  se  réunissent  en  un  court  canal  avant  d’aboutir  à  la  vulve. 


330 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 


Enfin  ces  organes  se  réunissent  sur  un  conduit  commun,  long  de 
10  à  20  millimètres,  infundibuliforme,  s’ouvrant  à  l’extérieur  par 
un  orifice  très-petit,  vulve,  situé  sur  la  ligne  ventrale,  vers  la  réu¬ 
nion  du  tiers  antérieur  aux  deux  tiers  postérieurs  du  corps  dans 
V Ascaride  lombricoide  dont  il  est  ici  question,  cette  position  va¬ 
riant  beaucoup  suivant  les  espèces  et  donnant  de  bons  caractères  dis¬ 
tinctifs. 

La  fécondation  est  copulative  comme  l’indique  anatomiquement  la 
disposition  des  organes.  Le  mâle  place  sa  partie  postérieure  en  regard 
de  la  vulve  en  l’enroulant  autour  du  corps  de  la  femelle  la  courbure  de 
sa  partie  caudale,  son  aplatissement  ventral  (un  grand  nombre  d’espèces 
sont  en  outre  pourvues  de  prolongement  latéraux  qui  augmentent  cet  apla¬ 
tissement),  les  papilles,  la  ventouse,  le  spiculé  plein  introduit  dans  les 
organes  femelles,  favorisent  et  assurent  l’adhérence.  On  n’a  point  de 
données  sur  la  durée  de  l’accouplement,  ni  non  plus  sur  le  fait  de  sa 
multiplicité,  un  mâle  devant  peut-être  féconder  plusieurs  femelles,  c’est 
au  moins  ce  que  fait  supposer  la  différence  de  nombre  des  individus  de 
chaque  sexe,  les  premiers  étant  près  de  dix  fois  moins  fréquents  que  les 
secondes.  Cependant  il  faut  avoir  égard  à  ce  fait  que  la  génération  pourrait 
peut-être  avoir  lieu  par  parthénogenèse  sans  le  concours  du  mâle, 
comme  peuvent  porter  à  le  faire  croire  les  observations  faites  sur  quel¬ 
ques  animaux  voisins  tels  que  le  Rhabditis  tm’icoZa,  Dujardin.  (Ferez, 
1866.) 

Les  produits  des  organes  génitaux,  soit  mâles,  soit  femelles,  pren¬ 
nent  naissance  dans  l’extrémité  profonde  des  culs-de-sac  testiculaires  ou 
ovariens,  sous  forme  de  cellules  si  semblables  entre  elles  dans  leur  as¬ 
pect,  qu’il  est  absolument  impossible,  en  ce  point,  de  distinguer  les  pro¬ 
duits  de  l’un  et  de  l’autre  sexe.  C’est  en  cheminant  dans  les  tubes  que 
ces  cellules  se  développent,  sè  complètent,  pour  donner  naissance, 
d’une  part,  aux  cellules-mèreS  des  spermatozoïdes,  d’autre  part,  aux 
ovules. 

Les  éléments  mâles  des  nématoïdes  offrent  une  apparence  extérieure 
tout  à  fait  exceptionnelle,  comparés  à  ce  qu’ils  sont  chez  la  grande  majo¬ 
rité  des  animaux;  au  lieu  d’être  composés  d’une  tète  globuleuse,  munie 
d’un  prolongement  caudal  ou  d’un  filament,  et  d’être  doués  de  mouve¬ 
ments  vibratiles,  ce  sont  de  simples  cellules  qui  se  meuvent  lentement  à 
la  manière  des  Amibes. 

L’œuf  (fig.  42)  est  ovoïde,  entouré  d’une  substance  albumineuse 
irrégulièrement  distribuée  autour  de  l’enveloppe  propre  et  teintée,  comme 
les  fèces,  par  les  matières  contenues  dans  l’intestin.  L’enveloppe  propre, 
débarrassée  de  cette  couche  albumineuse,  ou  l’œuf  pris  dans  les  organes 
génitaux  femelles  est  lisse  ;  la  présence  de  ces  corps  dans  les  excréments 
fournit  un  bon  élément  de  diagnostic,  les  diverses  espèces  offrant,  sous  le 
rapport  de  la  forme  et  des  dimensions  des  œufs,  des  différences  faciles  à 
apprécier. 

Les  œufs  pondus  et  rejetés  hors  de  l’intestin  sont  doués  d’une  résistance 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea.  351 

vitale  extrême  à  toutes  les  causes  de  destruction.  Les  recherches  de  diffé¬ 
rents  helminthologistes  montrent  que  le  développement  se  fait  à  l’extérieur 
dans  les  endroits  humides.  Le  vitellus  subit  ordinairement  un  fraction¬ 
nement  dans  sa  totalité  (fig.  30),  cependant  il  paraît  y  avoir  quelques 


Fig.  30.  —  Développement  de  V Ascaris  lombficoides.  —  a  kk,  Fractionnement. 
—  l  k  O,  Formation  de  l’embryon.  —  ji,  Le  petit  sorti  de  l’œuf. 


exceptions;  lorsqu’à  la  suite  de  ce  travail  le  vitellus  est  revenu  à  son  état 
d’homogénéité,  l’embryon  s’y  dessine  par  une  sorte  de  fente  découpant 
la  masse  et  représente  à  l’état  imparfait,  mais  d’une  manière  reconnaisr 
sable,  la  forme  de  l’adulte.  Ce  développement  s’effectue,  au  moins  dans 
le  cas  particulier  de  l’observation  avec  une  extrême  lenteur;  l’embryon 
peut  rester  sous  son  enveloppe  pendant  plus  d’un  an.  Chez  d’autres 
Nématoïdes  le  développement  et  l’éclosion  ont  lieu  dans  le  corps  de  la 
mère,  c’est-à-dire  qu’il  y  a  ovoviviparité  ;  c’est  ce  qui  a  lieu  pour  la  Tri¬ 
chine  et  la  Pilaire. 

Le  mode  de  propagation  de  ces  vers  en  général  est  encore  peu  connu, 
et  ce  .sujet,  qui  paraissait  fort  bien  élucidé  il  y  a  quelques  années,  devient 
plus  obscur  depuis  la  connaissance  d’un  certain  nombre  de  faits  démontrant 
chez  ces  êtres  des  migrations  qu’on  était  loin  de  soupçonner.  On  admet, 
en  ce  qui  concerne  V Ascaris  lombricoides,  que  les  œufs  rejetés  avec  les 
matières  fécales  sont  entraînés  par  les  pluies  dans  les  cours  d’eaux,  les  ci¬ 
ternes,  les  puits, etc.,  où  l’embryon  achèverait  son  développement,  restant 
sous  la  coque  de  l’œuf  jusqu’à  ce  que  celle-ci  fût  dissoute  lors  de  son 


332 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 
introduction  dans  le  tube  digestif  avec  les  boissons.  La  remarque  que  les 
Ascarides  sont  plus  fréquents  dans  les  campagnes  que  dans  les  villes,  dans 
les  lieux  où  on  n’a  pas  l’habitude  de  filtrer  les  eaux  à  boire ,  vient  à 
l’appui  de  cette  opinion  ;  mais  on  peut  dire  que  la  preuve  complète  est 
encore  à  faire. 

En  admettant  la  réalité  de  ce  développement,  on  voit  que  l’animal 
adulte  habiterait  en  parasite  l’intestin,  s’y  reproduirait,  mais  à  l’état 
embryonnaire  serait  libre.  L’inverse  a  été  observé;  ainsi  les  embryons  de 
petits  nématoïdes,  les  Mermis,  nés  d’œufs  déposés  dans  la  terre  humide, 
pénètrent,  après  leur  éclosion,  dans  le  corps  de  certains  insectes  pour  y 
achever  leur  développement  en  dehors  il  est  vrai  de  l’intestin  ,  car  ils  se 
trouvent  alors  entre  les  muscles  ou  les  organes  dans  la  cavité  viscérale  ; 
puis  les  animaux  adultes  sortent  au  bout  d’un  certain  temps  pour  s’ac¬ 
coupler  dans  le  sol  et  y  déposer  de  nouveau  leurs  œufs. 

Enfin,  dans  un  Ver  parasite  de  certains  animaux  domestiques  et  de 
l’homme,  la  Trichine,  on  observe  une  nouvelle  combinaison  dans  les 
différentes  stations,  cet  être,  à  l’état  adulte  comme  à  l’état  de  larve,  pou¬ 
vant  habiter  un  seul  et  même  hôte,  mais  dans  des  points  différents.  Les 
individus  mâles  et  femelles  complets  se  trouvent  dans  le  tube  digestif,  c’est 
là  qu’a  lieu  l’accouplement  et  la  ponte.  Le  développement-  et  l’éclosion 
se  font  avec  rapidité,  les  embryons  libres  percent  les  parois  intestinales 
et,  remontant  dans  le  tissu  cellulaire  le  long  des  vaisseaux,  se  rendent 
dans  les  muscles,  s’enkystent  à  l’état  encore  imparfait,  attendant  qu’une 
circonstance  favorable  les  ramène  dans  les  organes  digestifs,  où  l’ac¬ 
tion  des  sucs  intestinaux  les  met  en  liberté.  Ils  achèvent  alors  de  com¬ 
pléter  leur  organisation,  deviennent  sexués  et  le  cycle  recommence.  On 
peut,  artificiellement,  faire  parcourir  ces  différents  stades  sur  une  seule 
et  même  espèce  ;  ainsi,  en  infectant  des  rats  ou  des  cochons  d’Inde,  on 
peut  reprendre  la  chair  de  ceux-ci,  et,  l’introduisant  dans  d’autres 
individus,  reproduire  la  maladie.  Dans  la  nature  c’est  le  plus  souvent  à 
une  autre  espèce  que  sont  pris  les  embryons;  ainsi  les  porcs  en  parti¬ 
culier,  qui  deviennent  fréquemment  trichineux  dans  certaines  contrées, 
les  prendraient,  a-t-on  dit,  des  rats  qui  eux-mêmes  seraient  atteints  en 
mangeant  les  issues  des  abattoirs.  Pour  l’homme,  les  observations  ont 
péremptoirement  démontré  que  l’infection  avait  lieu  par  la  chair  du 
porc. 

Les  vers  nématoïdes  en  définitive  ne  paraissent  pouvoir  se  développer 
qu’en  subissant  des  migrations  moins  compliquées  peut-être  que  celles 
des  Cestoïdes,  comme  on  le  verra  plus  loin,  mais  absolument  du  même 
ordre. 

Les  Nématoïdes  de  l’homme  appartiennent  à  sept  genres  et,  avec 
les  douteuses,  comprennent  une  dizaine  d’espèces  ;  le  tableau  suivant  en 
fera  reconnaître  la  disposition  et  les  principaux  caractères  zoologiques.  On 
a  supprimé  toutefois  le  Spiroptera  hominis  qui,  suivant  une  remarque  de 
M.  A.  Schneider  dont  il  sera  fait  mention  plus  loin,  ne  peut  plus  être 
admis  comme  espèce  réelle. 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea.  335 

Les  caractères  sont  tirés  surtout  dè  la  disposition  des  organes  génitaux 
mâles,  tantôt  le  pénis  est  placé  tout  à  fait  à  la  partie  postérieure  du  corps 
{Acrophalli,  fig.  36  d)  ou  un  peu  avant  celle-ci  à  la  partie  ventrale 
{Hijpophalli,  fig.  28);  il  peut  y  avoir  des  organes  de  copulation  affectant 
la  forme  de  cupules  ou  de  pinces,  le  pénis  accessoire  destiné  à  faciliter  l’ad¬ 
hérence  lors  du  coït  manque  parfois,  enfin  le  mode  d’armature  de  la  bouche 
varie  et  peut  être  employé  pour  la  distinction.  Il  faut  avouer  que  l’appré¬ 
ciation  de  ces  caractères  est  difficile  et  a  suitout  le  grave  inconvénient 
de  faire  entrer  pour  une  grande  part  l’étude  des  mâles  qui  sont  précisé¬ 
ment  les  individus  qu’on  rencontre  le  moins,  mais  chez  tous  ces  animaux 
le  plan  d’organisation  est  si  homogène,  l’apparence  exléiieure  offre  de  si 
minimes  différences  qu’on  est  forcé  pour  les  distinguer  de  descendre 
dans  les  détails  les  plus  minutieux.  Dans  la  pratique  médicale,  il  peut 
être  utile,  pour  reconnaître  les  espèces,  de  suivre  une  autre  marche 
et  d’avoir  recours  à  la  considération  du  lieu  où  se  rencontrent  ces 
Yers;  un  second  tableau  indique  cet  habitat,  je  dois  faire  observer 
qu’on  n’y  a  pas  fait  figurer  deux  espèces  problématiques  marquées 
chacune  d’un  point  de  doute  dans  le  premier  tableau.  Ces  c'iiactèi'es 
empiriques,  joints  à  la  considération  de  la  taille,  permettent  facile¬ 
ment  la  détermination.  Je  ferai  encore  remarquer  que,  dans  le  pre¬ 
mier  tableau,  plusieurs  genres  sont  placés  en  raison  de  caractères 
empruntés  à  des  espèces  étrangères  à  l’homme,  car,  par  exemple, 
pour  ce  qui  concerne  les  Pilaires  les  mâles  nous  sont  encore  in¬ 
connus,  dans  les  deux  espèces  citées. 


TABLEAU  I.NDIQUAKT 


LES  CARACTÈRES 


VERS  MÉMATÛÏDES 


Aschïlostomum  Dubini. 

1.  A.  duodenale  Du- 

Strongïlus  Müller.  , 

2.  S.  gigas  Rudolphi. 

3.  S.  longevagina- 

tus  Diesing  ? 


Tricbocephalos  Gœze. 

i.  T.  Rudolphi. 

Tbicbina  üwen. 

5.  T.  spiralis  Owen. 
Ascaris  Linné. 

6.  A.  lumbricoides  L. 

7. -^.ato«Bellingbam? 
OxTOBis  Rudolphi. 

8.  0.  vermicularis  h. 
Filaria  Müller. 

9.  F.  medinensis  L 

10.  F.  oculi  Ivumani 

Nordmann.  . 


334 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 


TABLEAB  INDIQUANT  t’ HABITAT  DES  PBINCIPADX  VEES  NÉMATOÏDES 
OBSERVÉS  CHEZ  l’hOMME 

Ascaris  lumbricoides.  6 

Anchylostomum  duo- 
de,mle  i 

]  le  cæcum . Trichocephalusdispar.  4 

I  le  rectum . Oxyuris  vermicularis.  8 

I  les  reins . Strongylus  gigas.  2 

lie  tissu  musculaire.  .  Trichina  spiralis  (état 
1  embryonnaire).  S 

hors  du  tube  digestif.  (  ,  gous-cutané.  Filaria  medinensis.  9 

I  cellu-  I  sous-con- 

I  laire  1  jonctival.  .  Filaria  oculi  humani.  10 

Genre  Anchtiostomim.  —  Vers  Nématoïdes,  régulièrement  cylindriques,  ayant  la  bouche 
armée  et  soutenue  par  un  appareil  corné  denté;  chez  le  mâle,  une  cupule  caudale,  soutenue 
par  des  rayons  de  son  centre,  sort  un  pénis  double  très-long. 

Genre  établi  en  1843  par  M.  Dubini  et  ne  comprenant  jusqu’ici  qu’une  seule  espèce. 

1.  ANCHYLOSTOMD.M  DüODENALE,  Dubini.  —  Ce  veFs  (fjg.  31  et  52),  dé¬ 
couvert  en  Italie  en  1843,  a  été  retrouvé  depuis  en  Égypte  (Bilharz  et 
^  ^  Griesinger),  en  Islande  (Es- 

chricht),  à  Mayotte  (Grenet, 
Monestier)  ;  il  est  long  de  5 
à  13  millimètres,  les  femelles 
sont  très -peu  plus  grandes 
que  les  mâles.  La  tête  est  ar¬ 
rondie,  séparée  du  corps  par 
un  léger  étranglement  for¬ 
mant  une  sorte  de  cou  ;  la 
bouche,  obliquement  placée 
à  la  face  inférieure  du  corps, 
est  soutenue  par  une  sorte 
d’appareil  corné  de  nature 
chitineuse,  denté  surtout  en 
bas  où  l’on  distingue  quatre 
saillies  nettes;  cette  armature 
p^^  g2  buccale,  caractéristique  de  la 

.  ...  ^  famille  des  Sdérostomidés, 

Fig.  ol. —  Anchylostomum  duodenale  mêle. —  A,  De  ...  ,  .  •  j 

grandeur  naturelle.  —  B,  Le  même  grossi;  a,  extré-  indique  la  supériorité  de  ces 
milé  céphalique  ;  6,  extrémité  caudale.  —  C,  Extré-  êtres  SUr  les  autres  Néma- 
mite  caudale  fortement  grossie  pour  montrer  la  dispo-  _  L’extrémité  posté- 

sition  de  la  cupule  et  des  rayons  qui  la  soutiennent.  .  .  ,  -i 

„  ....  AT,  rieure  du  corps  chez  le  male 

Fig.  o2. —  Anchylostomum  duodenale  femem. — A,  De  ,  j-,  ..  ^  , 

grandeur  naturelle.  —  B,  La  même  grossie  ;  a,  extré-  GSt  dilatée  en  une  CUpulemem- 
mité  céphalique  ;  b,  extrémité  caudale;  c,  orifice  vul-  braneuse  soutenue  par  des  di- 
vaire.  -  C,  Extrémité  céphalique  fortement  grossie  ijations  au  nombre  de  Onze, 
pour  montrer  la  disposition  de  1  armature  buccale.  o  > 

dont  une  médiane  impaire, 
plus  grosse  et  bifurquée;  c’est  un  appareil  d’accouplement,  du  milieu 
duquel  sort  un  pénis  long,  double,  terminal.  La  femelle,  au  contraire, 


ENTOZOAIRES.  —  mematoidea.  .  335 

est  atténuée  en  arrière,  la  vulve  se  trouve  située  un  peu  au  delà  du  milieu 
du  corps. 

Ce  vers  habite  le  duodénum  de  l’homme,  je  l’ai  rencontré  également 
chez  un  gibbon.  Il  se  trouve  fixé  sur  de  petites  papilles' ecchymoïiques 
produites  sans  doute  par  la  succion  de  son  appareil  buccal  ;  sa  fréquence 
paraîtrait  jusqu’ici  plus  grande  dans  les  pays  chauds,  mais  il  est  pôssible 
que  sa  petitesse  seulement  l’ait  dérobé  à  l’observation.  On  lui  a  attri¬ 
bué  dans  ces  derniers  temps  les  désordres  observés  dans  la  maladie 
connue  sous  le  nom  de  mal  de  cœur,  cachexie  africaine,  opilaciôn,  dirt- 
eatings.  (Grenet  et  Monestier  ;  Wucherer.) 

Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  sur  la  forme  et  le  volume  des 
œufs,  non  plus  que  sur  les  migrations  de  ce  parasite. 

Genre  Strongtlus.  —  Vers  Nématoïdes,  régulièrement  cylindriques,  à  bouche  inerme, 
pourvue  de  simples  valves;  chez  le  mâle,  une  cupule  caudale,  arrondie,  avec  ou  sans 
rayons;  de  son  centre  sort  un  pénis  simple  avec  [Strongylus  Diesing,  char,  emend.)  ou 
sans  (Eustrongylus  Diesing)  gaine. 

Genre  établi  par  Millier,  en  1788,  pour  deux  espèces  qui  en  ont  été  retranchées 
pendant  longtemps,  mais,  dans  ces  'dernières  années,  M.  Anton.  Schneider  lui  a  rendu 
sa  véritable  signifieation  en  y  faisant  rentrer  l’animal  type.  Les  deux  genres  dans  lesquels 
l’a  démembré  M.  Diesing  méritent  ’  d’être  admis,  cependant,  au  point  de  vue  médical  et 
pour  ne  pas  multiplier  les  subdivisions,  je  crois  pouvoir  le  conserver  tel  que  l’avait  limité 
Rudolphi.  11  renferme  une  trentaine  d’espèces  qui  .habitent  différents  organes,. rarement 
l’intestin,  des  Mammifères  et  dés  Oiseaux. 

2.  Strongylüs  GiGAs,  Rudolphi  (Strongle  géant;  Eustrongylus  gigas , 
Diesing).  —  Ce  vers,  dont  l’épithète  exprime  fort  bien  le  caractère  le 
plus  frappant,  est  en  effet  le  géant  de  tout  le  groupe,  cette  parti¬ 
cularité  aussi  bien  que  son  habitat,  ne  pouvaient  manquer  de  le  signaler 
depuis  longtemps  à  l’attention  des  médecins,  Blasius  (1674)  paraît  être 
l’un  des  premiers  qui  en  ait  fait  mention.  Les  femelles  peuvent  atteindre  de 
20  centimètres  à  1  mètre  de  long  sur  4  à  12  millimètres  de  large,  et  les 
mâles  (fig.  33)  de  14  à  40  centimètres  sur  4  à  6  millimètres.  La  forme 
est  assez  régulièrement  cylindrique,  atténuée  à  l’extrémité  antérieure. 
Celle-ci  présente  six  nodules  de  petite  dimension  (fig.  54,  a)  au  centre 
desquelles  se  trouve  la  bouche.  L’ouverture  anale  est  placée  tout  à  fait  à 
l’extrémité  terminale  du  corps.  La  couleur  est  rougeâtre. 

Le  mâle  est  pourvu  à  la  partie  postérieure  d’une  cupule  d’adhérence 
(fig.  34,  b)  membraneuse,  non  festonnée,  ni  soutenue  par  des  rayons  ; 
de  son  centre,  sort  un  pénis  simple  sans  gaîne.  Ce  sont  ces  caractères  de 
la  cupule  et  l’absence  de  gaîne  du  pénis  qui  ont  engagé  Diesing  à  former 
de  cette  espèce  et  de  quelques  autres  présentant  les  mêmes  particularités, 
le  genre  Eustrongylus. 

La  femelle  a  la  partie  postérieure  du  corps  simple,  la  vulve  est  située 
très  en  avant  vers  le  point  où  cesse  l’œsophage.  Les  œufs  (fig.  35)  sont 
ovoïdes  lisses  mesurant  0““,075  sur  0'”“,040  de  large. 

Ce  nématoïde,  dont  l’existence  chez  l’homme  n’est  pas  parfaitement  dé* 
montrée,  bien  que  très*probable,  a  été  rencontré  chez  un  très-grand 


ENTOZOAIRES. 


KEMàTOlDEA. 


nombre  d’animaux  :  plusieurs  espèces  de  chiens  domestiques  ou  sau¬ 
vages,  le  glouton,  différentes  martres,  le  phoque,  le  cheval.  Il  habite 

ordinairement  le  rein 

Idont  il  détruit  la  sub¬ 
stance,  est-ce  active¬ 
ment,  est- ce  par  sa 
seule  présence?  c’est 
ce  qu’on  ne  sait  pas 
d’une  manière  posi- 
lon-  tive. 

Comme  pour  le  vers 
dû  précédent,  on  ignore 

s  encore  le  mode  de  pé¬ 

nétration  dans  l’éco¬ 
nomie;  on  sait  cependant,  par  les  récentes  recher¬ 
ches  de,  Balbiani  (1869),  que  le  développement  est 


54.  —  Slrongylm 
■  a,  Extrémité  céph 
>nt  les  six  nodules  qi 
bouche.  —  b,  Exti 


concentré 


ullus  apparent.  {D/ 


lent  et  que  le  petit  doit  probablement  subir  des  mi- 
grations  plus  ou  moins  compliquées  avant  de  par¬ 
venir  dans  son  hôte  définitif. 

KfduU  ,  Stroxgylüs  LONGE vaginatos,  Diesing.  (Strofigle 
au  tiers  environ  de  la  à  longue  gaîne) .  —  Cette  seconde  espèce  n’est  connue 
grandeur  naturelle.  q^g  fPaprès  un  cas  observé  en  Transylvanie,  à  Ciau- 
diopolis,  par  Jorlsits,  qui  en  trouva  plusieurs  dans 
le  parenchyme  des  poumons  d’un  enfant  de  six  ans,  les  échantillons  re¬ 
cueillis  furent  remis  à  Rokitansky.  D’après  la  description  de  Diesing,  ces 
vers  sont  longs  de  12  à  14  millimètres  pour  les  mâles,  les  femelles  attei¬ 
gnent  26  millimètres,  leur  couleur  est  d’un  blanc  grisâtre,  la  bouche  est 
pourvue  de  4  à  6  papilles.  L’extrémité  du  corps  chez  le  mâle  présente  une 
cupule  membraneuse  bilobée,  chacun  des  lobes  étant  soutenu  par  trois 
rayons  ;  le  pénis  est  enveloppé  par  une  gaîne  composée  de  deux  valves  et 
si  développée,  qu’elle  atteint  à  peu  près  la  moitié  de  la  longueur  du  corps  ; 
ces  caractères  font  rentrer  cette  espèce  dans  le  genre  Strongylus  propre- 


ENTOZOAffiES. 


«EMATOIDBA. 


337 


ment  dit,  tel  qu’il  est  limité  par  l’auteur  précité.  Chez  la  femelle,  la  partie 
postérieure  est  au  contraire  atténuée,  l’ouverture  vulvaire  se  trouve  pla¬ 
cée  un  peu  au-dessus  de  l’extrémité  caudale. 

Ces  nématoïdes  seraient  vivipares. 


Genre  Trichocephalüs.  —  Vers  nématoïdes,  filiformes  en  avant,  renflés  brusquement  en 
arrière  ;  à  bouche  inerme  ayant  les  valves  peu  saillantes  ;  chez  le  mâle  une  cupule  cyâ- 
thiforme  simple,  de  son  centre  sort  un  pénis  simple. 

Genre  établi  en  1804  par  Gœze,  et  comprenant  une  dizaine  d’espèces  exclusivement 
propres  aux  mammifères  dont  elles  habitent  le  tube  digestif. 


4.  Trichocephalüs  dispar,  Rudolphi  (Trichocéphale  de  l’homme).  ~ 
C’est  à  Rœderer  et  Wagler  (1761)  qu’est  due  la  connaissance  de  cette  es 
pèce,  fort  commune  d’ailleurs,  mais  que  sa  petitesse  et  son  innocuité  ont 
toujours  fait  négliger.  Sa  forme  singulière  (fig.  36,  a,  b)  ne  permet  de  la 


confondre  avec  aucune  autre,  les 
deux  tiers  ou  les  trois  cinquièmes 
antérieurs  sont  amincis,  filifor¬ 
mes,  tandis  que  la  partie  posté¬ 
rieure  est  renflée,  cylindrique; 
pour  le  mâle,  la  longueur  totale 
est  de  37  millimètres,  dont 
22  millimètres  formant  la  partie 
atténuée;  celle-ci,  chez  la  fe¬ 
melle,  peut  aller  jusqu’à  33  mil¬ 


limètres,  le  corps  entier  mesu¬ 
rant  50  millimètres  ;  la  largeur 
de  la  partie  dilatée  varie,  suivant 
les  sexes,  de  0““,5  à  0“““,7; 


Fis.  36.  —  Tnc/iocephalus  di$par.  —  a,  Mâle  de 
grandeur  naturelle.  —  h,  Femelle  de  grandeur 
naturelle. — c,  Extrémité  céphalique  grossie,  mon¬ 
trant  la  petitesse  des  valves  buccales.  —  d.  Extré¬ 
mité  caudale  du  mâle  grossie.  —  e,  Œuf. 


antérieurement ,  elle  n’atteint 

guère  que  0'“'“,15  à  0“'“,20.  La  couleur  du  corps  est  brunâtre,  les  stries 
très-fines  qui  l’ornent  sont  fort  nettes,  on  observe  une  bande  longitu¬ 
dinale  chargée  de  petites  papilles  bien  visibles  lorsqu’on  examine  l’ani¬ 
mal  de  côté.  La  bouche  nue,  c’est-à-dire  à  valves  peu  marquées  ou  nulies, 
conduit  dans  un  œsophage  ovoïde  auquel  fait  suite  un  intestin  rappelant 
par  sa  forme  celle  du  corps,  c’est-à-dire  dilaté  seulement  en  arrière,  l’anus 
est  terminal. 

Chez  le  mâle,  la  partie  postérieure  du  corps  (fig.  36,  d)  est  fortement 
tordue  en  spirale  formant  deux  ou  trois  tours.  De  sa  partie  terminale 
sort  un  prolongement  épineux,  évasé  à  sa  partie  libre  en  une  cupule  du 
centre  de  laquelle  sort  un  pénis  corné  droit  représentant  le  spiculé  creux 
des  Ascarides. 

Les  femelles  ont  la  partie  renflée  simplement  courbée,  la  vulve  est 
placée  au  point  de  jonction  de  la  partie  filiforme  avec  la  portion  posté¬ 
rieure,  elle  conduit  à  un  oviducte  charnu  dans  lequel  débouche  un 
ovaire  simple,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  chez  bon  nombre  de  néma¬ 
toïdes,  en  particulier  chez  Y  Ascaris  lombricoides,  dont  la  description  a 


XIII.  —  22 


338  ENTOZOAIRES.  —  kematoidea. 

servi  de  type.  La  forme  des  oüufs  (fig.  .57),  qu’on  rencontre  très-fré¬ 
quemment  dans  les  matières  fécales,  est  des  plus  caractéristiques  :  ils  sont 
sont  ovoïdes  allongés  mesurant 
0“‘“,053  sur  0“‘“,24  et  présen¬ 
tent,  aux  extrémités  du  grand 
axe,  deux  renflements  en  bou¬ 
lon,  particularité  tout  à  fait  spé¬ 
ciale  à  ce  vers  parmi  ceux  qui 
se  trouvent  également  chez 
l’homme. 

Les  Trichocéphales  se  ren¬ 
contrent  dans  le  cæcum,  souvent  en  très-grande  abondance  sans  qu’il 
paraisse  en  résulter  aucune  incommodité  pour  celui  qui  en  est  porteur. 
Rudolphi  en  a  trouvé  fOOO  sur  une  femme;  en  examinant  les  matières 
fécales  chez  un  grand  nombre  d’individus,  M.  Davaine  aurait  vu  des 
œufs  dans  la  moitié  des  cas  au  moins.  On  a  admis  qu’il  était  plus  fré¬ 
quent  chez  les  individus  atteints  de  fièvre  typhoïde,  mais  il  est  plus  que 
])robable  que  s’ils  ont  alors  été  plus  souvent  observés,  cela  tient  à  ce  que 
dans  ce  cas  on  examine  le  tube  intestinal  avec  plus  d’attention  que  dans 
beaucoup  d'autres  maladies. 

Nous  ne  possédons  sur  les  migrations  de  ce  vers,  qui  habite  également 
l’intestin  de  plusieurs  espèces  de  singes  et  peut-être  celui  du  porc  (Gre- 
plin),  aucune  indication  ])récise. 

Genre  Triciiina. —  Vers  nématoïdes,  régulièrement  cylindriques  ou  se  renflant  progres¬ 
sivement  et  régulièrement  d’avant  en  arrière,  à  bouche  inerrae,  sans  valves  appréciables; 
chez  le  mâle,  une  pince  copulalrice,  pas  de  spécule  pénial. 

Genre  établi  en  1835  par  Owen  et  comprenant  peut-être  un  assez  grand  nombre  d’es¬ 
pèces,  mais  la  seule  bien  étudiée  jusqu’il  i  est  la  Trichina  npiralis  de  l’homme  et  de 
quelques  Vertébrés  à  sang  chaud. 

5.  Trichina spiralis,  Owen  (Trichine  spirale).  —  C’est  de  toutes  les  es¬ 
pèces  de  Nématoïdes  la  plus  tristement  célèbre  et  elle  a  donné  lieu  dans 
ces  dernières  années  à  un  nombre  considérable  de  travaux  d’une  très- 
grande  importance.  Elle  fut  décrite  pour  la  première  fois  en  1835,  par 
Owen,  sur  des  échantillons  qui  lui  furent  remis  par  Wormald  et  Paget  ;  on 
ne  connaissait  alors  et  l’on  ne  connut  pendant  longtemps  que  les  individus 
incomplètement  développés,  enkystés  dans  le  tissu  cellulaire  des  muscles 
de  la  vie  animale  et  certains  auteurs  les  regardèrent  même  comme  l’état 
jeune  du  Trichocephalus  dispar  (Küchenmeisler,  Weinand,  Leuckart) .  mais 
les  études  ultérieures  faites  par  Virchow,  Leuckart  lui-même,  Pagenste- 
cher,  Zenker,  ont  démontré  que  cette  opinion  n’était  pas  exacte  et  qu’il 
fallait  y  voir  une  espèce  bien  distincte. 

A  l’état  adulte  (fig.  38),  qu’on  observe  rarement  parce  qu’il  est  en 
quelque  sorte  transitoire  et  ne  dure  que  jusqu’au  moment  de  la  ponte,  ces 
vers  sont  allongés,  cylindro-coniques,  atténués  en  avant;  les  mâles  sont 
longs  de  d  à  3  millimètres,  les  femelles  atteignent  de  2  à  5  millimètres; 


ENTOZOAlPiES.  —  jüematoidea. 


559 


ils  sont  blanchâtres,  transparents.  Le  tube  digestif  peu  visible  et  couvert 
de  granulations,  commence  par  une  ouverture  buccale  simple  et  présente 
une  ampoule  termi¬ 
nale. 

Le  mâle  se  recon¬ 
naît  facilement  à  la 
présence  d'une  sorte 
de  pince  charnue, 
pince  copulatrice,  pla¬ 
cée  à  la  partie  posté¬ 
rieure  du  corps, 
les  deux  branclr 
lacpudlc  se  trouve  une 
cupule  servant  aussi 
d’organe  d’accouple¬ 
ment  comme  la  pince 
elle -meme  suivant 
loulc  vraisemblance. 

Ordnùpz  a  signalé 
pénis  terminal,  mais 
cet  auteur  ne  parait 
avoir  observe  que  dos 
individus  incompléle- 
rnont  développés  ;  le 
testicule  est  simple 


dans  un  vagin  étroit  ; 
on  peut  distinguer  dans  les  parties  profondes  un  utérus,  un  oviducte 
et  un  ovaire  placés  à  la  suite  l’un  de  l’autre.  La  seconde  de  ces  parties 
forme  un  tube  étroit,  tandis  que  les  deux  autres  sont  dilatées.  Ces  ani¬ 
maux  sont  vivipares. 

11  serait  fort  utile  de  pouvoir  reconnaître  la  présence  de  la  trichine  à 
l’étal  adulte,  sa  position  dans  le  tube  digestif  la  rendant  alors  plus  acces¬ 
sible  à  nos  moyens  thérapeutiques,  tandis  qu’une  fois  dans  ses  migrations 
ou  enkystée  elle  échappe  jusqu’ici  à  notre  action.  Malheureusement  c’est 
sous  ce  dernier  état  qu’on  l’observe  en  général.  On  trouve  alors  de  pe¬ 
tits  kystes  ovoïdes  de0““,8àl  millimètre  sur  0'““,5  renflés  en  boutons 


340 


ENTOZO  AIRES.  —  hematoidea. 


aux  extrémités  du  grand  diamètre,  formés  d’une  matière  transparente, 
mais  douée  d’une  grande  râs*atance  à  l’action  des  réactifs,  de  manière  à 
former  pour  l’animal  inclus  un  abri 
contre  les  différentes  causes  de  des¬ 
truction  (  fîg.  39  ) .  Le  petit  qui 
s’y  trouve  renfermé  a  l’apparence 
d’un  petit  ver  blanchâtre  ,  long  de 
0““,8  à  1  millimètre,  large  de 
0“‘“,008  à0““,020,  se  renflant  as¬ 
sez  régulièrement  d’avant  en  ar¬ 
rière.  On  reconnaît  fort  bien  dans 
sa  cavité  viscérale  la  position  et  la 
forme  de  l’appareil  digestif,  mais 
les  autres  organes  ne  sont  pas  en¬ 
core  développés;  cependant,  d’a¬ 
près  Ordonez,  il  serait  possible  dès 
cette  époque  de  reconnaître  les 
sexes,  les  mâles  présentant  un  pénis 
terminal (?),  tandis  que  les  femelles 
offrent,  vers  la  partie  moyenne  du 
/àra-a  embryon-  cbrps,  un  amas  granuleux  qui,  sui- 
iscie  (cubital  anté-  yant  cet  auteur,  serait  le  rudiment 
yste  de  Trichines  -  2,  Poyaire. 

fste  grossi  20  fois  conte-  •  .  Vt-  i 

icaire.  —  4,  Kyste  conte-  Un  a  VU,  aux  généralités  sur  les 
5,  Trichine  grossie  200  Nématoïdes,  les  migrations  de  ce 
(D’après  Richaud  Oweh.)  ver,  1  uu  des  mieux  etudies  SOUS  ce 

rapport,  et  sur  lequel  on  peut  dire 
qu’il  nous  reste  peu  à  apprendre,  car  l’animal  a  été  suivi  pas  à  pas 
dans  sa  marche  compliquée.  Le  développement  complet  de  l’embryon 
parvenu  dans  le  tube  digestif  et  débarrassé  de  son  enveloppe  sous  l’ac¬ 
tion  des  sucs  intestinaux,  demande  environ  deux  jours;  au  sixième 
jour  on  rencontre  des  femelles  contenant  des  petits.  Ceux-ci  une  fois 
en  liberté,  après  avoir  traversé  les  parois  intestinales,  cheminent  le 
long  du  mésentère.  On  estime  qu’au  bout  de  quatorze  jours  il  sont  déjà 
enkystés. 

Les  Trichines,  en  cet  état,  se  trouvent  dans  tous  les  muscles  rouges,  à 
l'exception  du  cœur  ;  c’est  particulièrement  par  les  muscles  du  tronc, 
diaphragme  et  muscles  intercostaux,  par  la  langue,  que  l’enkystement 
paraît  débuter.  On  remarque  également  que,  dans  les  muscles  des  mem¬ 
bres,  le  lieu  d’élection  est  le  point  rapproché  de  l’insertion  tendineuse,  ce 
qui  est  peut-être  en  rapport  avec  la  proximité  des  gaines  de  tissu  lami- 
neux,  voie  qui  semble  être  celle  par  laquelle  progressent  ces  vers.  Pour 
l’homme,  il  n’est  pas  douteux  que  l’infection  n’ait  toujours  été  causée,  dans 
les  cas  observés,  par  l’ingestion  de  viande  de  porc  trichinée.  Cet  animal 
paraît,  en  effet,  un  terrain  très-favorable  au  développement  de  ces  Néma- 
toïdes,  et  Leuckart  estime  que  4  grammes  de  chair  infectée  peuvent 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 


341 


renfermer,  dans  certains  cas,  près  de  40,000  kystes.  On  n’est  pas  aussi 
assuré  du  moyen  d’introduction  chez  le  porc  lui -même;  on  avait  cru 
d'abord  que  cela  était  dû  aux  vers  de  terre  (Langenbeck),  à  l’usage  de  la 
betterave  comme  nourriture  (Stein);  il  y  a  eu  là  confusion  évidente  avec 
d’autres  Nématoïdes  qui  n’ont  aucun  rapport  avec  les  Trichines.  L’opinion 
qui  attribue  le  fait  aux  rats,  animaux  fort  avides  de  chairs,  et  chez  lesquels 
l’affection  se  développe  avec  beaucoup  de  facilité,  paraîtrait  plus  pro¬ 
bable,  si  l’on  remarque  également  que  les  porcs  se  montrent  très-friands 
de  ces  rongeurs,  mais  on  doit  dire  que  jusqu’ici,  à  l’état  sauvage,  ces 
derniers  ne  paraissent  que  rarement  atteints  de  la  trichinose. 

Ce  Némaloïde,  considéré  pendant  longtemps  cômmé'Tôrt  raéè,  paraît 
beaucoup  plus  fréquent  qu’on  ne  l’avait  cru;  il  a  été  observé  dans  un 
grand  nombre  de  pays,  mais  particulièrement  en  Allemagne,  où  l’usage 
lie  la  viande  crue  est  assez  habituellement  usité  dans  l’alimentation.  C’est 
là  qu’ont  eu  lieu  les  épidémies  les  plus  considérables  ;  cependant  on  en  a 
observé  également  des  faits  en  Angleterre,  en  Amérique,  en  Suisse,  dans 
les  Indes.  Il  est  probable  que  sa  présence  passe  souvent  inaperçue,  cai 
lorsque  les  Trichines  nées  dans  l’intestin  sont  en  nombre  peu  considé- 
l’able,  les  désordres  qu’elles  causent  sont  assez  peu  importants  pour  ne 
pas  éveiller  l’attention,  et  les  animaux  qui  en  sont  porteurs  n’en  éprou¬ 
vent  que  peu  ou  pas  d’incommodité;  dans  ce  cas,  la  guérison  spontanée 
peut  se  produire,  les  embryons  enkystés  meurent  au  bout  d’un  certain 
temps  et  ne  tardent  pas  à  subir  la  transformation  crétacée. 


Genre  Ascaris.  —  Vers  nématoïdes,  régulièrement  cylindriques,  à  bouche  inerme, 
pourvue  de  trois  valves  plus  ou  moins  saillantes;  extrémité  caudale  du  mâle  simple  ou 
ornée  de  prolongements  latéraux  soutenus  ou  non  par  des  rayons  chitineux,  pénis  subter- 
niinal,  double. 

Genre  établi  en  1767  par  Linné,  et  qui  comprenait  'a  cette  époque  à  peu  près  tous  les 
vers  nématoïdes  connus;  malgré  les  démembrements  qu’il  a  subis,  il  renferme  encore  ün 
nombre  considérable  d’espèces  (174  d’après  Diesing,  avec  les  espèces  douteuses)  qu’on 
rencontre  chez  beaucoup  de  Vertébrés,  peut-être  chez  quelques  Mollusques,  dans  le  tube 
digestif  principalement. 

6.  Ascaris  lombricoides,  Linné  (Ascaride  lombricoïde.  Ver  lombric  des 
enfants,  vulg.  Lombric).  —  Ce  Nématoïde  ayant  servi  de  type  pour  la 
description  du  groupe,  je  renvoie 
aux  généralités  pour  les  détails, 
me  bornant  à  rappeler  ici  les  ca¬ 
ractères  spécifiques  de  ce  ver,  ob¬ 
servé  le  plus  fréquemment  et 
connu  de  toute  antiquité. 

Sa  taille  varie,  suivant  les  sexes, 
de  10  à  30  centimètres;  le  rap- 
port  de  la  longueur 
est  environ  de  un  à  cinquante  ou 
cinquante-deux.  L’ouverture  buc¬ 
cale  présente  trois  valves  saillantes  bien  visibles  (fig.  40  et  41);  l’ou 
verture  anale  est  placée  avant  la  terminaison  du  corps. 


_  Extrémité  cé-  Fig.  41.  —  Bouche 

la  largeur  phahque  de  V Ascaris  àeV Ascaris  lombri- 

lombricoides  fortement  coides  grossie,  vue 
grossie,  vue  de  côté.  de  face.  ' 


342  ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 

Le  mâle,  plus  petit  que  la  femelle,  est  un  peu  courbé  en  arrière  sur 
sa  partie  ventrale  (fig.  28) ,  qui  est  aplatie  ;  l’ouverture  où  débouche  l’anus 
donne  en  même  temps  passage  à  deux  spiculés  cornés  de  1  à  2  millimètres 
de  long;  la  femelle  est  simplement  atténuée  en  arrière,  la  vulve  s’ouvre 
vers  le  tiers  antérieur  (fig.  29).  En  ce  point  existe,  sur  une  longueur  de 
quelques  millimètres,  un  léger  rétrécissement  qui  paraît  toutefois  man¬ 
quer  dans  un  grand  nombre  de  cas.  Les  œufs,  longs  de  0“"“,075,  larges 
de  0““,058,  sont  arrondis  et  entourés  d’une  matière  albumineuse  teintée 
par  les  sucs  intestinaux;  cette  enveloppe  leur  donne  un  aspect  bosselé 
(fig.  42). 

On  suppose  que  le  dévelop¬ 
pement  se  fait  à  l’extérieur  et 
que  les  embryons  sont  avalés 
avec  les  boissons,  mais  la  preuve 
directe  n’a  pas  encore  été  don¬ 
née. 

L’Ascaride  lombricoïde  est  le 
a,  GrossHOT  fois.  —  b,  Grossi  340  fois.  plus  Commun  des  vers  intesti¬ 
naux  de  l’homme,  ses  dimen¬ 
sions  empêchant  qu’il  échappe  à  l’examen  même  le  plus  superficiel  ; 
on  le  rencontre  surtout  chez  les  enfants,  mais  aussi  chez  l’adulte  et 
le  vieillard.  Il  existe  parfois  en  nombre  considérable,  et  les  auteurs 
rapportent  des  cas  où  un  malade,  dans  un  temps  variable,  a  pu  en  éva¬ 
cuer  plusieurs  centaines  (500,  cas  de  Brassavole ;  2,500,  cas  de  Petit). 
C’est  dans  l’intestin  grêle  qu’habite  normalement  ce  ver,  mais  on  le 
voit  parfois  remonter  dans  l’estomac,  l’œsophage,  la  bouche,  les  na¬ 
rines,  descendre  dans  le  gros  intestin;  dans  ces  différents  cas,  il  ne 
tarde  pas  à  être  évacué;  on  l’a  de  plus  rencontré  également  à  l’état 
erratique  dans  une  multitude  d’organes  :  le  pancréas,  le  foie,  l’oreille, 
les  voies  lacrymales,  la  trachée,  les  poumons,  enfin  dans  le  péritoine.  Ces 
dernières  observations  ont  fait'supposer  que  ces  nématoides  étaient  capa¬ 
bles  de  percer  l’intestin  et  de  causer  ainsi  des  désordres  graves;  on  peut 
se  convaincre  que  l’armature  buccale  explique  mal  cette  perforation 
active,  et  comme  dans  presque  tous  les  cas  rapportés  il  s’agit  de  fièvres 
typhoïdes,  de  péritonites  tuberculeuses,  on  doit  admettre  que  la  perfora¬ 
tion  intestinale  ayant  été  produite  par  la  maladie,  c’est  plus  tard  que  les 
Ascarides  s’y  sont  engagées.  Ceci  s’explique  d’autant  mieux,  qu’aussilôt 
après  la  mort  le  refroidissement  graduel  du  cadavre,  peut-être  d’autres 
causes,  comme  l’inertie  des  intestins,  la  cessation  delà  circulation,  pa¬ 
raissent  gêner  ces  vers  qu’on  voit  s’agiter  et  chercher  à  s’échapper;  c’est 
au  moins  ce  qu’on  peut  observer  sur  des  animaux  récemment  tués,  comnae 
les  chevaux  chez  lesquels  une  autre  espèce  du  même  genre,  l’Ascaris  me- 
galocephala  (Cloquet),  est  très-fréquente  et  très-abondante. 

L’Ascaride  lombricoïde  se  rencontre  encore  chez  le  porc,  au  moins  la 
plupart  des  auteurs  (Diesing,  Schneider)  n’admettent  pas  la  distinction 
que  Dujardin  a  cru  devoir  établir  entre  l’Ascaris  suilla  et  celui  qui  nous 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea.  ô45 

occupe  ici.  Bremser  l'a  rencontré  également  dans  le  bœuf;  est-ce  bien  la 
même  espèce? 

7.  Ascaris  ALATA  (Bellingham).  —  Ce  Nématoïde  est  des  plus  douteux, 
il  n’a  été  observé  qu’une  fois  en  Irlande  par 
Bellingham  (1844),  et  n’a  pas  été  retrouvé  depuis. 

Cet  auteur  a  décrit  deux  femelles  longues  de 
88  millimètres ,  larges  de  l'““,05  en  avant,  de 
1““,57  en  arrière,  caractérisées  par  la  présence 
à  l’extrémité  antérieure  infléchie  de  deux  ailes 
membraneuses  longues  dc3““,16  élargies  en  ar¬ 
rière,  de  sorte  que  l’ensemble  a  une  forme  trian¬ 
gulaire.  Cette  description  se  rapporte  si  exacte¬ 
ment,  sauf  le  très-léger  renflement  postérieur, 
à  V Ascaris  mystax  (Zeder)  (fig.  43)  des  chats, 
qu’il  est  difficile  de  ne  pas  croire,  avec  Dujardin 
et  M.  Cobbold,  que  c’est  le  même  animal. 

Diesing  émet  l’opinion  qu’on  pourrait  avoir  af¬ 
faire  là  à  un  Ascaris  îombricoicles  dont  l’épiderme 
de  la  tête  aurait  été  accidentellement  soulevé, 
cette  particularité  s’observe  en  effet  assez  fré¬ 
quemment  sur  presque  tous  les  Nématoïdes,  mais 
la  description  est  réellement  trop  précise  pour 
qu’on  puisse  croire  qu’on  ait  commis  cette  erreur. 

L’ Ascaris  alata  habiterait  l’intestin  de  l’homme; 
comme  il  n’a  pas  été  observé  de  nouveau  depuis  Fi®-  45.  —  Ascans  myuao 
Bellingham,  malgré  les  nombreuses  recherches  il“6*’îufemèil7— cTexI 

faites  dans  tous  les  pays  par  un  grand  nombre  pansions  aiiformes  de  i’ex- 

d’helminthologistes ,  on  ne  peut  le  porter  que  trémité  antérieure,  vues  de 

sous  toute  réserve  au  catalogue  des  vers  para  vTs  bLeLs!)^*  (Gervais  et 
sites  de  l’homme. 

Genre  Oxüris.  —  Yers  nématoïdes,  régulièrement  cylindriques  ou  légèrement  atténués 
en  arrière  chez  les  femelles;  extrémité  caudale  du  mâle  simple,  un  seul  pénis  subter- 

Genre  établi  en  1819  par  Rudolphi  pour  certains  vers  appartenant  précédemment  au 
genre  Ascaris;  on  en  compte  une  dizaine  d’espèces  qui  habitent  surtout  le  gros  intestin 
de  quelques  Mammifères,  on  en  a  signalé  également  chez  certains  reptiles  et  un  in¬ 
secte. 

8.  OxYORis  vERMicüLARis,  Brcmscr  [Ascaris  vermicularis  Linné,  vulg. 
Ascaride).  —  L’Oxyure  vermiculaire,  l’un  des  plus  petits  des  vers  de 
l’homme,  est  cependant  l’un  de  ceux  qui  cause  les  désordres  les  plus  ap¬ 
préciables,  et  cette  raison  peut  faire  supposer  que  c’est  bien  lui  qu’Aristote 
désigne  sous  le  nom  d”Aay.ap':S£ç,  en  opposition  aux  vers  ronds,  nom  qui 
se  rapporte  sans  doute  à  l’Ascaride  lombricoïde.  Linné  réunissait  ce  vers 
aux  précédents  dans  le  genre  Ascaris,  et  cette  opinion  a  été  reprise  par 
quelques  helminthologistes  modernes  (Diesing),  il  est  même  probable  que 
c’est  à  cette  espèce  que  songeait  l’illustre  naturaliste  en  adoptant  le  dérivé 


344 


ENTOZOAIRES.  —  nematoidea. 


du  verbe  làwapîÇstv,  sauter,  qui  convient  jusqu’à  un  certain  point  à  la  vi¬ 
vacité  de  l’Oxyure  que  nous  examinons  souvent  dans  ses  conditions  nor¬ 
males  et  doué  d’une  grande  vivacité,  tandis  que  l’Ascaride  lombricoïde 
n’est  guère  jamais  vu  qu’à  l’état  inerte  soit  rejeté  naturellement,  soit  sur 
le  cadavre  déjà  froid. 

Ce  Nématoïde  (fig.  44)  est  long  de  2““,5  à  5™“,4  pour  les  mâles  qui 
sont  très-rares  peut-être  à  cause  de  celte 
petitesse  qui  les  dérobe  aux  regards  ;  les 
femelles,  au  contraire,  atteignent  9  à 
10  millimètres,  sur  une  largeur  de  0““,5  ; 
les  premiers  sont  obtus  postérieurement 
et  plus  ou  moins  tournés  en  spirale,  les 
secondes,  au  contraire,  sont  atténuées  en 
pointe  et  droite;  c’est  donc  à  elles  que  fait 
allusion  le  nom  de  genre  (c?àç,  aigu  ;  cùpâ, 
queue) .  La  tête  est  ornée  de  deux  ailes  arron¬ 
dies,  surbaissées,  qui,  pour  la  plupart  des 
auteurs,  ne  sont  que  la  vue  en  coupe  d’un 
bourrelet  transparent,  régnant  tout  autour 
Fig.  U.  —  Oxyuns  vemiculans.—  ggjfg  partie  du  corps.  La  bouche  porte 

а.  Male  de  «{randeur  naturelle-  —  .  .  i  «i  i  V-  ,  \ 

б,  Femelle  de  grandeur  naturelle—  trois  nodules  faiblement  accuses  ;  apres  un 

c,  Fortion  céphalique  grossie  mon-  œsophage  court,  se  voi  t  une  véritable  dila- 
trant  les  prolongements  aliformes  tation  stomacale,  suivie  d’un  intestin  qui  se 
latéraux.  —  d,  Portion  caudale  du  „  ,  ,  .  ...  ,  ^ 

mâle  grossie,  montrant  la  terminai-  renfle  a  la  partie  posteneure  du  corps  en 
son  obtuse  et  la  forme  recourbée.—  une  ampoule  rectale.  Par  analo<rie,  on  sup- 
g^os^fe''.  -  Æt  pose  que  le  mâle  ne  doit  présenter  qu’un 

spiculé  comme  les  espèces  du  même  genre, 
mais  en  réalité  sa  petitesse  et  sa  rareté  font  que  le  fait  n’a  jamais  été 
bien  observé.  Chez  la  femelle  la  vulve  se  trouve  vers  le  quart  antérieur 
du  corps  et  conduit  dans  un  va¬ 
gin  court  et  qui  paraît  d’autant 
plus  étroit,  que  les  utérus  sont 
énormément  dilatés,  les  ovaires 
■sont  aussi  remarquablement  peu 
allongés.  Les  œufs  retirés  de  l’u¬ 
térus  n’ont  que  0‘”“,053  de  long 
sur  0'"“,028  de  large,  la  coque  est 
lisse  et  leur  forme  ne  permet  de 
les  confondre  avec  ceux  d’aucune  autre  espèce,  car  ils  ne  sont  pas  symé¬ 
triques,  l’un  des  côtés  présente  un  aplatissement  (fig.  45). 

Le  développement  et  les  migrations  de  ces  vers  nous  sont  inconnus,  il 
est  possible  que  la  propagation  ait  lieu  sur  place,  c’est-à-dire  que  les  œufs 
se  développent  là  même  où  vivent  les  parents.  Des  observations  portent 
également  à  admettre  qu’on  peut  être  atteint  de  ce  parasite  par  la  cohabi¬ 
tation  avec  un  individu  infecté  ;  ce  vers  se  trouvant  à  l’état  normal, 
presque  à  l’extérieur  du  corps,  dans  le  rectum  et  entre  les  plis  de  la 


Fig.  45.  —  Œuf  de  VOxyuris  vermicularis.  — 
a,  Grossi  70  fois.  —  b,  Grossi  340  fois. 


545 


ENTOZO  AIRES.  —  nematoidea. 
marge  de  l’anus,  on  comprend  qu’il  puisse  passer  facilement  d’individu  à 
individu,  soit  par  des  échanges  de  vêtement,  soit  et  c’est  ce  qui  a  lieu  le 
plus  ordinairement  lorsqu’on  partage  le  même  lit.  Dans  ce  dernier  cas,  les 
circonstances  sont  d’autant  plus  favorables,  que  les  Oxyures  sont  surtout 
actifs  le  soir,  ce  qu’indiquent  suffisamment  les  démangeaisons  incom-r 
modes  ressenties  à  cet  instant  par  les  malades,  douleurs  provoquées  sans 
doute  par  les  mouvements  de  ces  petits  vers.  Lorsqu’on  les  observe  sur 
les  excréments  fraîchement  rendus,  les  Oxyures  s’agitent  avec  une  très- 
grande  vivacité,  mais  leur  activité  décroît  au  fur  et  à  mesure  du  refroi¬ 
dissement;  il  est  donc  possible  que  ce  soit  à  la  chaleur  du  lit  qu’il  faille 
attribuer  leur  activité  vesprine. 

On  rencontre,  comme  je  viens  de  le  dire,  les  Oxyures  dans  la  partie 
tout  à  fait  terminale  du  tube  digestif;  il  est  très-douteux  qu’on  les  ait  ob¬ 
servés,  commeon  l’a  dit, dans  l’estomac  (Brera,  Franck);  à  l’état  erratique 
ils  ne  sont  malheureusement  pas  rares  dans  les  parties  avoisinant  l’anus, 
par  exemple  les  organes  génitaux  surtout  chez  les  petites  filles  et  le  prurit 
qu’ils  excitent,  peut  consécutivement  amener  de  fâcheuses  complications. 

Genre  FiLARtA.  — Vers  nématoïdes,  régulièrement  cylindriques,  à  bouche  inerme,  ayant 
les  valves  plus  saillantes;  extrémité  caudale  du  mâle  simple,  un  seul  pénis  suLterminal. 

Genre  éiabli  par  Millier  et  comprenant  une  soixantaine  d’espèces,  mais  bon  nombre  mal 
connues  ;  on  les  rencontre  chez  différents  Vertébrés,  quelques  Mollusques,  toujours  en 
dehors  du  tube  digestif. 

9.  Filaria  medinensis,  Gmelin  [Gordius  medinensis  Linné  ;  Dragon¬ 
neau,  Ver  de  Médine  ou  de  Guinée). —  Les  désordres  bizarres  et  apparents 
causés  par  ce  Nématoïde,  ne  pouvaient  manquer  d’attirer  sur  lui  l’atten¬ 
tion  et  il  en  est  fait  mention  d'après  Agatharchide  par  Plutarque,  mais 
l’éloignement  des  régions  où  ce 
ver  se  rencontre  a  été  cause  que 
pendant  longtemps  les  observa¬ 
tions  ont  été  mises  en  doute  jus¬ 
qu’à  ce  que  des  faits  parfaitement 
suivis,  même  dans  nos  climats, 
fussent  venus  en  confirmer  la  réa¬ 
lité. 

Sous  le  point  de  vue  anatomi¬ 
que,  la  connaissance  de  laFilana 
medinensis  laisse  beaucoup  à  dé¬ 
sirer,  on  ne  connaît  que  les  fe¬ 
melles  et  encore  à  un  état  de  dé¬ 
veloppement  trop  avancé  pour 
qu’on  en  ait  pu  examiner  l’orga¬ 
nisation.  Ce  qui  frappe  le  plus 
dans  cet  animal,  c’est  sa  longueur 
démesurée,  il  atteint  souvent  3  et  4  mètres,  sur  1  millimètre  de  large,  on 
en  a  observé  cependant  qui  n’avaient  que  50  centimètres,  ce  qui  donne 


Fig.  4ü. —  Coupé  en  travers  du  corps  de  la  Filaria 
medinensis  grossie  20  fois.  —  a,  a,  La  peau. — 

b,  b,  Masses  musculaires  longitudinales  formées 
de  fibres  aplaties,  longitudinales,  insérées  à  la 
peau  comme  des  feuilles  au  dos  d’un  livre.  — 

c,  c,  Deux  lames  musculaires  minces  offrant  une 
disposition  de  cellules  à  noyau  revêtant  les  té¬ 
guments  dans  l’intervalle  des  masses  muscu- 
iaires  longitudinales.  La  portion  des  téguments 
revêtue  par  cette  lame  apparaît  extérieurement 
comme  deux  lignes  larges  longitudinales  plus 
foncées.  (Davaike.) 


346 


ENTOZO  AIRES. 


NEMATOIDIÎA. 


toujours  pour  les  deux  dimensions  le  rapport  1  :  500  au  moins  ;  ce  ca¬ 
ractère  joint  au  siège,  ne  permet  pas  dans  la  pratique  de  le  méconnaître. 
La  couleur  est  Olanche  avec  deux  lignes  opposés  plus  transparentes,  ce  qui 
est  dû  à  la  disposition  des  fibres  musculaires  ;  celles-ci  (fig.  46)  forment 
deux  faisceaux  épais,  longitudinaux,  séparés  par  deux  coucïies  minces  de 
même  nature.  On  distingue  en  avant  une  bouche  simple  et  l’extrémité 
postérieure,  un  peu  atténuée  en  pointe,  est  légèrement  crochue.  La  peau 
et  les  couches  musculaires  circonscrivent  une  cavité  centrale  dans 


_  laquelle  on  n’observe  aucune  trace  d’organes  di¬ 

gestifs  ou  génitaux  et  qui  est  remplie  par  une  ma¬ 
tière  crémeuse,  blanchâtre,  exclusivement  formée 
de  jeunes  embryons  en  nombre  incalculable. 

Ceux-ci  (fig.  47)  ont  été  parfaitement  étudiés 
par  M.  Robin  (1854).  Ils  mesurent  0“““,75  à 
0““,76  de  long  sur  0"”“,01  de  large  ;  le  corps  fine¬ 
ment  strié,  est  atténué  antérieurement,  la  bouche 
présente  des  valves  à  peine  visibles,  l’anus  est 
suivi  d'un  prolongement  caudal  remarquablement 
aminci,  qui  fait  près  du  tiers  de  la  longueur  totale. 

La  Pilaire  de  Médine  se  rencontre  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané,  surtout  au  membre  infé¬ 
rieur;  d’après  un  relevé  de  172  cas  fait  par 
Grégor,  ce  vers  aurait  été  rencontré  124  fois  aux 
pieds,  53  fois  aux  jambes,  11  fois  à  la  cuisse, 

_  2  fois  au  scrotum,  2  fois  aux  mains.  On  Ta  d’ail- 

Fio.  47.  —  Füaria  medi-  leurs  observé  dans  beaucoup  d’autres  parties  du 
net^  (à  l’état  embryon-  corps,  mais  très-rarement.  C’est  dans  les  contrées 
rodt’^u^de^t^pt'^sMs  chaudes  exclusivement,  qu’il  se  rencontre  à  l’état 
doute  après  la  sortie  de  normal  ;  les  quelques  cas  observés  en  Europe  l’ont 
l’œuf.— B,  Individu  eten-  toujours  été  sur  des  individus  revenant  de  pays 
du.  —  a.  Portion  cepha- 

lique.  b,  Anus  situé  OU  il  est  endemique  ;  dans  ces  pays  meme,  il  pa- 
vers  le  point  de  réunion  paît  affectionner  Certaines  localités,  ainsi  dans  les 
caudal?^  portion  Bombay,  où  cette  affection  est  fré¬ 

quente  ,  les  habitants  de  l’île  de  Coulabah  qui 
n’en  est  qu’à  une  petite  distance,  n’en  sont  pas  atteints.  Un  autre  fait 
d’une  grande  importance  est  aussi  le  rapport  qui  paraît  exister  entre  le 
développement  épidémique  de  cette  maladie  et  certaines  circonstances 
climatériques.  Lors  de  l’expédition  envoyée  en  1820,  dans  leCordofan, 
par  Méhémet-Ali,  le  docteur  Maruchi  n’observa  aucun  cas  de  Pilaire  de 
Médine  pendant  les  deux  premières  années,  mais  la  troisième,  à  la  suite 
de  pluies  très-abondantes,  une  épidémie  si  violente  de  ces  animaux  se 
déclara  que  le  quart  des  soldats  en  était  atteint,  lui-même  en  fut  atta¬ 
qué  sur  vingt-huit  points  du  corps. 

De  ces  faits  il  est  permis  de  conclure  que  les  migrations  de  la  Pilaire  de 
Médine  doivent  être  fort  analogues  à  celles  des  Mermis  dont  j’ai  parlé 
dans  les  généralités.  (Voy.  p.  332.)  On  peut  conjecturer  que,  par  les 


ENTOZOAIRES.  —  hematoidea. 


347 


abcès  auxquels  donnent  lieu  les  femelles  adultes  logées  sous  la  peau,  les 
petits  embryons  qu’elles  contiennent  sont  expulsés  au  dehors  où  ils  con¬ 
tinuent  leur  développement  à  la  faveur  de  l’humidité  ;  les  expériences  de 
M.  Robin  ont  démontré  que  les  petites  Pilaires  possèdent  la  propriété  de 
réviviscence,  comme  les  rotifères,  les  tardigrades  et  tant  d'autres  animaux 
inférieurs  dont  la  liste  grossit  tous  les  jours,  c’est-à-dire  que  desséchés 
depuis  plusieurs  heures  et  même  plusieurs  jours,  ils  reprennent  toute 
leur  activité  dès  qu’ils  se  trouvent  de  nouveau  humectés.  Cette  observa¬ 
tion  fait  comprendre  l’importance  du  fait  j’apporté  par  le  docteur  Ma- 
ruchi.  Quant  à  la  voie  par  laquelle  pénètrent  ces  animaux,  d’après  le  lien 
d’élection  sur  les  membres  inférieurs  et  la  fréquence  d’autant  plus 
grande,  qu’on  se  rapproche  plus  des  extrémités,  on  peut  croire  que, 
comme  pour  les  Mermis,  la  pénétration  doit  se  faire  directement  au  tra¬ 
vers  de  la  peau  dans  laquelle  s’insinuent  les  embryons.  Certains  auteurs 
prétendent  cependant  que  l’infection  a  lieu  par  les  boissons,  mais  en  l’ab¬ 
sence  d’expériences  directes,  les  faits  parlent  moins  en  faveur  de  cette 
hypothèse  que  de  la  précédente.  Une  fois  dans  les  tissus,  le  développement 
de  l’animal  marche  sans  doute  avec  une  grande  lenteur,  c’est  ce  qu’on 
peut  croire  d’après  la  longueur  du  temps  qui  sépare  le  moment  où  l’in¬ 
fection  prohahle  a  eu  lieu  de  celui  où  la  maladie  est  confirmée  par 
les  symptômes  classiques,  c’est-à-dire  la  présence  du  ver  plein  d’em¬ 
bryons  sous  la  peau.  Ainsi,  il  est  bien  connu  des  médecins  militaires  des 
régions  équatoriales,  que  les  soldats  ne  sont  attaqués  de  la  Pilaire  que  deux 
ou  trois  ans  après  leur  séjour  dans  les  pays  chauds,  d’autres  observations 
faites  à  bord  d’un  navire  qui  avait  seulement  touché  dans  un  pays  où  cet 
helminthe  est  endémique  et  sur  lequel  on  n’a  vu  l’affection  éclater  dans 
l’équipage  qu’au  bout  de  plusieurs  mois  (8  mois  1/2,  peut-être  4  mois. 
Obs.  de  Paton)  viennent  à  l’appui  de  cette  idée.  (Davaine.) 

L’accouplement  des  Pilaires  a-t-il  lieu  à  l’extérieur  du  corps  pendant  la 
vie  errante  de  ces  animaux  dans  les  endroits  humides,  ou  bien  lorsqu’ils 
pénètrent  sous  la  peau?  C’est  ce  qu’il  est  impossible  de  décider,  la  com¬ 
paraison  avec  les  Mermis  est  en  faveur  de  la  première  hypothèse,  c’est 
évidemment  la  plus  vraisemblable.  Une  fois  arrivé  sous  la  peau,  l’animal 
continue  son  évolution.  Comme  chez  bon  nombre  d’autres  Némato'ides,  la 
production  des  petits  a  lieu  en  si  grand  nombre  qu’ils  atrophient,  font 
disparaître,  peut-être  dévorent,  les  organes  de  la  mère,  et  celle-ci  réduite 
à  ses  enveloppes  cutanées  n’est  plus  qu’une  sorte  de  Sac  contenant  les 
embryons,  c’est  sous  cette  forme  seulement  que  la  Pilaire  de  Médine  nous 
est  connue  à  l’état  adulte. 

En  général,  les  désordres  causés  par  ce  Nématoïde  sont  moins  graves 
qu’on  ne  pourrait  le  penser  :  la  plupart  des  individus  affectés  ne  paraissent 
en  souffrir  que  comme  d’une  incommodité  gênante,  et  la  mort  ne  sur¬ 
vient  que  chez  les  individus  déjà  affaiblis  par  des  maladies  antérieures. 
Lorsque,  dans  les  manœuvres  qui  ont  poûr  but  d’extraire  ce  ver  et  qui 
consistent,  après  en  avoir  saisi  un  fragment  par  une  incision  cutanée,  à 
l’enrouler  avec  précaution  autour  d’un  objet  cylindrique,  il  arrive  qu’on 


548 


ENTOZOAIRES.  —  kematoidea. 


rompt  le  corps,  le  fragment  qui  reste  se  retire  plus  profondément,  les  em¬ 
bryons  se  répandent  dans  les  tissus  et  il  en  résulte  des  phlegmons,  qui  peu¬ 
vent  ne  pas  être  sans  gravité,  mais  il  ne  faut  voir  là  que  les  effets  de  corps 
étrangers  dont  l’organisme  veut  se  débarrasser,  les  petites  Pilaires  causent 
peut-être  par  leurs  mouvements  quelque  irritation,  en  tout  cas  elles  sont 
certainement  incapables  de  subir  leur  évolution  à  cette  époque  et  n’ont 
jamais  produit  de  nouveau  l’infection,  ce  qui  confirme  les  vues  générale¬ 
ment  admises  sur  les  migrations  de  cet  helminthe. 

10.  Filaria  ocüia  homani.  —  Je  crois,  à  l’imitation  de  M.  Davaine,  devoir 
réunir  ici  sans  noms  spécifiques,  plusieurs  vers  bien  distincts  par  leur 
siège  au  point  de  vue  médical,  mais  qui  zoologiquement  sont  trop  mal 
connus  pour  être  différenciés  non-seulement  entre  euK,  mais  même  de 
l’espèce  précédente.  L’une  a  été  rencontrée  dans  le  cristallin  et  a  été  ap¬ 
pelée  par  Diesing  Filaria  lentis,  la  seconde  mieux  connue  surtout  depuis 
les  travaux  de  Guyon,  a  reçu  de  cet  auteur  le  nom  de  Filaire  sous-conjonc- 
tivale,  sous  toute  réserve  d’ailleurs,  les  détails  anatomiques  manquant, 
cet  auteur  est  porté  avec  assez  de  raison  à  regarder  cette  espèce  comme 
n’étant  qu’un  état  jeune  de  la  Filaire  de  Médine. 

La  Filaire  sous-conjonctivale  habite, comme  son  nom  l’indique,  dans  le 
tissu  cellulaire  qui  sépare  la  conjonctive  de  la  sclérotique;  la  transparence 
de  la  première  membrane  permet  d’étudier  ses  mouvements  et  de  la  voir, 
suivant  les  cas,  avancer  ou  reculer.  La  longueur  peut  être  assez  grande  et 
aller  jusqu’à  15  centimètres.  Ces  vers  sont  très-minces,  et,  en  l’absence 
de  détails  réellement  satisfaisants  sur  leur  structure  intime,  ce  caractère, 
joint  à  l’habitat,  engage  à  les  faire  rentrer  dans  le  genre  Filaria. 

Cet  helminthe  n’a  d’ailleurs  été  observé  jusqu’ici  que  dans  les  contrées 
où  la  Filaire  de  Médine  est  endérnique  ou  sur  des  personnes  venant  de 
ces  mêmes  contrées. 

Spiroptera  homikis  Rudolphi.  —  Si  je  fais  mention  de  cette  espèce 
déjà  indiquée  avec  doute  par  Rudolphi,  c’est  pour  exposer  les  raisons 
qui  doivent  définitivement  la  faire  rayer  du  catalogue  des  helminthes 
de  l’homme.  Ce  ver  fut  observé  par  Barnett,  à  Londres,  sur  une  jeune 
fille  de  vingt-quatre  ans,  qui  les  rendit  par  les  urines;  il  semble¬ 
rait  même,  d’après  l’observation,  qu’une  partie  au  moins  d’entre  eux 
(cette  femme  en  expulsa  plus  de  1,000)  furent  rendus  sous  les  yeux  du 
médecin  lui-même.  Trois  fioles  contenant  des  échantillons  furent  en¬ 
voyées  à  Rudolphi;  celui-ci  ne  reconnut  cependant  avec  certitude  des  vers 
intestinaux  que  dans  une  d’entre  elles,  les  autres  lui  parurent  contenir 
des  agrégats  fibro-albumineux  (concrementa  lymphatica) .  Dans  ces  der¬ 
nières  années,  Anton.  Schneider  (1865)  eut  l’occasion  d’examiner  ces  mê¬ 
mes  pièces;  les  vers  lui  ont  paru  devoir  être  rapportés  à  un  Nématoïde  que 
l’on  rencontre  fréquemment  enkysté  dans  différentes  parties  de  la  cavité 
viscérale  des  poissons,  la  Filaria  piscium  Rud.  Dans  un  des  autres  flacons 
se  trouvent  des  corps  arrondis  qu’on  peut  rapporter  avec  toute  certitude 
à  des  œufs  de  poissons;  enfin  le  troisième  renferme  des  filaments  allongés 
indéterminables.  Ces  vers  n’ayant  pas  été  rencontrés  depuis  l’observation 


ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 


349 


de  Barnett,  le  Spiroptera  hominis  doit,  très-probablement,  être  relégué 
avec  les  nombreux  cas  d’belminthiasis  simulés  par  lesquels  trop  souvent 
la  bonne  foi  des  médecins  a  été  surprise. 

Second  ordre.  —  Trematoda. 

Les  Trématodes  (Tpîip.a,  trou,  Trematoda  Rudolphi)  sont  des  Vers  apla¬ 
tis,  ordinairement  courts  (la  longueur  iTétant  le  plus  souvent  égale  qu’à 
cinq  ou  six  fois  la  largeur),  à  peau  nue,  sans  soies.,  ni  cils  vibratiles, 
non  distinctement  annelés,  pourvus  d’organes  d’adhérence  ou  ventouses 
eu  nombre  variable,  ayant  un  tube  digestif  à  une  seule  ouverture,  les 
sexes  réunis  (quelques  exceptions,  voy.  Gynæcophorus  hæmatobius).  Ce 
groupe  a  été  regardé  par  Rudolphi  comme  de  valeur  égale  à  celui  des 
Nématoïdes.  Aujourd’hui  beaucoup  d’auteurs  le  rapprochant  des  Hirudi- 
nées  et  des  Cestoïdes,  entre  lesquels  les  êtres  qui  y  rentrent  forment  une 
transition  très-naturelle,  les  réunissent  en  un  seul  grand  ordre  des  Co- 
tylidés.  (Van  Beneden.) 

Leur  aspect  extérieur  les  avait  fait  depuis  longtemps  distinguer,  mais 
c’est  seulement  dans  ces  dernières  années  que  les  travaux  de  Siebold, 
Blanchard,  Van  Beneden,  etc.,  ont  bien  fait  connaître  leur  organisa¬ 
tion  ,  beaucoup  plus  compliquée  qu’on  n’aurait  pu  le  supposer,  eu 
égard  à  la  dégradation  de  ces  animaux.  La  peau  est  excessivement 
mince,  réduite  à  une  fine  cuticule,  privée  de  soies  et  de  cils  vibratiles; 
ce  dernier  caractère  peut  servir  à  les  distinguer  des  Planaires,  avec 
lesquelles  ces  vers  ont  de  grands  rapports.  Sous  cette  cuticule  existe 
une  sorte  de  parenchyme  dans  lequel  se  trouve  superficiellement  des 
fibres  musculaires  difficiles  à  reconnaître,  et  dont  la  disposition  n’est  pas 
encore  parfaitement  connue.  Plus  profondément  on  voit  les  différents 
organes  digestifs  et  génitaux  plongés  dans  ce  même  parenchyme  sans 
qu’on  puisse  distinguer  de  vide  constituant  une  cavité  viscérale.  Il  existe 
parfois  à  la  surface  du  corps  des  appareils  à  fibres  musculaires  rayon¬ 
nantes  et  concentriques  qui  servent  d’organes  d’adhérence  en  agissant 
comme  ventouse;  la  Douve  du  foie  (fig.  52)  en  présente  une  sur  la 
partie  ventrale,  assez  près  de  l’extrémité  antérieure;  il  peut  y  en  avoir 
davantage,  comme  dans  le  Polystoma  integerrimum  Rud.  de  la  Grenouille 
rousse. 

Le  système  digestif  (fig.  48)  communique  avec  l’extérieur  par  un 
orifice  entouré  de  fibres  musculaires,  formant  la  ventouse  orale,  organe 
d’adhérence  comme  ceux  dont  je  viens  de  parler.  La  similitude  entre  ces 
appareils  est  telle,  que  les  anciens  anatomistes,  les  confondant,  avaient 
pris  chacun  d’eux  pour  une  véritable  bouche,  ou  tout  au  moins  les  regar¬ 
daient  comme  perforés  en  leur  centre,  d’où  les  noms  de  Monostomes,  de 
Distomes,  de  Tristomes,  de  Polystomes,  etc.,  qu’ils  ont  donnés  aux 
différents  genres  ;  cette  manière  de  voir  est  tout  à  fait  erronée  ;  la  ven¬ 
touse  orale  seule  est  réellement  ouverte.  On  peut  la  comparer  à  la  ventouse 
céphalique  des  Hirudinées,  tandis  que  les  autres  sont  assimilables  à  la  ven¬ 
touse  caudale  de  ces  dernières;  leur  emploi  pour  la  progression  çst  d’ailleurs 


350 


ENTOZO  AIRES.  —  trematoda. 


absolument  le  même.  La  bouche  conduit  dans  un  œsophage  tantôt  allongé, 
tantôt  globuleux,  et,  dans  ce  cas,  pourvu  de  fibres  musculaires  Irès- 


développées.  Le  tube  digestif 
se  divise  ensuite  en  deux  bran¬ 
ches  constituant  \' estomac, 
lesquelles  s’étendent  jusqu’à 
l’extrémité  postérieure,  où 
elles  se  terminent,  en  cul-de- 
sac;  ordinairement  ces  bran 
elles  stomacales  sontsimples; 
dans  la  Douve  du  foie,  par 
exception,  elles  sont  rarni- 
liécs, c’est-à-dire  que  les  deux 
grands  culs-de-sac  présen- 
lent  des  diverticulums  laté¬ 
raux  subdivisés  eux -mêmes 
(lig.  52). 

On  remarque  dans  toute 
l’ctenduedu  corps  un  système 
de  canaux  ramifiés  {i,  k,  h, 
d’abord  très-fins,  se  réunis¬ 
sant  ensuite  progressivement 
sur  des  troncs  plus  gros  à  la 
manière  d’un  réseau  vascu¬ 
laire.  Ces  vaisseaux,  pourvus 
intérieurement  de  distance  en 
distance  de  long  cils  vibrati- 
les  ou  fouets  vibratiles  qui 
favorisent  le  mouvement  du 
liquide,  sont  disposés  symé¬ 
triquement  de  clia  pie  côté 
du  corps,  et  le  dernier  gros 
tronc  {Kj  finit  par  se  rendre  à 


pUCer  la  figure).  —  e,  Cul-de-sae  terminal  de  l’esto-  l’extrémité  caudale  dans  une 


mac.  —  g,  Orifice  de  la  vésicule  pulsatile.  —  k.  Canal 
commun  sur  lequel  se  réunissent  les  canaux  ramifiés. 
—  i,  k,  l,  Système  des  canaux  ramifiés  (ceux  du  côté 
gauche  ont  été  enlevés).  —  m,  n,  Vitellogène.  —  O, 
Vitelloducte.  —  p,  Germigène  se  continuant  .dans  le 
Germiducte  pour  se  réunir  en  g  au  Vitelloducte.  — 


vésicule  pulsatile  animée  de 
mouvements  rhythmiques  ; 
cette  vésicule  communique 
avec  l’extérieur  à  la  partie 


r.  Poche  copulatrice. —  s,  Oviducte.  — t.  Utérus,  postérieure  du  COrpS  (g). 
—  «.Vagin. Testicules.— Kl,  Canaux  déférents,  m  .  .  „  été  rp- 

Vésicule  séminale.-*,  Pénis.  (D’après  VAN  appareil  a  ete  re- 

Beneden.)  gardé  par  les  uns  comme 

étant  l’analogue  du  système 
vasculaire  (Blanchard),  d’autres  y  voient  un  système  d’excrétion  (van 
Beneden),  il  est  possible  qu’il  cumule  ces  deux  fonctions  (Milne  Edwards). 
En  tout  cas  on  est  porté  à  le  regarder  comme  l’homologue  du  système 
des  vaisseaux  rouges  des  Hirudinées. 


351 


ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 

Mais  de  tous  les  appareils,  les  plus  complexes  sont  certainement  les 
appareils  de  la  reproduction  ;  ceux  de  l’un  et  de  l’autre  sexe  sont  réunis 
sur  le  même  individu,  mais,  étant  parfaitement  distincts,  ils  peuvent  être 
étudiés  isolément.  . 

L’appareil  mâle  se  compose  de  deux  testicules  en  forme  de  réservoirs 
arrondis  (r),  dans  lesquels  se  trouvent  des  spermatozoïdes  filiformes,  puis 
viennent  deux  canaux  déférents  (w)  se  dirigeant  d’arrière  en  avant  pour 
se  réunir  dans  une  vésicule  séminale  (æ,  y).  Celle-ci,  à  parois  souvent 
épaisses  et  musculeuses,  se  continue  en  un  tube  susceptible  de  se  retour¬ 
ner  en  doigt  de  gant  pour  constituer  le  pénis  (;j)  ;  sa  surface  interne 
qui,  par  conséquent,  devient  externe  au  moment  de  l’érection,  est  sou¬ 
vent  garnie  de  petites  épines,  organes  d’adhérence  lors  du  coït. 

Les  organes  femelles,  dans  leur  partie  profonde,  comprennent  un 
vilellogène  (m,  n)  formé  de  deux  masses  étendues  longitudinalement  de 
chaque  côté  du  corps,  réunies  par  une  communication  transversale,  vi- 
telloducte  (o),  ce  qui  donne  à  l’ensemble  assez  exactement  la  forme  d’un 
H;  on  trouve  ensuite  un  germiyène,  vésicule  arrondie  (p),  qui,  par  un 
court  canal  germiducte,  vient  se  réunir  sur  le  vitelloducte.  La  matière 
qui  remplit  le  vitcllogène  est  granuleuse,  opaque,  aussi  apparaît-elle  sur 
l’animal,  vu  par  transparence,  comme  une  masse  noire,  on  admet  qu’elle 
représente  le  vitellus  nutritif;  le  germigène,  qui  renferme  de  petites  cel¬ 
lules  nucléées,  donnerait  la  partie  germinative  de  l’œuf.  Après  leur  réu¬ 
nion,  les  organes  profonds  se  continuent  en  avant,  et  un  canal  oviducte 
(s),  qui  présente  très-près  de  son  origine  une  dilatation,  poche  copula- 
trice  (r),  où  est  déposé  le  sperme  lors  de  l’accouplement,  plus  loin  il 
s’élargit  considérablement,  surtout  à  l’époque  de  la  reproduction,  pour 
contenir  les  œufs  qui  s’y  accumulent  en  nombre  considérable,  on  lui 
donne  en  ce  point  le  nom  d'utérus  (t);  enfin  l’extrémité  de  ce  tube,  ou  le 
vagin  (u),  vient  s’ouvrir  à  l’extérieur,  très -près  et  en  arrière  de  l’orifice 
mâle. 

Voici  comment  on  interprète  le  rôle  physiologique  de  ces  différentes 
parties.  D’après  les  faits  positifs  que  l’on  a  pu  observer,  l’accouplement 
exige  le  concours  de  deux  individus  :  l’hermaphrodisme  n’est  donc  pas 
complet.  Il  paraît  prouvé  qu’au  moment  du  rapprochement  sexuel  il  y 
a  fécondation  réciproque  et  simultanée  et  l’on  a  admis  que  pour  l’intro¬ 
mission  des  pénis  dans  les  vulves,  les  deux  Trématodes  devaient  se  pla¬ 
cer  l’un  en  face  de  l’autre  en  position  renversée,  la  tête  de  l’un  dirigée 
vers  l’extrémité  caudale  de  l’autre,  c’est  ce  que  semble  indiquer  la  posi¬ 
tion  des  orifices  génitaux  ;  mais  d’après  les  faits  observés  sur  les  Sangsues, 
les  Planaires,  et  même  un  Trématode,  le  Diplozoon,  chez  lequel  l’accou¬ 
plement  est  en  quelque  sorte  permanent  par  suite  de  la  soudure  des  deux 
individus  qui  a  lieu  à  ce  moment,  il  est  plus  que  douteux  que  ce  fait,  si  lo¬ 
gique  en  apparence,  soit  cependant  exact.  En  même  temps,  dans  les  organes 
femelles,  l’ovule  formé  par  le  germigène  est,  au  sortir  du  germiducte,  en¬ 
touré  du  vitellus  nutritif  qu’apportent  les  vitelloductes,  c’est  à  ce  moment 
qu’a  lieu,  à  proprement  parler,  la  fécondation,  la  poche  copulatrice  ver- 


552  ENTOZO  AIRES.  —  trematoda. 

sant.  au  fur  et  à  mesure  du  passage  des  œufs,  le  sperme  qui  y  a  été 
déposé.  Plus  tard  se  forme  la  coque  fournie  par  les  parois  de  roviducte 
et  les  œufs  complets  s’accumulent  dans  l’utérus.  Ces  œufs  (fig.  55)  sont 
généralement  ovoïdes;  lors  de  la  maturité  il  se  sépare  chez  beaucoup  d’es¬ 
pèces  un  segment  de  la  coque  qui  se  soulève  comme  une  sorte  de  couvercle, 
laissant  une  ouverture  par  laquelle  se  fait  la  sortie  de  l’embryon  ;  on  peut 
effectuer  expérimentalement  cette  division  en  faisant  agir  sur  les  œufs  pris 
dans  l’utérus  différents  réactifs,  particulièrement  la  potasse  caustique. 

Le  développement  des  Trématodes  qu’on  rencontre  dans  l’espèce  hu¬ 
maine  ou  chez  les  animaux  voisins,  en  particulier  celui  de  la  Douve  du 
foie,  nous  est  fort  incomplètement  connu  ;  mais  pour  d’autres  espèces, 
comme,  par  exemple.  Distomes  de  quelques  oiseaux  d’eau,  Distoma  mi- 
lilare  du  canard,  les  migrations  et  les  transformations  ont  été  étudiées 
avec  grand  soin  et  fort  bien  décrites  dans  les  tra¬ 
vaux  de  Siebold  et  surtout  de  van  Beneden.  On  sait 
qu’au  sortir  de  l’œuf,  le  petit  embryon  affecte  la 
forme  d’un  petit  vers  (fig.  49)  (Redia  des  anciens 
auteurs  ;  Proscolex  van  Beneden)  qui  se  meut  dans 
l’eau  à  la  manière  des  infusoires  au  moyen  de  cils 
vibratiles  dont  son  corps  est  couvert.  Ces  êtres  se 
tiennent  habituellement  à  la  surface  de  la  peau  de 
certains  mollusques  aquatiques,  lymnées  oii  pla- 
norbes.  Bientôt  apparaît  dans  leur  intérieur  un  corps 
d’abord  arrondi,  puis  ovoïde,  enfin  prenant  la  forme 
d’une  masse  allongée  terminée  par  trois  prolonge¬ 
ments  dont  un  médian  plus  développé  rappelle  une 
queue,  tandis  que  les  latéraux  très-courts  semblent 
être  des  sortes  de  membres  avortés;  cet  animalcule  a 
^'iâ  ^Fas~  indépendants  de  l’embryon  cilié  qui 

(D’aprèriEucKAM^^^  lui  a  donné  naissance  par  bourgennement  et  dans  le¬ 
quel  il  est  contenu  ;  il  devient  libre  après  la  mort  et 
la  destruction  du  proscolex  et  nage,  au  moyen  de  son  prolongement  cau¬ 
dal  ,  pour  venir  se  placer  dans  les  organes  respiratoires  des  lymnées 
sur  leurs  branchies.  Ce  nouvel  individu ,  auquel  on  a  donné  le  nom 
de  Sporocyste  et  qu’on  désigne  plus  ordinairement  aujourd’hui  sous  le 
nom  de  Scolex,  présente  à  son  entier  développement  un  enfoncement 
en  cul-de-sac  qui  représente  un  tube  digestif  rudimentaire.  Plus  tard 
(fig.  50)  des  modifications,  analogues  à  celles  dont  l’embryon  cilié 
a  été  le  théâtre,  se  produisent  dans  la  cavité  viscérale  ;  on  y  voit  ap¬ 
paraître  plusieurs  corps  qui,  en  se  transformant ,  donnent  de  petits 
animaux  connus  depuis  longtemps  sous  le  nom  de  Cercaires  (fig.  51), 
composés  d’une  partie  renflée  et  d’une  queue,  ce  qui  leur  donne  une 
certaine  ressemblance  avec  les  têtards  de  grenouille.  Ces  Cercaires  sortent 
également  du  Scolex,  comme  celui-ci  était  sorti  de  l’embryon  cilié, 
percent  les  téguments  des  lymnées  et  vont  se  loger  dans  la  profondeur 
de  leurs  organes  où  ils  s’enkystent  après  avoir  perdu  leur  appendice 


ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 


355 


caudal  désormais  inutile.  Ils  sont  alors  pourvus  d’une  ventouse  orale, 
conduisant  dans  un  tube  digestif  à  deux  branches,  d’une  ventouse  ven¬ 
trale  et  d’un  système  de  vaisseaux  ramifiés, 
en  un  mot,  ressemblent  absolument  à  de 
véritables  Distomes  moins  les  organes  géni¬ 
taux.  Mais  si  les  Lyrnnées  viennent  à  être 
ingérées  par  les  Canards,  les  cercaires  en¬ 
kystés  devenant  libres  sous  l’action  des  sucs 
digestifs,  achèvent  dans  l’intestin  de  ceux-ci 
leur  développement  et  reproduisent  l’indi¬ 
vidu  primitif.  Dès  lors  le  cycle  recommence  : 
ces  Distomes  donnent  des  œufs  d’où  sortent 
des  proscolcx  produisant  par  gemmation  un 
scolex  d’où  sortent,  par  le  même  procédé, 
les  cercaires  se  métamorphosant  en  Distomes. 

Ces  deux  derniers  états,  qui  n’en  font  qu’un 
puisqu’il  s’agit  d’un  seul  et  même  individu, 
sont  réunis  sous  le  nom  commun  de  pro- 
glottis,  habituellement  employé  pour  indi¬ 
quer  l’état  sexué  dans  ces  générations  com¬ 
pliquées,  dites  généralions  alternantes,  où 
l’on  rencontre  successivement  et  alternati-' 
vement  des  reproductions  asexuées  (pro-  Fig.  ûo.  —  Spo  o- l  ie.  5i.  — Cer- 
scolex  donnant  le  scolex  et  celui-ci  les  pro-  cysie  du/;„«o...a  ca..edj  j)ts- 

,  .  ,  .  eckinatum,  mon-  toma  relu-- 

glollis)  et  de  reproduction  sexuee  (proglottis  trant  les  cercaires  su/K.(D’après 
reproduisant  le  proscolex) .  contenus  dans  son  vasBe.>iedek.) 

En  éliminant  les  espèces  trop  douteuses,  vA^BESEDL^f^** 
les  Trématodes  de  l’homme  se  répartissent  en 

quatre  genres  dont  le  tableau  suivant  indique  les  caractères  principaux  : 

I1ramiGés.  Fasciola  Linné,  char,  emend. 

1.  F.  liepatwa  Linné, 
simples.  Distoma  Betzius. 

2.  D.  lanceolatum  Mehlis. 

S.  B.  helerophyes  Siebold. 

4.  Z).  ociiZt  Aumani  Gesclieidt? 

dioïques.  . . Gïnaîcoi'boeds  Diesins;. 

5.  G.  lueniatobius  Bilharz  .'p. 

n’ayant  que  la  ventouse  orale.  . . Festucaria  SchranU. 

6.  F.  Zentis  Kordniaim  spl? 

Genre  Fasciola.  —  Vers  trématodes,  munis  d’une  ventouse  orale  et  d  une  seule  ven¬ 
touse  ventrale,  ayant  le  tube  digestif  à  ramifications  multiples,  les  sexes  réunis  sur  un 
même  individu. 

Genre  établi  en  1767  par  Linné,  et  qui  comprenait,  non-seulement  presque  tous  les  Tré¬ 
matodes  alors  connus,  mais  encore  les  Planaires  et  autres  animaux  voisins;  caractérisé 
comme  il  vient  de  l’être,  il  ne  renferme  plus  qu’une  seule  espèce. 

1.  Fasciola  hepatica,  Linné  {Distoma  hepaticum,  Abildgaard;  Douve  du 
foie,  Douve  hépatique).  — C’est  le  ïrématode  le  plus  connu  et  le  plus 
fréquent  de  tous  chez  l’homme,  bien  qu’il  y  soit  cependant  rare.  Décrit 

KODV.  DlCT.  MÉD.  ET  CHIR.  ',XIU.  —  27 


554 


ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 


par  Linné,  Müller,  etc.,  sous  le  nom  de  Fasciola  hepatica,  il  fut  ensuite 
désigné  sous  celui  de  Distoma  hepaticum.  Suivant 
la  remarque  d’Émile  Blanchard,  il  est  convenable 
de  lui  re.stituer  son  nom  primitif  en  réservant  celui 
de  Distoma  pour  les  Trématodes  qui  ont  les  bran¬ 
ches  du  tube  digestif  simple. 

Ce  vers  (fig.  52)  est  long  de  20  à  30  millimètres, 
large  de  4  à  13  millimètres,  aplati,  sa  plus  grande 
épaisseur  n’atteignant  pas  plus  de  1  millimètre  à 
1™“,5  ;  la  forme  est  ovale  lancéolée,  très-variable 
d’ailleurs,  l’animal  étant  contractile  dans  toutes  ses 
parties.  Les  deux  ventouses  sont  très-rapprochées, 
la  distance  qui  les  sépare  atteint  à  peine  2  milli¬ 
mètres,  la  ventouse  ventrale  est  large  de  l‘““,5  ; 
l'autre  n’a  que  1  millimètre  environ.  Le  seul  ca¬ 
ractère  anatomique  que  je  croie  devoir  rappeler 
Fig.  52.  —  Fasciola  he-  ici  est  la  disposition  ramifiée  du  tube  digestif  sur 
Bene^  • laquelle  est  basée  la  distinction  générique  déjà 
mentionnée.  Ce  caractère  s’observe  avec  la  plus 
grande  facilité  sur  l’animal  frais  en  le  comprimant  entre  deux  lames  de 
verre  et  le  regardant  au  jour  par  transparence  ;  on  voit  alors  l’intestin 
apparaître  en  noir  pu  opaque  sur  le  reste  du  tissu,  attendu  qu’il  est 
presque  toujours  rempli  par  la  hile  dont  se  nourrit  cet  être. 

Les  œufs  (fig.  53),  longs  de  0““,i3  sur  0““,09,  se  trouvent  assez  fré¬ 
quemment  dans  les  selles  des  animaux  atteints 
de  cachexie  aqueuse;  ils  sont  jaunâtres,  demi- 
transparenls,  operculés. 

Le  développement  et  les  migrations  proba¬ 
bles  de  ce  vers  nous  sont  malheureusement 
Fig.  55.  —  Œuf  de  hi  Fasciola  inconnus.  M.  Leuckart  a  figuré  l’embryon  cilié 
Iwpatica  grossi  tO?  fois  el  Jg  proscolex  (fig.  49). 

traite  par  la  potasse  caustique  *  ° 

pour  en  séparer  l’opercule.  Ce  vers  se  rencontre,  mais  exceptionnelle- 
(D’après  Davaike.)  ment,  dans  les  voies  biliaires  de  l’homme  ;  par 

contre,  il  est  commun  chez  certains  Ruminants, 
tels  que  le  Bœuf  et  le  Mouton,  chez  lesquels  il  détermine,  croit-on,  la 
cachexie  aqueuse.  Celte  affection  frappe  d’une  façon  épidémique  certains 
troupeaux  qui  paissent  dans  des  endroits  humides  et  marécageux  ;  en  se 
rappelant  ce  qu’on  connaît  des  migrations  des  Distomes  du  Canard,  il  est 
difficile  de  ne  pas  voir  là  une  véritable  relation  de  cause  à  effet. 

Genre  Distoma.  ■ —  Vers  trématodes,  munis  d’une  ventouse  orale  et  d’une  seule  ven¬ 
touse  ventrale,  ayant  le  tube  digestif  à  deux  cEecums  simples,  les  sexes  réunis  sur  un 
même  individu. 

Genre  établi  en  t78fi  par  Retzius  pour  les  Fasciola  de  Linné  habitant  en  parasites  les 
animaux  et  pourvus  de  deux  ventouses  ;  il  comprend  encore  plus  de  deux  cents  espèces 
qu’on  rencontre  dans  différents  organes,  mais  surtout  dans  le  tube  digestif  et  ses  annexes, 
chez  beaucoup  de  Vertébrés. 


ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 


555 

2.  Distoma  lahceolatum,  Mehlis  (Fasciola  lanceolata,  Rudolphi).  —  Ce 
ver  est  connu  depuis  longtemps  sans  doute,  mais  avait  été  confondu  avec 
la  Douve  hépatique  dont,  suivant  les  auteurs,  il  aurait  représenté  l’état 
jeune.  Cette  opinion  ne  peut  guère  être  admise,  la  présence  d’organes  gé¬ 
nitaux  parfaitement  développés  doit,  jusqu’à  nouvel  ordre,  le  faire  re¬ 
garder  comme  adulte. 

Il(fig.  54)  est  long  de  4“““,5  à  9  millimètres, large  de  2  à  3  millimètres, 
aplati,  renflé  d’avant  en  arrière,  sa  plus  grande  largeur  répondant  envi 
ron  à  la  réunion  des  quatre  cinquièmes  an¬ 
térieurs  au  cinquième  postérieur,  la  cou¬ 
leur  est  blanche,  maculée  de  taches  brunes 
lorsque  les  œufs  développés  remplissent  l’u¬ 
térus;  la  peau  est  lisse.  Les  ventouses  orale 
et  ventrale  sont  à  peu  près  d’égal  diamètre, 
mesurant  environ  0““‘,5.  L’intestin  avec  deux 
cæcums  stomacaux  simples  (  caractère  du 
genre),  présente  un  bulbe  œsophagien  mus¬ 
culeux  et  un  œsophage  cylindrique  bien  vi¬ 
sible.  Les  deux  orifices  génitaux  sont  placés 

Kig.  55.  —  (Euf  lie  Üisluma  lanceulalum.  — 
a.  Grossi  107  lois.  —  b,  Grossi  340  fuis.  — 
c,  Traité  par  la  potasse  caustique  qui  rend  la  sé 
paration  de  l’opercule  plus  facile.  (D’après  Da- 

un  peu  en  arrière  de  la  bifurcation  de  l’œsophage,  par  conséquent  entre 
les  deux  ventouses  et  très-rapprochés  l’un  de  l’autre. 

Dans  cette  espèce  les  œufs  (fig.  55)  ont  le  plus  grand  rapport  pour  la 
forme  et  l’aspect  avec  ceux  de  la  Douve  hépatique,  mais  sont  notable¬ 
ment  plus  petits  puisqu’ils  ne  mesurent  que  0““,04  sur  0““,02. 

Ce  vers  habite  les  mêmes  organes  chez  les  mêmes  animaux  que  la 
Fasciola  hepatica,  ce  qui  peut  expliquer  le  rapprochement  qu’on  avait 
fait  des  deux  espèces.  Nous  n’en  connaissons  pas  les  migrations  ni  les 
métamorphoses. 

3.  Distoma  heterophyes,  de  Siebold.  —  Le  Distome  héterophie  n’a  en¬ 
core  été  observé  que  deux  fois  en  Égypte  par  M.  Bilharz. 

C’est  un  petit  ver  ovale,  aplati,  long  de  1  millimètre  à  1““,5,  de  moitié 
moins  large,  blanchâtre,  couvert  de  petites  épines  dirigées  en  arrière.  La 
ventouse  buccale  est  petite,  la  ventrale,  située  un  peu  en  avant  de  la 
moitié  du  corps  est  douze  fois  plus  grande.  Le  pénis,  placé  en  arrière  de 
cette  dernière,  présente  une  gaine  épineuse;  les  œufs  ont  une  coque  rouge. 


356  ENTOZOAIRES.  —  trematoda. 

Le  Distome  hétérophye  a  été  trouvé  eu  très-grand  nombre  dans  l’intes¬ 
tin  grêle  d’un  enfant. 

4.  Distoma  oculi  hümani,  Gescheidt  {Distoma  ophthalmobium,  Diesing. 

—  Cet  entozoaire  est  du  nombre  de  ceux  que  leur  rareté  rend  plutôt  cu¬ 
rieux  qu’utiles  à  connaître,  il  a  été  observé  et  décrit  par  Gescheidt  et  Am- 
mon  sous  le  nom  de  Distoma  oculi  humani. 

Il  est  ovale,  lancéolé,  déprimé,  contractile;  sa  longueur  varie  de  0”“,5 
à  I  millimètre,  la  largeur  étant  de  0'““‘,3  ;  la  ventouse  veptrale,  plus 
grande  d’un  tiers  que  la  ventouse  orale  est  sub-centrale  avec  une  ouverture 
circulaire  (?). 

Il  a  été  trouvé  à  Dresde  sous  la  capsule  du  cristallin  d’un  enfant  de 
cinq  ans,  affecté  de  cataracte  congéniale,  il  en  existait  quatre  individus. 
L’absence  de  détails  anatomiques  peut  faire  penser  qu’il  s’agit  là  d’un 
Trématode  erratique  observé  dans  des  conditions  anormales;  suivant  l’u¬ 
sage  admis  dans  la  nomenclature  helminthologique  le  nom  spécifique 
proposé  par  Diesing  doit  être  provisoirement  rejeté  jusqu’à  ce  que  de 
nouvelles  recherches  viennent  nous  apprendre  ce  qu’on  doit  penser  de  ce 
parasite. 

Genre  Gïnæcophorus.  —  Vers  trématddes,  munis  d’une  ventouse  orale  et  d’une  seule 
ventouse  ventrale,  tube  digestif  avec  un  seul  cæcum  simple  en  arrière,  résultant  de  la  fu¬ 
sion  des  deux  branches  de  l’oesophage  ;  sexes  séparés. 

Genre  établi  en  1858  par  Diesing,  il  ne  comprend  encore  qu’une  seule  espèce. 

5.  Gïnæcophorus  hæmatobius,  Diesing  {Distoma  liæmatobium,  Bilharz; 
Schistosoma  hæmatobium,  Weinland  ;  Thecosoma  hæmatobium,  Moquin). 

—  C’est  l’un  des  Trématodes  les  plus  singuliers  au  double  point  de  vue  de 
son  habitat  et  des  particularités  anatomiques  qu’il  présente.  11  a  été  dé¬ 
couvert  en  1 851 ,  par  Bilharz  qui  le  fit  entrer  dans  le  genre  Distome. 
Weinland  pensa  avec  raison  qu’il  était  plus  convenable  de  l’en  séparer  et 
proposa  le  nom  de  Schistosoma,  malheureusement  déjà  employé  par 
Geoffroy  Saint -Hilaire  dans  sa  tératologie;  Moquin-Tandon  y  a  substitué 
le  nom  de  Thecosoma  (1862),  mais  précédemment  Diesing  avait  institué 
pour  cette  espèce  le  genre  Gynæcophorus,  cette  dernière  dénomination 
doit  donc  être  préférée. 

Par  exception  à  ce  que  l’on  connaît  pour  la  généralité  des  Trématodes, 
les  sexes,  chez  cet  animal,  sont  séparés,  et  l’apparence  du  mâle  très- 
différente  de  celle  de  la  femelle  (fig.  56).  Le  premier,  de  couleur 
blanchâtre,  est  allongé,  arrondi  en  avant  du  côté  dorsal,  un  peu  aplati 
sur  le  ventre,  en  ce  point  la  peau  est  lisse;  en  arrière  au  contraire  il 
est  très-élargi,  très-peu  épais  et  couvert,  sur  le  côté  dorsal,  de  papilles 
pilifères  (?),  la  longueur  est  de  7  à  9  millimètres;  la  partie  antérieure 
équivaut  à  environ  le  huitième  ou  le  neuvième  de  la  longueur  totale.  La 
partie  postérieure  large  et  plate  se  recourbe,  du  côté  ventral,  de  manière 
à  former  une  gouttière,  canal  gynécophore,  lisse  à  sa  partie  moyenne, 
hérissé  d’épines  très-petites  sur  les  côtés.  Les  ventouses  sont  d’égales 
dimeusions,  la  buccale  triangulaire,  la  ventrale  arromlie,  située  vers  la 


ENTOZOÂIRES.  —  trematoda. 


357 


limite  des  portions  antérieure  et  postérieure;  toutes  deux  couvertes  de 
granules  serrés  et  très-petits.  Le  tube  digestif  présente  une  disposition 

exceptionnelle;  après  s’être  divisé  comme  _ 

d’habitude  en  deux  branches  en  avant  de  la 
ventouse  ventrale,  il  se  réunit  de  nouveau 
derrière  elle  en  un  seul  conduit  terminé  en 
cul-de-sac  postérieurement. 

La  forme  de  la  femelle  est  plus  simple 
que  celle  du  mâle;  elle  est  mince  et  grêle, 
ruhannée,  très-atténuée  en  avant  ;  la  dispo¬ 
sition  des  ventouses  et  du  tube  digestif  est 
la  même  que  dans  l’autre  sexe.  L’orifice 
sexuel  est  placé  juste  en  arrière  de  la  ven¬ 
touse  ventrale;  les  œuls  sont  ovales,  pro¬ 
longés  en  pointe  d’un  côté. 

Il  serait  à  désirer  qu’on  pût  avoir  sur  l’a¬ 
natomie  des  organes  génitaux  de  ce  vers, 
des  détails  plus  complets.  Moquin-Tandon 

a  émis  l’idée  que  l’on  avait  confondu  les  _ 

sexes  et  que  le  plus  grand  des  deux  in-  Img  üG.—Gynœcopkorus  kcmiato- 
dividus  devait  être  la  femelle ,  portant  le  ~  individus  ;  mâle 

male  dans  sa  gouttière  ventrale;  la  dos-  —  a,  Partie  antérieure  de  la  le- 
cription  des  œufs,  si  exactement  donnée,  melle.  —  ÿ,  u.  Sa  partie  posté- 
ne  permet  guère  d’admettre  cette  hypo-  st%Trne‘ 

thèse.  placée,  comme  à  l’état  normal,  dans 

Ce  ver  n’a  été  jusqu’ici  observé  qu’en  le  canal  gynécophore. —e,/',  Ca¬ 
ri  ,  •  nal  gynécophore  à  la  partie  ven- 

Egypte;  il  n  y  est  pas  rare,  puisque  sur  jrale  <iu  nfâie.  -  h%,  Sesli- 
363  autop'sies,  Griesinger  l’a  trouvé  '117  fois.  mites  antérieures  et  postérieures. 
On  le  rencontre  surtout  dans  les  veines  hé-  ^7  “ 

patiques  et  leurs  conduits,  mais  aussi  dans 

le  tronc  et  les  ramifications  des  autres  veines  abdominales,  celles  des 
parois  de  la  vessie  en  particulier.  Dans  ce  dernier  cas,  et  en  général 
lorsque  les  animaux  ou  les  œufs ,  obstruent  les  vaisseaux  d’un  petit 
volume,  leur  présence  peut  occasionner  des  désordres  variés. 


Genre  Festdcaeia. —  Vers  trématodes,  n’ayant  qu’une  ventouse  orale;  tube  digestif  à 
deux  cæcums  simples,  les  sexes  réunis  sur  un  même  individu. 

Genre  établi  en  1788  par  Schrank,  mais  qui  a  plus  ordinairement  été  désigné  sous  le 
nom  de  Monostoma,  créé  plus  tard  par  Zeder,  suivant  les  lois  de  la  nomenclature,  cette 
dernière  dénomination  doit,  comme  l’a  fait  remarquer  Moquin-Tandon,  être  abandonnée. 
Les  espèces  qu’il  renferme  sont  assez  nombreuses,  une  quarantaine  peut-être,  et  se  trou¬ 
vent  chez  beaucoup  de  Vertébrés  dans  différents  organes,  mais  surtout  dans  le  tube  di¬ 
gestif  et  ses  annexes. 

6.  Festdcaria  lentis,  Moquin  [Monostoma  lentis,  Nordmann).  — 
Ce  ver  doit  encore  être  rangé  avec  ceux  qui  ont  été  trop  peu  observés 
pour  être  admis  sans  quelque  réserve.  C’est  un  petit  Trématode  long 
d’environ  0““,2,  observé  par  Nordmann,  en  1 832,  dans  le  cristallin  d’une 


358 


ENTOZOAIRES.  —  cestotdea. 


femme  âgée,  atteinte  de  cataracte  commençante;  il  en  existait  huit  indi¬ 
vidus.  Cet  helminthe  n’a  pas  depuis  été  rencontré  de  .nouveau;  il  est 
probable  qu’il  s’agit  là  de  quelque  entozoaire  erratique  à  rapprocher  du 
Bistoma  bcùli  humàni  sous  ce  rapport. 

,  Troisième  ordre.  —  Cestoidea. 

Les  Vers  éestoidès  {•/.te-zoz,  ceinture,  Lumhrici  lati  des  anciens  auteurs; 
Vers  plats, "Vers  rubahnés  des  auteurs  modernes),  ont,  au  point  de  vue 
médical,  une  importance  au  moins  égale  à  celle  des  Nématoïdes,  et  si 
à  l’état  parfait  ils  constituent  souvent  une  incommodité  plutôt  qu’une 
maladie  grave,  à  l’état  de  larve  ils  peuvent  devenir  la  cause  d’accidents 
redoutables^  '  ■ 

Ce  sont  des  anîmaiix  d’une  apparence  singulière,  et,  comme  ils  ne 
sont  pas  ‘rares,  ils  ont  frappé  de  tous  temps  l’attention  des  observateurs, 
c’est  ce  que  témoignent  les  écrits  d’Aristote.  Pour  en  faire  l’histoire  je 
prendrai  pour  type ‘Celui  qu’on  rencontre  le  plus  habituellement  chez 
l’homme  en  France,,  Je  Tænia  solium,  pour  l’étudier  tel  qu’il  se  pré¬ 
senté  à  robseryaticn,du  médecin,  lorsqu’il  est  évacué  en  entier  par  les 
malades,  le  considérant  comme  un  animal  unique;  en  analysant  ses  mi¬ 
grations  et  sou  développement,  on  verra  plus  loin  ce  qu’il  faut  penser 
de  cette  manière  de  voir,  la  seule  admise  pendant  longtemps,  mais  que 
la  plupart  des  zoologistes  abandonnent  aujourd’hui. 

Dans  son  ensemble,  le  ver  solitaire  se  présente  sous  la  forme  d’une 
sorte  de  long  ruban  (fig.  67),  large  en  arrière,  très-atténué  antérieure¬ 
ment,  se  renflant  en  un  petit  bouton  terminal,  auquel  on  donne  le  nom 
de  tête,  là  partagé  en  anneaux  dans  la  portion  élargie  ou  corps.  Entre  la 
tête  et  le  corps  se  trouve  une  partie  qui  se  fond  insensiblement  avec  ce 
dernier,  mais  où  les  anneaux  ne  sont  pas  distincts,  on  la  désigne  sous 
le  nom  de  cou. 

La  tête  (fig.  66,  A)  présente  des  caractères  très-fra|)pants.  Elle  a  la  forme 
d’une  sorte  d’octaèdre  régulier,  arrondi  sur  les  arêtes  et  antérieurement, 
se  continuant  en  arrière  par  le  cou.  Aux  quatre  angles  latéraux  existent 
quatre  ventouses  à  fibres  musculaires,  les  unes  concentriques,  les  autres 
rayonnantes;  elles  sont  comparables  pour  l’aspect  à  la  ventouse  ventrale 
des  Distomes  et  sont  également  imperforées.  La  partie  antérieure  porte 
le  nom  de  trompe  ou  proboscide,  c’est  une  sorte  de  mamelon  hémisphé¬ 
rique  susceptible  de  faire  saillie  plus  ou  moins  suivant  le  besoin  de 
l’animal,  à  sa  base  se  trouve  une  double  couronne  de  crochets,  les  uns 
extérieurs  plus  grands,  les  autres  plus  petits,  plus  intérieurs  (fig.  66,  B). 
On  distingue  dans  ces  crochets  trois  parties,  l’une  obtuse  à  son  extrémité 
libre,  le  manche,  l'autre  aiguë,  la  lame,  et  enfin,  au  point  de  réunion  de 
toutes  deux,  une  espèce  de  talon,  d’apophyse,  appelée  garde.  Le  manche 
et-  la  garde  sont  plongés  dans  le  tissu  de  la  trompe,  en  rapport  sans 
doute  avec  des  fibres  musculaires  qui ,  en  agissant  sur  elle,  meuvent  en 
différents  sens  la  lame,  laquelle  est  libre  à  l’extérieur. 

Le  cou  est  plus  ou  moins  allongé,  lisse  antérieurement,  présentant  à  la 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


359 


partie  postérieure  des  rides  transversales  d’abord  légères,  mais  s’accen¬ 
tuant  de  plus  en  plus  pour  donner  naissance  aux  anneaux  ou  article»,  de 
sorte  que  la  limite  postérieure  de  cette  partie  est  tout  à  fait  arbitraire, 
comme  je  l’ai  déjà  fait  remarquer  plus  haut.  On  observe  dans  le  cou 
quatre  canaux  transparents  longitudinaux  qui  se  prolongent  en  arrière 
dans  le  reste  de  la  longueur  du  corps,  où  il  sont  souvent  réduits  à  deux; 
ces  canaux  latéraux,  d’abord  considérés  par  Émile  Blanchard  comme 
représentant  le  tube  digestif,  sont  aujourd’hui  assimilés .  aux  vaisseaux 
ramifiés  des  Trématodes  par  tous  les  anatomistes. 

La  forme  et  la  constitution  (fig.  67)  des  anneaux  varient  beaucoup  sui¬ 
vant  qu’ils  occupent  les  régions  antérieures  ou  postérieures  de  la  chaîne  ;  en 
avant  ils  sont  très-larges  proportionnellement  à  leur  longueur,  plus  loin 
les  deux  dimensions  tendent  à  devenir  égales,  enfin  en  arrière  le  rap¬ 
port  est  tout  à  fait  changé,  la  longueur  étant  presque  double  de  la 
largeur.  Ces  modifications  dépendent  du  développement  des  articles,  qui 
sont  beaucoup  plus  petits  en  avant  qu’au  milieu  et  en  arrière,  et  sont 
aussi  en  corrélation  avec  l’évolution  des  organes.  Bien  que  dès  la  partie 
moyenne  les  articulations  soient  nettement  accusées,  cependant  on 
observe  que  les  anneaux  sont  d’autant  plus  faiblement  unis  entre  eux 
qu’ils  sont  plus  postérieurs  ;  tout  à  fait  en  arrière ,  ils  se  séparent  même 
spontanément  les  uns  des  autres.  Ce  sont  eux  qui  sont  évacués  par  les 
malades  et  qu’on  a  désignés  sous  le  nom  de  cucurbitains,  de  leur  res¬ 
semblance  avec  des  grains  de  courge.  Ces  anneaux  sont  formés  d’une 
enveloppe,  cuticule,  renfermant  un  parenchyme  parsemé  de  granula¬ 
tion  de  nature  calcaire,  et  contenant  aussi  dés  fibres  contractiles  diver¬ 
sement  dirigées.  On  remarque  sur  chacun  d’eux,  sur  l'un  des  bords, 
une  cupule  à  bords  saillants  là  où  aboutissent  les  orifices  des  organes 
reproducteurs ,  organes  très-importants*  qui  remplissent  à  peu  près  fout 
l’anneau. 

Ceux-ci  sont  mâles  et  femelles  dans  le  même  article  et  offrent,  avec  ce 
qu’on  connaît  chez  les  Trématodes,  des  rapports  très-frappants,  que  les 
deux  figures  schématiques,  empruntées  aux  travaux  de  van  Beneden, 
peuvent  faire  ressortir  (fig.  48  et  57).  Lés  organes  mâles  sont  consti- 
luées  par  une  multitude  de  testicules  globuleux  (a),  répandus  en  très- 
grand  nombre  dans  tout  l’anneau  vers  sa  partie  superficielle  ;  les  ca¬ 
naux  efférents  de  ces  glandes  (b),  se  joignent  les  uns  aux  autres  et 
se  réunissent  en  définit’ve  dans  un  canal  déférent  [c]  qui,  après  avoir 
présenté  souvent  une  dilatation,  ttesicu/e  séminale,  dans  laquelle  le  sperme 
s’accumule,  aboutit  à  un  organe  de  copulation  on  pénis  (d),  susceptible 
de  sortir  ou  de_  s’invaginer  sur  lui-même  à  la  volonté  de  l’animal,  dans 
la  bourse  du  pénis  (e). 

L’appareil  femelle,  plus  compliqué  comme  chez  les  vers  de  l’ordre  pré¬ 
cédent,  se  compose  d’une  première  glande  dans  laquelle  se  produisent  les 
vitellus  germinatifs,  ou  les  ovules  {t),  c’est  le  germigène  (i),  d’uiie  seconde, 
ou  plutôt  de  deux,  car  cet  organe  est  pair,  les  vitellogènes  (o),  placées  sur 
les  côtés  de  l’anneau;  toutes  ces  glandes  sont  pourvues  de  canaux  excré- 


ENTOZOÂIRES.  —  cestoibea. 


teur^,  le  germiducte  (l),  pour  la  première,  les  vitelloductes  {n),  pour  les 
secondes,  qui  se  réunissent  en  un  canal  commun  (m).  Ce  dernier  se 
continue  en  un  long  tube,  le  vagm  {g),  qui  débouche  à  l’extérieur  dans 
la  cupule  génitale,  très-près 
du  pénis,  par  V ouverture  vul¬ 
vaire  (f),  vers  son  origine  pro¬ 
fonde;  il  présente  deux  diver- 
ticulums,  l  un  simple,  où  est 
déposé  le  sperme  après  la  co¬ 
pulation,  poc/ie  copulatrice  (h) , 
l’autre  composé  d’un  canal 
vecteur,  oviducte  (p),  et  d’un 
réservoir,  utérus  (q),  dans  le¬ 
quel  s’accumulent  les  œufs. 

Il  est  essentiel  de  remarquer 
que  cette  description  n’est  pas 
absolument  conforme  à  ce  que 
nous  montre  la  nature,  car 
on  ne  pourrait  rencontrer  à  la 
fois  ,  dans  un  même  anneau, 
tous  ces  organes,  ils  n’y  ap¬ 
paraissent  que  successivement. 
En  effet ,  dans  les  anneaux 
antérieurs,  sauf  les  conduits 
longitudinaux ,  il  n’y  a  pas 
trace  d’organisation  apprécia¬ 
ble,  le  parenchyme  est  tout  à 
fait  homogène  ;  ces  articles,  au 
point  de  vue  de  la  génération, 
Fig.  57.  —  Cestoïde  idéal  à  l’état  de  proglottis. —  Sont  neutres.  Un  peu  pluS  BU 
a.  Testicules  (pour  simpliBer  la  figure  on  n’en  a  re-  arrière,  apparaissent  les  Orga- 
présenté  qu’un  peütnou.br^e).  -6,  Canaux  effé-  génitanx  mâles,  d'abord 
rents  des  testicules.  —  c,  Canal  déférent.  —  d,  Pé-  o  .  I.  i  , 

nis.  —  e.  Bourse  du  pénis.  —  f,  Orifice  vulvaire,  par  leur  partie  proioude,  les 

—  g,  Vagin.  —  h,  Poche  copulatrice.  —  i,  Germi-  testicules  ;  leS  CanaUX  vecteurS 

gène.  —  i,  Germiducte.  -  ffl,  Confluent  du  germi-  .  ,  «Aminal  n’an 

ducte  etduviteiioducte.— n,  Viteiioductes.— o,vi-  reservoir  séminal  nap- 

tellogènes.  —  p,  Oviducte.  —  q.  Utérus.  —  r,  Ca-  paraissent  que  plus  tard  avec 
naux  latéraux  au  nombre  de  deux  dans  cet  anneau.  Jg  énis  et  sa  büurse.  A  Cette 

—  Cuticule.  —  t,  Ovules  germinatifs  renfermes  ,  ^ 

dans  le  germigène.  —  v,  Utérus.  (D’après  va«  epoque  les  ditterentes  parties 
Beseden.)  de  l’appareil  femelle  sont  tout 

à  fait  rudimentaires  ou  in¬ 
distinctes;  ces  articles  sont  mâles.  Plus  loin  encore,  le  germigène  et 
les  vitellogènes  se  dessinent  en  même  temps  que  le  vagin  et  la  poche 
copulatrice,  à  celte  époque  les  organes  mâles  commencent  à  s’atrophier 
et  à  disparaître,  en  commençant  par  les  testicules,  qu’on  ne  peut  plus 
reconnaître.  C’est  vers  cette  époque  qu’a  lieu  le  passage  du  sperme  de  la 
vésicule  séminale  dans  la  poche  copulatrice.  Par  suite  de  cette  disparition  des 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


361 


organes  mâles  on  a  des  articles  femelles.  A  partir  de  ce  moment  les  œufs 
descendus  du  germigène,  puis  enveloppés  du  vitellus  nutritif  fourni  par  le 
vitellogène,  sont  successivement  fécondés  et  s’accumulent  dans  l’utérus. 
Le  fait  d’atrophie  qu’on  a  vu  se  produire  dans  les  organes  mâles  se 
continue  dans  les  organes  femelles,  successivement  ils  disparaissent,  cri 
sorte  que  dans  les  derniers  anneaux  il  ne  reste  plus  que  l’utérus  énor¬ 
mément  développé  et  ayant  passé  de  la  forme  d’un  canal  simple,  puis 
d’un  sac  un  peu  bosselé,  à  celle  d’un  organe  à  nombreuses  ramifications 
(fig.  68)  rempli  de  plusieurs  centaines  d’œufs.  C’est  alors  que  l’article 
devenu  mûr  se  détache  et  est  expulsé  avec  les  fèces;  c’est  le  cucurbi- 
tain. 

La  fécondation  ne  paraît  pas  avoir  lieu  chez  les  Cestoïdes  comme  chez 
les  Trématodes  par  le  concours  de  deux  individus,  on  rencontre  fré¬ 
quemment  sur  un  même  anneau  le  pénis  directement  engagé  dans  le  va¬ 
gin;  il  y  aurait  donc  hermaphrodisme  complet.  Il  est  possible  cependant, 
dans  les  replis  que  peut  former  le  Tænia  sur  lui-même,  qu’il  y  ail  parfois 
copulation  entre  deux  anneaux  voisins,  dans  ce  cas,  qui  n’a  pas  d’ailleurs 
été  observé  positivement  que  je  sache,  on  devrait  regarder  ces  anneaux 
comme  androgynes  c’est-à-dire  hermaphrodites  incomplets,  en  admettant 
la  théorie  qui  va  être  exposée  sur  l’individualité  des  articles.  . 

L’étude  du  développement  et  des  migrations  du  Tænia  offre  un  grand 
intérêt  scientifique  et  pratique;  les  travaux  de  Küchenmeister,  van  Be- 
neden,  Leuckart,  etc.,  nous  ont  fait  connaître  en  grands  détails  ces  faits 
importants.  L’œuf  du  Tænia  solium  (fig.  69)  est  sphérique  avec  une 
enveloppe  épaisse,  parfois  double  ;  dans  son  intérieur  se  trouve  une  masse 
homogène  finement  granuleùse  qui  constitue  un  embryon,  à  la  surface  de 
celui-ci  on  voit  très-distinctement,  surtout  après  l’action  de  la  potasse 
caustique,  six  petits  crochets  aciculaires,  d’où  le  nom  d’embryon  hexa- 
canthe  sous  lequel  il  est  ordinairement  désigné.  Les  anneaux  mûrs  rejetés 
à  l’extérieur  se  détruisent  promptement  et  les  œufs  qu’ils  contiennent, 
mis  en  liberté,  sont  disséminés  çà  et  là;  comme  chez  beaucoup  des 
Vers  précédemment  étudiés,  ils  paraissent  jouir  d’une  remarquable  ré¬ 
sistance  aux  différentes  causes  de  destruction.  Lorsque,  par  suite  de  cir¬ 
constances  favorables  ou  expérimentalement,  les  œufs  sont  introduits 
dans  le  tube  digestif  d’un  animal  convenable  à  l’espèce  donnée  de  ver, 
la  coque  se  rompt  et  l’embryon  hexacanthe  se  sert  de  ses  crochets  pour 
perforer  les  parois  de  l’intestin;  la  manœuvre  consiste  à  réunir  leurs 
pointes  en  avant  en  une  sorte  d’éperon,  que  le  petit  être  pousse  fortement, 
puis  à  les  écarter  en  dehors  de  façon  à  élargir  la  voie  et  à  répéter  ainsi  de 
suite  plusieurs  fois  ce  mouvement,  Davaine  a  fort  bien  indiqué  ces  faits 
sur  le  Tænia  proglottina  du  Coq  domestique  où  l’observation  est  très- 
facile.  Quelle  est  la  voie  ultérieurement  suivie  par  l’embryon?  c’est  ce 
qui  n’est  pas  encore  parfaitement  connu.  Certains  observateurs  pensent 
(ju’il  traverse  les  parois  des  vaisseaux  et  est  emporté  dans  le  torrent 
circulatoire.  Un  fait  qui  viendrait  à  l’appui  de  cette  opinion  est  l’abondance 
des  larves  qui  proviennent  des  Tænias  dans  les  organes  parenchymateux  où 


362  ENTOZOÂIRES.  —  cestoidea. 

la  circulation  capillaire  est  très-développée,  tels  que  le  foie,  le  poumon,  le 
cerveau.  Mais, d’un  autre  côté,  les  expériences  de  Baillet  ont  montré  que, 
à  la  surface  de  ces  organes  et  souvent  en  d’autres  points  du  corps,  existent 
dans  les  cas  d’infection  expérimentale  des  sillons  très-évidemment  creusés 
par  les  embryons  en  migration.  H  est  possible  que,  suivant  les  cas  ou  plutôt 
suivant  les  espèces  de  Tænias,  l’un  ou  l’autre  moyen  de  transport  ait  son 
application. 

On  n’est  pas  encore  absolument  fixé  sur  les  transformations  que  subit  à 
ce  moment  l’embryon  hexacantbe;  il  produit,  pour  le  Tænia  solium,  dans  le 
tissu  cellulaire  intermusculaire  où  il  a  pénétré,  un  être  désigné  depuis 
longtemps  par  les  anciens  auteurs  sous  le  nom  de  Cysticerque  ladrique, 
Cysücercus  cellulosæ,  Rud.,  qu’on  rencontre  surtout  en  abondance  chez 
les  porcs  et  qu’on  considérait  comme  une  espèce  à  part.  Mais  est-ce  par 
simple  métamorphose?  est-ce  par  une  gemmation  nouvelle  que  le  Cysti¬ 
cerque  dérive  du  petit  embryon?  c’est  ce  que  l’on  ne  sait  pas  encore  d’une 
manière  certaine.  Cependant,  comme  on  le  verra  plus  bas  à  propos  des 
échinocoques ,  chez  lesquels 
le  développement  en  cela  est 
mieux  connu,  la  seconde  hy¬ 
pothèse  est  la  plus  probable. 
A  l’état  de  Cysticerque,  l’ani¬ 
mal  a  la  forme  d’une  vésicule 
(fig.  58)  blanchâtre,  ovo’ide, 
de  6  à  10  millimètres  de  dia¬ 
mètre,  percée  sur  un  de  ses 
côtés  d’un  petit  pertuis,  d’où 
peut  sortir,  en  se  retournant 
comme  un  doigt  de  gant,  un 
appendice  allongé  de  6  à 
9  millimètres,  aplati,  renflé  à  son  extrémité,  qui  représente  si  exac¬ 
tement  la  tête  d’un  Tænia,  avec  ses  ventouses,  sa  double  couronne  de 
crochets,  et  jusqu’à  la  forme  et  aux  dimensions  de  ceux-ci,  que  l’assimi¬ 
lation  a  été  faite  par  les  premiers  observateurs  qui  eurent  occasion  de 
l’examiner;  quelques-uns  émirent  l’idée  que  cette  tête  de  Tænia,  suivie 
d’une  vésicule,  devait  être  considérée  comme  due  à  l’altération  patholo¬ 
gique  d’un  de  ces  vers  placé  dans  des  conditions  anormales.  (Dujardin.) 

Le  Cysticerque  peut  rester  dans  les  tissus  un  temps  plus  ou  moins  consi¬ 
dérable  sans  subir  aucune  transformation,  mais,  si  la  chair  de  l’animal 
dans  lequel  il  habite  est  ingérée  par  un  autre  animal  d’une  certaine  espèce, 
mis  en  liberté  par  la  digestion,  il  perd  sa  vésicule,  se  fixe  avec  ses  ven¬ 
touses  et  ses  crochets  aux  parois  de  l’intestin  et  l’évolution  s’achève.  A  la 
partie  postérieure  du  prolongement  qui  l’unissait  à  l’ampoule  de  petites 
rides,  premiers  rudiments  des  anneaux,  s’accusent  déplus  en  plus;  l’animal 
grossit  par  l’absorption  directe  des  matières  alibiles,  toutes  digérées,  au 
milieu  desquelles  il  Hotte  ;  à  la  partie  postérieure  de  ce  qui  consliiue  alors 
le  cou,  se  produisent  toujours  de  nouvelles  rides  donnant  naissance  à  de 


Fjg.  38.  —  CysUcercus  cellulosæ  du  porc.  —  A,  Cys¬ 
ticerque  inclus  dans  sa  vésicule.  —  B,  Cysticerque 
dont  la  tête  fait  saillie  hors  de  sa  vésicuie.  —  C,  Têle 
et  cou  isolés  et  grossis.  —  D,  L’un  des  crochets. 


ENTOZOÂIRES.  —  cestoidea. 


563 


nouveaux  anneaux,  ceux-ci,  s’interposant  entre  la  tête  elles  premiers  for¬ 
més,  font  reculer  de  plus  en  plus  ces  derniers  qui  continuent  à  se  déve¬ 
lopper  et  passent  chacun  successivement  par  les  états  d’article  neutre, 
mâle,  femelle,  etc. 

Arrivés  à  l’état  le  plus  avancé,  lorsqu’ils  ne  renferment  ptus  que  les 
œufs,  les  articles  mûrs  se  détachent,  mais 
ils  ne  sont  pas  immédiatement  rejetés;  ils 
vivent  pendant  un  certain  temps  à  l’état  libre 
dans  l’intestin,  continuant  de  grossir  et  doués 
de  mouvements  très-nets  (fig.  59),  Dans  cet 
état,  ils  ont  été  décrit  par  Dujardin  sous  le 
nom  de  Proglottis,  et  rappellent  assez  l’ap¬ 
parence  extérieure  des  Trématodes  pour 
que  la  confusion  ait  été  faite  plusieurs  fois. 

Enfin,  les  anneaux  et  les  œufs'  étant  rejetés 
à  l'extérieur,  le  cycle  recommêûce.  F'g-  59-—  au  trait  d'un  Pro- 

Ea  résumé,  nous  rojon,  I»  Jim  sofcm 
donner  successivement  les  étâfâ' d’embryon  mode  de  progression, —a,  Indi- 
Hexacanthe,deGYsticerque,  dePfoglottis.  L’é-  grande  protrae- 

tude  du  développement  nous  conduit  en  effet  .rressivement  d’avant  en  arrière  et 
à  admettre  que  le  Tænia  entier,  tel  qüel’ont  amenant  ainsi  l’extrémité  posté- 
considéré  les  anciens  naturalistes 'et  que  -vieure,  a  :  la  mauiere  çlu  ver  de 
, ,  ,  ,  • ,  .  .1,11  terre.  ID  apres  Da vaine.  i 

nous  1  avons  étudié  tout  d  abord,  ne  con¬ 
stitue  pas  un  animal  unique;  il  est  formé  par  la  tête  du  Cysticerque, 
de  laquelle  dérivent  par  bourgeonnement  les  anneaux,  qui  doivent  être 
regardés  chacun  comme  un  être  isolé,  puisqu’on  réalité  ils  n’emprun¬ 
tent  rien  aux  articles  qui  les  avoisinent  et  jouissent,  par  rapport  à  eux, 
d’une  vie  indépendante.  Il  est  également  facile  de  saisir  le  rapport  qui 
unit  le  mode  de  développement  du  Tænia  à  celui  que  l’on  a  décrit 
plus  haut  pour  les  Trématodes  et  de  le  rattacher  à  la  génération  alter¬ 
nante  :  l’embryon  hexacanthe  correspond  à  l’embryon  cilié  ou  proscolex, 
le  Cysticerque  au  sporocyste  ou  scolex,  enfin  l’article  à  l’animal  sexué 
ou  proglottis;  les  derniers  de  ces  noms  sont  usités  également  chez  tous 
ces  animaux,  c’est  même  à  la  nomenclature  des  Cestoïdes,  comme  on  le 
voit,  qu’a  été  emprunté  le  nom  de  proglottis.  On  appelle  strobile  la 
chaîne  formée  par  la  réunion  du  scolex  et  des  proglottis. 

Avant  de  donner  les  caractères  des  différentes  espèces  de  Cestoïdes  de 
l’homme,  j’ajouterai  quelques  mots  sur  le  développement  de  quelques 
autres  espèces  de  Tænia  pour  montrer  comment  celui-ci  peut  encore  se 
compliquer  par  l’intercalation  d’autres  générations  agames,  c’est-à-dire 
par  bourgeonnement  entre  l’embryon  et  la  formation  du  strobile;  c’est  ce 
ue  nous  ont  appris  les  recherches  faites  sur  le  Cœnure  cérébral  et.  les 
chinocoques,  en  joignant  à  ces  derniers  les  hydatides  ou  acéphalocystes. 

Le  Cœnure  dérive  d’un  Tænia  qui  vit  à  l’état  strobilaire  dans  l’mtes- 
tin  du  chien,  le  Tænia  cœnurus,  et  à  l’état  de  larve  dans  les  agneaux. 
Les  œufs,  rejetés  avec  les  excréments,  parviennent  dans  l’intestin  de  ces 


ENTOZOÂ[RES. 


CESTOIDEA. 


derniers,  soit  par  les  boissons,  soit  avec  les  herbes  sur  lesquels  ils  peu¬ 
vent  se  trouver  déposés.  L’embryon  hexacanthe,  qui  en  sort  après  avoir 
percé  l’intestin,  arrive  dans  la  cavité  cérébrale  à  la  surface  du  cerveau,  et 
là,  subissant  une  trans- 
formation  ,  se  développe 
en  une  sorte  de  vésicule 
atteindre 
le  volume  d’un  œuf  ou 

S  d’une  pomme.  Bientôt  sur 
la  membrane  d’enveloppe 
apparaissent  une  multi¬ 
tude  de  ponctuations  dont 
chacune  finit  par  former 
une  tête  comparable  à 
celle  contenue  dans  la 
vésicule  unique  du  Cys- 
ticerque,  c’est-à-dire  un 
scolex  susceptible,  s’il  ar¬ 
rive  dans  l’intestin  du 
chien,  de  se  développer 
en  un  Tænia  complet. 
La  différence  principale 
mton,pro>colexetsec-  “tre  Ce  qui  se  passe 
nie,  proscolex,  chargée  ici  et  Ce  que  nOUS 
î-làçossie  pour  mon-  le 

letedun  scolex  mon-  ,  ,, 

et  des  crochets.  (D’a-  soliuiifi ,  c  est  que  1  em¬ 

bryon  hexacanthe  donne 
naissance,  très-clairement 
par  bourgeons,  à  un  grand  nombre  de  scolex. 

Pour  le  Tænia  echinococeus ,  on  observe  des  faits  analogues.  On 
trouve  parfois  chez  l’homme  et  quelques  mammifères,  dans  le  foie,  les 
poumons,  le  cerveau,  etc.,  des  vésicules  hyalines  composées  d’une  en¬ 
veloppe  anhyste  blanchâtre  renfermant  un  liquide  citrin  ou  opalin.  On 
leur  donne  le  nom  à'Hydatide.  Dans  le  cas  normal,  la  tunique  est  dou¬ 
blée  d’une  seconde  membrane  d’aspect  granuleux,  désignée  par  Robin, 
auquel  on  en  doit  la  découverte,  sous  le  nom  de  membrane  fertile.  Le  tout 
est  souvent  entouré  d’une  autre  membrane  blanche,  plus  ou  moins 
épaisse  et  résistante,  mais  qui  ne  dépend  pas  de  l’hydatide  elle-mêm  ': 
c’est  l’analogue  de  cette  production  pouvant  entourer  tout  corps  étran¬ 
ger  qui  séjourne  d’une  manière  anormale  dans  l’économie.  La  grosseur 
de  la  vésicule  varie  du  volume  d’un  pois  à  celui  d’une  orange  et  davan¬ 
tage.  Lorsque  le  développement  est  normal,  on  voit  apparaître  çà  et  là, 
sur  la  face  interne  de  la  membrane  fertile,  de  petites  élévations  résultant 
d’un  épaississement  de  cette  couche,  elles  deviennent  de  plus  en  plus  sab¬ 
lantes  dans  l’intérieur  delà  cavité;  plus  tard  apparaissent  (fig.  61)  dans 
un  enfoncement  creusé  au  sommet  de  l’élévation  quatre  ventouses  et  ui  e 


ebralis 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


365 


couronne  de  crochets,  et  par  un  retournement  qui  rappelle  la  manière  dont 
sort  la  tête  du  Gysticerque,  ces  parties  se  développent  en  formant  une 


Développemen 
!  echinococcus 


l’Echuiocu(j>i 
,  Échinocoqü( 


membrane  fertile  par  leur  funicule; 


366  ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 

très  (fig.  62),  on  leur  donne  le  nom  d'Aeéphalocystes;  elles  manquent  de 
membrane  fertile  qui  les  tapisse  intérieurement,  et  par  conséquent  ne 
produisent  pas  d’échinocoques. 

Ces  acéphalocysles  peuvent'être  l’origine  d’hydatides  fertiles,  souvent 
en  effet  on  voit  une  vésicule  mère'  renfermant  en  elle  un  grand  nombre 
d’autres  vésicules  dans  lesquelles  sont  des  échinocoques.  Dans  ce  cas,  il 
faut  admettre  que  l’embryon,  au  sortir  de  l’œuf,  après  s’être  développé 
en  acépbalocyste,  a  produit  les  hydatides,  qui  elles-mêmes  ont  donné 
l’écbinocoque,  d’où  dérive,  un  Tænia  sexué.  Cette  étude  des  acéphalo- 
cystes,  faite  d’abord  par  Laennec  et,  dans  ces  dernières  années,  par 
Davaine,  demanderait,  au;  point  de  vue  expérimental,  à  être  reprise  soi¬ 
gneusement.  Il  :  existe, -  à. i cet  égard,  dans  les  recherches  médicales 
anciennes  une  très-grande  confusion,  un  grand  nombre  de  productions 
morbides,  très-différentes  quant  à  leur  origine  et  à  leur  structure,  ayant 
été  indifféremment  décrites  toutes  sous. les  noms  d’hydatide  ou  d’acépha- 
locyste  et  ces  deux  noms  ayant  été  souvent  employés  l’un  pour  l’autre  abu¬ 
sivement  ;  un  examen  attentif  est  toujours  nécessaire  pour  bien  recon¬ 
naître  la  nature  de  ces  corps,  en  ce  qui  concerne  en  particulier  la  recher¬ 
che  des  échinocoques. 

En  résumé,  on  voit  que  si,  pour  le  Tænia  solium,  provenant  du  Cysti- 
eercus  ceUulosæ,  un  embryon  ne  donne  naissance  qu’à  un  scolex,  d’où  dé¬ 
rivent  les  proglottis,  pour  le  Tænia  cœnurus,  provenant  du  Cœnurus  ce- 
rebralis,  un  seul  embryon  produit  une  multitude  de  scolex;  enfin,  dans  le. 
Tænia  ecUnococcus ,  l’embryon  peut  par  l’acéphalocyste  se  multiplier 
une  première  fois  en  donnant  les  bydatides  fertiles,  qui  elles-mêmes  pro¬ 
duisent  en  grand  nombre  les  échinocoques,  lesquels  sont  le  scolex,  d’où 
dérive  la  forme  sexuée. 

En  réfléchissant  au  nombre  incalculable  d'œufs  auxquels  le  Tænia  so¬ 
lium,  par  e.semple,  peut  donner  naissance  (le  nombre  des  anneaux  dé¬ 
passe  souvent  mille,  sur  lesquels  on  peut  admettre  que  la  moitié  au  moins 
arrivent  à  maturité),  et  à  la  multiplication  à  laquelle  donne  lieu  encore 
le  bourgeonnement  du  scolex,  on  est  effrayé  de  la  fécondité  d’un  sem¬ 
blable  animal.  11  faut  remarquer  que,  par  suite  des  migrations  auxquelles 
l’être  est  soumis,  les  chances  , de  réussite  sont  très-amoindries  ;  ainsi  un 
grand  nombre  d’œufs  ne  parviennent  pas  dans  l’intestin  d'un  animal 
convenable,  si  les  embryons,  devenus  Cysticerques  ou  bydatides,  séjour¬ 
nent  trop  longtemps  dans  les  organes  où  ils  se  sont  développés ,  ils  meu¬ 
rent  et,  après  avoir  subi  différentes  transformations,  disparaissent,  enfin 
lorsque,  après  avoir  évité  ces  causes  de  destruction,  le  Cysticerque  passe 
dans  un  nouvel  hôte,  si  l’eSpèce  n’est  pas  précisément  celle  qui  convient 
à  son  développement,  il  meurt  encore  sans  se  reproduire.  On  voit  qu’ici, 
comme  toujours,  cette  fécondité  n’a  pour  objet  que  d’assurer  la  conser¬ 
vation  de  l’espèce  au  milieu  de  toutes  les  causes  de  destruction  qui  l’en¬ 
tourent. 

Les  Cestoïdes  parasites  chez  l’homme  se  rapportent  à  deux  genres 
dont  voici  les  caractères  : 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


567 


TABLEAU  INDIQUANT  LES  CARACTÈRES  DES  GENRES  DE  VERS  CESIOÏDES 
OBSERVÉS  CHEZ  L  HOMME. 

(Tête  armée  de  quatre  ventouses ,  orifices  gé¬ 
nitaux  latéraux . Tœnia  Plater. 

Tête  avec  deux  fentes  latérales,  orifices  géni¬ 
taux  sur  le  milieu  de  l’anneau.  .....  Bothriocep/ialusKudolçhi. 

Les  caractères  des  espèces  sont  tirés  de  la  forme  des  anneaux  et,  chez 
les  Tænias,  de  la  disposition  des  orifices  génitaux,  ainsi  que  de  la  pré¬ 
sence  ou  de  l'absence  des  crochets.  Le  tableau  suivant  pourra,  dàprès 
ces  données,  aider  à  la  connaissance  des  espèces  qu’on  rencontre  chez 
l’homme  sous  un  de  leurs  états  de  développement  au  moins. 


CESTOIDEA 


V  -  'Batsch. 

Corps  marqué  d’une  tache  jaune  sur  chaque  article. .  .  d. :2]..fl(ivopunclata 


Genre  Tænia.  —  Vers  cestoïdes,  à  tête  munie  de  quatre  ventouses  [acetabula],  inerme 
OU  avec  une  proboscide  avant  un  ou  plusieurs  rangs  de  crochets,  orifices  génitaux  placés 
sur  les  côtés  amincis  des  anneaux. 

Genre  établi  en  1 603  par  Plater,  renfermant  une  énorme  quantité  d’espèces,  près  de 
deux  cents,  qui  habitent  le  tube  digestif  d’un  grand  nombre  de  Vertébrés,  particulière¬ 
ment  les  Mammifères  et  les  Oiseaux. 

1.  Tænia  mediocanellata,  Küchenmeister  {Tænia  inermis,  Moquin- 
Tandon).  —  Le  Tænia  inerme  (fig.  65)  n’est  bien  connu  que  depuis  peu 
d’années,  mais  il  est  probable  qu’il  avait  été  observé  longtemps  aupara¬ 
vant,  car  il  n’est  pas  rare  dans  plusieurs  contrées  de  l’Europe  ;  son  carac¬ 
tère  différentiel  avait  seulement  été  mal  interprété.  Il  est  absolument 
identique,  pour  l’aspect  général  du  strobile,  au  Tænia  solium,  dont  on 
trouvera  ci-après  la  description;  mais  la  tête  (fig.  64),  ou  scolex,  est 
comme  tronquée  en  avant,  par  suite  de  l’absence  de  proboscide,  et,  ce 
qu’on  doit  regarder  comme  un  caractère  non  moins  important,  elle  n’est 
point  armée  de  la  double  couronne  de  crochets.  L’utérus  (6g.  65)  pré¬ 
sente  des  branches  nombreuses  parallèles,  terminées  en  culs-de-sac  sim¬ 
ples  ou  biBdes,  rarement  ïamiBés.  Les  proglottis  mûrs  se  détachent  avec 


ENTOZOAIRES. 


CESTOIDEA. 


fort  incommodes 
ngeaisons  pénibles 


facilité  et  sont  doués  de  mouvements  ( 
les  malades,  parce  qu’ils  produisent  ains 


le  rectum,  et  sortent  même  pen¬ 
dant  l’intervalle  des  garde-robes, 


poSr  moyenne. Anneaux^îlo^fe  de  «  ^st  presque  Certain  qu’il  faut 
la  portion  postérieure.  (D'après  Davaine.)  rapporter  à  cette  espèce  les  cas  de 
Tænias  dépourvus  de  crochets  cités 
par  les  anciens  auteurs,  entre  autres  Bremser.  On  la  rencontre  surtout 
dans  certaines  parties  de  l’Allemagne,  le  Wurtemberg,  la  Bavière,  mais 
elle  se  trouve  aussi,  bien  que  plus  rarement,  en  Danemark,  en  Belgique, 
en  France,  etc.  Comme  le  suivant,  ce  Cestoïde  habite,  à  l’état  de  strobile, 
l’intestin  grêle  de  l’homme. 

Les  expériences  de  Leuckart  ont  démontré  qu’en  administrant  à  de 
jeunes  veaux  des  proglottis  du  Tænia  mediocanellata,  il  se  développe  chez 
ceux-ci,  dans  le  tissu  cellulaire  de  différents  organes,  des  Cysticerques 
offrant  dans  leur  portion  céphalique  les  caractères  de  troncature  et  d’ab¬ 
sence  de  crochets  de  la  tête  du  Tænia  inerme.  L’expérience  faite  sur  des 
porcs  et  des  moutons  n’a  amené  aucun  résultat.  Les  Cysticerques  pris  chez 
les  veaux  et  administrés  à  des  chiens  ne  se  sont  pas  développés  dans  l’in¬ 
testin  de  ceux-ci .  On  peut  donc  regarder  comme  certain  que  les  migra- 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


'369 


tiens  de  ces  vers  se  passent  de  l’homme  au  bœuf,  et  que  c’est  chez  ces 
deux  êtres  que  toutes  les  métamorphoses  s’accomplissent. 

2°  Tænia  so'liüm,  Linné  [Tænia  secunda  P lateri  des  anciens  auteurs,  Ver 
solitaire).  — Le  ver  solitaire  a  reçu  ce  nom  d’Andrys,mais  avait  été  parfai¬ 
tement  distingué  longtemps  auparavant  cette  dénomination,  quoique 
généralement  adoptée,  est  d’ailleurs  inexacte,  les  cas  dans  lesquels  on  ren¬ 
contre  plusieurs  de  ces  animaux  sur  un  même  sujet  n’étant  pas  très-rares. 

La  longueur  du  strobile  est  considérable,  communément  de  7  à  9  mè¬ 
tres,  on  cite  des  cas  où  elle  atteignait  40  mètres ,  il  est  possible  qu’on 
ait,  dans  ces  observations,  regardé  plusieurs  indivi¬ 
dus  comme  n’en  formant  qu’un  seul.  Par  suite  du 
fait  de  développement  qui  amène  la  séparation  des 
proglottis,  on  n’a  jamais  le  strobile  entier,  et,  pour 
mesurer  un  Tænia,  il  faut  additionner  les  fragments 
rendus  par  le  malade  avant  et  après  la  médication. 

11  est  facile  de  comprendre  dès  lors  comment  l’er¬ 
reur  peut  avoir  lieu,  si  plusieurs  vers  existent  à  la 
fois.  La  couleur  est  d’un  blanc  jaunâtre. 

La  tête  (fig.  66)  est  large  de  0““,5  à  0““,7, 
avec  quatre  ventouses  bien  visibles,  un  rostre  peu 
saillant  et  une  double  couronne  de  crochets  :  les 
uns  extérieurs  longs  de  0““,16  à  0““,18,  les  autres 
intérieurs  et  alternant  avec 
les  précédents ,  ces  der¬ 
niers  ne  mesurent  que 

Les  anneaux  antérieurs 
(fig.  67)  sont  élargis,  ayant 
environ  1  millimètre  do 
long  sur  2  millimètres  de 
large;  ceux  de  la  partie 
moyenne  sont  presque  car¬ 
rés  ou,  plus  exactemenl, 
en  trapèzes,  le  bord  an-  i- 
térieur  étant  un  peu  plus 
étroit  que  le  postérieur, 
leurs  deux  dimensions  sont 
d’environ  8  à  10  millimè¬ 
tres;  enfin,  à  la  partie  pos¬ 
térieure,  la  dimension  lon¬ 
gitudinale  l’emporte  de 
beaucoup  sur  la  largeur, 
runeatteignant20à50mil- 
limètres,  tandis  que  la  seconde  n’est  que  de  6  à  7  millimètres.  Les  pores 
génitaux  sont  indifféremment  et  irrégulièrement  situés  de  chaque  côté, 
sans  qu’il  soit  possible  de  saisir  aucune  apparence  de  symétrie  unilaté- 
Nonv,  dict.  hêd.  eï  chie.  XIII.  —  24 


-  lêle  (sculex)  du 
Tænia  solium.  —  A,  Tête  ou 
scolex;  a,  d,  trompe  ou  pro- 
boscide;  h,  Ventouses;  c,  Cou¬ 
ronne  de  crochets  ;  e,  Cou  (il 
est  ordinairement  beaucoup 
plus  allongé  que  ne  le  repré¬ 
sente  cettetigure,  voy.  lig.  67); 
f,  Premiers  anneaux  du  corps. 
—  B,  Crochets  isolés;  a,  Map- 
che;  b,  Garde;  c,  Lame.  (D’a¬ 
près  Moaum-TANDON.) 


Lig.  G7. — Port  ons  dr  s'io- 
bile  du  Tænia  solium  de 
grandeur  naturelle. —  a, 
Tête  et  cou  (scolex)  avec 

6,  c,  d,  Anneaux  larges 
de  la  portion  antérieure. 

—  e,  f,  Anneaux  carrés 
de  la  portion  moyenne. 

—  g,  Anneaux  allongés 
delà  portion  postérieure. 
(D’après  Davaixe.) 


570 


ENTOZOAIRES.  —  cestoideà. 


raie  ou  alterne  dans  leur  disposition.  Les  proglottis,  détachés,  ne  pa- 
raissent  pas  doués  de  mouvements  aussi  actifs  que  ceux  du  Tænia 
mediocanellata ,  l’utérus  (fig.  68)  a  des  branches 
moins  nombreuses  et  plus  habituellement  ramifiées. 
Ce  dernier  caractère  peut  servir  à  diagnostiquer 
l’espèce  sur  des  fragments  rendus  avec  les  fèces;  pour 
bien  l’apprécier,  il  convient,  comme  pour  le  système 
digestif  de  la  Douve  du  foie,  d’examiner  l’anneau  au 
jour  en  le  comprimant  entre  deux  morceaux  de  verre; 


Fig.  69.  — Œuf  iaTœnia  solium.  —  a,  Grossi  7Ü  fois. —  Grossi 
8  —  Proglottis  du  54'J  fois.  —  c,  Même  grossissement  et  traité  par  une  solution 
’ïœnia  solium.  (D'a-  de  potasse  caustique  pour  rendre  apparent  l’embryon  hexa- 
près  Ledckart.)  canthe  qu’il  renferme.  (D’après  Davaine.) 

la  disposilion  de  l’utérus  apparaît  alors  avec  une  grande  netteté.  Les 
œufs  (fig.  69)  sont  arrondis,  leur  diamètre  est  de  0““,035. 

Dans  les  généralités  sur  les  migrations  des  Cestoïdes  {voy.  p.  361),  je 
suis  entré  dans  des  détails  étendues  sur  le  dé¬ 
veloppement  de  ce  ver.  Je  me  bornerai  à  rap¬ 
peler  que  les  œufs  se  développent  normalement 
en  Cysticercus  celliilosæ  dans  le  porc,  lorsqu’ils 
sont  en  grand  nombre,  celui-ci  est  atteint  de  ce 
qu’on  appelle  la  ladrerie,  les  muscles  sont  alors 
farcis  de  ces  Cysticerques.  C’est  dans  les  ani¬ 
maux  ladres  que  l’homme  prend  les  germes  du 
ïænia,  dont  le  cycle  est  ainsi  complété.  On  trouve 
aussi,  accidentellement,  des  Cysticerques  chez 
l’homme,  dans  le  tissu  cellulaire  intermuscu¬ 
laire  comme  chez  le  porc  ladre  (fig.  70);  il  a 
dû,  dans  ce  cas,  y  avoir  ingestion  d’œufs.  Dans 
l’intestin  qui  renferme  les  proglottis,  jamais  on 
ne  voit  ceux-ci  donner  lieu  à  l'infection  ladrique, 
il  faut  qu’ils  soient  expulsés  et  ingérés  de  nou- 
Fig.  70.  —  Cysiicerques  dans  veau  ;  Cela  peut  s’expliquer  par  l’action  du  suc 
les  muscles  de  l’homme.  gastrique,  qui  seul  pourrait  dissoudre  la  coque 
de  l’œuf  et  en  débarrasser  l'embryon  ;  il  faut 
d’ailleurs  remarquer  que  dans  l’intestin  les  œufs  sont  rarement  en  li- 
berlé,  mais  plus  souvent  renfermé  dans  le  proglottis,  qui,  en  tant  qu’être 
vivant,  peut  résister  à  l’action  des  sucs  digestifs. 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


3®  Tænia  nana,  von  Siebold.  —  Petit  Cestoïde  (fig.  71)  long  de  13  à 
21  millimètres,  ayant  une  tête  pourvue  d’un  rostellum  armé  d’une  cou¬ 
ronne  de  crochets  bifides  ;  les  articles ,  très- 
nombreux ,  sont  au  moins  quatre  fois  aussi 
■  larges  que  longs  et  les  pores  génitaux  sont  tous. 
situés  du  même  côté. 

Les  migrations  de  cette  espèce  sont  encore 
inconnues,  elle  a  été  trouvée  une  fois  en  Égypte,  / 

entrèsTgrand  nombre,  par  Th.  Bilharz,  dans  l’in-  m  / 
testin  grêle  d’un  jeune  homme  mort  de  ménin-  m 

Je  crois  devoir  citer  ici  un  Cestoïde  décrit  et 
figuré  dans  les  Archives  de  médecine  navale  par 
Davaine  (1870)  sous  le  nom  de  T.  madagascarien-  ■ 

sis,  mais  encore  imparfaitement  connu  par  des 
fragments  de  strobiles  et  des  proglottis. 

D’après  cet  auteur,  tes  anneaux  moyens  me-  ' 

surent  0““, 8  de  long  sur  2“““,2  de  large,  les  - 

anneaux  postérieurs  sont  carrés  ;  les  proglottis  ' 

comparables,  pour  la  forme,  à  des  pépins  de  ;;  ' 

pomme,  ont  de  3  à  4  millimètres.  Les  pores  gé-  ■ 
nitaux  sont  unilatéraux.  Ce  qu’il  y  a  de  plus  re-  ■ 

marquable  dans  ce  Yer,  c’est  que  les  œufs  sont 
contenus  dans  des  sortes  de  poches ,  de  cap-  - 

suies  au  nombre  de  120  à  150  par  proglottis, 
chacune  renfermant  de  300  à  400  œufs.  L’em- 
bryon  est  pourvu  de  six  crochets. 

C’est  surtout  par  la  disposition  des  œufs  que 
ce  Tænia  peut  être  distingué  du  T.  nana;  mais  ' 
il  faut  remarquer  qu’en  ce  qui  concerne  ce  der- 
nier,  des  renseignements  précis  nous  manquent, 
et  c’est  sur  le  silence  de  l’auteur  qui  l’a  décrit 
qu’on  peut  se  baser  pour  admettre  que,  dans  . 

cette  espèce ,  ils  '  ne  sont  pas  réunis  dans  des  . 

capsules.  ■ 

Ce  Tænia  n’a  jusqu’ici  été  observé  que  deux 
fois  à  Mayotte  (Cornores)  sur  deux  enfants,  l’un  n.  _  strobiie  du 
de  dix-huit  mois,  l’autre  de  deux  ans  par  Gre-  nana  grossi.  (D’après  Led- 

net.  Lorsqu’on  aura  eu  l’occasion  de  voir  ce 

Cestoïde  en  entier,  il  est  possible  qu’il  doive  former  non-seulement  une 
espèce,  mais,  suivant  Davaine,  un  genre  à  part. 

4°  Tænia  echinococcds,  von  Siebold.  —  Cette  espèce  (fig.  72)  est  en¬ 
core  plus  petite  que  la  précédente,  car  le  strobile  entier  n’atteint  pas  plus 
de  3““,5  ,  cependant  Krabbe  en  a  observé  de  6“”,5.  Le  nombre  des  an¬ 
neaux  n’est,  en  général,  que  de  trois  ;  Les  deux  premiers  peu  nettement 
séparés  et  le  dernier,  qui  forme  à  peu  près  la  moitié  de  la  longueur  to- 


372 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


taie,  étant  seul  pourvu  d’organes  génitaux.  La  tête  est  armée,  à  la  base  du 
rostellum,  d’une  couronne  de  trente-huit  crochets  alternativement  grands 
et  petits  et  remarquables  par  la  forte  saillie  de  la 
garde,  laquelle,  ainsi  que  le  manche,  sont  propor¬ 
tionnellement  beaucoup  plus  développés  que  la  lame. 
L’anneau  mûr  montre  un  pénis  saillant. 

A  l’état  de  proscolex,  ce  vers  forme  les  kystes  hy- 
datides  à  la  surface  interne  desquels  se  développent 
en  grand  nombre  les  échinocoques,  comme  on  l’a  vu 
aux  généralités.  {Voy.  p.  364.)  Cette  multiplication 
considérable,  par  bourgeonnement,  peut  être  regardée 
comme  contre-balançant  le  petit  nombre  d’embryons 
émis  par  le  strobile,  puisqu’il  n’offre  qu’un  pro- 
glottis  à  la  fois.  Les  échinocoques  ont  absolument 
les  caractères  de  la  tête  du  strobile,  seulement  les 
crochets  sont  d’ordinaire  incomplets  et  réduits  à  la 
lame. 

^'Tœnia~e^M^coccm  Tætiia  echiiiococcus  adulte  habite  l’intestin  grêle 
grossi  (D’après  Led-  du  Chien  en  nombre  énorme  lorsqu’il  s’y  rencontre  ; 

à  l’état  d’hydatide,  on  le  trouve  chez  l’homme  et 
aussi  chez  les  animaux  domestiques  ruminants,  le  bœuf  et  le  mouton, 
également  chez  le  porc  ;  le  foie  est  le  lieu  le  plus  habituel  de  son  dé¬ 
veloppement.  Assez  rare  dans  l’espèce  humaine  en  France  et  dans  la 
plus  grande  partie  de  l’Ëui’ope,  il  règne  d’une  façon  souvent  épidémique 
en  Islande  ;  Krabbe  a  fort  bien  démontré  qu’il  fallait  en  chercher  les  rai¬ 
sons  dans  la  cohabitation  avec  les  chiens  et  l’absence  des  soins  de  pro¬ 
preté. 

5“  Tænia  elliptica,  Batsch.  —  Le  Tænia  elliptique  est  long  de  100  à 
300  millimètres  et  large  de  2  à  3  millimètres  à 
sa  partie  postérieure.  La  tête  est  armée  de  cro¬ 
chets  très-petits,  irrégulièrement  placés  sur 
trois  ou  quatre  rangs.  Mais  ce  qui  empêche  de 
le  confondre  avec  les  autres  espèces  de  l’hom¬ 
me,  c’est  que  les  articles  mûrs  (fig.  73),  de 
forme  elliptique  et  à  peu  près  deux  fois  aussi 
long  que  large,  présentent  de  chaque  côté,  en 
leur  milieu,  un  orifice  génital.  Les  œufs  ont  une 
double  enveloppe. 

Ce  ver,  très -commun  dans  l’intestin  des 
Chats,  est  assez  voisin  du  Tænia  cucumerina  du 
Chien  pour  que  certains  auteurs  aient  cru  de¬ 
voir  les  réunir  en  une  seule  espèce.  Quant  à 
sa  présence  chez  l’homme,  elle  paraît  hors  de 
doute,  bien  qu’on  n’en  connaisse  que  trois  ou 
quatre  cas.  Dans  les  observations  un  peu  com¬ 
plètes,  c’est  toujours  chez  de  jeunes  enfants  que  ce  ver  a  été  rencontré 


Fig.  75.  —  Proglottis  du  Tænia 
elliptica  (Tænia  canina  van 
Beneden). —  a,  Œufs.  — c, 
Canal  déférent.  —  d,  Gaine 
du  pénis.  —  e,  Vagin. . —  f, 
Parenchyme  qui  remplit  la 
cavité  viscérale  et  dans  lequel 
se  trouvent  plongé.»  les  diffé¬ 
rents  organes.  (D’après  van 
Beneden.) 


ENTOZOilRES.  —  cestoidea. 


375 


(Weinland,  enfant  de  treize  mois;  Kuster,  enfant  de  treize  semaines; 
Krabbe,  enfant  de  trois  mois) .  11  est  bon  de  remarquer  qu’à  cette  époque 
le  régime  est  celui  des  carnivores. 

Les  migrations  du  Tænia  elliptique  sont  encore  inconnues.  Les  recher¬ 
ches  récentes  de  N.  Melnikow  (1869)  ont  montré  que  pour  le  T.  cucume- 
rina  le  ver,  à  l’état  de  scolex,  habite  un  Insecte  de  la  famille  des  Ricins, 
le  Trichodectes  canis,  qui,  comme  son  nom  l’indique,  vit  lui-même  sur 
l’hôte  dans  l’intestin  duquel  se  développe  le  strobile.  Si  l’on  admet  l’iden¬ 
tité  des  deux  espèces,  c’est  là  qu’il  faudrait  rechercher  les  causes  d’infec¬ 
tion. 

6“  Tænia  flavopünctata,  Weinland. —  Le  Tænia  à  taches  jaunes  est  très- 
incomplétement  connu,  puisqu’il  n’a  été  observé  qu’une  fois  au  Massa¬ 
chusetts  par  Palmer  et  encore  sur  un  fragment  d’environ  30  centimètres, 
sans  tête.  Ce  qui  le  rend  surtout  remarquable,  c’est  la  présence  sur  chaque 
anneau  d’une  tache  jaune  très-apparente,  les  articles  eux-mêmes;  sont 
élargis  et  assez  régulièrement  quadrilatères,  sauf  les  postérieurs  qui 
sont  rétrécis  en  avant  de  manière  à  former  des  triangles.  Les  pores  géni¬ 
taux  unilatéraux  rapprochent  cette  espèce  du  Tænia  nana,  mais  jusqu’à 
ce  que  nous  ayons  des  renseignements  plus  complets,  il  est  convenable  de 
laisser  le  TæMa  flavopünctata  hors  rang. 

Ce  fragment  avait  été  rendu  par  un  enfant  de  neuf  mois,  sevré  à  six. 

Genre  Bothriocephalüs.  —  Vers  cestoïdes,  à  tête  munie  de  deux  fentes  {bothria)  laté¬ 
rales,  inerme,  sans  |  roboseide  distincte,  orifices  génitaux  placés  sur  le  côté  large  des 
anneaux. 

Genre  établi  en  1819  par  Rudolphi  et  renfermant  une  vingtaine  d’espèces  qui  habitent 
le  tube  digestif  de  différents  vertébrés  et  un  mollusque. 

7“  Bothhiocephalus  laids,  Bremser  {Tænia  prima  Plateri  ;  Tænia  lata, 
Rudolphi;  Dibothrium  latum,  Diesing;  Tænia  large,  Ver  rubanné  large). 
—  C’est,  avec  le  Tænia  solium,  le  plus  important  des  vers  cestoïdes  de 
l’homme.  Plater  le  premier,  en  1603,  l’a  nettement  indiqué  ;  il  avait 
sans  doute  été  observé  auparavant,  car  il  n’est  pas  rare  dans  les  contrées 
où  il  se  rencontre,  mais  on  le  confondait  avec  le  ver  solitaire  ordinaire, 
dont  cependant  il  est  facile  à  distinguer. 

La  longueur  du  strobile  est  de  6  à  20  mètres  (Dujardin),  sa  couleur  est 
d’un  gris  sale.  La  tête  (fig.  74)  est  remarquablement  allongée,  ovoïde, 
sans  trace  de  rostellum  ni  de  crochets,  et  munie  latéralement  de  deux 
fentes  longitudinales  profondes,  qui  remplacent  les  ventouses,  mais  dans 
lesquelles  la  disposition  des  fibres  musculaires  est  moins  nette. 

Les  premiers  anneaux  (fig.  75)  sont  faiblement  accusés  comme  de  lé¬ 
gères  rides,  les  moyens  sont  à  peu  près  carrés,  les  postérieurs  sont  beau¬ 
coup  plus  larges  que  longs,  le  rapport  des  dimensions  étant  souvent  comme 
un  est  à  cinq  ou  six.  Les  anneaux  n’ont  pas,  au  même  degré  que  chez  les 
Tænias,  la  tendance  à  se  séparer  les  uns  des  autres  en  cucurbitains,  ce  qui 
est  peut-être  en  rapport  avec  la  structure  des  organes  génitaux  et  la 
ponte. 


374 


ENTOZO  AIRES.  —  cestoidea. 


En  effet,  ces  organes  présentent  d’assez  notables  différences  ;  comparés 
à  ceux  qui  ont  été  décrits  plus  haut  comme  type,  ils  n’ont  été  bien  connus 
que  dans  ces  dernières  années,  par  les  recherches  de  Ludwig  Stieda, 


Fig.  74.  —  h,  i.  Tète  (scolex)du  Bothriocepha- 
lus  latus  de  l’homme  prossie  six  fois  et  vue 
sous  deux  aspects.  —  k,  Tête  du  Bothrio- 
céphale  du  Turbot  grossie  douze  fois  ;  coupe 
en  travers  faisant  voir  la  disposition  des 
fentes  latérales.  (D’après  Davaine.  ) 


Fig.  75. —  Portions  de  slrobile  du  Bothrioce- 
phalus  lcdus  de  grandeur  naturelle.  —  a, 
Tête  et  cou.  — b,  c,  Articles  moyens  à  peu 
près  carrés.  —  d,  e,  f.  Articles  postérieurs 
élargis. —  g.  Articles  terminaux  vides  et  flé¬ 
tris.  (D’après  Davaise.) 


A  l’extérieur,  on  observe  sur  l'une  des  faces  de  chaque  anneau,  face  ven¬ 
trale,  une  sorte  de  cupule  (fig.  76  et  77,  pj),  ç’est  l’analogue  du  pore 
génital  des  Tænias,  et  l’on  trouve  au  fond  deux  ouvertures  (fig.  77i,  une, 
antérieure  (c),  par  laquelle  sort  le  pénis,  l’autre,  immédiatement  placée 
en  arrière,  orifice  vaginal  [d)  ;  les  bords  de  la  cupule  sont  garnis  d’une 
quantité  de  papilles  (e)  dont  l’usage  n’est  pas  parfaitement  connu;  en 
outre,  plus  en  arrière,  vers  le  centre  de  l’anneau,  existe  un  autre  orifice 
simple  {ou)  en  rapport  avec  la  terminaison  du  canal  utérin.  Voici  quelle 
est,  d’après  l’auteur  précité,  la  disposition  des  organes  internes  mâle  et 
femelle  et  leurs  rapports  avec  ces  différentes  ouvertures. 

Les  testicules,  au  nombre  de  300  à  400,  sont  disséminés  dans  les  par¬ 
ties  latérales  de  l’anneau  et  se  réunissent  sur  un  canal  déférent  commun 
qui  se  rend  dans  une  gaîne  du  pénis  {a  b)  bilobée,  musculeuse  et  suscep- 


ENTOZOÂIRES.  —  cestoidea.  gijg 

tible,  en  se  retournant,  de  former  l’organe  copulateur;  cet  appareil  génital 
mâle  ne  diffère - -  ’  '  '  ° 


Pénis  esl  ré- 

li-  progloLtis  suivant).  —  b.  Orifice  vaginal  destiné  à  la  copulation  . 
du  proglottis,  ou  voit  l’orifice  utérin  par  lequel  s’effectue  la 

antéro-postérieure  médiane  d’un  proglottis  du  Sothriocepha- 
latus.  —  p.g.  Cupule  génitale.  —  e.  Papilles  qui  l’entourent.  —  c.  Canal  déférent  se 
rendant  au  pore  génital.  —  d.  Ouverture  vaginale.  —  a.b.  Gaîne  du  pénis.  —  c.v.  Vagin. 
r.sp.  Poche  copulatrice.  —  sp.d.  Sperniiducle.  —  g.  Coupe  de  la  hranche  transversale  du 
germigène.  — r  d.  Vitelloducte.  —  g.d.  Germiducte.  — g.p.  Glande  pelotonnée. —  t.p.  Tube 
pelotonné.  —  c.u.  Utérus.  —  o.u.  (jrifice  utérin.  —  h.  Cuticule.  —  m.l.  Couche  de  fibres 
musculaires  longitudinales.  —  ma.  Couche  de  fibres  musculaires  annulaires.  —  (Dans  celle 
coupe  les  lesticules,  les  branches  latérales  du  germigène,  les  vitellogènes  qui  occupent  les  par¬ 
ties  latérales,  n’ont  pu  naturellement  être  représentées.  (D’après  L.  Stied.4.) 


chez  le  Tænia.  L’appareil  femelle  présente  d’abord,  en  partant  de  l’orifice 
'vaginal,  un  long  lube,  le  îiogm  (cti),  qui  se  dilate  en  une  ampoule  ou  pocJie 
copulatrice  (r.  sp)  destinée,  comme  toujours,  à  recevoir  le  sperme  après 
l’accouplement  et  à  le  conserver  en  réserve;  ce  réservoir  communique. 


376 


ENTOZOAIRES.  —  cestoidea. 


par  un  canal  spécial,  le  spermiduete  {sp  d),  avec  les  organes  femelles 
proprement  dits.  Ceux-ci  comprennent  un  germigène  (g)  en  forme  d'H, 
et  des  vitellogèues  globuleux,  en  grand  nombre,  situés  de  chaque  côté  de 
la  ligne  moyenne,  se  réunissant  sur  un  canal  commun  médian  {r  d)  ou 
vitelloducte.  Le  germigène,  lui  aussi,  est  muni  d’un  canal  vecteur,  ger- 
miducte  {g  d),  et  c’est  sur  ce  canal  que  se  réunissent  également  le  sper- 
miducte  et  le  vitelloducte;  cette  disposition  fait  comprendre  comment 
le  germe,  le  vitellus  nutritif  et  la  liqueur  séminale,  se  trouvant  réunis, 
l’œuf  est  formé  et  fécondé.  Les  trois  canaux,  après  s’être  rendus  dans  un 
organe  encore  énigmatique,  laglande  pelotonnée  {g  p),  versent  enfin  leur 
produit  dans  l’ntérus  (eu),  où  les  œufs  s’accumulent  jusqu’à  ce  qu’ils 
soient  rejetés  à  l’extérieur  par  l’orifice  utérin  (ou).  C’est  la  présence  de  ce 
dernier  qui  donne  aux  organes  femelles  du  Bothriocéphale  leur  caractère 
particulier,  chez  le  Tænia,  en  effet,  il  manque  complètement  et  l’on  ne 
trouve  que  le  tube  destiné  à  la  copulation.  Cette  différence  anatomique 
est  en  rapport  avec  ce  fait,  que,  chez  le  second,  les  œufs  sont  habituelle¬ 
ment  mis  en  liberté  par  la  destruction  du  proglottis,  tandis  que  chez  le 
premier,  il  y  a  ponte  naturelle;  c’est  à  cela  sans  doute  que  tient  éga¬ 
lement  cette  différence  signalée  plus  haut,  que  les  articles,  chez  le  Ver 
solitaire,  se  détachent  sponta¬ 
nément  et  facilement  les  uns 
des  autres  à  leur  maturité, 
tandis  que ,  dans  l’espèce  qui 
nous  occupe  actuellement,  ils 
sont  fortement  unis,  et,  sou¬ 
vent,  après  la  ponte,  restent 
flétris ,  ratatinés  à  la  partie 
Fig.  78.  —  Œafda  Bothriocephalus  latus.  —  a,  Grossi  postérieure  du  Strobile. 

70  fois.  —  b,  Grossi  34  >  fois.  —  c,  Traité  par  l’a-  t  r  j  d  .^l  *  l 

eide  sulfurique  concentré  qui  fait  apparaître  Toper-  œufs  du  BotuTlOCepha- 

cule.  (D’après  Davaine.)  luS  lutUS  (fig.  78)  sont  OVOÏ- 

des,  longs  de  0‘°“,068,  larges 
de  0““,044  (Davaine);  ils  ont  une  coque  simple,  peu  épaisse,  et,  lors 
de  la  sortie  de  l’embryon,  présentent  un  opercule,  ce  qui  rappelle  les 
œufs  de  certains  Trématodes.  L’action  de  la  potasse  caustique  ou  de  l’a¬ 
cide  sulfurique  permet,  sur  les  œufs  qu’on  recueille  dans  les  selles,  de 
séparer  l’opercule. 

Le  développement  de  ce  ver  a  donné  lieu,  dans  ces  dernières  années, 
à  plusieurs  travaux  importants  de  la  part  de  Knoch,  Bertholus,  Leuckart; 
mais  ces  savants  n’ont  pu  cependant  encore  élucider  complètement  la 
question.  On  sait  fort  bien  qu’après  les  premiers  phénomènes  de  l’évolu¬ 
tion  d.ins  l’œuf,  lesquels  ne  durent  pas  moins  de  six  mois,  l’être  qui  sort 
est  une  sorte  de  larve  ciliée  renfermant  un  embryon  hexacanthe  qui  de¬ 
vient  bientôt  libre  à  son  tour  (fig.  79)  et  se  meut,  suivant  les  observa¬ 
tions  de  Leuckart,  à  la  manière  de  l’embryon  du  Tænia.  Mais  que  devient-il 
ensuite?  c’est  ce  qu’on  ne  sait  pas  avec  précision.  Knoch  pense,  d’après 
quelques  expériences  faites  sur  des  chiens,  qu’il  peut  se  développer  di- 


ENTOZOÂIRES.  —  cestoidea.. 


577 


rectement  dans  l’intestin  de  ceux-ci,  mais  les  faits  invoqués  ne  sont  pas 
à  l’abri  de  tout  réproche,  attendu  que  des  Bothriocéphales  peuvent  nor¬ 
malement  se  rencontrer  dans  l’espèce  ca¬ 
nine,  d’ailleurs,  comme  le  fait  remarquer 
Leuckart,  on  ne  comprendrait  pas  dans 
ce  cas  l’utilité  des  crochets  de  l’embryon. 

Suivant  Bertholus ,  le  petit  s’enkysterait 
dans  le  tissu  cellulaire  de  certains  poissons 
du  genre  saumon,  et  y  donnerait  naissance 
aux  Ligula  nodosa,  Rudolphi,  qui  seraient 
par  conséquent  les  scolex  du  Bothriocepha- 
lus  latus;  la  confirmation  expérimentale  de 
cette  opinion  manque.  Il  paraît  cependant 
résulter  d’observations  depuis  longtemps  Fre.  79.  —  Embryon  du  Boihrio- 
faites,  que  c’est  sur  les  bords  de  .certains  latus  sortant  de  l’en- 

,  ^  ^  veloppe  ciliee. 

lacs,  de  certains  neuves  que  cette  espece  est 

commune,  les  eaux  ou  leurs  habitants  peuvent  donc  jouer  un  rôle  dans 
la  propagation  de  cet  animal. 

Le Bothriocéphale large,  est,  en  quelque  sorte, complémentaire  duTænia; 
là  où  l’un  est  rare,  l’autre  est  fréquent,  et  réciproquement.  C’est  surtout 
en  Suisse,  en  Russie,  en  Pologne  et  dans  quelques  parties  de  l’Allemagne 
qu’on  le  rencontre,  il  a  aussi,  dit-on,  été  observé  à  Ceylan. 

8“  Bothriocephalüs  cordatüs,  Leuckart.  — Ce  ver  est  trop  rare  et  trop 
peu  connu  encore,  malgré  les  observations  de  Leuckart  et  Krabbe,  pour 
que  je  croie  devoir  m’y  arrêter  longtemps.  Sa  tête  est  (fig.  80)  for 
dilatée,  cordiforme  dans 
certains  états  de  con¬ 
traction.  Le  corps  s’é¬ 
largit  très  -  rapidement 
pour  atteindre  sa  dimen¬ 
sion  normale,  qui  est 
d’environ  7  à  8  milli¬ 
mètres.  A  une  très-petite 
distance  de  l’extrémité 
antérieure ,  les  articles 
sont  sexués;  leur  lon¬ 
gueur  (fig.  81)  dans  cet 
état  est  de  5  à  4  mil¬ 
limètres,  les  dernières 
atteignent  jusqu’à  6  millimètres.  Les  œufs,  de  même  forme  que  ceux 
du  Bothriocéphale  large,  ont  0“'”,075  de  grand  diamètre. 

Ce  Cestoïde  n’a  jusqu’ici  été  rencontré  qu’au  Groënland,  chez  l’homme, 
le  chien,  le  phoque  barbu  et  le  morse;  il  en  existe  habituellement  plu¬ 
sieurs  individus  sur  un  même  sujet. 


Fio.  80.  —  Portion  antérieure  du  Fig.  81  —  Projrlottisd 
strobile  du  Bothriocephalüs  cor-  Bothriocephalüs  cor- 
datus.  (D’après  Ledckart.)  datus.  (  D’après  Leu- 


Dojabdin,  Histoire  naturelle  des  Helminthes.  Paris,  1845. 


378  ENTOZO AIRES  (pathologie), 

Blaschaed,  Recherches  sur  l’organisation  des  Vers  (Ann.  des  se.  nat.,  3*  série,  t.  XI,  1849, 
e.i.  Atlas  du  règne  animal,  de  Cuvier,  Zoophytes). 

Dieslag,  Systema  Helminlhum,  Vienne,  1850-1851,  et  Révision  der  Mizhelminthen  :  Tremato- 
den,  1858. 

Baillet,  Expériences  sur  l’organisation  et  la  reproduction  des  Cestoïdes  du  genre  Tænia  (An¬ 
nales  des  sciences  naturelles,  4«  série,  t.  X,  1858). 

Van  Beneden,  Mémoire  sur  les  vers  intestinaux  (Supplément  aux  comptes  rendus  des  séances 
de  l’Académie  des  sciences.  Paris,  1858). 

Davaine,  Traité  des  entozoaires  et  des  maladies  vermineuses  de  l’homme  et  des  animaux  domes¬ 
tiques.  Paris,  1860. 

Oedonez,  Note  sur  la  distinction  des  sexes  et  le  développement  de  la  Trichina  spiralis  (Ann.  des 
SC.  nat.  4=  série,  t.  XVIII,  1862). 

CoBBOLD,  Remarks  on  ail  the  Human  Entozoa  (Proceed.  of  Zoolog.  Soc.  of  iondon,'1862). 
Moobin-Tandos,  Eléments  de  zoologie  médicale.  1862. 

Stieda  (Ludwig),  Sur  l’anatomie  du  Bothriocephalus  latus  (Arckiv  fur  AnaJt.  u.  Phys.,  1864, 
traduit  in  Ann.  des  sc.  nat.  1865). 

Gdïon.  Sur  un  nouveau  cas  de  Filaria  oculihumani  (Càmptes  rend,  de  l'Acad.  des  sc.,  t.  LIX, 
1864). 

Keabbe,  Recherches  helminthologiques  en  Danemark  et  en  Islande.  Copenhague.  1866. 

Peeez,  Recherches  sur  l’anguillule  terrestre  (Annales  des  sciences  nat.,  5'  série,  t.  VI,  1866). 
ScHNEiDEE  (Anton),  Monographie  der  Nematoden.  Berlin,  1866. 

Melnikow,  üeber  die  Jugendzustânde  der  Tænia  cncumerina  (Archii)  für  Naturgeschichte,  1869) . 
Balbiaxi,  Recherches  sur  la  propagation  et  le  développement  du  strongle  géant  (Compt.  rend, 
de  l'Acad.  des  sciences,  t.  LXIX,  1869). 

Léon  Vaillant. 

PATHOLOGIE. 

Les  Entozoaires  ont  pour  le  médecin  une  signification  tout  autre  que 
pour  le  naturaliste.  Celui-ci,  se  mettant  au  point  de  vue  exclusif  du  para¬ 
site,  considère  ses  caractères  zoologiques,  son  origine,  son  développe¬ 
ment,  ses  migrations,  sa  reproduction,  et  ne  voit  dans  l’être  qui  lui  sert 
de  support  qu’une  question  de  milieu  et  d’habitat.  Le  pathologiste,  au 
contraire,  a  égard  avant  tout  à  ce  dernier;  il  observe  comment  il  est  af¬ 
fecté  par  son  hôte  ;  il  apprécie  les  inconvénients  qui  en  résultent  pour 
lui,  les  accidents  auxquels  il  est  exposé  par  cette  présence,  et  recherche 
les  moyens  propres  à  l’en  délivrer. 

Causes.  —  Dans  ces  conditions,  le  rôle  de  l’entozoaire,  par  rapport  à 
celui  qu’il  habite,  est  purement  étiologique  :  c’est  un  corps  étranger  qui 
séjourne  dans  les  organes,  à  la  façon  d’un  calcul,  d’un  épanchement 
sanguin  ou  d’un  néoplasme,  qui  en  gêne  les  fonctions,  et  qui  en  l’irritant 
éveille  les  sympathies  les  plus  multijiliées. 

On  conçoit  donc  que  la  considération  de  l’organe  où  se  rencontre  le 
parasite  est  pour  nous  supérieure  à  la  connaissance  de  son  espèce  même. 
Cependant  il  faut  tenir  compte  de  ce  fait,  que  cei  tains  entozoaires  ont  une 
prédilection  en  quelque  sorte  pour  tel  ou  tel  organè  :  l’ascaride  lombri- 
coïde  habite  l’intestin,  la  douve  se  voit  dans  le  foie,  le  cœnure  dans  le 
cerveau,  etc.  On  trouvera,  à  propos  de  chaque  organe  et  appareil  décrits 
en  particulier  dans  ce  Dictionnaire,  la  mention  des  entozoaires  dont  ils 
peuvent  être  affectés  spécialement,  et  les  altérations  qui  en  sont  la  suite. 

D’un  autre  côté,  l’animal,  envahi  par  le  parasite,  offre  à  celui-ci  des 
conditions  plus  ou  moins  favorables  à  son  développement.  11  existe  réel¬ 
lement  une  prédisposition  au  parasitisme  vermineux  ;  l’âge,  le  sexe,  la 
constitution,  la  race,  le  régime,  la  saison,  le  climat,  l’hérédité  même 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  579 

ont  parfois  une  influence  très-marquée,  que  nous  constaterons  à  l’occa¬ 
sion  de  chaque  espèce  de  vers  étudiée  séparément. 

Il  arrive  souvent  que  les  entozoaires  se  manifestent  avec  une  intensité 
exceptionnelle,  et  qu’ils  se  multiplient  avec  une  rapidité  extrême  et  sans 
qu’on  puisse  de  longtemps  en  débarrasser  l’économie.  De  là  sont  venues 
ces  expressions  :  affection  vermineuse,  diathèse  vermineuse,  helminthia- 
sis.  On  a  également  admis  des  fièvres  vermineuses,  des  épidémies  vermi¬ 
neuses, dans  des  circonstances  qui  semblaient  justifier  cette  manière  de  voir. 

Il  ne  saurait  cependant  être  question  de  nos  jours  de  soutenir  l’idée 
de  la  génération  spontanée  des  helminthes  ;  car  on  connaît  pour  la  plu¬ 
part  de  ceux-ci  leur  origine  et  leur  mode  de  reproduction  ;  on  sait 
comment  ils  pénètrent  dans  les  cavités  viscérales  et  jusque  dans  les  pa¬ 
renchymes  les  plus  éloignés;  on  a  vu  enfin  que  leur  séjour  dans  tel 
animal  ou  dans  tel  organe  n’est  souvent  qu’une  phase  de  leur  existence, 
et  qu’ils  doivent  pour  quelques-uns  changer  de  milieu  avant  d’atteindre 
l’état  adulte  et  se  reproduire  de  nouveau.  Mais  on  comprend  très-bien 
aussi  que,  suivant  la  nature  et  la  quantité  des  sucs  dont  ils  se  nour¬ 
rissent,  leur  développement  et  leur  multiplication  soient  entravés  ou  exci¬ 
tés  ;  c’est  une  loi  commune  à  tous  les  êtres  vivants,  même  aux  parasites. 

La  trop  grande  tendance  au  parasitisme  implique  en  général  une  con¬ 
dition  d’infériorité  pour  celui  qui  en  est  infesté  ;  c’est  chez  les  enfants 
chétifs  et  lymphatiques  à  l’excès  que  les  entozoaires  pullulent;  c’est  dans 
le  cours  des  fièvres  continues  avec  exagération  et  stagnation  des  flux 
muqueux  qu’ils  se  montrent  avec  exubérance.  L’épidémie  de  maladie 
muqueuse  si  bien  observée  par  Rœderer  et  Wagler,  durant  les  an¬ 
nées  1760  et  1761,  en  est  un  exemple  remarquable  ;  la  plupart  des 
malades  atteints  par  cette  épidémie  présentèrent  en  abondance  des  lom¬ 
brics  et  des  trichocéphales.  Il  est  bien  entendu  que  l'apparition  des  vers 
dans  ces  circonstances  n’est  nullement  primitive,  et  qu’elle  est  un  simple 
épiphénomène;  aulrement  la  question  changerait  d’aspect. 

Cette  catégorie  de  faits  étant  admise,  il  faut  convenir  que  dans  un 
grand  nombre  de  cas  le  développement  des  entozoaires  n’est  subordonné 
qu’au  seul  dépôt  de  leurs  germes,  œufs  ou  larves,  dans  les  organes  du 
support.  Il  suffit  d’avoir  mangé  une  fois  de  la  chair  de  porc  Irichinée 
pour  être  affecté  de  trichinose.  Un  seul  cysticerque  ladrique  avalé  vivant 
avec  les  aliments  peut  devenir  pour  tout  individu  l’origine  d’un  tænia 
armé.  Il  s’agit  là  d  une  autre  forme  de  parasitisme,  qu’on  peut  appeler 
le  parasitisme  nécessaire;  tandis  que  le  précédent  n’était  que  condi¬ 
tionnel.  Voyez,  du  reste,  comme  complément  de  ces  données,  l’article 
Pabasites. 

Symptômes.  —  Relativement  aux  effets  déterminés  sur  l’économie  par 
les  vers,  il  y  a  dans  rap[)réciation  des  médecins  deux  tendances  irès- 
oppo.sées.  Les  uns  ne  sont  pas  éloignés  de  croire  à  l’innocuité  parfaite 
de  ces  parasites  ;  ils  concluraient  volontiers  à  leur  utilité  même,  comme 
pour  certains  épizoaires.  D’autres,  au  contraire,  obéissant  à  un  courant 
différent  des  préjugés  vulgaires,  voient  l’intervention  des  helminthes 


380  ENTOZOAIRES  (pathologie)  . 

partout,  et  principalement  pour  ce  qui  est  de  la  pathologie  de  l’enfance. 

Entre  ces  deux  extrêmes,  il  y  a  place  pour  la  vérité. 

Il  est  positif  que  la  présence  des  entozoaires  passe  souvent  inaperçue; 
non-seulement  parce  qu’elle  est  méconnue,  mais  aussi  parce  que  ces  pa¬ 
rasites  ne  provoquent  en  réalité  aucun  accident  notable.  Les  trichocé- 
phales  se  rencontrent  sur  un  très-grand  nombre  de  cadavres,  sans  que 
rien  les  ait  signalés  pendant  la  vie.  Il  est  peu  d’enfants,  même  très-bien 
portants,  qui  ne  soient  atteints  d’ascarides  lombricoïdes.  Les  hydatides 
restent  longtemps  ensevelies  dans  les  parenchymes,  avant  qu’on  en 
puisse  constater  l’existence  d’une  manière  certaine.  11  arrive  même  que 
dans  quelques  cas  les  helminthes  exercent  une  influence  avantageuse  au 
profit  de  leur  support.  Zimmermann  raconte  dans  son  Traité  de  l’expé¬ 
rience,  d’après  Pechlin,  le  fait  d’un  enfant  qui  avait  une  faim  in.^tatiable, 
une  mémoire  extraordinaire  et  un  génie  plus  que  médiocre,  et  qui  perdit 
le  tout  après  qu’on  l’eut  débarrassé  de  lombrics  dont  il  était  affecté.  Les 
Abyssiniens,  qui  sont  presque  tous  atteints  de  tænia,  lui  attribuent  le 
mérite  d’entretenir  leur  appétit. 

En  somme,  il  en  est  ici  comme  pour  les  calculs  biliaires  qui  demeu¬ 
rent  longtemps  et  même  quelquefois  toujours  ignorés.  La  phase  patholo¬ 
gique  ne  commence  réellement,  pour  les  helminthes  comme  pour  eux, 
que  lorsque  leur  présence  occasionne  des  malaises  ou  entraîne  tout  à 
coup  quelque  accident  grave. 

Les  symptômes  qu’on  a  mis  sur  le  compte  des  entozoaires  sont  très- 
variés.  Ils  dépendent  soit  de  l’espèce  de  vers,  soit  surtout  de  l’organe 
qu’ils  ont  envahi.  Cependant,  il  existe,  de  l’aveu  des  praticiens,  une  ap¬ 
parence  générale  en  rapport  avec  la  présence  des  vers  au  sein  de  l’éco¬ 
nomie.  11  y  a,  comme  on  dit,  un  fades  vermineux  ;  Teint  terreux  ou 
verdâtre,  pas.sant  alternativement  de  la  pâleur  à  la  rougeur,  visage  légè¬ 
rement  bouffi,  yeux  cerclés  de  noir,  pupilles  dilatées ,  physionomie  triste 
et  abattue.  A  cela,  il  faut  ajouter  :  le  prurit  des  narines,  des  épistaxis 
fréquentes,  la  fétidité  de  l’haleine,  la  salivation,  le  pointillé  rouge  de  la 
langue,  un  appétit  exagéré  ou  dépravé,  le  ballonnement  du  ventre,  une 
sensation  de  picotement  et  de  gargouillement  autour  de  l’ombilic,  la 
constipation  ou  la  diarrhée,  des  démangeaisons  insupportables  à  l’anus, 
l’incontinence  d’urine,  la  spermatorrhée,  l’aménorrhée,  des  palpitations 
de  cœur,  la  tendance  aux  syncopes,  une  toux  quinteuse  ou  convulsive, 
et  enfin  les  troubles  cérébraux  les  plus  variés. 

Ces  derniers  accidents  ont  particulièrement  attiré  l’attention  des  ob¬ 
servateurs.  Davaine,  dans  son  excellent  Traité  des  entozoaires,  a  groupé 
avec  beaucoup  de  patience  tous  les  faits  les  plus  authentiques  qui  se 
rapportent  à  cet  ordre  de  .symptômes.  De  son  côté,  Th.  Heslop,  en  An¬ 
gleterre,  a  décrit,  d’après  lui  et  d’après  différents  auteurs,  toute  une 
symptomatologie  cérébro-spinale  de  la  présence  des  vers,  et  notamment 
du  tænia,  dans  le  tube  digestif.  On  peut  observer  :  la  céphalalgie,  le  ver¬ 
tige,  le  délire,  la  folie,  le  coma,  la  perversion  des  sens,  la  paralysie  de 
la  sensibilité  générale,  les  convulsions,  l’hystérie,  l’épilepsie,  la  chorée. 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  381 

le  grincement  de  dents,  le  bégayement,  le  strabisme,  le  trismus,  le  téta¬ 
nos,  l’hydrophobie,  le  tremblement  universel,  etc.  Ces  symptômes  sont 
loin  d'être  fréquents;  quand  ils  existent,  ils  doivent  être  mis  sur  le 
compte  d’adtions  réflexes  provoquées  par  la  titillation  des  vers  sur  les 
surfaces  avec  lesquelles  ils  sont  en  contact. 

La  plupart  des  phénomènes  morbides  que  nous  venons  de  parcourir 
sont  particuliers  aux  vers  intestinaux.  Le  diagnostic  de  ces  entozoaires  est 
d’ailleurs  rendu  assez  facile  par  ce  fait  qu’ils  sont  souvent  entraînés  avec 
les  garde-robes,  au  milieu  desquelles  on  peut  les  trouver  en  nature  ;  tel 
est  le  cas  pour  les  cucurbitins,  ou  anneaux  détachés  du  tænia.  En  l’ab¬ 
sence  du  ver  lui-même,  ou  d’un  de  ses  fragments,  on  a  encore  la  res¬ 
source  de  rechercher  ses  ovules  parmi  les  matières  rendues.  Davaine 
a  fondé  sur  ce  genre  d’exploration  une  séméiologie  complète  d.es  vers 
intestinaux,  en  montrant  que  leurs  ovules  ont  des  caractères  distinctifs 
très-tranchés.  On  pourra  s’assurer  de  l’exactitude  de  cette  méthode  par 
les  figures  qui  ont  été  reproduites  dans  la  partie  zoologique  de  cct 
article. 

On  obtiendrait  encore  un  diagnostic  direct  par  l’examen  microsco¬ 
pique  de  l’urine  d’un  individu  qu’on  supposerait  atteint  de  strongle 
géant.  On  devrait,  d'après  Davaine,  y  trouver  en  grand  nombre  les  œufs 
de  ce  parasite.  La  nature  de  certaines  hématuries  réputées  vermineuses 
serait  aussi  appréciée  par  le  même  procédé  :  tel  est  le  cas  pour  une  nou¬ 
velle  forme  d’hématurie  intertropicale  observée  au  Brésil  par  le  docteur 
0.  Wucherer,  et  dont  les  détails  se  trouvent  reproduits  par  Le  Roy  de  Mé- 
ricourt  dans  l’un  des  derniers  numéros  des  Archives  de  médecine  navale 
(1870).  De  même,  on  reconnaîtrait,  dans  les  mucosités  rejetées  par  les 
animaux  affectés  de  bronchite  vermineuse  épidémique,  les  débris  et 
les  larves  du  strongle  particulier  qui  produit  cette  maladie.  Enfin  citons 
les  faits  très-curieux  de  cysticerques  découverts  dans  l’œil  à  l’aide  de 
l’ophthalmoscope,  et  de  trichines  vues  au  microscope  sur  des  parcelles 
de  muscles  recueillies  sur  des  individus  vivants. 

Les  entozoaires  ne  se  prêtent  pas  toujours  à  un  diagnostic  aussi  cer¬ 
tain.  Les  accidents  dus  à  leur  présence  se  confondent  le  plus  souvent 
avec  les  diverses  maladies  des  organes  où  ils  se  rencontrent;  et  si  l’on 
vient  à  soupçonner  l’existence  d’une  pareille  cause,  ce  n’est  qu’une  pré¬ 
somption  justifiée  par  l’observation  de  faits  antérieurs  et  par  l’expérience 
acquise  :  tel  est  le  cas  pour  le  cœnure  cérébral  dans  ses  rapports  avec  le 
tournis  du  mouton. 

Indépendammentdesdésordresinhérents  au  développement  des  vers  dans 
l’organisme,  il  peut  encore  surgir  comme  conséquence  de  leur  seule  pré¬ 
sence  les  complications  les  plus  inattendues  et  quelquefois  les  plus  graves. 
C’est  ce  qui  arrive  par  le  fait  de  leur  migration  naturelle  ou  accidentelle 
au  travers  de  l’économie  ;  ainsi  un  ascaride  lombricoïde  s’introduit  dans 
les  voies  biliaires  et  les  obstrue,  un  kyste  hydatique  du  foie  se  rompt 
dans  la  plèvre  et  y  provoque  une  pleurésie  suraiguë,  etc.  Mais  de  sem¬ 
blables  événements  échappent  à  toute  prévision,  et  n’éclairent  pas  beau- 


382  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  ascarides  lombricoïdes. 
coup  sur  la  nature  de  ce  qui  la  détermine.  Exceptons  cependant  le  cas 
où  des  hydalides  sont  rendues  avec  les  garde-robes,  ou  sont  rejetées  par 
l’expectoration. 

Traitement.  —  Le  traitement  des  affections  vermineuses  lîe  comporte 
qü’une  seule  indication.  Il  s’agit  toujours  par  un  moyen  ou  par  un  autre 
d’amener  l’expulsion  du  parasite.  On  peut  arriver  au  même  but  par  plu¬ 
sieurs  voies  :  tantôt  par  des  procédés  chirurgicaux,  et  tantôt  à  l’aide  de 
substances  médicamenteuses.  Les  agents  pharmaceutiques  qui  reçoivent 
cette  destination,  prennent  le  nom  de  vermifuges  ou  à’anthelminthiques. 
{Voy.  Antuelminthiques,  t.  II,  p.  553.)  Ils  constituent  un  groupe  peu  na¬ 
turel,  et  sont  empruntés  aux  diverses  sections  de  la  matière  médicale.  Ils 
n’ont  de  commun  que  l’objet  pour  lequel  on  les  emploie;  c’est  ainsi  que 
se  trouvent  rapprochés  des  produits  tels  que  :  l’huile  de  ricin,  le  calomel, 
le  seinen-conti  a,  la  mousse  de  Corse,  l’essence  de  térébenthine,  la  fou¬ 
gère  mâle,  Lécorce  de  racine  de  grenadier,  le  kousso,  etc.,  etc. 

Parmi  ces  substances,  il  en  est,  comme  l’huile  de  ricin,  qui  n’agissent 
guère  qu’en  vertu  de  leurs  propriétés  purgatives  et  partant  expulsives. 
Mais  il  en  est  d’autres  qui  sontpre.sque  spécifiques,  et  qui  ne  s’appliquent 
efficacement  qu’au  traitement  d’une  seule  espèce  de  ver.  Tel  est  le  cas  de 
la  fougère  mâle  qui  paraît  plus  efficace  pour  chasser  le  bothriocéphale 
que  le  tænia  solium  ;  tandis  que  celui-ci  est  détruit  presque  à  coup  sûr 
par  l’écorce  de  racine  de  grenadier  et  par  le  kousso.  Ces  différents  agents 
sont  plutôt  vermicides  que  vermifuges. 

Il  y  a,  du  reste,  dans  l’emploi  des  anthelminthiques,  certaines  condi¬ 
tions  à  remplir  qui  ne  seront  bien  appréciées  que  lorsqu’on  se  mettra  en 
présence  des  faits  particuliers  de  l’helminthiasis,  ou  qu’en  se  reportant  à 
l’histoire  spéciale  des  plantes  etdes  substances  auxquellesils  sontempruntés. 

Notre  intention  ne  saurait  être  d’examiner  au  point  de  vue  patholo¬ 
gique  chacune  des  espèces  d’entozoaires  dont  il  a  été  fait  mention  dans  la 
première  partie  de  cet  article.  Les  détails  qui  ont  été  donnés  alors  pour  la 
plupart  d’entre  eux  sont  très-suffisants  sous  tous  les  rapports.  Nous  de¬ 
vons  nous  borner  aux  helminthes  qui  appartiennent  plus  particulièrement 
à  l’homme,  et  même  à  ceux  qu’on  trouve  le  plus  fréquemment  dans  nos 
contrées;  encore  faudra-t-il  qu’ils  offrent  un  intérêt  réel  pour  la  pratique. 

Parmi  les  nématoïdes,  nous  étudierons  l’ascaride  lombrico'ide,  l’oxyure 
vermiculaire,  la  filaire  et  la  trichine. 

Parmi  les  trématodes,  nous  devrions  donner  notre  attention  aux  dou¬ 
ves  du  foie;  mais  ce  que  nous  en  avons  dit  ailleurs  (voy.  Biliaires  :  voies, 
t.  V,  p.  91)  nous  dispense  d’y  revenir  ici. 

Parmi  les  cestoïdes,  nous  décrirons,  comme  cas  pathologiques,  le 
cysticerque,  V échinocoque  et  le  tænia. 

I.  Ascarides  lombricoïdes.  —  Ce  sont  les  entozoaires  dont  la  présence 
est  constatée  le  plus  souvent  chez  l’homme;  et  cela  à  cause  non-seulement 
de  leurs  dimensions  qui  ne  leur  permettent  guère  d’échapper  à  l’observa¬ 
teur,  mais  encore  de  leur  fréquence  relative  qui  est  réelle.  Aussi  servent- 


ENTOZO AIRES  (pathologie).  —  ascarides  lombeicoïdes,  383 
ils  ordinairement  de  type  dans  les  descriptions  générales  qu’on  donne 
des  vers  intestinaux,  quant  aux  circonstances  où  l’on  rencontre  ces  para¬ 
sites,  aux  effets  qu’ils  déterminent  sur  l’économie  vivante,  et  aux  moyens 
qu’on  emploie  pour  les  détruire. 

Causes.  —  Les  lombrics  habitent  normalement  l’intestin  grêle  :  c’est  là 
qu’ils  trouvent  les  conditions  les  plus  favorables  à  leur  existence;  c’est  là 
leur  véritable  milieu.  Lorsque,  par  hasard,  ils  remontent  jusque  dans  l’es¬ 
tomac  ou  qu’ils  descendent  dans  le  gros  intestin,  ils  ne  tardent  pas  à  être 
rejetés  par  le  vomissement  ou  avec  les  garde-robes. 

Ces  vers  sont  rarement  isolés  ;  ils  se  montrent  en  plus  ou  moins  grand 
nombre  à  la  fois;  mais  il  y  a  peu  d’intérêt  à  préi  iser  cette  quantité  par 
des  chiffres,  puisqu’elle  n’est  subordonnée  à  aucune  règle  nécessaire,  et 
que  pour  tout  dire,  elle  peut  varier  depuis  1  jusqu’à  1000  et  même  da¬ 
vantage.  Souvent  il  arrive  que  les  lombrics  sont  rejetés  à  des  intervalles 
assez  rapprochés,  et  qu’on  en  trouve  de  cette  façon  une  proportion  consi¬ 
dérable;  il  y  a  lieu  de  supposer  alors  qu’ils  se  sont  reproduits  très-rapi¬ 
dement  par  une  sorte  de  pullulation  qui  n’est  pas  sans  exemple  dans 
l’histoire  du  parasitisme.  Dans  quelques  cas,  on  a  vu  les  ascarides  remplir 
complètement  l’intestin  et  y  occasionner  des  obstructions  infranchis¬ 
sables. 

Sexe.  —  Le  jeune  âge  est  particulièrement  exposé  aux  vers  lombricaux. 
Néanmoins,  ils  sont  rares  durant  la  lactation,  alors  que  l’enfant  n’em¬ 
prunte  point  encore  ses  aliments  au  dehors,  et  avec  eux  les  germes  de  ces 
parasites.  Ils  deviennent  ensuite  très-fréquents  jusqu’à  l’âge  adulte  qui  les 
offre  encore  assez  souvent  ;  on  les  trouve  même  jusque  dans  la  vieillesse 
qui  n’est  pas  sans  en  être  atteinte  quelquefois.  Ils  paraissent  plus  communs 
chez  la  femme  que  chez  l’homme.  On  les  croit  propres  aux  constitutions 
faibles,  lymphatiques  et  vouées  à  la  scrofule.  De  mauvaises  conditions 
hygiéniques,  une  alimentation  peu  convenable,  surtout  composée  de  lé¬ 
gumes,  de  fruits,  de  matières  sucrées  et  féculentes,  et  dont  sont  exclus 
les  boissons  fermentées  et  les  condiments,  favorisent,  dit-on,  leur  déve¬ 
loppement.  Suivant  Hippocrate,  ils  sont  plus  fréquents  en  automne; 
tandis  que  Sennert  les  observait  surtout  au  printemps.  Ces  vers  sont 
cosmopolites  :  on  les  trouve  dans  les  climats  froids  et  humides  du 
Nord  et  dans  les  contrées  torrides  des  tropiques.  Ils  sont  très-nom¬ 
breux  à  Cayenne,  aux  Antilles,  etc.  Ils  paraissent  affectionner  spéciale¬ 
ment  la  race  nègre. 

Quelquefois  les  ascarides  lombricoïdes  semblent  se  présenter  sous 
forme  épidémique.  On  cite  des  épidémies  graves  de  fièvres  muqueuses  et 
de  dysenterie,  dans  le.squelles  on  les  a  rencontrés  en  abondance,  et  aux¬ 
quelles  ils  ont  communiqué  des  caractères  particuliers.  On  trouvera  dans 
l’important  ouvrage  de  Davaine  sur  les  entozoaires  la  mention  des  prin¬ 
cipaux  faits  de  ce  genre.  Ils  se  présentent  avec  un  tel  cortège  de  détails, 
ils  ont  été  observés  par  des  hommes  si  dignes  de  foi,  et  enfin  le  traite¬ 
ment  anthelminthique  a  joué  un  rôle  si  considérable  dans  ces  cas,  que  la 
science  doit  en  admettre  l’authenticité.  La  plus  célèbre  entre  toutes  ces 


384  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  ascarides  lombricoïdes. 
épidémies  est  celle  qui  a  régné  à  Gœttingen,  durant  les  années  1 760  et 
i  761,  et  dont  la  relation  nous  a  été  laissée  par  Rœderer  et  Wagler. 

Mais  quelle  part  revient  aux  helminthes  dans  ces  affections  épidé¬ 
miques  ?  En  sont -ils  la  cause  essentielle,  et,  par  la  dissémination  de  leurs 
germes,  la  raison  de  l’extension  de  la  maladie  parmi  les  habitants  d’une 
même  localité?  Ou  bien  ne  sont-ils  pas  plutôt  le  produit  de  circonstances 
maladives  qui  auraient  préparé  et  favorisé  leur  développement  ?  La  solu¬ 
tion  de  ces  questions  n’est  pas  douteuse.  Il  est  plus  que  probable  que, 
toute  idée  de  génération  spontanée  étant  mise  de  côté,  le  concours  de 
plusieurs  influences  est  ici  nécessaire.  Ce  que  l’on  sait  du  mode  de  repro¬ 
duction  des  ascarides,  de  la  quantité  énorme  de  leurs  ovules  qui  est  re¬ 
jetée  par  les  selles,  de  la  résistance  de  ces  ovules  à  la  destruction,  rend 
un  compte  suffisant  de  la  propagation  de  ces  parasites  chez  un  très-grand 
nombre  d’individus  à  la  fois  ou  successivement,  même  en  dehors  de  circon¬ 
stances  vraiment  épidémiques.  D'un  autre  côté,  il  faut  convenir  que  tout 
moment  n’est  pas  propice  à  l’éclosion  des  germes  ainsi  disséminés  et  à  la 
pullulation  des  helminthes.  Des  conditions  hygiéniques  mauvaises,  un 
état  maladif  antérieur,  ou  actùel,  interviennent  à  leur  tour,  et  expli¬ 
quent  comment  les  vers  se  manifestent  quelquefois  avec  tant  d’exubé¬ 
rance  et  viennent  à  leur  tour  compliquer  un  mal  qui  existait  déjà. 

La  voie  que  suivent  les  œufs  d’ascarides  dans  leur  dissémination  en  gé¬ 
néral  paraît  être  l’eau  employée  comme  boisson,  et  particulièrement  l’eau 
des  ruisseaux  stagnants,  des  mares  à  proximité  des  habitations,  et  des 
puits  dans  lesquels  les  déjections  humaines  peuvent  arriver  par  infil¬ 
tration.  Davaine  attache  avec  raison  beaucoup  d’importance  à  cet  ordre 
de  faits.  11  fait  remarquer  que  les  vers  sont  plus  communs  parmi  les 
habitants  de  la  campagne,  qui  font  ordinairement  usage  d’eau  non  filtrée 
et  telle  qu’ils  la  puisent  autour  de  leur  demeure,  c’est-à-dire  souillée  de 
toutes  sortes  d’immondices.  Ils  atteignent  fréquemment  aussi,  et  pour  la 
même  raison,  les  nègres  des  colonies  et  les  soldats  réunis  en  corps  d’ar¬ 
mée.  L’emploi  habituel  d’une  eau  courante  ou  filtrée,  la  préférence  que 
l’on  donne  aux  boissons  fermentées  ou  aux  infusions  chaudes,  telles  que 
le  thé,  éloignent  au  contraire  les  chances  de  l’helminthiasis.  Ces  divers 
arguments,  invoqués  avec  beaucoup  d’autorité  par  Davaine,  sont  très- 
valables.  Il  faut  y  ajouter  que  les  aliments  qui  n’ont  pas  subi  de  coction, 
comme  les  fruits,  les  salades  et  certains  légumes,  et  qui  ont  été  arrosés 
avec  de  l’eau  impure,  peuvent  aussi  servir  de  véhicule  aux  germes  des 
lombrics. 

En  résumé,  si  favorables  que  soient  les  conditions  pour  le  développe¬ 
ment  des  ascarides  dans  le  corps  de  l’homme,  il  faut  d’abord,  et  de  toute 
nécessité,  que  leur  œuf  y  ait  été  porté.  (Davaine.) 

Symptômes.  —  La  présence  des  ascarides  lombrico'ides  dans  l’intestin 
peut  être  longtemps  méconnue,  jusqu’à  ce  que  l’un  de  ces  vers  se  montrant 
par  hasard  au  milieu  des  évacuations  décide  l’observateur  à  lui  attribuer,  à 
lui  et  à  d’autres,  des  phénomènes  morbides  sur  la  nature  desquels  il  demeu¬ 
rait  incertain.  Celte  conclusion  n’est  pas  toujours  bien  rigoureuse;  cepen- 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  ascarides  lombricoïdes.  385 

dant  comme  le  signe  en  question  est  absolu  et  pathognomonique,  il  y  a 
lieu  de  lui  accorder  toute  la  valeur  qu’il  mérite,  et  de  grouper  autour  de 
lui  tout  ce  qui  peut  légitimement  lui  être  rattaché.  Il  faut  savoir  de  plus 
que  l’apparition  d’un  lombric  dans  les  selles  ou  dans  les  matières  vomies 
n’implique  pas  forcément  qu’il  y  en  ait  d’autres  dans  l’intestin,  mais  doit 
pourtant  le  laisser  soupçonner.  L’examen  microscopique  des  matières  fé¬ 
cales,  en  y  démontrant  des  ovules  d’ascarides,  peut  alors  donner  au  dia¬ 
gnostic  une  très-grande  précision,  même  lorsque  des  vers  n’ont  pas  en¬ 
core  été  évacués  en  nature.  La  quantité  de  ces  ovules  chez  les  individus 
atteints  de  lombrics  est  telle,  suivant Davaine,  que  chaque  parcelle  de  ma¬ 
tière  grosse  comme  une  tête  d’épingle  en  renferme  plusieurs. 

Lorsque  les  troubles  déterminés  dans  la  santé  par  les  ascarides  sont 
notables,  ils  sont  précisément  ceux  que  nous  avons  indiqués  dans  nos 
généralités  sur  les  entozoaires  ;  car,  parmi  les  vers  intestinaux,  les  lom¬ 
brics  les  accusent  davantage  et  surtout  le,  plus  fréquemment.  Ces  symp¬ 
tômes  se  résument  dans  le  faciès  vermineux,  dans  certains  dérangements 
des  fonctions  digestives,  et  enfin  dans  les  divers  accidents  sympathiques 
que  nous  avons  signalés  alors. 

Le  rôle  pathogénique  des  ascarides  a  été  jadis  étendu  beaucoup  plus 
loin.  Des  pneumonies,  des  pleurésies,  des  méningites,  des  apoplexies,  etc. , 
ont  été  considérées  comme  étant  de  nature  vermineuse,  et  cela  par  action 
indirecte  de  ces  vers  contenus  dans  l’intestin.  Des  constitutions  médicales 
tout  entières,  des  épidémies,  ont  été  revêtues  du  même  caractère,  et  avec 
elles  toutes  les  manifestations  morbides  par  lesquelles  elles  se  révélaient. 
On  a  décrit  une  fièvre  vermineuse  affectant,  comme  les  autres  fièvres 
essentielles  les  deux  types  dominants,  inûammatoire  et  putride,  et  pou¬ 
vant  présenter  dans  son  cours  des  déterminations  sur  différents  viscères. 

Nous  avons  donné  d’autre  part,  la  signification  de  ces  maladies  dites 
vermineuses,  dans  lesquelles  l’apparition  des  lombrics  ou  d’autres  ento¬ 
zoaires,  ne  se  produit  guère  qu’à  titre  de  coïncidence  ou  de  complication. 
Nous  convenons  toutefois  que  ces  parasites  deviennent  alors  un  élément 
important  pour  le  pronostic  et  pour  le  traitement,  et  qu’il  y  a  lieu  d’en 
tenir  grand  compte  dans  la  pratique. 

Afin  d’échapper  à  la  banalité  d’une  pareille  symptomatologie,  nous 
nous  bornerons  à  apprécier  les  désordres  les  plus  évidents  qui  sont  dus 
à  la  présence  des  lombrics,  soit  dans  l’intestin,  soit  dans  les  diverses 
parties  du  corps  où  ils  sont  amenés  par  une  sorte  de  migration,  en  main¬ 
tenant  toujours  un  rapport  très-direct  entre  cesvers  et  les  affections  qu’ils 
paraissent  provoquer. 

Les  ascarides  contenus  dans  l’intestin  ne  sont  pas  sans  exercer  une 
certaine  action  sur  leur  récipient.  Parfois  leur  abondance  extrême,  ou 
leur  pelotonnement,  amenant  l’occlusion  de  l’intestin,  pourrait  à  la  ri¬ 
gueur  donner  lieu  à  quelques-uns  des  signes  de  l’iléus.  Cependant  cette 
occlusion  ne  paraît  pas  devoir  être  jamais  absolue,  ni  durable,  au  point 
d’occasionner  des  accidents  sérieux.  On  a  vu  aussi  figurer  les  lombrics 
dans  les  hernies,  et  on  leur  a  attribué  un  rôle  dans  l’étranglement|  her- 

KODV.  DICT.  HÉD.  ET  CHIR.  XIII.  —  23 


386  ENTOZOÂIRES  (pathologie).  —  ascauibes  losibbicoïdes. 

niaire  (G. Richter,  Wedekind);  mais  Davaine  pense  avec  raison  qu’ijs  n’ont 
guère  ici  d’autre  influence  que  les  matières  contenues  ordinairement  dans 
les  hernies,  et  qu’ils  peuvent  tout  au  plus  produire  de  l’engouement. 

Dans  les  circonstances  habituelles,  le  contact  de  ces  vers  sur  la  mem¬ 
brane  muqueuse  de  l’intestin  ne  détermine  aucune  irritation  appréciable. 
Il  est  des  cas  cependant  où  des  lésions  très-réelles  semblent  avoir  été  la 
suite  de  la  présence  des  lombrics  dans  le  canal  intestinal  ;  telles  sont  : 
le  catarrhe  de  l'intestin  accusé  pendant  la  vie  par  des  selles  muqueuses  ; 
l’entérite  pseudo-membraneuse  avec  expulsion  de  fausses  membranes 
par  les  garde-robes  (Tonné)  ;  l’érosion  hémorrhagique  pouvant  aller  de¬ 
puis  la  simple  ecchymose  de  la  muqueuse  (Leroux)  Jusqu’à  l’ouverture 
d’une  artériole  et  l’hémorrhagie  intestinale  (Chafcellay,  Halmagrand)  ; 
et  enfin  l’ulcération  profonde  de  l’intestin  et  sa  perforation.  Ce  dernier 
accident  a  souvent  pour  résultat  le  passage  des  vers  dans  le  péritoine,  ou 
bien  la  formation  d’un  abcès  vermineux  qui  peut  s’ouvrir  en  différents 
points  de  l’abdomen  et  laisser  à  sa  suite  un  anus  contre  nature. 

11  ne  faudrait  pas  prendre  à  la  lettre  ce  tableau  si  chargé  des  altérations 
anatomiques  attribuées  à  l’action  des  vers  lombricoïdes,  ni  supposer  que 
ceux-ci  aient  le  pouvoir  de  la  déterminer  par  une  intervention  en  quelque 
sorte  volontaire.  La  théorie  qui  faisait  appeler  ces  parasites  vers  effr ac¬ 
teurs  ne  saurait  être  soutenue  de  nos  jours.  Leur  organisation  ne  leur  per¬ 
met  pas  d’agir  d’une  manière  traumatique  sur  l’intestin,  et  ils  se  nourris¬ 
sent  bien  plutôt  des  matières  qui  traversent  le  tube  digestif  qu’aux  dépens 
de  celui  qui  leur  sert  d’habitat.  Mais  si  l’on  se  refuse  à  admettre  des  effets 
aussi  étendus  de  leur  part,  on  a  pu  soutenir  avec  quelque  apparence  de 
raison  que  cette  influence  s’exerçait  d’une  façon  plus  discrète  ou  tout  à 
fait  indirecte.  Mondière  (de  Loudun)  a  soutenu  cette  double  explication. 
D’une  part,  il  croit  que  les  lombrics  peuvent  traverser  les  parois  de  l’in¬ 
testin  en  s’insinuant  entre  les  fibres  de  ce  conduit,  sans  les  détruire,  et 
au  point  même  que  toute  trace  de  leur  passage  disparaît  quelquefois  ;  et 
de  l’autre  qu’ils  provoquent  l’ulcération  de  ces  parois  par  leur  contact 
prolongé.  Davaine,  qui  a  soumis  tous  les  faits  invoqués  relativement  à  ces 
deux  points  de  vue  à  une  analyse  sévère,  démontre  qu’ils  ne  résistent 
point  à  la  discussion.  Dans  tous  les  cas,  l’ulcération  de  la  paroi  intestinale 
avait  dû  précéder  la  sortie  de  l’ascaride  ;  c’est  ainsi  qu’on  a  vu  ces  vers 
se  porter  dans  le  péritoine  au  travers  d’une  perforation  typhoïde  de  l'in¬ 
testin.  11  est  aussi  à  remarquer  que  leur  migration  par  les  diverses  per¬ 
forations  du  tube  digestif  est  plus  fréquente  pour  l’estomac  que  pour  l’in¬ 
testin,  lorsque  Ton  sait  au  contraire  que  c’est  dans  cette  dernière  portion 
des  voies  digestives  qu’ils  ont  leur  séjour  habituel.  Les  lombrics  ont,  d’ail¬ 
leurs,  de  la  tendance  à  s’engager  dans  toute  lacune,  ou  tout  orifice,  que 
présente  la  cavité  où  ils  logent  :  nous  en  aurons  bientôt  la  preuve  ;  et 
cette  disposition  est  surtout  accusée  après  la  mort  de  celui  qui  les  porte, 
alors  qu’ils  cherchent  une  issue  vers  le  dehors.  Dans  ces  conditions,  on 
doit  tout  au  plus  admettre,  avec  Davaine,  que  dans  un  intestin  ramolli, 
aminci,  et  profondément  ulcéré,  la  pression  de  la  tête  d’un  ascaride  es  t 


ENTOZOÂIRES  (pathologie).  —  ascarides  lombeicoïdes.  387 
capable  d’opérer  la  déchirure  et  de  compléter  la  perforation  de  la  paroi. 
Ce  n’est  que  lorsque  cette  effraction  se  produit  après  la  mort  qu’on  s’ex¬ 
plique  comment  on  a  pu  trouver  des  ascarides  dans  le  péritoine,  sans 
qu’il  y  eût  trace  de  péritonite  ;  car  les  matières  intestinales,  en  s’échap¬ 
pant  par  le  même  orifice  que  le  ver,  n’auraient  pas  manquéde  donner  lieu 
à  cette  grave  complication. 

L’issue  des  lombrics  hors  du  tube  digestif  par  une  perforation  de  ce 
conduit  n’a  pas  toujours  pour  résultat  une  péritonite  généralisée.  Ces  vers 
peuvent  se  faire  jour  jusqu’au  tégument,  soit  d’une  manière  directe  ,  soit 
par  l’intermédiaire  d’un  phlegmon  ou  d’un  abcès  dit  vermineux.  C’est 
dans  les  points  de  la  paroi  abdominale  où  se  montrent  le  plus  habituelle¬ 
ment  les  hernies,  à  l’ombilic,  à  l’aine,  que  cette  sorte  d’évacuation  se  fait 
le  plus  souvent  ;  et  cela  dans  les  mêmes  rapports  de  fréquence ,  relative¬ 
ment  à  l’âge,  que  les  hernies  elle-mêmes.Davaine  voit  très-justement  dans 
ce  résultat  un  nouvel  argument  en  faveur  de  la  passivité  de  la  migration 
des  lombrics. 

Cependant  les  tnmeurs  vermineuses  ont  aussi  été  observées  dans  d’au¬ 
tres  régions  du  corps  :  le  long  de  la  ligne  blanche,  au  bas-ventre,  au  pé¬ 
rinée,  dans  les  régions  sacrée  et  lombaire,  dans  les  hypochondres,  dans  la 
paroi  thoracique,  etc.  On  a  vu  des  vers  lombrics  occuper  la  paroi  même 
de  l’intestin,  un  sac  herniaire,  un  abcès  par  congestion,  et  pénétrer  jus¬ 
que  dans  le  parenchyme  pulmonaire  au  travers  d’une  ulcération  de  l’œso¬ 
phage,  et  jusque  dans  la  vessie  par  la  destruction  des  tissus  intermédiaires. 
On  trouvera  dans  l’ouvrage  de  Davaine  l’indication  exacte  de  tous  ces  faits 
qui  ont  été  collectionnés  par  lui  avec  une  minutieuse  et  saine  érudition. 
Dans  ces  différents  cas,  des  adhérences  ont  toujours  prévenu  l’effusion  des 
matières  intestinales  dans  les  cavités  avoisinantes ,  et  l’ahcès  s’est  com¬ 
porté  comme  s’il  s’agissait  de  tout  autre  corps  étranger  cheminant  vers 
l’extérieur.  Du  reste,  ce  n’est  quelquefois  que  consécutivement  qu’un  as¬ 
caride  pénètre  dans  un  foyer  qui  a  fait  communiquer  l’intestin  avec  le 
tégument  externe,  comme  cela  se  produit  à  la  suite  d’un  phlegmon  de  la 
fosse  iliaque.  Ajoutons,  pour  terminer,  qu’un  anus  contre  nature  peut 
persister  après  un  pareil  accident  et  donner  issue  ultérieurement  à  de 
nouveaux  lombrics. 

Ces  entozoaires  peuvent  conserver  leur  qualité  de  vers  erratiques  sans  être 
■effracteurs.  Il  suffit  pour  cela  qu’ils  quittent  l’intestin  grêle,  leur  demeure 
normale,  pour  s’engager  dans  l’une  des  voies  naturelles  qui  y  aboutissent. 

Leur  pénétration  dans  les  voies  biliaires  par  l’orifice  du  canal  cholédo¬ 
que  n’est  pas  un  événement  très-rare.  Nous  avons  constaté  le  fait,  et  nous 
l’avons  étudié  dans  tous  ses  détails  à  propos  d’un  autre  article  [voy.  Bi- 
iiAiREs  (Voies),  t.  V,  p.  89];  nous  n’y  reviendrons  donc  pas  ici. 

Par  la  même  raison,  rien  n’empêche  les  ascarides  de  se  porter  dans 
les  voies  pancréatiques.  Davaine  rapporte  quatre  exemples  de  ce  cas,  qu’il 
a  empruntés  à  Th.  Bartholin,  à  Gmelin,  à  Hayner  et  à  Bréra.  Du  reste,  il 
n’est  guère  possible  de  soupçonner  l’existence  de  cette  complication  du¬ 
rant  la  vie,  et  ce  n’est  qu’à  l’autopsie  qu’on  peut  s’assurer  de  sa  réalité. 


5S8  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  ascarides  lohbricoïdes. 

Lorsque  les  lombrics  se  laissent  entraîner  au  travers  de  l’orifice  iléo- 
cæcal  dans  le  gros  intestin,  ils  sont  bientôt  expulsés  avec  les  selles  :  c’est 
là  un  fait  des  plus  ordinaires  et-  qui  a  par  lui-même  plus  d’avantages  que 
d’inconvénients. 

La  présence  de  ces  vers  dans  l’estomac  s’accompagne  de  symptômes 
plus  pénibles.  Elle  s’accuse  par  des  picotements  à  l’épigastre,  par  de  la 
toux  gastrique,  par  des  nausées,  et  enfin  par  des  vomissements  au  milieu 
desquels  le  parasite  apparaît  souvent  au  grand  effroi  et  au  grand  soulage¬ 
ment  du  malade. 

Dans  cette  expulsion  des  ascarides  par  le  haut,  un  ver  peut  s’introduire 
dans  l’un  des  orifices  qu’il  rencontre  sur  son  passage.  On  a  vu  quelque¬ 
fois  des  lombrics  être  rejetés  par  les  narines  ;  on  en  a  vu  pénétrer  dans 
la  trompe  d’Eustache  (Winslow) ,  et,  de  là,  dans  la  caisse  du  tympan,  pour 
sortir  par  le  conduit  auditif  externe  (Bruneau),  on  en  a  même  vu  traver¬ 
ser  le  canal  nasal  pour  se  montrer  dans  le  grand  angle  de  l’œil.  (Amatus 
Lusitanus,  Vrayet.)  Mais  le  cas  le  plus  fâcheux  est  lorsque  l’un  de  ces 
vers  pénètre  jusque  dans  les  voies  respiratoires  pendant  la  vie  ;  il  en  ré¬ 
sulte  presque  toujours  une  suffocation  mortelle.  Davaine  rapporte  qua¬ 
torze  observations  de  ce  fait  empruntées  à  différents  auteurs.  Dans  un 
seul  cas,  l’expulsion  du  ver  par  la  toux  empêcha  une  terminaison  funeste. 
(Aronssohn  père.)  Le  ver  a  été  trouvé,  le  plus  souvent,  occupant  encore 
le  larynx  ou  la  trachée.  Il  serait  même  possible  de  s’assurer  de  sa  pré¬ 
sence  par  l’inspection  de  l’arrière-gorge,  et  de  le  voir  en  partie  engagé 
dans  le  larynx,  d’où  il  ne  serait  sans  doute  pas  difficile  de  l’extraire. 

Mais  la  cause  de  la  mort  n’est  souvent  dévoilée  que  par  l’autopsie,  et 
après  que  la  constatation  d’autres  vers  de  même  espèce  dans  le  tube  di¬ 
gestif  a  éveillé  les  soupçons  sur  sa  véritable  nature.  On  pourrait  aussi 
objecter,  comme  cela  a  été  fait,  que  le  ver  n’a  pénétré  dans  le  conduit 
aérien  qu’après  la  mort.  Une  pareille  chose  est  possible;  cependant  la 
réalité  de  la  complication  qui  nous  occupe  est  aujourd’hui  trop  bien  éta¬ 
blie  pour  qu’on  doive  la  mettre  en  doute.  Le  diagnostic  pourra  toujours 
être  fondé  sur  la  soudaineté  des  accidents  de  suffocation,  donnant  l’idée 
qu’un  corps  étranger  occupe  les  voies  aériennes,  et  sur  l’exploration  de 
l’arrière-gorge  qui  révélera  parfois  la  qualité  de  ce  corps  étranger. 

Cet  ordre  de  faits  permet  de  comprendre  comment  la  mort  subite  a  pu 
être  rangée  parmi  les  conséquences  éventuelles  de  la  présence  des  lom¬ 
brics  chez  un  individu,  mais  sans  qu’on  en  ait  précisé  le  motif;  autrement 
cette  terminaison  d’une  affection  bénigne  au  fond  demeurerait  inexplicable. 

Traitement.  —  Les  moyens  employés  pour  combattre  les  ascarides  lom- 
bricoïdes  se  composent  de  toutes  les  substances,  et  la  liste  en  est  longue, 
réputées  anthelminthiques.  Nous  nous  bornerons  à  mentionner,  parmi 
celles-ci,  celles  qui  sont  les  plus  usitées  et  dont  l’efficacité  est  la  moins 
douteuse. 

La  plupart  des  purgatifs  sont  vermifuges.  Quand  ils  n’auraient  que  l’a¬ 
vantage  d’entraîner  quelques  vers  avec  les  selles,  et  de  déceler  ainsi  l’exis¬ 
tence  de  ces  parasites,  ce  serait  déjà  beaucoup.  Mais  ils  peuvent  les  chas- 


ENTOZO AIRES  (pathologie).  ^ —  aecakides  lombeicoïdes.  389 
ser  définitivement.  Sous  ce  rapport, les  huiles  grasses,  et  particulièrement 
l’huile  de  ricin,  sont  d’une  utilité  incontestable.  Odier  (de  Genève)  avait 
déjà  prouvé  que  cet  agent  peut  expulser  le  tænia;  à  plus  forte  raison  est-il 
capable  de  détruire  les  ascarides.  Il  est  bon,  à  cet  effet,  de  dépasser  les 
doses  ordinaires  de  ce  purgatif,  et  d’en  donner  jusqu’à  60  grammes,  et 
même  plus,  à  la  fois. 

Du  reste,  la  médication  purgative  sera  toujours  associée  d’une  ma¬ 
nière  avantageuse  aux  vermifuges  proprement  dits,  soit  qu’on  la  mette 
en  usage  en  même  temps  qu’eux,  soit  qu’on  l’emploie  après  quelques 
jours  de  leur  administration  et  pour  en  compléter  les  effets. 

Le  calomel  réunit  en  lui  les  deux  qualités  de  vermicide  et  de  vermi¬ 
fuge,  et  convient  très-bien  dans  le  traitement  des  ascarides.  On  le  donne, 
suivant  les  âges,  depuis  la  dose  de  5  centigrammes  jusqu’à  celle  de 
1  gramme,  mêlé  à  un  peu  de  miel  ou  à  du  sirop  de  sucre.  Les  tablettes, 
connues  sous  le  nom  de  tablettes  vermifuges,  en  contiennent  5  centi¬ 
grammes  ;  elles  sont  au  sucre  ou  au  chocolat.  Il  entre  également  dans  la 
composition  de  biscuits  vermifuges  dans  des  proportions  que  le  médecin 
doit  connaître  et  préciser.  Enfin  on  l’associe  souvent  à  certains  autres 
anthelminthiques  que  nous  indiquerons  par  la  suite. 

Les  diverses  préparations  mercurielles  possèdent  toutes  des  propriétés 
vermifuges  ;  mais  elles  sont  beaucoup  moins  usitées  que  le  calomel  dans 
le  but  qui  nous  importe  ici. 

La  sântonine  est  aussi  très-efficace  contre  les  ascarides.  Elle  est  d’un 
emploi  commode  dans  la  médecine  des  enfants,  en  raison  de  sa  saveur 
peu  prononcée.  On  la  donne  à  la  dose  de  5  à  40  centigrammes  par  jour, 
pure  ou  unie  au  jalap,  à  la  scammonée  ou  au  calomel.  On  en  fait  des  pas¬ 
tilles,  des  dragées,  des  biscuits,  où  elle  figure  ordinairement  avec  l’une 
des  substances  que  nous  venons  de  nommer.  Küchenmeister  l’administre 
dans  l’huile  de  ricin.  Sous  cette  forme,  J.  Brisbane  lui  attribue  une  éner¬ 
gie  toute  particulière,  et  la  considère  comme  vraiment  spécifique  dans  te 
traitement  des  lombrics.  Il  la  prescrit  à  la  dose  de  10  à  40  centigram¬ 
mes  dans  une  quantité  d’huile  de  ricin  qui  varie  depuis  une  cuillerée  à 
café  jusqu’à  une  cuillerée  à  bouche,  suivant  l’âge  du  sujet.  11  la  donne  le 
soir,  et  le  lendemain  matin  il  administre  une  infusion  de  séné. 

Le  semen-contra  était  naguère  encore  le  vermifuge  le  plus  employé 
contre  les  lombrics.  Il  doit  à  la  sântonine  qu’il  contient  une  grande  partie 
de  ses  propriétés  anthelminthiques;  il  agit  aussi  par  une  huile  essentielle 
qui  lui  est  propre.  Il  se  prend  en  poudre  à  la  dose  de  2  à  8  grammes  par 
jour,  simplement  délayé  dans  de  l’eau  ou  dans  du  lait;  on  l’incorpore 
aussi  au  sirop,  au  miel  et  au  pain  d’épices.  Il  entre  enfin  dans  une  foule 
de  préparations  vermifuges  plus  ou  moins  complexes  qu’il  est  inutile 
d’énumérer  ici.  On  le  donne  trois  ou  quatre  jours  de  suite,  puis  on  pres¬ 
crit  un  purgatif  pour  compléter  le  traitement. 

Des  plantes  voisines  de  l’artemisia-contra,  telles  que  l’absinthe  ma¬ 
rine,  la  tanaisie,  la  camomille,  la  santoline,  etc.,  jouissent  également  de 
vertus  anthelminthiques  très-énergiques.  On  peut  les  ordonner  à  la  dose 


390  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  oxydees  -verhicdlaires. 
de  4  à  16  grammes  infusées  dans  125  grammes  d’eau  ou  de  lait;  on 
sucre  à  volonté.  On  connaît,  sous  le  nom  de  barbotine,  un  mélange  des 
semences  de  ces  différentes  plantes  et  de  semen-contra,  qui  s’emploie  aux 
mêmes  usages  et  aux  mêmes  doses. 

La  mousse  de  Corse  vient  ensuite  dans  l’ordre  d’efficacité  contre  les 
ascarides,  mais  à  la  condition  d’être  très-récente  et  de  n’avoir  pas  été  fal¬ 
sifiée.  C’est  un  mélange  d’un, très-grand  nombre  d’algues  marines  dans 
lequel  prédomine  le  fucus  helminthocorton.  Son  principal  mérite  est  d’a¬ 
voir  une  saveur  peu  prononcée  et  partant  de  convenir  aux  enfants.  Elle 
se  prescrit  en  poudre  à  la  dose  de  2  à  4  grammes  par  jour,  ou  en  infusion 
à  celle  de  8  à  16  grammes  pour  une  tasse  d’eau  ou  de  lait.  On  en  fait 
aussi  un  sirop  (Boullay),  et  une  gelée  (Codex). 

L’ai/,  le  camphre,  Y  essence  de  térébenthine,  le  pétrole,  sont  d’excellents 
moyens  pour  détruire  les  lombrics;  ils  sont  d’un  usage  pour  ainsi  dire 
populaire.  Le  soufre  en  poudre  et  les  sulfites  alcalins  sont  aussi  très- 
utiles  et  très-peu  dispendieux. 

La  spigélie,  le  figuier  de  Cayenne,  le  kamala,  sont  d’un  emploi  beau¬ 
coup  plus  restreint  dans  nos  pays. 

Les  substances  amères  sont  en  général  vermifuges  ;  aussi  a-t-on  quel¬ 
quefois  prescrit,  dans  ce  but,  Yaloès,  la  noix  vomique,  le  quinquina,  le 
simarouba,  etc.  Nous-même  avons  vu,  dans  un  cas,  l’extrait  de  quassia 
amara  provoquer  l’expulsion  d’un  très-grand  nombre  de  lombrics  et  faire 
cesser  des  accidents  dont  l’origine  nous  était  restée  inconnue. 

Laissant  de  côté  une  foule  d’autres  agents  qui  sont  efficaces  sans  doute 
comme  anthelminthiques,  mais  dont  l’emploi  est  dangereux  ou  qu’il  est 
difficile  de  se  procurer,  nous  terminerons  cette  revue  thérapeutique  en 
signalant  les  propriétés  vermifuges  très-remarquables  que  nous  avons 
reconnues  à  un  composé  de  fluor,  Yhydrofiuosilicate  de  potasse.  Cette 
substance  est  très-peu  soluble  dans  l’eau,  et  cependant  l’eau  avec  laquelle 
elle  a  été  en  contact  détruit  très-énergiquement  les  animaux  inférieurs 
aquatiques,  tels  que  les  infusoires,  les  planaires,  les  sangsues,  les  mol¬ 
lusques,  les  crustacés,  etc.  Nous  avons  administré  ce  produit  à  des  indi¬ 
vidus  affectés  d’ascarides,  et  nous  avons  obtenu  facilement  l’expulsion  de 
ces  vers;  nous  le  donnions  en  poudre,  dans  de  l’eau  sucrée  ou  dans  du 
sirop,  depuis  5  centigrammes  jusqu’à  un  1  gramme,  sans  occasionner 
d’autres  accidents  que  quelques  pincements  d’estomac.  Les  effets  de  ce 
moyen  sont  rapides,  et  il  n’a  pas  besoin  d’être  continué  longtemps.  Il  est 
bon,  comme  pour  les  autres  vermicides,  de  faire  suivre  son  emploi  d’une 
purgation  à  l’huile  de  ricin. 

IL  Oxyures  verïuculaires.  —  Les  oxyures  habitent  presque  exclusive¬ 
ment  l’extrémité  inférieure  du  gros  intestin  ;  rarement  on  les  rencontre 
plus  haut  et  jusque  dans  le  cæcum.  (Bremser.)  11  leur  arrive  parfois  de 
se  porter  à  l’extérieur,  pour,  de  là,  remonter,  chez  la  femme,  dans  le 
vagin,  et  même  dans  l’urèthre  et  dans  la  vessie. 

-Ces  vers  trouvent  dans  l’endroit  qu’ils  occupent  habituellement  les  cir¬ 
constances  les  plus  favorables  à  leur  pullulation.  Leur  extrême  petitesse. 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  oxyures  vermicdlaires.  391 
les  plis  du  rectum  au  milieu  desquels  ils  se  cachent,  leur  permettent 
d’échapper  en  partie  aux  moyens  qu’on  emploie  pour  les  détruire;  et, 
lorsqu’on  croit  en  avoir  débarrassé  les  malades,  ils  ne  tardent  pas  à  ma¬ 
nifester  de  nouveau  leur  présence  par  les  symptômes  les  plus  importuns. 

Causes.  —  Ils  sont  particuliers  à  l’enfance;  cependant  ils  existent  aussi 
chez  l’adulte  et  chez  le  vieillard.  Il  peut  arriver  qu’un  même  individu  en 
soit  affecté  aux  diverses  époques  de  sa  vie,  soit  en  vertu  d’une  prédisposi¬ 
tion  spéciale,  soit  parce  qu’à  la  suite  d’une  première  infection  on  n’a  ja¬ 
mais  pu  parvenir  à  le  délivrer  entièrement  de  ces  parasites. 

Ils  ont  été  observés  dans  tous  les  climats  et  sous  toutes  les  latitudes.  Ils 
paraissent  plus  communs  au  printemps  et  à  l’automne  ;  du  moins  c’est  à 
l’époque  de  ces  deux  saisons  qu’ils  accusent  leur  existence  de  la  manière 
la  plus  fâcheuse. 

Ils  pénètrent  sans  doute  dans  l’économie,  comme  les  lombrics,  par  le 
moyen  de  leurs  œufs,  qui  sont  mélangés  aux  aliments  ou  aux  boissons. 
Cependant  ils  peuvent  aussi  se  transmettre  par  contagion  directe,  en 
vertu  de  leur  tendance  à  la  migration  extérieure,  et  par  la  cohabitation 
avec  des  personnes  qui  en  sont  affectées. 

Symptômes.  —  La  présence  de  ces  vers  dans  le  rectum  en  très-grand 
nombre  à  la  fois  a  souvent  pour  résultat  d’y  provoquer  une  irritation  très- 
appréciable.  La  muqueuse  se  tuméfie,  se  ramollit,  devient  le  siège  d’une 
sécrétion  catarrhale  abondante  et  peut  même  offrir  des  points  ecchymo- 
tiques  ;  il  n’y  a  pas  d’exemple  que  ces  effets  puissent  aller  jusqu’à  l’ulcé¬ 
ration  de  l’intestin. 

Maisy  en  dehors  de  ces  lésions  plus  ou  moins  accusées,  les  oxyures  dé¬ 
noncent  leur  existence  par  les  symptômes  les  moins  équivoques.  Ce  sont 
d’abord  des  douleurs  sourdes  vers  la  partie  inférieure  du  gros  intestin, 
puis  un  ténesme  rectal  qui  se  propage  jusqu’aux  voies  urinaires,  et  par¬ 
dessus  tout  une  démangeaison  anale  qui  offre  le  caractère  le  plus  saillant 
de  cette  affection.  Le  prurit  n’est  pas  continu;  il  s’exaspère  à  certains 
moments,  et  notamment  après  les  repas,  et  le  soir  sous  l’influence  de  la 
chaleur  du  lit.  Cette  sensation  est  parfois  intolérable  et  peut  provoquer 
les  accidents  sympathiques  de  l’ordre  de  ceux  que  nous  avons  signalés 
pour  les  lombrics,  à  savoir  :  les  convulsions,  la  chorée,  l’épilepsie,  les 
attaques  hystériques,  etc. 

Du  côté  des  organes  génito-urinaires,  on  voit  se  produire  les  excitations 
les  plus  fâcheuses  :  l’incontinence  nocturne  d’urine,  l’onanisme,  le  saty- 
riasis,  les  pertes  séminales  involontaires  reconnaissent  souvent  pour 
cause  la  présence  des  oxyures  dans  le  rectum.  Il  est  à  peine  nécessaire 
d’insister  sur  les  inconvénients  qui  en  résultent  pour  la  santé  générale. 
Lallemand  a  tracé  le  tableau  le  plus  sombre  de  ces  pollutions  vermi¬ 
neuses,  et  en  a  parfaitement  indiqué  l’origine  et  le  remède. 

La  meilleure  démonstration  que  tout  ce  cortège  de  symptômes  appartient 
bien  aux  oxyures  est  dans  la  recherche  directe  de  ces  parasites.  Souvent  on 
peut  en  voir  quelques-uns  au  milieu  d.  s  plis  de  l’anus;  ils  se  montrent  aussi 
très-fréquemment  dans  les  selles,  où  il  est  facile  de  les  découvrir  encore 


392  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  oxïdres  vermicülaires. 
vivants;  enfin,  dans  les  cas  douteux,  on  prescrira  un  purgatif,  ou  mieux  en¬ 
core  on  administrera  un  simple  lavement  d’eau  froide,  et  un  certain  nom¬ 
bre  de  ces  vers  ne  manqueront  pas  alors  d’être  entraînés  à  l’extérieur. 

Traitement.  —  Les  inconvénients  quelquefois  très-graves  qui  résultent 
de  l’action  des  oxyures  sur  l’économie,  et  la  difficulté  qu’on  éprouve  tou¬ 
jours  à  détruire  ces  vers  d’une  manière  définitive,  justifient  le  grand  nom¬ 
bre  de  moyens  qu’on  a  conseillés  contre  eux. 

La  plupart  des  remèdes  anthelminlhiques  que  nous  avons  indiqués  à 
propos  des  ascarides  lombricoïdes  pourraient  être  employés  avec  avan¬ 
tage  ici  :  les  purgatifs  huileux,  le  calomel,  la  santonine,  etc.,  réussissent 
quelquefois  ;  mais  il  est  souvent  indispensable  de  joindre  à  ces  médicaments 
pris  par  la  bouche  d’autres  vermifuges  portés  directement  dans  le  rectum. 

Les  lavements  d’eau  froide  ont  été  préconisés  par  van  Swielen.  Ils  doi¬ 
vent  être  assez  abondants  pour  détacher  et  entraîner  les  oxyures;  Lallemand 
prescrivait  même  contre  les  pertes  séminales  involontaires  occasionnées 
par  ces  parasites  de  véritables  douches  ascendantes. 

Les  diverses  plantes  anthelminlhiques  que  nous  avons  énumérées  plus 
haut  peuvent  entrer  dans  la  confection  de  lavements  contre  les  oxyures. 
Il  en  est  de  même  de  Vail  et  de  Y  asa-fœtida,  etc. 

Les  mercuriaux,  et  particulièrement  Y  onguent  gris  (Cruveilhier) ,  ont  été 
introduits  jusque  dans  le  rectum.  Cette  dernière  pommade  y  sera  portée 
directement  avec  le  doigt, ou  fondue  dans  une  certaine  quantité  d’eau  tiède. 

On  a  encore  employé  des  lavements  de  savon  (Guérard),  de  sel  marin 
(Le  Cœur),  d’éther  sidfurique  à  la  dose  de  4  à  8  grammes  dans  de  l’eau 
froide  (Delasiauve) ,  d’eau  sucrée,  d’eau  chargée  d’huile  empyreumatique 
de  Ghabert,  de  vinaigre,  de  suie  de  bois,  d’acide  arsénieux  (1  centigramme 
pour  40  grammes  d’eau) ,  etc. 

Les  lavements  huileux,  et  notamment  d’huile  d’olive,  ont  l’avantage  de 
calmer  promptement  les  démangeaisons  anales;  Hervieux  préconise  Yhuile 
de  ricin. 

Frœnkel  a  recommandé  les  lavements  à  Veau  de  chaux,  à  la  dose  de 
90  grammes  pour  30  grammes  de  décoction  de  guimauve. 

Les  eaux  sulfureuses  naturelles  ont  été  employées  par  Lallemand; 
Guersant  prescrivait  des  lavements  contenant  30  à  60  centigrammes  de 
sulfure  de  pofme  pour  250  grammes  d’eau.  Les  sulfites  alcalins  sont 
également  efficaces.  (Polli.) 

Schultz  Bipont,  dans  les  cas  rebelles,  donne  des  lavements  d’azotate 
d’argent,  d’après  la  formule  suivante  : 

Pr.  :  Azotate  d’argent  cristallisé . 50  à  75  centigrammes. 

Eau  distillée . 120  grammes, 

pour  un  lavement. 

On  doit  prendre  trois  de  ces  lavements  à  un  jour  d’intervalle.  Le  pre¬ 
mier,  en  général,  n’est  pas  gardé  ;  il  est  bientôt  rejeté  avec  un  certain 
nombre  d’oxyures,  les  uns  morts,  les  autres  vivants.  Les  deux  autres 
lavements  ne  sont  rendus  qu’au  bout  de  plusieurs  heures,  en  entraînant 
une  grande  quantité  de  vers  morts. 


ENTOZOÂIRES  (pathologie).  —  oxyures  veruicülaires.  393 

Les  différents  moyens  que  nous  venons  d’indiquer,  sans  avoir  épuisé  la 
liste  de  ceux  qui  ont  été  vantés  contre  les  oxyures,  doivent  être  employés 
avec  une  certaine  persévérance,  si  l’on  veut  obtenir  un  résultat  définitif; 
et  bien  souvent ,  alors  qu’on  croyait  avoir  réussi ,  on  voit  revenir  les 
parasites  et  les  démangeaisons;  Il  faut,  dans  ce  cas,  faire  de  nouvelles 
tentatives,  en  graduant  les  remèdes  d’après  la  résistance  qu’on  éprouve  à 
débarrasser  le  malade  d’une  affection  aussi  incommode,  et  en  commençant 
par  de  simples  irrigations  d’eau  froide  pour  finir  par  les  lavements  d’azo¬ 
tate  d’argent. 

III.  Pilaire.  —  La  filaire  n’est  observée  que  très-exceptionnellement 
en  France,  et  même  en  Europe. 

Causes.  —  Les  faits  qui  s’y  rapportent  se  présentent  tous  dans  des 
circonstances  semblables  :  ce  sont  des  marins  ou  des  voyageurs  qui  ont 
fréquenté  les  contrées  où  la  filaire  est  endémique,  c’est-à-dire  les  ré¬ 
gions  tropicales  de  l’Afrique  ou  de  l'Asie,  et  qui,  revenant  ensuite  dans 
l’un  de  nos  ports  ou  dans  leurs  pays  d’origine,  offrent,  au  bout  d’un  temps 
plus  ou  moins  long,  les  accidents  propres  à  l’entozoaire  qui  nous  occupe. 
Et  encore  ces  cas  sont-ils  assez  rares  :  Da vaine,  qui  les  a  collationnés  avec 
soin  dans  son  Traité  des  entozoaires,  n’en  a  trouvé  en  tout  que  seize  pour 
l’Europe,  dont  cinq  pour  la  France.  Nous  n’avons  à  y  ajouter  que  le  fait, 
d’Alvarez,  recueilli  à  Cadix,  en  1856. 

Voici  le  résumé  de  quelques-unes  de  ces  observations  ;  il  suffira  pour 
donner  une  idée  de  toutes  les  autres  : 

1“  Dans  le  fait  de  Maisonneuve,  observé  à  Paris,  en  1844,  il  s’agit 
d’un  homme  de  28  ans,  qui  avait  quitté  le  Sénégal  depuis  plus  de  quatre 
mois  ;  il  présentait  au  pied  gauche  une  tumeur  de  laquelle  on  retira  avec 
assez  de  peine  deux  filaires.  Le  malade  guérit. 

2°  Dans  le  fait  de  Malgaigne,  vu  également  à  Paris,  en  1854,  le  malade 
venait  de  Bombay.  Deux  mois  après  qu’il  eut  quitté  l’Inde,  et  lors  d’un 
séjour  qu’il  fit  à  Paris,  on  constata  chez  lui,  en  arrière  de  la  malléole 
interne  du  pied  gauche,  l’existence  d’une  filaire  qui  fut  extraite  par 
l’incision  de  la  peau. 

3°  Le  fait  de  Cézilly  a  été  recueilli  à  Toulon,  en  1857;  il  appartient  à 
un  homme  de  22  ans  qui  avait  habité  le  Sénégal  en  1855,  et  Bombay  en 
janvier  1857.  H  vint  en  France  au  mois  de  mars  de  cette  dernière  année; 
il  était  affecté  de  filaires  aux  jambes. 

4°  Enfin  le  fait  d’Alvarez  étant  le  moins  connu,  nous  le  reproduirons 
en  entier  :  «  David  Kidney,  âgé  de  29  ans,  marin  à  bord  de  la  goélette 
Edinhurgh-Packet,  arrivant  du  Sénégal,  entra  à  l’hôpital  civil  de  Cadix 
pour  une  douleur  aiguë  qu’il  éprouvait  à  la  partie  inférieure  interne  de  la 
jambe  gauche,  quelques  lignes  au-dessus  de  la  malléole.  Cette  région  ne 
présentait  rien  d’anormal,  à  l’exception  d’un  léger  gonflement.  On  appliqua 
un  cataplasme  émollient.  Le  lendemain,  on  s’aperçut  qu'il  s’était  formé 
une  ouverture  au  centre  de  la  tumeur,  et  qu’il  en  sortait  un  petit  corps 
blanc,  très-délié,  de  4  à  6  lignes  de  longueur.  On  crut  d’abord  que  c’était 
un  filet  nerveux  ou  tendineux;  mais  Alvarez,  en  l’examinant,  reconnut  que 


394  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  oxyures  vermicul aires. 
c’était  un  dragonneau  ou  filaire  de  Médine ,  espèce  de  ver  filiforme  dont 
on  a  longtemps  nié  l’existence,  et  qui  ne  s’observe  guère  que  dans  les 
contrées  situées  sous  la  zone  torride.  L’attention  ayant  été  attirée  vers  ce 
singulier  entozoaire,  on  le  vit  exécuter  de  légers  mouvements,  sortant  de 
sa  cavité  ou  y  rentrant,  suivant  qu’on  l’abandonnait  à  son  instinct  ou 
qu’on  le  tirait  à  l’aide  d’une  épingle.  On  parvint  à  en  faire  sortir  une 
longueur  de  1  pouce  en  arrosant  la  jambe  avec  de  l’eau  très-chaude, 
au-dessus  du  point  malade,  mais  on  le  rompit  en  tâchant  de  l’extraire. 
Le  fragment  fut  examiné  au  microscope  solaire.  C’était  un  corps  tubu¬ 
laire,  transparent,  formé  d’anneaux  ou  de  cercles  plus  obscurs  par  inter¬ 
valles.  Le  sieur  Kidney  éprouva  quelque  soulagement  et  fut  bientôt  obligé 
de  se  rembarquer.  S’il  fût  resté  plus  longtemps  à  l’hôpital.  Alvarez  se  pro¬ 
posait  d’inciser  la  tumeur  et  d’y  pratiquer  des  frictions  mercurielles.  » 

Symptômes.  —  Ce  qui  frappe  dans  la  plupart  des  cas  de  filaire  observés 
dans  les  conditions  dont  nous  parlons,  c’est  la  longue  durée  qui  s’écoule 
avant  que  cet  entozoaire  manifeste  sa  présence.  Cette  sorte  d’incubation, 
d’après  les  relevés  de  Davaine,  n’est  jamais  moindre  que  deux  mois.  Elle 
peut  être  d’un  an,  de  quinze  mois  ;  Kæmpfer  cite  même  un  individu  chez 
qui  la  filaire  n’apparut  que  la  troisième  année  après  avoir  quitté  le  pays  où 
-il  avait  pu  en  contracter  le  germe.  Ce  terme,  au  delà  duquel  les  accidents 
commencent  à  se  produire,  semble  indiquer  le  temps  qu’il  faut  à  la  fi¬ 
laire  pour  accomplir  toute  son  évolution,  et  pour  que  ses  embryons  soient 
eux-mêmes  arrivés  à  maturité.  Les  signes  par  lesquels  ce  parasite  accuse 
alors  son  existence  ne  seraient  que  le  résultat  de  sa  tendance  à  la  migra¬ 
tion  vers  l’extérieur. 

Lorsque  la  filaire  se  trouve  immédiatement  sous  la  peau,  dans  une  ré¬ 
gion  où  celle-ci  est  assez  mince,  elle  s’y  montre  sous  forme  d’une  tu¬ 
meur  irrégulière  et  sinueuse,  ressemblant  assez  bien  à  une  veine  vari¬ 
queuse  :  d’où  le  nom  de  veine  de  Médine  par  lequel  la  filaire  a  été 
autrefois  désignée.  (Rhazès,  Avicenne.)  Cette  tumeur  reste  plus  ou  moins 
longtemps  indolente  et  sans  changement  de  coloration  de  la  peau.  Puis 
elle  devient  le  siège  d’une  légère  démangeaison,  et  peu  à  peu  elle  s’en¬ 
flamme  en  prenant  l’aspect  d’un  phlegmon  ou  d’un  furoncle.  Le  ver 
peut  alors  en  sortir  spontanément,  en  totalité  ou  en  partie.  Dans  ce  cas, 
on  le  voit  apparaître  comme  un  filament  nerveux  ou  tendineux,  qui  par¬ 
fois  se  rétracte  et  disparaît  dans  les  tissus  profonds.  Des  accidents  plus 
graves  peuvent  surgir  :  ce  sont  des  suppurations  étendues,  des  décolle¬ 
ments,  de  la  gangrène  (Clot-Bey)  ;  la  mort  en  a  été  même  dans  quelques 
faits  la  conséquence.  Ces  désordres  assez  sérieux  se  produisent  surtout 
lorsque,  dans  les  tentatives  que  l’on  fait  pour  extraire  la  filaire  du  foyer 
qu’elle  occupe,  ce  ver  vient  à  être  rompu.  Cette  circonstance  passait  au¬ 
trefois  pour  constamment  mortelle;  quoique  très-fâcheuse  par  elle-même,, 
elle  n’est  pas  aussi  redoutable  qu’on  l’a  dit  :  les  malades,  à  la  suite  de 
suppurations  de  longue  durée,  finissent  ordinairement  par  se  rétablir. 
Seuls,  des  individus  affaiblis  par  des  maladies  antérieures  ont  succombé. 

Il  n’est  pas  besoin  de  dire  que  ces  lésions  locales  s’accompagnent  de- 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  trichimes  et  TRicHiisosE.  395 
fièvre,  de  céphalalgie,  de  nausées,  et  même  à  la  longue  de  marasme. 
A  la  suite  de  quoi  les  malades  sont  longtemps  à  se  remettre,  et  en  gar¬ 
dant  quelquefois  des  rétractions  incurables  du  membre  qui  a  été  le  siège 
de  ces  suppurations  diffuses. 

On  se  rend  assez  difficilement  compte  de  l’étendue  et  de  la  gravité  de 
ces  désordres.  La  présence  seule  de  la  filaire  et  l’ouverture  du  foyer 
qu’elle  habite  ne  suffisent  pas  pour  tout  expliquer.  Il  faut  encore,  avec 
Davaine,  attribuer  une  part  très-grande  à  ces  embryons  innombrables 
qui  sont  mis  en  liberté  par  la  rupture  de  la  filaire  et  qui,  se  répandant 
au  milieu  des  tissus,  y  agissent  comme  autant  de  corps  irritants.  Malgré 
cela,  il  ne  paraît  pas  que  les  jeunes  filaires  puissent  infester  l’économie; 
pour  pénétrer  au  sein  de  l’organisme  et  y  vivre,  elles  doivent  avoir  été 
puisées  au  dehors,  et  dans  un  état  de  développement  qui  n’est  pas  en¬ 
core  connu. 

Traitement.  —  Le  traitement  à  opposer  à  la  filaire  est  tout  indiqué.  Lors¬ 
que  la  tumeur  dont  ce  ver  détermine  la  formation  est  très-apparente,  on 
doit  en  pratiquer  l’ouverture  comme  s’il  s’agissait  d’un  abcès  ou  d’un  furon¬ 
cle.  L’incision  simple  est  le  plus  souvent  mise  en  usage.  Dans  le  Cordofan 
et  le  Sennaar  on  perce  la  peau  à  l’aide  d’un  fer  rougi  au  feu.  Mais  la  vé¬ 
ritable  difficulté  consiste  à  extraire  ce  ver  long  et  fragile  sans  le  rompre. 
A  cet  effet,  on  est  dans  l’habitude  de  fixer  la  partie  qu’on  peut  en  saisir 
avec  un  fil  de  soie,  et  de  l’enrouler  autour  d’un  corps  cylindrique  à  me¬ 
sure  qu’il  se  dégage  pour  ainsi  dire  de  lui-même  de  son  foyer  et  sans 
exercer  de  tractions  bien  fortes.  Cette  dernière  partie  de  l’opération  dure 
quelquefois  assez  longtemps,  depuis  quelques  heures  jusqu’à  huit  jours 
et  même  un  mois  et  six  semaines. 

Si  dans  ces  tentatives  la  filaire  vient  à  se  rompre,  on  devra  inciser 
largement  la  tumeur,  puis  pratiquer  sur  les  parties  enflammées  des  dé- 
bridements  étendus  et  profonds.  On  fera  ensuite  des  applications  émol¬ 
lientes  sur  le  tout. 

Dans  les  pays  où  la  filaire  règne  endémiquement,  on  emploie  aussi  un 
traitement  général  contre  elle,  soit  pour  s’en  préserver,  soit  pour  la  dé¬ 
truire  lorsqu’on  en  est  atteint.  L’asa-fœtida  jouit  à  cet  égard  d’une  très- 
grande  faveur,  et  les  individus  qui  en  font  habituellement  usage  pour 
assaisonner  leurs  mets  passent  pour  être  exempts  de  la  filaire.  D’autres 
substances,  telles  que  l’ail,  le  poivre,  le  camphre,  l’aloès,  les  mercuriaux, 
le  soufre,  sont  aussi  réputées  efficaces.  Cette  opinion,  qui  attribue  une 
vertu  quelconque  à  un  traitement  général  de  la  filaire,  est  trop  répandue 
pour  n’avoir  pas  en  partie  sa  raison  d’être. 

La  filaire  de  1  œil  humain  offre,  au  point  de  vue  de  la  symptomatologie 
et  du  traitement,  des  détails  assez  spéciaux,  pour  que  nous  en  renvoyions 
l’étude  parmi  les  maladies  des  yeux.  {Voy.  ÛEm.) 

IV.  Trichines  et  trichinose.  —  Après  que  la  trichine  eut  été  décou¬ 
verte,  classée  et  nommée  par  Richard  Owen,  en  1835,  il  s’écoula  un 
temps  assez  long  pendant  lequel  l’histoire  de  ce  parasite  demeura  sta¬ 
tionnaire  Malgré  les  quatorze  faits  qui  furent  réunis  dès  le  premier  mo- 


396  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  trichines  et  trichinose. 
ment  par  Owen  lui-même,  malgré  un  certain  nombre  d’autres  cas  qui 
furent  ensuite  observés  dans  différents  pays,  comme  les  trichines  n’étaient 
jamais  rencontrées  que  par  hasard  et  dans  les  autopsies  d’individus  morts 
de  maladies  diverses,  on  ignorait  encore  quelle  était  leur  origine  et  par 
quels  symptômes  elles  accusaient  leur  présence  dans  l’économie.  On  était 
presque  disposé  à  les  considérer  comme  un  exemple  démonstratif  de 
génération  spontanée  (Dujardin,  1845),  et  comme  pouvant  exister  sans 
donner  lieu  à  aucun  accident  notable  (Davaine,  1860). 

Cependant,  dès  l’année  1847,  J.  Leidy,  en  Amérique,  découvrit  la 
trichine  chez  le  porc,  et  démontra  par  cela  même  que  là  sans  doute 
était  la  source  de  l’infection  trichineuse  de  l’homme.  Mais  ce  ne  fut 
qu’en  1860  que  Zenker,  à  propos  d’une  observation  mémorable,  posa  les 
bases  de  la  symptomatologie  et  du  diagnostic  de  cette  infection  chez  le  vi¬ 
vant.  A  la  même  époque  et  avec  le  même  fait  pour  point  de  départ,  Vir¬ 
chow  montra  comment  les  trichines  se  propagent  d’un  animal  à  l’autre, 
comment  elles  se  reproduisent  d’abord  dans  l’intestin,  et  quelle  voie  leurs 
embryons  suivent  pour  pénétrer  ensuite  jusque  dans  l’épaisseur  des 
muscles  et  s’y  enkyster.  Bientôt  après  des  faits  nombreux,  de  véritables 
épidémies,  delà  maladie  trichineuse  furent  observés,  particulièrement 
dans  le  nord  de  l’Allemagne;  et  peu  à  peu  le  groupe  de  toutes  les  no¬ 
tions  relatives  à  la  trichine  fut  constitué.  La  maladie  qu’occasionne  ce 
parasite  reçut,  chez  nos  voisins,  le  nom  de  trichiniasis  et  en  France 
celui  de  trichinose.  On  a  proposé  (Pietra-Santa),  à  l’imitation  de  ce  qui 
a  été  fait  dans  des  circonstances  semblables,  de  l’appeler  maladie  de 
Zenker,  pour  reconnaî.tre  la  part  que  le  médecin  de  ce  nom  a  eue  à  la 
création  de  la  nouvelle  espèce  nosologique.  Mais,  outre  qu’une  pareille 
nomenclature  n’est  pas  régulière,  elle  a  souvent  pour  inconvénient  de 
consacrer  une  injustice  à  l’égard  de  ceux  qui  ont  préparé  une  découverte 
ou  qui  l’ont  complétée  :  nous  nous  en  tiendrons  donc  aux  dénominations 
que  nous  avons  indiquées  d’abord. 

L’histoire  naturelle  de  la  trichine  étant  faite  (p.  338),  il  nous  reste  à 
traiter  des  conditions  générales  de  son  apparition,  des  signes  qui  accu¬ 
sent  sa  présence  chez  l’individu  vivant,  et  des  moyens  dont  on  dispose 
pour  la  combattre. 

Causes.  — C’est  par  l’usage  de  la  chair  de  porc  trichinée  elle-même  que 
l’entozoaire,  qui  nous  occupe,  atteint  l’homme.  Or,  la  trichinose  n’est  pas 
extrêmement  rare  chez  le  porc.  Elle  a  été  observée  dans  différents  pays  : 
en  Allemagne,  en  Hongrie,  en  Danemark,  en  Suisse,  en  Belgique,  en 
Hollande,  en  Angleterre  et  jusque  dans  les  deux  Amériques  et  dans  les 
Indes  orientales.  Par  suite  d’une  immunité  assez  inexplicable,  ou  de  re¬ 
cherches  insuffisantes,  on  ne  l’a  pas  encore  rencontrée  en  France.  La 
fréquence  relative  de  cette  affection  a  pu  être  déterminée  dans  quelques 
villes,  grâce  à  des  mesures  sanitaires  prises  par  les  municipalités.  A 
Brunswick,  sur  30,000  porcs  examinés  en  deux  ans,  on  en  a  trouvé 
2  qui  étaient  trichinés.  A  Blaiikenbourg,  la  proportion  a  été  de  quatre 
cas  de  trichinose  sur  700  porcs  tués.  On  a  même  constaté,  dans  d’autres 


ENTOZO AIRES  (pathologie).  —  trichines  et  trichinose.  317 
localités,  des  chiffres  plus  élevés  encore,  comme  celui  de  1  pour  100  par 
exemple  ;  mais  ces  résultats  ne  sont  pas  constants  :  ils  varient  nécessai¬ 
rement  d’un  moment  à  l’autre. 

Quant  à  la  cause  d’une  pareille  affection  chez  le  porc,  elle  n’est  pas 
parfaitement  connue.  Il  est  vraisemblable  que  cet  animal  en  contracte  le 
germe  par  quelque  circonstance  de  son  alimentation.  Les  rats  et  les  sou¬ 
ris  de  nos  habitations  sont  assez  fréquemment  affectés  de  trichines,  et 
l’on  sait  que  les  porcs  mangent  volontiers  ces  animaux  quand  ils  les 
trouvent  à  leur  portée.  Ces  rongeurs  à  leur  tour  ont  pu  s’infecter  en 
dévorant  d’autres  animaux  trichinés  ou  les  débris  de  porcs  atteints  de 
cette  même  maladie.  L’évolution  est  ainsi  complète.  Cependant  il  y  a  là 
des  points  qui  laissent  beaucoup  à  désirer,  et  ce  n’est  pas  sans  raison 
qu’on  est  allé  chercher  plus  loin  encore  l’origine  de  cette  série  infec¬ 
tieuse;  mais  on  n’est  arrivé  jusqu’ici  qu’à  des  résultats  contradictoires, 
et  la  question  reste  toujours  à  l’étude. 

Quoi  qu’il  en  soit,  nous  répétons,  en  ce  qui  nous  intéresse,  que  c’est 
par  l’usage  dans  son  alimentation  de  chair  de  porc  trichinée ,  que 
l’homme  contracte  la  trichinose.  11  faut  savoir  que,  dans  quelques  pays  et 
notamment  en  Allemagne,  la  chair  de  porc,  sous  certaines  formes,  se 
mange  crue  ou  à  peine  cuite.  On  s’explique  ainsi  comment  la  contrée 
que  nous  venons  de  nommer  a  fourni  jusqu’ici  le  plus  grand  nombre  de 
cas  de  la  maladie  trichineuse.  Cependant  on  aurait  tort  de  croire  que  la 
cuisson  de  ces  mêmes  mets  préserverait  de  l’infection.  Les  trichines 
résistent  à  une  température  assez  élevée  et  elles  ne  sont  tuées  sûrement 
qu’à  100  degrés.  (H.  Rodet.)  Or,  dans  la  cuisson  de  morceaux  de  viande 
assez  volumineux,  le  centre  de  la  masse  arrive  à  peine  à  75°  centi¬ 
grades.  (Kûchenmeister .  )  11  paraît  donc  difficile  de  se  prémunir,  même  par 
la  coction  attentive  des  aliments,  contre  la  trichine.  La  salaison,  quand 
elle  n’est  pas  très-prolongée,  ne  fait  pas  périr  cet  entozoaire.  (Haubner, 
Leisering.)  Une  fumigation  d’une  certaine  durée  détruirait  sa  vitalité; 
mais,  comme  aujourd’hui  cette  opération  se  pratique  en  peu  de  temps,  la 
surface  des  chairs  soumises  à  la  fumée  est  seule  atteinte,  et  les  parties 
centrales  échappent  à  son  action.  Les  trichines  résistent  à  un  froid  de 
25°  centigrades.  (Rupprecht,  Leuckart.)  La  putréfaction  ne  les  tue  pas,  et, 
plongées  dans  l’eau,  elles  ont  pu  y  vivre  jusqu’à  cinq  jours.  (Pagenste- 
cher.)  Tous  ces  faits  ont  leur  intérêt  au  point  de  vue  dé  l’étiologie  de  la 
trichinose,  et  montrent  combien  sont  grandes  les  chances  de  propagation 
de  cette  maladie  lorsqu’une  fois  elle  s’est  déclarée  dans  une  localité. 

Aussi  les  cas  isolés  de  la  maladie  trichineuse  ne  sont-ils  pas  très-rares. 
Nous  avons  vu  comment  Owen,  en  Angleterre,  avait  pu  en  grouper  un 
certain  nombre  en  peu  de  temps.  JSn  Allemagne,  la  proportion  des  ca¬ 
davres  trichinés  serait  de  2  à  4  et  même  5  pour  100.  La  France  n’a 
fourni  jusqu’ici  que  deux  faits  de  trichinose  ;  l’un  fut  observé  à  Paris, 
en  1852,  par  Cruveilhier,  et  l’autre  à  Strasbourg,  en  1862,  par  Kœberlé  ; 
tous  deux  furent  rencontrés  par  hasard  à  l’autopsie. 

Mais  l’affection  trichineuse  se  manifeste  aussi  sous  forme  épidémiqve 


598  ENTOZO AIRES  (pathologie).  —  trichines  et  trichinose. 

On  comprend,  en  effet,  qu’un  seul  porc,  atteint  de  celte  maladie  peut  la 
communiquer  à  un  très-grand  nombre  d’individus  à  la  fois  ;  surtout  si,  au 
lieu  d’être  consommé  dans  une  même  famille,  il  est  débité  par  un  char¬ 
cutier  à  tout  un  quartier  d’une  ville  ou  à  tout  un  village.  C’est  encore 
l’Allemagne  qui  nous  offre  les  exemples  les  plus  remarquables  de  cette 
particularité.  De  l’année  1862  à  l’année  1866,  en  quatre  ou  cinq  ans,  on 
n’a  pas  relevé  moins  de  vingt-trois  épidémies  de  trichinose  dans  cette 
contrée.  Les  plus  importantes  furent  celles  de  Plauen  (Bœliler  et  Kœ- 
nigsdœrfer,  1862),  de  Galbe  (Simon,  1862),  de  Leipzig  (E.  Wagner, 
1864),  de  Hettstædt  (Rupprecht,  1864),  de  Hedersleben  (1865,  1866). 
Tout  récemment  encore  (1868),  les  journaux  annonçaient  que  la  trichi¬ 
nose  avait  fait  son  apparition  à  Schœnebek,  près  Magdebourg,  que 
soixante-deux  personnes  déjà  en  avaient  été  atteintes,  que  plusieurs  en 
étaient  mortes,  des  femmes  principalement. 

Dans  la  plupart  de  ces  épidémies,  on  a  pu  déterminer  l’origine  de  la 
maladie,  et  la  rattacher  à  la  présence  des  trichines  dans  des  préparations 
de  chair  de  porc  dont  on  avait  fait  usage  pour  l’alimentation.  Il  n’y  a 
point  de  conditions  générales  qui  président  au  développement  de  l’affec¬ 
tion;  la  cause  en  est  immédiate  et  bien  connue  :  c’est  une  sorte  d’empoi¬ 
sonnement  qui  n’est  pas  sans  offrir  quelque  analogie  avec  celui  que  pro¬ 
duisait  l’ancien  Wurstgift  (poison  du  saucisson),  et  que  l’on  connaissait 
sous  le  nom  de  botulismus.  Quelques  auteurs  même,  Virchow  entre  au¬ 
tres,  seraient  disposés  à  admettre  une  assimilation  complète  pour  les 
deux  cas.  Toujours  est-il  que  le  terme  d’épidémie,  appliqué  à  ces  faits 
multiples  mais  groupés  de  trichinose,  n’est  pas  entièrement  accepta¬ 
ble,  surtout  si  on  le  réserve  pour  les  circonstances  où  semblent  s’exer¬ 
cer  des  influences  occultes,  universelles,  et  auxquelles  on  ne  saurait  se 
soustraire. 

Symptômes.  —  Nous  reproduirons  l’observation  de  Zenker  qui  est  la 
première  en  date  et  qui  résume  très-bien  les  signes  fondamentaux  de  la 
maladie  des  trichines. 

«  Une  servante  de  vingt  ans  fut  reçue  le  12  janvier  1860,  à  l’hôpital 
de  Dresde,  dans  le  service  de  Walther  ;  elle  était  malade  depuis  Noël  en¬ 
viron;  sa  maladie  avait  débuté  par  une  grande  fatigue,  de  l’insomnie,  la 
perte  de  l’appétit,  de  la  constipation,  de  la  chaleur  et  de  la  soif.  A  son 
entrée  à  l’hôpital,  elle  présentait  une  fièvre  très-vive  ;  le  ventre  était 
ballonné  et  douloureux.  On  porta  le  diagnostic  de  fièvre  typhoïde,  mais 
avec  réserve,  car  il  n’y  avait  ni  hypertrophie  de  la  rate,  ni  taches  rosées. 
A  ces  symptômes  se  joignit  bientôt  un  endolorissement  extrême  de  tout 
le  système  musculaire,  principalement  des  extrémités.  La  malade  se  plai¬ 
gnait  jour  et  nuit.  Il  y  avait  aux  genoux  et  aux  coudes  des  contractures 
qui  la  mettaient  dans  l’impossibilité  d’étendre  les  jambes  et  les  bras  sans 
de  vives  douleurs.  Il  survint  ensuite  un  gonflement  œdémateux  de  la 
surface  du  corps,  et  surtout  des  jambes.  Enfin  des  symptômes  analogues 
à  ceux  d’une  pneumonie  typhoïde  se  déclarèrent,  la  malade  tomba  dans 
la  torpeur  le  26  janvier,  et  mourut  le  27.  —  On  ne  trouva  rien  à  l’au- 


EiNTOZOAIRES  (pathologie).  —  trichines  et  trichinose.  599 
topsie  qui  dénotât  une  fièvre  typhoïde  ;  mais  en  examinant  avec  soin  les 
muscles  du  bras,  on  observa  avec  étonnement  un  grand  nombre  de  tri¬ 
chines  roulées  de  diverses  manières  ou  dans  une  position  rectiligne. 
Ces  entozoaires  donnaient  spontanément  des  signes  de  vie  très-marqués. 
En  continuant  la  dissection  du  cadavre,  on  trouva  que  tous  les  autres 
muscles  contenaient  une  énorme  quantité  de  trichines.  Ces  vers  en 
étaient  encore  à  leur  période  de  cheminement  au  travers  des  muscles  ; 
ils  n’étaient  point  enkystés  ;  les  fibres  musculaires  étaient  friables  et 
avaient  perdu  leur  apparence  striée.  Le  poumon  gauche  était  affaissé, 
avec  quelques  points  d’hépatisation,  les  bronches  étaient  enflammées, 
la  membrane  muqueuse  de  l’iléon  était  hypérémiée  ;  il  y  avait  encore, 
au  milieu  des  mucosités  du  jéjunum,  une  masse  de  petits  vers  qui  n’é¬ 
taient  autre  chose  que  des  trichines. 

«  Les  symptômes  accusés  par  la  malade  et  sa  mort  même  furent  attri¬ 
bués  à  l’existence  de  ces  parasites.  On  apprit  en  effet  que  le  21  décembre 
de  l’année  précédente,  c’est-à-dire  quatre  ou  cinq  jours  avant  de  tomber 
malade,  elle  avait  aidé  à  dépecer  un  porc  qu’on  avait  tué  chez  ses  maî¬ 
tres,  et  qu’elle  en  avait  mangé.  On  examina  un  jambon  provenant  de  cet 
animal,  et  l’on  constata  qu’il  renfermait  un  très-grand  nombre  de  tri¬ 
chines  enkystées.  On  se  rappela  en  outre  que  parmi  les  personnes  qui 
avaient  mangé  de  la  m’ême  viande,  une  avait  éprouvé  des  crampes  d’es¬ 
tomac,  des  lassitudes,  de  la  céphalalgie,  et  qu’une  autre  avait  eu  un  ca¬ 
tarrhe  de  l’estomac.  Le  boucher  lui-même  qui  avait  préparé  la  viande 
avait  été  atteint  d’une  paralysie  particulière  des  membres,  qui  n’avait 
pas  duré  moins  de  trois  semaines.  » 

Les  points  principaux  de  celte  observation,  relatifs  à  la  symptomato¬ 
logie  et  qui  ont  été  retrouvés  plus  ou  moins  accusés  dans  les  faits  ulté¬ 
rieurs,  sont  :  1“  au  début,  des  signes  d’une  affection  gastro-intestinale 
éveillant  l’idée  d’une  fièvre  typhoïde  ;  2°  plus  tard,  des  douleurs  muscu¬ 
laires  et  des  contractures  qui  auraient  pu  faire  penser' à  un  état  rhuma¬ 
toïde;  3“  ensuite,  un  gonflement  œdémateux  de  presque  tout  le  corps, 
et  surtout  des  jambes,  qui  n’était  en  rapport  ni  avec  l’un  ni  avec  l’autre 
des  deux  diagnostics  qu’on  aurait  pu  successivement  porter  ;  4“  enfin, 
des  accidents  adynamiques  qui  terminent  la  scène. 

La  première  période,  celle  des  phénomènes  gastro-intestinaux,  corres¬ 
pond  à  la  présence  des  parasites  dans  l’intestin,  à  leur  multiplication 
et  à  la  perforation  de  la  paroi  intestinale  par  les  milliers  d’embryons 
qui  vont  gagner  les  muscles.  Celte  période  n’est  pas  également  accusée 
chez  tous  les  malades.  Chez  quelques-uns,  elle  débute  peu  après  l’in¬ 
gestion  des  chairs  trichinées  ;  les  accidents  marchent  avec  assez  d’in¬ 
tensité  pour  faire  croire  à  un  empoisonnement,  et  peuvent  entraîner 
la  mort  en  peu  de  jours.  Chez  le  plus  grand  nombre,  ce  n’est  qu’au 
bout  de  trois  ou  quatre  jours  que  les  premiers  signes  de  la  trichinose 
intestinale  apparaissent.  Ces  signes  varient  depuis  le  simple  embarras 
gastrique,  avec  diarrhée  ou  constipation,  jusqu’à  simuler  la  forme  abdo¬ 
minale  de  la  fièvre  typhoïde. 


400  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  TniciiiKES  et  trichikose. 

Le  diagnostic  de  cette  première  période  pourrait  être  fondé  sur  la  con¬ 
statation  des  trichines  dans  les  garde-robes. 

La  seconde  période,  celle  qui  s’annonce  par  les  douleurs  rhumatoïdeg 
et  par  la  roideur  des  muscles,  indique  peu  à  peu,  pour  ainsi  dire,  la  mi» 
gration  des  jeunes  trichines  au  milieu  des  tissus.  Cet  ordre  de  phéno¬ 
mènes  avait  frappé  les  premiers  observateurs  qui  s’étaient  occupés  des 
trichines  ;  et,  dès  l’année  1835,  à  la  suite  de  la  découverte  d’Owen,Wood, 
à  propos  d’un  autre  fait,  avait  émis  l’idée  que  les  symptômes  de  rhuma¬ 
tisme  aigu,  ou  d’inflammation  des  muscles,  qu’avait  présentés  son  ma¬ 
lade  avaient  bien  pu  être  produits  par  les  trichines  dont  il  constatait  la 
présence  lors  de  l’autopsie.  Les  muscles  le  plus  souvent  atteints  sont  ceux 
de  la  poitrine;  à  mesure  qu’on  s’éloigne  du 
tronc,  les  trichines  deviennent  plus  rares, 
moins  confluentes,  si  l’on  veut.  Du  reste ,  le 
siège  de  la  douleur,  et  la  gêne  fonctionnelle 
marquent  les  progrès  de  l’invasion  trichineuse. 
La  raucité  de  la  voix  montre  que  les  muscles 
du  larynx  sont  pris  ;  la  difficulté  à  mâcher,  à 
avaler,  correspond  à  l’altération  des  muscles 
qui  servent  à  la  mastication  et  à  la  déglutition; 
la  dyspnée  annonce  que  les  muscles  respira¬ 
toires  sont  envahis,  etc.  Il  suffit  de  savoir  que 
tous  les  muscles  rouges,  même  le  cœur  (Har- 
risson,  Virchow),  peuvent  être  atteints  par  les 
trichines.  Ajoutons  qu’on  les  a  également  ren¬ 
contrées  dans  les  cavités  séreuses,  notamment 
dans  le  péritoine  et  dans  le  péricarde  ;  qu’on 
les  a  vues  dans  les  ganglions  du  mésentère  et 
dans  la  rate,  etc.  On  conçoit  dès  lors  la  multipli¬ 
cité  des  symptômes  et  des  lésions  phlegmasi- 
ques  constatés  pendant  la  vie  et  à  l’autopsie. 

..  .  „  „  Le  diagnostic,  dans  cette  période,  serait  fa- 

porte-piece histologique. —  2, Sa  ^  , 

tige  ouverte  et  une  portion  de  cilement  établi.  Si  1  on  Soupçonnait  la  nature 
son  manche.  —  3  et 4.,  Sa  tige  (Je  la  maladie,  par  l’examen  microscopique 
d’une  parcelle  de  muscle  prise  sur  le  vivant, 
muscle  enlevé  par  l’instrument.  C’est  ce  qui  a  été  fait  dans  le  cas  de  Friedrich, 
qui  est  remarquable  à  un  double  point  de  vue  : 
d’abord  parce  que  l’affection  trichineuse  a  été  diagnostiquée  d’une  façqn 
irréfragable,  et  ensuite  parce  que  le  malade  a  guéri.  De  petits  instruments 
ont  été  construits  à  cet  effet  ;  tels  sont  ;  le  harpon  ou  le  trocart  à  encoche 
de  Middeldorpff  et  l’emporte-pièce  histologique  de  Duchenne  (de  Bou¬ 
logne)  (fig.  82).  Une  simple  incision  au  niveau  du  biceps  brachial,  ou  au 
mollet,  suffirait  à  la  rigueur. 

Cette  période  des  phénomènes  douloureux  erratiques  se  confond  insen¬ 
siblement  avec  les  périodes  suivantes,  et  notamment  avec  le  gonflement 
œdémateux  de  tout  le  corps.  L’œdème  débute  le  plus  souvent  par  la  face, 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tmciiixes  et  trichinose.  401 

et  dans  ces  conditions  constitue  l’un  des  symptômes  les  plus  constants  et 
les  plus  significatifs  de  la  maladie.  > 

En  même  temps,  ou  quelques  jours  plus  tard,  se  manifestent  ;  une 
fièvre  intense,  avec  élévation  de  la  température,  des  sueurs  profuses,  de 
la  faiblesse,  de  l’amaigrissement,  des  signes  d’hydrémie,  etc.  Puis,  dans 
les  degrés  extrêmes,  de  la  diarrhée,  des  congestions  pulmonaires,  des 
pneumonies  lobulaires,  des  épanchements  dans  les  cavités  séreuses,  des 
éruptions  miliaires,  des  furoncles,  des  eschares  au  sacrum.  Le  délire  alterne 
avec  la  stupeur  et  l’abattement,  et  la  mort  survient  au  milieu  des  progrès 
de  tous  ces  accidents. 

L’ensemble  de  ces  phénomènes  successifs  qui  se  sont  montrés  après 
la  période  de  la  trichinose  intestinale  a  une  durée  variable.  On  a  vu  la 
mort  survenir  après  cinq  ou  six  jours  ;  elle  a  lieu  le  plus  souvent  entre 
la  troisième  et  la  quatrième  semaine.  Quand  la  guérison  doit  suivre,  la 
maladie  se  prolonge  pendant  six  semaines  ou  deux  mois  ;  la  convales¬ 
cence  est  longue  et  périlleuse  ;  les  cheveux  tombent  pour  ne  repousser 
que  beaucoup  plus  tard  ;  la  faiblesse  et  l’amaigrissement  disparaissent 
lentement,  bien  que  l’appétit  soit  très-développé. 

Le  pronostic  de  la  trichinose  est  très-grave  ;  néanmoins  la  proportion 
des  guérisons  l’emporte  de  beaucoup  sur  celle  des  cas  funestes.  Voici  ce 
qui  a  été  constaté  dans  diverses  épidémies  :  à  Plauen,  sur  50  cas,  il  y  eut 
5  morts  ;  à  Galbe,  sur  38  cas,  8  morts;  à  Hettstædl,  sur  158  cas,  27  morts; 
à  Burg,  sur  50  cas,  11  morts;  enfin  à  Hedersleben ,  sur  500  cas, 
80  morts.  Il  y  a  donc  des  écarts  de  10  à  27  pour  100  dans  la  mortalité 
par  l’affection  trichineuse.  Cette  variabilité  peut  s’expliquer  de  plusieurs 
manières,  soit  d’après  la  quantité  des  parasites  ingérés,  soit  par  la  forme 
sous  laquelle  l’aliment  a  été  pris  et  par  son  degré  de  cuisson,  soit  enfin 
par  la  résistance  propre  de  celui  qui  est  atteint.  Le  nombre  relativement 
considérable  de  ceux  qui  échappent  aux  conséquences  de  la  trichinose, 
nous  rend  compte  de  ces  cadavres  trouvés  si  souvent  infestés  de  trichines, 
en  Allemagne  du  moins,  alors  qu’ils  proviennent  d’individus  morts  de 
maladies  bien  déterminées,  et  longtemps  après  que  ces  individus  ont  pu 
contracter  le  parasite  en  question.  Nous  avons  vu  que  la  proportion  de 
ces  cas  était  de  2,  4  et  même  5  pour  100.  Zenker,  sur  136  cadavres 
dont  il  avait  fait  l’autopsie  dans  un  espace  de  8  mois,  a  rencontré  4  fois 
des  trichines. 

La  guérison  de  la  trichinose  est  du  reste  plus  apparente  que  réelle.  Elle 
ne  correspond  en  somme  qu’à  l’enkystement  des  larves,  et  qu’à  la  tolé¬ 
rance  qui  se  fait  dans  l’économie  à  leur  égard.  Mais  l’animal  reste  vivant 
longtemps  encore  :  Virchow  cite  un  cas  de  trichines  encore  vivantes  huit 
ans  au  moins  après  l’époque  présumée  de  l’infection.  Dans  une  autre 
circonstance,  ce  temps  a  été  de  13  ans  et  demi.  Cependant  Langenheck 
a  vu  des  trichines  enkystées  et  mortes  chez  un  individu  qui  les  portait 
très-vraisemblablement  depuis  18  ans.  Le  dernier  terme  de  la  vitalité 
chez  les  trichines  paraît  coïncider  avec  l’incrustation  calcaire,  non-seu¬ 
lement  du  kyste  à  trichine,  mais  aussi  du  parasite  lui-même. 

KOUV.  BICT.  MED  ET  CHIB.  XIII.  -  26 


402  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tiüchi.nf.s  et  trichinose. 

Traitement.  —  On  conçoit,  d’après  ce  que  nous  savons  de  l’évolution 
des  trichines,  que  le  traitement  de  la  trichinose  ne  doit  pas  être  le  même 
pour  toutes  les  périodes  de  la  maladie.  A  vrai  dire,  le  dernier  stade,  celui 
de  la  capsulation  du  parasite, ne  comporte  aucun  moyen  curatif:  c’est  un 
fait  acquis;  il  n’a  pas  beaucoup  d’inconvénients  par  lui-même;  d’ailleurs 
il  reste  presque  toujours  ignoré. 

Il  n’en  est  plus  ainsi  des  débuts  de  l’affection  trichineuse.  Il  importe 
surtout  d’agir  lorsque  les  trichines  sont  arrivées  depuis  peu  de  temps  par 
la  voie  de  l’alimentation  dans  l’estomac  et  dans  l’intestin.  Si  l’on  est  pré¬ 
venu  à  temps,  et  si  le  diagnostic  est  certain,  on  aura  recours  à  la  médi¬ 
cation  évacuante.  Les  éméto-cathartiques  seront  employés  avec  énergie, 
comme  dans  le  cas  d’un  empoisonnement  véritable.  Cependant  on  ne 
réussit  pas  sûrement  à  empêcher  par  ce  moyen  le  développement  des 
trichines.  Il  y  en  a  toujours  quelques-unes  qui  restent  dans  le  tube  di¬ 
gestif  et  qui  suffisent  pour  amener  l’infection  de  l’économie.  On  recom¬ 
mande  alors  l’usage  des  anthelminthiques  ordinaires,  et  notamment  les 
purgatifs  huileux.  Malheureusement  tous  ces  moyens,  soumis  au  contrôle 
de  l’expérience  directe,  ont  échoué.  Les  trichines  vivent  trente  heures 
dans  l’essence  de  térébenthine  pure,  cinq  heures  dans  le  chloroforme, 
vingt  heures  dans  la  liqueur  deFowler,  dix-huit  heures  dans  une  solution 
de  bichlorure  de  mercure,  vingt-trois  heures  dans  le  vin  aromatique, 
seize  heures  dans  le  perchlorure  de  fer,  etc.  (Mosler,  H.  Rodet.)  Il  n’y 
a  qu’une  substance  qui,  entre  les  mains  de  Leuckart  et  de  Mosler,  a  paru 
offrir  une  certaine  efficacité  contre  les  trichines,  c’est  la  benzine.  H.  Ro¬ 
det,  qui  a  vérifié  les  résultats  des  observateurs  allemands,  paraît  accor¬ 
der  de  la  valeur  à  cet  agent,  au  moins  pour  ne  qui  est  des  trichines  en¬ 
core  contenues  dans  l’intestin.  Un  lapin  et  un  chat  auraient  échappé  à 
la  trichinisation  par  l’ingestion  de  la  benzine.  Pour  l’homme,  cette  sub¬ 
stance  serait  donnée  à  la  dose  de  dix  gouttes  dans  une  infusion  de  menthe, 
de  trois  heures  en  trois  heures  ;  on  ne  dépasserait  pas  quarante  gouttes 
pour  la  journée. 

Lorsqu’on  a  lieu  de  présumer  que  les  trichines,  ayant  percé  l’intestin, 
se  sont  déjà  répandues  dans  l’épaisseur  de  tous  les  tissus,  le  traitement 
devient  encore  plus  incertain.  On  avait  cru  d’abord,  d’après  un  fait  heu¬ 
reux  recueilli  par  Friedreich  et  dans  lequel  le  diagnostic  n’avait  pas  été 
douteux,  que  le  picronitrate  de  potasse  [C”ff  (AzO‘)  =0,KO]  avait  une 
vertu  spécifique  contre  la  trichinose.  Mais  Friedler  n’a  pas  tardé  à  dé¬ 
montrer  que  cette  substance  n’a  aucune  action,  même  sur  les  trichines 
intestinales,  et  qu’elle  empoisonne  plutôt  les  animaux  auxquels  on  la  donne 
que  de  faire  périr  les  trichines  dont  ils  sont  infectés.  La  benzine  n’a  pas 
donné  des  résultats  plus  heureux;  il  en  est  de  même  du  cuivre,  du  phos¬ 
phore,  du  soufre,  du  mercure,  du  camphre,  etc.  On  en  est  donc  réduit  ici 
à  faire  le  traitement  des  symptômes,  et  à  se  comporter  comme  dans  le  cas 
d’un  rhumatisme  aigu  ou  d’une  fièvre  typhoïde,  pour  employer  bientôt  les 
toniques  lorsque  se  manifestent  les  tendances  à  l’adynamie  et  à  l’hydrémie. 

L’impuissance  de  la  thérapeutique  contre  l’affection  trichineuse  doit 


ENTOZOÂIRES  (pathologie).  —  crsiiCEr.QCES.  403 

faire  reporter  les  efforts  du  médecin  vers  les  moyens  préventifs.  Ces 
moyens  sont  de  deux  ordres  :  l’examen  préalable  de  tous  les  porcs  desti¬ 
nés  à  l’alimentation,  et  à  tout  hasard,  le  soin  de  pousser  toujours  très- 
loin  la  cuisson  de  la  chair  de  cet  animal. 

L’extension  que  la  trichinose  a  prise  en  Allemagne  depuis  quelques 
années,  les  épidémies  graves  de  cette  maladie  qu’on  a  eues  à  constater 
sur  différents  points,  ont  rendu  nécessaires  certaines  mesures  de  salubrité 
publique.  Dans  plusieurs  villes,  on  a  dû  préposer  un  médecin  ou  un  vé¬ 
térinaire  à  l’inspection  des  porcs  destinés  à  être  immédiatement  abattus. 
Comme  rien  ne  traduit  extérieurement  l’infection  trichineuse  chez  ces 
animaux,  c’est  à  l’examen  microscopique  qu’on  a  recours  pour  s’assurer  si 
elle  existe  ou  si  elle  n’existe  pas.  Cette  pratique  suivie  avec  persévérance 
dans  certaines  localités  a  révélé  les  proportions  variables  de  la  trichinose 
chez  le  porc,  et  a  donné  les  chiffres  que  nous  avons  rapportés  d’autre  part, 
montrant  ainsi  quelles  chances  les  habitants  de  ces  villes  avaient  courues. 

En  France,  la  trichinose  n’a  point  encore  été  signalée  chez  le  porc,  et 
des  épidémies  semblables  à  celles  de  l’Allemagne  ne  paraissent  pas  y 
avoir  jamais  régné.  Tel  est  le  résultat  de  l’enquête  à  laquelle  se  sont  li¬ 
vrés,  en  1866,  au  nom  de  l’Académie  de  médecine,  Delpech  et  Raynal. 
Dans  ces  conditions,  le  rapporteur  de  la  commission  conclut  «  qu’il  n’y 
a  pas  lieu  d’organiser  un  système  spécial  de  mesures  d’hygiène  publique, 
et  en  particulier  d’instituer  une  inspection  générale  et  obligatoire  des 
viandes  de  porc  par  le  microscope.  Toutefois,  ajoute-t-il.  Une  serait  pas 
sans  utilité  d’établir,  dans  un  but  d’étude  ou  d’examen,  un  service  d’in¬ 
spection  dans  quelques  villes  pourvues  d’abattoirs,  pour  constater  d’une 
manière  formelle  et  par  des  relevés  statistiques  l’existence,  l’absence  ou 
la  proportion  de  la  trichinose  de  la  race  porcine.  »  {Bulletin,  t.  XXXI.) 

Mais  la  maladie  pourrait  nous  arriver  par  les  envois  nombreux  des 
charcuteries  et  surtout  des  jambons  de  l’Allemagne,  et  de  ce  côté  nous 
ne  sommes  préservés  que  par  une  sollicitude  toute  individuelle. 

Il  est  vrai  que  le  mode  de  préparation  et  de  cuisson  de  la  chair  de 
porc  a  une  très-grande  influence  sur  la  propagation  de  la  trichinose. 
L’habitude  où  l’on  est  en  France,  contrairement  à  l’Allemagne,  de  ne 
faire  usage  que  de  charcuteries  cuites  nous  est  une  garantie  contre  l’in¬ 
fection  trichineuse.  Le  rapporteur  de  la  commission  académique  assigne, 
comme  limite  inférieure  de  la  température  à  laquelle  les  trichines  sont 
infailliblement  tuées,  75°  centigrades;  mais,  d’après  ce  que  nous  savons, 
il  sera  toujours  plus  prudent  d’atteindre  au  moins  100°  centigrades  et  de 
soutenir  cette  température  assez  longtemps.  Enfin  nous  noterons  que  la 
salaison  et  la  fumigation  de  la  chair  de  porc  n’ont  d’efficacité  contre  les 
trichines  dont  elle  pourrait  être  infectée  qu’à  la  condition  d’avoir  été  suf¬ 
fisamment  prolongées. 

V.  Gtsticerqües.  —  Le  cysticerque  ladrique  ne  constitue  pas,  à  vrai¬ 
ment  parler,  une  espèce  particulière  d’entozoaire,  puisqu’il  n’est  qu’un 
état  transitoire  du  tænia  solium,  c’est-à-dire  d’un  ver  cestoïde  à  existence 
alternante.  Cependant,  nous  devons,  en  pathologie,  le  considérer  comme 


404  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  cysticerqdes. 

une  unité  distincte,  en  raison  de  ce  que,  sous  cette  forme  embryonnaire 
de  cysticerque,  il  a  un  habitat  bien  différent  de  celui  qui  lui  conviendra  à 
l’état  adulte,  et  que  partant  il  accuse  sa  présence  par  des  symptômes  qui 
sont  en  rapport  avec  cet  habitat  et  qui  lui  sont  propres  en  quelque  sorte. 

La  nature  de  la  ladrerie  chez  le  porc,  et  par  conséquent  l’existence  du 
cysticerque  qui  occasionne  cette  maladie,  furent  exactement  déterminées 
pour  la  première  fois  par  Gœze,  en  1784.  Deux  ans  plus  tard  le  même 
ver  fut  découvert  chez  l’homme  par  F.  Werner.  Parla  suite,  de  nombreux 
exemples  des  différents  organes  dans  lesquels  ce  ver  peut  être  rencontré 
furent  publiés  ;  cependant  il  demeura  acquis  qu’il  ne  prend  jamais  dans 
notre  espèce  l’extension  qu’il  offre  souvent  chez  le  porc. 

Causes.  —  On  ignore  quelle  est  exactement  la  cause  des  cysticerques. 
Il  paraît  seulement  probable,  d’après  le  point  auquel  sont  arrivées  nos  con¬ 
naissances  sur  le  développement  des  vers  cestoïdes,  qu’ils  doivent  leur  ori¬ 
gine  à  des  œufs  de  fænia  ingérés  sans  doute,  comme  ceux  des  ascarides 
lombricoïdes,  avec  les  aliments  et  avec  les  boissons.  De  cet  œuf  de  tænia 
naît,  on  le  sait,  un  embryon  hexacanthe  qui  perce  l’intestin  et  se  porte 
vers  tel  ou  tel  organe,  suivant  la  facilité  qu’il  trouve  dans  son  chemine¬ 
ment,  ou  entraîné  peut-être  par  le  torrent  de  la  circulation.  C’est  alors 
qu’il  se  développe  en  cysticerque,  en  attendant  qu’une  circonstance  for¬ 
tuite  le  ramène  dans  l’intestin  d’un  autre  animal  où  il  prendra  la  forme 
définitive  de  tænia. 

Le  cysticerque  ladrique  a  été  observé  dans  différents  pays,  sous  les 
climats  les  plus  opposés.  Néanmoins,  il  paraîtplus  fréquent  dans  certaines 
localités.  Virchow,  cité  par  Davaine,  l’aurait  plus  souvent  rencontré,  dans 
ses  autopsies,  à  Berlin  qu’à  Würzburg. 

Aucune  considération  d’âge,  de  sexe  ou  de  tempérament,  ne  se  rat¬ 
tache  à  l’existence  de  ce  ver. 

Les  parties  les  plus  diverses  du  corps  ont  fourni  des  exemples  de  cys¬ 
ticerques.  On  les  trouve  plus  particulièrement  dans  le  tissu  cellulaire 
interorganique  ;  mais  ils  siègent  également  dans  l’intimité  des  paren¬ 
chymes.  Ils  offrent  sous  ce  rapport  beaucoup  d’analogie  avec  les  hyda- 
tides.  Toutefois  Davaine  fait  observer  que  les  hydatides  sont  plus  com¬ 
munes  dans  le  foie,  les  poumons  et  les  organes  abdominaux  ;  et  que  les 
cysticerques  sont  plus  fréquents  dans  les  parois  du  tronc,  dans  les  mem¬ 
bres,  dans  le  cerveau  et  dans  l’œil.  D’ailleurs  ils  se  montrent  ordinaire¬ 
ment  disséminés  dans  plusieurs  régions  à  la  fois. 

Davaine  a  réuni,  dans  son  livre,  les  principaux  faits  de  cysticerques, 
connus  jusqu’en  1860;  voici  le  résumé  de  ce  qu’il  a  constaté  :  parois  du 
tronc  et  membres,  22  cas  ;  face,  2  cas;  langue,  1  cas;  poumons,  4  cas; 
cœur,  5 cas;  substance  du  cerveau,  11  cas;  méninges,  7  cas;  plexus 
choroïdes,  5  cas;  sous  la  conjonctive,  11  cas;  globe  oculaire,  12  cas. 
On  voit  que,  sans  comprendre  tous  les  cas  de  cysticerques  recueillis  chez 
l’homme,  ce  relevé  n’indique  pas  une  très-grande  fréquence  de  l’ento- 
zoaire  en  question. 

Les  Bulletins  de  la  Société  anatomique  sont  peu  riches  en  faits  de  cette 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  cysticerqdes.  405 

nature  :  preuve  nouvelle  de  leur  rareté  réelle.  On  s’est  surtout  attaché, 
dans  ces  dernières  années,  aux  exemples  de  cysticerques  du  cerveau  et  de 
l’œil.  Nous  ne  voyons  à  mentionner  parmi  les  cas  les  plus  récents  qu’une 
observation  de  Dolbeau  sur  un  cysticerque  de  la  région  frontale  chez  une 
jeune  fille  :  il  fut  pris  pour  une  loupe  et  opéré  comme  telle;  plus  un  cas 
de  cysticerque  de  la  paume  de  la  main  recueilli  par  B.  Anger  en  1869. 

Symptômes.  — Dans  la  plupart  des  circonstances  où  ils  ont  été  rencon¬ 
trés,  les  cysticerques  ne  pouvaient  accuser  leur  présence  par  aucun  sym¬ 
ptôme  appréciable.  Ils  forment  tout  au  plus  une  petite  tumeur  de  la  gros¬ 
seur  d’un  pois  ou  d’une  noisette,  qui  ne  gêne  en  rien  le  jeu  des  organes, 
surtout  lorsqu’ils  occupent  l’épaisseur  d’un  muscle,  voire  même  le  pou¬ 
mon  et  le  cœur.  Sous  la  peau  ils  constituent  simplement  une  légère  sail¬ 
lie,  dont  la  nature  ne  peut  guère  être  reconnue  qu’à  la  suite  d’une  inci¬ 
sion,  comme  dans  le  fait  que  nous  avons  cité  plus  haut.  Lorsque  le  ver 


Fig.  83.  —  Rapports  de  la  tumeur  avec  les  parties  avoisinantes.  —  A,  Tumeur.  —  B,  Petite 
cavité  du  cysticerque.  (De  Gkæfe,  Clinique  ophthalmolog.) 

occupe  la  cavité  du  globe  oculaire,  on  peut  le  reconnaître  par  l’inspection 
directe,  ou  mieux  à  l’aide  de  l’ophthalmoscope  (fig.  85).  (Foi/,  l’art.  Œil.) 

Les  cysticerques  de  l’encéphale  y  déterminent  des  accidents  très-va¬ 
riables.  Ceux-ci  se  modifient  nécessairement  avec  la  région  occupée  par 
le  ver  et  avec  la  nature  des  lésions  qui  peuvent  être  le  résultat  de  sa  pré¬ 
sence.  11  semble  même  que  dans  quelques  cas,  cette  présence  n’ait  eu 
aucun  inconvénient  notable,  les  cysticerques  ayant  été  trouvés  à  l’au¬ 
topsie  chez  des  individus  morts  de  maladies  étrangères  à  l’encéphale.  On 
comprend  en  effet  que  quelques  petites  vésicules  occupant  les  plexus  cho¬ 
roïdes  ou  les  méninges  n’exercent  pas  une  compression  bien  grande  sur 
les  parties  voisines.  Lorsque  des  accidents  apparaissent,  ils  sont  de  l’ordre 
de  ceux  qui  appartiennent  à  toute  tumeur  encéphalique  agissant  par  com¬ 
pression  ou  comme  corps  irritant.  Du  reste  cette  question  appartient  à  la 


406  ENTOZOAIüES. (pathologie).  —  échikocoqües  et  kystes  hydatiques. 
pathologie  cérébrale  plutôt  qu’à  l’histoire  des  entozoaires.  {Voy.  Encé¬ 
phale,  p.  163.) 

Traitement.  —  Le  traitement  des  cysticerques  ne  saurait  nous  arrêter 
longtemps.  Ces  vers  ne  sont  passibles  que  d’une  action  chirurgicale,  et 
encore  faut-il  qu’ils  soient  accessibles  à  une  intervention  quelconque. 
C’est  ce  qui  arrive  lorsqu’ils  siègent  sous  la  peau,  sous  la  conjonctive, 
dans  le  globe  de  l’œil.  Dans  les  deux  premiers  cas,  la  ponction  ou  l’inci¬ 
sion  de  la  tumeur  suffisent;  dans  le  dernier,  il  faut  avoir  recours  à  une 
opération  des  plus  délicates  qui  a  été  tentée,  qui  a  réussi,  mais  dont  nous 
n’avons  pas  à  nous  occuper  ici.  {Voy.  Œil.) 

VI.  Eciukocoques  et  kystes  hydatiques.  —  L’histoire  des  échinocoques 
offre  beaucoup  de  ressemblance  avec  celle  des  cysticerques.  Comme  ces 
derniers,  ce  sont  des  larves  d’un  ver  rubanné,  qui  n’acquièrent  leur  en¬ 
tier  déY'eloppement  que  dans  l’intestin  d’un  animal  différent  de  celui  d’où 
elles  proviennent,  qui  occupent  l’épaisseur  des  parenchymes,  et  qui  y 
forment  des  vésicules  (hydatides)  plus  ou  moins  volumineuses,  compro¬ 
mettant  dans  une  certaine  mesure  le  jeu  des  organes  où  ils  siègent  et  la 
vie  elle-même.  Les  principales  différences  entre  les  deux  ordres  de  parasi¬ 
tes  consistent  dans  ce  que  les  échinocoques  sont  agglomérés  en  grand  nom¬ 
bre  dans  une  même  vésicule,  tandis  que  le  cysticerque  reste  solitaire  sur 
la  sienne,  et  en  ce  que  les  vésicules  hydatiques  sont  aptes  à  se  multiplier 
sur  place  par  voie  de  bourgeonnement  endogène  et  exogène,  tandis  que 
le  cysticerque  est  toujours  stérile.  Il  s’ensuit  que  le  kyste  hydatique 
prend  souvent  un  assez  grand  développement,  que  son  diagnostic  est 
moins  équivoque  et  que  son  traitement  est  soumis  à  des  règles  plus  mé¬ 
thodiques  que  celui  des  autres  vers  vésiculaires. 

Les  hydatides  se  présentent  sous  une  apparence  trop  remarquable  pour 
n’avoir  pas  été  connues  de  tout  temps  pour  ainsi  dire.  On  les  prit  d’a¬ 
bord  pour  des  hydropisies  locales  et  plus  tard  pour  des  dilatations  lym¬ 
phatiques.  Leur  animalité  fut  soupçonnée,  pour  la  première  fois,  en  1685, 
par  Hartmann ,  qui  semble  avoir  eu  surtout  en  vue  l’hydatide  du  cysli- 
cerque.  En  1766,  Dallas  distingua  nettement  l’hydatide  à  tête  de  tænia 
(le  cysticerque)  de  l’hydatide  proprement  dite.  Il  reconnut  dans  celle-ci 
des  granulations  qui  n’étaient  autre  chose  que  des  échinocoques.  Gœze  en 
mit  l’existence  hors  de  doute  en  1782.  La  première  hydatide  ayant  reçu  de 
Dallas  le  nom  de  Tænia  hydatigena,  la  nouvelle  espèce  prit  celui  de  Tænia 
soeialis;  la  désignation  A' échieonoque  ne  lui  fut  appliquée  qu’ensuite  par 
Rudolphi  (1808).  Cependant  toutes  les  hydatides  ne  renferment  pas  évi¬ 
demment  des  têtes  de  tænia;  Laennec  (18Ô4),  qui  les  avait  observées  dans 
ces  dernières  conditions  chez  le  bœuf  et  chez  le  mouton,  et  qui  ne  les 
avait  pas  retrouvées  chez  l’homme,  créa  à  ce  propos  son  genre  Acéphalo- 
cyste.  Du  reste,  il  ne  contesta  pas  l’animalité  de  cette  vésicule  sans  tète  ; 
il  en  reconnut  même  le  mode  de  reproduction.  Toutefois  les  échinoco¬ 
ques  avaient  été  entrevus  dans  l’hydatide  humaine  par  Gœze,  par  Zeder, 
par  Rudolphi  et  par  Werner  ;  mais  c’est  à  Bremser  (1821)  qu’on  en  at¬ 
tribue  la  découverte  définitive.  Dlus  tard,  en  1843,  Livois  chercha  à  éta- 


ENTOZOÂIPiES  (pathologie).  —  échinocoques  et  kystes  hydatiques.  407 
blir  que  les  hydatides  contiennent  toujours  des  échinocoques.  Cette  con¬ 
clusion  était  trop  absolue.  La  nature  de  la  vésicule  hydatique  donna  lieu 
à  des  controverses  nombreuses  :  elle  paraît  enfin  fixée  par  les  travaux  de 
Davaine  (1856),  qui  la  considère  comme  une  phase  du  développement 
d’un  ver  cestoïde,  vivant  par  elle-même,  se  reproduisant  par  voie  de  bour¬ 
geonnement  et  sous  la  même  forme  pendant  deux,  trois  et  même  quatre 
génératians  et  finissant  par  donner  naissance  à  sa  surface  interne  et  par 
l’intermédiaire  d’une  membrane  propre  à  des  échinocoques.  L’hydatide,  ar¬ 
rêtée  à  un  certain  terme  de  son  développement  ou  dépourvue  par  anoma¬ 
lie  de  sa  membrane  fertile,  représente  très-exactement  l’acéphalocyste  de 
Laennec. 

Causes.  —  L’origine  des  hydatides,  chez  l’homme,  paraît  aujourd’hui 
établie  sur  des  bases  assez  solides.  D’après  les  recherches  de  von  Siebold, 
de  Eschricht,  de  Leuckart,  deKrabbe,  etc.,  on  peut  les  rattacher  par  une 
filiation  continue  à  l’existence  du  Tænia  echinococcus  (Siebold)  qui  est 
particulier  à  notre  chien  domestique.  Ce  sont  les  œufs  de  ce  tænia  que  les 
hasards  delà  dissémination  amènent  dans  les  voies  digestives  de  l’homme, 
où  ils  éclosent,  et  d’où  les  embryons  se  portent  au  milieu  des  parenchymes 
pour  s’y  développer  sous  cette  forme  d’hydatide  qui  nous  occupe  en  ce  mo¬ 
ment.  Pour  compléter  le  cycle,  il  faut  savoir  que  le  chien  lui-même  em¬ 
prunte,  non  pas  à  l’homme,  mais  à  certains  ruminants,  tels  que  le  mouton 
et  le  bœuf,  chez  qui  elles  se  rencontrent  très-fréquemment,  les  hydatides 
à  échinocoques  qui  reproduiront  dans  leur  intestin  le  tænia  echinococcus, 
terme  extrême  et  fécond  de  la  série.  Sur  ces  données  est  fondée  toute 
l’étiologie  de  l’affection  hydatique  dans  l’espèce  humaine.  Les  consi¬ 
dérations  d’àge,  de  sexe  et  de  constitution  ne  jouent  ici  qu’un  rôle  très- 
secondaire  ;  celles  qui  sont  relatives  à  •  la  distribution  géographique  de 
la  maladie  offrent  plus  d’intérêt. 

Les  hydatides  ont  été  observées  un  peu  partout  ;  cependant  elles  sont 
rares  dans  l’Amérique  du  Nord.  (Leidy.  )  On  les  rencontre  assez  souvent 
en  France,  mais  avec  une  très-inégale  répartition  suivant  les  régions  de 
ce  pays.  Leudet  les  a  trouvées  beaucoup  plus  fréquemment  à  Rouen  qu’à 
Paris.  Elles  sont  également  communes  en  Allemagne  et  dans  le  nord  de 
l’Europe.  Mais  il  y  a  une  contrée  où  elles  sont  véritablement  endémiques, 
c’est  en  Islande.  Tous  les  médecins  qui  ont  pratiqué  dans  cette  île  sont 
d’accord  sur  ce  point  ;  ils  diffèrent  seulement  sur  la  proportion  des  cas 
observés.  Thorstensen,  qui  a  séjourné  vingt  ans  en  Islande,  évalue  à  un 
septième  le  nombre  de  ses  habitants  atteints  de  la  maladie  des  hydatides 
(cité  par  Krabbe).  Cette  estimation  a  été  beaucoup  réduite  par  les  re¬ 
cherches  ultérieures  et  plus  précises  de  Hjaltelin,  de  Skaplason  et  surtout 
de  Jôn  Finsen.  Ce  dernier  auteur,  dans  un  mémoire  tout  récent  et  très- 
bien  fait,  compte  en  moyenne  1  individu  affecté  d’hydatides  sur  43  ha¬ 
bitants,  du  moins  pour  le  district  d’Ofjord  auquel  il  était  spécialement 
attaché.  Un  pareil  chiffre  est  déjà  considérable,  surtout  si  l'on  songe 
qu’il  ne  s’agit  ici  que  des  cas  déclarés  et  très-apparents.  Il  est  en  rapport,  du 
reste,  avec  la  grande  quantité  de  chiens  qui  existent  en  Islande.  D’après 


408  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  échijnocoqdes  et  kystes  hydatiques. 
Krabbe,  il  n’y  aurait  pas  moins  de  15  à  20,000  cbiens  pour  une  popu- 
ation  de  70,000  âmes;  ce  qui  fait  1  chien  pour  5  à  5  habitants.  Ce  que 
l’on  sait  aujourd’hui  du  rôle  que  jouent  les  chiens  dans  la  production  des 
hydatides  chez  l’homme  explique  la  fréquence  de  cette  affection  en  Islande. 

Ces  animaux,  en  effet,  seraient  atteints  dans  la  proportion  de  28  pour 
100  du  Tænia  echinococcus,  dont  les  œufs  sont  incessamment  rejetés  par 
milliers  avec  les  matières  fécales.  La  propagation  de  la  maladie  est 
d’ailleurs  favorisée  par  la  malpropreté  des  habitants,  et  par  une  coha¬ 
bitation  presque  forcée  avec  leurs  chiens  durant  les  temps  froids. 
D’autre  part,  les  bestiaux  que  ces  chiens  sont  destinés  à  garder  sont  eux- 
mêmes  infectés  d’hydatides;  leurs  viscères  remplis  de  ces  entozoaires 
sont  mangés  par  les  chiens  et  le  mal  se  perpétue  ainsi  d’une  manière  in- 
déflnie.  Il  est  à  remarquer  que  l’affection  hydatique  est  particulière  à  la 
population  agricole  et  que  les  pêcheurs  qui  ont  moins  besoin  de  chiens 
y  échappent  pour  la  plupart.  Toujours  est-il  que  les  documents  qui  nous 
viennent  de  l’Islande  au  sujet  de  la  maladie  des  échinocoques  sont  les 
plus  précieux  à  consulter,  en  raison  du  nombre  considérable  des  faits  qui 
y  sont  constatés. 

Un  premier  résullat  assez  remarquable  est  celui-ci,  c’est  que  les  femmes 
sont  beaucoup  plus  sujettes  que  les  hommes  aux  hydatides.  J.  Finsen 
indique  le  rapport  de  1  :  2,27  entre  les  malades  des  deux  sexes.  Il  attri¬ 
bue  cette  différence  «  à  ce  que  les  femmes,  plus  confinées  dans  la  maison 
et  chargées  d’apprêter  les  repas ,  d’écurer  la  vaisselle,  qui  souvent  est 
léchée  par  les  chiens,  et  de  s’occuper  d’autres  soins  domestiques,  sont 
plus  exposées  que  les  hommes  à  avaler  les  œufs  du  Tænia  echinococcus 
du  chien.  » 

Relativement  à  l’âge,  Finsen  a  reconnu  que  la  maladie  présente  son 
maximum  de  fréquence  entre  vingt  et  trente  ans.  Le  pins  jeune  individu 
qu’il  ait  traité  avait  quatre  ans.  Chez  d’autres  l’affection  aurait,  dit-on, 
débuté  dès  l’âge  de  deux  ans.  Avant  dix  ans  et  après  soixante  ans,  la  pro¬ 
portion  des  cas  est  à  peu  près  la  même  pour  les  deux  sexes  ;  c’est  entre  dix 
et  quarante  ans  que  le  sexe  féminin  l’emporte  surtout  sur  le  sexe  mas¬ 
culin.  Cette  fixation  de  l’âge  est,  du  reste,  difficile  à  obtenir,  puisque 
le  mal  a  pu  commencer  longtemps  avant  de  devenir  apparent  et  d’être 
diagnostiqué. 

La  maladie  des  hydatides  n’est  point  héréditaire,  comme  on  le  croyait 
autrefois  en  Islande.  L’uniformité  des  conditions  dans  lesquelles  vivent  les 
parents  et  leurs  enfants  permet  de  comprendre  comment  les  uns  et  les 
autres  peuvent  être  atteints  du  même  mal.  On  ne  saurait  non  plus  ad¬ 
mettre  qu’une  contusion  en  soit  le  point  de  départ.  Cependant  J. ‘Finsen 
reconnaît  qu’une  maladie  intercurrente,  ou  qu’une  grossesse,  est  de  na¬ 
ture  à  hâter  la  croissance  d’une  tumeur  hydatique  ;  de  sorte  que  celle-ci, 
après  avoir  été  longtemps  ignorée,  se  manifeste  tout  à  coup  au  malade  et 
à  l’observateur.  Mais  aucune  autre  cause  qu’un  œuf  d’un  tænia  spécial  ne 
peut  réellement  en  être  l’origine. 

Les  hydatides  ont  été  rencontrées  dans  tous  les  organes  et  dans  tousMes 


ENTOZOÂIRES  (pathologie).  — échi.nocoqdes  et  kystes  hydatiques.  409 
tissus,  même  dans  le  système  osseux;  mais  c’est  avec  une  fréquence  très- 
inégale  pour  chacun  d’eux.  L’organe  qui  est  de  beaucoup  le  plus  souvent 
atteint  est  le  foie.  C’est  au  point  que  l’affection  est  désignée  en  Islande 
d’après  cette  seule  prédominance  sous  le  nom  de  maladie  du  foie,  Livrar- 
veiki.  Voici,  du  reste,  des  chiffres  précis  empruntés  à  J.  Finsen  ;  ils  por¬ 
tent  sur  un  relevé  de  255  cas  de  l’affection  hydatique  : 


POIXT  DE  DÉPART. 

Foie . 

Reins . .  .  .  . 

Rate . 

Cavité  abdominale . 

Poumons . 

Tête . .  . 

Kuque . 

Région  sus-épineuse.  .  .  . 

—  sous-claviculaire.  .  . 


120  176  69,4 

2  5  1,17 

1  2  0,78 

43  54  21,17 


181  2: 


7  2,7 

4  1,5 

1  0,39 

2  0,78 

1  0,39 

2  0,78 

1  0,39 

1  0,39 

1  0,39 


En  résumé  la  maladie  a  commencé  au  rnilieu  des  organes  de  l’abdo¬ 
men  dans  92’pour'lOO  des  cas  ;  et  sur  ce  totèd,  l^oie  do^e  la  proportion 
de  69,4  pour  100.  Les  poumons  n’ont  fourni  qi^un  contingent  de  2,7 
pour  100.  Il  y  a  ici  un  contraste  frappant  a,vec  œ  que  l’on  observe  en 
Islande  chez  la  vache  et  la  brebis.  C’est  une  exceptipn ,  dit  Finsen, 
que  de  ne  point  trouver  d’hydatides  chezMîes  ruminants  dès  qu’ils  ont  at¬ 
teint  un  certain  âge;  et  quand  il  en  existe  dans  quelque  point  du  corps  que 
ce  soit,  il  y  en  a  toujours  dans  les  poumons  en  même  temps.  On  voit  au 
contraire  que,  chez  l’homme,  les  hydatides  pulmonaires  sont  relativement 
rares.  Il  ne  faudrait  pas  compter  sous  ce  titre  les  hydatides  qui  pro¬ 
viennent  de  kystes  du  foie  rompus  dans  la  poitrine  et  qui  sont  évacués 
par  les  bronches.  Finsen  n’a  pas  rencontré  d’hydatides  des  os  ni  de  l’œil; 
mais  différents  autres  observateurs  en  ont  recueilli  de  nombreux  exemples. 
Davaine,  dans  ses  relevés,  ne  mentionne  pas  moins  de  17  cas  d’hydatides 
de  système  osseux,  et  12  cas  de  la  même  affection  tant  du  globe  oculaire 
que  de  l’orbite.  Le  même  auteur  cite  également  d’une  manière  précise 
des  faits  d’hydatides  du  cœur,  du  cerveau,  du  cervelet,  de  la  moelle  épi¬ 
nière,  des  capsules  surrénales,  du  testicule,  de  l’ovaire,  de  la  matrice, 
etc.  Ces  faits,  ne  se  rapportant  pas  à  un  total  connu  de  malades,  n’ont 
qu’une  valeur  absolue  pour  prouver  que  tel  ou  tel  organe  peut  être  affecté 
d’hydatides.  Du  reste,  c’est  à  l’occasion  de  chaque  appareil  en  particulier 
que  cette  question  de  la  localisation  des  hydatides  sera  le  plus  convena¬ 
blement  appréciée. 

Les  rapports  des  hydatides  avec  les  parties  au  milieu  desquelles  elles  siè¬ 
gent  sont  établis  à  l’aide  d’une  membrane  isolante,  de  nature  conjonctive 
et  vasculaire,  les  constituant  à  l’état  de  véritable  kyste.  Cette  membrane 
prend  le  nom  de  kyste  adventif;  elle  appartient  au  support,  et  sert  de 


410  EiNTOZOAIRES  (pathologie).  —  éciiinocoques  et  kystes  hydatiqdes. 
cavité  de  réception,  ou  de  matrice,  à  l’entozoaire.  La  surface  interne  de 
la  poche  est  unie  et  luisante,  et  présente  l’aspect  d’une  séreuse  ;  il  n’y 
existe  point  d’épithélium  manifeste. 

Le  kyste  renferme  les  hydatides  en  plus  ou  moins  grand  nombre  et  un 
liquide  dont  la  proportion  est  très-variable.  Nous  savons  en  quoi  cansiste 
l’hydatide.  Celle-ci  est  parfois  solitaire  et  remplit  le  kyste  à  elle  seule; 
elle  est  alors  assez  volumineuse.  Le  plus  souvent  les  vésicules  sont  mul¬ 
tiples,  mais  avec  des  dimensions  moindres.  On  en  a  compté  jusqu’à  plu¬ 
sieurs  milliers  dans  une  même  poche  adventive;  leur  volume  variant 
depuis  celui  d’une  tête  d’épingle  jusqu’à  celui  d’une  orange.  L’ensemble 
de  la  tumeur  peut,  dans  ces  cas,  acquérir  la  grosseur  d’une  tête  d’acLulte. 

Le  liquide  kystique,  extérieur  à  l’hydatide,  est  ordinairement  peu  abon¬ 
dant.  Lorsqu’on  le  recueille  sur  une  tumeur  qui  n’a  point  subi  d’altéra¬ 
tion  régressive  et  qui  est  encore  vivante,  il  offre  les  caractères  chimiques 
du  liquide  de  la  vésicule  hydatique  elle-même;  c’est-à-dire  qu’il  est  lim¬ 
pide,  incolore,  et  non  coagulable  par  la  chaleur  et  par  les  acides.  Il  laisse 
déposer  par  l’évaporation  spontanée  des  cristaux  de  chlorure  de  sodium; 
enfin  on  y  a  constaté,  lorsqu’il  provenait  de  kystes  en  rapport  avec  le 
foie,  la  présence  du  glucose.  (Ch.  Bernardet  Axenfeld.) 

Lorsque  les  hydatides  se  développent  dans  une  cavité  séreuse  naturelle, 
elles  ne  s’entourent  point  de  membrane  adventive  ;  la  séreuse  leur  en  tient 
lieu.  C’est  ainsi  que  des  hydatides  ont  été  trouvées  libres  dans  la  plèvre, 
dans  le  péricarde,  dans  l’arachnoïde,  dans  les  ventricules  du  cerveau, 
dans  la  tunique  vaginale,  et  jusque  dans  les  milieux  de  l’œil  et  dans  les 
cavités  du  cœur  et  des  vaisseaux.  On  n’en  a  pas  rencontré  dans  les  syno¬ 
viales  articulaires  ni  tendineuses;  et  les  corps  étrangers  de  ces  séreuses, 
qui  ont  été  qualifiés  d’hydatides,  ont  été  reconnus  depuis  longtemps 
comme  n’ayant  aucun  des  caractères  de  l’animalité.  Chez  l’homme,  les 
hydatides  ne  semblent  jamais  s’être  montrées  libres  dans  le  péritoine  qu’à 
la  suite  d’une  rupture  dans  cette  séreuse  d’un  kyste  hydatique  de  l’un 
des  organes  abdominaux.  Il  est  probable  que  beaucoup  d’autres  faits 
d’hydatides  réputées  libres  doivent  être  interprétés  delà  même  manière. 

Il  existe  une  certaine  forme  d’hydatides  à  échinocoques  qui  simule  au 
premier  ahord  un  cancer  colloïde.  Cette  affection  n’a  encore  été  rencon¬ 
trée  que  dans  le  foie  ;  sa  nature  a  été  reconnue  par  Luschka  et  Zeller,  et 
elle  a  été  désignée  par  Virchow  sous  le  nom  à' échinocoque  multiloculaire. 
Dans  ce  cas-l’hydatide  n’est  pas  enkystée,  elle  semble  infiltrée  ;  Virchow 
lui  assigne  comme  siège  les  vaisseaux  lymphatiques  du  foie  distendus 
très-inégalement  par  ce  produit,  et  injectés  pour  ainsi  dire  par  lui. 
(Voy.  Frerichs,  Maladies  du  foie,  2®  édition,  p.  615.) 

On  ne  trouve  en  général  qu’une  seule  tumeur  hydatique  chez  le  même 
individu;  cependant  on  a  aussi  noté  des  cas  de  kystes  multiples,  soit  dans 
le  même  organe,  soit  dans  différents  points  du  corps.  Chez  les  ruminants, 
la  multiplicité  des  kystes  est  au  contraire  la  règle. 

Symptômes.  —  Les  signes  par  lesquels  s’annoncent  les  kystes  hydati¬ 
ques  sont  en  rapport  avec  le  degré  de  développement  qu’ils  ont  acquis,  et 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  échikocoqües  et  kystes  hydatiques.  411 
jassi  avec  l’organe  qu’ils  ont  envahi.  Ils  peuvent  longtemps  passer  in¬ 
aperçus.  Ce  n’est  que  lorsqu’ils  gênent  quelque  fonction,  ou  que  lors¬ 
qu’une  complication,  telle  que  leur  rupture,  surgit  tout  à  coup,  que  com¬ 
mence  réellement  leur  rôle  pathologique. 

Lorsqu’ils  sont  accessibles  à  l’exploration  directe,  ils  se  manifestent  sous 
la  forme  d’une  tumeur  plus  ou  moins  volumineuse,  et  rattachée  plus  ou 
moins  évidemment  à  l’organe  auquel  ils  appartiennent.  Cette  tumeur  est 
dure,  rénitente,  élastique,  présentant  une  fluctuation  douteuse, mais  offrant 
parfois  un  signe  important  et  caractéristique,  le  frémissement  htjdatique. 

Ce  signe,  entrevu  par  Blatin,  en  1801,  a  été  surtout  rais  en  évidence 
par  Briançon  (1828),  qui  en  a  bien  apprécié  les  causes  et  la  portée.  Voici 
•comment  il  s’exprime  à  cet  égard  :  «  Lorsqu’on  applique  une  main  sur  le 
kyste  contenant  des  acéphalocystes,  de  manière  à  l’embrasser  le  plus  exac¬ 
tement  possible,  en  exerçant  une  pression  légère,  et  qu’avec  la  main  op¬ 
posée  on  donne  un  coup  sec  et  rapide  sur  cette  tumeur,  on  sent  un 
frémissement  analogue  à  celui  que  ferait  éprouver  un  corps  en  vibration  : 
c’est  le  frémissement  hydatique.  Si  l’on  réunit  l’auscultation  à  la  percus¬ 
sion,  on  entend  des  vibrations  plus  ou  moins  graves,  semblables  à  celles 
que  produit  une  corde  de  basse.  »  (Briançon.) 

Davaine  indique  un  procédé  un  peu  différent  pour  provoquer  ces 
ébranlements  :  «  Appliquer,  dit-il,  avec  une  certaine  pression  sur  la  par¬ 
tie  la  plus  saillante  de  la  tumeur  trois  doigts  écartés,  et  donner  sur  celui 
du  milieu  un  coup  sec  et  rapide  ;  les  deux  autres  doigts  perçoivent  le  fré¬ 
missement  d’une  manière  très-nette.  Ce  frémissement  a  beaucoup  de  rap¬ 
ports  avec  celui  que  donne  un  siège  à  élastiques  qu’on  frappe  avec  la  main.  » 
D’autres  auteurs  ont  comparé  la  sensation  éprouvée  au  tremblotement 
d’une  masse  gélatineuse  que  l’on  agite. 

Le  signe  qui  nous  occupe  est  loin  d’être  constant.  La  tumeur,  pour  le 
produire,  doit  remplir  certaines  conditions  que  Briançon  a  cherché  à 
déterminer  par  des  expériences  directes.  Il  faut,  en  résumé,  que  le  kyste 
contienne  du  liquide,  mais  que  la  proportion  des  acéphalocystes  soit  con¬ 
sidérable;  lorsque  la  quantité  du  liquide  est  trop  grande,  le  frémisse¬ 
ment  n’est  plus  perçu.  Le  phénomène  ne  paraît  pas  dépendre  de  la  col¬ 
lision  des  hydatides  entre  elles,  car  on  en  a  constaté  l’existence  dans  un 
cas  où  le  kyste  ne  renfermait  qu’une  seule  hydatide.  (Jobert.)  line  saurait 
avoir  lieu  lorsque  la  tumeur  a  subi  la  dégénérescence  athéromateuse  ;  car 
alors  elle  ne  renferme  plus  aucun  liquide  et  les  hydatides  flasques  et 
flétries  restent  agglutinées  entre  elles. 

Dans  les  cas  où  la  tumeur  hydatique  est  facilement  accessible  à  l’explo¬ 
ration,  et  que  néanmoins  on  demeure  incertain  sur  sa  véritable  nature, 
on  aura  recours,  pour  s’éclairer,  à  la  ponction  exploratrice.  Cette  petite 
opération  est,  en  général,  sans  danger,  même  lorsqu’on  est  en  présence 
d’un  kyste  du  foie  et  qu’il  faut  nécessairement  traverser  le  péritoine  : 
Récamier  ne  craignait  pas  de  la  recommander  et  de  la  pratiquer  dans 
cette  circonstance.  Elle  est,  du  reste,  comme  un  essai  du  traitement  que 
comportent  les  hydatides.  Si  l’on  a  affaire  à  une  maladie  de  ce  genre, 


412  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  échinocoques  et  rïstes  hydatiqdes. 
le  liquide  qui  s’écoule  par  le  trocart  explorateur,  a  les  caractères  que 
nous  connaissons  déjà,  et  dont  le  plus  saillant  est  qu’il  n’est  point  albumi¬ 
neux.  (Récamier.)  De  plus,  il  peut  entraîner  avec  lui,  soit  des  débris  de 
membrane  hydatique,  soit  des  crochets  d’échinocoques,  soit  même  l’un 
de  ces  entozoaires  tout  entier.  Nous  avons  vu  enfin  que ,  dans  un  cas 
de  kyste  du  foie  observé  par  Ch.  Bernard  et  Axenfeld,  le  liquide  extrait 
de  cette  façon  contenait  du  sucre. 

Nous  ne  pouvons,  à  l’occasion  de  ce  qui  précède,  nous  dispenser  de 
signaler  un  travail  de  Moissenet  (1859),  où  se  trouvent  groupés  un  cer¬ 
tain  nombre  de  cas  dans  lesquels  la  ponction  exploratrice  a  été  suivie 
d’accidents  sérieux  et  même  mortels.  Ces  faits,  quoique  relativement 
rares,  doivent  au  moins  rendre  très-circonspect  dans  l’emploi  du  trocart 
capillaire  appliqué  à  la  ponction  des  kystes  hydatiques  du  foie. 

Les  tumeurs  hydatiques,  ayant  en  quelque  sorte  une  existence  propre, 
naissent,  s’accroissent  et  même  finissent  par  mourir.  La  durée  de  leur 
évolution  est  très-variable.  On  en  rencontre  parfois  chez  des  malades  qui 
les  portaient  depuis  fort  longtemps,  et  souvent  sans  qu’ils  en  aient  eu 
conscience.  Davaine  cite  des  faits  empruntés  à  différents  auteurs,  qui 
fixent  l’âge  de  certains  kystes  hydatiques  à  10  ans,  à  15  ans,  à  50  ans,  à 
40  ans,  et  même  à  65  ans.  J.  Finsen  rapporte  trois  observations  qui  font 
remonter  le  début  de  l’affection  hydatique  à  16  ans,  à  18  ans,  et  à  52  ans. 
Ces  observations  ont  une  valeur  toute  particulière,  car  elles  ont  été  re¬ 
cueillies  sur  des  Islandais  qui  avaient  quitté  leur  pays  depuis  les  époques 
indiquées  ci-dessus  pour  venir  habiter  des  contrées  où  la  maladie  des 
échinocoques  est  habituellement  très-rare. 

Mais  il  y  a  telle  circonstance  qui  abrège  la  durée  des  tumeurs  hyda¬ 
tiques,  et  notamment  lorsqu’elles  viennent  à  se  rompre,  soit  à  l’exté¬ 
rieur,  soit  dans  l’une  des  cavités  avec  lesquelles  elles  peuvent  être  en 
contact.  Ce  genre  d’accident  offre  des  particularités  qui  sont  en  rapport 
avec  chacune  des  déterminations  possibles  de  l’affection  hydatique; 
nous  ne  voyons  à  signaler,  comme  ayant  quelque  intérêt  pour  nous,  que 
le  fait  remarqué  par  Finsen  de  l’apparition  d’une  urticaire  générale  à  la 
suite  de  la  rupture  de  kystes  hydatiques  dans  le  péritoiné,  et  aussi  très- 
probablement  dans  la  plèvre.  Finsen  démontre  de  plus  que  l’épanche¬ 
ment  des  hydatides  dans  la  cavité  de  l’abdomen  n’est  pas  une  complica¬ 
tion  nécessairement  mortelle  :  sur  six  fois  qu’il  a  constaté  cet  accident,  il 
n’a  eu  que  deux  cas  de  mort.  Mais  c’est  à  la  condition,  dit-il,  que  les  échi¬ 
nocoques  soient  frais  et  que  le  liquide  des  kystes  ne  soit  pas  puriforme. 

Il  est  bien  entendu  que  l’évacuation  d’hydatides  par  l’expectoration, 
par  le  vomissement,  avec  les  selles,  avec  les  urines,  par  le  vagin,  etc., 
constitue  un  signe  absolu  éclairant  d’une  lueur  subite  le  diagnostic  de 
tumeurs  dont  on  ignorait  la  nature  ;  encore  faut-il  avoir  bien  présents 
à  l’esprit  les  caractères  de  ces  singulières  productions. 

Nous  avons  dit  que  l’un  des  modes  de  terminaison  des  kystes  hydati¬ 
ques  était  leur  mort  pour  ainsi  dire.  Lorsqu’ils  sont  ainsi  arrivés  au 
terme  de  leur  évolution  naturelle,  ils  subissent  sur  place  des  altérations 


EiNTOZOAIRES  (pathologie).  —  échinocoqdes  et  kystes  hïdatiqdes.  413 
remarquables.  Bien  souvent  on  trouve  dans  des  autopsies  des  tumeurs 
du  foie,  de  la  rate,  ou  de  tout  autre  organe,  et  dont  la  constitution  de¬ 
meure  indécise  au  premier  aspect.  Ce  sont  des  amas  enkystés  de  matières 
puriformes  où  athéromateuses,  au  milieu  desquelles  on  voit  des  pelli¬ 
cules  ressemblant  à  des  grains  de  raisin  écrasés.  Au  milieu  de  ces  pro¬ 
duits  dégénérés,  le  microscope  fait  reconnaître  de  nombreux  corpuscules 
amorphes  donnant  à  la  masse  son  aspect  émulsif,  des  plaques  rhom- 
boïdales  de  cholestérine,  des  cristaux  d'hématoïdine,  des  crochets  d’é- 
chinocoques,  et  enfin  des  débris  de  membranes  hydatiques  :  ce  sont  là 
pour  la  plupart  les  attributs  de  toute  tumeur  en  voie  de  métamorphose 
rétrograde.  L’envahissement  athéromateux  du  kyste  peut  précéder  la 
mort  et  l’affaissement  de  la  vésicule  hydatique;  il  paraît  alors  être  le  ré¬ 
sultat  d’une  sécrétion  propre  de  la  paroi  kystique.  Plus  tard,  la  régres¬ 
sion  s’empare  des  hydatides  elles-mêmes  et  se  complète  :  les  liquides 
sont  résorbés,  la  masse  prend  un  aspect  caséeux  ou  tuberculeux,  à  ce 
point  qu’on  a  cru  voir  dans  ces  hydatides  l’origine  habituelle  du  tuber¬ 
cule  proprement  dit;  enfin  le  tout  peut  passer  à  l’état  crétacé,  en  même 
temps  que  les  parois  kystiques  subissent  un  travail  d’ossification  plus 
ou  moins  complet.  Dans  ces  conditions,  les  tumeurs  perdent  de  leur  vo¬ 
lume,  s’affaissent  et  semblent  guérir  spontanément.  De  toute  façon  les 
crochets  des  échinocoques  restent  là  jusqu’au  bout  pour  témoigner  de 
la  nature  première  de  l’affection. 

Traitement.  —  Le  traitement  des  kystes  hydatiques  est  direct  ou  indi¬ 
rect.  Le  traitement  indirect,  ou  médical,  n’offre  que  des  chances  très-con¬ 
testables  de  succès;  cependant  quelques  moyens  réputés  médicaux  ont 
été  conseillés  contre  les  hydatides  par  des  hommes  dignes  de  foi. 

L’emploi  du  chlorure  de  sodium,  jadis  recommandé  par  Laennec,  était 
fondé  sur  ce  fait  que  les  moutons  qui  vivent  dans  les  pâturages  mari¬ 
times  ne  sont  point  atteints  d’hydatides,  et  qu’on  peut  guérir  ceux  qui 
présentent  cette  affection  dans  d’autres  contrées  en  les  amenant  paître 
dans  les  prés  salés.  Il  est  encore  acquis  que  les  marins,  dont  la  nourri¬ 
ture  se  compose  surtout  de  salaisons,  sont  très-peu  sujets  aux  hydatides. 
Nous  savons  enfin  quelle  opposition  existe  entre  les  pêcheurs  et  la  po¬ 
pulation  agricole  de  l’Islande  sous  le  rapport  de  l’aptitude  à  contracter 
les  hydatides.  Mais  il  serait  bon,  pour  apprécier  convenablement  l’effi¬ 
cacité  du  moyen  en  question,  de  tenir  compte  de  toutes  les  circonstances 
qui  peuvent,  d’autre  part,  empêcher  ou  favoriser  le  développement  des 
échinocoques.  L’origine  de  ces  entozoaires,  qui  nous  est  aujourd’hui 
assez  bien  connue,  montre  sur  quelles  bases  doit  reposer  une  pareille 
appréciation.  Davaine  fait,  du  reste,  remarquer  que  le  liquide  des  hy¬ 
datides  est  très-riche  en  chlorure  de  sodium,  et  que  par  conséquent  cette 
substance  ne  paraît  pas  exercer  sur  elle  une  action  bien  délétère.  Laennec 
prescrivait  particulièrement  les  bains  d’eau  salée. 

Les  mercuriaux  ont  aussi  été  essayés  (Baumes) ,  mais  sans  utilité  démon¬ 
trée  (de  la  Berge  et  Monneret).  Il  en  est  de  même  pour  l’iodure  de  potas¬ 
sium  employé  en  Angleterre  (Hawkins)-  Frerichs  a  reconnu  dans  un  cas  que 


414  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  échiaocoques  et  kystes  hyd.atiqoes. 
ce  sel  n’avaitmêmepaspénéti'é  jusque  dans  l’intérieur  du  kyste  hydatique. 

Le  kamala,  recommandé  par  Hjaltelin,  médecin  principal  de  l’Islande 
pour  le  compte  du  gouvernement  danois,  a  paru  lui  offrir  quelques 
avantages  dans  la  maladie  des  écliinocoques.  La  raison  de  l’emploi  de  ce 
médicament  est  fondée  d’une  manière  spécieuse  sur  son  efficacité  contre 
le  tænia.  11  était  donné  sous  forme  de  teinture  alcoolique  à  la  dose  de 
30  gouttes  par  jour  pour  les  adultes  ;  on  doit  en  continuer  l’usage  pen¬ 
dant  un  mois  et  plus.  Ce  remède  est  calmant  et  anodin,  et  les  malades 
le  prennent  volontiers  ;  mais  on  ne  connaît  pas  de  guérison  authentique 
de  tumeur  à  échinocoques  obtenue  par  ce  moyen.  (J.  Finsen.) 

On  pourrait  de  même  faire  usage  de  toute  substance  anthelminthique, 
pourvu  qu’elle  soit  soluble  et  diffusible,  dans  l’espérance  qu’elle  péné¬ 
trerait,  par  voie  d’endosmose,  à  l’intérieur  du  kyste,  et  qu’elle  y  ferait 
périr  les  hydatides  qu’il  contient. 

Il  serait  beaucoup  plus  sûr  de  porter  directement  dans  la  tumeur,  à 
l’aide  d’un  fin  trocart,  comme  celui  des  seringues  à  injections  hypoder¬ 
miques,  une  solution  vermicide  qui  devrait,  d’autre  part,  n’avoir  aucun 
inconvénient  pour  le  support;  la  teinture  d’iode,  celle  de  kamala,  etc., 
introduites  de  cette  façon  dans  le  kyste,  seraient  d’un  emploi  plus  ra¬ 
tionnel  que  leur  ingestion  dans  l’estomac.  Les  conséquences  d’une  tu¬ 
meur  ainsi  traitée  seraient,  d’abord,  l’arrêt  de  son  développement,  puis 
son  ratatinement  ultérieur,  et  peut-être  sa  disparition  complète. 

On  a  conseillé,  dans  le  même  but,  de  faire  traverser  la  tumeur  hyda¬ 
tique  par  un  courant  électrique.  Un  succès  aurait  été  obtenu  à  l’aide  de 
ce  procédé,  en  Islande,  par  Thorarensen  (cité  par  Guérault)  ;  mais  de¬ 
puis,  on  n’en  a  pas  produit  d’autres  exemples. 

Nous  touchons  ici  au  traitement  direct,  ou  chirurgical,  des  kystes  hy¬ 
datiques.  Ce  traitement  comprend  un  assez  grand  nombre  de  moyens 
d’action,  tels  sont  :  la  ponction  simple  du  kyste  avec  un  trocart  plus  ou 
moins  gros,  l’incision  de  la  tumeur  à  ciel  ouvert,  son  extirpation  totale, 
la  ponction  suivie  d’une  injection  iodée,  alcoolique,  de  bile,  etc.,  l’ou¬ 
verture  de  la  poche  par  le  caustique  en  suivant  la  méthode  de  Réca- 
mier,  etc.  Mais  nous  ne  saurions  développer  ici  ces  divers  procédés,  afin 
d’en  apprécier  les  mérites  respectifs  ;  chacun  d’eux  trouve  son  indication 
dans  un  cas  donné.  C’est,  du  reste,  à  l’occasion  des  kystes  hydatiques 
du  foie  que  cette  étude  pourra  être  faite  le  plus  efficacement.  (Foy.  Foie.) 

Les  connaissances  acquises  au  sujet  de  l’origine  des  hydatides  chez, 
l’homme  sont  de  nature  à  inspirer  certaines  mesures  d’hygiène  publique 
et  privée.  Le  résultat  des  recherches  faites  en  Islande  par  Krabbe  l’ont 
conduit  à  formuler  quelques  préceptes  d’une  utilité  non  douteuse.  Il 
conseille  :  1“  de  réduire  le  nombre  des  chiens  au  strict  nécessaire  pour 
la  garde  des  troupeaux  ;  '•1°  d’éloigner  autant  que  possible  ces  animaux 
des  habitations,  et  de  n’avoir  pas  avec  eux  des  contacts  trop  multipliés  ; 
3°  de  ne  point  leur  faire  manger  les  débris  chargés  d’échinocoques  pro¬ 
venant  du  bétail  abattu,  et  de  détruire  cette  cause  d’infection  par  l’en¬ 
fouissement  ou  par  tout  autre  moyen;  4“  d’administrer  périodiquement 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tænia.  415 

aux  chiens  quelque  substance  vermifuge  qui  les  débarrasse  de  leurs 
tænias.  Ces  prescriptions  auraient  pour  avantage  de  préserver  des  hyd'a- 
tides,  non-seulement  rhomm,e,  mais  aussi  les  bestiaux  qui  sont  une 
source  permanente  et  indirecte  de  cette  maladie  pour  l’espèce  humaine. 
Elles  rappellent  les  moyens  préventifs  qu’on  a  mis  en  usage  pour  ga¬ 
rantir  les  moutons  du  tournis,  dont  le  germe  sous  la  forme  des  œufs  du 
Tænia  cænurus  leur  est  incessamment  communiqué  par  les  chiens  qui 
les  gardent.  Les  recommandations  de  Krabbe  ont  été  répandues  en  Is¬ 
lande  par  les  soins  du  gouvernement  danois  :  elles  seraient  appliquées 
avec  avantage  dans  tout  autre  lieu,  car  l’affection  hydatique  est  loin 
d’être  rare  ailleurs  que  dans  cette  île. 

VIL  Tænia.  —  On  peut  observer  plusieurs  espèces  de  vers  cestoïdes 
vivant  dans  l’intestin  de  l’homme.  Parmi  les  mieux  déterminées  nous 
citerons  ;  le  Tænia  solium,  le  T.  msdiocanellata  et  le  Bothriocephalus 
Mus.  Les  espèces  rares  ou  douteuses  comprennent  :  le  Tænia  nana,  le 
T.  elliptica,  le  T.  flavopunctata  et  le  Bothriocephalus  cordatus  (voyez  le 
synopsis,  p.  367). 

Notre  étude  portera  tout  naturellement  sur  ceux  de  ces  vers  qu’on  est 
le  plus  exposé  à  rencontrer,  dont  l’origine  est  la  mieux  connue,  et  qui  se 
prêtent  par  conséquent  à  des  mesures  hygiéniques  rationnelles.  Du 
reste,  au  point  de  vue  où  nous  sommes  placé,  nous  pouvons  sans  incon¬ 
vénient  poursuivre  simultanément  l’histoire  de  tous  ces  entozoaires  : 
leurs  effets  sur  l’économie  sont  à  peu  près  les  mêmes;  leur  diagnostic, 
leur  pronostic  et  leur  traitement  sont  fondés  sur  des  principes  identi¬ 
ques;  ils  ne  diffèrent  que  sous  le  rapport  taxonomique;  or  leur  distinc¬ 
tion  a  été  convenablement  établie  d’autre  part,  de  telle  sorte  que  nous 
n’avons  plus  à  nous  en  préoccuper  maintenant. 

Les  vers  rubannés,  ou  cestoïdes,  ont  été  connus  des  anciens,  du  moins 
pour  ce  qui  est  des  grandes  espèces  que  l’on  confondait  entre  elles. 
En  effet,  Hippocrate  mentionne  trois  sortes  de  vers  intestinaux  chez 
l’homme  ;  l’ascaride  lombricoïde  (aXiAtv?  GvpoyYéA-^]),  l’oxyure  vermicu- 
laire  (aezapt;),  et  le  tænia  (êXp.iv;  lù.ctzv.a.) .  Galien  accepta  cette  division, 
et  ce  fut  lui  qui  nomma  le  tænia  (vawia,  ruban,  bandelette).  Les  auteurs 
arabes,  et  particulièrement  Avicenne,  considèrent  comme  ayant  une 
existence  propre  les  cucurbitins,  qui  ne  sont  en  somme,  ce  que  Hippo¬ 
crate  savait  déjà,  que  des  anneaux  détachés  du  tænia,  et  rejetèrent  l’exis¬ 
tence  de  cette  dernière  espèce  de  ver,  qu’ils  regardaient  comme  formé 
par  un  groupement  accidentel  de  cucurbitins.  En  1602 ,  Félix  Plater 
distingua,  chez  l’homme,  deux  sortes  de  vers  plats  qui  correspondent 
très-bien  à  ce  que  nous  savons  aujourd’hui  du  bothriocéphale  et  du 
tænia  solium.  On  les  désigna  simplement  d’abord  sous  les  noms  de 
Tsenia  prima  et  de  Tænia  secunda  Plateri.  Les  observations  ultérieures 
de  Spigel  (1618)  et  celles  de  Nicolas  Andry  (1700)  confirmèrent  la  sé¬ 
paration  des  deux  espèces  de  vers  plats.  La  dénomination  de  ver  soli¬ 
taire  appliquée  à  l’un  de  ces  vers  appartient  à  Andry.  Linné  constitua 
et  nomma  l’espèce  Tænia  solium.  C’est  Breraser  qui  a  créé  pour 


416  ENTOZOAIPiES  (pathologie).  —  tæma. 

l’autre  ver  plat  de  l’homme  le  genre  Bothriocephalus  (^cGptov,  fossette). 
La  découverte  du  Tænia  mediocanellata  (Küclienmeister,  1854),  et  des 
autres  cestoïdes  que  nous  avons  énumérés  plus  haut,  est  contemporaine. 
Il  est  même  probable  que  des  observations  nouvelles  ne  feront  que 
grossir  la  liste  de  ces  parasites.  C’est  ainsi  que  Davaine  a  donné  tout 
récemment,  dans  les  Archives  de  médecine  navale,  la  description  d’un 
nouveau  tænia  qui  a  été  recueilli  à  Mayotte  par  le  docteur  Grenet,  et  au¬ 
quel  il  a  assigné  le  nom  de  T.  madagqscariensis .  [Voy.  p.  571.) 

Causes.  — L’origine  des  tænias  commence  à  être  assez  bien  établie,  au 
moins  pour  quelques-uns  d’entre  eux  ;  et  pour  les  autres  on  peut  prévoir 
ce  que  la  suite  révélera  à  leur  égard.  Ce  ne  sont  point  des  œufs  ingérés 
avec  les  aliments  ou  avec  les  boissons  qui  les  produisent  directement 
dans  l’intestin,  mais  bien  des  larves  de  vers  à  génération  alternante  et 
déjà  arrivés  à  la  troisième  phase  de  leur  existence,  celle  de  scolex.  Sous 
cette  dernière  forme  ils  étaient  enfouis  dans  les  organes  parenchyma¬ 
teux  de  divers  animaux;  et  ce  sont  les  besoins  de  l’alimentation,  ou  toute 
autre  circonstance,  qui  les  ont  enfin  amenés  dans  le  lieu  où  ils  doivent 
acquérir  leur  état  adulte  et  se  reproduire.  Le  ver  est  alors  un  animal 
complexe,  dont  l’ensemble  forme  un  strobila,  et  dont  chaque  élément 
distinct  et  fécondé  prend  le  nom  de  proglottis  ou  de  cucurbitin.  (Voy.  la 
première  partie,  p.  368.) 

Telle  est  la  base  sur  laquelle  doit  être  fondée  l’étiologie.  D’après  cela, 
les  rapports  se  trouvent  tout  d’abord  établis  entre  le  tænia  solium  et  le 
cysticerque  du  porc,  c’est-à-dire  avec  la  chair  de  cet  animal  affecté  de 
ladrerie.  Pour  le  tænia  inerme,  il  est  plus  que  probable  que  son  scolex 
existe  à  l’état  de  cysticerque  dans  la  chair  du  bœuf  et  du  veau.  (Leuckart.) 
Quant  au  bothriocéphale,  son  point  de  départ  est  incertain.  Ce  ver  est, 
comme  nous  le  verrons,  exclusif  à  certains  pays;  il  paraît,  à  l’état  de 
larve  ou  d’œuf,  avoir  pour  véhicule  l’eau  de  quelques  fleuves,  ou  lacs,  et 
les  poissons  qui  les  habitent. 

La  distribution  géographique  des  trois  grandes  espèces  de  vers  qui  nous 
occupent  plus  particulièrement  est  subordonnée  à  ces  considérations,  et 
aussi  aux  usages  propres  à  chaque  peuple.  La  répartition  du  tænia 
solium  est  très-étendue  ;  on  a  observé  cet  entozoaire  dans  presque  toutes 
les  contrées  du  globe  :  en  Europe,  en  Asie,  en  Afrique  et  en  Amérique.  Il 
est  beaucoup  plus,  commun  en  Algérie  qu’en  France  (Tarneau);  il  est 
également  endémique  en  Syrie  (Mauche);  mais  la  terre  classique  du  tænia, 
c’est  l’Abyssinie.  Dans  cette  contrée  il  n’y  a  guère  d’habitants  qui  ne  soient 
affectés  de  ce  ver,  au  point  qu’il  y  est  presque  une  condition  de  santé 
régulière.  C’est  aussi  là  que  se  trouve  faite,  sur  la  plus  large  échelle,  la 
démonstration  des  causes  du  tænia.  L’usage  de  la  viande  crue  y  est  très- 
répandu,  et  un  mets  national,  le  brondo,  n’est  autre  chose  que  de  la 
chair  de  bœuf  que  l’on  mange  encore  chaude  et  palpitante.  Il  est  vrai  que 
ce  fait  soulève  une  difficulté  assez  importante.  Si  le  tænia  observé  en 
Abyssinie  est  réellement,  comme  on  le  dit,  le  tænia  solium,  il  faut 
admettre,  avec  Gervais  et  van  Beneden,  et  contrairement  à  l’opinion  de 


ENÏOZOAIRES  (pathologie).  —  tæxia.  417 

Davaine,  que  le  bœuf  peut  être  atteint  de  cysticerque  ladrique;  mais  la 
proportion  du  tænia  inerme  y  est  peut-être  plus  grandequ’on  ne  l’a  établi, 
et,  dans  ce  cas,  le  cysticerque  qui  lui  correspond  chez  les  ruminants 
reprendrait  son  rôle  effectif. 

L’usage  de  la  yiande  crue,  partout  où  il  existe,  produit  les  mêmes 
résultats.  L’habitude  où  l’on  est  en  Allemagne  de  manger  la  chair  du  porc 
à  peine  cuite,  ou  même  tout  à  fait  crue,  y  rend  le  tænia  très-fréquent. 
Lorsque  le  régime  de  Weisse,  qui  consiste,  on  le  sait,  dans  l’emploi  de  la 
viande  de  bœuf  crue  chez  les  enfants  atteints  de  diarrhée  au  moment  du 
sevrage,  s’est  répandu  en  Russie,  on  a  vu  apparaître  le  tænia  dans  cette 
contrée,  où,  auparavant,  on  n’avait  guère  observé  que  le  bothriocéphale. 
Le  même  fait  s’est  produit,  quoique  d’une  façon  moins  démonstrative, 
dans  les  pays  où  le  tænia  existait  habituellement,  et  le  régime  de  Weisse, 
qui  s’est  tant  généralisé  depuis  quelques  années,  a  dû  y  rendre  le  tænia 
plus  commun  qu’autrefois .  (V.  Siebold.)  Il  est  connu  depuis  longtemps 
que  les  professions ,  telles  que  celles  de  charcutier  et  de  boucher,  qui 
nécessitent  des  contacts  fréquents  avec  la  chair  crue,  prédisposent  réelle¬ 
ment  au  tænia.  Dans  un  relevé  de  206  cas  de  cette  affection  fait  par 
Wawruch,  à  Vienne,  en  Autriche,  cet  auteur  a  pu  compter  :  1  cuisinier, 
52  cuisinières,  11  gros  mangeurs  de  viande,  et  quelques  bouchers. 
Gairdner  a  fait  la  même  observation  en  Angleterre,  et  Delpech  a  mis  le  fait 
en  évidence,  pour  notre  pays,  dans  un  important  mémoire  publié  en 
1864.  Mais  la  nécessité  d’établir  une  distinction  étiologique  entre  le 
tænia  solium,  se  rattachant  au  cysticerque  du  porc,  et  le  tænia  medioca- 
nellata,  originaire  du  bœuf,  se  présente  aujourd'hui  plus  impérieuse  que 
jamais. 

L’incertitude  qui  règne  au  sujet  des  origines  du  bothriocéphale  donne 
de  l’importance  aux  notions  que  l’on  possède  sur  la  distribution  géogra¬ 
phique  de  ce  ver,  car  on  pourra  sans  doute  trouver  là  un  jour  la  cause 
définitive  de  son  existence  chez  l’homme.  Le  bothriocéphale  est  inconnu 
en  Afrique  et  en  Amérique;  en  Asie,  il  n’a  été  signalé  qu’à  Ceylan.  Il 
semble,  en  somme,  qu’il  soit  particulier  à  l’Europe,  et  encore  ne  l’est-il 
qu’à  certaines  parties  de  cette  contrée.  II  est  très-commun  en  Suisse,  où 
il  se  rencontre  à  l’exclusion  du  tænia  solium.  Suivant  Lebert,  il  appartient 
à  la  Suisse  orientale,  et  surtout  au  canton  de  Vaud;  dans  la  Suisse 
occidentale,  on  voit  reparaître  le  tænia  ordinaire. 

Le  même  ver  existe  sur  presque  tout  le  littoral  de  la  mer  Baltique,  et 
notamment  en  Suède,  dans  la  Bothnie  septentrionale,  aux  confins  de  la 
Laponie,  puis  dans  le  Finmark,  dans  la  Finlande,  dans  la  Livonie,  dans 
la  Pologne  jusqu’à  la  Vistule,  et,  au  delà  de  ce  fleuve,  dans  la  Poméranie. 
En  Russie,  on  ne  connaissait  autrefois  que  le  bothriocéphale  ;  nous  savons 
pourquoi  aujourd’hui  on  y  observe  aussi  le  tænia  solium.  Dans  certaines 
de  ces  contrées,  le  bothriocéphale  est  pour  ainsi  dire  endémique;  peu 
d’individus  y  échappent,  surtout  parmi  ceux  qui,  habitant  près  de  l’em¬ 
bouchure  des  fleuves,  se  livrent  à  la  pêche  et  vivent  presque  exclusive¬ 
ment  de  poisson.  A  mesure  qu’on  s’éloigne  des  côtes,  il  devient  de 

SODV.  BICT.  MÉD.  ET  CHIB.  XIII.  —  27 


418  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tænia. 

plus  en  plus  rare,  pour  disparaître  tout  à  fait  dans  l’intérieur  des  terres 
où  le  régime  diffère  notablement  de  ce  qu’il  est  sur  le  littoral.  Cependant 
il  n’en  faudrait  pas  conclure  que  c’est  de  l’emploi  dans  l’alimentation  de 
certains  poissons,  telle  que  la  truite  ou  le  saumon,  ainsi  qu’on  l’a  dit,  que 
dépend  l’existence  du  bothriocéphale  chez  l’homme.  En  effet,  ce  ver  est 
bien  loin  de  suivre,  dans  leur  distribution  géographique,  les  poissons  que 
nous  venons  de  nommer;  il  a  un  domaine  beaucoup  plus  restreint.  D’un 
autre  côté,  on  n’a  nas  encore  démontré  en  quoi  consiste  le  germe  de  cet 
entozoaire;  on  ne  sait  s’il  provient  d’un  cysticerque  ou  directement  d’un 
œuf,  ni  dans  quels  animaux  il  accomplit  ses  premières  phases;  et  il  peut 
se  faire,  comme  on  tend  à  l’admettre,  qu’il  n’arrive  à  l’homme  que  par 
l’intermédiaire  de  l’eau  prise  en  boisson. 

Le  bothriocéphale  existe  simultanément  avec  le  tænia  ordinaire  en 
Hollande  et  en  Belgique.  En  Angleterre  et  en  France,  il  ne  se  rencontre 
guère  que  sur  des  individus  qui  l’ont  importé  des  pays  où  il  est  endé¬ 
mique.  A  Paris,  on  l’observe  quelquefois  sur  des  Suisses.  Dans  toute  la 
collection  des  bulletins  de  la  Société  anatomique,  on  ne  trouve  que  deux 
exemples  de  bothriocéphale  ;  l’un  a  été  recueilli  chez  un  malade  de  cette 
dernière  nationalité  (Lacaze-Duthiers);  et  l’autre  sur  un  jeune  Piémontais 
(Potain). 

Les  autres  considérations  étiologiques  relatives  aux  vers  cestoïdes 
offrent  désormais  moins  d’importance.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
discuter  la  question  de  leur  hérédité ,  car,  les  trouvât-on  chez  un  enfant 
nouveau-né,  qu’il  faudrait  encore  admettre  qu’ils  procèdent  de  la  péné¬ 
tration  d’un  germe  parfaitement  déterminé. 

L’âge  moyen  est  celui  auquel  on  rencontre  le  plus  souvent  ces  ento- 
zoaires;  on  les  observe  également  aux  deux  extrémités  de  la  vie.  Hufeland 
a  vu  un  enfant  de  6  mois  en  être  affecté.  Legendre  a  consacré  quelques 
recherches  au  tænia  observé  chez  les  enfants,  mais  il  n’a  indiqué  aucune 
raison  étiologique  qui  soit  particulière  à  cet  âge.  Aujourd’hui,  que  le 
régime  de  la  viande  crue  a  pris  beaucoup  d’extension  parmi  les  enfants,  il 
faudrait  nous  attendre  à  rencontrer  le  tænia  plus  souvent  qu’autrefois 
durant  cette  période  de  la  vie.  A  l’autre  extrême,  le  tænia  a  été  observé 
chez  des  vieillards  âgés  de  80  ans  (Duhaume) ,  de  86  ans  (de  Thomas) ,  de 
plus  de  100  ans  (Lombard).  (Auteurs  cités  par  Davaine.) 

Relativement  au  sexe,  il  est  démontré  que  les  femmes  sont  plus 
exposées  que  les  hommes  à  contracter  le  tænia.  Wawruch,  dans  un 
relevé  de  206  cas  de  cette  affection,  a  compté  71  hommes  et  135 
/emmes.  Du  reste,  tous  les  auteurs,  à  l’exception  de  Mérat,  sont  d’ac¬ 
cord  à  cet  égard.  C’est  un  résultat  que  nous  avons  déjà  constaté  pour 
d’autres  entozoaires,  mais  sans  qu’on  puisse  en  donner  une  raison  satis¬ 
faisante. 

Nous  savons  quelle  est  la  fréquence  des  tænias  suivant  les  climats  et  les 
diverses  contrées  du  glohe.  Il  nous  reste  à  mentionner  la  grande  prédis¬ 
position  de  la  race  noire  pour  le  tænia  solium,  et  ce  fait  qu’en  Algérie  nos 
soldats  en  sont  beaucoup  plus  fréquemment  affectés  qu’en  France,  et  cela 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tænia.  419 

dans  une  proportion  plus  forte  que  les  indigènes  eux-mêmes.  (Boudin, 
Judas,  Tarneau.) 

Les  fænias  habitent  l’intestin  grêle,  et  ils  sont  erratiques  dans  les 
mêmes  conditions  que  les  ascarides  lombricoïdes  :  c’est  ce  que  nous  verrons 
par  la  suite;  mais  ce  qu’ils  présentent  de  plus  qu’eux,  c’est  une  sorte  de 
migration  périodique  d’une  partie  d’eux-mêmes,  sous  forme  d’anneaux 
ou  de  segments  fécondés  et  chargés  d’œufs  se  montrant  dans  les  garde- 
robes.  Le  diagnostic  de  ces  vers  en  reçoit  des  éclaircissements  précieux. 
Leur  tête,  ou  scolex,  reste  au  contraire  très-opiniâtrément  fixée  dans 
l’intestin,  d’où  il  importe  surtout  de  l’expulser  pour  obtenir  une  guérison 
définitive. 

Il  n’existe  en  général  qu’un  seul  tænia,  principalement  de  ceux  des 
grandes  espèces,  et  le  nom  de  ver  solitaire  a  été  assez  exactement  choisi 
pour  désigner  le  tænia  solium  ;  il  est  aussi  applicable  au  tænia  inerme  et 
au  bothriocéphale.  Cependant  il  n’y  a  rien  d’absolu  à  cet  égard  ;  les  faits 
de  tænias  multiples  ne  sont  pas  extrêmement  rares.  En  voici  quelques 
exemples  pris  parmi  les  plus  connus  :  Bremser  a  observé  o  tænias  rendus 
parla  même  personne;  Rudolphi,  4;  Barth,  6;  Mongeal,  12,  ayant  en¬ 
semble  une  longueur  de  48  mètres,  et  chacun  pourvu  de  sa  tête  ;  Escallier, 
14;  de  Haen,  18;  enfin  Gervais  et  van  Beneden  citent  le  cas  d’un  homme 
qui  expulsa  41  tænias.  On  comprend  que  ces  faits  n’ont  de  valeur  qu’au- 
tant  que  l’on  rapporte  le  nombre  des  tænias  à  celui  des  têtes  trouvées,  ou 
tout  au  moins  aux  extrémités  effilées  indiquant  un  nombre  équivalent  de 
têtes.  Mentionnons  la  circonstance  assez  curieuse  dans  laquelle  un  tænia 
solium  et  un  bothriocéphale  existent  concurremment  chez  un  même  indi¬ 
vidu  :  cela  a  été  vu  plusieurs  fois.  Le  bothriocéphale,  dans  les  pays  où  il 
est  endémique,  comme  dans  la  province  de  Nordbotten,  en  Suède,  est 
rarement  solitaire.  (Magnus  Huss.) 

Les  proportions  que  prennent  les  trois  principaux  tænias  de  l’homme 
sont  quelquefois  très-considérables,  et  ne  sont  pas  toujours  étrangères 
aux  accidents  déterminés  par  ces  vers.  Les  évaluations  à  cet  égard  ne 
peuvent  offrir  beaucoup  de  précision,  puisque  le  même  ver  a  été  souvent 
expulsé  par  portions  successives  avant  d’être  rejeté  définitivement,  et 
que,  comme  le  dit  Bremser,  on  n’a  peut-être  jamais  vu  un  tænia  en 
entier.  La  régénération  prompte  de  ces  parasites,  après  qu’il  s’en  est 
détaché  de  longs  fragments,  fait  fréquemment  illusion.  Cependant  disons, 
pour  fixer  les  idées  à  ce  sujet,  que  des  tænias  de  6  à  8  mètres  ne  sont  pas 
très-rares;  on  en  a  vu  de  beaucoup  plus  longs,  comme  de  20  à  40  mètres, 
par  exemple.  Le  tænia  inerme  acquiert  ordinairement  des  dimensions  plus 
grandes  que  le  tænia  armé.  Le  bothriocéphale  l’emporterait  encore  sous 
ce  rapport ,  mais  cela  paraît  tenir  à  ce  que  ce  ver  n’est  pas  sujet  à  une 
mue  aussi  périodique  que  les  deux  autres,  qu’il  ne  se  sépare  pas  comme 
eux  en  anneaux  distincts  ou  cucurbitins,  et  qu’il  n’abandonne  de  frag¬ 
ments,  qui  sont  alors  très-longs,  qu’à  des  intervalles  éloignés. 

La  position  que  ces  vers  affectent  dans  l’intestin  est  en  rapport  avec 
cette  extrême  longueur;  ils  peuvent  ainsi  s’étendre  depuis  le  pylore  jus- 


420  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tænia. 

qu’au  gros  intestin,  dans  lequel  on  les  a  vus  se  prolonger  dans  quelques 
cas,  et  être  néanmoins  repliés  plusieurs  fois  sur  eux-mêmes.  Leur  tête  est 
toujours  tournée  du  côté  de  l’estomac.  Cette  remarque  a  été  faite  par 
Pruner,  en  Égypte,  sur  des  nègres  dont  il  pratiquait  l’autopsie  ;  elle  a  été 
également  vérifiée  par  d’autres  observateurs.  Il  arrive  aussi  que  le  tænia 
se  roule  en  peloton,  et  forme  des  masses  qui  obstruent  l’intestin.  On 
considère  cette  circonstance  comme  favorable  à  l’expulsion  du  ver,  parce 
qu’elle  permet  aux  contractions  de  l’intestin  de  s’exercer  plus  efficacement 
sur  lui.  Nous  avons  déjà  dit  que  la  tête  du  tænia  est  fortement  implantée 
dans  la  paroi  intestinale  :  cela  explique  la  difficulté  que  l’on  éprouve  sou¬ 
vent  à  obtenir  l'expulsion  de  cette  partie,  et,  par  suite,  à  débarrasser  le 
malade  d’une  manière  définitive.  Le  fait  eti  lui-même  a  été  constaté  de 
visu  par  Bremser,  par  Lombard,  par  Sappey,  etc. 

Symptômes.  —  La  présence  du  tænia  ne  s’accuse  pas  nécessairement 
par  des  signes  très-apparents.  Dans  la  plupart  des  cas,  elle  n’est  indiquée 
par  aucun  malaise,  mais  seulement  par  des  fragments  de  ce  ver  qui  se 
montrent  de  temps  à  autre  dans  les  garde-robes.  Cependant  il  n’en  est 
pas  toujours  ainsi  ;  et  parfois  des  accidents  notables  en  sont  la  consé¬ 
quence,  et  peuvent  même  prendre  une  extrême  gravité.  En  général,  les 
femmes  et  les  enfants  sont  plus  péniblement  affectés  par  le  tænia  que  les 
hommes  :  ce  qui  paraît  être  en  rapport  avec  une  sensibilité  plus  déve¬ 
loppée,  et  une  aptitude  à  réagir  tout  individuelle. 

Nous  retrouvons  ici  d’abord  les  signes  que  nous  avons  mentionnés 
dans  nos  généralités  sur  les  entozoaires,  et  le  plus  grand  nombre  de  ceux 
qui  appartiennent  aux  ascarides  lonibricoïdes;  tels  sont  :  le  faciès  vermi¬ 
neux,  la  dilatation  des  pupilles,  les  démangeaisons  au  nez  et  à  l’anus, 
une  perversion  de  l’appétit,  des  sensations  abdominales  variées,  des  ver¬ 
tiges,  des  bourdonnements  d’oreille,  des  palpitations,  la  tendance  aux 
syncopes ,  l’affaiblissement  musculaire ,  le  dépérissement,  et  plusieurs 
formes  de  convulsion. 

Quelques-uns  de  ces  symptômes  acquièrent  chez  certains  individus  at¬ 
teints  de  tænia  une  intensité  insolite,  se  révèlent  avec  une  physionomie 
toute  particulière,  et  présentent  une  bizarrerie  qui,  à  elle  seule,  est  un  in¬ 
dice  pour  le  diagnostic.  Les  recueils  d’observations  et  les  publications  pé¬ 
riodiques  renferment  beaucoup  de  faits  de  ce  genre. Ils  ont  été  groupés  avec 
soin  par  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  les  entozoaires  ou  qui  ont  fait  l’his¬ 
toire  spéciale  du  tænia.  Citons  surtout  Warvruch,  Louis,  Legendre,  See- 
ger  (in  Kûchenmeister),  Th.  Heslop  et  Davaine.  Dans  l’impossibilité  où 
nous  sommes  de  reproduire  tous  ces  faits,  nous  nous  contenterons  de 
donner  ici  deux  relevés  intéressants  :  celui  de  Legendre  et  celui  de 
Seeger. 

Le  relevé  de  Legendre  porte  sur  35  cas.  Des  désordres  du  système  ner¬ 
veux  cérébro-spinal  se  sont  montrés  dans  20  cas  :  8  fois  sous  forme  d’at¬ 
taques  d’épilepsie,  4  fois  sous  celle  de  l’hystérie,  et  8  fois  comme  con¬ 
vulsions  partielles  du  visage  ou  des  membres.  Dans  14  cas,  on  a  noté  des 
vertiges  ou  de  la  céphalalgie,  7  fois,  il  y  a  eu  des  lipothymies  complètes 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tænu.  421 

ou  incomplètes.  La  vision  a  été  troublée  4  fois  :  diplopie,  sensation  de 
flocons,  de  mouches  ou  bluettes  lumineuses,  et  même  cécité  périodique. 
Les  bourdonnements  d’oreille  n’ont  été  mentionnés  que  3  fois.  Enfin,  dans 
14  cas,  les  malades  ont  accusé  une  sensation  de  piqûre  ou  de  morsure  à  la 
région  épigastrique.  Rarement,  ajoute  Legendre,  un  de  ces  symptômes 
existait  isolément  ;  le  plus  ordinairement  ils  étaient  groupés  au  nombre 
de  deux  ou  trois  chez  le  même  sujet. 

Le  tableau  de  Seeger  comprend  100  cas  de  tænia  : 

Chez  66  malades,  il  y  eut  des  affections  cérébro-spinales  :  convulsions 
générales  ou  partielles,  épilepsie,  hystérie,  spasmes  abdominaux,  dyspnée, 
toux  convulsive,  hypochondrie,  mélancolie,  accès  de  manie  et  affaiblis¬ 
sement  des  facultés  intellectuelles. 

Chez  49  :  nausées,  vomissements  et  défaillances. 

Chez  42  :  douleurs  diverses  dans  l’abdomen. 

Chez  53  :  troubles  de  la  digestion  et  évacuations  irrégulières. 

Chez  51  :  appétit  variable  et  voracité. 

Chez  19  :  céphalalgie  périodique,  habituelle,  le  plus  souvent  unila¬ 
térale. 

Chez  17  :  coliques  subites. 

Chez  16  ;  mouvements  ondulatoires  dans  l’abdomen,  se  dirigeant  en 
haut  vers  la  poitrine. 

Chez  15  :  vertiges,  illusion  des  sens  et  phonation  vicieuse. 

Chez  11  :  douleurs  vagues  dans  différentes  parties  du  corps. 

Il  peut  encore  se  manifester  chez  des  individus  atteints  de  tænia  des 
phénomènes  imprévus  et  singuliers  qui  échappent  à  toute  analyse.  Voici 
la  mention  de  quelques-uns  de  ces  faits  ,  signalés  dans  l’ouvrage  de  Da- 
vaine  et  empruntés  à  divers  auteurs  ;  sensation  désagréable  éprouvée  en 
entendant  de  la  musique  (Wagler,  Gœze)  ;  odeur  insupportable  perçue 
seulement  par  le  malade  (P.  Frank)  ;  catalepsie  (Wepfer)  ;  coma  (Dar¬ 
win)  ;  chorée  (Mondière)  ;  paralysie  des  extrémités  supérieures  (Moll)  ; 
surdité  (Laborde)  ;  cécité  périodique  (Wawruch)  ;  salivation  abondante 
(P.  Frank)  ;  asthme  datant  de  15  ans  ((îiscaro)  ;  fureur  utérine  (P.  Frank); 
aménorrhée  (Wawruch)  ;  avortement  (Leclerc)  ;  hématurie  (Gaube). 

Parmi  les  symptômes  de  cette  nature,  nous  citerons  aussi,  d’après 
Th.  Heslop,  un  tremblement  général  du  corps,  observé  en  dehors  de  toute 
intoxication  métallique,  de  l’alcoolisme  et  de  la  paralysie  agitante. 

Ce  que  l’on  a  dit  de  l’appétit  excessif  des  individus  atteints  de  tænia  a  été 
beaucoup  exagéré.  Les  exemples  de  faim  insatiable  recueillis  dans  cette 
circonstance  sont  assez  rares  pour  que  Davaine  n’ait  pu  en-  réunir  que 
quatre  cas  bien  authentiques.  L’un  des  plus  remarquables  et  des  mieux 
■observés  est  dû  à  Billard  ;  il  se  trouve  rapporté  dans  la  thèse  de  Debry. 
Ce  fait  soulève  même  une  question  médico-légale  intéressante  ;  car  le  ma¬ 
lade,  pour  satisfaire  son  appétit  démesuré,  avait  dû  voler  et  avait  été  con¬ 
damné.  Lorsqu’il  fut  débarrassé  de  son  tænia,  une  simple  ration  lui  suffit 
désormais.  On  se  demande  quel  était  le  degré  de  responsabilité  de  cet 
individu. 


422  ENTOZOAIRES  (pathologie) .  —  tæ.nia. 

Le  plus  souvent  les  malades  ont  un  appétit  ordinaire  ;  quelquefois 
même  ils  éprouvent  du  dégoût  pour  les  aliments,  ou  bien  ils  manifestent 
des  préférences  bizarres,  à  la  façon  des  dyspeptiques. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  se  rapporte  principalement  au  tænia 
solium.  Le  bothriocépbale  s’annonce  par  des  signes  analogues.  Les  diffé¬ 
rences  sont  peu  accusées.  D’après  P.  Frank,  les  démangeaisons  à  l’anus 
seraient  beaucoup  moins  prononcées  dans  ce  dernier  cas,  en  raison  de  ce 
qu’il  n’y  a  point  de  cucurbitins  provoquant  par  leurs  mouvements  des 
titillations  du  gros  intestin.  Magnus  Huss  donne  comme  signes  du  bothrio- 
céphale,  observé  à  l’état  endémique  dans  la  Bothnie  septentrionale,  une 
sensation  désagréable  de  succion  à  l’épigastre,  surtout  à  jeun,  l’appétence 
pour  les  aliments  salés,  des  gargouillements  du  ventre,  une  douleur  avec 
pesanteur  sus-orbitaire  revenant  et  disparaissant  par  accès.  Chez  les 
jeunes  filles,  il  se  produit  souvent  des  accidents  nerveux  ;  les  hommes  en 
sont  rarement  incommodés. 

Les  différents  symptômes  que  nous  venons  d’énumérer  n’ont  d’impor¬ 
tance  au  point  de  vue  de  l’affection  qui  nous  occupe  que  parce  qu’ils  ont 
coïncidé,  d’une  part,  avec  la  présence  bien  et  dûment  constatée  par  des 
moyens  directs  d’un  tænia  dans  l’intestin  ;  et  que,  de  l’autre,  ils  ont  dis¬ 
paru  en  même  temps  qu’on  avait  provoqué  l’expulsion  de  ce  ver.  Si  ac¬ 
cusés  qu’ils  soient,  ils  ne  peuvent  être  par  eux-mêmes  qu’une  présomption 
de  tænia  ;  le  diagnostic  absolu  de  cet  entozoaire  n’est  établi  que  lorsqu’on 
l’a  vu  dans  son  entier  ou  dans  l’une  de  ses  parties.  Une  pareille  exigence, 
très-scientifique  d’ailleurs,  est  justifiée  en  pratique  par  ce  fait  que  quel¬ 
ques  malades  hypochondriaques  et  tourmentés  de  symptômes  vagues  se 
croient  atteints  du  ver  solitaire.  Nous  avons  soigné  une  femme  qui,  pen¬ 
dant  plusieurs  années,  a  été  poursuivie  par  cette  idée,  qui  a  fait  les  plus 
grands  efforts  pour  se  délivrer  de  son  hôte  imaginaire,  et  qui,  à  notre 
connaissance,  n’a  pas  rendu  un  seul  cucurbitin  durant  tout  le  temps  qu’a 
duré  cet  état  singulier  ;  et  cela  malgré  l’emploi  des  ténifuges  les  plus 
variés. 

L’apparition  d’un  fragment  de  tænia,  ou  d’un  seul  cucurbitin,  au  mi¬ 
lieu  des  selles  rendues  est  un  caractère  univoque  de  l’existence  de  ce  ver, 
qui  entraîne  le  diagnostic  et  qui  permet  de  donner  une  direction  décisive 
au  traitement.  Il  faut  donc  procéder  à  cette  vérification  avec  le  plus  grand 
soin,  et  ne  pas  seulement  s’en  rapporter  aux  descriptions  des  malades. 
On  déterminera,  de  cette  façon ,  et  la  cause  des  accidents  que  l’on  ob¬ 
servait  et  l’espèce  du  ver  qui  les  occasionnait. 

On  reconnaîtra  le  tænia  solium  à  ses  proglottis  ressemblant  à  des  se¬ 
mences  de  citrouille,  isolés  ou  réunis  en  chaînette ,  chargés  d’œufs  d’une 
forme  spéciale,  et  pourvus  d’un  mamelon  latéral.  Les  proglottis  du  tænia 
inerme sont  particulièrement  remarquables  par  leurs  grandes  dimensions, 
et  par  la  vivacité  de  leurs  mouvements,  qui  est  telle,  qu’on  les  voit  quel¬ 
quefois  sortir  par  l’anus  dans  l’intervalle  des  garde-robes.  Le  bothriocé- 
phale  est  soumis  à  une  mue  moins  régulière  ;  c’est  par  longs  fragments 
et  à  des  espaces  de  temps  souvent  considérables  qu’il  est  expulsé.  Les 


ENTOZOAIRES  (patholobie).  —  tænia.  425 

articles,  très-reconnaissables  à  leur  tubercule  ombilical,  sont  quelquefois 
dépouillés  de  leurs  œufs  et  sont  comme  perforés.  Voyez,  du  reste,  pour 
complément  de  ce  qui  précède,  les  détails  relatés  dans  la  partie  zoo¬ 
logique  des  entozoaires. 

L’évacuation  de  segments  de  tænia  se  fait  d’une  façon  en  quelque  sorte 
périodique.  On  voit  apparaître  les  proglottis  fécondés,  à  la  suite  d’acci¬ 
dents  plus  marqués,  à  des  époques  déterminées,  offrant,  supposait-on, 
certains  rapports  avec  les  phases  de  la  lune.  Des  hommes  recomman¬ 
dables,  tels  que  Rosen,  Wawruch,  etc.,  et  même  de  nos  jours  Küchen- 
meister,  ont  soutenu  cette  opinion.  Il  est  à  peine  nécessaire  de  faire  re¬ 
marquer  que,  comme  il  n’y  a  point  là  de  relation  possible  de  cause  à 
effet,  c’est  tout  à  fait  arbitrairement  qu’on  a  rattaché  un  phénomène 
bien  ordinaire  aux  mouvements  qui  se  passent  dans  le  ciel. 

Lorsque  l’expulsion  de  très-longs  fragments  de  tænia  a  eu  lieu,  soit 
spontanément,  soit  à  la  suite  d’un  traitement  qui  est  resté  incomplet,  on 
voit  quelquefois  les  accidents  observés  auparavant  disparaître  tout  à  coup; 
et  l’on  est  alors  tenté  de  croire  à  la  guérison.  Mais  tant  que  la  tête  elle- 
même  de  l’entozoaire  n’a  pas  été  rendue,  on  est  exposé  à  le  voir  reparaître. 
La  reproduction  du  ver  se  fait  assez  rapidement  ;  elle  peut  s’accomplir 
en  quelques  semaines.  En  général,  pour  le  tænia  solium,  c’est  au  bout 
de  trois  mois  que  les  cucurbitins  recommencent  à  se  montrer  dans  les 
garde-robes. 

Le  tænia  a  une  durée  en  quelque  sorte  indéfinie.  On  cite  des  malades  qui 
ont  évacué  des  fragments  de  ce  ver  pendant  quinze,  vingt-cinq  et  même 
trente-cinq  ans.  (Wawruch.)  11  peut  arriver  aussi  que  la  même  personne, 
par  suite  d’habitudes  qui  lui  sont  particulières,  soit  atteinte  du  tænia  plu¬ 
sieurs  fois  dans  sa  vie,  et  alors  on  ne  peut  plus  admettre  que  ce  soit  un  seul 
et  même  ver  qui  s’est  ainsi  reproduit  à  diverses  reprises.  Celte  erreur  ne 
saurait  être  commise  lorsqu’il  s’agit  d’un  bothriocéphale  observé  sur  un 
individu  qui  a  quitté  depuis  longtemps  l’un  des  pays  où  ce  ver  est  endé¬ 
mique  ;  et  cependant  Bremser  a  rencontré  à  Vienne  un  parasite  de  cette 
espèce  chez  un  Suisse  qui  était  éloigné  du  lieu  de  sa  naissance  depui 
treize  ans. 

Nous  avons  toujours  supposé  jusqu’ici  que  l’évacuation  des  tænias  se 
faisait  en  tout  ou  en  partie  par  le  gros  intestin  ;  mais  il  peut  aussi  arriver 
que  ces  vers  soient  erratiques.  Dans  quelques  cas,  beaucoup  plus  rares 
que  lorsqu’il  s’agit  des  lombrics,  ils  se  sont  montrés  au  milieu  de  ma¬ 
tières  vomies.  Lavalette ,  cité  par  Mérat,  rapporte  l’observation  d’une 
femme  qui  rendait  ainsi  des  cucurbitins  par  la  bouche.  Lorsque  le  ver 
est  rejeté  en  entier  et  pelotonné,  il  peut  en  résulter,  par  suite  de  son  vo¬ 
lume,  des  accidents  de  suffocation,  tel  est  le  fait  de  Schenk.  (Davaine.) 

Dans  d’autres  circonstances,  le  tænia  s’est  fait  jour  au  travers  des  parois 
abdominales,  et  a  été  rejeté  par  l’intermédiaire  d’un  abcès  du  genre  de 
ceux  que  nous  avons  décrits  à  propos  des  ascarides  lombricoïdes.  Siebold 
parle  de  la  sortie  d’un  tænia  solium  à  travers  l’ombilic. D’autres  fois,  c’est 
par  un  abcès  et  une  fistule  inguinale  que  l’issue  a  eu  lieu.  Enfin  ce  ver  a 


424  .  ENTOZOAIRES  (pathologie).  ' —  t.e.ma. 

pu  se  porter  jusque  dans  la  vessie.  On  ne  compte  pas  moins  de  quatre 
exemples  de  ce  fait  :  celui  de  Bellacatus  (Davaine),  celui  de  Darbon,  rap¬ 
porté  par  Julia  Fontenelle,  celui  de  Burdach,  de  Senftenberg,  et  enfin 
le  fait  plus  récent  de  Jobert,  de  Guyonvelle.  Dans  ces  cas,  le  tænia,  ou 
quelques-uns  de  ses  segments,  a  été  expulsé  par  l’urèthre  avec  les  urines. 
Pour  apprécier  la  part  qui  revient  à  l’entozoaire  dans  ces  diverses  mi¬ 
grations,  on  devra  se  reporter  à  ce  que  nous  avons  dit  à  propos  de  faits 
analogues  dans  l’histoire  des  vers  lombricoïdes  ;  on  y  verra  notamment 
que  le  rôle  du  ver  est  ici  à  peu  près  passif  en- tant  que  corps  animé. 

Le  pronostic  du  tænia  est  très-variable.  Si  l’on  en  juge  d’après  ce  qui 
se  passe  dans  les  contrées  où  les  vers  cestoïdes  sont  très-communs ,  on 
peut  dire  que  leur  présence  dans  l’intestin  de  l’homme  est  à  peu  près 
exempte  d’inconvénients.  Bien  plus,  en  Abyssinie,  on  attache  une  idée 
favorable  à  la  possession  de  ce  ver.  Mais  des  faits  isolés,  marqués  par  des 
accidents  sérieux,  viennent  de  temps  en  temps  prouver  à  quels  dangers 
expose  un  pareil  hôte.  Nous  avons  rapporté  toute  une  symptomatologie 
qui  peut  édifier  à  cet  égard.  Des  attaques  d’épilepsie,  ou  apoplectiformes, 
des  troubles  de  l’intelligence,  des  désordres  graves  des  fonctions  diges¬ 
tives,  etc.,  ne  sont  pas  choses  indifférentes.  Ajoutons  que  la  mort  peut 
être  la  conséquence  d’une  semblable  affection.  Nous  nous  rappelons  en¬ 
core  le  fait  d’un  malade  de  l’hôpital  Beaujon  qui  succomba  après  plu¬ 
sieurs  jours  d’un  état  comateux,  et  chez  qui  on  ne  trouva  pour  expliquer 
la  mort  qu’un  tænia  long  de  6  mètres  pelotonné  dans  le  duodénum.  Dû 
reste,  il  est  impossible  de  tracer  les  règles  générales  du  pronostic  dans  les 
circonstances  actuelles,  car  on  ne  saurait  jamais  prévoir  quelle  direction 
prendront  les  accidents,  ni  même  si  des  accidents  auront  lieu  dans  un 
cas  plutôt  que  dans  l’autre. 

Traitement. — ^Le  traitement  comprend  un  grand  nombre  de  moyens. 
Les  succès  qu’on  a  obtenus  dans  des  circonstances  variées  et  souvent 
imprévues  prouvent  qu’il  y  a  une  certaine  opportunité  d’où  résultent  les 
bons  effets  du  remède  qu’on  a  choisi.  L’indication  la  mieux  démontrée, 
c’est  que  le  malade  rende  actuellement  des  cucurbitins,  ou  qu’il  en  ait 
rendu  tout  récemment.  Cela  suppose,  en  effet,  que  le  tænia  a  acquis  tout 
son  développement,  et  que,  par  suite,  il  offre  une  plus  grande  surface  à 
l’absorption  du  ténicide,  et  une  masse  sur  laquelle  les  mouvements  d’ex¬ 
pulsion  s’exercent  plus  utilement.  Nous  savons  déjà  que  dans  ces  condi¬ 
tions  les  accidents  éprouvés  par  les  malades  sont  plus  accusés,  et  notam¬ 
ment  le  prurit  à  l’anus. 

Une  autre  observation  doit  encore  être  faite  comme  préambule  au  trai¬ 
tement  du  tænia,  c’est  que  la  meilleure  preuve  de  l’efficacité  du  remède 
employé  contre  ce  ver  est  son  expulsion  totale,  y  comprise  la  tête.  Bien 
que  ce  cas  soit  loin  d’être  la  règle  (Bremser),  et  que  néanmoins  la  guéri¬ 
son  puisse  souvent  être  considérée  comme  définitive,  il  restera  toujours  un 
doute  dans  l’esprit.  Si  des  malaises  persistent,  on  croira  qu’ils  sont  dus 
à  la  persistance  du  tænia  ;  et  il  ne  faudra  pas  moins  de  trois  ou  quatre 
mois  pour  être  assuré  que  le  ver  a  entièrement  disparu,  en  ce  sens  que 


KNTOZOAIRES  (pathologie).  —  tæ.nia.  425 

ses  proglottis' auront  tout  à  fait  cessé  de  se  montrer  dans  les  évacuations 
alvines.  Aussi  la  recherche  de  la  tête  du  tænia  doit-elle  avant  tout  préoc¬ 
cuper  le  médecin  qui  veut  juger  du  résultat  de  sa  médication,  et  rassurer 
son  malade  pour  l’avenir.  Lorsque,  malgré  tout,  cette  recherche  demeure 
infructueuse,  et  que  cependant  la  guérison  se  maintient,  on  est  en  droit 
de  supposer  que  le  scolex  a  échappé  aux  investigations  à  cause  de  sa  pe¬ 
titesse,  ou  bien  qu’il  s’est  dissous  dans  les  liquides  de  l’intestin. 

Il  est  d’usage  dans  quelques  cas  de  faire  subir  aux  malades  certaines 
préparations  avant  de  les  soumettre  à  un  traitement  définitif.  Cette  pra¬ 
tique  est  empruntée  aux  pays  où,  comme  en  Abyssinie,  le  vulgaire  se 
traite  lui-même  du  ver  solitaire,  et  aussi  aux  inventeurs  de  remèdes  se¬ 
crets  contre  ce  parasite.  Parmi  ces  moyens  préparatoires,  il  en  est  beau¬ 
coup  d’inutiles  et  même  de  puérils,  comme  de  choisir  par  exemple  le  dé¬ 
clin  de  la  lune  pour  administrer  l’arcane.  Ce  qu’on  peut  faire  de  mieux, 
c’est  de  donner  d’ahord  un  purgatif  qui  aura  l’avantage  de  confirmer  le 
diagnostic  en  entraînant  peut-être  quelques  cucurbitins,  et  d’isoler  le 
ver  des  matières  dont  il  est  ordinairement  entouré.  D’autres  fois  il  sem¬ 
blera  plus  avantageux  de  gorger  le  malade  d’aliments  mous  et  pulpeux, 
et  même  de  matières  réfractaires  à  la  digestion,  telles  que  la  poudre  de 
charbon  végétal  (Pallas),  afin  que  le  tænia  soit  comme  entraîné  au  milieu 
de  résidus  abondants  traversant  l’intestin .  De  toute  façon  la  médication 
purgative  est  un  auxiliaire  très-utile  de  la  plupart  des  remèdes  préconisés 
contre  le  tænia. 

Nous  avons  dit  que  dans  certaines  circonstances  très-opportunes,  des 
substances  imprévues  deviennent  des  ténifuges  efficaces.  C’est  ainsi  qu’un 
purgatif  donné  dans  un  tout  autre  motif  peut  amener  l’expulsion  d’un 
tænia  dont  on  ignorait  quelquefois  l’existence.  Les  huiles  grasses  sont  par¬ 
ticulièrement  dans  ce  cas,  et  l’huile  de  ricin  est  devenue  entre  les  mains 
d’Odier  (de  Genève)  un  mode  de  traitement  régulier  du  bothriocéphale. 
Les  vomitifs  ont  fourni  des  faits  analogues,  et  l’on  a  vu  des  malades  aux¬ 
quels  on  administrait  une  potion  rasorienne  pour  une  pneumonie,  rendre 
le  tænia  dans  les  efforts  du  vomissement.  (Passot.)  De  même  on  cite  un 
individu  qui  expulsa  accidentellement  un  tænia,  dont  il  était  tourmenté 
depuis  longtemps,  à  la  suite  d’une  indigestion  causée  par  de  la  soupe  au 
lard.  (Cassan.)  Dans  un  autre  ordre  de  moyens,  on  arapporlé  des  faits  de 
malades  atteints  de  fièvre  intermittente,  et  qui  ont  rendu  des  tænias  sous 
l’influence  du  sulfate  de  quinine,  devenu  ainsi  un  anthelminthique  aussi 
énergique  qu’inattendu.  (Kunz,  Delvaux.) 

Blais  il  est  d’autres  substances  dont  les  effets  sont  mieux  connus  et 
plus  constants,  et  dont  l’usage  est  soumis  à  des  préceptes  méthodiques. 
Parmi  ces  substances  on  pourrait  distinguer  celles  qui  sont  indigènes  ou 
accessibles  à  tous,  et  celles  qui  étant  exotiques  nous  offrent  des  res¬ 
sources  moins  assurées.  Nous  suivrons  cet  ordre  dans  l’énumération  que 
nous  allons  entreprendre,  en  renvoyant  pour  les  détails  d’histoire  natu¬ 
relle  et  de  matière  médicale,  aux  articles  spéciaux  qui  sont  consacrés  à 
chacun  de  ces  agents. 


426  E^’TOZOAII{ES  (pathologie).  —  tænia. 

Les  produits  indigènes,  ou  communs,  comprennent  parmi  les  plus 
importants  et  les  plus  usités  ;  l’éther  sulfurique,  l’essence  de  térében¬ 
thine,  le  pétrole,  la  racine  de  fougère  mâle,  la  semence  de  citrouille,  et 
l’écorce  de  racine  de  grenadier. 

L’éther  sulfurique  formait  la  base  de  la  méthode  de  Bourdier  contre  le 
tænia.  11  était  administré,  le  matin,  à  la  dose  de  4  grammes  dans  fun 
verre  de  décoction  de  fougère  mâle  ;  quatre  ou  cinq  minutes  après,  on 
donnait  un  lavement  avec  la  même  décoction,  additionnée  aussi  de  4  gram¬ 
mes  d’éther;  une  heure  plus  tard,  le  malade  prenait  un  mélange  de 
60  grammes  d’huile  de  ricin  et  de  30  grammes  de  sirop  de  fleurs  de  pê¬ 
cher.  Il  fallait  recommencer  trois  jours  de  suite  les  mêmes  moyens  et  de 
la  même  manière.  On  accorde  dans  ce  mode  de  traitement  la  plus  grande 
part  à  l’éther  ;  mais  en  somme  son  efficacité  est  douteuse  ;  car  on  était 
souvent  obligé  d’y  revenir  plusieurs  fois  avant  d’obtenir  un  succès.  Au¬ 
jourd’hui  la  méthode  de  Bourdier  est  â  peu  près  abandonnée. 

L’huile  essentielle  de  térébenthine  était,  suivant  Rosen,  un  remède  po¬ 
pulaire  contre  le  tænia,  à  Biœrneborg,  sur  le  littoral  de  la  mer  Baltique. 
Cette  substance  a  été  adoptée  en  Angleterre  au  commencement  de  ce 
siècle,  et  y  est  regardée  comme  l’un  des  meilleurs  anthelminthiques. 
Elle  est  également  efficace  contre  le  tænia  solium  et  contre  le  bothrio- 
céphale.  On  la  prescrit  à  la  dose  de  30  à  60  grammes,  soit  pure,  soit 
dans  de  l’huile  d’amandes  douces.  Ce  remède,  malgré  son  goût  désa¬ 
gréable,  est  généralement  bien  supporté.  Le  ver  est  rendu  au  bout  de 
quelques  heures,  au  milieu  de  selles  plus  ou  moins  liquides.  Il  estleplüs 
souvent  mort  et  pelotonné  sur  lui-même,  mais  dépourvu  de  sa  tête.  La 
guérison  n’en  est  pas  moins  assurée  :  sur  un  relevé  de  89  cas  de  tænia 
traités  par  ce  moyen,  J.  Bayle  n’a  pas  noté  moins  de  77  succès  complets; 
il  y  a  eu  en  outre  8  cas  d’amélioration. 

Le  pétrole  était  autrefois  en  usage  au  Caire  contre  le  tænia  dont  le  quart 
de  la  population  était  atteint.  (Hasselquist.)  Ou  le  prenait  à  la  dose  de  26 
à  30  gouttes,  en  une  fois,  dans  de  l’eau,  les  trois  derniers  jours  du  dé¬ 
clin  de  la  lune,  et  on  se  purgeait  le  quatrième. 

Le  remède  de  Chabert,  formé  de  1  partie  d’huile  empyreumatique  de 
corne  de  cerf  et  de  3  parties  d’essence  de  térébenthine,  se  rapproche  des 
substances  précédentes.  C’était  le  moyen  préféré  de  Bremser  contre  le 
tænia;  il  le  donnait  à  la  dose  de  deux  cuillerées  à  café,  deux  fois  par  jour, 
pendant  dix  ou  douze  jours  ;  puis  il  purgeait  le  malade.  Ce  remède  est 
efficace,  mais  il  est  si  désagréable  à  prendre  qu’on  a  renoncé  à  l’employer 
chez  l’homme;  il  n’est  plus  usité  que  dans  la  médecine  vétérinaire. 

La  fougère  mâle  (Nephrodium  Filix  mar.  Rich.)  est  très-anciennement 
connue  comme  ténifuge.  Il  en  est  fait  mention  dans  les  ouvrages  de  Pline, 
de  Dioscoride  et  de  Galien.  Elle  réussit  très-bien  pour  détruire  le  bo- 
thriocéphale  ;  contre  le  tænia  solium  son  action  est  douteuse.  (Bremser.) 
D’un  autre  côté,  ses  préparations  sont  loin  d’avoir  toutes  la  même  éner¬ 
gie,  et  il  faut  un  grand  soin  pour  obtenir  un  médicament  d’un  effet  con¬ 
stant. 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  — 

C’est  le  rhizome  de  la  plante  que  l’on  emploie.  On  peut  en  faire  usage 
sous  forme  de  poudre  prise  dans  une  infusion  de  tilleul  ou  simplement 
dans  de  l’eau.  Il  faut  que  cette  poudre  soit  récente  et  provienne  de  sou¬ 
ches  recueillies  pendantl’été  etséchéesavecprécaution.  Les  auteurs  varient 
beaucoup  pour  la  dose  à  administrer.  Davaine  indique,  d’après  les  méde¬ 
cins  de  Genève,  la  dose  de  10  à  15  grammes  ;  Bouchardatla  porte  de  50  à 
60  grammes,  pour  un  adulte.  La  décoction  n’a  aucune  propriété  anthel- 
minthique;  elle  n’est  que  nauséeuse  et  vomitive.  La  meilleure  prépara¬ 
tion  est  l’extrait  éthéré,  connu  sous  le  nom  d’huile  éthérée  dePeschier. 
On  la  donne  dans  les  proportions  de  2  à  4  grammes,  sous  forme  de  pi¬ 
lules  ou  en  capsules  (Bouchardat)  ;  deux  heures  après  on  administre 
60  grammes  d’huile  de  ricin. 

La  fougère  mâle  faisait  partie  d’un  grand  nombre  de  remèdes  compo¬ 
sés,  dont  quelques-uns,  tenus  secrets,  ont  joui  longtemps  d’une  certaine 
vogue.  Tel  est  celui  de  madame  Nouffer,  que  le  gouvernement  français  a 
acheté,  en  1776,  pour  le  prix  de  18000  livres.  Ce  remède  avait  pour 
base  la  poudre  de  fougère  donnée  à  la  dose  de  3  à  4  gros  (12  à  16  gram¬ 
mes),  dans  une  décoction  de  la  même  plante.  Au  bout  de  deux  heures,  le 
malade  prenait  un  hol  purgatif  composé  de:  panacée  mercurielle,  scam- 
monée,  ââ  0  gr.  50;  gomme-gutte,  0  gr,  35  ;  et  confection  d’hyacinthe, 
q.  s.,  etc.  Il  fut  reconnu  que  ce  traitement,  très-utile  contre  le  bothrio- 
céphale,  était  insuffisaat  pour  le  tænia  solium  ;  aussi  on  comprend  pour¬ 
quoi  il  est  encore  populaire  en  Suisse,  tandis  qu’en  France  on  lui  préfère 
généralement  d’autres  moyens  qui  nous  restent  à  décrire. 

Telles  étaient  encore  tout  récemment  les  idées  admises  au  sujet  du 
précédent  ténifuge,  lorsqu’un  travail  de  Jobert  (de  Marcigny)  paru  vers 
la  fin  de  l’année  1869,  est  venu  restituer  à  la  fougère  mâle  une  impor¬ 
tance  longtemps  méconnue.  C’est  grâce  aux  essais  et  aux  bonnes  prépa¬ 
rations  de  Hepp,  pharmacien  en  chef  de  l’hôpital  civil  de  Strasbourg,  que 
ce  résultat  a  été  obtenu.  La  forme  employée  est  toujours  l’extrait  éthéré, 
mais  produit  dans  des -conditions  très-rigoureuses.  L’extrait  se  donne  en 
capsules  à  la  dose  de  4  grammes  environ  pour  les  enfants,  et  jusqu’à 
8  grammes  pour  les  adultes.  Cette  substance  n’occasionne  aucun  malaise 
appréciable,  et  le  ver  est  rendu  peu  de  temps  après  qu’elle  a  été  prise  : 
il  est  ordinairement  pourvu  de  sa  tête.  Les  observations  de  Jobert  se 
rapportent  surtout  au  tænia  mediocanellata  ;  mais  le  même  moyen  s’est 
montré  aussi  efficace  contre  le  tænia  solium  et  contre  le  bothrlocéphale  : 
pour  ce  dernier  cestoïde,  du  reste,  la  chose  n’avait  pas  besoin  d’être 
prouvée. 

Les  semences  de  citrouille  {cucurbita  maxima) ,  et  d’autres  cucurbita- 
cées  voisines,  nous  offrent  en  thérapeutique  un  exemple  singulier  de  ce 
qu’on  appelle  la  doctrine  des  signatures.  Il  est  évident  qu’on  n’a  été 
poussé  à  employer  les  graines  de  ces  plantes  contre  le  tænia  que  par 
suite  de  leur  ressemblance  avec  les  proglottis  isolés  de  ce  ver  ;  et  il  s’est 
trouvé  qu’elles  ont  une  efficacité  réelle.  On  faisait,  dit-on,  usage  de  ce 
moyen  depuis  longtemps  à  l’île  de  France.  (Mérat  et  de  Lens.)  Il  fut 


428  ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tæxia. 

d’abord  essayé  en  Angleterre  par  Edw.  Tyson,  en  1683,  et  remis  en 
honneur  de  nos  jours  par  plusieurs  médecins  qui  ont  rapporté  de  nom¬ 
breux  succès  obtenus  par  cette  méthode.  Le  mode  d’emploi  des  graines 
de  citrouille  est  simple  et  facile.  On  donne  de  30  à  60  grammes  de  ces 
semences  fraîches,  dépouillées  de  leur  péricarpe,  et  pilées  avec  du  sucre. 
Il  faut  quelquefois  renouveler  cette  dose  à  deux  ou  trois  reprises.  On 
cite  des  cas,  Costes  et  Sucquet  entre  autres,  où  le  tænia  a  été  expulsé 
par  les  semences  de  citrouille,  alors  que  le  kousso  et  la  racine  de  grena¬ 
dier  avaient  échoué. 

V  écorce  de  racine  de  grenadier  est  sans  contredit  l’un  des  ténifuges 
les  plus  sûrs  que  l’on  connaisse.  Son  usage  contre  le  ver  solitaire  nous 
vient  de  l’Inde  par  l’intermédiaire  des  médecins  anglais  qui  l’ont  trouvé 
établi  dans  le  pays  depuis  un  temps  immémorial.  Ses  propriétés  vermi¬ 
fuges  sont  mentionnées  par  Pline,  par  Dioscoride,  etc.  De  nombreux 
travaux  ont  été  publiés  sur  ce  médicament  depuis  le  commencement  du 
siècle  ;  mais  on  peut  considérer  comme  étant  le  point  de  départ  de  son 
emploi  méthodique  en  France  l’important  travail  que  iMérat  lui  a  con¬ 
sacré  en  1832.  Depuis  lors,  l’efQcacité  du  ténifuge  en  question  s’est  af¬ 
firmée  chaque  jour  davantage,  et  son  usage  s’est  répandu  de  plus  en 
plus,  malgré  l’introduction  du  kousso  en  Europe. 

On  emploie  de  préférence  l’écorce  de  la  racine  de  grenadier  sauvage 
de  Portugal.  Desséchée,  cette  écorce  conserve  assez  longtemps  ses  pro¬ 
priétés.  On  en  fait  une  décoction  concentrée,  après  l’avoir  toutefois  laissé 
macérer  de  douze  à  vingt-quatre  heures  dans  le  véhicule.  La  dose  est  de 
45  à  60  grammes  pour  un  adulte,  de  30  à  45  grammes  pour  un  enfant 
de  six  à  quinze  ans,  et  de  15  grammes  au-dessous  de  six  ans.  Cette  dé¬ 
coction  se  prend  en  trois  fois,  de  demi-heure  en  demi-heure.  Suivant 
Mérat,  il  n’est  pas  nécessaire  de  purger  ensuite  le  malade.  Le  ver  est  or¬ 
dinairement  rendu  le  même  jour,  quatre  à  six  heures  après  l’administra¬ 
tion  du  médicament,  et  à  la  suite  de  malaises  quelquefois  très-accusés. 

L’extrait  aqueux  et  alcoolique  d’écorce  de  grenadier  a  été  proposé  par 
Deslandes;  il  jouit  des  mêmes  propriétés  que  la  décoction  et  s’emploie  à 
des  doses  correspondantes. 

On  pense  que  le  remède  de  Darbon,  qui  a  donné  à  Louis  l’occasion 
de  faire  des  recherches  intéressantes  sur  le  tænia  et  qui,  en  somme,  est 
très-efficace,  avait  pour  base  l’écorce  qui  nous  occupe. 

Pour  terminer  l’énumération  des  remèdes  qui  ont  été  conseillés  contre 
le  tænia  et  qu’il  n’est  pas  nécessaire  d’aller  chercher  au  loin,  nous  in¬ 
diquerons  rapidement  :  V étain  réduit  en  poudre  qu’on  n’emploie  plus 
aujourd’hui,  le  sel  ammoniac  que  Wawruch  donnait  à  la  dose  de  20  gram¬ 
mes,  le  camphre,  dont  l’insuffisance  est  parfaitement  prouvée,  l’oxyde  de 
cuivre  qui,  à  la  dose  de  5  centigrammes  quatre  fois  par  jour,  n’aurait 
donné  que  des  succès  à  Theilmann,  le  bisulfite  de  soude  (Polli),  les 
eaux  de  Saint-Gervais,  en  Savoie,  qui  ont  la  réputation  de  chasser  le 
tænia,  etc. 

Les  ténifuges  exotiques  sont  aussi  très-nombreux,  et  comptent  parmi 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  tækia.  420 

eux  les  plus  efficaces  de  ces  agents.  La  plupart  nous  viennent  de  l’Abyssi¬ 
nie  qui  semble  avoir  sous  ce  rapport  une  richesse  proportionnée  à  la  fré¬ 
quence  du  mal  qu’elle  recèle.  Les  plus  connus  parmi  ces  médicaments 
sont  :  le  kousso,  le  musenna,  le  saoria  et  le  tatzé.  Les  ténifuges,  tirés 
d’autres  contrées,  sont  :  la  geoffrée  de  Surinam,  le  panna,  espèce  de  fou¬ 
gère  particulière  à  l’Afrique  australe ,  le  kamala ,  qui  nous  vient  de 
l’Inde,  etc.  Nous  nous  bornerons  à  donner  quelques  détails  sur  le  kousso, 
dont  l’emploi  s’est  vulgarisé  en  Europe  et  qu’on  peut  se  procurer  facile¬ 
ment  aujourd’hui. 

Le  kousso  est  un  arbre  de  l’Abyssinie  {Brayera  anthelminthica,  famille 
des  Rosacées)  dont  les  sommités  fleuries  constituent  dans  le  pays  même 
un  remède  des  plus  employés  contre  le  tænia.Le  premier  qui  fit  connaître 
en  Europe  les  propriétés  de,  cette  plante  est  le  voyageur  James  Bruce 
(1768-1773);  mais  ce  fut  le  docteur  Brayer  qui  en  apporta  le  premier 
échantillon  à  Paris,  en  1822,  et  qui  dut  à  cela  de  lui  donner  son  nom. 
La  rareté  et  le  prix  élevé  de  ce  médicament  empêchèrent  longtemps  son 
usage  de  se  généraliser  ;  aujourd’hui ,  ces  difficultés  ont  disparu ,  et  le 
kousso  est  entré  dans  la  pratique  commune.  , 

Ce  remède  s’administre  d’une  façon  toute  particulière  :  la  plante  doit 
être  prise  en  nature  pour  ainsi  dire.  Pour  cela  ,  on  pulvérise  grossière¬ 
ment  les  panicules  en  voie  de  floraison,  et  on  les  fait  infuser  pendant  un 
quart  d’heure  dans  une  certaine  quantité  d’eau  tiède.  Le  malade  doit  ava¬ 
ler  Ze  tout  en  une  fois.  La  dose  est  de  20  grammes  pour  un  adulte,  à 
prendre  dans  250  grammes  d’eau,  et  de  10  à  12  grammes  pour  un  enfant 
de  six  à  quinze  ans.  ' 

Les  premiers  effets  du  remède  consistent  dans  un  sentiment  de  dégoût, 
et  dans  des  nausées  qui  vont  quelquefois  jusqu’au  vomissement.  Au  bout 
d’une  heure  ou  deux,  il  se  produit  plusieurs  selles  ;  le  ver  est  ordinaire¬ 
ment  rendu  avec  la  troisième  ou  la  quatrième  garde-robe.  Il  est  mort  et 
pourvu  ou  non  de  sa  tête.  Lorsque  les  évacuations  tardent  à  s’établir,  on 
administre  de  30  à  60  grammes  d’huile  de  ricin. 

Le  kousso  est  d’un  emploi  très-difficile  chez  les  enfants,  qui  ne  veulent 
pas  le  prendre  ou  qui  le  vomissent  presque  toujours.  Dans  une  circon¬ 
stance  semblable,  chez  une  petite  fille  de  six  ans ,  qui  était  atteinte  du 
tænia  et  qui  avait  pris  en  vain ,  parce  qu’elle  les  vomissait,  l’écorce  de 
grenadier,  les  semences  de  citrouille,  et  le  kousso  lui-même,  nous  avons 
vu  réussir  les  granules  de  kousso  de  Mentel,  déjà  recommandés  par  Bou- 
chardat.  Ces  granules  contiennent  environ  le  tiers  de  leur  poids  de  fleurs 
bien  conservées  de  kousso  ;  une  dose  de  48  grammes  suffit  pour  les 
adultes  ;  pour  les  enfants  ,  on  réduit  la  dose  en  proportion  de  leur  âge. 
Ces  granules  se  prennent  très-facilement  dans  de  l’eau. 

La  valeur  du  kousso  comme  ténifuge  est  diversement  appréciée  par  les 
observateurs.  Davaine  le  dit  souvent  infidèle,  et  ne  le  croit  pas  préférable 
à  l’écorce  de  grenadier.  En  Abyssinie ,  on  ne  prétend  pas,  en  l’em¬ 
ployant,  se  débarrasser  entièrement  du  ver,  auquel  on  attribue,  nous  l’a¬ 
vons  dit,  une  signification  favorable;  lorsqu’on  veut  s’en  guérir  radicale- 


430 


ENTOZOAIRES  (pathologie).  —  bibliogilaphie. 
ment,  on  fait  choix  d’autres  agents  réputés  plus  énergiques ,  tels  que 
lemusenna,  le  saoria  ou  le  tatzé.  {Voy.  ces  mots.) 

En  terminant  l’histoire  pathologique  du  tænia,  nous  devons  rappeler 
brièvement  les  moyens  préventifs  que  dictent  les  notions  acquises  touchant 
les  origines  des  cestoïdes.  L’ancienne  pratique  du  langueyage ,  pour  re¬ 
connaître  la  ladrerie  chez  le  porc,  serait  insuffisante  ;  l’inspection  de  la 
chair  de  cet  animal  est  de  plus  nécessaire,  sans  toutefois  révéler  les  cas 
dans  lesquels  les  cysticerques  sont  rares  et  disséminés.  La  même  incerti¬ 
tude  existe,  à  plus  forte  raison,  pour  se  préserver  du  tænia  inerme  causé 
par  l’usage  de  la  chair  du  bœuf  ou  du  veau.  Dans  ces  circonstances,  il  n’y 
a  qu’une  recommandation  à  faire,  c’est  de  porter  toujours  très-loin  et 
et  dans  toutes  les  parties  de  la  masse  la  cuisson  des  viandes  destinées  à 
l’alimentation.  Lorsque  l’on  suppose  que  le  germe  du  ver,  comme  pour  le 
bothriocéphale,  vient  par  l’eau  prise  en  boisson ,  on  doit  s’attacher  à 
n’employer  qu’une  eau  pure,  filtrée,  ou  ayant  subi  l’ébullition.  Ces  pré¬ 
ceptes,  d’ailleurs,  sont  d’une  application  générale  à  propos  de  tous  les 
entozoaires  ;  car,  dans  l’immense  majorité  des  cas,  ces  parasites  nous 
envahissent  par  l’intermédiaire  des  voies  digestives.  Mais  aussi  l’homme 
peut  réciproquement,  par  ses  déjections,  infecter  tout  ce  qui  l’entoure,  et 
reprendre  ensuite,  sous  une  autre  forme,  le  mal  qu’il  a  transmis.  Son  in¬ 
térêt,  bien  entendu  de  toutes  les  façons,  lui  prescrit  donc  de  se  conformer 
strictement  à  toutes  les  mesures  d’hygiène  privée  et  publique  que  la 
science  lui  conseille. 

Il  serait  superflu  d’entrer  dans  de  longs  détails  au  sujet  de  la  bibliographie  des  affections 
causées  par  les  entozoaires.  On  trouvera  dans  l’ouvrage  aujourd’hui  classique  de  Davaine  une 
liste  très-développée  de  ceux  qui  ont  écrit  sur  cette  matière.  Nous  n’insisterons  donc  guère  que 
sur  les  travaux  qui  ont  été  publiés  depuis  le  livre  de  ce  dernier  auteur,  c’est-à-dire  depuis 
l’année  1860. 

Davaise  (C.),  Traité  des  entozoaires  et  des  maladies  vermineuses  de  l’homme  et  des  animaux 
domestiques.  Paris,  1860.  • 

I.  ASCARIDES  LOUBRICOÏDES. 

Moskeret  et  Fledry,  Énumération  des  fièvres  vermineuses  d’après  Selle ,  in  Compendium  de 
médecine  pratique,  art.  Entozoaires,  t.  III,  p.  348.  Paris,  1839. 

Bodchut  (B.),  Fait  d’ascaride  lombricoïde  ayant  pénétré  dans  le  péritoine  par  une  ulcération 
typhoïde  de  l’intestin  (  Bull,  de  la  Soc.  anatomique,  t.  XVIll,  p.  98.  1843). 

Tonné,  Observation  d’entérite  pseudo-membraneuse  paraissant  produite  par  la  présence  d’as¬ 
carides  lombricoïdes  [Bull,  delà  Soc.  anatomique,  t.  XIX,  p.  265.  1844). 

Vanoye  (R.),  Aménorrhée  due  à  la  présence  de  vers  dans  l’intestin  [Annales  de  la  Soc.  d'Émul. 

de  la  Flandre  occidentale,  et  Bevue  médico-chirurgicale  de  Paris,  t.  VI.  1849). 

Bailly,  Observation  de  perforation  du  cæcum  avec  issue  d’ascarides  lombricoïdes  dans  le  péri¬ 
toine  [Bull,  de  la  Soc.  anatomique,  t.  XXIX,  p.  261.  1854). 

Batalla,  Tumeur  à  la  région  inguinale  droite  contenant  des  lombrics.  Guérison  [Revue  thé¬ 
rapeutique  du  Midi,  avril  1859). 

Brisbaxe  (J.),  De  l’emploi  de  la  santonine  contre  les  lombrics  [Med.  Times  and  Gazette,  9  juin 
1860;  Annuaire  de  Noirol,  t.  V,  p.  170.  1861). 

Dworzak,  Sur  un  cas  rare  d’helminthiasis  :  occlusion  intestinale,  abcès  vermineux,  anus  contre 
nature  [ÛEsterreicliische  Zeitschrift  fur  prakfische  Heilkunde,  a°  47, 1861,  et  Gazette  heb¬ 
domadaire  de  méd.  et  de  chir.,  p.  46.  1862). 

Bodchot  (E.),  Chorée  vermineuse  [Gazette  des  hôpitaux,  p.  226.  1862). 

II.  OXYDRES  VERMICDLAIRES. 

Marchand,  Oxyures  vermiculaires;  guérison  par  le  semen-coutra  à  haute  dose  [Annales  de  mé¬ 
decine  de  la  Flandre  occidentale,  1857). 


ENTOZOÂlIiES  (pathologie).  —  bibliographie.  431 

Teksos(E.),  De  l’oxyure  vermiculaire.  Thèses  de  Paris.  1858. 

Schdltz-Bipost  (C.  H.),  De  l’emploi  des  lavements  d’azotate  d’argent  contre  les  ascarides  vermi- 
culaires  [Deutsche  Klinik,  avril  1858;  Annuaire  deNoirot,  t.  III,  1859). 

Herviedx,  Accidents  graves  déterminés  par  les  oxyures  ;  leur  traitement  (Soc.  méd.  des  hôpi¬ 
taux,  25  mars  1859,  et  Union  médicale,  1859). 

Lobeaïï,  Des  ascarides  vermiculaires  et  de  leur  traitement  [Gazette  des  hôpitaux,  1860). 

III.  FILAIKE  ou  DKAOOSNEAO. 

Clot-Bey,  Obs.  sur  le  dragonneau  [Comptes  rendus  des  travaux  de  l’école  d'Abouzabel,  et  Acad, 
des  sciences,  1832). 

Maisohseüve,  Kole  sur  un  dragonneau  observé  à  Paris  [Arch.  gén.  de  méd.,  4*  série,  t.  VI, 
p.  472.  1844). 

Vadteis,  Cas  de  dragonneau  observé  dans  le  service  de  M.  Malgaigne  [Bull,  de  la-Soc,  anat., 
t.  XXIX.  1854). 

Alvarez,  Dragonneau  observé  en  Europe  (Boletin  del  Instituto  medico  Valenciano;  el  Siglo 
medico,  27  juillet  1856;  Annuaire Noirot,t.l,  1856). 

Céziliy,  Observ.  sur  le  dragonneau  ou  ver  de  Médine.  Thèse  de  Paris,  1858. 

Maec-Ficipio,  Dragonneaux  au  nombre  de  sept  développés  dans  les  membres  inférieurs  ;  gué¬ 
rison  par  l’enroulement  du  ver  [Gaz.  des  hôpitaux,  1859). 

Benoît,  Du  dragonneau.  Thèse  de  Montpellier,  1859. 

Bürgoièke,  Mémoire  sur  le  dragonneau  ou  ver  de  Médine  [Bull,  de  VAcad.  de  méd.,  t.  XXVI, 
septembre  1861). 

IV.  trichines  et  trichinose. 

Hota.  La  maladie  des  trichines  est  tout  récemment  connue  ;  cependant  elle  comporte  déjà 

une  bibliographie  très-étendue.  Ou  trouvera  tous  les  renseignements  désirables  à  cet  égard 

dans  le  travail  de  Scoutelten,  qui  est  mentionné  plus  loin. 

Lehckaet,  Untersuchungen  über  Trichina  spiralis.  Leipzig,  1860. 

Zenker,  L’eber  die  Tricbinenkrankheit  des  Menschen  (Vircbotv’s  Archiv  fur  pathologische  Ana¬ 
tomie,  1860). 

Virchow  (R.),  Ueber  Trichina  spiralis  [Archiv  fur  pathologische  Anatomie,  1860).  —  Ueber 
neue  Trichinen  Fatleringen...  [ibid.].  — Kote  sur  is  Trichina  spiralis  [Acad,  des  sciences, 
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Alfred  Lijton. 

EMTROPION.  Yoy.  Paupières. 

ÉPAULiE, — Anatomie.  —  Le  bras  se  trouve  réuni  au  tronc  à  l’aide 
d’une  vaste  ceinture  osseuse,  formée,  en  avant,  par  la  clavicule,  en  ar¬ 
rière,  par  l’omoplate.  Des  ligaments  et  des  muscles  nombreux  entourent 
l’articulation,  et  de  l’ensemble  de  ces  parties  résulte  une  grande  région 
appelée  épaule,  qui  peut  être  subdivisée,  pour  la  commodité  de  l’étude, 
en  :  1“  région  claviculaire  ;  2“  région  scapulaire  ;  3“  région  de  l'articula¬ 
tion  scapulo-humérale  ou  du  moignon  de  l’épaule  ;  4°  enfin  région  axil¬ 
laire  ou  du  creux  de  l’aisselle. 

Aux  articles  Aisselle,  Clavicule  et  Bras  de  ce  Dictionnaire,  on  trouve 
ce  qui  a  trait  à  l’étude  particulière  de  ces  diverses  régions,  et,  sous  la 
dénomination  restreinte  d’épaule,  nous  n’aurons  à  nous  occuper  ici  que 
du  moignon  de  l’épaule,  à  quoi  nous  ajouterons  pourtant  la  région  sca¬ 
pulaire,  qui  ne  saurait  en  être  séparée  sans  inconvénient.  L’anatomie  com¬ 
parée  enseigne  en  effet  que  la  clavicule  peut  manquer  (exemples  les  chats 
et  autres  animaux  dits  non  claviculés)  sans  que  l’épaule  proprement  dite 
cesse  d’exister  pour  cela,  tandis  que  l’omoplate,  par  sa  cavité  de  ré- 

Konv.  DICT.  MÉD.  ET  CHIE.  XIII.  —  28 


434 


ÉPAULE.  - 


ception  à  l’huinérus,  par  son  apophyse  coracoïde,  par  son  apophyse 
acromion,  par  le  ligament  qui  relie  ces  deux  apophyses  entre  elles, 
ainsi  que  par  les  attaches  de  nombreux  muscles  destinés  à  mouvoir 
l’humérus  et  même  l’avant-hras  sur  le  bras,  appartient  réellement  à  la 
région  qui  nous  occupe. 

■  La  clavicule,  du  reste,  ne  fait  partie  de  l’épaule  qu’accessoirement 
et  seulement  par  son  extrémité  externe,  qui  s’articule  avec  l’acromion  et 
l’apophyse  coracoïde.  A  l’article  Clavicule  on  trouvera  la  description  du 
mode  d’union  des  deux  os  entre  eux,  et  si  nous  y  revenons,  c’est  unique¬ 
ment  pour  signaler  certaines  particularités  qui  paraissent  avoir  échappé 
aux  auteurs  classiques  d’anatomie. 

Limites  et  configuration.  —  La  région  de  l’épaule,  telle  que  nous  ve¬ 
nons  de  la  définir,  a  pour  limites  : 

En  avant,  une  ligne  fictive  partant  de  l’apophyse  caracoïde  et  du  tiers 
externe  de  la  clavicule  pour  aboutir  à  l’empreinte  deltoïdienne  de  l’hu¬ 
mérus  ; 

En  arrière,  le  bord  spinal  de  l’omoplate  ; 

En  haut,  une  ligne  étendue  de  l’angle  spinal  de  l’omoplate  à  l’apophyse 
coracoïde  ; 

En  bas,  une  autre  ligne  qui  de  l’angle  inférieur  de  l’omoplate  se  rend 
à  l’empreinte  deltoïdienne. 

Ainsi  délimitée,  la  région  de  l’épaule  présente  une  forme  rhomboïdale. 

Anatomie  des  formes.  —  Vue  en  avant,  l’épaule  offre  une  saillie  ar¬ 
rondie,  due  à  la  présence  de  la  tête  de  l’humérus  en  ce  point.  Il  est 
bon  de  noter  l’existence  de  cette  saillie,  qui  est  proéminente  chez  cer¬ 
tains  sujets  au  point  d’en  imposer  pour  une  subluxation  de  la  tête  hu¬ 
mérale  en  avant.  Du  reste,  la  comparaison  des  deux  côtés  suffit  en  pareil 
cas  pour  lever  tous  les  doutes. 

En  dedans  de  cette  saillie,  au  niveau  même  de  la  limite  antérieure  de 
la  région,  existe  un  enfoncement  sous  forme  de  gouttière,  correspon¬ 
dant  au  sillon  de  séparation  des  muscles  deltoïde  et  grand  pectoral. 

Ce  sillon,  qui  se  continue  en  haut  avec  le  creux  sous-claviculaire,  se 
trouve  effacé  ou  même  remplacé  par  une  saillie  dans  certaines  variétés  , 
de  luxation  de  l’humérus  en  avant,  ainsi  que  nous  le  dirons  plus  loin.  La 
veine  céphalique,  en  allant  se  jeter  dans  la  veine  axillaire,  par-dessus 
l’artère  du  même  nom,  parcourt  ce  sillon,  accompagnée  qu’elle  est  d’un 
et  plus  rarement  de  deux  ou  trois  troncs  lymphatiques,  dont  il  sera  ulté¬ 
rieurement  question. 

Vue  en  arrière,  l’épaule  offre  une  surface  arrondie,  divisée  en  deux  par¬ 
ties  inégales  par  l’épine  de  l’omoplate  :  ce  sont  les  fosses  dites  sus  et  sous- 
épineuse.  L’épine  en  question  est  dirigée  obliquement  en  haut  et  en  de¬ 
hors,  et  se  continue  sans  ligne  de  démarcation  avec  l’acromion.  La  posi¬ 
tion  superficielle  de  cette  saillie  et  de  l’ acromion  expose  ces  éminences 
osseuses  à  des  fractures  par  cause  directe,  plus  fréquemment  que  les  autres 
parties  de  l’omoplate. 

Chez  beaucoup  d’individus,  l’épaule  droite  proémine  en  arrière  plus 


ÉPAULE.  -  ANATOMIE. 


455 


que  la  gauche,  ce  qui  tient  à  un  léger  degré  de  torsion  vertébrale,  surtout 
fréquente  chez  les  jeunes  filles.  La  gouttière  thoracique  costo-vertébrale 
se  trouvant  alors  rétrécie  au  niveau  de  V épaule  fo7'te,  ainsi  qu’on  l’ap¬ 
pelle  par  euphémisme  dans  le  monde ,  une  moindre  quantité  de  tissu 
pulmonaire  s’y  trouve  logée,  et  il  n’y  a  rien  d’étonnant  qu’à  la  percussion 
en  rencontre  au  niveau  des  fosses  sus  et  sous-épineuse  correspondantes 
un  certain  degré  de  matité  relative  qu’il  faut  prendre  garde  de  confondre 
avec  un  état  pathologique. 

Le  bord  spinal  et  l’angle  inférieur  de  l’omoplate  se  détachent  plus  ou 
moins  du  plan  du  thorax,  et  cela  d’autant  plus  que  l’on  cherche  à  porter 
les  épaules  en  arrière. 

Chez  les  personnes  faibles,  par  le  fait  de  l’aplatissement  du  thorax  en 
travers  et  aussi  à  cause  du  peu  de  développement  du  muscle  grand  den¬ 
telé,  l’omoplate  s’éloigne  davantage  du  thorax  et  donne  aux  épaules  une 
■  configuration  dite  ailée  qui  a  été  considérée  comme  caractéristique  des 
personnes  prédisposées  à  la  tuberculisation  pulmonaire.  La  saillie  en 
question  devient  surtout  excessive  lors  de  la  paralysie  du  muscle  grand 
dentelé,  qui  est  en  réalité  le  frein  de  l’omoplate. 

Des  abcès  développés  sur  place  ou  qui  y  ont  fusé,  ainsi  que  des  tumeurs 
solides  sous-scapulaires,  pourraient,  en  soulevant  fortement  le  scapulum, 
en  imposer,  au  premier  abord,  pour  une  paralysie  du  grand  dentelé  ;  mais 
il  suffit  d’en  être  prévenu  pour  éviter  toute  erreur. 

L’épaule,  examinée  par  sa  face  externe,  présente  tout  à  fait  en  haut  une 
saillie  plus  ou  moins  apparente  qui  n’est  autre  que  l’extrémité  externe  de 
la  clavicule.  Chez  certains  sujets,  on  serait  tenté  de  croire  à  une  subluxa¬ 
tion  ou  à  une  fracture  préarticulaire  de  cet  os,  tellement  la  saillie  en  est 
forte,  si  la  même  disposition  ne  se  montrait  de  l’autre  côté. 

Plus  bas  et  plus  en  dehors,  on  constate  une  autre  saillie  anguleuse  due 
au  sommet  de  l’acromion,  et  sous  celle-là  une  large  surface  ronde  qui  ac¬ 
cuse  la  présence  de  la  tête  humérale  en  ce  point.  C’est  à  peine  si  un  léger 
sillon  horizontal  sépare  la  tête  de  l’acromion  à  l’état  normal,  tandis  que 
la  tête  humérale  étant  luxée,  une  forte  dépression  sous-acromiale  rem¬ 
place  la  saillie  en  question. 

Anatomie  des  plans.  —  La  peau  ne  présente  ici  rien  de  particulier,  si 
ce  n’est  qu’elle  s’amincit  de  plus  en  plus  au  voisinage  de  Faisselle. 

Le  tissu  cellulaire  sous-cutané  constitue  une  forte  couche  graisseuse 
d’une  texture  plutôt  dense  sur  le  moignon  de  l’épaule,  lâche  et  de  plus 
en  plus  lamelleuse  en  s’avançant  dans  le  creux  axillaire.  Vis-à-vis  le 
sommet  de  l’acromion  il  n’est  pas  rare  de  rencontrer  une  petite  bourse 
muqueuse  destinée  à  faciliter  le  glissement  de  la  peau. 

L’aponévrose  d’enveloppe  du  deltoïde  est  difficile  à  séparer  du  muscle 
à  cause  des  nombreuses  cloisons  que  cette  membrane  cellulo-fibreuse  en¬ 
voie  au  milieu  des  faisceaux  qui  le  composent.  Comme  d’autre  part, 
cette  aponévrose  se  trouve  reliée  à  la  peau  par  des  brides  celluleuses,  il  en 
résülte  que  lors  de  la  contraction  du  deltoïde,  les  principaux  faisceaux 
de  ce  muscle  se  dessinent  fortement  sous  la  peau. 


436 


ÉPAULE.  -  ANATOMIE. 


Le  deltoïde  est  un  muscle  épais,  de  forme  triangulaire  ou  en  éventail, 
enroulé  sur  lui-même  pour  envelopper  la  tête  de  l’humérus  en  tous  sens, 
s’insérant  par  sa  base  à  l’acromion  et  au  tiers  externe  de  la  clavicule,  et 
par  son  sommet  à  l’empreinte  deltoïdienne  de  l’humérus.  Eu  égard  à  la 
direction  de  ses  fibres,  on  peut  distinguer  celles-ci  en  antérieures,  moyen¬ 
nes  et  postérieures.  Les  antérieures  se  dirigent  obliquement  en  bas  et  en 
arrière,  les  postérieures  en  bas  et  avant,  et  les  moyennes  directement  en 
bas. 

Enveloppe  adventive  ou  cellulo-aponévrotique  de  l’épaule.  —  Lorsqu’on- 
enlève  le  deltoïde,  on  met  à  découvert  une  membrane  fibro-celluleuse 
d’enveloppe,  commune  à  l’articulation  et  aux  muscles  qui  entourent  im¬ 
médiatement  celle-ci,  et  dont  la  description  détaillée  mérite  de  nous  ar¬ 
rêter  d’autant  plus  qu’elle  est  généralement  mal  présentée  dans  les  livres 
classiques  d’anatomie. 

On  sait  que  les  muscles  qui  entourent  la  tête  humérale  et  qui  s’y  fixent 
sont  :  en  arrière,  le  sous-épineux  et  le  petit  rond  ;  en  avant,  le  sous-scapu¬ 
laire,  et,  en  haut,  le  sus-épineux. 

La  toile  aponévrotique  en  question  recouvre  d’abord  toute  la  fosse  sous- 
épineuse  du  scapulum,  où  elle  envoie  une  mince  cloison  de  séparation 
pour  les  muscles  petit  rond  et  sous-épineux.  Là  elle  est  relativement  forte 
et  présente  des  fibres  nacrées  resplendissantes,  d’autant  plus  prononcées 
qu’on  se  rapproche  de  l’épine  de  l’omoplate,  sur  le  bord  inférieur  de 
laquelle  elles  se  fixent  solidement,  ainsi  que  sur  le  bord  externe  de  l’a- 
cromion. 

Du  bord  postérieur  du  deltoïde  se  détachent  quelques  fibres  tendineuses 
dirigées  en  arrière  et  en  haut,  et  qui,  en  s’entre-croisant  avec  les  fibres 
propres  de  celte  membrane,  la  renforcent  notablement.  Il  est  bon  d’ajou¬ 
ter  qu’un  certain  nombre  des  fibres  les  plus  profondes  du  deltoïde  pren¬ 
nent  leur  insertion,  non  sur  l’acromion,  mais  sur  cette  aponévrose. 

Plus  loin,  l’aponévrose  d’enveloppe,  ou  capsule  adventive  de  l’épaule, 
tend  à  devenir  celluleuse,  sauf  en  avant  et  en  haut,  où  elle  est  de  nouveau 
renforcée  par  une  double  expansion  aponévrotique  provenant,  l’une,  du 
bord  externe  du  tendon  commun  à  la  courte  portion  du  biceps  et  au 
coraco-brachial,  l’autre,  du  bord  antérieur  du  ligament  coraco-acromial. 
Ce  dernier  ligament  qui  s’amincit  et  s’étale  sous  forme  de  membrane, 
manque,  à  proprement  parler,  de  bord  antérieur  bien  net,  comme  il  en 
offre  un  en  arrière. 

De  la  disposition  des  fibres  ligamenteuses  et  musculaires  indiquée  plus 
haut,  il  résulte  que,  lors  de  l’élévation  verticale  du  bras,  le  manchon  cel- 
lulo-fibreux  de  l’épaule  se  trouve  tendu  en  tous  sens,  échappant  ainsi  au 
pincement  qui  résulterait  inévitablement  si  la  capsule  celluleuse,  restée 
flasque,  venait  à  s’interposer  entre  la  tête  humérale  et  la  voûte  coraco- 
acromiale. 

En  se  rapprochant  des  attaches  du  deltoïde  à  l’humérus,  le  manchon 
fibreux  en  question  dégénère  insensiblment  en  tissu  cellulaire  lâche  et 
devient  même  graisseux  au  voisinage  de  la  coulisse  bicipitale.  C’est  au 


ÉPAULE.  —  akatomib.  “457 

milieu  de  ce  tissu  cellulaire,  lamelleux  et  facilement  infiltrable,  que 
rampent  les  ramifications  de  l’artère,  de  la  veine  circonflexe  et  du  tronc 
nerveux  du  même  nom. 

Arrivée  sous  le  ligament  coraco-acromial,  la  capsule  celluleuse  se  dé¬ 
double  en  deux  feuillets  qui  se  continuent  avec  l’aponévrose  d’enveloppe 
du  muscle  sus-épineux  après  s’être  accolées,  l’inférieur,  à  la  capsule  arti¬ 
culaire,  le  supérieur,  à  la  face  inférieure  de  la  voûte  coraco-acromiale. 
La  cavité  close  qu’on  décrit  en  ce  point,  sous  le  nom  de  bourse  muqueuse 
sous-acromiale,  résulte  manifestement  de  la  disposition  en  question. 

:  Muscles.  —  Des  muscles  nombreux  qui  se  trouvent  groupés  autour 
de  l’articulation  de  l’épaule,  les  uns  sont  intrinsèques  et  les  autres  ex¬ 
trinsèques. 

Parmi  les  premiers,  nous  signalerons,  outre  le  deltoïde  dont  il  a  été 
déjà  question,  les  muscles  sous-épineux  et  petit  rond  qui  s’insèrent  tous 
deux  à  la  facette  postérieure  du  trochiter  ;  le  sus-épineux,  se  fixant  sur 
la  facette  antérieure  et  supérieure  de  cette  apophyse,  et  le  sous-scapulaire 
qui  occupe  à  lui  tout  seul  le  trocbin  ou  petite  tubérosité  de  l’humérus. 

Le  muscle  grand  rond  est  aussi  un  muscle  intrinsèque,  bien  qu’il  con¬ 
fonde  son  insertion  mobile  avec  celle  du  grand  dorsal. 

Un  grand  nombre  de  muscles  extrinsèques  s’insèrent  sur  l’un  des  trois 
os  qui  concourent  à  former  l’épaule  et  doivent  être  mentionnés  ici  en  tant 
que  cela  nous  servira  dans  l’étude  de  la  physiologie  des  mouvements  de 
l’épaule  et  du  mécanisme  des  luxations  de  l’humérus. 

Le  grand  dorsal  en  compagnie  du  grand  rond  se  fixe  sur  la  lèvre  pos¬ 
térieure  et  le  fond  de  la  gouttière  bicipitale  de  l’humérus,  en  se  comportant 
comme  il  suit.  D’abord  postérieur  au  grand  rond,  contourne  en  demi- 
gouttière  le  bord  inférieur  de  ce  muscle,  lui  devient  antérieur,  et  va  se 
fixer  au  fond  de  la  gouttière  bicipitale,  tandis  que  le  grand  rond  s’insère 
sur  la  lèvre  postérieure  de  cette  gouttière. 

Le  tendon  terminal  du  grand  pectoral  s’enroule  aussi  sur  lui-même, 
de  façon  que  ses  fibres  supérieures  deviennent  inférieures,  les  inférieures 
supérieures ,  la  face  antérieure  postérieure  et  la  postérieure  antérieure. 
Cette  torsion  favorise  Faction  d’ensemble  des  diverses  parties  qui  com¬ 
posent  le  muscle,  en  même  temps  qu’elle  augmente  la  solidité  du  ten¬ 
don  qui  s’insère  sur  toute  la  hauteur  de  la  lèvre  antérieure  de  la  gout¬ 
tière  bicipitale. 

Deux  tendons  s’insèrent  sur  le  pourtour  de  la  cavité  glénoide  de  l’omo¬ 
plate,  à  savoir,  la  longue  portion  du  biceps  en  haut  et  la  longue  portion 
du  triceps  ou  grand  anconé  en  bas.  Le  premier  de  ces  tendons  se  dédouble 
à  sa  terminaison  pour  se  continuer  directement  avec  le  bourrelet  fibro- 
cartilagineux  dit  glénoïdien  qui  sert  de  bordure  à  la  cavité  glénoïde  de 
l’omoplate. 

On  peut  considérer  ces  deux  tendons,  surtout  celui  du  biceps  comme 
des  ligaments  qui  s’opposent  aux  déplacements  anormaux  de  la  tête  humé¬ 
rale  hors  de  sa  cavité,  lors  des  mouvements  d’élévation  et  d’abaissement 
du  bras. 


438  ÉPAULE  (anatomie).  —  articulation  sc-apulo-humérale. 

Le  tendon  du  biceps  entièrement  fibreux,  grêle  et  long  comparativement 
à  celui  du  triceps  se  trouve  d’abord  logé  dans  une  gouttière  intermédiaire 
à  la  grosse  et  à  la  petite  tubérosité  de  l’humérus,  puis  il  pénètre  dans  l’in¬ 
térieur  de  la  capsule  articulaire  et  va  s’insérer  au  sommet  du  sourcil 
glénoïdien.  Un  dédoublement  du  périoste  fixe  ce  tendon  dans  sa  gouttière 
de  réception,  en  même  temps  que  les  tendons  des  muscles  grand  pectoral 
et  grand  dorsal  le  brident,  l’un  en  avant  et  l’autre  en  arrière.  Malgré  cela 
on  a  rencontré,  dans  certaines  luxations  de  l’humérus,  ce  tendon  sorti  de 
sa  gainé  et  même  rompu  entièrement.  Un  prolongement  en  doigt  de  gant 
de  la  séreuse  articulaire  accompagne  le  tendon  assez  bas  et  jusqu’au  des¬ 
sous  de  la  lèvre  inférieure  du  grand  pectoral,  empiétant  ainsi  sur  la  racine 
du  bras.  C’est  là  un  détail  anatomique  qu’il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  lors¬ 
qu’il  s’agit  de  blessures  du  tendon  de  la  longue  portion  du  biceps  en  ce 
point,  à  cause  de  la  possibilité  de  voir  se  développer  alors  une  arthrite 
suppurée  de  l’épaule  avec  ses  funestes  conséquences.  Nous  avons  entendu 
Nélaton  exposer,  dans  ses  cours  de  cliniques,  qu’un  chirurgien  ayant  ponc¬ 
tionné  sans  méfiance  ce  qu’il  croyait  n’être  qu’un  kyste  séreux  de  la  partie 
antérieure  du  bras  près  de  l’aisselle  vit,  le  lendemain  de  la  ponction ,  se 
développer  des  accidents  formidables,  annonçant  manifestement  que  l’o¬ 
pération  avait  intéressé  l’articulation  scapulo-humérale  elle-même.  La 
mort  s’en  est  suivie,  et  l’autopsie  vint  démontrer  l’erreur  dans  laquelle  il 
était  tombé. 

L’apophyse  coracoïde  donne  insertion  à  deux  muscles  :  par  son  sommet, 
au  tendon  commun  du  coraco-brachial  et  de  la  courte  portion  du  biceps, 
et  par  son  bord  antéro-interne,  au  petit  pectoral.  J’ai  déjà  parlé  de  l’ex¬ 
pansion  fibreuse  que  le  premier  de  ces  tendons  envoie  à  la  capsule  cellu¬ 
leuse  de  l’épaule,  et  il  est  inutile  d’y  revenir.  Le  bord  sinnal  et  les  angles 
tant  postérieur  qu’inférieur  de  l’omoplate  servent  de  point  d’attache  à  un 
grand  nombre  de  muscles,  qui  sont  : 

En  arrière,  le  rhomboïde  et  l’angulaire  de  l’omoplate  ;  en  avant,  outre 
le  sous-scapulaire,  le  muscle  grand  dentelé  qui ,  comme  nous  le  dirons 
plusloin,joue  un  grand  rôle  dans  les  mouvements  d’élévation  du  bras  et  de 
projection  du  membre  supérieur  en  avant.  Le  bord  supérieur  du  scapulum 
donne  attache  à  l’omohyoïdien  qui  s’insère  près  de  la  base  de  l’apophyse 
coracoïde.  L’épine  de  l’omoplate  et  l’acromion,  outre  le  deltoïde,  donnent 
encore  insertion  au  muscle  trapèze.  La  clavicule  elle-mêmé  qui,  par  son 
extrémité  externe,  appartient  bien  évidemment  à  la  région  de  l’épaule, 
donne  insertion  à  deux  muscles,  à  savoir  au  trapèze  en  haut  et  au  muscle 
sous-clavier  en  bas.  Je  mentionnerai  plus  loin  en  détail  l’attache  clavicu¬ 
laire  de  ce  dernier  muscle  dont  le  mode  d’insertion  ne  me  paraît  pas 
avoir  été  suffisamment  bien  décrit  jusqu’ici. 

Nous  aurons  à  considérer  successivement  :  1“  l’articulation  scapulo- 
humérale  proprement  dite;  2°  la  voûte  coraco-acromiale  qui  abrite 
celle-ci. 

I.  Articilation  scapülo-hdîiéraue.  —  Os.  —  L’omoplate  offre  pour  cette 
articulation  une  cavité  ovalaire  à  grosse  extrémité  dirigée  en  bas,  et  dési- 


439 


ÉPAULE  (akatomie).  -  ARTICULATIOiN-  SCAPDLO-HÜMÉRALE. 

gnée  sous  le  nom  de  cavité  glénoïde  de  l’omoplate.  Peu  profonde,  cette 
cavité  n’abrite  que  le  tiers  de  la  surface  articulaire  de  l’humérus,  en  sorte 
que  les  deux  autres  tiers  se  trouvent  toujours  hors  de  la  cavité  glénoïde. 

La  direction  de  cette  cavité  n’est  pas  tout  à  fait  verticale,  mais  légère¬ 
ment  oblique  de  haut  en  bas  et  de  dedans  en  dehors,  en  sorte  que  le 
grand  diamètre  de  celle-ci  étant  prolongé,  coupe  l’axe  de  l’humérus  sous 
un  angle  obtus  ouvert  en  dedans.  Il  résulte  de  cette  disposition  que  lorsque 
le  bras  est  pendant,  la  moitié  inférieure  de  la  tête  humérale  est  seule  en 
rapport  avec  la  partie  correspondante  de  la  cavité  glénoïde,  sur  laquelle 
elle  appuie  fortement,  tandis  qu’en  haut  ces  deux  os  laissent  entre  eux  un 
angle  à  sinus  supérieur.  Dans  l’élévation  verticale  du  bras  la  disposition 
contraire  s’observe. 

Le  pourtour  de  la  cavité  glénoïde  se  trouve  bordé  d’un  fibro-cartilage, 
dit  bourrelet  glénoïdien,  destiné  à  augmenter  la  profondeur  de  la  cavité 
articulaire,  en  même  temps  qu’il  amortit  les  frottements  lors  des  mouve¬ 
ments  extrêmes  du  bras.  La  forme  de  ce  bourrelet  est  celle  d’un  prisme 
triangulaire.  Il  s’insère  solidement  au  sourcil  glénoïdien  et  se  continue 
sans  ligne  de  démarcation  avec  le  cartilage  d’encroûtement  de  cette  cavité. 

Un  cul-de-sac  de  la  synoviale  disposé  tout  autour  sous  forme  de  rigole 
circulaire  sépare  entre  eux  le  bourrelet  de  la  capsule  articulaire.  Le  ten¬ 
don  du  triceps  et  surtout  celui  du  biceps  concourent  en  grande  partie, 
ainsi  qu’il  a  été  dit,  à  former  par  leur  épanouissement  le  bourrelet  glé¬ 
noïdien. 

Capsule  articulaire.  —  Elle  est  lâche,  et  sa  laxité  en  rapport  surtout 
avec  l’extrême  mobilité  du  bras,  et  le  rôle  de  manchon  protecteur  pour 
les  deux  tiers  de  la  tête,  que  ne  saurait  abriter  la  cavité  glénoïde,  est 
telle,  que  lorsque  les  muscles  de  l’épaule,  et  en  particulier  le  deltoïde, 
sont  paralysés,  la  tête  humérale  retombe  en  s’écartant  de  la  cavité  glé¬ 
noïde  de  3  centimètres  et  même  davantage;  l’on  comprend  que  des  chi¬ 
rurgiens  inexpérimentés  aient  pu  croire  alors  à  une  luxation  de  l’humé¬ 
rus  qui  n’existait  pas. 

Outre  le  trou  qui  livre  passage  en  bas  au  tendoh  de  la  longue  portion 
du  biceps,  la  capsule  offre  trois  orifices,  à  savoir  ;  un  en  haut,  pour  le 
passage  du  sus-épineux,  un  autre  en  avant,  pour  le  tendon  du  sous-sca¬ 
pulaire  et  un  dernier  en  arrière  pour  le  sous-épineux  et  le  petit  rond. 
Ces  trois  tendons  sont  contenus  dans  un  dédoublement  de  la  capsule,  et 
se  trouvent  ainsi  en  dehors  de  la  cavité  articulaire,  à  l’exception  toutefois 
du  bord  supérieur  du  tendon  du  sus-scapulaire  qui  y  proémine  en  partie. 

Les  insertions  de  la  capsule  à  l’humérus  se  font  suivant  une  ligne  obli¬ 
que,  qui  passant  en  haut  par  la  base  de  la  tête  humérale,  empiète  en  bas, 
et  en  dedans  sur  le  col  chirurgical  de  l’humérus  d’un  bon  travers  de 
doigt. 

Il  résulte  de  cette  disposition  qu’une  fracture  siégeant  près  de  la  tête 
humérale  peut  être  à  la  fois  extra  et  intra-scapulaire. 

Synoviale.  —  Comme  dans  les  énarthroses  en  général,  la  synoviale  re¬ 
couvre  toute  la  face  interne  du  manchon  fibreux,  et  s’avance  du  côté  des 


440  ÉPAULE  (anatomie).  —  articulation  scapulo-homérale. 
os  jusqu’au  fibro-cartilage  pour  l’omoplate,  et  jusqu’au  pourtour  du  car¬ 
tilage  d’encroûtement  pour  la  tête  humérale.  Gette  synoviale  fournit 
trois  prolongements,  l’un  en  doigt  de  gant  destiné  à  entourer  le  tendon 
de  la  longue  portion  du  biceps  jusqu’au  delà  de  l’articulation  ainsi  que 
cela  a  été  dit,  l’autre  assez  vaste  pour  le  tendon  du  sous-scapulaire,  et  s’é¬ 
tendant  jusque  sous  l’apophyse  coracoïde,  enfin  un  troisième  moins  dé¬ 
veloppé  destiné  au  tendon  du  sous-épineux. 

Extrémité  humérale.  —  On  y  observe  la  tête  qui  est  hémisphérique,  et 
à  la  base  de  celle-ci,  un  léger  étranglement  circulaire  appelé  col  anato¬ 
mique.  Plus  en  dehors,  deux  saillies,  dont  l’une  antérieure,  moins  volu¬ 
mineuse,  s’appelle  petite  tubérosité  ou  trochin,  et  donne  insertion  au 
muscle  sous-scapulaire  ;  l’autre  postéro-supérieur,  plus  volumineuse,  ap¬ 
pelée  grosse  tubérosité  ou  trochiter,  et  qui  donne  attache  aux  trois  mus¬ 
cles  sus-épineux,  sous-épineux,  et  petit  rond.  Entre  les  deux  tubérosités 
on  trouve  la  gouttière  dite  bicipitale  de  l’humérus,  destinée  à  loger  le 
tendon  de  la  longue  portion  du  biceps.  Toute  la  portion  de  la  diaphyse 
comprise  entre  la  tête  d’une  part,  et  un  plan  horizontal  passant  au-dessus 
des  insertions  des  muscles  grand  pectoral  et  grand  dorsal,  constitue  le 
col  chirurgical  de  l’humérus  ;  des  applications  à  la  pathologie  justifient 
cette  division  qui  n’a  rien  d’anatomique. 

Le  tissu  cellulaire  profond  qui  entoure  l’humérus  en  ce  point  se  con¬ 
tinue  sans  ligne  de  démarcation  avec  celui  de  l’aisselle,  des  creux  sous 
et  sus-c!aviculaire  et  même  du  médiastin.  Il  résulte  de  cette  disposition 
que  toute  amputation  pratiquée  au-dessus  de,  l’attache  du  grand  pec¬ 
toral  et  du  grand  dorsal,  offre  plus  de  gravité  que  celle  faite  immé¬ 
diatement  au-dessous.  J’en  dirais  autant  pour  les  phlegmons  et  les  abcès 
de  cette  région  qui  ont  de  la  tendance  à  se  propager  du  côté  de  l’aisselle 
et  du  médiastin. 

Vaisseaux  et  nerfs.  — Nous  n’aurons  pas  à  répéter  ce  qui  a  été  dit  déjà 
aux  articles  Aisselle,  Bras,  Clavicule  ;  seulement,  vu  l’importance  du  su¬ 
jet,  nous  rappellerons  les  rapports  intimes  qu’affecte  l’artère  et  la  veine 
axillaire  avec  la  tête  humérale.  Le  premier  de  ces  vaisseaux  est  à  cheval 
sur  le  côté  interne  de  la  tête,  et  cela  d’autant  plus  que  le  bras  se  trouve 
élevé  davantage.  La  pression  éprouvée  par  l’artère,  lors  de  l’élévation 
forcée  du  bras,  est  telle,  que  sur  le  vivant  le  pouls  cesse  de  battre,  et  que 
sur  le  cadavre  une  injection  solidifiable  poussée  par  la  sous-clavière  ou 
l’humérale  se  trouve  arrêtée  en  ce  point,  ainsi  que  cela  a  été  constaté  par 
F.  Guyon. 

On  pourrait  mettre  à  profit  cette  particularité,  soit  pour  arrêter  une 
hémorrhagie  de  l’humérale  ou  de  ses  branches,  soit  pour  la  guérison  des 
anévrysmes. 

A  la  suite  de  la  réduction  de  certaines  luxations  sous-coracoïdiennes 
et  intra-coracoïdiennes,  on  a  été  à  même  de  constater  plus  d’une  fois  la 
rupture  de  l’artère  axillaire.  A  part  la  friabilité  des  artères  chez  certaines 
personnes,  dérivant  elle-même  du  tempérament,  du  sexe  et  de  l’âge,  il 
est  clair  que,  toute  chose  égale  d’ailleurs,  l’élévation  forcée  du  membre 


ÉPAULE  (anatomie).  —  articulation  scapolo-humérale.  441 
pendant  qu’on  exerce  des  tractions,  doit  disposer  singulièrement  àla  rup¬ 
ture  de  l’artère.  C’est  là  une  considération  dont  on  n’a  pas  tenu  suffisam¬ 
ment  compte,  croyons-nous,  lorsqu’on  a  voulu  juger  la  valeur  compara¬ 
tive  de  l’élévation  verticale  du  bras,  d'avec  les  autres  méthodes  de  réduc¬ 
tion.  Un  autre  mode  de  réduction,  celui  du  refoulement  direct  de  la  tête 
dans  la  cavité  gléno'ide,  à  l’aide  de  la  main  ou  du  talon,  n’offre  pas  un 
moindre  danger.  Il  est  vrai  de  dire  que  l’artère,  grâce  à  sa  forme  cylin¬ 
drique,  à  sa  mobilité  et  à  l’élasticité  de  ses  parois,  échappe  le  plus  sou¬ 
vent  à  la  rupture,  mais  il  peut  se  faire  aussi  que  l’altération  graisseuse 
ou  athéromateuse  des  tuniques  artérielles  dispose  celles-ci  à  la  rupture. 
C’est  ainsi  qu’on  peut  s’expliquer  les  cas  encore  assez  nombreux  de  rup¬ 
ture  de  ce  vaisseau,  par  suite  de  tentatives  de  réduction  même  modérées. 

Autour  de  l’épaule,  de  même  qu’ autour  des  principales/lirisures  des 
membres,  il  existe  un  large  réseau  anastomotique  artériel  pouvant  per¬ 
mettre  le  rétablissement  du  cours  du  sang,  lorsque  le  tronc  de  l’axillaire 
ou  de  la  sous-clavière  vient  à  s’oblitérer.  Nous  avons  eu  l’occasion  il  y  a 
peu  detemps,  de  lier  la  sous-clavière  gauche  au  cou,  en  dehors  des  sca- 
lènes,  pour  un  anévrysme  diffus  de  l’aisselle,  consécutif  à  la  réduction 
d’une  luxation  récente  de  l'épaule.  Dès  le  19'  jour  de  la  ligature,  le  fil 
était  tombé  et  la  circulation  collatérale  rétablie,  quoique  gênée. 

La  malade  ayant  succombé  trois  mois  plus  tard  par  suite  d’une  arthrite 
suppurée  grave,  qui  s’était  développée  dans  l’articulation  luxée' pleine  de 
caillots,  nous  pûmes  constater  à  l’autopsie  que  la  circulation  se  trouvais 
rétablie,  grâce  surtout  aux  nombreuses  branches  anastomotiques  de/l’ar- 
tère  scapulaire  inférieure.  / 

L’artère  sous-clavière  et  l’axillaire  qui  en  fait  suite,  sont  les  deux 
troncs  d’où  naissent  les  artères  de  l’épaule.  Les  branches  provenant  de  la 
sous-clavière  sont  au  nombre  de  deux,  à  savoir:  la  scapulaire  supérieure 
ou  sus-scapulaire,  et  la  scapulaire  postérieure  ou  cervicale  transverse  ; 
celles  fournies  par  l’axillaire  au  nombre  de  quatre  sont  :  V acromiale,  la 
scapulaire  inférieure,  la  circonflexe  antérieure  et  \a  circonflexe- posté¬ 
rieure. 

Artère  scapulaire  supérieure,  sus-scapulaire.  —  Elle  naît  de  l’artère 
sous-clavière  entre  les  scalins,  se  porte  horizontalement  en  dehors,  der¬ 
rière  la  clavicule  dont  elle  reste  distante  de  3  à  4  millimètres.  Arrivée 
à  la  base  de  l’apophyse  coracoïde,  elle  s’infléchit  en  arrière  pour  se 
rendre  dans  la  fosse  sous-épineuse,  en  passant  au-dessus  du  ligament 
coracoïdien,  rarement  au-dessous,  rampe  sous  le  muscle  sus-épineux, 
croise  verticalement  le  bord  antérieur  de  l’épine  de  l’omoplate  et  arrive 
ainsi  dans  la  fosse  sous-épineuse,  au-dessous  du  muscle  sous-épineux, 
où  elle  se  termine  en  nombreux  rameaux,  qui  s’anastomosent  large¬ 
ment  avec  les  rameaux  terminaux  de  l’artère  scapulaire  inférieure. 

Artère  scapulaire  postérieure.  —  Plus  volumineuse  que  la  précédente, 
elle  naît  de  la  sous-clavière  deux  fois  sur  trois,  entre  ou  en  dedans  des 
scalènes,  et  une  fois  seulement  en  dehors  de  ces  muscles.  D’abord 
transversale  et  en  rapport  avec  le  plexus  brachial,  elle  s’incline  en 


442  ÉPAULE  (anatomie).  —  articolation  scapdlo-hümérale. 
arrière,  puis  en  bas,  et  se  termine  au  bord  spinal  et  à  l’angle  inférieur 
de  l’omoplate,  en  s’anastomosant  avec  la  scapulaire  inférieure  et  la  scapu¬ 
laire  supérieure. 

Artère  acromiale.  —  Née  de  l’axillaire  au-dessus  du  petit  pectoral,  cette 
arlère  se  divise  en  deux  branches  :  une  verticale,  qui  suit  l’interstice  des 
muscles  grand  pectoral  et  deltoïde;  l’autre  horizontale,  placée  sous  le 
deltoïde,  et  qui  se  termine  au  niveau  de  l’articulation  acromio-claviculaire 
en  s’anastomosant  avec  la  scapulaire  supérieure. 

Artère  scapulaire  inférieure  (scapulaire  commune  ou  sous-scapulaire). 
—  La  plus  volumineuse  de  toutes  les  branches  de  l’axillaire,  elle  se 
divise  en  deux  branches  principales  :  une  interne  ou  descendante,  destinée 
au  muscle  grand  dentelé,  et  surtout  au  grand  dorsal;  l’autre  externe, 
plus  importante,  qui  fournit  des  rameaux  aux  muscles  de  la  région  sous- 
épineuse  et  au  sous-scapulaire,  et  va  s’anastomoser  largement,  dans  la 
fosse  sous-épineuse,  avec  la  scapulaire  supérieure,  branche  de  la  sous- 
clavière.  L’importance  de  cette  dernière  anastomose  pour  le  rétablissement 
de  la  circulation,  ressort  nettement  d’une  observation  de  Nélaton,  concer¬ 
nant  un  anévrysme  traumatique  de  l’axillaire  traitée  par  la  ligature  de  la 
sous-clavière.  La  malade  ayant  succombé  d’hémorrhagie  le  dixième  jour 
de  la  ligature,  on  trouva  à  l’autopsie  que  la  blessure  de  l’axillaire  siégeait 
vis-à-vis  de  l’embouchure  de  la  scapulaire,  et  que  c’était  par  cette 
dernière  branche,  considérablement  dilatée,  que  le  sang  avait  fait  irrup¬ 
tion. 

Artères  circonflexes  antérieure  et  postérieure.  —  Elles  naissent  de 
l’axillaire,  tantôt  isolément,  tantôt  d’un  tronc  qui  leur  est  commun.  La 
postérieure,  de  beaucoup  la  plus  grosse,  décrit  autour  du  col  chirurgical 
de  l’humérus  les  trois  quarts  d'un  cercle,  tandis  que  l’antérieure  repré¬ 
sente  l’autre  quart.  ■’ 

Les  nombreuses  ramifications  de  ces  artères  s’épuisent  presque  en 
entier  dans  le  deltoïde,  quelques  rameaux  seulement  sont  destinés  à  la 
capsule  articulaire,  au  périoste  du  col  et  à  la  tête  huméràle. 

Veines.  — Il  a  déjà  été  question  de  la  veine  céphalique,  qui  est  en 
partie  superficielle  et  en  partie  profonde.  Les  veines  profondes  de  l’épaule 
ont  la  même  direction,  la  même  dénomination  et  les  mêmes  rapports  que 
les  artères  déjà  décrites,  et  n’en  diffèrent,  pour  plusieurs  d’entre  elles, 
que  par  leur  terminaison.  C’est  ainsi  que  les  veines  scapulaire  supérieure, 
scapulaire  postérieure  et  cervicale  profonde,  se  terminent,  le  plus  sou¬ 
vent,  dans  le  tronc  veineux  brachio-céphalique ,  et  quelquefois  dans  la 
veine  cave  supérieure,  au  lieu  de  se  jeter  dans  la  veine  sous-clavière. 

Lymphatiques.  —  Il  y  en  a  de  superficiels  et  de  profonds  ;  tous  suivent 
le  trajet  des  veines  et  vont  se  rendre  dans  les  ganglions  de  l’aisselle  et  les 
ganglions  sous-claviculaires.  L’histoire  des  lymphatiques  superficiels  est 
bonne  à  rappeler  ici  comme  pouvant  offrir  un  intérêt  clinique.  Nous 
avons  indiqué  précédemment  leur  situation  et  les  rapports  qu’ils  affectent 
avec  la  veine  céphalique;  ajoutons  que  leur  existence  n’est  pas  constante. 
Cruiksanck  et  Mascagni  en  ont  signalé  les  premiers  l’existence  ;  Sappey, 


ÉPAULE  (anatomie).  —  articdlation  scapîflo-homérale.  443 
de  son  côté,  a  été  à  même  d’injecter  deux  fois  un  tronc  lymphatique 
unique.  Aubry  (de  Rennes)  a  rencontré  le  premier,  sur  le  trajet  d’un  gros 
tronc  lymphatique ,  trois  ganglions  séparés  entre  eux  par  un  intervalle 
de  2  ou  3  millimètres. 

Dans  le  courant  de  cette  année,  j’ai  été  à  même  d’observer,  chez  deux 
individus  affectés  d’angioleucite  du  pouce  et  du  côté  externe  de  l’avant- 
bras,  un  ganglion  engorgé,  du  volume  d’un  pois,  situé  à  deux  travers 
de  doigt  au-dessus  de  l’empreinte  deltoïdienne,  sur  le  trajet  de  la  veine 
céphalique.  La  terminaison  du  tronc  ou  des  troncs  lymphatiques  qui  nous 
occupent  ne  paraît  pas  être  la  même  dans  tous  les  cas.  Des  deux  fois  où 
Sappey  a  été  à  même  de  les  injecter,  une  fois  le  lymphatique  se  rendait 
dans  un  ganglion  sous-claviculaire  placé  au-devant  de  la  veine  sous-cla¬ 
vière,  et  une  autre  fois,  après  avoir  croisé  la  clavicule,  se  jetait  dans  une 
des  glandes  du  creux  sus-claviculaire.  Ce  dernier  mode  de  terminaison  a 
été  aussi  signalé  par  Mascagni.  ; 

Nerfs  superficiels. — Les  téguments  qui  recouvrent  la  partie  postérieure 
de  l’épaule  reçoivent  leurs  filets  nerveux  sensitifs  du  rameau  cutané,  des 
branches  postérieures  des  deux  ou  trois  premiers  nerfs  dorsaux.  Le  trajet 
de  ce  rameau  cutané  spinal  est  assez  compliqué.  On  sait  que  chaque 
branche  postérieure  se  divise  dès  son  origine  en  deux  rameaux ,  un 
externe  ou  musculaire,  destiné  aux  muscles  des  gouttières  vertébrales,  et 
un  interne  ou  cutané,  le  seul  qui  nous  intéresse  en  ce  moment.  Ce  dernier 
se  réfléchit  de  dehors  en  dedans  pour  atteindre  les  apophyses  épineuses 
des  vertèbres;  là,  il  traverse  les  insertions  du  grand  dorsal,  puis  change 
de  direction  pour  se  porter  transversalement  en  dehors,  traverse  le  trapèze 
et  se  distribue  dans  les  téguments  de  la  partie  postérieure  de  l’épaule. 

La  partie  antérieure  et  externe  de  la  peau  de  l’épaule  reçoit  ses  nerfs 
des  deux  branches  descendantes  du  plexus  cervical  superficiel,  la  sus- 
claviculaire  et  la  sus-acromiale,  mais  surtout  de  cette  dernière.  Toutes 
deux  tirent  leur  origine  de  la  quatrième  paire  spinale,  et  fournissent  des 
rameaux  qu’on  peut  suivre  jusqu’à  l’insertion  du  grand  pectoral  à  l’hu¬ 
mérus. 

Pour  finir  avec  les  nerfs  superficiels,  ajoutons  que  le  rameau  cutané  du 
circonflexe  donne  la  sensibilité  au  moignon  de  l’épaule. 

Nerfs  profonds.  —  A  part  deux  branches  qui  naissent  aussi  souvent  du 
plexus  cervical  que  du  plexus  brachial,  et  qui  sont  destinées  à  deux  des 
muscles  moteurs  de  l’épaule,  «  l’angulaire  de  l’omoplate  et  le  rhomboïde  », 
tous  les  autres  nerfs  musculaires  proviennent  exclusivement  du  plexus 
brachial. 

Les  branches  fournies  par  ce  plexus  aux  muscles  de  l’épaule,  sont  : 

1“  Celle  du  sous-clavier,  remarquable  par  son  anastomose  avec  le  nerf 
phrénique  ; 

2°  Celle  du  grand  dentelé,  ou  nerf  respiratoire  externe  de  Ch.  Bell,  une 
des  branches  collatérales  des  plus  volumineuses  et  des  plus  longues  du 
plexus,  et  qui  s’épuise  dans  ce  muscle  en  fournissant  successivement  un 
rameau  à  chacune  des  digitations  qui  le  composent. 


444  ÉPAULE  (anatomie).  —  toute  coraco-acromiale. 

5°  La  branche  dite  sus-scapulaire  destinée  aux  muscles  sus-épineux  et 
sous-épineux.  Cette  branche  pénètre  dans  la  fosse  sus-épineuse,  qu’elle 
croise  en  passant  au-dessous  du  ligament  coracoïdien ,  contrairement  à 
l’artère  et  la  veine  sus-scapulaires  qui  passent  au-dessus,  et  arrive  dans  la 
fosse  sous-épineuse  ; 

4°  Deux  rameaux,  quelquefois  trois  ou  quatre,  destinés  au  sous-scapu¬ 
laire  ; 

5“  Les  branches  qui  se  distribuent  au  grand  dorsal,  au  grand  rond  et 
aux  deux  pectoraux  ; 

6"  Enfin  un  nerf  très-important,  appelé  axillaire  ou  circonflexe, 
destiné  au  deltoïde,  à  la  peau  du  moignon  de  l’épaule,  et  au  muscle 
petit  rond. 

Le  rameau  cutané  du  circonflexe  fournit  des  filets  ascendants,  trans¬ 
verses  et  descendants  :  ces  derniers  peuvent  être  suivis  jusqu’à  la  partie 
supérieure  du  bras.  Les  rameaux  transversaux  ou  musculaires  s’épuisent 
dans  le  deltoïde  en  fournissant  aussi  plusieurs  ramuscules  destinés  à  l’ar¬ 
ticulation  de  l’épaule  et  au  muscle  petit  rond. 

Placé  entre  la  face  profonde  du  deltoïde,  contre  laquelle  il  est  fixé  par 
une  lame  fibreuse,  et  le  col  chirurgical  de  l’humérus,  le  nerf  circonflexe 
s’enroule  autour  de  cet  os  en  suivant  une  direction  oblique  d’arrière  en 
avant  et  de  bas  en  haut,  et  en  décrivant  ainsi  une  courbe  spirale  plus  que 
demi-circulaire.  Il  résulte  de  cette  disposition  que  le  tronc  de  ce  nerf  se 
trouve  d’autant  plus  distant  de  l’acroraion  qu’on  se  porte  en  arrière, 
tandis  qu’il  s’en  rapproche  en  avant  de  15  millimètres  à  1  centimètre. 
Dans  son  procédé  de  résection  de  l’épaule,  Nélaton,  en  donnant  le  pré¬ 
cepte  de  ne  s’écarter  de  l’acromion  que  de  15  millimètres  au  plus,  ménage 
donc  le  tronc  de  ce  nerf  en  même  temps  qu’il  évite  de  couper  les  fibres 
charnues  du  deltoïde. 

IL  VoDTE  CORA.CO-ACROMIALE.  —  On  ne  saurait  avoir  une  notion  exacte 
de  la  région,  et  en  particulier  de  l’articulation  scapulo-humérale,  si  l’on 
n’étudie  pas  en  même  temps  le  cintre  protecteur  que  l’acromion,  l’apo¬ 
physe  coracoïde  et  le  ligament  coraco-acromial  qui  les  relie,  fournissent 
à  l’articulation  de  l’épaule. 

Arliculation  coraco-claviculaire.  —  Cette  articulation  est  une  véritable 
flmpàiartàrose  ou  symphyse,  ayant,  par  conséquent,  une  partie  diarthro- 
diale  et  une  partie  synarthrodiale. 

La  base  de  l’apophyse  coracoïde  offre,  pour  cette  articulation,  une 
surface  lisse,  allongée  dans  le  sens  de  sa  longueur,  mesurant  de  15  milli¬ 
mètres  à  2  centimètres  de  long  sur  1  centimètre  de  large.  La  clavicule 
présente  de  son  côté  un  tubercule  plus  ou  moins  développé,  plan  ou 
légèrement  concave  transversalement,  et  destiné  à  s’articuler  avec  la 
facette  correspondante  de  l’apophyse  coracoïde.  Une  particularité  qui  ne 
semble  pas  avoir  fixé  suffisamment  l’attention  des  anatomistes,  c’est  que 
les  surfaces  articulaires  en  question  sont  revêtues,  à  l’état  frais,  d’une 
couche  épaisse  et  lisse  de  tissu  fibreux  destinée  à  amortir  les  pressions  et 
à  en  faciliter  le  glissement.  C’est  là  une  disposition  anatomique  qui  mérite 


ÉPAULE  (anatomie).  -  VOUTE  CORACO-ACROMIALE.  445 

d’autant  plus  de  nous  arrêter  que  les  auteurs  semblent  l’avoir  passée  sous 
silence. 

Dans  les  livres  classiques,  en  effet,  en  parlant  de  l’insertion  du  muscle 
sous-clavier  à  la  clavicule ,  on  dit  vaguement  que  le  tendon  de  ce 
muscle  s’insère  aux  rugosités  dont  est  pourvue  la  face  inférieure  de  la 
clavicule  près  de  son  extrémité  externe.  Or  cela  est  inexact,  le  tendon 
du  sous-clavier  s’insérant  exclusivement  sur  le  tubercule  articulaire  de 
la  clavicule,  et  pas  ailleurs.  En  s’y  fixant,  le  tendon  coiffe  en  entier  le 
tubercule  ;  l’une  de  ses  faces  y  adhère  de  la  façon  la  plus  intime,  tandis 
que  l’autre,  lisse  et  tapissée  d’épithélium,  constitue  la  paroi  supérieut'e 
de  l’articulation  coraco-claviculaire. 

Le  ligament  trapézoide,  horizontal  ou  légèrement  oblique  de  bas  en  haut 
et  de  dedans  en  dehors,  s’insère,  en  haut,  à  la  ligne  rugueuse  de  la  clavi¬ 
cule,  et  en  bas,  non-seulement  au  bord  antérieur  de  l’apophyse  coracoïde, 
comme  on  le  dit,  mais  aussi  à  toute  l’étendue  de  la  facette  articulaire 
de  celle-ci.  Une  couche  épithéliale  recouvre  la  portion  intra-articulaire 
de  ce  ligament,  et  c’est  ainsi  que  se  trouve  constituée  la  paroi  inférieure 
de  l’articulation  coraco-claviculaire. 

En  résumé,  un  tendon  en  haut  et  un  ligament  en  bas,  voilà  les  surfaces 
de  glissement  de  l’articulation  coraco-claviculaire. 

En  avant,  l’articulation  n’a  pas  de  paroi  propre  ,  à  l’exception  de  la 
synoviale  et  d’une  légère  couche  celluleuse,  tandis  qu’en  arrière  on  trouve 
le  ligament  dit  candide  qui  fait  paroi,  en  même  temps  qu’il  sert  de  moyen 
d’union  au  même  titre  que  le  ligament  trapézoïde. 

Le  ligament  conoïde  est  triangulaire,  à  base  supérieure  s’insérant  sur 
la  clavicule,  et  à  sommet  inférieur  se  fixant  à  la  racine  de  la  coracoïde, 
derrière  le  ligament  trapézoïde. 

Une  synoviale  distincte  existe  pour  cette  articulation.  Cette  synoviale 
tapisse  le  tendon  du  sous-clavier  en  haut,  l’origine  du  ligament  trapézoïde 
en  bas  et  la  face  antérieure  du  ligament  conoïde  en  arrière. 

La  portion  synarthroïdale  de  l’articulation  se  trouve  représentée  par 
les  insertions  du  ligament  trapézoïde  à  la  ligne  rugueuse  de  la  clavicule , 
ligne  située,  comme  on  sait,  en  dehors  de  l’articulation  coraco-clavicu¬ 
laire  et  très-près  de  l’extrémité  externe  de  cet  os. 

La  description  que  nous  venons  de  donner  permet  de  bien  saisir  l’action 
du  muscle  sous-clavier  et  le  rôle  des  deux  ligaments  trapézoïde  et  co¬ 
noïde. 

S’insérant  sur  le  cartilage  sternal  de  la  première  côte  d’une  part,  et 
d’autre  part  sur  le  tubercule  de  la  clavicule,  le  muscle  sous-clavier  affecte 
une  direction  oblique  de  bas  en  haut  et  d’avant  en  arrière.  Lors  donc 
qu’il  vient  à  se  contracter,  ce  muscle  a  pour  effet  d’attirer  l’extrémité  ex¬ 
terne  de  la  clavicule  en  bas  et  en  avant,  et  de  porter  le  moignon  de  l’é¬ 
paule  dans  le  même  sens.  L’obliquité  de  ce  muscle  fait  qu’au  moment  de 
sa  contraction,  le  sous-clavier  sortirait  inévitablement  de  sa  place,  si  une 
forte  aponévrose  dite  sous-clavière  ne  le  fixait  solidement  contre  la  gout¬ 
tière  de  la  face  inférieure  de  la  clavicule. 


446  ÉPAULE  (anatomie).  —  vodtb  coraco-acromiale. 

Les  deux  ligaments,  conoïde  et  trapézoïde,  limitent  les  mouvements  de 
la  clavicule,  chacun  dans  un  sens  opposé.  Lorsque  l’extrémité  externe  de 
la  clavicule,  autrement  dit  le  moignon  de  l’épaule ,  se  porte  en  avant,  le 
ligament  trapézoïde  se  tend  fortement  pour  s’opposer  à  tout  déplacement 
de  la  clavicule  dans  ce  sens.  Par  contre,  lorsque  l’extrémité  externe  de  la 
clavicule  se  trouve  portée  en  arrière,  c’est  le  ligament  conoïde  qui  se 
trouve  tendu.  Comme  dans  ce  sens  une  luxation  de  la  clavicule  n’est 
guère  possible,  on  conçoit  que  ce  ligament  soit  bien  moins  fort  que  le 
trapézoïde;  du  reste,  le  faisceau  conoïde  joue  tout  autant  le  rôle  de  li¬ 
gament  qu’il  sert  de  paroi  à  l’articulation  coraco-claviculaire,  ainsi  que 
nous  l’avons  dit  précédemment. 

Du  bord  postérieur  externe  de  l’apophyse  coracoïde  part  une  large 
bande  fibreuse  qui  s’insère  par  son  autre  extrémité  au  sommet  de  l’acro- 
mion.  Ce  ligament,  dit  coraco-acromiale,  destiné  à  compléter  la  voûte  du 
même  nom,  ou  de  protection  de  la  tête  humérale,  offre  une  grande  force. 
Immédiatement  sous  le  ligament  coraco-acromial  naît,  du  même  bord  pos- 
téro-externe  de  la  coracoïde,  un  autre  ligament  destiné  à  la  capsule  arti¬ 
culaire  et  appelé  pour  cela  ligament  coraco-capsulaire.  Ce  ligament,  d’un 
jaune  terne,  comme  la  capsule  humérale  avec  laquelle  il  s’identifie  après 
un  court  trajet,  constitue  un  faisceau  épais  de  2  centimètres  de  large 
environ,  et  se  compose  de  fibres  divergentes,  dirigées  obliquement  en 
bas  et  en.arrière,  vers  la  grosse  tubérosité  de  l’humérus,  où  elles  s’insè¬ 
rent  pour  la  plupart.  La  face  supérieure  de  cette  bande  fibreuse  regarde 
le  ligament  coraco-acromial,  dont  elle  est  séparée  parla  bourse  synoviale 
sous-acromiale,  déjà  décrite.  Sa  face  inférieure  est  en  rapport  avec  le  bord 
supérieur  du  tendon  du  sous-scapulaire  dont  elle  est  pareillement  séparée 
par  la  bourse  muqueuse  sous-coracoidienne  et  la  synoviale  articulaire. 

Le  rôle  du  ligament  coraco-capsulaire  consiste  :  à  renforcer  la  capsule 
en  haut,  dans  l’intervalle  que  laissent  entre  eux  les  tendons  des  muscles 
sous-scapulaire  et  sus-épineux  ;  à  tendre  celle-ci  et  à  la  fixer  à  l’apophyse 
coracoïde. 

La  voûte  coraco-acromiale,  constituée  de  l’acromion,  de  la  coracoïde 
et  du  ligament  intermédiaire,  affecte,  avec  la  tête  de  l’humérus,  des 
rapports  qui  méritent  d’être  pris  en  considération  si  l’on  veut  se  rendre 
un  compte  exact  des  luxations  de  l’épaule.  Des  mensurations  nombreuses, 
entreprises  par  Malgaigne  à  ce  sujet,  il  résulte  que  la  voûte  embrasse 
en  général,  sous  forme  de  cintre,  le  quart  ou  le  tiers  supérieur  de  la  cavité 
glénoïde  et  reste  distante  de  la  tête  humérale  de  4  à  6  millimètres  en 
haut,  et  de  2  millimètres  seulement  en  arrière.  Ajoutons  que  dans  ce  der¬ 
nier  sens  la  voûte  descend  7  millimètres  plus  bas  qu’en  avant. 

Des  rapports  qui  précèdent,  il  résulte  ; 

1°  Qu’à  moins  de  fracture,  nulle  luxation  de  l’épaule  ne  peut  se  pro¬ 
duire  directement  en  haut. 

2“  Que  nulle  luxation  de  l’épaule  ne  peut  s’effectuer,  soit  en  avant  soit 
en  arrière,  sans  qu’au  préalable  la  tête  ne  soit  abaissée  au-dessous  du 
tiers  ou  du  quart  supérieur  de  la  cavité  glénoïde  ;  ce  qui  revient  à  dire 


ÉPAULE  (piiïsiologie).  —  mouvements  de  l’épaule.  447 

que  toutes  les  variétés  de  luxation  de  l’épaule,  tant  antérieures  que 
postérieuresj  commencent  par  être  des  luxations  en  bas. 

5“  Qu’enfin  les  luxations  en  avant  doivent  être,  et  le  sont  en  effet,  plus 
fréquentes  que  celles  en  arrière. 

PHYSIOLOGIE. 

Le  rôle  important  dévolu  à  l’épaule  et  au  bras  pour  les  besoins  de  la 
locomotion  chez  les  animaux  et  de  la  préhension  chez  l’homme,  explique 
la  grande  mobilité  dont  jouit  cette  partie  du  corps  dans  la  série  animale. 
De  ces  mouvements  complexes,  les  uns  se  passent  à  l’omoplate,  d’autres 
ont  pour  siège  principal  l’articulation  scapulo-humérale.  Il  va  sans  dire 
que  ces  deux  ordres  de  mouvements  se  combinent  et  se  complètent 
mutuellement;  de  plus,  certains  mouvements  de  l’avant-bras,  ceux  de 
pronation  et  de  supination  par  exemple,  ont  besoin,  pour  s’exercer  libre¬ 
ment,  que  l’épaule  et  le  bras  y  participent  dans  une  certaine  mesure. 

Une  science  surannée,  fondée  sur  l’expérimentation  cadavérique,  avait 
accrédité  ici  comme  ailleurs  bien  des  erreurs,  et  ce  n’est  qu’aux  recher¬ 
ches  de  Duchenne  (de  Boulogne)  que  nous  sommes  redevables  de  mieux 
connaître  l’action  individuelle  de  chaque  muscle. 

I.  Mouvements  de  l’épaule.  —  1“  Élévation  verticale.  —  L’élévation 
de  l’épaule  s’associe  à  une  foule  d’actes  qui  sont  en  rapport  avec  la  lo¬ 
comotion,  la  respiration,  et  l’expression  des  passions  ;  c’est  pourquoi 
divers  muscles  concourent  à  la  produire. 

Dans  l’élévation  volontaire  et  sans  effort,  comme  lorsqu’il  s’agit  d’ex¬ 
primer  le  dédain  ou. le  doute,  la  portion  acromiale  ou  moyenne  du  tra¬ 
pèze  se  contracte  seule. 

S’agit-il,  au  contraire,  de  l’élévation  de  l’épaule  se  faisant  instinctive¬ 
ment  lors  des  grandes  inspirations,  la  portion  antérieure  ou  claviculaire 
du  trapèze  qu’anime  le  nerf  spinal,  agit  indépendamment  du  reste  du 
muscle. 

-  Lorsqu’il  s’agit  de  soulever  un  fardeau  avec  l’épaule,  trois  autres  mus¬ 
cles  apportent  leur  concours  au  trapèze  ;  ce  sont  :  le  rhomboïde,  la  por¬ 
tion  supérieure  du  grand  pectoral  et  l’angulaire  de  l’omoplate.  Duchenne 
(de  Boulogne) ,  contrairement  à  ce  qui  avait  été  enseigné  avant  lui,  a  dé¬ 
montré  que  le  grand  dentelé  ne  prenait  aucune  part. 

2°  Élévation  de  V épaule  en  avant  et  en  haut.  —  Quand  ce  mouvement 
est  inconscient,  ainsi  que  cela  se  voit  à  la  suite  de  l’impression  du  froid 
ou  du  sentiment  de  la  crainte,  la  contraction  de  la  portion  supérieure  du 
grand  pectoral  suffit  seule  pour  le  produire.  Y  a-t-il  au  contraire  effort, 
comme  lorsqu’il  s’agit  de  pousser  devant  soi  un  corps  très-lourd,  le  grand 
dentelé  se  contracte  avec  une  force  de  beaucoup  supérieure  à  celle  des 
muscles  précédemment  mentionnés. 

5“  Adduction  et  abaissement  des  épaules.  —  Cette  attitude  se  produit 
soit  dans  certains  mouvements  de  force  du  membre  supérieur,  comme 
pour  attirer  à  soi  un  corps  résistant ,  soit  tout  naturellement,  comme 
chez  le  militaire  dans  la  posture  du  port  d’armes.  Lors  du  simple  rap- 


448  ÉPAULE  (physiologie).  -  MOUVEMENTS  DO  BRAS. 

prochement  des  deux  omoplates  vers  la  ligne  médiane  du  dos,  le  grand 
dorsal  agit  seul,  tandis  que  s’il  s’ajoute  un  effort,  le  rhomboïde  et  le  tiers 
inférieur  du  trapèze  prêtent  leur  concours  à  ce  muscle. 

4“  Mouvement  de  rotation  de  l’omoplate  autour  d’un  axe  antéro-posté¬ 
rieur.  —  Les  auteurs  classiques,  en  se  fondant  sur  l’expérimentation  ca¬ 
davérique,  admettaient  que  l’omoplate  tourne  autour  d’un  axe  fictif  an¬ 
téro-postérieur  passant  par  le  centre  de  cet  os,  de  façon,  par  exemple, 
que  l’angle  spinal  ne  pouvait  monter  sans  que  l’acromion  ne  s’abaissa,  et 
vice  versa.  Or  tout  cela  est  inexact,  et  des  études  électro-physiologiques 
de  Du chenne  (de  Boulogne),  il  ressort  clairement  que  le  mouvement  de 
rotation  en  question  a  pour  centre  tantôt  Yacromion,  tantôt  l’angle  spi¬ 
nal  de  l’omoplate,  suivant  que  le  faisceau  correspondant  du  trapèze  se 
contracte  ou  non. 

Lorsque  le  scapulum  tourne  autour  de  son  angle  acromial,  les  muscles 
rhomboïde  et  angulaire  de  l’omoplate  entrent  en  action,  tandis  que 
c’est  le  grand  dentelé  qui  agit,  si  l’angle  spinal  sert  de  point  fixe. 

L’angle  inférieur  de  l’os  décrit  alors  un  arc  de  cercle  qui  le  rapproche 
de  la  colonne  vertébrale  dans  le  premier  cas  et  l’en  éloigne  dans  le 
second. 

II.  Mouvements  du  bras.  —  1“  Élévation.  —  C’est  là  un  acte  complexe 
qui  nécessite  l’intervention  aussi  bien  du  bras  que  de  l’épaule. 

A  partir  du  moment  du  repos  jusqu’à  l’élévation  à  angle  droit,  tout  le 
mouvement  sé  passe  dans  l’articulation  scapulo-humérale.  Les  muscles 
qui  concourent  à  ce  premier  temps  de  l’élévation  sont  le  deltoïde  et  le 
sus-épineux,  à  quoi  il  faut  ajouter  le  grand  dentelé.  L’action  de  ce  der¬ 
nier  muscle  consiste  à  maintenir  l’omoplate  fixe  et  à  empêcher  la  sub¬ 
luxation  de  l’humérus  en  bas  que  la  contraction  isolée  du  deltoïde  tend 
à  produire,  comme  Duchenne  (de  Boulogne)  l’a  montré  expérimentale¬ 
ment. 

La  rencontre  de  la  tête  et  de  la  voûte  coraco-acromiale  établit  la  limite 
de  l’élévation  de  l’humérus,  et  l’omoplate  en  tournant  autour  de  son 
axe  antéro-postérieur  fait  le  reste.  Grâce  à  ce  mouvement,  le  bras  peut 
être  élevé  jusqu’à  la  rencontre  de  la  partie  latérale  de  la  tête  au  delà  de 
la  verticale.  Pendant  que  le  mouvement  de  rotation  de  l’omoplate  s’ef¬ 
fectue,  on  voit  manifestement  l’angle  acromial  s’élever  de  plus  en  plus, 
en  même  temps  que  l’angle  inférieur  décrit  un  arc  de  cercle  de  dedans 
en  dehors,  qui  l’éloigne  de  la  ligne  médiane.  Quant  à  l’angle  interne  de 
cet  os,  il  reste  immobile  et  sert  de  centre  du  mouvement. 

Pour  faire  tourner  l’omoplate  de  la  sorte  et  élever  l’acromion,  c’est  la 
portion  inférieure  ou  radiée  du  grand  dentelé  qui  se  contracte.  A  celle-ci 
s’ajoute,  dans  les  mouvements  de  force,  la  portion  acromiale  du  trapèze. 

Tant  que  l’élévation  du  bras  ne  dépasse  pas  un  angle  de  45  degrés,  les 
trois  portions  du  deltoïde  se  contractent  à  la  fois  ;  au  delà,  le  faisceau 
postérieur  de  ce  muscle  se  relâche,  sans  quoi  il  serait  antagoniste  des 
deux  autres. 

Il  va  sans  dire  que  dans  l’élévation  oblique  soit  en  avant,  soit  en  ar- 


ÉPAULE  (physiologie).  —  moüvemekts  du  bras.  449 

nère,  le  faisceau  correspondant  du  deltoïde  se  contracte  pendant  que  le 
faisceau  opposé  se  relâche. 

Le  muscle  sus-épineux,  qui  est  un  élévateur  au  même  titre  que  le  del¬ 
toïde,  sert  surtout  à  appliquer  l’humérus  contre  la  cavité  glénoïde,  et  con¬ 
trairement  à  ce  muscle,  s’oppose,  à  la  façon  d’un  ligament  actif,  à  tout 
déplacement  de  la  tête  en  bas. 

2°  Abaissement  du  bras.  —  L’abaissement  oblique  en  avant  et  en  de¬ 
dans  du  bras,  préalablement  élevé,  est  produit  par  le  grand  pectoral. 
Jusqu’à  l’horizontale,  le  tiers  supérieur  du  muscle  agit  principalement, 
tandis  qu’au  delà  sa  portion  inférieure  se  contracte  seule,  pendant  que 
la  supérieure  se  relâche. 

L’abaissement  oblique  en  arrière  et  en  dedans  débute  par  la  contrac¬ 
tion  du  tiers  postérieur  du  deltoïde,  après  quoi,  le  grand  rond  avec  ses 
congénères  le  rhomboïde  et  le  grand  dorsal,  achèvent  le  mouvement.  Il  est 
à  noter  qu’à  partir  du  moment  où  le  bras  forme  avec  le  tronc  un  angle 
de  45  degrés,  le  tiers  postérieur  du  deltoïde  cesse  de  se  contracter,  et 
les  autres  muscles  déjà  cités  achèvent  d’attirer  le  bras  en  bas  et  en  arrière. 

L’abaissement  direct  du  bras  est  produit  par  tous  les  muscles  men¬ 
tionnés  précédemment,  à  l’exception  du  tiers  supérieur  du  grand  pec¬ 
toral.  Il  faut  y  ajouter  toutefois  la  longue  portion  du  triceps,  qui  agit  bien 
moins  comme  un  abaisseur  que  comme  agent  fixateur  de  la  tête  contre 
la  cavité  glénoïde.  Dans  l’abaissement  pur  et  simple,  c’est-à-dire  sans 
effort,  la  pesanteur  suffit  pour  faire  tomber  le  bras;  mais  toutes  les 
fois  que  l’abaissement  rencontre  de  la  résistance  ou  exige  de  la  force, 
les  muscles  précédemment  indiqués  entrent  en  action  soit  ensemble,  soit 
isolément. 

Le  grand  rond,  outre  son  action  sur  l’humérus,  concourt  à  élever  puis¬ 
samment  le  moignon  de  l’épaule  ;  aussi,  lorsqu’on  veut  soulever  vigou¬ 
reusement  un  poids  avec  l’épaule,  on  commence  par  rapprocher  le  bras 
du  tronc. 

5“  Mouvements  de  rotation  du  bras.  —  Les  muscles  sous-épineux  et 
petit  rond  réunis  font  tourner  le  bras  en  dehors  sur  son  axe  longitudinal. 
Le  muscle  grand  rond  n’a  qu’une  action  rotatrice  très-limitée,  en  suppo¬ 
sant  même  qu’elle  existe  réellement. 

Le  muscle  sous-scapulaire  fait  tourner  l’humérus  sur  son  axe  longitu¬ 
dinal  de  dehors  en  dedans. 

On  verra  ailleurs  {voy.  .Main  et  Avant-bras)  comment  ces  mouvements 
de  rotation  du  bras  sur  son  axe  longitudinal  concourent  à  compléter  la 
pronation  et  la  supination,  qui  seraient  très-bornées  sans  cela.  Bien  que 
la  longue  portion  du  biceps  s’insère  à  la  partie  supérieure  de  la  cavité 
glénoïde,  elle  n’exerce  aucune  action  sur  le  scapulum  et  sert  seulement 
de  ligament  actif  pour  maintenir  en  place  la  tête  humérale,  lors  de  la 
flexion  avec  effort,  de  l’avant-bras  sur  le  bras. 


XIII.  -  29 


450 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 


PATHOLOGIE. 

Luxations.  —  La  fréquence  des  luxations  scapulo-humérales  et  la 
difficulté  parfois  grande  de  leur  réduction,  expliquent  suffisamment  l’in¬ 
térêt  que  les  chirurgiens  de  tous  les  temps  ont  eu  à  les  bien  connaître. 
Des  travaux  nombreux  et  d’un  mérite  incontestable  ont  paru  sur  ce  sujet  ; 
malgré  cela,  bien  des  points  réclamaient  encore,  ainsi  que  nous  le  verrons, 
de  nouvelles  recherches. 

Désireux  de  rendre  l’étude  de  ces  luxations  la  plus  profitable  possible  , 
nous  n’avons  négligé  aucune  source  d’enseignement.  A  cet  effet,  nous 
avons  entrepris  une  série  d’expérimentations  cadavériques  auxquelles 
nous  sommes  redevables  d’une  connaissance  plus  approfondie  des  dispo¬ 
sitions  anatomo-pathologiques  et  du  mode  de  production  de  chaque  variété 
en  particulier. 

Les  dessins  que  nous  reproduisons  ont  été  exécutés  sur  nos  prépara¬ 
tions  avec  la  plus  scrupuleuse  exactitude.  Nous  espérons  qu’ils  contribue¬ 
ront  à  rendre  les  descriptions  plus  claires. 

Variétés.  — ■  La  disposition  bien  connue  (voy.  Anatomie)  de  la  voûte 
coraco-acromiale  en  haut,  et  l’insertion  de  la  longue  portion  du  biceps  au 
bas  de  la  cavité  glénoïde,  font  que  tous  les  déplacements  de  l’humérus 
peuvent  être  réduits  en  définitive  à  deux  principaux  :  «  laluxation  en  avant 
et  celle  en  arrière.  » 

Pour  que  la  luxation  s’effectue,  aussi  bien  en  avant  qu’en  arrière,  il 
faut  qu’au  préalable,  la  tête  s’abaisse  d’une  certaine  quantité  au-dessous 
de  la  voûte,  afin  d’éluder  l’obstacle  que  lui  oppose  l’apophyse  coracoïde 
et  l’acromion. 

Tantôt,  et  le  plus  souvent,  la  tête  descend  de  un  à  deux  centimètres 
seulement,  placée  qu’elle  est  immédiatement  sous  le  bec  coracoïdien  ; 
tantôt,  elle  se  trouve  abaissée  jusque  sous  la  cavité  glénoïde.  Dans  une 
seule  variété,  d’ailleurs  fort  rare,  la  tête  remonte  an-dessus  de  son  ni¬ 
veau  normal.  Eu  égard  à  la  hauteur,  on  peut  donc  admettre  trois  espèces 
de  luxations  en  avant  qui  sont  :  la  moyenne.,  l’inférieure  et  la  supérieure. 
La  moyenne,  qui  est  la  plus  commune  de  toutes,  offre  elle-même  divers 
degrés,  fondés  sur  le  plus  ou  moins  de  translation  de  la  tête  en  dedans,, 
et  dont  les  principaux  sont  au  nombre  de  quatre  : 

1®’  degré  :  Tête  très-peu  engagée  sous  la  coracoïde; 

2'  degré  ;  Tête  sous  la  coracoïde  ; 

5®  degré  :  Tête  en  dedans  de  la  coracoïde  ; 

4'  degré  :  Tête  sous  la  clavicule. 

La  luxation  en  arrière  n’offre  que  deux  degrés,  dont  l’un  est  même 
rare  et  s’accompagne  souvent  de  fractures.  Ces  deux  degrés  sont  : 

1'”'  degré  :  Tête  sous  l’acromion  ; 

2'  degré  :  Tête  sous  l’épine  de  l’omoplate. 

Voici  sous  forme  de  tableau,  les  diverses  variétés  de  luxations  de  l’é¬ 
paule  telles  que  nous  allons  les  passer  en  revue. 


ÉPAULE  (i’athologie).  —  luxation  médio-glénoïdienne. 


451 


PAR  RAPPORT  A  l’rLÉTATIOX  DE  LA  TÊTE 

I.  Médio-glénoïdienne. 


II.  Sous-glénoïdienne. 
III.  Sus-glénoïdienne. 

En  ARRIÈRE . . . .  . 


VARIÉTÉS  DES  IDXATIOXS 
.R  RAPPORT  A  l’ÉLOIGXEMEXT  DE  LA  TÊTE 

il.  Extra-coracoïdienne. 

2.  Sous-coracoïdienno. 

3.  Intra-coracoïdienne. 

4.  Sous-claviculaire, 

1 1.  Scapulaire. 

I  2.  Costale. 

(1.  Sous-acromiale. 

I  2.  Sous-épineuse. 


Luxations  en  avant.  —  I.  Xiuxation  mêdio-gléuoïdienne.  —  Nous 
allons  étudier  les  quatre  variétés  que  nous  avons  distinguées  dans  cette 
luxation  en  passant  successivement  en  revue  les  données  expérimentales, 
l’anatomie  pathologique,  les  signes,  les  causes  et  le  traitement  propres  à 
chacune  d’elles. 

Données  expérimentales  et  anatomie  pathologique.  — a.  Luxation  extra- 
coracoïdienne. —  Voici  quelles  sont  les  données  fournies  par  Y  expérimen¬ 
tation  au  sujet  du  premier  degré  de  la  luxation  médio-glénoïdienne.  » 

Si  après  avoir  fixé  l’omoplate  on  imprime  au  bras,  rapproché  du  tronc, 
un  fort  mouvement  de  torsion  en  dehors,  on  voit  se  tendre  outre  mesure 
le  segment  antérieur  delà  capsule,  ainsi  que  le  muscle  sous-scapulaire. 
Les  tendons  du  grand  pectoral,  grand  rond  et  grand  dorsal  s’enroulent 
autour  du  col  chirurgical  de  l’humérus  et  dans  cet  état  il  suffit  de  pousser 
violemment  la  tête  en  avant  pour  effectuer  la  luxation. 

En  e.xaminant  ce  qui  s’est  passé  dans  cette  expérience,  on  trouve  que 
par  suite  de  la  forte  rotation  de  l’humérus,  la  tête  ne  regarde  plus  en  de¬ 
dans  mais  en  avant,  et  la  capsule  largement  rompue,  laisse  celle-ci  entiè¬ 
rement  à  nu.  Le  côté  postérieur  du  col  anatomique,  devenu  interne,  se 
trouve  à  cheval  sur  le  rebord  glénoïdien  antérieur  et  la  grosse  tubérosité 
touche  la  partie  attenante  du  plateau  articulaire.  Le  muscle  sous-scapu¬ 
laire  tendu  autour  de  la  tête  sous  forme  de  sangle  est  en  partie  déchiré. 
Le  bec  coracoïdien  recouvre  le  quart  à  peu  près  de  la  tête,  dont  les  trois 
autres  quarts  restent  en  dehors  de  cette  apophyse.  Le  faisceau  du  coraco- 
brachial  et  de  la  courte  portion  du  biceps  placé  en  dedans,  recouvre  la 
tête  en  partie.  Les  vaisseaux  et  les  nerfs  axillaires  situés  à  distance  échap¬ 
pent  à  toute  pression. 

Ce  qui  rend  le  déplacement  permanent,  c’est  principalement  l’accro- 
chement  de  la  tête  contre  le  rebord  glénoïdien,  accessoirement,  la  ten¬ 
sion  de  la  portion  restante  de  la  capsule,  et  l’enroulement  des  muscles 
autour  du  col  huméral. 

L’anatomie  pathologique  confirme,  comme  nous  allons  le  voir,  les  don¬ 
nées  qui  précèdent. 

A.  Cooper  donne  une  observation  qui,  malheureusement ,  prouve  peu 
de  choses.  Il  s’agit  en  effet  d’une  vieille  luxation  disséquée  par  Patey,  sur 
un  cadavre  destiné  aux  dissections,  à  l’hôpital  Saint-Thomas  de  Londres. 
La  tête  humérale  était  située  sous  l’apophyse  coracoïde  qui  formait  la 


452  ÉPAULE  (pathologie).  -  LUXATION  MÉDIO-GLÉNOÏDIENNE. 

partie  supérieure  de  la  nouvelle  cavité  glénoïde  creusée  elle-même  sur  la 
partie  antérieure  du  col  de  l’omoplate.  Rien  ne  démontre,  on  le  voit, 
qu’il  s’agissait  là  d’une  luxation  plutôt  incomplète  que  complète. 

South  (1851),  en  disséquant  une  luxation  qu’il  avait  réduite  quelques 
jours  auparavant  et  qui  fut  reproduite  sur  le  cadavre,  trouva  la  tête  portée 
en  avant  sous  le  bord  antérieur  de  la  cavité  glénoïde.  La  capsule,  rompue 
partiellement,  ne  laissait  passer  qu’une  petite  portion  de  la  tête  humérale. 
Ajoutons  qu’il  y  avait  une  fracture  double  de  l’apophyse  coracoïde  et 
d’autres  fractures  intéressant  l’acromion  et  la  clavicule. 

Malgaigne,  de  son  côté,  fit  l’autopsie  d’un  sujet,  mort  le  quatrième  jour 
de  l’accident.  Après  avoir  reproduit  la  luxation  il  constata,  une  déchirure 
capsulaire  de  quatre  centimètres  et  demi  ;  un  arrachement  du  rebord  glé- 
noïdien  antérieur  sur  une  hauteur  de  deux  centimètres  et  demi;  la  rupture 
du  sous-scapulaire  près  de  son  tendon  huméral,  et  enfin  l’arrachement  du 
trochiter  avec  les  trois  tendons  qui  s’y  insèrent. 

Dans  une  observation  de  Pinel  il  est  dit  que  :  «  La  tête  de  l’humérus, 
partiellement  déplacée,  se  trouvait  sur  la  partie  inférieure  du  rebord 
interne  et  contre  le  bord  externe  du  bec  coracoïde.  La  capsule  n’avait  été 
légèrement  déchirée  que  dans  un  endroit.  Enfin  il  y  avait  une  fracture 
de  l’acromion  et  une  luxation  acromiale  de  la  clavicule.  »  (Pinel,  1788.) 

Toutes  incomplètes  qu’elles  sont,  ces  autopsies,  d’accord  avec  l’expéri¬ 
mentation,  servent  à  démontrer  :  1“  que  dans  cette  luxation  la  tête  arc- 
boute  par  son  col  contre  le  rebord  glénoidien  antérieur  (obs.  de  South  et 
de  Pinel)  ;  2“  que  le  muscle  sous-scapulaire  se  déchire  partiellement 
(obs.  Malgaigne). 

Le  seul  contraste  qui  existe  entre  l’expérimentation  et  les  résultats 
fournis  par  les  autopsies,  c’est  que,  dans  le  premier  cas,  la  luxation 
semble  matériellement  impossible,  sans  une  expulsion  totale  de  la  tête , 
tandis  que  nous  avons  vu  South,  Malgaigne  et  Pinel  parler  de  déplace¬ 
ments  se  faisant  dans  l’intérieur  de  la  capsule  incomplètement  déchirée. 

Un  point  qu’il  faut  noter  toutefois,  c’est  que,  en  même  temps  que  la  luxa¬ 
tion,  il  y  avait  ici  des  fractures  articulaires  permettant  au  besoin  d’expli¬ 
quer  le  désaccord  en  question.  Du  reste,  ce  qu’il  faudrait  savoir,  avant 
tout,  c’est  la  parfaite  authenticité  des  luxations  incomplètes,  ce  dont  il 
est  permis  au  moins  de  douter,  lorsque  nous  voyons  les  auteurs  du  Com¬ 
pendium  de  chirurgie  (p.  393)  juger  la  pièce  de  Malgaigne,  qu’ils  ont  été 
à  même  d’examiner  àla  Société  de  chirurgie,  comme  un  exemple  de  luxa¬ 
tion  véritablement  complète. 

Sur  de  vieilles  luxations  de  l’humérus  il  n’est  pas  rare  de  rencontrer 
des  sillons  qui  divisent  la  tête  verticalement  en  deux  parties.  Ces  sillons 
ont  été  considérés  à  tort  comme  un  indice  de  luxations  incomplètes, 
attendu  que  suivant  la  judicieuse  remarque  de  Sédillot  les  mouvements 
conservés  dans  les  vieilles  luxations  suffisent  pour  ramener  les  os  à  des 
contacts  très-étendus,  faisant  faussement  croire  alors  à  des  déplacements 
primitivement  incomplets. 

^En  résumé,  sans  vouloir  nier  complètement  la  luxation  incomplète  de 


ÉPAULE  (pathologie).  —  ldxation  médio-glénoïdiehne.  453 


l’humérus,  telle  quelle  a  été  comprise  par  Malgaigne  ,  nous  pensons  que 
de  nouveaux  faits  sont  indispensables  pour  prouver  la  réalité  d’un  genre 
de  déplacement  que  l’expérimentation  démontre  comme  à  peu  près  im- 


p.  Luxation  sous-coracoïdienne. — Pour  transformer  expérimentalement 
la  variété  précédente  dans  celle-ci  il  suffit  de  diminuer  la  rotation  de  l’hu¬ 
mérus  en  dehors,  en  même  temps  qu’on  repousse  la  tête  en  bas  et  en  de¬ 
dans  sous  la  coracoïde. 

L’examen  des  parties  nous  montre  la  capsule  largement  déchirée 
(fig.  74),  surtout  à  sa  partie  inférieure.  Il  en  est  de  même  du  muscle 
sous-scapulaire  qui  est 
constamment  intéressé 
et  avec  lui  un  ou  plu¬ 
sieurs  des  autres 
des  capsulaires,  à  sa¬ 
voir  ;  le  sus -épineux, 
le  sous- épineux  ou  le 
petit  rond.  La  torsion 
de  l’humérus  en  de¬ 
hors  est  moindre 
tête  à  cheval 
son  col,  tantôt  par 
grosse  tubérosité 
le  bord  glénoïdier 
térieur,  se  trouve 
garder  plus  en 
bien  que 
avant.  Cette 
en  outre  abaissée 
çon  à  passer  complet 
ment  sous  la  coracoïde, 
qui  laisse  une  moitié 
en  dehors  et  l’autre  en 
dedans  d’elle.  Il  résulte 
de  ces  nouveaux 
ports  que  le  coudi 
carte  davantage  du 
■  tronc  en  même  temps  p, 

qu’il  se  porte  légère-  c&\ 

ment  en  arrière.  Le 

faisceau  commun  au  coraco-brachial  et  à  la  courte  portion  du  biceps  se 
trouve  à  cheval  sur  la  tête.  Les  vaisseaux  et  nerfs  axillaires  situés  à  une 
certaine  distance  en  dedans  et  non  en  avant,  comme  on  l’a  écrit  par¬ 
tout,  échappent  à  toute  pression.  Le  tendon  de  la  longue  portion  du  bi¬ 
ceps  forme  un  coude  en  dedans,  mais  on  ne  le  rencontre  presque  ja¬ 
mais  luxé. 


454  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  médio-glésoïdiense. 

L'anatomie  fathologique  est  en  parfait  accord  avec  les  résultats  fournis 
par  l’expérimentation  directe. 

Dans  une  autopsie  faite  par  Malgaigne,  la  tête,  y  est-il  dit,  était  située 
directement  sous  l’apophyse  coracoïde,  qui  tombait  à  peu  près  juste  à  son 
milieu.  Le  col  anatomique  de  l’humérus  était  retenu  sur  le  bord  glénoï- 
dien  et  le  trochiter  appliqué  sur  la  partie  interne  et  inférieure  de  la  cavité 
glénoïde.  D’autres  dissections,  faites  sur  des  luxations  soit  récentes,  soit 
anciennes,  par  divers  chirurgiens,  démontrent  qu’à  part  quelques  nuances, 
la  tête  occupe  toujours  la  même  position  que  précédemment.  Relative¬ 
ment  à  la  déchirure  capsulaire  et  à  celle  des  muscles,  il  est  dit  que  la  cap¬ 
sule  était  arrachée  de  ses  insertions  à  l’humérus  en  avant,  depuis  le  ten¬ 
don  du  sous-scapulaire  jusqu’à  celui  du  triceps,  c’est-à-dire  que  la  déchi¬ 
rure  était  étendue  et  relativement  basse  comme  dans  nos  expériences. 

Le  muscle  sous-scapulaire  a  toujours  été  trouvé  entamé  surtout  en  bas. 
Parfois  le  sus-épineux,  et  avec  lui  le  trochiter,  ont  été  arrachés. 
La  courte  portion  du  biceps  et  le  coraco-brachial  sont  placés  en  avant 
avec  les  vaisseaux  et  les  nerfs  toujours  en  dedans.  Qu’il  soit  dit  en  effet, 
une  fois  pour  toutes,  que  dans  aucune  des  quatre  variétés  de  luxation 
médio-glénoidienne  les  vaisseaux  ne  se  placent  au-devant  de  la  tête.  Si  l’on 
a  écrit  le  contraire,  c'est  qu’on  a  oublié  sans  doute  que  l’exploration  se 
faisant  par  l’aisselle,  on  est  tout  naturellement  conduit  sur  le  côté  inféror 
interne  de  la  tête. 

On  a  noté  parfois  la  déchirure  de  la  coulisse  bicipitale  avec  déplace¬ 
ment  du  tendon.  Pour  ce  qui  est  de  la  rotation  en  dehors  de  l’humérus, 
Malgaigne,  en  parlant  des  symptômes,  dit  que  généralement  l’humérus 
subit  une  rotation  en  dehors  telle  que  l’épitrochlée  regarde  en  dedans  et 
en  avant,  et  l’épicondyle  en  dehors  et  en  arrière. 

y.  Ldxatiox  intba-coracoïdiekne. — Pour  transformer  expérimentalement 
la  variété  sous-coracoïdienne  dans  celle-ci,  il  suffit  d’imprimer  un  mou¬ 
vement  qui  abaisse  la  tête,  la  porte  plus  en  dedans  et  ramène  le  bras 
dans  une  position  moyenne  ou  même  dans  une  légère  rotation  en  dedans. 
Dans  cette  variété  (fig.  75),  la  tête  regarde  franchement  en  dedans,  et  de 
plus,  elle  appuie  contre  les  côtes  correspondantes.  Ce  dernier  rapport, 
à  peine  signalé  dans  quelques  autopsies,  est  constant,  et  c’est  à  tort  que 
Richet  a  cru  voir  là  une  variété  de  luxation  à  part,  appelée  par  lui  sus- 
costale  (1862). 

Par  suite  de  la  plus  grande  adduction  de  l’os,  le  coude  se  trouve  rap¬ 
proché  du  tronc  et  la  légère  torsion  en  dedans  de  l’humérus  ramène 
l’épitrochlée  dans  une  position  à  peu  près  normale. 

Le  muscle  sous-scapulaire  qui  est  toujours  intéressé,  se  trouve  moins 
tendu  par  suite  de  la  rotation  de  l’os  en  dedans,  et  de  l’adduction  de  la 
tête.  Pour  les  mêmes  raisons,  les  tendons  du  grand  pectoral,  du  grand 
rond  et  du  grand  dorsal,  s’enroulent  moins  autour  de  l’os.  La  tête,  dans 
ctte  variété,  n’appuie  plus  sur  le  rebord  glénoïdien,  mais  sur  le  col  de 
'omoplate,  et  la  grosse  tubérosité  seule  affecte  des  rapports  avec  la  lèvre 
antérieure  de  la  cavité  glénoïde. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  médio-glénoidienne.  455 


t  petit  rond,  sont  sou- 
du  coraco- 


Les  muscles  sus-épir 
vent  arrachés  et  avec  eux 
brachial  et  du  biceps 
placé  en  avant,  ré¬ 
pond  au  col  anato¬ 
mique  ,  et  les  deux 
pectoraux  recouvrent 
la  tête  de  façon  à  la 
rendre  peu  accessible 
au  toucher. 

Le  bec  coracoïdien, 
en  rapport  avec  le  col 
anatomique ,  laisse  la 
totalité  de  la  tête 
dedans.  On 
souvent  le  tendon  de  la 
longue  portion  du  bi¬ 
ceps  luxé  et  parfois 
rompu.  La  capsule  est 
aux  trois  quarts  déchi¬ 
rée  sinon  davantage. 

Enfin  les  vaisseaux  et 
les  nerfs  toujours  pla¬ 
cés  en  dedans,  peuvent 
être  pris  entre  la  tête 
et  les  côtes  et  subir 
ainsi  une  pression  dan-  c 

gereuse,  mais  nous  re¬ 
viendrons  plus  loin  en  l’huméras.  -  c,  Apophyse  coracoïde.  - 

, ‘  ,  .  E,  Grand  pectoral.  —  H,  Epitrochlée.  — h,  K',  Petit  pectoral 

detail,  sur  ce  dernier  coupé.  —  P,  Deltoïde  renversé, 

rapport ,  qui  semble 

avoir  échappé  jusqu’ici  à  l’attention  des  cliniciens. 

V anatomie  'pathologique  est,  comme  on  va  le  voir,  en  parfait  accord 
avec  l’e.xpérimentation. 

Malgaigne  a  disséqué  dix  luxations  intracoracoïdiennes,  dont  trois  ré¬ 
centes  et  trois  anciennes.  Dupuytren,  Lallemand  (1840),  Robert  (1845), 
Denonvilliers,  etc.,  ont  publié  chacun  des  autopsies  de  luxations  récentes. 
De  tous  ces  faits,  il  résulte  que  les  caractères  anatomo-pathologiques  de 
■ces  luxations  sont  : 

Rupture  presque  totale  de  la  capsule  ; 

Arrachement  à  peu  près  constant  de  la  grosse  tubérosité,  avec  déchirure 
du  sous-scapulaire  et  souvent  lésion  dos  autres  muscles  trochantériens. 

Engrenage  des  os,  par  pénétration  du  rebord  glénoïdien  dans  la  ligne 
de  séparation  du  trochiter  arraché,  ou  bien,  point  d’arrêt  de  la  grosse 
tubérosité,  contre  la  lèvre  antérieure  de  la  cavité  glénoïde. 

Situation  de  la  tête  (les  tubérosités  exceptées),  en  dedans  de  la  cora- 


456  ÉPAULE  (pathologie).  -  LUXATION  MÉDIO-GLÉMOÏDIENNE. 


coïdé,  appuyée  qu’elle  est,  non  plus  sur  le  rebord  glénoïdien,  mais  con¬ 
tre  le  col  de  l’omoplate.  Verneuil  a  signalé  dans  un  cas,  le  contact  de  la 
tête  avec  les  côtes,  et  il  y  avait  même  une  bourse  muqueuse  intermé¬ 
diaire,  destinée  à  en  faciliter  le  glissement  (cité  par  Malgaigne) .  Excep¬ 
tionnellement,  écrasement  de  la  tête  humérale,  par  suite  d’un  coup  vio¬ 
lent  porté  sur  l’épaule. 

Le  faisceau  coraco-bicipital  est  porté  en  dehors,  et  le  tendon  de  la  lon¬ 
gue  portion  du  biceps,  souvent  luxé.  Roser  a  rencontré  une  fois  le  faisceau 
coraco-bicipital  placé  derrière  la  tête,  recouverte  seulement  par  le  grand 
pectoral  et  la  peau  (1846). 

Enfin,  les  vaisseaux  situés  au  côté  inféro-interne  de  la  tête,  peuvent, 
par  exception,  passer  derrière,  comme  sur  une  pièce  de  Nélaton,  dissé¬ 
quée  par  Reynaut  (musée  Dupuytren,  n“  750  bis). 

S.  Luxaiton  SOÜS-CLAVICUL.4IRE. — Les  lésions  produites  expérimentalement, 
tant  de  la  capsule  que  des  muscles,  sont  à  peu  près  les  mêmes  que  dans 
la  variété  précédente, 
avec  cette  différence, 
toutefois,  que  le  mus¬ 
cle  sous-scapulaire  se 
trouve  largement  dé¬ 
collé  du  scapulum  et 
souvent  broyé  par  la 
tête  qui  s’enfonce  pro¬ 
fondément  dans  l’ais¬ 
selle  (fig.  76). 

La  capsule  déchirée, 
aussi  bien  en  avant 
qu’en  arrière,  ne  tient 
plus  que  par  des  lam¬ 
beaux. 

Les  muscles  trochan- 
tériens  sont  intéressés, 
et  la  grosse  tubérosité 
souvent  arrachée. 

L’extrémité  humé¬ 
rale  tout  entière  (tête 
et  tubérosités)  a  passé 
en  dedans  de  la  cora¬ 
coïde,  et  de  plus  elle 
s’élève  souvent  jusque 

Fis.  76.  —  Luxation  sous-claviculaire.  —  C,  Apophyse  coracoïde.  Pj'®® 

—  D,  Courte  portion  du  biceps.  —  E,  Tendon  du  grand  pec-  rieure  de  la  claviCule. 
Joral.  —  K,  K',  Petit  pectoral  divisé.  —  P,  Deltoïde  renversé. 

S,  Longue  portion  du  biceps  rompue.  —  T,  Vaisseaux  et  nerfs 
axillaires. 


jPoCHET. 


La  tête  tournée  en 
arrière  et  en  dedans, 
appuie  d’une  part,  sur 
le  côté  interne  de  la  coracoïde,  et  d’autre  part,  sur  les  côtes.  Les  vais- 


ÉPAULE  (Pathologie).  —  ldxation'  médio-gléîioïdibkne.  457 
seaux  et  les  nerfs,  avoisinent  la  tête  en  dedans  et  en  arrière,  et  peuvent 
être  comprimés  par  celle-ci  contre  les  côtes  correspondantes. 

Le  bras,  dans  la  rotation  en  dedans,  est  très-rapproché,  et  pour  ainsi 
dire  collé  au  tronc. 

Uanatomie  pathologique  confirme  pleinement  ces  données,  et  de  plus, 
elle  nous  apprend  que  la  tête  peut  en  se  luxant,  comme  dans  un  cas  de 
Macnamara,  passer  au-dessus  du  sous-scapulaire. 

Sur  une  pièce  du  musée  Dupuytren  (n“  750)  qui,  malheureusement, 
manque  de  désignation,  la  rotation  de  l’humérus  est  tellement  exagé¬ 
rée,  que  la  tête  regarde  en  dehors  et  les  tubérosités  en  dedans.  Je  soup¬ 
çonne  que,  sur  le  vivant,  la  rotation  devait  être  moindre;  à  moins  qu’on 
ne  préfère  expliquer  celle-ci  par  l’ancienneté  de  la  luxation.  Une  produc¬ 
tion  osseuse,  sous  forme  d’arc,  dans  la  néarthrose,  et  la  disparition  à 
peu  près  complète  de  l’ancienne  cavité  glénoïde,  témoignent  en  effet  assez 
que  cette  luxation  est  d’une  date  ancienne,  et  l’on  comprend  dès  lors 
que  des  déplacements  consécutifs  aient  eu  pour  résultat  d’altérer  les  rap¬ 
ports  primitifs  des  os. 

Causes.  —  Nous  les  rechercherons  dans  chaque  variété. 

Luxation  extra-coracoïdienne.  —  Les  fractures  qui  accompagnent  cette 
luxation  et  qui  ont  pour  siège  la  cavité  glénoïde,  l’acromion,  la  clavicule 
ou  l’apophyse  coracoïde,  témoignent  suffisamment  qu’un  coup  ou  une 
chute  sur  l'épaule  en  sont  souvent  la  cause.  Chopart,  A.  Cooper  et 
Dupuytren,  citent  chacun  un  cas  où  la  luxation  avait  été  produite  par 
une  chute  sur  une  l’épaule. 

Une  autre  cause,  assez  souvent  notée,  est  la  contraction  violente  des 
muscles;  A.  Dugés  (1831)  dit  avoir  observé  une  sub-luxation  chez  un 
jeune  homme  qui,  étant  accroupi,  voulut  avec  le  bras  étendu  de  côté  et  dans 
toute  sa  longueur,  soulever  un  vase  très-pesant.  Malgaigne  en  a  observé 
une  survenue,  chez  une  femme,  pendant  un  accès  de  convulsions.  Smith 
fait  mention  d’une  double  luxation  chez  une  femme  éclamptique,  et  Mal¬ 
gaigne  va  jusqu’à  penser  que  les  luxations  convulsives  rentrent,  pour  la 
plupart  dans  cette  variété. 

Une  dernière  cause,  de  toutes  la  plus  rare,  consiste  en  une  chute  sur 
la  main  ou  le  coude,  le  bras  étant  écarté  du  tronc.  La  malade  de  South 
offrait  une  plaie  pénétrante,  une  fracture  de  l’olécrâne  qui  indiquait  que 
le  coup  avait  porté  sur  le  coude  ;  des  deux  malades  observés  par  Malgaigne 
l’un  était  tombé  sur  la  main  étendue  et  soutenant  le  tronc  à  la  façon  d’un 
arc-boutant  ;  l’autre,  surpris  par  un  éboulement,  fut  projeté  en  avant  les 
deux  bras  étendus,  et  dans  une  très-légère  abduction. 

En  somme,  à  part  quelques  cas  exceptionnels,  la  luxation  extra-cora¬ 
coïdienne  reconnaît  des  causes  directes  et  se  produit  alors  que  le  bras  se 
trouve  rapproché  du  tronc. 

Luxation  soüs-coracoïdienne.  —  D’après  Malgaigne,  cette  luxation  se 
produit  habituellement  dans  une  chute  sur  la  main  ou  le  coude,  le  bras 
étant  écarté  du  tronc.  Rarement  elle  reconnaîtrait,  comme  cause,  un  choc 
ou  une  chute  sur  l’épaule. 


458  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  médio-glékoïpien.ne. 

Dans  certains  cas,  encore  plus  rares,  Télévatiou  forcée  du  bras  a  suffi 
pour  produire  le  déplacement.  Tantôt  il  s’agit  d’un  bras  relevé  brusque¬ 
ment  par  la  tête  d’un  cheval,  que  l’individu  tenait  à  la  bride.  (Gaultier, 
1814,  etPasquier,  1839.)  D’autres  fois,  c’est  une  personne  qui,  étant  à 
terre,  fut  violemment  attirée  par  le  bras,  ou  bien  il  s’agissait  d’un  indi¬ 
vidu  suspendu  par  la  main.  (Malgaigne.) 

Enfin,  on  cite  partout  le  fait  remarquable  de  L.  J.  Sanson,  concernant 
un  portefaix  qui  eut  les  deux  bras  luxés  à  la  fois,  en  recevant  sur  le  dos 
un  sac  de  grain,  pendant  qu’il  avait  le  corps  penché  en  avant  et  les  deux 
mains  appuyées  sur  le  derrière  de  la  voiture.  (Pathol,  méd.-cliir.,  t.  IV.) 

La  contraction  musculaire  seule  a  suffi  pour  provoquer  la  luxation, 
dans  certains  cas  exceptionnels.  Nous  citerons  comme  tels  ;  celui  d’un 
peintre  qui  se  fit  une  luxation  en  peignant  un  plafond  ;  celui  d’un  ma¬ 
lade  couché  et  qui  voulut  porter  le  bras  derrière  sa  tête  pour  saisir  le  ri¬ 
deau  du  litj  cet  autre,  d’un  individu  lançant  un  coup  de  poing  qui  porte 
à  faux;  enfin  le  cas  d’une  femme  qui  se  luxe  le  bras  en  allongeant  le 
membre  pour  donner  un  soufflet. 

Luxation  intra-coracoïdienne.  —  Dupuytren  et  tous  les  auteurs  classi¬ 
ques  avaient  admis,  d’après  J.  L.  Petit,  qu’aucune  luxation  de  l’épaule 
n’était  possible,  sans  qu’au  préalable  le  bras  fût  écarté  du  tronc. 

Malgaigne  s’est  attaché ,  au  contraire,  à  démontrer  que  la  luxation 
intra-coracoïdienne  qui,  pour  lui,  représente  les  deux  tiers  des  luxations 
de  l’épaule  prises  ensemble,  reconnaît,  dans  la  grande  majorité  des 
cas,  comme  cause,  un  choc  direct  ou  une  chute  sur  le  moignon  de 
l’épaule. 

Malgaigne  cite,  il  est  vrai,  deux  luxations  intra-coracoïdiennes  pro¬ 
duites,  l’une  par  une  chute  sur  la  main  écartée  dü  tronc;  l’autre,  en 
élevant  le  bras  pour  lancer  un  coup  de  poing,  mais  il  considère  ces  cas 
comme  exceptionnels. 

D’après  les  faits  que  nous  avons  recueillis,  les  luxations  intra-coracoï¬ 
diennes  de  causes  indirectes,  représentent  près  de  la  moitié  des  cas  ;  et 
tout  dernièrement  encore  j’ai  réduit,  à  l’hôpital  Saint-Louis,  une  luxation 
de  ce  genre,  chez  une  femme  qui  avait  eu  le  bras  fortement  tordu  sans 
coups  ni  chute  d’aucune  espèce. 

Luxation  sous-claviculaire.  —  Cette  variété,  comme  la  précédente,  re¬ 
connaît  aussi  bien  des  causes  directes,  coups  ou  chutes  sur  l’épaule, 
que  des  causes  indirectes,  chute  sur  le  coude  ou  la  main  écartés  du  tronc, 
ou  encore,  élévation  avec  distorsion  du  bras. 

Symptômes,  -r-  Comme  ils  diffèrent  sensiblement  d’une  variété  à 
l’autre,  nous  allons  en  parler  séparément. 

Dans  I’extra-coracoïimenne  la  forme  du  moignon  de  l’épaule  est  parfois 
si  peu  altérée  qu’il  faut  beaucoup  d’attention  pour  ne  pas  méconnaître  la 
luxation.  Dupuytren  insiste  sur  l’absence  de  dépression  sous-acromiale, 
sauf  en  «mère,  et  sur  la  forte  saillie  de  la  tête  en  avant,  au-dessous  et 
en  dehors  de  la  coracoïde.  C’est  également  ce  qui  a  frappé  A.  Cooper, 
A.  Dugès  et  Malgaigne. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  LUXATIOK  MÉDIO-GLÉNOÏDIENNE.  459 

La  main,  portée  du  côté  de  l’aisselle  ne  sent  aucune  saillie,  à  moins 
^ju’on  ne  vienne  à  relever  fortement  le  bras. 

Le  bras  pendant  le  long  du  tronc  en  est  plus  ou  moins  rapproché,  et 
dans  une  forte  rotation  en  de/mrs;  aussi  l’épitrochlée  regarde-t-elle  direc¬ 
tement  en  avant. 

La  mensuration,  faite  comme  nous  le  dirons  plus  loin,  n’indique  aucun 
changement  de  longueur  du  membre,  et  c’est  à  peine  si  l’on  constate  par¬ 
fois  un  allongement  de  quelques  millimètres. 

Si  l’on  a  signalé  dans  quelques  cas  du  raccourcissement,  ce  ne  peut 
■être  que  par  suite  d’une  mensuration  inexacte. 

Les  mouvements  ne  sont  pas  moins  gênés  dans  cette  luxation  que  dans 
les  autres.  Ainsi,  dans  le  cas  de  Malgaigne,  bien  que  la  luxation  datât  de 
sept  mois,  le  malade  ne  pouvait  placer  la  main  sur  l’épaule  saine;  le 
coude  se  portait  en  avant  et  en  arrière  seulement  à  25  centimètres  du 
tronc,  en  dehors  à  30  centimètres  ;  encore  l’omoplate  entrait  pour  plus 
de  la  moitié  dans  ces  divers  mouvements.  L’individu  d’A.  Bonn  (1782), 
•dont  la  luxation  datait  de  quatre  ans,  était  incapable  de  porter  la  main 
au  front  ni  derrière  le  dos,  et  pouvait  mouvoir  seulement  le  coude  en  avant 
et  en  arrière,  assez  pour  jouer  du  violon  qui  lui  faisait  gagner  sa  vie. 

Luxation  sods-coracoïdienne.  —  Dans  cette  variété,  l’aplatissement  du 
moignon  de  l’épaule  est  plus  manifeste,  l’acromion  fait  une  saillie  bien 
plus  accentuée  et  immédiatement  au-dessous  s’observe  une  dépression 
dans  laquelle  le  doigt  peut  être  enfoncé. 

La  tête,  très-légèrement  saillante  à  la  partie  externe  du  creux  sous- 
claviculaire,  est  surtout  facile  à  sentir  par  le  creux  axillaire,  où  on  la  sent, 
parfois,  à  fleur  de  peau,  sans  qu’il  soit  nullement  nécessaire  pour  cela 
d'écarter  le  bras  du  tronc. 

Le  coude  reste  écarté  de  12  à  15  centimètres  et  même  davantage,  et 
ne  peut,  dans  aucun  cas,  être  rapproché  complètement  du  tronc, 

A  la  mensuration,  on  trouve  généralement  un  allongement  qui  varie 
depuis  quelques  millimètres  jusqu’à  1  et  2  centimètres  au  plus.  Le  rac¬ 
courcissement,  signalé  dans  quelques  cas,  en  le  supposant  réel,  ne  peut 
s’expliquer  ici  que  par  un  abaissement  de  l’acromion  résultant  lui-même 
d’une  bascule  de  l’omoplate  autour  de  son  axe  antéro-postérieur.  Du  reste, 
■nous  reviendrons  sur  cette  question  à  propos  du  diagnostic  des  luxations 
de  l’épaule  en  général. 

La  hauteur  de  la  paroi  antérieure  de  l’aisselle  se  trouve  agrandie,  ce 
dont  on  peut  s’assurer  en  tirant  une  ligne  verticale,  depuis  la  clavicule 
jusqu’à  l’angle  de  jonction  du  bras  avec  le  tronc. 

En  déprimant  profondément,  à  l’aide  du  pouce  ou  des  quatre  derniers 
doigts,  la  paroi  pectorale,  on  arrive  à  sentir  la  rondeur  de  la  tête  sur¬ 
montée  du  bec  coracoïdien  qui  laisse  une  moitié  de  celle-ci  en  dehors,  et 
l’autre  en  dedans. 

La  rotation  du  membre  en  dehors,  bien  que  très-prononcée,  est  toute¬ 
fois  moindre  que  dans  la  variété  précédente,  aussi  l’épitrochlée  regarde 
à  la  fois  en  avant  et  en  dedans. 


460  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  médio-glénoidienke. 

Dans  cette  variété,  les  mouvements  du  bras  sont  bornés,  et  il  en  est  ainsi 
même  pour  de  vieilles  luxations. 

Le  malade  exécute  en  effet  assez  bien  les  mouvements  du  bras  en  avant 
et  en  arrière,  mais  la  rotation,  l’abduction  et  la  circumduction  sont  fort 
gênées. 

Dans  un  cas  de  luxation  invétérée,  disséquée  par  Malgaigne,  l’élévation 
et  la  rotation  en  dedans  étaient  impossibles,  même  après  avoir  coupé  tous 
les  muscles.  Hippocrate  avait  déjà  noté  que  les  sujets  peuvent  faire  mou¬ 
voir  une  tarière,  une  scie,  manier  la  hache  et  la  bêche,  mais  à  la  condi¬ 
tion  de  ne  pas  trop  lever  le  coude. 

Luxation  intra-coracoïüienne.  —  L’aplatissement  de  l’épaule,  la  saillie 
de  l’acromion  et  l’enfoncement  sous-acromial,  sont  bien  plus  accentués  ici 
que  dans  la  sous-coracoïdienne.  Habituellement  la  tête,  enfoncée  dans  la 
profondeur  de  l’aisselle,  ne  fait  aucune  saillie  thoracique ,  surtout  chez 
les  personnes  grasses  et  bien  musclées,  et  ne  se  laisse  toucher  que  diffici¬ 
lement  à  travers  les  parties  molles.  Par  l’aisselle  la  tête  ne  peut  être  sentie 
non  plus,  à  moins  d’écarter  le  bras  du  tronc.  Le  bras  est  habituellement 
collé  au  tronc  et  aussi  haut  qu’on  porte  la  main,  on  n’arrive  à  sentir  que 
la  diaphyse.  La  tête,  appliquée  en  effet  contre  les  côtes,  ne  laisse  pas  d’es¬ 
pace  suffisant  pour  que  la  main  qui  explore  puisse  arriver  jusqu’à  elle. 

Dans  la  variété  intra-coracoïdienne  le  bras  se  trouve  placé  en  position 
moyenne  ou  même  dans  une  légère  rotation  en  dedans, ainsi  que  le  prouve 
la  direction  de  l’épitrochlée  qui  regarde  en  arrière.  H  faut  noter  en  effet, 
qu’à  l’état  normal,  lorsque  l’avant-bras  est  demi-fléchi  (posture  que  pren¬ 
nent  volontiers  les  individus  porteurs  d’une  luxation  scapulo-humérale), 
l’épitrochlée  regarde  en  dedans  et  en  arrière  et  qu’il  suffit  d’une  légère 
torsion  du  bras  en  dedans  pour  ramener  cette  saillie  franchement  en 
arrière.  Faute  de  se  rappeler  cette  particularité,  on  pourrait,  eu  égard  à 
l’épitrochlée  complètement  tournée  en  arrière,  croire  à  une  rotation  très- 
forte,  alors  que  celle-ci  est  véritablement  légère. 

La  mensuration  bien  faite  ne  montre  que  fort  peu  de  changement  dans 
la  longueur  du  membre.  Ainsi,  tantôt  et  le  plus  souvent,  on  constate  un 
léger  allongement  de  1  centimètre  ou  même  moins  ;  d’autres  fois,  il  n’y  a 
pas  de  différence  sensible,  et  dans  quelques  cas,  enfin,  on  a  noté  du  rac¬ 
courcissement  pouvant  atteindre  2  ou  3  centimètres,  dû,  comme  nous 
l’avons  exposé  précédemment,  à  l’abaissement  par  bascule  de  l’acromion, 
ainsi  qu’à  l’enfoncement  de  la  tête  dans  la  profondeur  de  l’aisselle.  Comme 
dans  la  variété  précédente,  l’allongement  du  membre  se  caractérise,  en 
outre,  par  l’augmentation  de  hauteur  de  la  paroi  antérieure  de  Faisselle. 

Le  coude,  peu  écarté  du  tronc,  ne  s’éloigne  le  plus  souvent  que  de  8  à 
10  centimètres,  et  l’on  éprouve  beaucoup  de  difficulté  à  l’en  rapprocher 
jusqu’au  contact. 

L’examen  attentif  des  rapports  de  la  tête  avec  la  coracoïde  démontre 
que  les  deux  tiers  de  la  sphère  sont  en  dedans  du  bec  coracoïdien , 
l’autre  tiers  restant  au-dessous  et  en  dehors.  Sur  le  cadavre,  nous 
avons  pu  constater  que  le  sommet  de  cette  apophyse  tombe  juste  au 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  médio-glénoïdienke.  461 
niveau  du  çol  anatomique,  entre  la  tête  et  la  grosse  tubérosité.  Vel¬ 
peau  a  noté  pendant  les  mouvements  communiqués,  une  sorte  de  crépi¬ 
tation,  parfois  très-forte,  que  Malgaigne  a  cherché  à  expliquer  en  l’at¬ 
tribuant  à  la  fracture  ou  mieux  à  l’arrachement  de  la  grosse  tubérosité, 
qu’il  croit  constante  ou  à  peu  près  dans  cette  variété  de  luxation.  Mais 
outre  que  la  complication  de  fracture  du  trochiter  n’est  pas  aussi  com¬ 
mune  que  le  veut  Malgaigne,  il  est  à  noter  que  la  grosse  crépitation  qu’on 
obtient  en  pareils  cas  ne  rappelle  en  rien  la  crépitation  beaucoup  plus 
fine  qu’on  perçoit  dans  les  fractures.  Nous  croyons,  quant  à  nous,  que 
cette  crépitation  est  due  le  plus  habituellement  au  frottement  de  la  tête 
contre  les  parties  osseuses  environnantes,  à  savoir,  le  rebord  glénoïdien, 
la  face  inférieure  de  la  coracoïde  et  surtout  la  paroi  costale. 

Dans  les  cas  récents,  les  mouvements,  soit  spontanés,  soit  communi¬ 
qués,  sont  tout  aussi  gênés  que  dans  les  autres  variétés.  Dans  les  luxa¬ 
tions  anciennes,  les  mouvements  volontaires  jouissent  par  contre  d’une 
plus  grande  liberté.  Malgaigne  dit  avoir  vu  un  vieillard  qui  en  portait  une 
depuis  longues  années,  et  qui,  en  s’exerçant,  était  arrivé  à  pouvoir  bê¬ 
cher,  scier  du  bois,  avancer  la  main  jusqu’auprès  de  l’épaule  opposée, 
et  même,  avec  un  peu  d’aide,  embrasser  cette  épaule.  Malle  en  a  ob¬ 
servé  une  du  bras  droit  chez  un  soldat  russe  qui  la  portait  depuis 
l’âge  de  six  ans;  chez  lui,  les  mouvements  en  avant  et  en  arrière 
étaient  bornés  et  suppléés  par  l’omoplate;  mais  il  jouissait  d’un  mouve¬ 
ment  d’élévation  fort  étendu  qui  lui  permettait  d’exécuter  les  manœuvres 
militaires. 

Sous-clayicdlaire.  —  La  déformation  du  moignon  de  l’épaule  est  la 
même  que  précédemment,  avec  un  degré  d’aplatissement  en  plus.  Même 
impossibilité  de  sentir  la  tête  par  l’aisselle,  alors  même  qu’on  élève  le 
bras  jusqu’à  l’horizontale,  vu  qu’alors  c’est  l’omoplate  qui  exécute  le 
mouvement.  Le  bras  collé  contre  le  tronc,  avec  un  écartement  de  6  à  8 
centimètres  au  plus  pour  le  coude,  ne  permet  pas  aux  doigts  qui  explo¬ 
rent  de  passer  entre  la  diaphyse  humérale  et  les  côtes. 

Le  bras  présente,  suivant  îes  cas,  les  mêmes  différences  d’allongement 
et  de  raccourcissement,  avec  cette  différence  que  le  raccourcissement  est 
plus  constant  que  dans  l’intra-coracoïdienne. 

Sur  le  cadavre,  la  rotation  en  dedans  est  des  plus  prononcées,  et  nous 
avons  dit  précédemment  que  sur  une  pièce  du  musée  Dupuytren  cette  ro¬ 
tation  était  poussée  à  l’extrême. 

Nous  ne  comprenons  donc  qu’avec  peine  l’avis  de  Malgaigne  lorsqu’il 
dit  que  dans  cette  luxation  il  n’y  a  de  rotation  d’aucune  sorte,  ni  en  de¬ 
dans,  ni  en  dehors.  Nous  le  comprenons  d’autant  moins,  que  Malgaigne 
a  noté  une  fois  la  rotation  en  dedans,  et  qu’il  ne  manque  pas  d’ajouter 
que,  dans  la  variété  sous-claviculaire,  les  deux  tubérosités  de  l’humérus 
sont  tournées  en  avant. 

Il  y  a  véritablement  une  erreur  d’appréciation  de  la  part  de  Malgaigne, 
au  sujet  de  ce  signe,  qui  nous  paraît  constant,  au  moins  dans  les  luxa¬ 
tions  récentes. 


462  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  soüs-glénoïdienne. 

La  tête  fait  en  général  une  saillie  prononcée  en  avant,  surtout  chez  les 
sujets  maigres.  Malgaigne  l’a  vue  une  fois  déborder  en  avant  le  niveau  de 
la  clavicule  de  4  centimètres,  et,  dans  un  cas  plus  remarquable,  la  tête, 
écartant  les  faisceaux  musculaires,  n’était  plus  recouverte  que  par  la 
peau.  Il  est  des  cas  toutefois  où  la  tête,  profondément  enfoncée,  ne  fait 
plus  de  saillie,  et  l’on  doit  déprimer  fortement  la  paroi  axillaire  pour  la 
sentir. 

En  examinant  attentivement  les  rapports  de  la  tête,  on  constate  que 
celle-ci  se  trouve  comme  enclavée  dans  une  espèce  de  mortaise  formée, 
en  haut,  par  la  clavicule  ;  en  dedans,  par  les  premières  côtes,  et,  en 
dehors,  par  le  bord  interne  de  l’apophyse  coracoïde. 

Cette  luxation  est  plus  fâcheuse  pour  la  liberté  des  mouvements  que 
toutes  les  autres.  Non  réduite,  elle  abolit  presque  tous  les  mouvements, 
détermine  des  douleurs,  et  chez  un  malade  on  a  noté  même  une  gêne  de 
la  respiration,  comme  si  la  tête  luxée  eût  empêché  le  jeu  des  côtes.  Tou¬ 
tefois  on  pourrait  se  demander  si,  dans  ce  dernier  cas,  il  n’y  avait  quel¬ 
que  fracture  de  côtes  pouvant  expliquer  plus  naturellement  la  dyspnée  en 
question. 

Nous  aurions  à  parler  du  diagnostic,  du  pronostic  et  du  traitement;^ 
mais,  comme  les  deux  premiers  points  ressortent  suffisamment  de  l’étude 
des  symptômes  et  que  nous  aurons,  du  reste,  à  y  revenir  à  propos  du 
diagnostic  des  luxations  de  l’épaule  en  général,  nous  passerons  outre, 
ainsi  que  sur  le  traitement,  qui  se  confond  avec  celui  des  autres  variétés. 

II.  IiUxa,tioji.  sous-glénoïdîenne.  —  Signalée  par  J.  L.  Petit  le 
premier,  la  luxation  sous-glénoïdienne  a  été  le  sujet  de  recherches  ex¬ 
périmentales  de  la  part  de  Malle  (1838)  et  de  Goyrand  (d’Aix)  (1847). 

De  notre  côté,  nous  avons  fait  des  expériences  nouvelles  qui  nous  ont 
conduit  à  distinguer  deux  espèces  bien  distinctes  de  luxations  sous-glénoï- 
diennes,  correspondant  aux  variétés  sous-coracoïdienne  et  intra-coracoï- 
dienne.  Nous  avons  désigné  sous  les  noms  de  scapulaire  et  costale  ces 
deux  espèces  de  luxations  qui,  bien  comprises,  expliqueront  l'erreur  de 
Malgaigne  lorsque  cet  auteur  avance  «  que  la  luxation  sous-glénoïdienne 
n’a  pas  de  type  constant,  mais  qu’elle  offre  autant  de  variétés  qu’il  y  a 
de  cas.  » 

Données  expérimentales,  —  Nous  les  étudierons  successivement  dans 
Tune  et  l’autre  de  ces  deux  variétés. 

Scapulaire.  —  Si,  après  avoir  disséqué  les  muscles,  les  vaisseaux  et  les 
nerfs,  on  élève' fortement  le  bras  en  même  temps  qu’on  fixe  l’omoplate, 
la  tête  humérale  vient  se  montrer  à  nu  dans  l’intervalle  des  muscles  sous- 
scapulaire  et  longue  portion  du  triceps  après  avoir  déchiré  largement  la 
portion  correspondante  de  la  capsule. 

Si  en  ce  moment  on  abandonne  le  bras  à  son  propre  poids,  la  luxation 
se  réduit  la  plupart  du  temps,  ainsi  que  l’a  observé  Goyrand  (1847),  tan- 
vlis  qu’on  rend  le  déplacement  permanent  en  imprimant  au  membre  un 
certain  degré  de  torsion  en  dehors  qui  nous  paraît  jouer  ici,  comme  dans 
la  médio-glénoidienne,  un  rôle  important. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  soos-glénoïdienne.  465 

Dans  cette  expérience,  on  trouve  constamment  le  bord  inférieur  du 
sous-scapulaire  déchiré.  Les  portions  restantes  de  ce  muscle  et  de  la  cap¬ 
sule  se  trouvent  fortement  distendues  et  font  obstacle  à  l’ascension  de  la 
tête  lorsqu’on  essaye  de  rapprocher  le  hras  du  tronc.  Malle,  dans  ses  ex¬ 
périmentations  sur  le  cadavre,  est  arrivé  à  constater  aussi  «  que  ce  qui 
fixe  la  luxation  et  l’empêche  de  se  transformer  en  sous-coracoïdienne, 
c’est  la  tension  de  la  partie  antérieure  de  la  capsule;  »  à  quoi  nous  ajou¬ 
terons  le  muscle  sous-scapulaire,  formant  au-dessus  de  la  tête  une  sangle 
rigide. 

Pour  que  la  tête  reste  fixée  dans  cette  position  anormale,  il  faut  donc  : 
1°  Que  la  rupture  ligamenteuse,  tout  en  étant  suffisante  pour  laisser  pas¬ 
ser  la  tête  en  entier,  se  trouve  limitée  à  la  partie  inférieure  de  la  capsule 
et  du  muscle  sous-scapulaire  ;  2°  que  le  hras  se  trouve  ramené  dans  la 
rotation  en  dehors,  position  qui  se  combine  ici  avec  une  très-forte  dé¬ 
viation  du  bras  en  dehors. 

Dans  cette  variété,  il  n’est  point  nécessaire  que  la  grosse  tubérosité 
ou  les  muscles  qui  s’y  insèrent  soient  arrachés.  La  tête  appuyée  par 
son  col  contre  le  rebord  glénoïdien  regarde  en  dedans  et  aussi  en  avant. 
Les  vaisseaux  et  les  nerfs  se  trouvent  situés  au-devant  et  au-dessus  de 
la  tête,  qui  reste  distante  de  l’apophyse  coracoïde  de  1  à  3  centimètres, 
soit  à’m  travers  de  doigt  en  moyenne. 

Costale.  —  Pour  transformer  la  variété  précédente  dans  celle-ci,  il 
faut  diviser  la  capsule  en  avant  et  déchirer  largement  le  muscle  sous- 
scapulaire  dont  la  portion  restante,  après  avoir  contourné  la  tête,  se 
place  au-dessus  et  en  arrière  de  celle-ci. 

Dans  cette  variété  (Gg.  77)  ce  n’est  plus  le  col  anatomique,  mais  bien 
la  grosse  tubérosité  qui  appuie  contre  le  rebord  glénoïdien  et  la  petite 
surface  triangulaire,  dont  se  trouve  creusée  la  côte  de  l’omoplate.  La 
tête  tournée  en  dedans  repose  sur  la  troisième  ou  la  quatrième  côte  et 
répond  le  plus  souvent  au  troisième  espace  intercostal.  Les  muscles  tro- 
chantériens  sont  constamment  arrachés  ou  bien  la  grosse  tubérosité 
sur  laquelle  ils  s’implantent  est  fracturée. 

Comme  précédemment,  l’obstacle  à  l’ascension  de  la  tête  se  trouve 
représenté  par  la  portion  restée  intacte  de  la  capsule  et  du  muscle  sous- 
scapulaire. 

Le  bras  obliquement  dirigé  en  bas  et  en  dehors  n’est  plus  aussi  éloi¬ 
gné  du  tronc  et  offre  souvent  une  légère  rotation  en  dedans. 

Le  deltoïde,  très-aplati,  fait,  comme  on  dit,  planche,  ce  qui  rend  la 
saillie  de  l’acromion  extrêmement  prononcée. 

Le  faisceau  vasculo-nerveux  placé  au-dessus  de  la  tête  échappe  à  toute 
compression.  Enfin,  un  intervalle  de  2  à  3  centimètres  sépare  la  tête 
de  l’apophyse  coracoïde,  rarement  plus. 

Ces  détails  étant  bien  compris,  nous  allons  voir  combien  l’anatomie 
pathologique  et  la  symptomatologie  gagneront  en  clarté,  contrairement 
à  Malgaigne,  qui  voulait  que  «  rien  n’est  fixe  dans  la  luxation  sous-glénoï- 


464  ÉPAULE  (pathologie).  - 
dienne,  sinon  le  niveau  de  la  tê^o- 
coracoïdienne. 


■  mXATION  SOÜS-GLÉKOÏnIE.^^■E. 

la  luxation  sous- 


Anatomie  pathologique.  —  Pinel  (pièce  du  musée  Uupuytren)  a  disséqué 
une  vieille  luxation  dans  laquelle  la  tête  luxée  est  d’un  4emi-pouce  infé¬ 
rieure  au  sommet  du  bec  coracoïdien.  Une  petite  facette  articulaire  se 
trouve  creusée  aux  dépens  de  la  partie  inférieure  du  rebord  interne  de  la 
cavité  glénoïde.  Enfin  l’humérus  fait  presque  un  angle  droit  avec  la  côte 
de  l’omoplate.  C’est  là  une  luxation  scapulaire. 

Dans  une  luxation  récente,  disséquée  le  jour  même  de  l’accident, 
A.  Coopéra  trouva  la  tête  humérale  jetée  sur  le  bord  axillaire  de  l’omo¬ 
plate  et  contre  les  côtes  correspondantes;  son  axe  était  à  un  pouce  et 
demi  au-dessous  de  l’axe  de  la  cavité  glénoïde.  »  Or,  en  mesurant  4  1/2  à 
5  centimètres  pour  la  hauteur  de  la  tète  humérale,  on  voit  que  le  som¬ 
met  de  celle-ci  ou  le  trochiter  devait  correspondre  immédiatement 
sous  la  cavité  glénoïde.  «  La  capsule  était  déchirée  sur  toute  la  longueur 
du  côté  interne  de  la  cavité  glénoïde,  le  tendon  du  sous-scapulaire  aussi 
largement  déchiré.  »  Cette  observation  rentre  dans  la  deuxième  variété. 

Chez  une  vieille  femme  de  soixante  ans,  tombée  d’un  cinquième  étage 
et  morte  le  lendemain,  Sédillot  trouva  le  bras  dirigé  presque  horizontale- 


EPAULE  (pathologie).  —  luxation  soos-glénoïdienne.  465 

ment  en  dehors,  la  fête  située  à  13  millimètres  au-dessous  de  la  cavité 
glénoïde,  la  coulisse  bicipitale  sur  la  même  ligne  verticale  que  le  re¬ 
bord  glénoïdien  inférieur.  La  tête  appuyait  sur  la  partie  antérieure  de 
la  côte  de  l’omoplate;  mais,  en  outre,  elle  s’était  glissée  entre  le  grand 
dorsal  et  le  grand  rond  qu’elle  avait  refoulés  en  avant,  et  la  longue  por¬ 
tion  de  triceps  qu’elle  rejetait  en  arrière  ;  c’est  là  encore  une  luxation 
scapulaire. 

Leroy  présenta  à  la  Société  anatomique  l’épaule  d’un  vieillard  de 
quatre-vingt-quatre  ans  tombé  d’un  deuxième  étage  et  mort  trois  jours 
après.  A  la  dissection,  on  trouva  en  haut  une  déchirure  capsulaire  de 
4  centimètres  et  l’arrachement  des  sus  et  sous-épineux.  En  bas,  une  au¬ 
tre  déchirure  de  6  centimètres  et  la  rupture  des  fibres  inférieures  du 
sous-scapulaire  et  du  grand  rond.  La  tête  était  située  sur  le  bord  axil¬ 
laire  de  l’omoplate  à  2  1/2  centimètres  de  la  coracoïde,  la  grosse  tubé¬ 
rosité  reposant  sur  le  bord  axillaire  et  le  col  de  l’emoplate.  Aussi  la  ro¬ 
tation  en  dehors  était  tellement  considérable  que  l’épitrochlée  regardait 
en  avant.  La  tête  était  coiffée  par  le  sous-scapulaire  refoulé  en  haut  et 
enroulé  autour  d’elle;  et  l’impossibilité  de  rapprocher  le  coude  du  tronc 
était  due  à  la  tension  des  parties  supérieure  et  antérieure  de  la  capsule 
restées  intactes.  »  Impossible,  je  crois,  de  trouver  une  similitude  plus 
parfaite  entre  cette  observation  et  la  description  que  nous  avons  donnée 
de  la  première  variété  de  la  luxation  sous-glénoïdienne. 

En  somme,  sur  les  quatre  faits  précédemment  cités,  il  y  a  trois  luxa¬ 
tions  scapM/aires  et  une  cosfflZe,  ce  qui  semble  indiquer  que  la  première 
est  plus  commune. 

Fréquence.  —  Cette  luxation  est  rare  puisque,  en  compulsant  tous  les 
faits  publiés,  Malgaigne  n’a  pu  réunir  plus  de  12  cas. 

Causes.  —  A  part  le  cas  de  Desault,  où  il  s’agit  d’une  chute  sur  l’é¬ 
paule,  et  qui  pourrait  tout  aussi  bien  passer  pour  une  fracture  du  col 
chirurgical  de  l’humérus,  invariablement,  cette  luxation  s’est  produite 
le  bras  étant  fortement  écarté  du  tronc.  Quant  aux  causes  on  a  signalé 
le  plus  souvent  des  chutes  sur  le  coude.  D’autres  fois,  c’est  le  bras  qui 
a  été  fortement  relevé.  Exemples  :  le  fait  du  matelot  cité  par  Guépratte, 
celui  du  malade  de  Robert  qui  eut  le  bras  entraîné  par  un  mouvement 
de  tête  du  cheval  dont  il  tenait  la  bride,  enfin  le  cas  d’une  femme  citée 
par  Goyrand  qui,  étant  tombée  à  terre,  fut  relevé  par  un  passant. 

Symptômes.  —  Ce  qui  a  frappé  tous  les  observateurs,  c’est  une  forte 
abduction  du  bras  qui  peut  aller  jusqu’à  l’angle  droit  et  même  davantage. 
L’année  dernière,  j’ai  eu  à  traiter  une  de  ces  luxations  à  l’hôpital  Saint- 
Louis  :  l’individu  s’est  présenté  à  moi  avec  la  main  appuyée  sur  le  som¬ 
met  de  la  tête,  soutenant  son  bras  avec  la  main  du  côté  opposé.  La 
moindre  tentative  d’abaissement  provoquait  chez  lui  une  vive  douleur, 
aussi,  même  étant  couché,  il  appuyait  le  membre  sur  l’oreiller,  derrière 
sa  tête. 

Règle  générale,  le  bras  se  trouve  plus  ou  moins  allongé.  Dans  quelques 
cas  cependant,  on  a  noté  un  raccourcissement  de  2  à  3  centimètres,  dû 

KODV.  DICT.  MÉD.  El  CHIE.  XIII.  —  30 


466  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  sus-glénoïdienne. 

à  la  position  plus  interne  de  la  tête  qui  chemine  clans  la  profondeur  du 
creux  costo-scapulaire. 

La  saillie  de  l’acromion  et  V aplatissement  de  l’épaule  sont  ici  des  plus 
prononcés,  bien  que  cela  ne  soit  pas  absolument  constant. 

La  tête  occupe  généralement  un  niveau  assez  bas  pour  être  à  fleur  de 
peau,  ou  même  pour  faire  une  légère  saillie  dans  l’aisselle.  Tantôt  elle  est 
à  égale  distance  des  deux  parois  (Guépratte);  d’autres  fois  rejetée  vers  la 
paroi  postérieure  (Robert) ,  les  deux  sujets  de  Goyrand  et  la  vieille  femme, 
de  Sédillot  ;  ailleurs,  portée  en  avant  et  soulevant  le  bord  inférieur  du 
grand  pectoral,  comme  dans  le  cas  de  Malgaigne  :  en  un  mot,  la  tête  n’a 
pas,  dans  cette  variété  de  luxation,  une  position  identiquement  la  même, 
et  parfois  elle  manque  aussi  de  fixité.  Quatre  fois  on  a  noté  les  rapports 
de  la  tête  avec  les  côtes. 

La  rotation  du  membre  varie  aussi  souvent  que  la  position  de  la  tête. 
Dans  certains  cas,  on  a  noté  la  rotation  en  dedans,  et  dans  d’autres  la 
rotation  en  dehors.;  enfin  il  se  peut  qu’il  n’y  ait  ni  l’une  ni  l’autre,  le 
membre  se  trouvant  fixé  en  position  moyenne. 

Diagnostic.  —  A  l’aide  des  signes  que  nous  venons  de  passer  en  revue, 
il  sera  toujours  facile  de  poser  le  diagnostic.  Nous' ajouterons  seulement 
que  contrairement  à  la  sous-coracoïdienne,  avec  laquelle  on  pourrait  la 
confondre  parfois,  il  y  a  toujours  un  intervalle  entre  la  tête  et  le  bec  co- 
racoïdien,  variant  d’un  travers  de  doigt  à  un  pouce. 

Pronostic.  —  Non  réduite,  cette  luxation  doit  gêner  considérablement 
les  mouvements  et  être  promptement  irréductible,  à  cause  de  l’éloigne¬ 
ment  de  la  tête  de  sa  cavité  de  réception.  Heureusement  que  la  réduction 
en  est  généralement  facile,  et  dans  le  cas  qu’il  nous  a  été  donné  d’ob¬ 
server,  nous  avons  réussi  du  premier  coup,  sans  même  employer  le 
chloroforme,  par  la  simple  traction  aidée  de  la  propulsion  directe  de  la 
tête  avec  les  pouces. 

Nous  renvoyons,  pour  le  traitement,  au  paragraphe  consacré  au  trai¬ 
tement  des  luxations  de  l’épaule  en  général. 

liuxation  sus-glénoïdîenne.  —  Bien  que  rare,  cette  luxation 
l’est  toutefois  moins  que  ne  le  ferait  supposer  le  cas  unique  cité  par 
Malgaigne  dans  son  livre. 

Ici,  plus  qu’ailleurs ,  l’ expérimentation  seule  pouvait  nous  rendre 
compte  d’un  déplacement  auquel  beaucoup  se  sont  refusés  à  croire,  et 
que  d’autres  ont  confondu  avec  la  variété  extra-coracoïdienne. 

Si  Ton  vient  à  imprimer  à  l’humérus  une  forte  rotation  en  dehors, 
pendant  que  le  coude  se  trouve  maintenu  près  du  tronc,  la  tête  humé¬ 
rale  complètement  tournée  en  avant,  tend  à  échapper  dans  ce  sens,  et 
il  suffit  alors  d’une  impulsion  directe  ou  indirecte  de  l’humérus,  de  bas 
en  haut  et  d’arrière  en  avant,  pour  rompre  la  capsule  et  produire  la 
luxation  en  question. 

En  examinant  ce  qui  s’est  passé,  on  trouve  (fig.  88)  ;  la  capsule  rom¬ 
pue  en  avant  et  eu  haut-,  de  façon  à  laisser  passer  la  tête  en  entier.  Le 
bord  supérieur  du  sous-scapulaire  rompu,  pendant  que  les  portions  in- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  süs-glénoïdienne.  467 


îérieures  de  ce  muscle  et  de  la  capsule  sont  extrêmement  tendues.  Les 
tendons  des  muscles  grand  pectoral,  grand  rond  et  grand  dorsal  enrou¬ 
lés  autour  du  col  chirurgi¬ 
cal  de  l’humérus.  La  tête 
humérale  remontée  de 
3  millimètres  à  1  centimè¬ 
tre  au  plus,  et  appuyant 
fortement  contre  l’apo¬ 
physe  coracoïde  placée  à 
son  côté  postérieur,  deve¬ 
nu  interne.  Le  sommet  de 
la  grosse  tubérosité  placée 
•encore  sous  la  voûte,  arc¬ 
honte  contre  la  face  infé¬ 
rieure  du  ligament  coraco- 
acromial,  pendant  que  la 
tête,  complètement  déga¬ 
gée,  passe  au-devant  de  ce 
ligament  qu’elle  surmonte 
■de  4  à  5  millmètres  au 
plus. 

En  résumé,  dans  cette 
luxation,  la  tête,  placée 
dans  une  forte  rotation  en 
dehors,  ne  peut  être  ra¬ 
menée  dans  la  rotation  en 
dedans  par  suite  de  la 
rencontre  de  celle-ci  avec 
l’apophyse  coracoïde.  En  ï"*®-  ***• 

•outre,  la  tête,  remontée 


!F  ochet:  üLcL.rwit. 


Tête  de  l’humérus.  —  C,  Apophyse  coracoïde. 
D,  Coraco-brachiale.  — E,  Grand  pectorale.  —  F,  Grand 
rond  et  grand  dorsal.  —  G,  Tendon  du  hiceps.  —  K,  Petit 
au-dessus  de  son  niveau  pectoral.  —  H,  Epitrochlée.  —  P,  Deltoïde  renversé, 
normal,  demeure  fixée 

dans  cette  position  par  le  fait  de  la  tension  de  la  portion  restante  de  la 
capsule  et  du  muscle  sous-scapulaire,  à  quoi  il  faut  ajouter  les  muscles 
fortement  enroulés  autour  du  col  chirurgical  (portion  antérieure  du  del¬ 
toïde,  grand  pectoral,  grand  rond  et  grand  dorsal). 

On  pourrait  croire,  au  premier  abord,  que  le  tendon  de  la  longue  por¬ 
tion  du  biceps  oppose  une  résistance  invincible  à  la  tête,  et  qu’il  devrait 
au  moins  se  rompre  pour  permettre  à  celle-ci  de  remonter  au-dessus 
de  son  niveau  normal.  L’expérimentation  nous  apprend  qu’il  n’en  est 
rien,  et  qu’à  mesure  que  la  tête  se  dégage  de  dessous  la  voûte,  grâce  au 
mouvement  de  rotation  déjà  décrit,  l’anse  formée  par  le  tendon  du  bi¬ 
ceps  glisse  d’avant  en  arrière  et  abandonne  la  convexité  de  la  tête  pour 
venir  se  placer  dans  la  rainure  intermédiaire  à  celle-ci  et  à  la  grosse 
tubérosité  de  l’humérus. 

Il  se  pourra  sans  doute  que,  dans  des  autopsies  à  venir,  on  trouve  le  ten- 


468  ÉF'AULE  (pathologie).  —  luxation  süs-glékoïdiense. 

don  rompu;  seulement,  ce  que  nous  voulons  établir  ici,  c’est  que  la  luxa¬ 
tion  sus-coracoïdienne  n’a  pas  besoin,  pour  s’effectuer,  de  la  rupture  du 
tendon  bicipital. 

Symptômes.  —  Dans  cette  variété  de  luxation,  telle  que  nous  l’avons 
obtenue  expérimentalement,  l’épitrochlée  regarde  tout  à  fait  en  avant. 
La  saillie  de  l’acromion  et  l’enfoncement  sous-acromial  sont  peu  appa¬ 
rents,  et  seulement  en  arrière.  Par  contre  la  tête  fait  une  très-forte 
saillie  en  avant,  au  haut  de  la  région  deltoïdienne,  et  se  trouve  en  rap¬ 
port,  en  dedans,  avec  la  coracoïde,  en  dehors,  avec  la  pointe  de  l’acro¬ 
mion,  enfin,  en  haut,  avec  la  clavicule  qui  est  sur  le  même  niveau  et  én 
arrière.  Le  bras  se  présente  pendant,  avec  le  coude  rapproché  du  tronc 
et  légèrement  porté  en  arrière; 

Jusqu’ici,  nous  sommes  très-pauvres  en  observations  cliniques. 

Ainsi  que  nous  l’avons  dit  en  commençant,  Malgaigne,  dans  son  Traité, 
ne  cite  qu’une  observation  unique  qui  lui  est  propre,  déclarant  n’en 
connaître  pas  d’autres.  Pourtant,  dès  1834,  S.  Laugier  publiait  une  obser¬ 
vation  des  plus  complètes,  sous  la  dénomination  de  luxation  incomplète 
en  avant  et  en  haut.  Si  Malgaigne  n’en  a  pas  saisi  le  vrai  sens,  c’est  qu’il 
ignorait  complètement  les  conditions  anatomiques  qui  favorisent  cette 
luxation.  C’est  aussi  pour  n’avoir  pas  cherché  à  démontrer  expérimenta¬ 
lement  le  mécanisme  de  cette  luxation  que  notre  savant  maître  le  profes¬ 
seur  Laugier  a  vu  son  observation  rester  jusqu’ici  incomprise  par  tous 
ceux  qui  se  sont  occupés  de  luxations  scapulo-humérales. 

Voici,  du  reste,  cette  intéressante  observation  : 

Un  garçon  de  16  ans,  ayant  le  bras  gauche  étendu  et  fixé  sur  une  machine,  avec  le 
corps  incliné  sur  le  bras,  et  les  pieds  éloignés  du  point  d’appui,  éprouve  subitement  une  vio¬ 
lente  torsion  du  tronc,  d'avant  en  arrière,  et  de  gauche  à  droite.  Le  bras  étant  touj ours  écarté 
attendu,  le  poids  du  corps  porta  naturellement  sur  la  tête  de  l’humérus,  qui,  dans  cette 
position,  répondait  à  la  partie  supérieure  antérieure  de  la  cavité  glénoïde  et  de  la  capsule 
articulaire.  Cette  tête  se  déplaça  donc  en  déchirant  le  ligament  capsulaire  pour  venir  se 
placer  derrière  (lisez  dehors)  le  bec  coracoïde.  Le  malade  ne  fit  d’ailleurs  aucune  chute. 
(Laugier,  1834.) 

Laugier  crut  tout  d’abord  à  une  simple  entorse  ;  mais  lorsque,  vers  le 
douzième  jour,  le  gonflement  diminua,  il  put  constater  les  signes  sui¬ 
vants  : 

«  Raccourcissement  du  bras  d’environ  quatre  à  cinq  lignes  ;  la  tête  de 
l’os  est  appliquée  contre  l’apophyse  coraco'ide  en  dehors  et  un  peu  [en 
arrière  ;  distance  de  trois  à  quatre  lignes  entre  cette  tête  et  Tacromion  ; 
rotation  en  dehors  de  l’humérus,  prouvée  par  la  saillie  de  la  tubérosité 
interne  (petite),  au  côté  externe  du  moignon  de  l’épaule  et  par  la  position 
du  condyle  interne  sur  un  plan  antérieur  au  condyle  externe.  »  Plus  loin 
l’auteur  ajoute  :  «  Dans  cette  luxation,  la  tête  n’a  fait  que  tourner  sur 
elle-même  de  dedans  en  dehors  en  se  portant  un  peu  en  haut  et  en  avant, 
et  elle  repose  encore  sur  le  rebord  de  l’omoplate.  »  Ailleurs  encore,  en 
parlant  de  la  rotation  en  dehors,  ce  chirurgien  dit  :  «  Cette|rotation  est 
la  circonstance  qui  explique  le  mieux  la  persistance  du  déplacement,  et 


ÉPAULE  (pathologie).  -  luxation  SUS-GLÉKOioIEKHE.  469 

c’est  par  elle  qu’il  est  facile  de  reconnaître  la  possibilité  du  déplacement 
en  haut  que  j’ai  indiqué  et  que  j’avais  rapproché  de  l’observation  d’A. 
Cooper.  On  peut,  si  l’on  veut,  voir  quelques  différences  entre  ces  deux 
observations  ;  rapprocher  celle  d’A.  Cooper  des  luxations  sous-coracoï- 
diennes  ;  mais,  dans  ce  cas,  il  faudrait  admettre  avec  toute  la  bonne  foi 
que  je  me  plais  à  reconnaître  dans  les  adversaires  de  mon  opinion,  que 
le  déplacement  indiqué  n’avait  été  décrit  par  personne.  » 

Nous  avouons  que,  lorsque  nous  avons  entrepris  des  recherches  expé¬ 
rimentales  sur  cette  luxation ,  cette  observation  nous  était  inconnue  et  qu’en 
la  lisant,  nous  avons  été  frappé  de  sa  ressemblance  parfaite  avec  ce  que  ' 
nous  avons  constaté  nous-mêmes  sur  le  cadavre.  Si,  comme  nous  l’avons 
déjà  dit,  l’on  n’en  a  pas  saisi  l’importance,  c’est  que  l’auteur  a  eu  le 
tort  de  présenter  ce  cas  comme  étant  presque  le  pendant  de  l’observa¬ 
tion  d’A.  Cooper,  qui,  bien  certainement,  rentre  dans  la  variété  sous- 
coracoïdiennc  incomplète  de  Malgaigne  (notre  extra-coracoïdienne)  au¬ 
tant  qu’on  peut  au  moins  le  juger  par  la  description  très -embrouillée 
qu’en  donne  A.  Cooper. 

Voici  maintenant  l’observation  de  Malgaigne  : 

Un  homme  de  68  ans,  lancé  du  haut  d’une  voiture  à  une  grande  distance,  fît  une  chute 
sur  le  moignon  de  l’épaule,  lehias  serré  contre  le  tronc.  La  luxation  resta  non  réduite,  et 
le  malade  se  présente  ‘a  Malgaigne  deux  mois  et  demi  après  l’accident.  Ce  chirurgien  con¬ 
state;  saillie  de  la  tête  en  avant  et  en  haut  par-dessus  le  ligament  coraco-acromial, 
celle-ci  répond  en  dehors  au  bord  interne  de  l’acromion,  recouvre  en  dedans  l’apophyse 
coracoïde,  confîne  en  haut  à  la  face  inférieure  de  la  clavicule,  et  soulève  tellement  le  del¬ 
toïde,  qu’une  épingle,  enfoncée  sur  la  partie  la  plus  saillante,  ne  donna  pour  les  chairs 
que  8  millimètres  d’épaisseur.  Le  bras  n’offrait  pas  plus  d’un  demi-centimètre  de  raccour¬ 
cissement.  (Malgaigne.) 

De  la  rotation  du  membre,  Malgaigne  n’en  dit  mot,  ce  qui  prouve  que 
cet  auteur  n’avait  aucune  connaissance  exacte  du  mécanisme  de  cette 
luxation  ;  la  rotation  en  dehors  est,  nous  l’avons  déjà  dit,  une  condition 
indispensable  de  sa  production. 

Le  professeur  Denonvilliers  nous  a  dit  avoir  observé  et  réduit  l’année 
dernière  à  la  Charité  une  luxation  en  haut.  En  voici  les  principaux  dé¬ 
tails  : 

Un  homme  adulte  se  présente  à  la  consultation  de  la  Charité  à  la  suite  d’une  chute  qu’il 
fit  sur  le  bras,  dans  des  circonstances  qu’il  ne  peut  préciser.  A  l’inspection  du  membre,  on 
trouve  celui-ci  pendant  et  rapproché  du  tronc,  avec  une  forte  rotation  en  dehors.  Il  y  avait 
■ecchymose,  douleur,  impossibilité  des  mouvements  spontanés,  mais  ce  qui  frappe  surtout, 
c’est  une  forte  saillie  de  la  tête  en  avant  et  en  haut,  placée  entre  l’acromion  et  la  cora¬ 
coïde,  au-devant  de  la  clavicule.  C’est  à  peine  si  le  bras  était  raccourci.  Une  traction 
oblique,  combinée  à  un  léger  mouvement  de  bascule,  ont  suffît  pour  en  obtenir  la  ré¬ 
duction.  (Denonvilliers.) 

Traitement.  —  Ni  Laugier  dans  sa  luxation  de  douze  jours,  ni  Mal¬ 
gaigne  dans  la  sienne  de  deux  mois  et  demi  ne  sont  parvenus  à  réduire, 
faute  sans  doute  de  données  anatomo-pathologiques  suffisantes. 

Privés  jusqu’ici  d’expérience  clinique  au  sujet  de  cette  luxation,  nous 


470  ÉPAULE  (pathologie).  -  LUXATION  SODS-ACnOMIALE. 

nous  bornerons  à  dire  que  dans  la  luxation  produite  expérimentalement^ 
le  meilleur  moyen  pour  réduire  consiste  à  écarter  le  coude  du  tronc  jus¬ 
qu’à  ce  que  la  tête  suffisamment  abaissée  puisse  passer  sous  la  coracoïde^ 
qui  constitue,  nous  l’avons  dit,  l’obstacle  principal  à  la  réduction.  En 
même  temps  qu’on  élève,  il  faut  imprimer  à  l’humérus  une  rotation  de 
plus  en  plus  prononcée  en  dedans,  et  la  tête  rentre  invariablement. 

Sans  doute,  sur  le  vivant,  la  résistance  musculaire  opposera  un  obsta¬ 
cle  de  plus,  mais  ici  comme  partout  ailleurs  on  en  viendra  à  bout,  soit 
en  fatiguant  l’action  des  muscles  par  des  tractions  préalables,  soit  en  em¬ 
ployant  le  chloroforme.  ' 

Luxation  en  .arrière. —  Les  luxations  en  arrière  sont  infiniment  plus 
rares  que  celles  en  avant,  et  n’offrent  que  deux  variétés  principales  :  la^ 
sous-acromiale  et  la  sous-épineuse. 

1°  Sous-acromiale.  —  Bien  plus  commune  que  la  sous-épineuse,  c’est 
à  elle  qu’il  faut  rapporter  la  presque  totalité  des  observations  publiées 
sous  le  titre  de  luxations  de  l’humérus  en  arrière,  ou  en  dehors  et  en 
arrière. 

Malgaigne  fait  remonter  en  1804  la  première  observation  bien  prise 
de  cette  variété  de  luxation.  Les  cas  s’étant  multipliés,  par  la  suite, 
Malgaigne  a  pu  en  recueillir  34  comprenant  une  période  de  50  ans^ 
Depuis  1855,  époque  de  la  publication  de  l’ouvrage  de  Malgaigne,  une 
dizaine  de  nouveaux  faits  sont  venus  s’ajouter,  ce  qui  porte  le  chiffre  de& 
observations  à  plus  de  40.  Nous  croyons  toutefois  que  ce  nombre  est  en¬ 
core  au-dessous  de  la  réalité  et  cela  pour  deux  raisons. 

En  premier  lieu  et  par-dessus  tout,  cette  luxation  sous-acromiale  impar¬ 
faitement  connue  et  mal  décrite  par  les  auteurs  a  dû  passer  inaperçue  ou 
être  confondue  avec  une  simple  entorse  ou  une  fracture  péri-articulaire, 
comme  nous  en  citerons  des  exemples. 

En  second  lieu,  tous  les  faits  bien  observés  n’ont  pas  été  publiés  ;  ce 
dont  nous  nous  sommes  assurés  en  nous  adressant  à  l’expérience  de  nos 
collègues  dans  les  hôpitaux,  plusieurs  d’entre  eux,  nos  anciens  maîtres. 

Sachant  bien  que  notre  savant  maître,  le  professeur  Nélaton,  s’était 
livré  à  une  étude  approfondie  de  cette  luxation,  nous  nous  sommes  adressés 
à  ses  lumières,  et  non-seulement  il  nous  a  fourni  des  renseignements 
précieux,  mais  il  a  bien  voulu  mettre  à  notre  disposition  des  dessins  re¬ 
présentant  le  résultat  des  expériences  cadavériques  qu’il  avait  entreprises 
sur  cet  intéressant  sujet.  De  notre  côté,  nous  n’avons  pas  manqué  de  faire,, 
pour  cette  luxation  comme  pour  les  autres,  des  recherches  nouvelles  cal¬ 
quées  pour  la  plupart  sur  celles  de  notre  maître,  et  de  l’ensemble  de  ces 
études  il  est  résulté  pour  nous  une  connaissance  plus  approfondie  du 
sujet. 

Données  anatomiques  et  expérimentales.  —  L’extrémité  supérieure  de 
1  humérus,  tête  et  tubérosités  réunies,  forment  une  sphère  irrégulière 
dont  le  diamètre  transversal  ou  acromial,  est  de  47  millimètres,  tandis 
que  le  diamètre  antéro-postérieur  ne  mesure  que  40  millimètres.  Il  ré¬ 
sulte  de  là,  que  lorsque  par  suite  d’une  forte  rotation  en  dedans  on  ra- 


ÉPADLE  (pathologie).  —  ldx.4tios  socs-acrohiale.  471 

mène  la  grosse  tubérosité  en  avant,  le  moignon  de  l’épaule  s’aplatit  très- 
légèrement  et  ce  changement  n’a  rien  que  de  physiologique  ainsi  qu’bn 
peut  s’en  convaincre  en  faisant  une  coupe  horizontale  de  la  région  sur  un 
sujet  préalablement  congelé. 

Sur  une  pareille  coupe,  on  constate,  en  outre,  que  la  tête  dépasse  en 
avant  le  rebord  glénoïdien,  tandis  qu’en  arrière  celle-ci  arrive  au  ras  de 
la  lèvre  glénoïdienne  postérieure  débordée  elle-même  par  les  2  ou  3  cen¬ 
timètres  de  saillie  de  l’acromion. 

Le  deltoïde  peu  épais  en  avant  où  il  mesure  1  demi-centimètre  seule¬ 
ment,  offre  en  arrière  une  épaisseur  de  2  centimètres,  ce  qui  ajouté 
à  1  centimètre  d’épaisseur  des  muscles  sous  épineux  et  petit  rond  donne 
en  tout  3  centimètres  pour  la  masse  charnue  de  la  partie  postérieure 
de  l’épaule. 

Ces  détails  d’anatomie  étant  bien  compris,  on  conçoit  que  la  tête  en  se 
portant  en  arrière  peut  abandonner  complètement  sa  cavité  de  réception, 
sans  déterminer  de  ce  côté  d’autre  saillie  que  celle  résultant  du  refoule¬ 
ment  des  parties  molles.  La  tête  humérale  ayant  en  effet  4  centi¬ 
mètres  de  diamètre  dans  le  sens  antéro-postérieur,  l’acromion  avec  ses 
3  centimètres  de  saillie  recouvre  celle-ci  presque  en  entier.  Que  si  un 
gonflement  avec  ecchymose  envahit  l’épaule  et  lui  donne  plus  de  rondeur, 
on  concevra  sans  peine  les  erreurs  souvent  commises  en  pareils  cas.  Des 
chirurgiens  expérimentés,  mais  ne  connaissant  de  cette  luxation  que  ce 
qu’ils  ont  lu  dans  les  livres  classiques,  se  sont  figurés  avoir  affaire 
à  une  simple  entorse  ou  à  une  arthrite,  par  cela  seul,  qu  ils  ne  ren¬ 
contraient  pas  sous  l’acromion  la  forte  saillie  de  la  tête  à  laquelle  ils 
s’attendaient. 

De  même  que  dans  certaines  luxations  en  avant,  la  rotation  en  dehors 
est  un  élément  indispensable  de  leur  production,  de  même  ici,  une  forte 
rotation  en  dedans  rend  seule  la  luxation  en  arrière  possible. 

Nous  ferons  remarquer  à  ce  sujet,  que  le  degré  de  rotation  nécessaire 
à  la  production  de  la  luxation  en  arrière,  ne  dépasse  guère  les  limites 
physiologiques.  La  grosse  tubérosité  peut  être  ramenée  de  la  sorte  tout  à 
fait  en  avant  sans  la  moindre  déchirure  ligamenteuse,  et  une  fois  la  tête 
humérale  dans  cette  position,  il  suffit  de  pousser  l’os  violemment  en  ar¬ 
rière  pour  rompre  la  capsule  et  produire  une  luxation  sous-acromiale 
avec  les  caractères  que  voici  : 

La  tête  placée  directement  sous  l’acromion,  regarde  en  arrière  et  en 
dedans,  appuyée  et  comme  accrochée  qu’elle  est  par  son  col  anatomique, 
contre  le  rebord  glénoïdien  postérieur.  La  petite  tubérosité  devenue  in¬ 
terne,  touche  le  fond  de  la  cavité  glénoïde,  pendant  que  le  tendon  du 
sous-scapulaire  qui  s’y  insère,  se  réfléchit  et  s’applique  contre  la  cavité 
glénoïde.  Malgaigne,  dans  ses  expériences  sur  le  cadavre,  a  trouvé  le 
tendon  de  ce  muscle  décollé.  Les  tendons  des  muscles  sus-épineux,  sous- 
épineux  et  petit  rond,  fortement  tendus,  s’enroulent  autour  de  la  tête  pour 
suivre  le  mouvement  de  translation  de  la  grosse  tubérosité  devenue  anté¬ 
rieure,  pendant  que  le  tendon  de  la  longue  portion  du  biceps  glisse 


472  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxation  sods-acrohiale. 


d’arrière  en  avant  sur  le  sommet  de  la  tête  et  vient  se  loger  dans  la  rai¬ 
nure  de  séparation  de  celle-ci  d’avec  la  grosse  tubérosité. 

Dans  la  luxation  ainsi  produite  (fig.  89),  le  bras  reste  pendant  et  rap¬ 
proché  du  tronc,  avec  le 
coude  légèrement  porté  en 
avant.  Tout  mouvement 
de  rotation  de  l’humérus 
en  dehors,  rend  l’engre- 
'  nage  des  os  plus  intime, 
et  c’est  ainsi  que  doivent 
agir  sur  le  vivant  les  fi¬ 
bres  postérieures  du  del- 
toïde  et  les  trois  muscles 
^  qui  s’insèrent  à  la  grosse 
tubérosité. 

La  tête,  légèrement  sail- 
^  lante  en  arrière,  corres¬ 
pond  ,  par  son  milieu,  à 
l’angle  postérieur  de  l’a- 
cromion.  Parfois,  elle  est 
un  peu  plus  en  dedans, 
mais  toujours  à  distance 
de  l’épine  de  l’omoplate 
et  de  la  fosse  sous-épi¬ 
neuse. 

C’est  faute  d’avoir  fait 
attention  à  ces  rapports, 
que  des  auteurs  recom¬ 
mandables  ont  appelé  lu¬ 
xations  dans  la  fosse  sous- 
épineuse  ,  des  luxations 
de  Vhumé  type. 

rus. —  F,  Grand  rond  et  grand  dorsal.  —  H,  Epitrochlée.  Anütomie  pathologique. 
—  L,  longue  portion  du  triceps.  —  N,  Angle  postérieur  —  Les  dissections  sont 

““  P”  c»"- 

per  a  ete  a  meme  d  exa¬ 
miner  une  de  7  ans  produite  dans  un  accès  d’épilepsie  ;  le  tendon  du 
sôus-scapulaire  était  rompu  à  son  insertion,  la  tête  recouverte  par  le  sous- 
épineux  et  le  petit  rond,  reposait  sur  le  bord  glénoïdien  qu’elle  avait 
sensiblement  déprimé. 

Laugier  sur  une  luxation  récente  a  trouvé  le  sous-scapulaire  et  le  sous- 
épineux  rompus  ;  et  la  tête,  passée  entre  le  sous-épineux  et  le  petit  rond, 
était  à  nu  sous  le  deltoïde. 

Bouisson  a  décrit  sous  le  nom  de  luxation  par  renversement.,  une  pièce 
anatomique  dans  laquelle  il  y  avait  un  tel  degré  de  rotation  en  dedans, 
que  la  tête  regardait  en  dehors. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  loxatio-'i  sous-acromiale.  473 

.  Malgaigne  a  vu  la  grosse  tubérosité  arrachée  et  entraînée  par  les  tendons 
des  sus  et  sous-épineux.  La  tête  avait  passé  entre  ce  dernier  muscle  et  le 
petit  rond  jusque  sous  le  deltoïde,  elle  se  trouvait  juste  au-dessous  de 
l’angle  postérieur  de  l’acromion,  reposant  d’ailleurs  sur  le  rebord  glé- 
noïdien  postérieur. 

Fréquence.  —  Non-seulement  cette  luxation  est  rare,  mais  elle  se 
montre  rarement  chez  la  femme;  dans  le  1/6  des  cas  seulement. 

Causes.  —  Un  fait  remarquable,  c’est  que  les  luxations  par  action 
musculaire  représentent  le  chiffre  élevé  de  8/29,  c’est-à-dire  plus  du 
quart.  Malgaigne  à  qui  nous  empruntons  cette  proportion,  pense  que 
c’est  par  une  violente  torsion  de  l’humérus  en  dedans,  que  l’on  peut  se 
rendre  compte  de  l’action  musculaire  en  pareil  cas.  Ce  mécanisme  est  des 
plus  évidents  dans  un  cas  de  Piel  (Strasbourg,  1851),  concernant  une 
femme  à  qui  son  mari  avait  tordu  le  bras  dans  une  altercation. 

Les  chutes,  le  bras  étant  plus  ou  moins  rapproché  du  tronc,  ont  été 
souvent  notées.  Tantôt  et  le  plus  habituellement,  le  choc  a  porté  sur 
l’épaule,  plus  rarement  sur  le  coude,  et  tout  à  fait  exceptionnellement  sur 
la  main. 

Enfin  on  a  à  noter  la  traction  combinée  à  un  mouvement  de  torsion 
ou  de  circumduction  du  bras.  Nous  citerons  le  cas  d’un  homme  qui,  con¬ 
duisant  un  veau  par  une  corde,  fut  renversé  par  l’animal.  Celui  d’un 
charretier  cité  par  A.  Després,  qui  ayant  le  bras  gauche  engagé  dans  le 
lourd  collier  de  son  cheval,  fut  relevé  brusquement  par  un  mouvement 
de  tête  de  l’animal.  Au  dire  du  malade,  le  bras  s’est  trouvé  porté  forte¬ 
ment  en  dedans,  . devant  la  poitrine. 

Benj.  Anger,  dans  ses  expériences  cadavériques,  a  produit  cette  luxa¬ 
tion  en  imprimant  à  l’humérus  un  mouvement  de  fronde  combiné  à  une 
rotation  en  dedans,  et  Demarquay,  en  imprimant  au  membre  une  violente 
rotation  en  dedans.  De  tout  cela  nous  pouvons  conclure  d’accord  avec  nos 
propres  expériences,  que  c’est  en  somme  à  unte  forte  rotation  en  dedans 
qu’il  faut  accorder  le  principal  rôle  dans  la  production  de  la  luxation  en 
arrière. 

Symptômes.  —  Disparition  de  la  saillie  normale  de  la  tête  en  avant. 
Le  doigt  porté  profondément  sent  un  vide  entre  l’acromion  et  la  co¬ 
racoïde,  et  perçoit  parfaitement  la  saillie  de  cette  dernière  apophyse 
qui  semble  isolée  de  toute  part;  en  dehors,  léger  aplatissement  de 
l’épaule,  mais  c’est  surtout  en  arrière  qu’il  faut  porter  toute  son  at¬ 
tention. 

Juste  sous  l’angle  postérieur  de  l’acromion,  l’on  voit  parfois,  et  dans 
tous  les  cas  l’on  sent  la  tête  devenue  superficielle,  rouler  chaque  fois 
qu’on  imprime  des  mouvements  au  bras. 

Le  membre  pendant  le  long  du  tronc  est  dans  une  forte  rotation  en 
dedans,  et  ne  peut  être  ramené  dans  la  rotation  en  dehors.  Le  coude  se 
porte  parfois  en  avant  ou  s’écarte  du  tronc  de  quelques  travers  de  doigts, 
«t  l’épitrochlée  regarde  en  arrière. 

La  mensuration  a  donné  des  résultats  variables,  mais  qui  se  réduisent 


474  ÉPAULE  (pathologie).  —  luîcatioh  sods-épikedse. 

à  ceci  :  peu  ou  pas  d’allongement  apparent,  parfois  même  on  a  noté  un 
certain  degré  de  raccourcissement.  Les  mouvements  sont  très-gênés  dans 
ce  genre  de  luxation,  surtout  ceux  qui  nécessitent  un  certain  degré  de 
rotation  en  dehors. 

Abandonnée  à  elle-même,  cette  luxation  devient  une  grave  infirmité,, 
ainsi  que  Sédillot  en  rapporte  un  exemple  où  il  a  été  assez  heureux  toute¬ 
fois  pour  en  obtenir  la  réduction  au  bout  d’un  an  et  45  jours. 

Diagnostic.  —  Nous  avons  dit  que  bien  des  erreurs  ont  été  commises 
au  sujet  de  cette  luxation,  et  nous  en  avons  donné  la  raison.  C’est  avec 
une  simple  entorse  ou  une  arthrite  qu’on  a  confondu  le  plus  souvent  la 
luxation,  et  il  y  a  peu  de  temps  encore  que  Nélaton  nous  citait  trois  mé¬ 
prises  de  ce  genre  faites  par  des  chirurgiens  de  mérite.  La  réduction  a 
pu  heureusement  être  obtenue  dans  ces  cas,  malgré  que  l’accident  re¬ 
montât  à  une  époque  qui  a  varié  de  un  à  trois  mois.  Armés  des  signes 
précédemment  indiqués,  il  suffit  d’être  averti  de  la  possibilité  d’une  sem¬ 
blable  erreur  pour  l’éviter  sûrement. 

Pronostic.  —  Comme  la  luxation  a  pu  être  réduite  au  bout  de  plusieurs 
mois  et  même  d’une  année  (cas  de  Sédillot  déjà  cité),  il  faut  généralement 
porter  un  pronostic  favorable,  surtout  si  l’on  est  appelé  dans  les  premiers 
jours. 

Traitement.  —  Renvoyant  au  traitement  des  luxations  de  l’épaule  en 
général ,  il  suffit  de  dire  que  ce  qui  a  le  plus  souvent  réussi,  c’est  la 
pression  directe  de  la  tête  d’arrière  en  avant,  combinée  ou  non  avec 
l’extension  préalable  du  bras.  C’est  ainsi  que  Malgaigne  a  procédé,  et  que 
Nélaton  a  réussi  dans  les  cas  auxquels  nous  avons  fait  allusion  précédem¬ 
ment.  C’est  à  cela  que  conduit  aussi  l’expérimentation  directe  sur  le 
cadavre. 

2“  Sous-épineuse.  —  Tout  aussi  mal  comprise,  et  bién  plus  rare  que 
la  précédente,  la  luxation  sous-épineuse  s’accompagne  presque  tou¬ 
jours  de  fractures  multiples  de  l’omoplate  et  même  des  côtes.  C’est  ainsi 
que  les  choses  se  sont  passées  dans  une  observation  citée  par  Malgaigne, 
et  dans  une  autre  de  Denonvilliers.  Cette  dernière  pièce  se  trouve  au 
musée  Dupuytren  (n®  751  Us).  Il  n’en  est  pourtant  pas  toujours  ainsi,  et, 
par  exemple,  dans  une  observation  de  Desclaux ,  la  luxation  existait  sans 
fracture  apparente.  L’expérimentation  démontre,  d’ailleurs,  que  la  frac¬ 
ture  de  l’omoplate  n’est  pas  nécessaire  et  devra  être  envisagée  dès  lors 
comme  une  complication  fréquente,  mais  non  indispensable  de  la  luxa¬ 
tion. 

Données  expérimentales .  —  Pour  transformer  la  variété  précédente 
dans  celle-ci,  il  suffît  de  déchirer  la  capsule  dans  une  plus  grande 
étendue,  surtout  en  haut,  et  de  rompre  largement  le  muscle  sous-épi¬ 
neux.  Le  tendon  de  la  longue  portion  du  biceps,  qui  se  réfugie  en  avant, 
entre  la  tête  et  la  grosse  tubérosité,  est  souvent  arraché.  Le  sous-épineux 
se  trouve  souvent  entamé,  ainsi  que  le  sous-scapulaire. 

La  tête,  qui  regarde  en  arrière  et  plus  en  dedans,  appuie  fortement: 
sous  la  racine  de  l’acromion.  L’angle  postérieur  de  l’acromion,  qui. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations  :  complications.  475 

précédemment,  partageait  la  tête  en  deux,  se  trouve  maintenant  corres¬ 
pondre  en  dehors  de  celle-ci. 

Le  bras,  toujours  dans  la  rotation  en  dedans,  l’est  toutefois  moins  que 
dans  la  variété  acromiale;  ce  qui  frappe  du  premier  coup  dans  cette  variété, 
c’est  l’écartement  considérable  du  coude  du  tronc,  contrairement  à  la  luxa¬ 
tion  sous-acromiale,  où  nous  avons  vu  le  coude  presque  collé  au  tronc. 
Ajoutons  que  le  moignon  de  l’épaule  apparaît  ici  très-fortement  aplati,  et 
qu’il  y  a  une  forte  dépression  sous-acromiale  avec  saillie  de  l’acromion. 
11  va  sans  dire  que  l’apophyse  coracoïde  se  laisse  toucher  de  tout  côté  avec 
plus  de  facilité  encore  que  précédemment. 

Symptômes.  —  Ce  sont  précisément  ceux  que  nous  enseigne  l’expéri¬ 
mentation  directe.  C’est  ainsi  que  Malgaigne  a  noté  la  rotation  en  dedans, 
et  que  Desclaux  parle  de  l’élévation  du  bras  à  angle  presque  droit  ;  il  ajoute 
même  que  le  malade  tenait  la  main  appliquée  sur  le  sommet  de  la  tête.  Il 
va  sans  dire  que  lorsqu’il  y  a  complication  de  fracture ,  la  tuméfaction  et 
l’ecchymose  occupent  une  plus  grande  étendue,  et  que  l’on  peut  percevoir 
alors  de  la  crépitation  ou,  pour  le  moins,  une  déformation  avec  ou  sans 
mobilité  anormale  dans  la  continuité  du  scapulum  ou  des  côtes  corres¬ 
pondantes. 

Dans  la  pièce  de  Malgaigne ,  aussi  bien  que  dans  celle  de  Denonvilliers, 
la  fosse  sous-épineuse  et  l’extrémité  interne  de  l’épine  du  scapulum, 
étaient  le  siège  de  fractures. 

Causes.  —  Nous  savons  fort  peu  de  chose  relativement  aux  causes  de 
cette  luxation;  tout  ce  qu’on  peut  dire,  c’est  que  les  violences  directes 
paraissent  en  être  l’agent  habituel  :  preuve,  les  deux  observations  de 
Malgaigne  et  de  Denonvilliers ,  où  il  s'agissait  d’une  roue  de  voiture 
passant  sur  l’épaule  ;  preuve  encore,  les  fractures  multiples  du  scapulum 

Diagnostic.  —  La  tête  faisant  une  forte  saillie  en  arrière,  la  méprise 
paraît  impossible,  et  ce  à  quoi  il  faut  faire  surtout  attention,  c’est  le 
rapport  de  la  tête  avec  l’angle  postérieur  de  l’acromion,  pour  ne  pas 
confondre  cette  variété  avec  la  sous-acromiale,  et  vice  versa. 

Pronostic.  —  La  plus  grande  gravité  de  cette  variété  se  tire  d’une 
déchirure  nécessairement  plus  étendue  de  la  capsule  et  des  muscles,  et 
surtout  des  fractures  concomitantes. 

Traitement.  —  La  traction,  suivant  la  direction  nouvelle  du  membre 
luxé,  a  suffi  jusqu’ici  pour  obtenir  la  réduction. 

CoMPLicATioMS  DES  LUXATIONS  DE  l’épaüle.  —  1°  Fvactures.  —  Il  y  en  a  de 
deux  ordres  :  les  unes,  habituellement  liées  à  la  luxation,  s’observent 
souvent;  les  autres  sont,  au  contraire,  accidentelles  et,  par  cela  même, 
plus  rares. 

Parmi  les  premières  nous  aurons  à  signaler  la  fracture  ou  l’arrachement 
de  la  grosse  tubérosité,  qui  est  très-commune. 

Tantôt,  et  le  plus  souvent,  il  s’agit  d’un  simple  écornement  de  cette 
apophyse  ;  d’autres  fois  la  grosse  tubérosité  est  arrachée  par  sa  base.  Plus 
la  tête  se  porte  loin  de  sa  cavité  de  réception,  et  plus  l’arrachement  en 
question  est  commun.  Aussi  est-ce  dans  les  luxations  intra-coracoïdienne, 


■476  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations  :  complications. 

sous-claviculaire,  sous-glénoïdienne  et  sous-épineuse,  qu’on  rencontre  le 
plus  habituellement  cette  complication. 

Le  diagnostic  n’en  est  pas  toujours  facile,  surtout  lorsqu’il  y  a  du 
gonflement,  et  que  le  fragment  détaché  est  très-petit.  Dans  le  cas  contraire, 
une  crépitation  perçue  surtout  alors  que  le  bras  est  relevé  en  dehors, 
c’est-à-dire  quand  la  tête  vient  au  contact  du  fragment  trochantérien 
attiré  en  haut  par  les  muscles  qui  s’y  insèrent,  mettra  sur  la  voie  du 
diagnostic. 

A.  Coopéra  avancé,  sans  trop  de  preuves,  que  l’arrachement  du  trochiter 
rend  la  réduction  plus  facile,  et  en  même  temps  la  contention  de  la 
luxation  plus  difficile.  Ce  qui  paraît  plus  démontré,  c’est  què  cette 
complication  ne  semble  pas  gêner  ultérieurement  les  fonctions  du  mem¬ 
bre,  et  n’entraîne,  conséquemment,  aucune  indication  spéciale  pour  le 
traitement,  si  ce  n’est  qu’il  faut  s’attendre  à  un  certain  degré  de  roideur 
en  plus. 

h’ écrasement  de  la  tête  s’observe  rarement,  et  survient  surtout  lorsque 
la  luxation  reconnaît  une  violence  directe. 

Une  autre  fracture,  encore  rare,  c’est  celle  du  col  anatomique.  La  tête, 
complètement  isolée  et  chassée  dans  l’aisselle,  plus  rarement  sous  l’acro- 
mion,  à  l’instar  d’un  noyau  de  prune  qu’on  presse  entre  deux  doigts, 
continue,  chose  curieuse,  à  vivre,  et  finit,  le  plus  souvent,  par  contracter 
des  adhérences  avec  les  parties  molles  voisines.  Dans  certains  cas,  tou¬ 
tefois,  il  se  fait  des  abcès,  une  arthrite  violente  se  déclare,  et,  si  le 
malade  ne  succombe  pas ,  on  peut  voir  la  tête  nécrosée,  s’éliminer  au 
dehors,  sous  forme  de  séquestre. 

Cette  lésion  reconnue,  il  faut  tenter  la  réduction  à  l’aide  d’une  pres¬ 
sion  directe,  en  s’aidant  au  besoin  pour  cela  du  chloroforme.  Si  l’on 
échoue  de  la  sorte,  il  faut  s’attacher  à  combattre  par  l’immobilité,  les 
ventouses,  les  cataplasmes  émollients,  les  injections  sous-cutanées  de 
substances  narcotiques,  etc.,  l’arthrite  violente  et  parfois  suppurative  qui 
menace  le  malade. 

Ce  qui  fait  la  gravité  de  cette  complication,  ce  n’est  pas  autant  la  sépa¬ 
ration  de  la  tête  humérale,  mais  bien  le  degré  de  violence  que  cette  frac¬ 
ture  exige  pour  se  produire  ;  de  là,  l’arthrite  grave. 

L’extraction  de  la  tête,  conseillée  par  Delpech,  mérite  d’être  con¬ 
damnée,  et  l’on  ne  doit  y  songer  que  s’il  s’agit  d’un  séquestre  avec  abcès. 

Vécornemeni  d’une  des  lèvres  de  la  cavité  glénoïde,  ou  la  fracture  du 
col  de  l’omoplate,  sont  des  lésions  tout  aussi  rares  et  d’un  diagnostic  fort 
difficile.  La  plupart  du  temps  on  ne  peut  que  soupçonner  cette  lésion  à 
la  crépitation  et  à  la  difficulté  de  maintenir  la  réduction.  Le  diagnostic 
se  réduit,  le  plus  souvent,  à  de  simples  probabilités. 

Nous  ne  ferons,  enfin,  que  mentionner  V arrachement  de  l'apophyse 
coracoïde,  la  fracture  de  la  clavicule,  des  côtes  et  de  l’omoplate,  dont 
l’existence  est  purement  accidentelle.  Nous  en  dirons  autant  de  la  frac¬ 
ture  du  col  chirurgical,  qui  a  été  suffisamment  décrite  à  l’article  Bras  de 
ce  dictionnaire. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  loxatioks.  4.77 

2“  Lésion  des  vaisseaux.  —  Il  n’est  question  ici  que  des  lésions  primi¬ 
tives,  survenues  avant  toute  tentative  de  réduction.  Le  seul  exemple 
connu  jusqu’ici  est  celui  de  A.  Bérard,  cité  par  Nélaton  dans  sa  patho¬ 
logie.  Il  s’agissait,  dans  ce  cas,  d’une  compression  de  l’axillaire,  caracté¬ 
risée  par  la  cessation  du  pouls  radial  et  suivie  bientôt  de  gangrène  et  de 
la  mort  de  l’individu. 

3“  Nerfs.  —  Nous  ne  parlons  encore  ici  que  de  la  lésion  qui  serait 
indépendante  de  tout  effort  de  réduction. 

Une  seule  fois  le  nerf  circonflexe  a  été  trouvé  rompu,  à  l’autopsie ,  par 
Hilton.  Mais  il  y  a  des  cas  nombreux  de  paralysies,  dont  la  cause  semble 
avoir  échappé  jusqu’ici.  Nous  nous  réservons  d’en  parler  à  propos  des 
paralysies  qui  succèdent  aux  tentatives  de  réduction. 

4“  Rupture  des  téguments. —  On  connaît  cinq  cas,  où  la  tête  était  sortie 
au  travers  des  téguments,  ce  sont  ceux  de  Hey,  Dixon,  Scott,  Morel- 
Lavallée  et  Gorré.  Sauf  le  cas  de  Morel-Lavallée,  où  la  tête  s’était  portée 
en  arrière,  les  quatre  autres  se  rapportent  tous  à  la  luxation  sous-glénoï- 
dienne. 

Des  cinq  individus,  deux  ayant  succombé  avant  l’arrivée  du  chirur¬ 
gien,  on  n’a  rien  tenté.  (Hey  et  Morel-Lavallée.) 

Gorré  a  pratiqué  la  résection  et  perdit  son  malade  de  délire,  le  sixième 
jour.  —  Dixon  et  Scott  firent  au  contraire  la  réduction  et  guérirent  leurs 
malades,  mais  après  bien  des  accidents  suppuratifs,  il  est  vrai.  La  guérison 
n’était  accomplie  qu’au  bout  d’un  an  pour  le  malade  de  Dixon  et  au  bout 
de  trois  mois  et  demi  pour  celui  de  Scott. 

5“  Blessure  du  thorax.  —  Il  existe  une  pièce  unique,  que  Larrey  a  pu 
examiner  au  cabinet  de  Prochaska  et  qui  représente  la  tête  humérale 
enfoncée  dans  la  poitrine  jusque  sous  la  plèvre  refoulée  par  elle.  La 
tête  avait  fracturé  la  troisième  côte,  en  passant  entre  celle-ci  et  la 
seconde. 

L’accident  dû  à  une  chute  sur  le  coude  écarté  du  tronc,  était  arrivé 
dans  la  jeunesse  de  l’individu  qui  n’est  mort  qu’à  quarante  ans.  Pendant 
sa  vie  il  pouvait  encore  gagner  son  pain  en  fendant  du  bois.  A  l’autopsie, 
Prochaska  trouva  la  tête  de  l’humérus  dans  la  cavité  pectorale,  nue, 
molle,  cédant  à  la  moindre  pression,  et  n’offrant  presque  plus  qu’une 
mince  coque  d’enveloppe. 

Diagnostic  des  luxations  de  l’épaule,  en  général.  —  Ce  dont  nous  de¬ 
vons  nous  occuper  ici,  c’est  surtout  du  mode  de  mensuration  du  membre, 
ainsi  que  du  diagnostic  différentiel  des  luxations  avec  les  autres  lésions 
de  l’épaule  qui  peuvent  les  simuler. 

1°  Mode  de  mensuration.  —  Malgaigne  étant  celui  qui  s’en  est  le  plus 
occupé,  je  rapporterai  ici  ses  propres  paroles. 

«  Le  sujet  vu  par  derrière,  on  prend  soin  de  lui  tenir  les  coudes,  éga¬ 
lement  écartés  du  corps,  en  en  rapprochant  le  bras  luxé  le  plus  possible  ; 
les  deux  acromions  à  la  même  hauteur  ;  l’angle  inférieur  et  te  bord  spinal 
de  chaque  omoplate  également  éloignés  du  rachis.  On  cherche  alors  l’angle 
postérieur  de  l’acromion,  sous  lequel  on  assure  le  ruban  avec  l’ongle,  et 


478  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

on  le  conduit  soit  au-dessus  de  l’épicondyle ,  soit  au-dessous  de  l’épitro¬ 
chlée,  où  on  l’arrête  pareillement  avec  l’ongle.  » 

Malgré  toutes  ces  précautions,  les  résultats  fournis  par  la  mensuration 
ne  sont,  de  l’avis  même, de  Malgaigne,  qu’approximatifs,  à  tel  point, 
qu’un  allongement  ou  un  raccourcissement  de  moins  de  1  centimètre 
reste  toujours  douteux. 

Ce  qui  fait  qu’on  ne  peut  pas  se  rapprocher  d’une  mensuration  plus 
exacte,  c’est  que,  contrairement  à  l’état  normal, le  ruban  n’est  plus  paral¬ 
lèle  à  l’axe  de  l’humérus,  mais  fait  avec  cet  axe  un  angle  d’autant  plus 
ouvert  que  la  tête  s’éloigne  davantage  de  la  cavité  glénoïde. 

A  mesure  donc  que  la  tête  se  porte  en  dedans  pour  se  rapprocher  de 
la  ligne  médiane,  ou  qu’elle  se  dirige  plus  en  avant  ou  plus  en  arrière,  la 
ligne  se  trouvera  raccourcie  d’autant.  De  là,  la  nécessité  de  faire  une 
contre-mensuration  du  côté  où  se  porte  la  tête. 

Pour  prendre  un  exemple,  dans  la  luxation  sous-coracoïdienne,  la  men¬ 
suration  de  la  paroi  antérieure  de  l’aisselle,  faite  en  tendant  un  ruban  du 
bord  inférieur  de  la  clavicule  au  bord  antérieur  du  creux  axillaire,  indi¬ 
que  un  allongement  qui  dépasse  quelquefois  du  double  celui  fourni  par 
le  mode  de  mensuration  précédemment  indiqué. 

Si  l’on  voulait  formuler  d’une  façon  générale  ce  qui  a  trait  aux  varia¬ 
tions  de  longueur  du  bras  dans  les  luxations,  on  pourrait  dire  que  cette 
longueur  augmente  ou  diminue  suivant  que  la  tête  s’abaisse  ou  s’élève,  et 
aussi,  suivant  qu'on  pratique  la  mensuration  dans  le  sens  de  la  luxation, 
ou,  dans  le  sens  opposé. 

C’est  pour  n’avoir  pas  tenu  suffisamment  compte  de  ce  dernier  élément 
qu’il  connaissait  pourtant,  que  Malgaigne  fit  de  l’abaissement  de  la  tête 
le  synonyme  d’allongement  du  bras,  et  qu’il  soutint  que  dans  toutes  les 
luxations  de  l’épaule,  la  tête  humérale  se  trouvant  plus  basse,  l’allonge¬ 
ment  était  chose  forcée.  L’observation  clinique  a  énergiquement  protesté 
déjà  contre  cette  manière  de  voir  par  trop  absolue,  fondée  sur  des  consi¬ 
dérations  d’anatomie  pure,  et  les  détails  cliniques,  dans  lesquels  nous 
sommes  entrés  précédemment,  expliquent  la  cause  d’erreur. 

Le  procédé  de  mensuration  que  nous  venons  de  décrire  est  le  même 
pour  toutes  les  variétés.  Seule  la  luxation  sous-acromiale  offre  une  petite 
modification  consistant  à  faire  partir  le  ruban  d’un  autre  point  que  de 
l’angle  postérieur  de  l’acromion,  masqué  qu’il  est  ici  par  la  saillie  de 
la  tête.  Malgaigne  conseille  le  bord  inférieur  de  l’épine  de  l’omoplate,  et 
l’on  pourrait  tout  aussi  bien  prendre  le  sommet  de  l’acromion  pour  s’ar¬ 
rêter  au  sommet  de  l’olécrâne  qui  se  trouve  alors  sur  la  même  ligne  ver¬ 
ticale. 

'2“  Subluxations  pathologiques.  —  Il  y  en  a  de  plusieurs  espèces. 

•  Par  paralysie.  —  La  paralysie  isolée  du  deltoïde  sera  étudiée  à  part 
et  ne  produit  du  reste  qu’un  simple  écartement  des  surfaces  articulaires  ; 
c’est  donc,  à  la  paralysie  complète  de  tous  les  muscles  de  l’épaule  que 
s’adresse  ce  qui  va  suivre. 

Le  déplacement  consiste  assez  souvent  dans  une  luxation  sous-coracoï- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  479 

dienne  au  premier  degré  (notre  extra-coracoïdienne).  A  part  les  signes 
propres  à  cette  luxation,  lorsqu’elle  est  traumatique,  s’ajoutent  :  l’atro¬ 
phie  des  muscles  du  bras,  l’affaissement  du  deltoïde,  qui  fait  que 
l’acromion  semble  vouloir  percer  la  peau  ;  l’inertie  du  bras  qu’on  peut 
faire  ballotter  en  tout  sens  comme  un  battant  de  cloche.  Généralement 
l’avant-bras  et  la  main  conservent  leur  force,  et  comme  la  paralysie,  ha¬ 
bituellement  double,  remonte  aux  premiers  temps  de  la  vie,  il  n’est  pas 
rare  de  rencontrer  l’humérus ,  l’omoplate  et  la  clavicule  amincis,  avec 
leurs  saillies  très-apparentes  sous  la  peau.  Ce  genre  de  luxation  se  réduit 
et  se  reproduit  avec  la  plus  grande  facilité. 

Malgaigne  cite  deux  cas  de  paralysies  incomplètes  où  les  malades  pou¬ 
vaient  se  luxer  l’humérus  volontairement  dans  certains  mouvements. 
Dans  ces  deux  cas,  le  déplacement  se  faisait  en  arrière^  et  c’est  aussi  en 
arrière  que  se  portait  la  tête  de  l’humérus  chez  un  vieillard  épileptique 
qui  s’est  offert  à  l'observation  du  professeur  Gosselin  (communication 
orale).  (Foy.  page  512,  Paralysies  obstétricales.) 

Par  hydarthrose.  Elle  succède  habituellement  à  des  coups  ou  des 
chutes  sur  le  moignon  de  l’épaule.  On  peut  en  distinguer  deux  espèces, 
celles  par  hydarthrose  aiguë  et  celles  par  hydarthrose  chronique  ;  parmi 
ces  dernières,  on  a  compris  divers  cas  d’arthrite  déformante  avec  épan¬ 
chement  dans  la  jointure. 

Les  luxations  par  hydarthrose  aiguë  de  l’épaule  ne  sont  guère  connues 
que  depuis  une  vingtaine  d’années  au  plus  ;  ce  sont  des  luxations  sous- 
coracoïdiennes  véritables  qui,  dans  les  cinq  ou  six  observations  connues, 
survinrent  rapidement,  vers  le  cinquième  ou  huitième  jour  de  la  ma 
ladie. 

Les  antécédents  mettront  sur  la  voie  du  diagnostic.  Il  faudra  seulement 
se  mettre  en  garde  d’une  erreur  qui  consiste  à  confondre  une  luxation 
traumatique,  masquée  dans  les  premiers  jours  par  le  gonflement,  avec 
une  véritable  luxation  consécutive. 

Par  scapulalgie.  —  Généralement  la  subluxation  se  fait  en  avant. 

Comme  cette  déformation,  alors  même  qu’elle  succède  à  une  cause 
traumatique,  ne  se  développe  qu’à  la  longue,  qu’elle  offre  tous  les  ca¬ 
ractères  de  la  tumeur  blanche  et  qu’il  existé  souvent  des  fistules,  il  n’est 
pas  possible  de  la  confondre  avec  une  luxation  sus-glénoïdienne  véri¬ 
table. 

C’est  véritablement  par  parti  pris  que  Malgaigne  a  compris ,  parmi  ces 
pseudo-luxations,  l’observation  si  nette  de  Laugier  que  nous  avons 
rapportée,  comme  la  luxation  sus-glénoïdienne  traumatique  par  excel¬ 
lence. 

Il  nous  resterait,  pour  terminer ,  ce  qui  a  trait  au  diagnostic  diffé¬ 
rentiel  des  luxations  de  l’humérus  avec  les  autres  affections  de  l’épaule, 
à  parler  des  fractures  de  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus,  tête  et  col 
chirurgical;  mais,  comme  il  en  a  été  suffisamment  question  à  l’article 
Béas,  t.  V,  nous  y  renvoyons  le  lecteur.  La  seule  chose  sur  laquelle  nous 
croyons  devoir  insister  tout  particulièrement,  ce  sont  les  méprises  fré- 


480  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

quenles  en  pareil  cas.  Le  gonflement  de  l’article  et  l’évidence  des  signes 
de  la  fracture  exposent  à  l’erreur,  au  moins  dans  les  premiers  temps. 
C’est  ainsi  que  sur  20  cas  de  luxations  compliquées  de  fracture  du  col 
chirurgical,  on  en  compte  6  où  la  luxation  a  passé  inaperçue. 

Fréquence.  —  La  laxité  du  ligament  capsulaire,  le  peu  de  profondeur 
de  la  cavité  glénoïde  et  les  mouvements  très-étendus  qu’exécute  le  bras, 
expliquent  la  grande  fréquence  des  luxations  scapulo-humérales. 

Sur  les  registres  de  l’Hotel-Dieu,  Malgaigne  a  pu  faire  un  relevé  de 
489  luxations  bien  spécifiées.  Sur  ce  nombre,  l’articulation  de  l’épaule 
était  représentée  par  le  chiffre  élevé  de  321. 

Dans  sa  statistique  de  l’hôpital  Saint-Louis,  le  même  auteur  signale 
49  luxations  de  l’humérus  sur  un  total  de  114  cas.  Cette  infériorité  re¬ 
lative  des  luxations  de  l’épaule,  s’explique  par  le  plus  grand  nombre  de 
luxations  de  toute  sorte  qu’on  reçoit  à  l’hôpital  Saint-Louis  dans  une  pé¬ 
riode  donnée. 

Norris,  à  l’hôpital  de  Pennsylvanie,  sur  un  total  de  94  luxations,  en  avait 
compté  49  de  l’articulation  scapulo-humérale. 

0.  Weber  de  son  côté,  sur  un  total  de  180  luxations  non  compliquées 
de  fracture  en  a  compté  69  pour  l’humérus. 

Enfin  Gurlt,  sur  124  luxations  diversés,  est  arrivé  au  chilfre  de  65  pour 
l’humérus  seul.  Ainsi,  dans  les  statistiques  partielles,  la  proportion  a 
varié  des  f  (statistique  de  l’hôpital  Saint-Louis)  à  |  et  jusqu’à  près  des  | 
(statistique  de  l’Hôtel-Dieu).  En  réunissant  tous  les  chiffres  précédem¬ 
ment  indiqués,  on  arrive  à  la  proportion  élevée  de  5  1/2  sur  9  ou  en 
chiffre  rond  de  3  :  5  qui  indique  la  proportion  générale  des  luxations 
scapulo-humérales  comparées  à  toutes  les  autres  luxations  du  corps  prises 
ensemble. 

Pour  ce  qui  est  de  la  fréquence  de  chacune  des  variétés  en  particulier, 
nous  en  avons  déjà  parlé. 

Causes. —  Elles  sont  prédisposantes  et  déterminantes. 

Causes  prédisposantes.  —  Sexe.  —  Les  luxations  scapulo-humérales 
sont  plus  communes  chez  l’homme  que  chez  la  femme.  Malgaigne,'‘[sur 
les  370  cas  de  l’Hôtel-Dieu  et  de  l’hôpital  Saint-Louis,  compte  273  hom-, 
mes  et  97  femmes.  Parmi  les  69  cas  de  O.  Weber,  il  y  avait  57  hommes 
et  seulement  12  femmes.  Au  total,  les  luxations  du  bras  sont  troislfois 
plus  communes  chez  l’homme  que  chez  la  femme. 

Age.  —  Au  sujet  de  l’influence  de  l’âge,  Malgaigne  a  dressé  ^le  tableau 
suivant,  que  nous  modifierons  un  peu  en  séparant  ce  qui  a  trait  au  sexe 
pour  chaque  âge: 


5  à  15  ans. 
15  à  25  — 
25  à  45  — 
45  à  60  — 
60  à  70  — 
Passé  70  — 


4  2  2 

56  34  2 

97  75  22 

124  93  31 

78  51  27 

31  18  13 


EPAÜLK  (pathologie).  —  luxations.  481 

Voici  maintenant  la  statistique  de  0.  Weber  d’après  une  division  dé¬ 
cennale  de  la  vie  : 

0  à  10  ans.  ïi 

11  à  20  —  5 

21  à  30  —  20 

31  à  40  —  15 

41  à  50  —  14 

51  à  60  —  10 

61  à  70  —  4 

71  à  80  —  B 


En  somme,  c’est  entre  20  et  60  ans,  et  tout  particulièrement  à  partir 
de  40  ans  qu’on  observe  le  plus  grand  nombre  des  luxations  scapulo- 
humérales  ;  une  particularité  digne  de  [remarque,  c’est  que  chez  la  femme, 
ce  n’est  guère  qu’après  40  ans  que  les  luxations  commencent  à  së  mon¬ 
trer  avec  une  certaine  fréquence;  mais,  en  revanche,  pour  se  soutenir 
chez  elle,  à  un  niveau  élevé,  plus  longtemps  que  chez  l’homme. 

Constitution.  —  A.  Cooper  avait  avancé  sans  trop  de  preuves  que  les 
sujets  à  fibres  molles  étaient  plus  prédisposés  à  cette  luxation  comme  à 
toutes  les  autres.  Mais,  si  l’on  songe  que  la  luxation, rare  dans  l’enfance, 
devient  surtout  fréquente  à  l’âge  du  développement  complet  du  système 
musculaire  ;  qu’elle  est  plus  commune  chez  l’homme  que  chez  la  femme, 
et  qu’elle  reconnaît  assez  souvent,  comme  cause  unique,  la  contraction 
musculaire,  on  est  porté  à  admettre  tout  le  contraire,  à  savoir  :  qu’un 
développement  musculaire  suffisant  constitue  une  prédisposition  à  cette 
luxation. 

Ce  que  nous  venons  de  dire,  indique  du  même  coup  le  rôle  important 
que  joue  la  contraction  musculaire  dans  la  production  des  luxations  de 
l’épaule,  ainsi  que  le  voulait  avec  juste  raison  Boyer. 

Causes  déterminantes  et  mécanisme.  —  Bien  que  variées,  les  causes 
déterminantes  se  réduisent,  d’après  leur  mode  d’action,  à  trois  :  impul¬ 
sion  directe,  impulsion  à  angle  et  impulsion  par  rotation. 

Quant  à  leur  nature,  il  y  en  a  de  deux  ordres  :  les  violences  extérieures, 
qui  se  divisent  elles-mêmes  en  directes  et  indirectes,  suivant  qu’elles 
agissent  près  de  l’interligne  articulaire  ou  loin  de  cet  interligne,  et  l'ac¬ 
tion  musculaire. 

De  toutes  les  violences  extérieures,  celles  qu’on  a  noté  le  plus  souvent, 
sont  les  chutes  sur  le  membre  correspondant. 

Tantôt,  et  le  plus  souvent,  la  chute  a  lieu  sur  le  coude  ou  la  main  écar¬ 
tés  du  tronc  ;  d’autres  fois,  sur  le  bras  fortement  rapproché. 

Nous  avons  fait  justice  précédemment  de  l’opinion  d’après  laquelle 
le  bras  devrait  être  toujours  écarté  du  tronc  pour  que  la  luxation  fût  pos¬ 
sible,  toutefois  c’est  là  un  cas  fréquent  et  nous  devons  en  rechercher  le 
mécanisme. 

Boyer  expose  ce  mécanisme  comme  il  suit  ;  «  Lorsqu’un  homme  tombe 
sur  le  sol,  son  premier  mouvement  est  de  présenter  le  bras  pour  empê¬ 
cher  que  la  tête  ne  porte  sur  la  terre.  Dans  cette  situation,  le  corps  plie 

KOUV.  DICT.  MED.  ET  CHIR.  XtlI.  —  31 


482  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

sur  l’articulation  du  bras,  et  comme,  dans  le  même  instant,  les  muscles 
grand  pectoral  et  grand  dorsal  se  contractent  vivement  pour  soutenir  le 
corps  en  tirant  le  bras  vers  la  poitrine,  ils  déterminent  la  tête  de  l’hu¬ 
mérus  à  sortir  de  sa  cavité;  parce  que  le  coude  qui  porte  à  terre  est  ap¬ 
puyé  sur  un  point  fixe,  tandis  que  la  tête  de  l’os  devient  le  point  mobile.  » 

Pour  Malgaigne,  la  luxation  a  lieu  d’une  tout  autre  façon,  sans  que  les 
muscles  interviennent  autrement  que  pour  fixer  le  scapulum. 

Dans  l’élévation  forcée  du  bras,  avec  mouvement  en  arrière,  dit  cet 
auteur,  l’humérus  arc-boute  par  sa  grosse  tubérosité  contre  le  rebord  glé- 
noïdien  ;  puis,  quand  la  capsule  fortement  pressée  par  la  tête,  a  commencé 
à  se  rompre,  l’humérus  prend  un  nouveau  point  d’appui  sur  le  bord 
externe  de  l’acromion  et  achève  ainsi  sa  bascule.  La  meilleure  preuve, 
ajoute  Malgaigne,  que  les  muscles  n’y  prennent  aucune  part,  c’est  que 
sur  le  cadavre,  les  choses  se  passent  exactement  de  cette  façon.  » 

Que  les  choses  se  passent  ainsi  sur  le  cadavre  et  parfois  même  sur  le 
vivant,  là,  n’est  point  la  question;  ce  qu’il  faut  savoir  avant  tout,  c’est 
si  le  bras,  dans  les  chutes,  affecte  réellement  l’attitude  décrite  par  Malgai¬ 
gne  (élévation  forcée),  ou  bien  si,  comme  le  veut  Boyer,  le  membre,  par 
un  mouvement  instinctif,  sê  dirige  obliquement  en  bas  et  en  avant. 

Sans  doute,  les  deux  attitudes  sont  possibles,  mais,  si  l’on  se  rapporte 
aux  renseignements  pris  au  lit  du  malade,  on  est  forcé  de  convenir  que  la 
chute  se  fait  le  plus  souvent  comme  le  dit  Boyer,  ce  qui  diminue,  et  de 
beaucoup,  la  valeur  de  la  théorie  de  Malgaigne,  faisant  de  l’humérus  un 
levier  du  premier  genre. 

Quoi  qu’il  en  soit,  la  théorie  de  Boyer,  bien  que  plus  en  harmonie 
avec  les  faits  d’observation,  demande  elle-même  à  être  complétée. 

Il  est  clair,  en  effet,  que  lorsque  le  bras  se  dirige  en  avant,  la  tête  de  l’hu¬ 
mérus  tend  à  se  réfugier  vers  la  partie  postérieure  de  la  cavité  glénoïde, 
et  l’on  ne  comprend  pas  pourquoi  la  tête  se  luxe  alors  en  avant  plutôt 
qu’en  arrière.  Boyer  dirait  à  cela  que  la  contraction  des  muscles  grand 
pectoral  et  grand  dorsal  décide  du  sens  de  la  luxation  ;  mais,  outre  que 
d’autres  muscles  attirent  la  tête  en  sens  inverse,  on  ne  devrait  avoir  de 
la  sorte  que  des  luxations  sous-glénoïdiennes,  ce  qui  n’est  pas;  les  luxa¬ 
tions  sous-  coracoïdiennes  et  surtout  intra-coracoïdiennes  étant  au  contraire 
la  règle. 

Voici  comment  il  faudrait  compléter,  croyons-nous,  la  théorie  de 
Boyer  ; 

Au  moment  où,  comme  dit  Boyer,  le  corps  plié  sur  l’articulation  du 
bras,  l’individu  cherche  à  éviter  une  blessure  grave  de  la  tête,  en  se 
renversant  fortement  en  arrière;  l’omoplate,  de  son  côté,  glisse  sur  l’hu¬ 
mérus,  rendu  fixe  par  la  contraction  des  muscles  et  le  point  d’appui  pris 
au  sol,  jusqu’à  ce  qu’il  arrive  un  moment  où  la  capsule  se  déchire  et  que 
la  tête  se  dégage  en  avant.  Ainsi  la  bascule  du  scapulum  nous  paraît  jouer 
un  rôle  important,  sinon  prépondérant,  dans  la  production  de  la  luxa¬ 
tion  par  le  mécanisme  en  question. 

Lorsque  la  chute,  au  lieu  de  se  faire  sur  le  coude  ou  la  main  écartés,  a 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  483 

lieu  sur  le  bras  rapproché  du  tronc,  le  mécanisme  est  naturellement  tout 
autre. 

Tous  les  auteurs  admettent  qu’un  impulsion  directe  peut  seule  expli¬ 
quer  la  luxation  en  pareil  cas,  mais  pour  qu’il  en  soit  ainsi,  il  faut  de 
toute  nécessité  que  l’individu  tombe  sur  le  sommet  même  de  l’épaule,  et 
puis  on  s’explique  difficilement  comment  il  se  fait  que  les  chutes  en 
avant,  ou  au  moins  sur  le  côté,  de  toutes  les  plus  communes,  produisent 
d’ordinaire  des  luxations  antérieures. 

Ainsi  que  nous  l’a  appris  l’expérimentation  cadavérique,  la  torsion  de 
l’humérus  sur  l’axe  entre  pour  beaucoup  dans  la  production  de  ces  luxa¬ 
tions,  et  c’est  aussi  là  le  résultat  auquel  est  arrivé  Sédillot  dès  1855. 

«  Tout  essai  de  rupture  de  la  capsule  humérale  par  traction  reste  in¬ 
suffisante  ;  mais,  si  l’on  porte  à  faux  la  tête  de  l’os  contre  l’un  des  côtés 
de  la  capsule,  en  imprimant  au  membre  une  forte  inclinaison  aidée  d’un 
mouvement  de  rotation,  on  déchire  assez  facilement  les  ligaments  qui  op¬ 
posaient  à  la  traction  directe  une  résistance  insurmontable. 

Il  est  aisé  de  luxer  l’humérus  en  dedans  et  en  avant  sur  le  cadavre 
par  ce  mécanisme,  tandis  qu’ayant  voulu  juger  de  la  résistance  de  l’arti¬ 
culation  scapulo-humérale  à  la  traction,  nous  avons  appliqué  une  trac¬ 
tion  de  600  kilogrammes  sur  le  bras  d’un  vieillard  décharné,  qui  avait 
succombé  dans  le  marasme,  sans  déterminer  aucune  rupture.  » 

Voici,  du  reste,  comment  nous  comprenons  le  mouvement  de  rotation 
en  pareils  cas. 

Lorsque  l’individu  tombe  sur  le  côté  externe  du  oras,  l’avant-bras  est 
plus  ou  moins  fléchi,  et  le  coude  fait  saillie  en  arrière.  La  résistance  du 
sol  porte  alors  sur  la  face  externe  du  coude  et  pousse  celui-ci  du  côté  du 
dos  pendant  que  l’individu  roule  généralement  en  sens  inverse,  afin  d’é¬ 
viter  que  la  tête  ne  porte  à  terre.  De  ce  double  mouvement  de  rotation  en 
sens  inverse,  il  résulte  la  rupture  du  segment  antérieur  de  la  capsule  et 
l’expulsion  de  la  tête  humérale  dans  le  même  sens. 

Dans  les  cas  plus  rares,  où  le  coup  porte  sur  l’interligne  articulaire  lui- 
même,  on  admet  généralement  que  l’humérus  est  chassé  dans  un  sens, 
pendant  que  le  scapulum  trouve  un  point  d’appui  extérieur  qui  le  re¬ 
tient  en  place,  ou  est  rendu  fixe  par  les  muscles  en  question.  Nous  fe¬ 
rons  à  cette  théorie  la  même  objection  que  précédemment,  à  savoir  qu’on 
n’explique  en  rien  pourquoi  la  luxation  a  presque  toujours  lieu  en 
avant,  tandis  que  tout  devient  clair  si  on  fait  intervenir  la  rotation  sur 
l’axe,  qui  nous  paraît  l’agent  le  plus  puissant  de  la  production  des  luxa¬ 
tions  scapulo-humérales  en  général. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  que  la  sphère  humérale  dépasse  d’un 
tiers  en  avant  la  cavité  glénoïde,  dont  le  fond  très-évasé  représente  une 
surface  oblique  inclinée  en  avant.  Lors  donc  qu’un  coup  est  appliqué 
sur  la  sphère,  dont  l’axe  fait  avec  le  plateau  glénoïdien  un  angle  ouvert 
en  avant,  elle  éprouve  un  mouvement  de  rotation  autour  de  l’axe,  à  l’instar 
d’une  bille  de  billard,  qui  la  projette  en  avant  en  déchirant  le  ligament 
capsulaire. 


484  ÉPAULE  Cpatuologie).  —  lüxatioks. 

Pour  que  la  luxation  puisse  se  faire  dans  le  sens  contraire,  il  faudrait 
qu’au  préalable  la  tête  fût  ramenée  en  arrière  et  dans  une  forte  rotation 
en  dedans,  auquel  cas  le  choc,  exagérant  cette  rotation,  aurait  pour  effet 
d’expulser  la  tête  sous  l’acromion.  C’est  en  effet  là  ce  que  nous  avons 
vu  se  passer  en  cherchant  à  reproduire  sur  le  cadavre  la  luxation  en 
arrière,  et  c’est  ce  qu’avait  constaté  le  professeur  Nélaton  avant  nous. 

En  résumé,  l’élément  rotation  comme  agent  de  luxation  nous  semble 
jouer  ici  un  rôle  important,  tant  au  point  de  vue  des  luxations  de  cause 
indirecte  que  de  celles  de  cause  directe. 

Une  cause  beaucoup  moins  commune  de  luxation,  consiste  dans  la 
torsion  imprimée  à  l’humérus  par  une  main  étrangère.  On  comprend 
que  le  sens  du  déplacement  dépendra  uniquement  du  sens  de  la  torsion  ; 
celle  en  dehors,  produira  une  luxation  en  avant,  et  celle  en  dedans,  une 
luxation  en  arrière.  Nous  avons  cité  précédemment  l’exemple  d’une 
femme  qui,  ayant  eu,  dans  une  altercation,  le  bras  tordu,  vit  se  produire 
ainsi,  sans  coup  ni  chute,  une  luxation  intra-coracoïdienne  type,  que 
nous  réduisîmes  avec  facilité  lorsque  la  malade  s’est  présentée  le  lende¬ 
main  à  la  consultation  de  l’hôpital  Saint-Louis. 

Une  dernière  cause  de  luxation  réside  dans  la  contraction  musculaire 
volontaire  ou  spasmodique. 

A  propos  de  chaque  luxation  en  particulier,  nous  en  avons  cité  des 
exemples  authentiques,  et  chacun  sait  que  les  épileptiques  peuvent  se 
luxer  le  bras  pendant  leurs  accès.  On  n’a  pas  manqué  toutefois  de  faire 
des  objections,  et  l'on  s’est  demandé  si  la  contraction  musculaire  seule 
suffît  pour  produire  la  luxation,  ou  bien  si  une  chute,  comme  c’est  le  cas 
des  épileptiques  ;  le  relâchement  traumatique  pathologique  ou  congénital 
des  ligaments;  le  poids  d’un  corps  lourd  qu’on  soulève;  la  résistance  d’un 
objet  que  la  main  rencontre,  etc.,  n’interviennent  en  grande  partie  pour 
déterminer  la  luxation. 

Quoi  qu’il  eh  soit  de  ces  objections,  il  n’en  est  pas  moins  vrai  qu’il  y  a 
dans  la  science  des  exemples  de  luxation  par  contraction  musculaire  vo¬ 
lontaire  ou  convulsive  qu’il  serait  impossible  de  mettre  en  doute. 

Comme  on  ne  peut  reproduire  sur  le  cadavre  la  luxation  de  cause 
musculaire,  il  serait  difficile  de  dire  quel  doit  en  être  au  juste  le  méca¬ 
nisme.  Si  l’on  se  rappelle  toutefois  que  la  luxation  en  arrière  reconnaît 
souvent  pour  cause  l’action  musculaire,  et  que  son  mécanisme  réside 
principalement  dans  une  forte  rotation  de  l’humérus  sur  l’axe,  il  est  per¬ 
mis  de  supposer  que  l’action  des  muscles  se  réduit  en  une  rotation  vio¬ 
lente  capable  de  rompre  la  capsule.  Ce  n’est  toutefois  là  qu’une  hypo¬ 
thèse. 

Tcaitesiekt  des  luxations  de  l’épadle  en  général.  —  Comme  pour  toutes 
les  luxations,  le  traitement  des  déplacements  de  l’humérus  peut  se  résu¬ 
mer  ainsi  : 

1“  Remettre  l’os  à  sa  place  ;  2“  combattre  l’arthrite  traumatique  et  fa¬ 
ciliter  la  cicatrisation  des  ligaments  ;  5“  rétablie  l’intégrité  des  mouve¬ 
ments  momentanément  compromis,  à  moins  que  des  lésions  conco- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxai îo.ns.  485 

mittantes  graves  rendent  la  chose  impossible  ;  ces  deux  derniers  points 
constituent  le  traitement  consécutif  de  ta  luxation. 

Nous  nous  occuperons  successivement  de  ces  deux  ordres  de  faits. 

I.  Réduction  de  la  luxation.  —  Les  manœuvres  qui  ont 'pour  but  de 
faire  rentrer  la  tête  de  l’humérus  à  sa  place  ont  varié  à  l’infini,  suivant 
le  genre  de  luxation  et  le  génie  particulier  du  chirurgien.  Malgré  leur 
nombre,  elles  peuvent  être  réduites  à  deux  principales  :  {'extension  paral¬ 
lèle  et  la  coaptation,  qui  peuvent  à  leur  tour  être  employées  séparément 
ou  combinées  ensemble. 

A.  Extension  parallèle.  —  Elle  comprend  l’extension  proprement  dite 
et  la  contre-extension. 

1°  Extension. —  Elle  se  fait  par  le  chirurgien  lui-même,  par  des  aides, 
ou  à  l’aide  de  divers  procédés  mécaniques.  L’on  donnera  la  préférence  à 
l'un  ou  à  l’autre  de  ces  moyens,  suivant  le  degré  de  résistance  <à  vaincre. 

Lorsqu’on  prévoit  de  grandes  difficultés  qui  exigeront  beaucoup  de 
force,  il  faut,  règle  générale,  donner  la  préférence  aux  machines.  Celles- 
ci  permettent  de  mesurer  à  tout  instant  la  force  qu’on  déploie,  et  l’on 
est  à  l’abri  d’accidents,  tels  que;  fractures  des  os,  ruptures  de  gros  vais¬ 
seaux,  paralysies,  et  même  arrachement  de  tout  le  membre,  ainsi  qu’on 
en  a  cité  des  exemples. 

Le  point  d’application  de  la  force  extensive  n’est  pas  non  plus  sans  im¬ 
portance. 

Les  uns,  pour  ne  parler  que  du  procédé  usuel,  appliquent  le  lac  à  ex¬ 
tension  au  poignet  ;  d’autres,  et  nous  sommes  du  nombre,  préfèrent  l’ap¬ 
pliquer  au  bras,  immédiatement  au-dessus  du  pli  du  coude. 

En  adoptant  ce  dernier  procédé,  on  évite  de  tirailler  inutilement  les 
ligaments  du  poignet  et  du  coude  ;  on  met  le  biceps  dans  le  relâchement, 
en  fléchissant  l’avant-bras  sur  le  bras  ;  et  l’on  peut  se  servir  enfin  de 
l’avant-bras  fléchi  comme  d’un  levier,  pour  imprimer  à  l’humérus  tout 
mouvement  de  rotation  que  comporte  la  luxation. 

Que  l’on  choisisse  l’un  ou  l’autre  point  du  membre,  il  est  nécessaire 
d’y  fixer  solidement  le  lac,  pour  qu’il  ne  vienne  à  glisser  au  moment  des 
tractions.  En  vue  de  ménager  la  peau,  il  faut,  avant  l’application  du  lac, 
retirer  celle-ci  légèrement  en  haut  et  au  besoin  l’enduire  légèrement 
d’un  corps  gras,  huile  ou  cérat;  sans  ces  précautions  on  s’expose  à  déter¬ 
miner  des  excoriations  et  même  la  rupture  des  téguments,  surtout  chez 
les  personnes  à  peau  fine  ou  qui,  étant  fortement  musclées,  ont  l’enve¬ 
loppe  tégumentaire  tendue  et  peu  apte  dès  lors  à  se  laisser  tirailler  sans 
mesure. 

Quel  que  soit  le  moyen  de  traction  que  l’on  ait  choisi,  il  faut  procéder 
avec  lenteur,  et  n’augmenter  le  degré  de  la  force  que  par  étapes,  c’est-à- 
dire  à  mesure  qu’il  devient  démontré  que  le  degré  inférieur  reste  insuf¬ 
fisant.  On  ne  doit  pas,  en  effet,  oublier  que  ce  qui  s’oppose  le  plus  à  la 
réduction,  au  moins  dans  les  cas  récents,  ce  sont  les  muscles,  sollicités  à 
se  contracter  violemment  par  suite  de  l’effort  mécanique  et  aussi  de  la 
douleur.  Or  le  meilleur  moyen  pour  vaincre  cette  résistance  consiste  non 


486  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

à  exagérer  outre  mesure  la  traction,  mais  bien  à  prolonger  celle-ci  suf¬ 
fisamment. 

C’est  ainsi  que  des  tractions  comparativement  minimes  de  40,  30,  20, 
15  et  même  10  kilos  ont  suffi  pour  réduire  maintes  luxations  de  l’épaule, 
alors  qu’en  procédant  avec  brutalité,  100  kilos  et  au  delà  sont  restés- 
impuissants. 

Ce  qui  démontre  encore  la  vérité  de  ce  principe,  c’est  l’application  de 
la  traction  élastique  proposée  par  Th.  Anger  et  Legros,  et  appliquée  avec 
succès  en  1866  dans  le  service  de  Nélaton. 

Voici  comment  on  s’y  prend  ;  Un  drap  plié  en  cravate,  dont  le  milieu 
passe  sous  l’aisselle  et  les  deux  chefs  réunis  derrière  le  cou  du  malade,  se 
fixe  à  l’un  des  montants  du  lit  en  fer  d’hôpital,  sert  à  la  contre-exten¬ 
sion. 

Un  tube  de  caoutchouc  de  la  grosseur  du  petit  doigt  environ  et  de 
60  centimètres  de  long,  passé  cette  fois  dans  l’anse  d’une  alèze  appliquée 
comme  d’ordinaire  au  bras,  se  trouve  fixé  sur  l’autre  montant  du  lit,  pour 
exercer  V extension.  Il  est  à  noter  que, pour  augmenter  la  force  du  tube  eu 
caoutchouc  il  suffit  de  replier  celui-ci  autant  de  fois  qu’il  le  faut. 

C’est  ainsi  que  Th.  Auger  avec  quatre  tours,  parvint,  sur  un  individu 
athlétique,  à  réduire  une  luxation  intra-coraco’idienne,  qui  datait  de. 
48  heures  et  qui  avait  résisté  la  veille  à  des  tractions  vigoureuses  faites 
par  trois  aides.  Vingt-cinq  minutes  de  traction  élastique  ont  suffi  pour 
vaincre  la  résistance  musculaire. 

Une  autre  question  qui  se  pose  est  celle-ci  :  dans  quelle  direction  faut- 
il  tirer  le  membre  ? 

L’extension  a  été  faite  dans  toutes  les  directions  :  obliquement  en  bas  ; 
horizontalement,  le  bras  relevé  à  angle  droit;  obliquement  en  haut,  et 
enfin  tout  à  fait  verticalement.  Ce  dernier  procédé,  pratiqué  dès  le  trei¬ 
zième  siècle  par  Brunus,  fut  renouvelé  par  Thompson  en  1762,  puis  ap¬ 
pliqué  avec  succès  par  White,  Hey,  Ch.  Bell.  En  4776,  Mothe  (de  Lyon) 
l’appliqua  comme  une  chose  nouvelle,  et  finalement  Rust  et  Kluge,  en  Al¬ 
lemagne  etMalgaigne,  en  France,  en  furent  les  plus  chauds  partisans. 

Comme  toutes  ces  manières  de  faire  comptent  des  succès  et  des  insuc¬ 
cès,  il  n’est  pas  possible,  croyons-nous,  de  formuler  un  précepte  uni¬ 
forme  ;  le  tout  dépend  des  cas  particuliers. 

Toutefois,  si  nous  nous  reportons  à  tout  ce  que  nous  avons  vu  faire  ou 
pratiqué  nous-mêmes  jusqu’ici  et  à  nos  expérimentations  sur  le  cadavre, 
nous  nous  rallierons  volontiers  à  l’extension  oblique  en  haut  ou  horizon¬ 
tale  pour  la  généralité  des  cas.  Cela  est  surtout  vrai  pour  les  luxations 
récentes  ;  car,  pour  celles  plus  anciennes,  on  est  parfois  forcé  d’essayer 
de  tous  les  procédés,  tour  à  tour. 

2°  Contre-extension.  —  ha  contre-extension  constitue,  il  va  sans  dire, 
le  complément  indispensable  de  l’extension  ;  elle  a  pour  but  d’assurer 
l’immobilité  du  scapulum  en  même  temps  qu’elle  entraîne  le  tronc  du 
côté  opposé,  sans  quoi  l’extension  serait  illusoire  et  même  impossible. 

Le  poids  du  corps,  la  résistance  du  plan  sur  lequel  il  est  fixé,  ou  la 


ÉPAULE  (pathologie).  — ;  luxatioss.  487 

main  du  chirurgien,  peuvent  suffire*dans  quelques  cas,  lorsqu’il  y  a  peu 
de  résistance  à  vaincre,  mais,  le  plus  souvent,  il  faut  avoir  recours  à  des 
moyens  plus  eflicaces  et  plus  précis  dans  leur  action.  Celui  dont  on  se  sert 
le  plus  souvent,  consiste  à  passer  sous  l’aisselle  le  plein  d’une  alèze  pliée 
en  cravate,  dont  les  deux,  bouts  noués  ensemble  sont  ensuite  fixés  à  un 
anneau  scellé  au  mur,  au  montant  d’un  lit  en  fer,  ou  à  tout  autre  point 
résistant,  ou  sont  confiés  à  des  aides. 

Dans  ce  dernier  cas,  et  cela  s’applique  aussi  bien  à  la  contre-extension 
qu’à  l’extension,  il  faut  bien  recommander  aux  aides  de  ne  pas  procéder 
par  secousses,  qui  feraient  varier  brusquement  la  force  de  plusieurs  ki- 


Fig.  90.  —  Appareil  dé  Robert  et  Collin  pour  la  réduction  des  luxations.  —  A,  Collier  entourant 
l’épaule,  que  l’on  place  en  ayant  soin  d’entourer  préalablement  l’épaule  de  ouate,  de  charpie  ou 
d’une  compresse.  —  A',  Cercle  de  rotation.  —  A",  Ajustage  fixé  au  collier  A,  s’adaptant  avec 
la  pièce  C,  afin  de  permettre  les  mouvements  d’élévation,  d’abaissement,  en  avant,  en  arrière, 
et  enfin  de  rotation.  —  A'",  Manche  point  d’appui  pour  imprimer  à  l’épaule  les  mouvements 
de  rotation.  —  B,  Courroie  de  préhension  d’entraînement  en  tube  se  moulant  très-exactement 
sur  les  parties.  Le  chirurgien  doit  avoir  soin  de  rouler  une  bande  autour  du  point  où  elle  doit 
être  fixée.  Cette  pièce  est  composée  d’une  plaque  porte-douille  dans  laquelle  glisse  la  tige  de 
traction  C.  Pour  produire  l’enroulement  de  cette  courroie  de  préhension,  on  attire  le  chef  vi¬ 
goureusement  et  l’on  en  obtient  le  serrage  complet  au  moyen  d’un  treuil  à  cliquet  d’arrêt  ;  la 
clef,  aussi  à  cliquet  E,  appliquée  sur  le  carré  de  l’arbre,  sert  à  tourner  le  treuil  sur  lequel  s’en¬ 
roule  la  courroie.  —  C,  .Appareil  d’extension  et  de  contre-extension  à  crémaillère  et  à  pignon; 
la  traction  s’opère  au  moyen  de  la  clef  E,  qui  fait  tourner  le  pignon,  lequel  entraîne  la  cré- 
maillière.C,  laquelle  attire  aussi  le  dynamomètre  accroché  à  la  courroie  d’entraînement  B.  — 
D,  Dynamomètre  avec  deux  aiguilles  :  une  donnant  toujours  avec  la  plus  grande  exactitude  la 
force  de  traction  actuelle,  l’autre  restant  au  maximum  de  traction  qui  a  été  opérée. 


logrammes,  mais  bien  d’agir  lentement  et  plutôt  par  le  poids  du  corps 
que  par  des  tractions. 


488 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 


Certains  chirurgiens,  voulant  surtéut  s’opposer  à  la  bascule  du  scapu- 
lum  et  à  l’élévation  de  l’acromion,  ont  conseillé  d’ajouter  une  seconde 
cravate  contre-extensive  dont  le  milieu  presse  sur  le  sommet  de  l’épaule. 
C’est  sans  doute  là  un  précepte  qui  trouve  parfois  son  application,  mais 
dans  la  majorité  des  cas  on  peut  s’en  passer. 

Parmi  les  machines  dont  on  se  sert,  pour  pratiquer  l’extension  seule, 
ou  l’extension  et  la  contre-extension  à  la  fois,  nous  signalerons  les  mou¬ 
fles  et  un  appareil  très-ingénieux  dont  nous  donnons  la  figure  et  qui  dif¬ 
fère  de  l’appareil  Jarvis,  par  des  modifications  importantes  qui  en  font 
véritablement  un  instrument  nouveau  (fig.  &0,  p.  487). 

A  l’aide  de  cet  appareil,  non-seulement  on  obtient  l’extension  et  la 
contre-extension,  sans  aides,  mais  on  peut  aussi  imprimer  à  l’humérus 
des  mouvements  en  tout  sens  et  un  mouvement  de  rotation  sur  l’axe,  qui 
aident  à  la  coaptation.  On  peut  donc  dire  que  ce  mécanisme  répond  à  toutes 
les  conditions  qu’exige  la  réduction  des  luxations  de  l’humérus.  Nous 
rapporterons  sommairement  divers  cas  où  l’appareil  de  Robert  et  Collin 
a  été  appliqué  avec  succès. 

TABLEAU  DES  CAS  DE  RÉDUCTIONS  OBTENUES  A  l’aIDE  DE  l’aPPAREIL  DE  ROBERT  ET  COLLIN 
PENDANT  l’année  1869 


Les  moufles  d’un  usage  ancien  et  presque  journalier,  étaient  naguère  à 
peu  près  complètement  abandonnées  jusqu’au  moment  où  Sédillot  d’a¬ 
bord  et  Malgaigne  ensuite  sont  venus  réhabiliter  cet  appareil.  On  leur 
reprochait  surtout  d’être  une  force  aveugle,  ce  à  quoi  Sédillot  a  très-heu¬ 
reusement  remédié  en  y  ajoutant  un  dynamomètre  à  traction,  qui  indique 
à  chaque  instant  la  force  déployée. 

Un  bracelet  en  cuir  bien  rembourré  pourvu  de  boucles,  et  de  deux 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  489 

anneaux  en  fer  dans  lesquels  on  engage  le  crochet  attaché  à  la  corde  de 
la  moufle,  se  trouve  assujetti  au  bras. 

Comme  ce  bracelet  est  sujet  à  glisser,  il  faut  le  fixer  à  l’aide  d’une 
bande  ou  d’une  corde  enroulée  plusieurs  fois  à  sa  surface;  une  bonne 
précaution  aussi  consiste  à  entourer  préalablement  le  membre  avec  une 
bande  de  flanelle  à  partir  des  doigts,  de  cette  façon  on  prévient  la  stase 
du  sang  et  l’on  garantit  la  peau  de  toute  excoriation. 

B.  Coaptation.  —  Le  but  de  la  coaptation  consiste  à  détruire  le  che¬ 
vauchement  et  à  ramener  la  tête  humérale  dans  sa  cavité. 

Tantôt  la  coaptation  fait  tous  les  frais  de  la  réduction,  d’autres  fois  on 
la  combine  avec  la  traction  parallèle. 

De  même  que  cette  dernière,  la  coaptation  est  manuelle  ou  mécanique  ; 
mais  le  plus  souvent  c’est  le  chirurgien  lui-même  qui  la  pratique. 

Le  refoulement  directe  de  la  tête  constitue  le  moyen  le  plus  simple, 
seulement  il  resterait  la  plupart  du  temps  inefficace  si  on  ne  le  combi¬ 
nait  pas  avec  l’extension  parallèle. 

Cette  pression  peut  s’exercer  à  l’aide  des  doigts,  de  la  main,  du  talon, 
du  plein  d’une  serviette,  dont  les  deux  bouts  sont  attachés  autour  du  cou 
du  chirurgien,  etc.  Le  coup  de  marteau  chirurgical,  qui  s’exécute  en  ap¬ 
pliquant  directement  sur  la  saillie  de  la  tête  luxée  un  fort  cachet  d’im¬ 
primeur  bien  rembourré,  destiné  à  transmettre  à  l’os  le  choc  brusque 
d’un  marteau  en  plomb,  constitue  un  moyen  fort  utile  et  qui  a  rendu 
entre  les  mains  de  Nélaton,  de  grands  services  dans  la  réduction  de  la 
luxation  en  arrière. 

Le  seul  point  important  pour  réussir,  c’est  d’établir  en  même  temps 
une  contre-pression  sur  l’acromion.  (Desault.) 

Une  manœuvre  de  coaptation  plus  efficace  consiste  a  imprimer  à  l’hu¬ 
mérus  un  mouvement  de  bascule. 

D’après  Hippocrate,  les  individus  qui  ont  eu  de  fréquentes  récidives 
savent  opérer  la  réduction  eux-mêmes  avec  les  doigts  de  l'autre  main 
fléchis  et  portés  dans  l’aisselle.  Chez  les  jeunes  sujets,  Théodoric  plaçait 
la  main  sous  l’aisselle  et  enlevait  le  malade  de  terre,  tandis  que  de  l’autre 
main  il  tirait  l’humérus  en  bas.  Lanfranc,  David  Bell  se  servaient  du 
poing  et  rapprochaient  le  coude  du  tronc  ;  Ch.  Bell  et  Gérard  faisaient 
usage  de  Tavant-bras,  certains  chirurgiens  de  l’antiquité,  de  l’épaule  ; 
A.  Cooper,  du  genou,  enfin  nombre  de  chirurgiens,  du  talon. 

Comme  pour  le  simple  refoulement,  il  faut  commencer  par  fixer  l’o¬ 
moplate.  Hippocrate,  qui  avait  bien  senti  l’importance  de  ce  précepte, 
refoulait  l’humérus  à  l’aide  des  doigts  portés  dans  l’aisselle,  pendant  qu’il 
appuyait  sa  tête  contre  l’acromion  pour  le  retenir  et  qu’avec  les  genoux 
ramenait  le  coude  contre  le  tronc. 

Wiseman  et  A.  Cooper,  pressent  sur  l’acromion  avec  une  main;  Gérard, 
avec  les  deux  mains  d’un  aide. 

Un  procédé  de  coaptation  souvent  employé  consiste  à  imprimer  au 
membre  un  mouvement  à' élévation  avec  rotation,  soit  en  dedans,  soit  en 
dehors. 


■490  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

Hippocrate  pratiquait  l’élévation  avec  rotation  en  dedans,  pendant 
qu’avec  l’autre  main  il  appuyait  sur  l’acromion,  pour  empêcher  l’omo¬ 
plate  de  suivre  le  mouvement, 

Syme  et,  plus  tard,  Lacour  (1847)  ont  pratiqué  la  rotation  en  dehors. 

Un  dernier  procédé  de  coaptation,  le  moins  employé  de  tous,  consiste 
à  imprimer  au  membre  un  mouvement  de  drcMmduclion  ou  de  fronde. 

Cette  pratique  remonte  à  A.  Paré.  Delamotte  parle  d’un  curé,  grand 
rhabilleur  d’os  rompus  ou  disloqués,  qui  réduisit  une  luxation  en  avant 
en  ayant  fait  faire  au  bras,  deux  ou  trois  tours  ou  mouvements  en  rond. 
Portai  décrit  pareillement  le  procédé  du  frère  Laurens.  Enfin  Golombot  a 
décrit  en  1830,  sous  le  nom  de  méthode  ostéotropique,  un  procédé  ana¬ 
logue  au  précédent.  Cette  dernière  méthode  peut  rendre  exceptionnelle¬ 
ment  des  services,  mais  elle  offre  le  grand  inconvénient  d’agir  à  tout 
hasard. 

Depuis  la  plus  haute  antiquité,  on  s’est  servi  de  procédés  et  appareils 
mécaniques,  qui  agissent  en  partie  par  bascule.  Nous  ne  ferons  du  reste 
que  les  énumérer. 

La  chaise  thessalique  à  dossier  très-élevé  et  placé  sous  l’aisselle  offre 
un  point  d’appui  à  l’humérus  pour  exécuter  la  bascule.  Le  dernier  éche¬ 
lon  d’une  échelle  verticale,  le  haut  d’une  porte,  une  barre  ou  un  rouleau 
de  bois,  tenus  horizontalement  par  des  aides  ;  Vhypéron,  employé  du 
temps  d’Hippocrate  (espèce  de  pilon  ou  de  borne  verticale  en  bois)  ;  la 
boule  métallique  du  rémora  de  Fabrice  de  Hilden,  le  pommeau  du  Réduc¬ 
teur  de  Mayor,  agissent  tous  en  fournissant  un  point  d’appui  à  l'humérus 
pour  exécuter  la  bascule  ;  seulement,  dans  plusieurs  de  ces  procédés, 
on  se  sert  en  plus  du  corps  suspendu  en  l’air,  comme  de  force  exten¬ 
sive. 

Presque  tous  ces  moyens  ont  été  abandonnés  de  notre  temps,  ainsi  que 
la  fameuse  balance  de  Gersdorff,  fort  répandue  en  Allemagne  au  com¬ 
mencement  du  seizième  siècle.  Non-seulement  on  ne  réussit  pas  toujours, 
mais  on  s’expose  par  là  à  de  graves  dangers,  tels  que:  fracture  des  os, 
rupture  de  l’artère  axillaire,  paralysies  par  compression  des  gros  troncs 
nerveux,  etc. 

Hippocrate  avait  déjà  senti  tous  ces  inconvénients,  aussi  avait-il  pro¬ 
posé  de  garantir  le  membre  en  y  appliquant,  depuis  le  poignet  jusqu’à 
l’aisselle,  une  forte  attelle  de  quatre  à  cinq  doigts  de  large,  de  un  à  deux 
doigts  d’épaisseur,  et  dont  l’extrémité  amincie  et  arrondie  offre  une  légère 
concavité  destinée  à  loger  la  tête  humérale,  et,  suivant  d’autres,  une 
convexité.  Cette  attelle  portait  le  nom  d’ambi  (à[j.ê-/)) .  —  Une  fois  l’attelle 
bien  rembourrée  de  linge,  et  fixée  au  membre  à  l’aide  de  trois  liens  (poi¬ 
gnet,  avant-bras,  et  bras) ,  on  se  servait  de  la  barre  transversale,  de  la  porte 
ou  de  la  chaise  thessalique,  pour  exécuter  la  bascule,  sans  crainte  de 
fracture,  il  est  vrai,  mais  toujours  avec  danger  de  blessure  des  vaisseaux 
et  des  nerfs,  qui,  ainsi  que  nous  l’avons  établi  précédemment,  sont  pla¬ 
cés  sur  le  côté  interne  de  la  tête. 

Réductions  incomplètes.  —  Quelle  que  soit  la  méthode  employée,  il  peut 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  AS! 

arriver  parfois  que  la  réduction  reste  incomplète,  et  il  s’agit  alors  de  sa¬ 
voir  ce  qu’il  y  a  à  faire. 

Les  obstacles  qui  paraissent  s’opposer  le  plus  souvent  à  la  réduction, 
sont  : 

L’interposition  de  la  capsule  (faits  de  Lisfranc  et  Hilton); 

L’infiltration  du  tissu  cellulaire  sous-acromial  ; 

Enfin,  pour  les  luxations  déjà  anciennes,  les  brides  de  nouvelle  for¬ 
mation. 

En  cas  de  luxation  récente,  on  se  contentera  d’exercer  une  certaine 
pression  sur  l’os,  et,  pour  cela,  un  des  meilleurs  moyens  consiste  à  se 
servir  de  la  boucle  compressive  de  Malgaigne  à  fracture  de  clavicule. 

Dans  le  cas  de  luxation  de  quelques  mois,  où  les  brides  de  nouvelle 
formation  constituent  le  principal  obstacle  à  la  réduction  définitive,  il  faut 
rompre  celles-ci,  ou  bien  les  sectionner  par  la  méthode  sous-cutanée. 

Il  y  a  du  reste  des  exemples  dans  la  science  de  réductions  graduelles 
et  spontanées,  à  la  suite  de  tentatives  avortées,  ou  pour  le  moins  incom¬ 
plètes.  Desault,  Palletta,  Scarpa  et  Malgaigne  en  citent  des  exemples. 

Réduction  en  cas  de  fracture.- —  Une  fois  la  double  lésion  reconnue,  il 
s’agit  de  savoir  quelle  sera  la  conduite  à  tenir. 

Déjà,  dans  l’antiquité,  Pisicrate  et  Héliodore,  au  dire  d’Oribase,  don¬ 
naient  le  précepte  de  réduire  tout  d’abord  la  luxation. 

Un  autre  chirurgien,  du  nom  d’Aristion,  exerçait  des  tractions  de  façon 
à  réduire  à  la  fois  la  fracture  et  la  luxation. 

Les  arabistes  reconnaissent  la  même  nécessité  de  réduire  la  luxation, 
si  faire  se  peut,  séance  tenante.  Guy  de  Chauliac  ajoute  que,  si  l’on  ne 
parvenait  pas  à  réduire  la  luxation,  il  faudrait  s’occuper  d’obtenir  la  con¬ 
solidation  de  la  fracture,  après  quoi  on  chercherait  à  réduire  la  luxation. 
Ainsi  que  le  fait  observer  Boyer,  la  chose  peut  être  rendue  impossible 
par  l’ancienneté  de  la  luxation,  outre  qu’on  risque,  d’après  la  remarque 
d’A.  Gooper,  de  casser  le  cal  encore  peu  résistant. 

Pour  réduire  la  luxation,  la  méthode  de  la  cooptation  devra  être  em¬ 
ployée  de  préférence,  à  cause  du  peu  de  prise  qu’offre  à  la  traction  le 
fragment  huméral.  Si  toutefois  la  traction  devient  indispensable,  on  aura 
soin  de  consolider  au  préalable  l’humérus  à  l’aide  d’attelles,  et  de  se 
servir  au  besoin  de  chloroforme,  pour  supprimer  la  résistance  des 
muscles. 

Limites  de  la  récluctihïlité  des  luxations  de  l’épaule.  —  Toutes  choses 
égales  d’ailleurs,  et  en  l’absence  d’arthrite  intercurrente,  l’époque  où  la 
luxation  cesse  d’être  réductible  varie  suivant  l’espèce. 

D’une  façon  générale,  moins  la  tête  s’éloigne  de  sa  cavité,  et  plus  long¬ 
temps  la  luxation  reste  réductible.  —  C’est  ainsi  que  la  sous-acromiale  a 
pu  être  réduite  au  bout  d’un  an,  et  il  en  serait  de  même  de  l’extra- 
coracoïdienne  s’il  arrivait  qu’elle  restât  méconnue. 

Pour  la  sous-coracoïdienne,  la  réduction  s’obtient  au  bout  de  6  mois, 
et  même  au  delà  ;  quatre  ou  cinq  mois  sont  la  limite  de  l’intra-coracoï- 
dienne,  et  deux  à  trois  mois  au  plus,  celle  de  la  sous-claviculaire. 


492  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

Lafaurie,  dans  sa  thèse  sur  les  luxations  anciennes  (1869),  arrive,  en 
ce  qui  regarde  l’articulation  de  l’épaule,  aux  conclusions  suivantes  ; 

«  Les  luxations  en  dedans  deviennent  plus  rapidement  irréductibles  que 
les  luxations  en  bas  et  les  luxations  en  arrière. 

«  On  doit  rédu#e  les  luxations  sous-caracoïdiennes  et  sous  glénoï- 
diennes  jusqu’au  troisième  mois  inclusivement. 

«  Les  intra-coracoïdiennes  et  les  sous.-clavâculaires  jusqu’au  deuxième 
mois  seulement. 

«  Les  sous-épineuses  et  les  sous-acromiales,  jusqu’au  cinquième  mois 
et  peut-être  jusqu’au  sixième,  parce  qu’il  est  possible  d’agir  directement 
sur  l’extrémité  luxée,  et  qu’on  a  comparativement  peu  de  dangers  à 
craindre. 

«  On  peut  dépasser  ces  limites  si  les  conditions  paraissent  très-favo¬ 
rables,  pourvu  que  l’on  se  garde  de  développer  un  excès  de  force  qui  de¬ 
viendrait  pernicieux. 

Accidents  dus  aux  efforts  de  réduction.  —  Emphysème.  —  Flaubert 
et  Desault  en  ont  cité  des  exemples,  mais  il  resterait  à  savoir  si,  confine 
dans  le  fait  de  Pelletan,  la  crépitation  ne  serait  pas  due  à  un  épanche- 
meiit  de  sang  dans  les  mailles  du  tissu  cellulaire. 

Nous  parlons,  bien  entendu,  des  cas  où  il  n’y  aurait  pas  fracture  con- 
cornitante  d’une  ou  de  plusieurs  côtes,  auquel  cas,  du  reste,  l’emphysème 
préexisterait  aux  efforts  de  traction. 

Déchirures  des  parties  molles.  —  La  peau  a  cédé  parfois  à  l’endroit 
des  lacs  destinés  à  la  traction.  Nous  avons  dit  précédemment  comment  il 
fallait  s’y  prendre  pour  éviter  la  déchirure  des  téguments. 

Les  muscles  et  les  tendons  ont  subi  parfois  des  lésions.  J.  L.  Petit 
parle  de  la  rupture  de  la  longue  portion  du  biceps  dans  sa  portion 
charnue;  Monteggia,  de  celle  du  grand  pectoral;  et  A.  Cooper,  de  divers 
muscles;  Alph.  Guérin  (1864)  a  été.témoin  d’un  arrachement  complet  de 
l’avant-bras,  à  l’articulation  du  coude,  dans  une  tentative  de  réduction 
d’une  luxation  sous-coracoïdienne  de  trois  mois,  avec  des  aides. 

Fractures.  —  L’humérus  a  été  fracturé  le  plus  souvent  au  niveau  de 
son  tiers  supérieur.  J.  L.  Petit,  Pott,  H.  Larrey,  citent  chacun  un  exemple, 
à  quoi  il  faut  ajouter  deux  autres  de  A.  Bérard  et  Denonvilliers. 

Vaisseaux.  —  Une  fois  la  veine  axillaire  a  été  rompue  par  suite  de 
tractions  violentes  et  d’efforts  de  coaptation,  dans  un  cas  de  luxation 
ancienne  en  avant.  (Froriep.)  La  mort  immédiate  en  a  été  la  suite. 

Flaubert  (1827)  cite  un  deuxième  cas  de  rupture,  et  Hailey  (1863)  un 
troisième. 

Platner  (1745)  parle  d’une  rupture  simultanée  de  la  veine  et  de 
l’artère  axillaires. 

L’artère  axillaire  a  été  rompue  un  grand  nombre  de  fois. 

Verduc  cite  un  cas  de  rupture  suivie  d’anévrysme  promptement 
mortel. 

Ch.  Bell,  un  autre  avec  rupture  simultanée  des  muscles,  et  qui  né¬ 
cessita  l’amputation  immédiate. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  lcxatioas.  495 

Delpech,  d’après  Rigal,  aurait  observé  le  même  accident,  et  il  y  eut 
mort  foudroyante. 

Warren,  à  la  suite  d’une  réduction  par  le  procédé  du  talon,  vit  appa¬ 
raître  un  anévrysme,  qu’il  traita  avec  succès  par  la  ligature  de  la  sous- 
clavière.  Toutefois  le  membre  est  resté  paralysé. 

Flaubert  relate  dans  son  mémoire  (1827)  le  cas  de  Leudet,  où,  avec  la 
rupture  de  l’axillaire,  un  peu  au-dessus  de  la  scapulaire  commune,  il  y 
avait  eu  rupture  du  grand  pectoral  à  son  milieu  et  arrachement  de  la 
portion  coracoïdienne  du  biceps.  La  mort  est  arrivée  par  gangrène  et 
hémorrhagie. 

Gibson  a  observé  deux  cas  de  rupture  dus  au  procédé  du  talon.  Dans 
l’un,  la  rupture  s’était  faite  près  de  la  cavité  glénoïde;  d’où  anévrysme  et 
mort- dans  la  soirée;  dans  l’autre,  les  deux  tuniques  internes  avaient 
surtout  cédé,  et  un  petit  orifice  de  la  celluleuse,  au  niveau  de  la  petite 
tubérosité,  permit  au  sang  de  se  répandre  dans  l’aisselle.  On  pratique  la 
ligature;  mort  le  cinquième  jour  par  gangrène,  délire,  etc.  ;  et  à  l’autopsie 
on  trouve  l’articulation  de  l’épaule  remplie  de  caillots. 

Dans  un  cas  de  Nélaton,  les  deux  tuniques  internes  étaient  pareillement 
déchirées,  et  une  petite  perforation  de  la  celluleuse,  située  vis-à-vis  de 
l’origine  de  la  sous-scapulaire,  avait  produit  l’anévrysme.  On  fit  la  ligature 
de  la  sous-clavière,  et  le  malade  ayant  succombé  à  une  hémorrhagie 
consécutive,  on  trouva  l’articulation  pleine  de  caillots. 

Pelletan  et  Dupuytren  ont  observé  un  anévrysme  faux  consécutif  de 
l’axillaire,  survenu  trois  mois  après  la  réduction  par  un  rebouteur. 
L’individu  étant  mort  d’hémorrhagie,  on  trouva  la  tunique  celluleuse  de 
l’artère  dilatée  dans  l’étendue  de  deux  pouces  et  offrant  une  crevasse  en 
arrière  et  en  dehors,  d’où  le  sang  s’est  épanché  dans  l’aisselle. 

J’ai  parlé  précédemment  {vo^..  Anatomie,  t.  I,  p,  441)  d’un  cas  d’ané¬ 
vrysme  survenu  chez  une  de  mes  malades  de  l’hôpital  Saint-Louis,  quinze 
jours  après  la  réduction  d’une  luxation  intra-coracoïdienne  du  côté  gau¬ 
che.  La  luxation  datait  de  quarante-huit  heures.  Le  procédé  employé  fut 
la  traction  habituelle  par  des  aides,  pendant  que  j’essayais  de  refouler 
la  tête  dans  la  cavité  glénoïde  à  l’aide  de  mes  deux  pouces  portés  profon¬ 
dément  dans  l’aisselle. 

Je  pratiquais  avec  succès  la  ligature  de  la  sous-clavière  en  dehors  des 
scalènes,  ce  qui  n’empêcha  pas  la  malade  de  succomber  trois  mois  plus 
tard  aux  suites  d’une  suppuration  prolongée  du  foyer  anévrysmatique, 
dont  l’articulation  scapulo-humérale  faisait  partie.  L’autopsie  nous  a 
permis  de  constater  que  la  rupture  portait  surtout  sur  les  tuniques 
internes  et  moyennes ,  et  qu’elle  siégeait  au  voisinage  de  l’origine  de  la 
sous-scapulaire. 

Que  faut-il  faire  en  pareil  cas? 

L’expectation  ne  pourrait  être  d’aucune  utilité,  et  la  mort  en  serait  la 
suite  inévitable. 

La  ligature  n’a  pas  donné  non  plus,  jusqu’ici,  des  résultats  bien 
brillants.  Ainsi,  sur  quatre  cas  de  ligature  de  la  sous-clavière,  il  y  eut 


494  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

deux  succès,  en  tant  que  ligature,  à  savoir,  celui  de  Warren  et  le  nôtre; 
mais,  en  somme,  notre  malade  étant  morte  d’arthrite  suppurée  lente,  on 
ne  peut  compter  qu’un  seul  succès,  et,  encore,  dans  le  cas  de  Warren,  le 
membre  est  resté  à  tout  jamais  paralysé. 

Parmi  les  trois  cas  de  mort,  nous  voyons  que  la  terminaison  fatale 
est  due  :  une  fois  à  la  gangrène  (Gibson,  Institutes  and  practice  of  Sur- 
get'y);  une  autre  fois  à  l’hémorrhagie  consécutive  (Nélaton);  et,  chez 
notre  malade,  à  l’épuisement  par  arthrite  suppurée. 

Dans  les  deux  cas  de  Gibson  et  Nélaton ,  l’articulation  ouverte  était 
remplie  de  caillots;  de  sorte  que,  si  les  malades  n’avaient  succombé 
rapidement  au  cinquième  et  au  dixième  jour,  ils  seraient  emportés  plus 
tard,  comme  notre  malade,  par  la  suppuration  de  l’article. 

La  désarticulation,  pratiquée  par  Ch.  Bell  (1807),  en  s’adressant  à  la 
fois  à  l’artère  qu’on  lie  dans  la  plaie,  et  à  l’articulation  ouverte  et  remplie 
de  caillots,  nous  paraît  une  ressource  extrême,  mais  indispensable,  toutes 
les  fois  que  la  rupture  des  téguments  ou  une  eschare  des  parties  molles 
fait  communiquer  le  foyer  de  l’anévrysme,  et,  partant,  l’articulation  de 
l’épaule,  avec  l’extérieur. 

En  effet,  le  grand  danger  réside  alors,  non-seulement  dans  la  blessure 
du  vaisseau,  mais  aussi  dans  l’arthrite  suppurée,  dont  les  suites  sont  d’au¬ 
tant  plus  à  craindre,  que  le  membre  infiltré  et  souvent  paralysé  manque 
de  vitalité  suffisante. 

Cette  dernière  considération  devra  nous  éloigner  pareillement  de 
la  ligature  de  la  sous-clavière,  combinée  à  la  résection  de  la  tête 
humérale. 

En  résumé  :  ligature  de  la  sous-clavière  dans  les  cas  simples,  et  où  il 
n’y  a  pas  à  craindre  de  communication  de  la  poche  anévrysmale  avec 
l’extérieur;  désarticulation  pour  les  autres.  Voilà,  croyons-nous,  le  parti 
à  prendre  dans  ces  cas  difficiles,  et,  de  beaucoup,  les  plus  graves  parmi 
les  luxations  compliquées  de  l’humérus. 

Nerfs. — Les  lésions  nerveuses,  à  en  juger  par  le  chiffre  des  paralysies 
du  membre  supérieur  qui  succèdent  à  la  dislocation,  constituent,  sans 
contredit,  la  complication  la  plus  fréquente  des  luxations  de  l’épaule. 

Tantôt  la  paralysie  est  primitive,  c’est-à-dire  attribuable  à  la  luxation 
elle-même;  d’autres  fois  consécutive  et  due  aux  efforts  de  réduction. 

Dans  l’un  et  l’autre  cas,  elle  peut  se  limiter  à  un  muscle  ou  à  un 
groupe  de  muscles,  ou  bien  s’étendre  à  presque  tout  le  membre  à  la 
fois. 

La  lésion  des  nerfs  dans  la  luxation  a  été  signalée  depuis  l’antiquité 
par  Érasistrate  et  Galien. 

J.  L.  Petit  en  a  cité  plusieurs  exemples,  et  Bichat  a  vil  un  cas  où  la 
sensibilité  fut  perdue  d’abord  et  ensuite  le  mouvement. 

Règle  générale  :  la  motilité  se  trouve  généralement  plus  compromise, 
et  parfois  aussi  la  seule  perdue,  pendant  que  la  sensibilité  persiste  encore, 
ainsi  que  cela  se  voit,  du  reste,  pour  toutes  les  paralysies  par  contusion 
ou  compression  des  nerfs. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  495 

Dans  un  cas  de  Blandin,  en  effet,  la  motilité  seule  était  abolie,  et  il  en 
a  été  de  même  dans  deux  autres  de  Lenoir  et  H.  Larrey. 

C’est  aussi  ce  que  nous  avons  constaté  dans  un  cas  suivi  d’autopsie  que 
nous  avons  recueilli  dans  le  service  de  Nélaton,  et,  en  outre,  dans  notre 
propre  service. 

Malgaigne  cite  trois  observations  où  il  y  avait  une  paralysie  partielle 
et  des  engourdissements  à  la  main. 

Flaubert  (1827)  relate  trois  observations  où  les  accidents  de  paralysie  du 
membre  s’accompagnèrent  d’engourdissement  dans  le  bras  et  la  jambe, 
ou  d’hémiplégie  du  même  côté,  avec  douleurs  extrêmement  vives  à  la 
colonne  vertébrale.  Deux  de  ces  malades  guérirent,  mais  en  conservant 
le  bras  paralysé;  le  troisième  est  mort  le  dix-huitième  jour  avec  fièvre, 
et,  à  l’autopsie,  on  trouva  les  quatre  dernières  racines  du  plexus  brachial 
arrachées  de  la  moelle,  et  cette  dernière  ramollie  en  ce  point. 

Il  est  à  noter  que  ces  trois  derniers  faits  concernent  des  luxations  de 
15,  de  38  et  de  49  jours,  pour  lesquelles  on  avait  pratiqué  des  tractions 
vigoureuses. 

Le  traitement  à  suivre  sera  celui  de  toutes  les  paralysies  traumatiques, 
à  savoir,  frictions,  douches  et  surtout  l’électricité.  * 

Pour  ce  qui  est  du  pronostic,  on  fera  de  grandes  réserves,  attendu 
qu’on  a  vu  souvent  la  paralysie  persister  et  aboutir  à  l’atrophie  du  mem¬ 
bre,  quoi  qu’on  ait  pu  tenter. 

Nous  ,ne  ferons  que  citer,  en  terminant,  le  fait  de  Langenbeck,  qui 
réséqua  la  tête  de  l'humérus  pour  remédier  à  une  paralysie  avec  atrophie 
du  membre,  résultant  de  la  pression  de  la  tête  sur  les  vaisseaux  et  les 
nerfs  axillaires. 

Quel  est  le  véritable  mécanisme  de  la  lésion  des  nerfs?  On  peut  dire 
que  la  science  est  loin  d’être  fixée  à  cet  égard. 

Boyer  croyait  à  la  contusion  du  nerf  circonflexe,  pris  entre  le  plan  ré¬ 
sistant  que  lui  offre  l’humérus  et  le  sol,  au  moment  de  la  chute. 

Tout  en  admettant  la  possibilité  du  fait,  nous  devons  observer  que  ra¬ 
rement  la  paralysie  se  trouve  limitée  au  deltoïde,  ainsi  que  le  pensait 
Boyer  et  son  école. 

D’ailleurs,  cela  suppose  une  forte  contusion  locale,  alors  que,  nous  le 
savons,  les  luxations  par  cause  indirecte  sont  les  plus  communes. 

Enfin,  on  ne  s’explique  pas  pourquoi  les  luxations  en  arrière  ne  sont 
pas  compliquées  de  paralysie  aussi  bien  que  celles  en  avant. 

Si  l’on  objecte  que  le  nerf  circonflexe  est  généralement  plus  profondé¬ 
ment  affecté  que  les  autres  branches  terminales  du  plexus  brachial,  nous 
répondrons  que  cela  doit  êire  ainsi.  Le  nerf,  comme  l’indique  son  nom, 
étant  enroulé  autour  de  l’humérus,  subit  des  tiraillements  et  une  dis¬ 
tension  violente,  résultant  de  la  forte  torsion  que  l’os  subit  autour  de  son 
axe  longitudinal,  et  cela  dans  presque  toutes  les  variétés  de  luxation. 

La  contusion  mise  de  côté  comme  fait  général,  il  nous  reste  deux  au¬ 
tres  explications;  le  tiraillement  suivant  la  longueur  des  cordons  nerveux 
et  leur  compression 


496 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

En  nous  reportant  aux  faits  déjà  signalés  de  Flaubert,  on  serait  disposé 
d’admettre  comme  cause  habituelle  V élongation  des  nerfs,  pouvant  aller 
jusqu’à  l’arrachement  des  racines  spinales;  mais  si  l’on  songe  que  cette 
paralysie  est  encore  assez  fréquente,  primitivement,  avant  tout  effort  de 
réduction,  on  est  obligé  de  convenir  que  ce  mécanisme  est  loin  d’expli¬ 
quer  la  généralité  des  cas. 

La  compression  des  nerfs  paraît  être  l’explication  la  plus  naturelle,  mais 
il  s’agit  de  savoir  encore  comment  se  réalise  cette  compression  et  pour¬ 
quoi  elle  n’existe  pas  dans  tous  les  cas. 

On  a  dit  que  les  vaisseaux  et  les  nerfs  à  cheval  sur  la  tête  se  trouvaient 
comprimés  par  celle-ci.  Mais,  outre  que  les  cordons  nerveux,  grâce  à  leur 
mobilité  et  à  leur  forme  ronde  échappent  facilement  à  toute  compression, 
nous  avons  dit  précédemment,  que  le  paquet  vasculo-nerveux  n’est  jamais 
à  cheval  sur  la  tête  ;  ainsi  tombe  l’explication  avec  le  fait  sur  lequel  elle 
s’appuie. 

Une  autre  explication  veut  que,  lors  d’une  chute  sur  le  moignon  de 
l’épaule,  la  clavicule,  poussée  violemment  en  bas,  arrive  au  contact  de 
la  première  côte  et  comprime  le  plexus  brachial,  qui  se  trouve  pris 
comme  dans  un  étau. 

Mais  que  la  chute  se  fasse  sur  l’épaule,  le  bras  ou  l’avant-bras,  elle 
aura  pour  résultat  de  relever  la  clavicule  et  rarement  de  l’abaisser  jus¬ 
qu’au  contact  de  la  première  côte. 

Nous  devons  ajouter,  en  outre,  que,  dans  l’autopsie  qu’il  nous  a  été 
donné  de  faire  dans  le  service  de  Nélaton,  nous  n’avons  trouvé  dans  les 
nerfs  paralysés  aucune  lésion  apparente. 

L’explication  véritable  de  la  paralysie  se  trouve  dans  les  rapports  des 
nerfs  du  plexus  brachial  avec  la  tête  humérale  qui  les  applique  et 'les 
comprime  avec  force  contre  les  côtes  correspondantes.  C’est  pourquoi,  de 
toutes  les  variétés  de  luxation,  celles  en  dedans,  autrement  dit  l’intra- 
coracoïdienne  et  la  sous-claviculaire,  exposent  à  la  paralysie  infiniment 
plus  que  la  sous-coracoïdienne,  la  sous-glénoïdienne  et  surtout  l’extra- 
coracoïdienne  et  la  sous-acromiale. 

En  résumé,  trois  causes  nous  paraissent  déterminer  la  paralysie  du 
membre,  après  ou  avant  les  tentatives  de  réductions  ;  l’élongation  des 
nerfs  par  traction  ou  rotation  exagérée  du  membre,  la  compression  des 
nerfs  par  la  tête  luxée  contre  les  côtes  correspondantes,  et  la  contusion 
directe. 

Une  remarque  des  plus  importantes  qui  trouve  sa  place  ici,  c’est  qu’a¬ 
vant  toute  tentative  de  réduction,  le  chirurgien  doit  s’assurer  de  l’état 
du  sentiment  et  du  mouvement  du  membre,  s’il  ne  veut  pas  s’exposer  à 
être  accusé  à  tort,  comme  ayant  provoqué  une  impotence  temporaire  ou 
définitive  du  membre. 

Épuisement.  —  Lisfranc  (1836)  a  eu  l’occasion  d’observer  une  mort 
subite  survenue  une  heure  et  demie  après  une  quatrième  tentative  de  ré¬ 
duction;  à  l’autopsie  n’ayant  rien  trouvé  pour  expliquer  la  mort,  Lisfranc 
admit  un  épuisement  nerveux  par  la  douleur.  Quoi  qu’il  en  soit  de  l’ex- 


497 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 
plication,  il  devient  d’autant  plus  intéressant  de  connaître  ces  cas  de  morts 
survenues  à  une  époque  où  le  chloroforme  était  inconnu,  qu’un  certain 
nombre  de  ceux  enregistrés  depuis  ont  été  attribués  sans  preuves  suffi¬ 
santes  à  l’agent  anesthésique. 

II.  Traitement  consécutif.  —  Nous  avons  dit  précédemment  que  le 
principal  but  du  traitement  consécutif  consiste  à  combattre  l’arthrite  trau¬ 
matique  et  à  faciliter  la  cicatrisation  de  la  capsule. 

On  réalise  ce  double  but,  par-dessus  tout,  en  immobilisant  le  bras 
d’une  façon  aussi  absolue  que  possible.  Nous  nous  servons  habituelle¬ 
ment,  à  cet  effet,  d’un  coussin  de  la  longueur  du  bras,  étroit  en 
haut  et  large  en  bas,  que  nous  plaçons  sous  l’aisselle.  La  simple  écharpe 
de  Mayor  suffit  ensuite  pour  fixer  le  tout,  en  prenant  la  précaution  toute¬ 
fois  de  laisser  la  main  libre,  sans  quoi  il  en  résulterait  de  la  douleur, 
qui  forcerait  le  malade  de  demander  l’enlèvement  de  l’écharpe.  Que  si, 
malgré  l’immobilité,  il  y  a  de  la  douleur  et  du  gonflement,  on  doit  avoir 
recours  suivant  l’intensité  de  l’inflammation,  aux  cataplasmes  chauds, 
aux  pommades  hydrargyriques  et  narcotiques,  aux  émissions  sanguines 
locales,  aux  purgatifs,  etc.  Il  faudra,  en  un  mot,  tâcher  d’éviter  par  tous 
les  moyens  une  forte  inflammation  qui  laisserait  après  elle  une  grande 
roideur  et  surtout  la  suppuration  articulaire,  accident  à  peu  près  con¬ 
stamment  mortel.  Malgaigne,  sur  cmgcas  de  suppuration,  compte  en  effet 
quatre  morts  et  une  guérison.  Par  bonheur,  l’arthrite  suppuréeest  com¬ 
parativement  rare,  et  tient  le  plus  souvent  à  des  manœuvres  de  réduction 
ïirutales  ou  longtemps  continuées.  Une  question  très-importante  est  celle 
du  temps  pendant  lequel  il  faut  condamner  le  membre  à  l’immobilité. 

Si,  d’une  part,  en  effet,  on  a  intérêt  à  maintenir  l’immobilité  assez 
pour  obtenir  la  cicatrisation  des  ligaments,  il  est  à  craindre,  d’autre  part, 
qu’en  prolongeant  celle-ci  outre  mesure  on  ne  laisse  s’établir  une  roideur 
avec  atrophie  des  muscles,  d’autant  plus  difficile  à  vaincre  qu’on  a  laissé 
l’appareil  immobilisateur  plus  longtemps  en  place. 

L’anatomie  pathologique  démontre  que,  dans  la  généralité  des  cas, 
vingt-cinq  à  trente  jours  d’immobilité  suffisent  pour  la  cicatrisation  cap¬ 
sulaire;  ce  sera  donc  là  le  terme  habituel  de  l’application  de  l’appareil; 
mais  comme,  au  bout  de  ce  temps,  la  roideur  pourrait  devenir  déjà 
grande,  il  est  d’une  pratique  sage  de  renouveler  l’appareil  dans  cet  in¬ 
tervalle  de  temps  une  ou  deux  fois  à  l’effet  d’imprimer  à  la  jointure  des 
mouvements  ménagés.  On  donnera  la  préférence  à  ceux  de  rotation  sur 
Taxe  et  de  balancement  dans  le  sens  opposé  à  la  luxation,  et  on  évitera  soi¬ 
gneusement  l’élévation  forcée  qui  expose  à  la  récidive  plus  que  tout  autre 
mouvement  communiqué. 

■  Raideur  articulaire.  —  Il  arrive  parfois  que,  malgré  toutes  les  précau¬ 
tions  prises,  on  a  une  raideur  avec  empâtement  de  la  région  qui  gêne 
considérablement  les  mouvements;  cette  partie  du  traitement,  reste  gé¬ 
néralement  négligée,  ou  est  mal  comprise,  aussi  bien  dans  les  hôpitaux 
que  dans  la  pratique  de  la  ville. 

Beaucoup  de  médecins  croient  encore  à  l’efficacité  des  bains,  des  dou- 

KOCT.  DICT.  MÉD.  ET  CHIB.  XIII,  —  52 


498  ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations. 

ches  simples  ou  sulfureuses  et  des  eaux  minérales  naturelles  eu  pareils 
cas;  on  ajoute  ou  non  à  cela  la  recommandation  de  l’exercice  du 
membre  par  le  malade  lui-même.  Or  l’action  de  tous  ces  moyens  est  il¬ 
lusoire,  et,  par  la  perte  de  temps  qu’ils  occasionnent,  ils  ne  font  qu’ag¬ 
graver  la  raideur. 

Nous  répéterons  donc  avec  Malgaigne  que  le  mouvement  à’une  articu¬ 
lation  ne  revient  que  par  le  mouvement,  en  désignant  ainsi  la  mobilisa¬ 
tion  de  l’articulation  par  le  chirurgien  lui-même.  Le  malade  arrêté  par  la 
douleur  ne  peut  dépasser  en  effet  certaines  limites  ;  ce  qui  le  condamne 
à  rester  toujours  au  même  point,  alors  que  la  guérison,  il  faut  bien  le 
savoir,  ne  peut  s’acheter  qu’au  prix  de  douleurs  momentanées,  il  est 
vrai,  mais  assez  vives.  Le  rôle  du  chirurgien  consiste  donc  à  les  lui  impo¬ 
ser,  et,  en  procédant  par  degrés,  de  peur  de  réveiller  une  arthrite  grave,  on 
parvient  à  rendre  à  l’articulation  sa  mobilité  première. 

Le  massage,  des  frictions  sèches  ou  légèrement  excitantes  contribueront, 
par  le  dégorgement  des  parties,  à  rendre  aux  tissus  leur  souplesse  et  à 
activer  l’action  salutaire  du  traitement  orthopédique. 

Récidives.  —  Lorsqu’il  s’agit  d’une  luxation  récente,  survenue  pour 
la  première  fois,  dans  une  articulation  saine  d’ailleurs,  la  récidive  est 
tout  aussi  rare  que  dans  les  autres  luxations. 

Par  contre,  dans  les  luxations  déjà  anciennes,  lorsque  la  réduction  n’a 
pas  été  complète  ou  qu’il  y  a  eu  fracture  du  rebord  articulaire  ;  en  cas 
de  large  déchirure  de  la  capsule  ou  d’accumulation  de  liquide  synovial  ; 
enfin,  lorsque  les  muscles  sont  paralysés,  les  récidives  sont  très-communes. 

Dans  un  cas  remarquable,  cité  par  Arloing  (1832),  il  y  eut  deux  réci¬ 
dives  survenues  dans  l’espace  de  quatre  jours.  Le  chirurgien,  l’attribuant 
à  une  paralysie  du  deltoïde  ayant  succédé  à  la  luxation,  appliqua  un  vési¬ 
catoire  qui  rendit  au  muscle  sa  force,  et  l’humérus  resta  désormais  en 
place. 

La  récidive  arrive  à  propos  de  mouvements  intempestifs  ou  très-étendus 
imprimés  au  membre  luxé  ;  d’autres  fois,  c’est  la  contraction  musculaire 
volontaire  qui  en  est  la  cause;  preuve,  ce  vieil  ivrogne  dont  parle  Sédillot, 
qui  se  luxait  le  bras  gauche  chaque  fois  qu’il  le  levait  brusquement. 

Enfin,  c’est  à  la  contraction  convulsive  qu’il  faut  rapporter  le  plus 
grand  nombre  de  récidives,  et  surtout  à  des  attaques  d’épilepsie. 

Le  nombre  de  ces  récidives  peut  atteindre  parfois  un  chiffre  trés-élevé. 
Ainsi,  Dupuytren  parle  d’un  individu  chez  lequel  il  réduisit  la  luxation 
pour  la  onzième  fois,  et  cite  un  étudiant  qui  a  eu  le  bras  luxé  plus  de 
cent  fois.  Sédillot  de  son  côté,  mentionne  un  épileptique  qui  se  luxait  le 
bras  à  chaque  accès  convulsif.  Dans  le  cas  de  luxation  en  arrière  que  nous 
avons  cité  précédemment,  il  s’agissait  d’un  vieillard  épileptique,  chez  le¬ 
quel  le  professeur  Gosselin  réduisit  une  luxation  sous-acromiale  pour  la 
troisième  fois. 

Il  est  évident  que,  pour  s’opposer  à  ces  récidives,  il  faut  combattre 
avant  tout  la  cause  qui  favorise  leur  production;  ainsi,  on  immobilisera 
le  bras  pour  donner  le  temps  aux  ligaments  de  se  resserrer  ;  on  combattra 


ÉPAULE  (pathologie).  —  luxations.  499 

l’hydarthrose,  si  elle  existe;  on  électrisera  le  deltoïde  paralysé,  en  sou¬ 
tenant  en  même  temps  le  membre  à  l’aide  d’une  écharpe,  en  vue  de  s’op¬ 
poser  au  tiraillement  des  ligaments. 

Enfin,  et  par-dessus  tout,  on  défendra  aux  malades  d’élever  fortement 
le  bras,  si  c’est  dans  cette  attitude  que  le  déplacement  a  lieu.  Quant  au 
traitement  de  l’épilepsie  nous  renvoyons  à  ce  qui  a  trait  à  cette  névrose. 

Luxations  irréductibles.  —  Nous  avons  déjà  dit,  que  des  luxations  de 
l’humérus  non  réduites  permettaient  parfois  des  mouvements  étendus  et 
l’usage  presque  physiologique  du  membre. 

Ces  cas  particulièrement  heureux  ne  se  rencontrent  qu’exceptionnel- 
ment  et  seulement  alors  que  la  luxation  est  arrivée  dans  le  jeune  âge  ; 
aussi,  croyons-nous  que  Velpeau  est  tombé  dans  une  exagération,  lors¬ 
qu’il  a  voulu  en  tirer  un  argument  contre  les  essais  de  réduction  des 
luxations  invétérées. 

Lorsque  le  cas  est  jugé  irrémédiable,  il  faudra,  en  vue  de  perfectionner 
les  mouvements  du  membre  et  leur  donner  plus  d’étendue,  procéder 
comme  dans  le  cas  de  raideur.  On  prescrira  donc  des  exercices  gradués 
et  longtemps  continués,  en  même  temps  que  le  chirurgien  imprimera  au 
membre  des  mouvements  à  l’aide  des  mains  ou  de  machines  appropriées. 

liiixations  congénitales.  —  Hippocrate  distingue  les  luxations 
de  l’humérus  produites  dans  le  sein  de  la  mère,  de  celles  qui  sont  la  suite 
de  suppurations  abondantes  ;  selon  lui,  «  dans  la  luxation  congénitale,  la 
main  est  assez  forte  ;  mais  les  malades  ne  peuvent  étendre  le  coude  ni 
élever  le  bras,  et  porter  la  main  jusqu’à  l’oreille,  ou  bien  moins  que  du 
côté  sain  »  ;  comme  le  bras  est  plus  mince  et  plus  court  que  l’autre,  on 
avait  désigné  anciennement  les  individus  porteurs  de  celte  difformité, 
coudes  de  belettes. 

Malgaigne  sépare,  et  à  juste  titre,  des  luxations  congénitales,  celles 
produites  par  l’accoucheur  au  moment  du  travail,  et  les  luxations  para¬ 
lytiques  développées  en  bas  âge  ;  ce  qui  réduit  de  beaucoup  le  nombre  des 
luxations  véritablement  de  naissance. 

Dans  un  fait  remarquable  dû  à  l’observation  de  Gaillard  (de  Poitiers) 
(1841),  la  luxation  s’était  faite  en  arrière, et  la  réduction  a  pu  en  être  obte¬ 
nue  après  seize  ans  d’existence.  Il  a  fallu  en  vérité  y  revenir  à  plusieurs 
reprises,  et  s’opposer  en  même  temps  à  de  nouvelles  récidives,  à  l’aide 
d’un  bandage  approprié.  (Pour  les  luxations  paralytiques  de  l’enfance, 
voy.,  p.  512,  au  paragraphe  Paralysie  obstétricale.) 

Traumatismes  de  l’épaule.  —  Contusions  et  plaies.  —  Plaies 
non  pénétrantes,  superficielles  et  n'intéressant  que  la  peau  seule.  —  Les 
plaies  superficielles  de  cette  région  n’offrent  véritablement  rien  de  par¬ 
ticulier.  —  Disons  seulement  que,  en  cas  d’angioleucite  et  d’adénite 
symptomatiques,  ce  sont  les  ganglions  axillaires,  sus-claviculaires  ou 
cervicaux  postérieurs  qui  s’engorgent,  suivant  le  siège  de  la  lésion. 

Lorsque  la  solution  de  continuité  intéresse  les  muscles,  la  guérison  est. 
plus  longue  et  il  en  résulte  assez  souvent  une  raideur  articulaire..  Celle- 
ci  est,  en  effet,  plus  prompte  à  se  montrer  dans  l’articulation  scapulo- 


oOO  ÉPAULE  (pathoogie).  —  fractures  de  l’osioplate. 

humérale,  que  partout  ailleurs,  pour  des  raisons  que  nous  indiquerons 
au  paragraphe  scapulalgie. 

Contusion.  —  L’articulation  de  l’épaule  échappe  souvent  à  une  contu¬ 
sion  violente,  grâce  à  la  mobilité  du  scapulum.  C’est  par  cause  directe 
(coup  de  bâton,  coup  de  pied  de  cheval,  un  moellon  tombant  de  haut,  etc.), 
que  cet  accident  se  produit  généralement,  et  beaucoup  plus  rarement 
par  chute. 

De  la  rareté  même  des  contusions  violentes  de  l’épaule,  nous  tirerons 
cette  déduction,  importante  en  clinique,  à  savoir,  que  toute  ecchymose 
vaste  de  l’épaule,  s’étendant  le  long  du  bras,  indique  six  fois  sut'  dix 
une  fracture  ou  une  luxation  de  l’extrémité  supérieure  de  l’humérus,  et 
cette  présomption  devient  presque  une  certitude,  si  la  coloration  ecchy- 
motique  n’apparaît  intense  qu’un  ou  deux  jours  après  l’accident. 

La  forme  arrondie  du  moignon  de  l’épaule,  et  la  résistance  des  plans 
profonds  sur  lesquels  glisse  la  peau,  font  que  des  corps  orbes  d’un  grand 
poids,  glissant  sur  cette  région,  peuvent  décoller  la^peau  et  y  déterminer 
une  de  ces  bosses  séro-sanguines  si  bien  décrites  par  Morel-Lavallée, 
sous  le  nom  à’hydrocèle  traumatique  du  tissu  cellulaire  sous-cutané. 

Plaies  pénétrantes.  —  Elles  peuvent  être  produites  par  instrument 
piquant,  tranchant  et  contondant. 

Les  piqûres  ne  sont  graves  qu’autant  que  l’instrument  vulnérant  offre 
une  certaine  grosseur,  et  nous  avons  dit  précédemment  que  la  ponction, 
à  l’aide  d’un  trocart  de  la  gaîne  synoviale  du  biceps,  a  suffi  pour  déter¬ 
miner  une  arthrite  suppurée  ayant  entraîné  la  mort. 

Les  plaies  de  la  jointure  par  instrument  tranchant  sont  rares. 

Larrey  parle  d’un  coup  de  sabre  qui  sépara  la  tête  humérale  du  corps 
de  l’os  ;  la  tête  fut  extraite,  et  la  guérison  eut  lieu  après  des  accidents 
graves.  Le  même  auteur  cite  un  autre  fait  analogue  où  la  terminaison  fut 
tout  aussi  heureuse,  après  l’extraction  de  la  tête.  Baudens  a  tenu  la  même 
conduite  avec  succès;  de  sorte  qu’il  y  a  lieu,  croyons-nous,  d’imiter  ces 
auteurs. 

Les  plaies  pénétrantes  par  armes  de  guerre  de  cette  articulation  ont 
été  observées  assez  souvent,  et,  à  la  page  322  du  tome  111  de  ce  Diction¬ 
naire,  nous  avons  décrit  et  représenté  un  humérus  dont  la  tête  est  litté¬ 
ralement  broyée  par  une  balle  qui  s’y  trouve  fixée. 

En  pareille  circonstance,  on  devra  se  comporter  comme  nous  l’avons 
indiqué  à  l’article  Articulation  (Plaies  par  armes  à  feu),  t.  111,  p.  319. 

Fractures  de  l’omoplate.  —  Les  fractures  de  l’omoplate  sont  assez 
rares,  puisque,  sur  un  total  de  4239  fractures  diverses,  on  en  trouve 
22  seulement  pour  l’omoplate. 

On  en  a  distingué  quatre  principales  variétés,  selon  qu’elles  affectent  le 
corps  de  l’os,  l’acromion,  l’apophyse  coracoïde,  et  la  cavité  glénoide  ; 
mais  comme  nous  nous  sommes  occupés  déjà  au  sujet  des  luxations  de 
l’épaule  de  ces  deux  dernières  variétés,  nous  n’aurons  à  parler  que  des 
fractures  du  corps  de  l’os  et  de  celles  de  Vacromion. 

1“  Fractures  du  corps  de  l’omoplate. —  Ces  fractures  sont  simples,  mul- 


ÉPAULE  (pathologie.  —  FRACTOnES  DE  l’omoplate.  50i 

tiples  ou  commimitives.  La  direction  en  est  horizontale  et  d’autres  fois 
oblique. 

Les  causes  sont  habituellement  directes,  telles  que  chutes,  coups,  pro¬ 
jectiles  d’armes  de  guerre. Une  seule  fois,  on  a  signalé  l’action  des  mus¬ 
cles  et  encore  le  fait  reste  quelque  peu  douteux. 

Symptômes.  —  Placés  entre  deux  plans  musculaires  qui  prennent  des 
insertions  dans  presque  toute  l’étendue  des  fosses  sous-épineuse  et  sous- 
scapulaire,  les  fragments  ne  subissent  parfois  aucun  déplacement  et  peu- 
■vent  se  dérober  à  l’exploration. 

Lorsque  le  déplacement  a  lieu,  le  plus  souvent  le  fragment  inférieur 
est  attiré  en  avant  et  en  dehors  par  les  muscles  scapulo-huméraux  (grand 
et  petit  rond,  sous-épineux  et  sous-scapulaire)  et  par  la  portion  corres¬ 
pondante  du  grand  dentelé,  pendant  que  le  reste  de  l’os  reste  Qxé  en 
place  par  les  muscles  angulaire,  rhomboïde  et  surtout  la  partie  inférieure 
ou  adductrice  du  trapèze. 

Pour  apprécier  autant  que  faire  se  peut  le  siège  et  la  nature  du  dépla¬ 
cement,  il  est  bon  de  placer  la  main  et  l’avant-bras  correspondants  der¬ 
rière  le  dos  de  l’individu,  ce  qui  détache  l’omoplate  du  plan  du  thorax  et 
permet  une  exploration  plus  facile. 

Les  choses  étant  ainsi  disposées,  on  explore  soigneusement  les  bords 
spinal  et  axillaire  du  scapulum,ses  angles  et  son  épine,  à  l’effet  d’y  sentir 
un  angle  ou  une  saillie  anormale.  Avant  de  se  prononcer,  il  sera  tou¬ 
jours  bon  de  comparer  les  deux  côtés,  de  peur  de  prendre  une  irrégularité 
normale  de  configuration  pour  une  saillie  anormale. 

J.  L.  Petit  a  parlé  d’emphysème,  mais,  à  moins  de  complication  d’une 
fracture  des  côtes  sous-jacentes,  on  ne  comprend  pas  qu’il  puisse  vérita¬ 
blement  y  en  avoir.  Ce  qui  existe  souvent,  c’est  une  crépitation  sanguine 
qui  peut  en  imposer  pour  de  l’emphysème. 

La  crépitation  osseuse,  de  même  que  la  mobilité  anormale  et  la  défor¬ 
mation,  peut  faire  défaut.  Le  meilleur  moyen  pour  apercevoir  la  crépita¬ 
tion  consiste  à  y  appliquer  à  plat  toute  la  main,  comme  pour  fixer  le  sca- 
pulum,  pendant  que,  de  l’autre  main,  on  imprime  divers  mouvements  au 
bras. 

Il  faut  éviter  soigneusement  de  confondre  la  crépitation  dépendant  de 
la  fracture  de  l’omoplate  d’avec  celle  que  donnent  les  côtes  sous-jacentes 
cassées,  et  cette  autre  plus  fine  et  plus  superficielle,  due  au  sang  épanché 
sous  la  peau  et  dans  les  interstices  musculaires. 

La  douleur  locale  existe  toujours:  elle  est  parfois  violente,  mais  n’offre 
rien  de  caractéristique,  aussi  n’aide-t-elle  que  peu  au  diagnostic  de  la 
fracture. 

Traitement.  —  Lorsqu’il  n’y  a  pas  de  déplacement  notable  des  frag¬ 
ments,  le  mieux  est  de  fixer  le  bras  contre  le  tronc  à  l’aide  d’une  écharpe 
de  Mayor  ou  d’une  écharpe  ordinaire  avec  bandage  de  corps. 

S’il  y  a  des  déplacements,  on  essayera  sans  doute  à  les  réduire  à  l’aide 
de  pressions  appropriées  et  surtout  en  donnant  au  membre  l’attitude  qui 
semble  corriger  le  déplacement  dans  chaque  cas  particulier  ;  mais  il 


502  ÉPAULE  (pathologie).  —  fractures  de  l’omoplate.  —  tumeurs. 
est  bon  de  rappeler  ici  que  la  plupart  du  temps  on  échouera  et  que  l’on 
aura  un  cal  irrégulier,  quoi  qu’on  fasse ,  ce  qui  d’ailleurs  importe  peu 
au  point  de  vue  des  fonctions  du  membre. 

2°  Fractures  de  l’aceomion.  —  La  cause  la  plus  habituelle  en  est  une 
chute  sur  le  moignon  de  l’épaule,  plus  rarement  un  coup  porté  direc¬ 
tement. 

La  direction  de  la  fracture  est  généralement  verticale  ,  plus  rarement 
oblique.  Nélaton  l’a  vue  une  fois  s’étendre  très-obliquement  dans  le  sens 
de  l’épine  de  l’omoplate. 

Son  siège  habituel  est  la  racine  de  l’acromion,  à  deux  ou  trois  centi¬ 
mètres  en  arrière  de  son  sommet.  Dans  des  cas  plus  rares,  on  a  vu  la 
fracture  se  rapprocher  très-près  de  l’articulation  acromio-claviculaire  et 
simuler  alors  une  luxation  de  la  clavicule. 

Symptômes.  —  La  douleur  est  souvent  vive  et  elle  est  accrue  tant  par 
les  mouvements  du  bras  que  par  ceux  du  cou.  L’insertion  du  deltoïde  et 
du  trapèze  sur  le  fragment  acromial  explique  suffisamment  cette  gêne. 

Les  déplacements  peuvent  manquer,  lorsque  le  périoste  des  deux  faces 
est  conservé,  ou  n’être  que  partiels.  Lorsque  le  déplacement  a  lieu,  il 
consiste  presque  toujours  en  un  abaissement  du  fragment  acromial,  en¬ 
traîné  qu’il  est,  en  bas,  par  le  poids  du  membre. 

La  crépitation,  dans  les  cas  où  elle  existe,  se  perçoit  en  appliquant  une 
main  sur  le  moignon  de  l’épaule,  pendant  qu’avec  l’autre  main  on  sou¬ 
lève  le  coude  et  l’on  imprime  au  bras  des  mouvements  en  divers  sens. 

Diagnostic.  — Facile  dans  les  cas  de  déplacement  avec  crépitation,  il 
est  parfois  rendu  impossible  par  le  gonflement  dans  les  premiers  jours, 
et  même  plus  tard,  lorsqu’il  n’y  a  pas  de  déplacement  ou  de  mobilité 
anormale.  C’est  en  explorant  soigneusement  l’épine  de  l’omoplate  et 
l’acromion  dans  toute  leur  étendue  qu’on  arrive  le  plus  sûrement  au 
diagnostic. 

Pronostic.  —  Il  est  généralement  léger,  et  bien  que  le  cal  puisse  être 
difforme,  il  n’en  résulte  pas  de  gêne  pour  les  mouvements  du  membre. 

La  grande  mobilité  du  bras  explique  pourquoi  on  y  a  souvent  observé 
une  consolidation  purement  fibreuse  ;  aussi  devra-t-on  dans  le  traitement 
s’attacher.à  immobiliser  le  moignon  de  l’épaule  et  le  bras.  Il  va  sans  dire 
que,  lorsqu’il  n’y  a  que  peu  ou  point  de  déplacement  l’immobilité  est 
moins  de  rigueur,  mais,  en  cas  de  déplacement  notable,  il  ne  faut  pas  se 
départir  de  ce  précepte. 

Traitement.  —  Ce  sera  en  cherchant  qu’on  trouvera  dans  chaque  cas 
particulier  la  position  qui  aide  le  mieux  à  la  réduction  des  fragments. 

On  fixe  alors  le  membre  dans  cette  position  à  l’aide  d’un  bandage  con¬ 
tentif  approprié  et  le  plus  simple  sera  le  mieux  ;  bande  de  Malgaigne , 
écharpe  de  Mayor,  bandage  de  corps,  etc. 

Trente  à  quarante  jours  au  plus  suffiront  pour  la  consolidation  de  la 
fracture. 

Tumeurs.  —  Les  tumeurs  de  l’épaule  ne  diffèrent  en  rien  de  celles  des 


^ÉPAULE  (patuologie).  —  arthrites  scapolo-hdhérales.  —  hïdarthrose.  505 
autres  régions,  de  sorte  que  nous  n’aurons  que  très-peu  de  choses  à  en 
dire. 

Les  tumeurs  érectiles  se  sont  montrées  assez  fréquemment  dans  cette 
région.  A.  Séverin  y  a  observé  une  tumeur  vasculaire  tellement  volumi¬ 
neuse  qu’elle  empiétait  sur  le  devant  de  la  poitrine  et  sur  la  partie  posté¬ 
rieure  du  bras.  Ce  malade  mourut  et  l’on  est  en  droit  de  se  demander 
s’il  ne  s’agissait  pas  là  d’une  tumeur  plutôt  maligne  avec  développement 
considérable  de  vaisseaux. 

Les  lypomes  ne  sont  pas  rares,  et  pour  notre  compte  nous  avons  eu 
l’occasion  d’en  opérer  trois. 

Les  ostéosarcomes  cancéreux  peuvent  acquérir  ici  un  volume  considé¬ 
rable,  et  on  en  a  cité  de  la  grosseur  d’une  tête  d’adulte  et  plus  encore. 
Le  point  du  départ  en  est  l’humérus,  et  surtout  l’omoplate.  Il  est  fréquen 
de  les  voir  se  ramollir  jusqu’à  la  fluctuation,  et  offrir  des  battements  ou 
même  un  bruit  de  souffle  anévrysmatique. 

Les  exostoses  et  surtout  V enchondrome,  ont  été  signalés  maintes  fois. 
Nélaton  a  pratiqué  une  fois  la  résection  de  l’extrémité  supérieure  de  l’hu¬ 
mérus  pour  un  enchondrome.  L’omoplate  peut  en  être  également  le  siège. 

Disons  en  terminant  que  des  abcès  ossifluents  parfois  volumineux, 
provenant  d’une  nécrose,  d’une  carie  de  l’omoplate  ou  des  côtes,  peu¬ 
vent,  lorsque  la  collection  purulente  se  fait  sous  le  scapulum,  soulever 
cet  os  et  faire  faussement  croire  à  une  tumeur  solide.  Pour  éviter  l’er¬ 
reur,  il  faut  rechercher  la  fluctuation  autour  de  l’os  et  en  particulier  sous 
l’angle  spinal  de  l’omoplate. 

Comme  la  lame  osseuse  qui  constitue  le  scapulum  se  trouve  comprise 
entre  deux  feuillets  de  périoste,  il  s’en  suit  qu’en  cas  de  nécrose  totale, 
le  séquestre  invaginé  s’élimine  difficilement  et  si  l’art  n’intervient  pas 
à  temps,  la  suppuration  et  les  fistules  qui  en  résultent  sont  intermi¬ 
nables. 

Maladies  de  l’épaule.  —  Arthrites  scapdlo-hümérales.  —  Il  n’est, 
bien  entendu,  question  ici  que  des  arthrites  spontanées;  celles  trauma¬ 
tiques  se  confondant  avec  le  genre  de  blessure  qui  leur  a  donné  nais¬ 
sance. 

Laissant  de  côté  l’arthrite  rhumatismale  et  l’arthrite  sèche  ou  défor¬ 
mante  qui  se  rattachent  à  une  maladie  générale,  affectant  d’autres  arti¬ 
culations  à  la  fois  et  sortant,  dès  lors,  de  notre  cadre,  il  nous  reste  à 
parler  de  Vhydarthrose  scapulo-humérale  et  de  la  tumeur  blanche  ou 
scapulalgie. 

Hydarthrose.  —  Elle  est  rare  ici,  et  c’est  à  peine  si  on  en  cite  quelques 
exemples. 

Nous  devons  à  Jules  Roux  (de  Toulon),  une  très-belle  observation,  qui 
peut  servir  de  type  à  cette  description. 

Un  cultivateur  de  45  ans  était  sujet  à  un  rhumatisme  articulaire  aigu.  En  soulevant  un 
lourd  fardeau,  il  éprouva  subitement  une  très-vive  douleur  dans  l’articulation  scapulo- 
humérale  gauche.  J.  Roux  vit  le  malade,  huit  mois  après  le  début  de  l’hydarthrose,  dans 
l’état  que  voici  ;  bras  gauche,  plus  long  que  le  droit  d’un  centimètre,  pendant  le  long 


504  ÉPAULE  (pathologie).  —  SCAPDLALGIE. 

du  tronc  et  immobile  ;  avant-bras  fléchi  à  angle  droit,  avec  le  coude  tourné  en  dehors  et 
soutenu  par  la  main  droite  du  malade  ;  épaule  du  même  côté  sensiblement  abaissée  et 
considérablement  tuméfiée  ;  la  tête  de  l’humérus  ne  peut  y  être  sentie  ;'peau  tendue,  lui¬ 
sante  ;  fluctuation  très-manifeste  dans  tous  les  sens,  mais  particulièrement  en  dehors,  le 
long  du  tendon  du  biceps,  en  dedans,  dans  le  creux  axillaire,  et  en  arrière,  sous  l’acro- 
mion,'  où  elle  s’étend  dans  la  fosse  sous-épineuse. 

J.  Roux  pensa,  avec  raison,  que  l’énorme  collection  liquide  occupait  non-seulement  la 
capsule,  mais  les  prolongements  en  doigt  de  gant  que  la  synoviale  fournit  aux  tendons  de 
la  longue  portion  du  biceps,  du  sous-épineux  et  du  sous-scapulaire. 

Une  ponction  sous-cutanée,  faite  à  l’aide  d’un  trocart  plat  à  robinet  dans  la  partie 
moyenne  de  la  fosse  sous-épineuse,  permit  l’issue  de  oOO  grammes  environ  d’une  synovie;, 
visqueuse,  filante  et  d’un  jaune  foncé.  Le  liquide  évacué,  les  doigts  purent  sentir  la  tête 
de  l’humérus  qu’il  était  facile  d’écarter  de  la  cavité  glénoïde. 

n  n’y  eut  pas  d’accidents;  mais,  au  bout  de  quinze  jours,  la  tumeur  étant  revenue 
aussi  volumineuse  qu’auparavant,  une  nouvelle  ponction  fut  pratiquée  en  avant  près  de 
l’acromion,  et,  après  l’issue  de  400  grammes  d’un  liquide  synovial,  on  poussa  une  injec¬ 
tion  de  teinture  d’iode  au  quart  (100  grammes  de  teinture  d’iode  pour  300  grammes 
d’eau).  Il  y  eut  arthrite  intense  qui  se  renouvela  trois  fois,  et  nécessita  l’ouverture,  par 
le  bistouri,  des  trois  expansions  tendineuses  de  la  synoviale  déjà  mentionnées,  d’où  il 
sortit  du  pus  et  des  flocons  albumineux.  Enfin,  après  bien  des  péripéties,  le  malade  finit 
par  guérir  à  la  longue,  et,  un  an  après,  cet  individu,  qui  pouvait  lever  le  bras  jusqu’à 
l’horizontale,  reprit  ses  travaux  des  champs. 

Il  est  à  noter  que  l’élévation  du  bras  s’accompagnait  de  craquements  manifestes  dans 
la  jointure. 

Cette  observation  intéressante  confirme  ce  que  nous  avons  dit  à  l’ar¬ 
ticle  Hydarthrose  en  GÉNÉRAL,  à  savoir,  que  l’injection  iodée,  dans  les 
grandes  articulations,  peut  être  utile,  il  est  vrai,  mais  qu’elle  ne  manque 
pas  de  périls.  Quant  aux  autres  moyens  de  traitement,  applicables  à 
cette  affection,  nous  renvoyons  le  lecteur  à  l’article  sus-mentionné. 

ScAPULALGiE.  —  On  désigne  ainsi  la  tumeur  blanche  qui  a  pour  siège 
l’articulation  scapulo-humérale . 

Anatomie  pathologique.  —  Nous  n’aurons  pas  à  répéter  ici  ce  que  nous 
avons  longuement  exposé  à  l’article  Tumeurs  blanches  en  général  (Voy.  Ar¬ 
ticulations,  t.  III,  p.  581);  qu’il  nous  suffise  de  dire  qu’ici,  comme  dans 
les  autres  jointures,  deux  éléments  constituent  la  tumeur  blanche,  la 
synovite  fongueuse  d’une  part,  et  l’ostéite  fongueuse  ou  carie,  de  l’autre. 

Depuis  l’apparition  dans  ce  dictionnaire  de  notre  article  sur  les  tumeurs 
blanches,  des  travaux  importants,  entre  autres  ceux  de  Ranvier  et  Bill- 
roth,  ont  vu  le  jour,  et  nous  avons  été  heureux  de  constater  qu’ils  n’ont 
rien  changé  à  ce  que  nous  avions  écrit  nous-mêmes.  Ranvier  a  ajouté, 
toutefois,  un  élément  nouveau,  celui  de  l’altération  graisseuse  des  ostéo- 
plastes,  altération  qui,  d’après  cet  auteur,  préexiste  au  développement 
de  la  carie.  On  peut  donc  dire  maintenant,  sans  crainte  de  se  tromper, 
que  la  carie  est  une  ostéite  s’attaquant  à  un  os  déjà  malade,  ou  dont  la 
vitalité  est  amoindrie,  ainsi  que  le  prouve  l’altération  graisseuse  des  os- 
téoplastes. 

Lorsque  l’articulation  suppure,  le  pus  suit  d’ordinaire  les  expansions 
tendineuses  de  la  synoviale.  Aussi  les  trajets  fistuleux  offrent-ils  souvent 


ÉPAULE  (pathologie).  —  soapolalgie.  505 

une  direction  déterminée  que  l’on  pourrait  en  quelque  sorte  prévoir  d’a¬ 
vance. 

La  première  fistule  se  montre  au  bas  de  l’empreinte  deltoïdienne  de 
l’humérus,  sur  le  trajet  de  la  coulisse  bicipitale  de  cet  os  ;  puis  survient 
une  fistule  axillaire  en  suivant  le  tendon  du  sous-scapulaire,  et  enfin  une 
troisième,  en  arrière,  dans  la  loge  du  sous-épineux. 

Il  va  sans  dire  qu’à  une  période  plus  avancée,  les  fusées  purulentes  peu¬ 
vent  suivre  toutes  les  directions,  possibles  ;  c’est  ainsi  que  nous  en  avons 
vu  quatre,  cinq  et  six,  parmi  lesquelles  une  qui  contournait  l’humérus  en 
spirale  le  long  de  la  gouttière  du  nerf  radial  et  allait  s’ouvrir  à  la  partie 
externe  du  coude.  / 

Dans  the  Lancet,  oïl  cite  un  cas  plus  curieux  encore  d’une  jeune  fille 
chez  laquelle  la  collectioîi  punfïénte  ulcéra  les  muscles  intercostaux  entre 
la  première  et  la  deuxième  côte,  fit  irruption  dans  la  caviCé  pleurale  et 
causa  une  pleurésie  mortelle. 

L’altération  caséeuse  s’attaque  de  préférence  à  la  tête  humérale  qu’elle 
dénude  de  son  cartilage.  L’altération  va  parfois  assez  loin  pour  détruire 
complètement  cette  dête,  et,  dans  un  cas  cité  par  Yigaroux,  il  y  avait  en 
même  temps  un  gros  séquestre  de  nécrose  comprenant  toute  l’épiphyse 
supérieure  de  l’humérus.  ^  • 

Thomas  enleva  la  tête  nécrosée  et  la  petite  fille,  âgée  de  quatre  ans , 
guérit.  —  Péan  cite  un  cas  de  nécrose  chez  un  nouveau-né. 

La  cavité  glénoïde  de  l’omoplate  est  souvent  altérée,  bien  que  dans  un 
moindre  degré  que  la'  j;êtei  Nous  avons  vu,  dans  un  cas,  l’acromion  et  la 
face  inférieure  de  la  clavicule  participer  à  la  lésion.  Nélaton  a  trouvé  dans 
un  cas  l’angle  glénoïdfien' de  l’omoplate  converti  tout  entier  en  un  sé¬ 
questre. 

Nous  n’insistons  pas  sur  les  altérations  des  parties  molles  qui  sont  les 
mêmes  ici  que  dans  les  autres  tumeurs  blanches,  mais  ce  qui  mérité  une 
mention  spéciale,  c’est  l’atrophie  très-rapide  qui  s’empare  du  deltoïde  et 
des  autres  muscles  périarticulaires.  Le  tendon  de  la  longue  portion  du  bi¬ 
ceps,  entouré  lui-même  do  pus  et  de  fongosités,  finit  par  se  transformer 
en  un  cordon  grêle  qui  se  confond  avec  la  capsule  au  point  de  ne  plus 
pouvoir  en  retrouver  des  traces  dans  l’intérieur  de  l’articulation. 

Dans  certains  cas,  il  existe  un  engorgement  des  ganglions  de  l’aisselle. 

A  part  les  abcès  articulaires  ou  communicants  ,  il  y  en  a  d’extérieurs 
qui  dérivent  de  l’os  lui-même  ou  abcès  ossifluents.  Quant  aux  abcès  cir- 
convoisins,  on  en  comprend  sans  doute  l’existence,  seulement  ils  n’ont 
pas  encore  été  signalés  jusqu’ici. 

Une  conséquence  de  la  tumeur  blanche  scapulo-humérale  consiste  dans 
un  certain  déplacement  ou  luxation  de  la  tête  humérale.  Les  auteurs  en 
ont  même  admis  deux  espèces  :  en  bas  ou  axillaire,  en  haut  ou  sus-cora- 
coïdienne.  A.  Bonnet  (de  Lyon)  nie  ces  luxations  par  tumeur  blanche,  en 
se  fondant  sur  ce  que  l’amaigrissement  de  la  région  et  l’abaissement  de 
la  tête  peuvent  en  imposer.  Il  avoue  avoir  reconnu  son  erreur  à  l’autopsie, 
n’ayant  pas  rencontré  la  luxation  qu’il  avait  diagnostiquée  pendant  la  vie. 


506  EPAULE  (pathologie).  —  scapulalgie. 

Crocq,  si  compétent  en  pareille  matière,  sans  nier  la  luxation,  dit  ne 
l’avoir  jamais  vue.  Il  ajoute  que  tous  les  signes  de  la  luxation  peuvent 
exister  sans  qu’il  y  ait  luxation ,  et,  d’autre  part,  ceux-ci  peuvent  être 
rendus  obscurs  par  l’altération  des  parties  molles.  Afin  d’éviter  l’erreur, 
Crocq  conseille  de  tenir  compte  de  la  direction  de  l’axe  de  l’os,  qui  devra 
être  changé  dans  la  luxation  et  rapporte  plus  ou  moins  en  dedans. 

Cette  donnée  juste,  s’il  s’agit  d’une  luxation  sous  ou  intra-coracoïdienne 
cesserait  d’avoir  de  la  valeur,  dirons-nous  à  notre  tour  si,  comme  le 
prétend  Malgaigne,  la  subluxation  a  toujours  lieu  en  haut,  au-dessus  et 
en  dehors  de  la  coracoïde. 

L’ankylose  étant  une  des  conséquences  possibles  de  la  tumeur  blan¬ 
che,  nous  devons  en  dire  quelques  mots. 

Rust  et  les  auteurs  qui  lui  succédèrent  ont  avancé  sans  preuve  que 
l’ankylose  était  rare  à  l’épaule.  Or  c’est  précisément  le  contraire  qui  est 
vrai.  A.  Bonnet  explique  la  facilité  avec  laquelle  les  ankylosés  se  produi¬ 
sent  à  l’épaule,  par  la  mobilité  de  l’omoplate,  qui  fait  que  des  mou¬ 
vements  assez  étendus  du  bras  s’effectuent  sans  que  l’articulation  de 
l’épaule,  siège  de  la  douleur,  y  participe  en  aucune  façon.  De  là,  une  im¬ 
mobilité  relative  et  comme  conséquence,  la  raideur  et  l’ankylose  de  celle-ci. 
Crocq  explique,  de  son  côté,  l’erreur  des  auteurs  à  cet  égard,  en  faisant 
observer  qu’ils  ont  dû  prendre  pour  des  mouvements  du  bras  ce  qui  reve¬ 
nait  à  l’omoplate  et  à  la  clavicule. 

Symptômes.  — La  douleur  spontanée,  tantôt  modérée  et  d’autres  fois 
vive,  peut  s’irradier  parfois  jusqu’au  coude,  surtout  au  moment  des  accès 
douloureux. 

V attitude  du  membre  est  celle  qu’affectent  en  général  les  individus 
qui  ont  une  lésion  de  l’épaule  (flexion  de  l’avant-bras,  avec  le  bras  plus 
ou  moins  collé  au  tronc). 

Le  gonflement  périarticulaire  parfois  très-prononcé,  surtout  en  avant, 
ne  s’étend  que  rarement  au  delà  du  tiers  supérieur  du  bras.  La  peau  y 
est  tendue,  luisante,  blanche,  ou  plus  ou  moins  enflammée ,  surtout  par 
places  et  au  voisinage  des  trajets  fistuleux. 

Plus  tard,  le  gonflement  diminue  ou  disparaît  même,  et  à  la  place  on 
trouve  un  amaigrissement  avec  aplatissement  du  moignon  de  l’épaule, 
dus,  comme  il  a  été  dit,  à  l’atrophie  des  muscles. 

Les  changements  de  longueur  du  membre,  allongement  ou  raccourcis¬ 
sement,  sont  bien  plus  souvent  apparents  que  réels  et  s’expliquent  par 
l’abaissement  ou  l’élévation  du  scapulum. 

Lorsque  ces  changements  sont  réels,  ils  dépassent  rarement  1  ou 
2  centimètres. 

À  la  période  d’abcès,  on  y  rencontre  divers  points  où  la  fluctuation  est 
très-évidente,  en  même  temps  que  l’épaule  est  presque  entièrement  œdé¬ 
matiée.  L’empâtement  rend  parfois  le  signe  de  la  fluctuation  plus  dif¬ 
ficile  à  saisir  que  si  les  tissus  avaient  conservé  leur  souplesse,  comme  en 
cas  d’hydarthrose. 

Enfin,  il  se  peut  que,  par  des  mouvements  imprimés  à  l’humérus,  on 


ÉPAULE  (pathologie).  —  scapdlalgie.  507 

parvienne  à  produire  des  craquements,  indice  de  l’alteration  des  carti¬ 
lages  et  des  os. 

Les  symptômes  généraux  sont  au  début  ceux  d’une  inflammation  vive  : 
fièvre,  douleurs  vives,  insomnie,  soif,  inappétence,  etc.  Plus  tard,  et  à 
mesure  que  la  suppuration  se  prolonge,  la  fièvre  prend  les  caractères  de 
la  fièvre  hectique  :  exacerbations  fébriles  le  soir,  légers  frissons,  sueurs 
nocturnes,  diarrhée  intermittente ,  pâleur  et  maigreur  très-prononcées. 
Enfin  il  survient  des  signes  d’affection  septique ,  tels  que  ;  adynamie 
profonde,  langue  fuligineuse,  diarrhée  incoercÆle.  Accidents  qui  empor¬ 
tent  le  malade,  à  moins  que  quelques  complications  graves  :  pleurésie, 
phthisie  pulmonaire,  péritonite  tuberculeuse,  etc. ,  ne  viennent  mettre  une 
fin  anticipée  à  la  vie. 

Lorsque  le  malade  doit  guérir,  on  voit,  au  contraire,  les  accidents 
s’amender  :  les  trajets  fistuleux  se  ferment;  l’œdème  et  l’empâtement 
fongueux  disparaissent,  et  le  malade  conserve  une  gêne  considérable 
des  mouvements,  due,  tantôt  à  une  simple  raideur,  d’autres  fois,  à 
une  ankylosé  fibreuse  ou  osseuse,  le  tout  accompagné  d’une  atrophie  des 
muscles. 

Diagnostic.  —  Au  début  on  pourrait  croire  à  une  simple  arthrite,  mais, 
ici  comme  ailleurs,  la  constitution  de  l’individu,  la  coexistence  d’autres 
signes  de  scrofule,  les  antécédents  et  bientôt  l’aspect  fongueux  de  la 
région,  l’apparition  d’abcès  et  de  fistules,  lèveront  tous  les  doutes»  Même  en 
présence  de  fistules,  l’hésitation  est  encore  possible.  Supposons  que  le 
tiers  supérieur  de  l’humérus  soit  le  siège  de  carie  ou  de  nécrose,  sans 
nulle  communication  avec  l’articulation,  et  nous  aurons  à  peu  près  tous 
les  signes  de  la  tumeur  blanche,  sauf  les  craquements  articulaires,  qui 
ne  sont  pas  d’ailleurs  constants,  une  moindre  douleur  au  niveau  de  l’in¬ 
terligne  articulaire,  et  une  conservation  plus  grande  de  la  mobilité  de 
la  jointure. 

Mais,  nous  le  répétons,  il  y  a  des  cas  où  le  doute  est  absolument  per¬ 
mis  entre  l’arthrite  fongueuse  et  l’arthrite  carieuse  ou  nécrosique  du  tiers 
supérieur  de  l’humérus. 

Supposons  maintenant  que  le  stylet  introduit  dans  un  ou  plusieurs 
trajets  arrive  à  sentir  des  surfaces  osseuses  dénudées,  il  s’agit  de  recon¬ 
naître  encore  si  l’on  a  affaire  à  la  tête  de  l’humérus,  au  scapulum,  ou 
bien  aux  deux  os  à  la  fois,  et  cette  recherche,  on  le  comprend,  n’est  pas 
sans  importance  au  point  de  vue  de  la  médecine  opératoire. 

Nélaton  a  proposé  à  cet  effet  un  ingénieux  procédé  d’exploration  : 
après  avoir  introduit  un  ou  deux  stylets  par  les  fistules,  jusque  sur  la 
surface  dénudée,  on  applique  alternativement  l’oreille  sur  l’humérus  ou 
le  scapulum  pendant  qu’on  percute  avec  le  stylet  explorateur.  D’après  la 
■direction  que  suivent  les  vibrations,  il  sera  aisé  de  se  rendre  compte  de 
l’os  dénudé. 

Pronostic.  —  La  scapulalgie  peut  guérir  avec  ou  sans  ankylosé.  L’an- 
kylose,  grâce  à  la  mobilité  de  l’épaule  est  bien  moins  gênante  ici  que 
lorsqu’il  s’agit  du  coude,  du  genou  ou  de  la  hanche. 


508  ÉPAULE  (pathologie).  —  scapülalgie. 

Dans  les  cas  avancés,  le  malade  est  le  plus  souvent  perdu  si  l’on  n’in¬ 
tervient  activement,  attendu  que  les  clapiers  purulents  ne  font  que  se 
multiplier  et  envahir  la  totalité  de  l’épaule  et  du  bras,  auquel  cas  sur¬ 
viennent  aussi  les  accidents  de  septicémie. 

Fréquence  et  causes.  —  L’arthrite  fongueuse  scapulo-humérale  est 
l’une  des  plus  rares,  sans  qu’on  puisse  en  donner  la  raison.  Tout  ce  qu’on 
peut  dire,  c’est  que  l’hydarthrose  et  en  général  toutes  les  arthrites  sont 
moins  fréquentes  à  l’épaule  qu’aux  membres  inférieurs. 

Crocq,  sur  un  total  de  140  cas  de  tumeurs  blanches,  compte  3  cas  de 
scapülalgie,  dont  un  chez  l’homme,  un  chez  la  femme  et  un  troisième 
chez  un  enfant. 

Dans  ce  relevé,  la  proportion  est  de  pour  l’épaule, 
inférieur  à  celle  du  coude  qui  est  de . 

—  à  celle  du  poignet  qui  est  aussi  de . ^ 

—  à  celle  des  phalanges  qui  est  de . 

Péan  cite  deux  faits  qui  démontrent  que  la  scapülalgie  peut  se  montrer 

pendant  la  vie  intra-utérine  ou  quelques  jours  seulement  après  la  nais¬ 
sance.  Il  y  a  trois  mois,  nous  en  avons  vu  un  cas  à  la  consultation  de 
l’hôpital  Saint-Louis,  chez  un  petit  enfant  chétif  de  trois  mois  ;  il  y 
avait  une  vaste  poche  purulente  que  nous  avons  ouverte  au  bistouri  par 
le  procédé  sous-cutané.  L’orifice  est  resté  fîstuleux,  et  l’enfant  est  actuel¬ 
lement  en  voie  d’amélioration,  grâce  à  l’immobilité,  aux  cataplasmes  et 
à  l’huile  de  loie  de  morue. 

Il  va  sans  dire,  que  la  diathèse  joue  ici  le  principal  rôle.  Nous  accor¬ 
dons  une  certaine  part  aussi  aux  causes  accidentelles  (chutes,  coups, 
distorsion,  action  du  froid  humide). 

Traitement.  —  Nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  avons  dit  1. 111, 
p.  456,  à  l’article  Tumeurs  blanches  en  général,  nous  contentant  de  nous 
arrêter  sur  trois  points  également  importants  dans  le  traitement  de  la 
scapülalgie,  à  savoir  : 

1“  L’immobilisation  du  membre  ;  2“  la  restitution  du  mouvement  ou 
les  moyens  de  combattre  Tankylose  ;  3“  la  résection  et  la  désarticulation. 

1“  Immobilisation.  —  11  n’est  pas  aussi  aisé  qu’on  pourrait  le  croire  au 
premier  abord  d’immobiliser  l’articulation  de  l’épaule,  surtout  si  l’on 
tient  à  fixer  le  scapulum. 

C’est  pour  avoir  compris  cette  difficulté  que  Bonnet  a  proposé  la  gout¬ 
tière-cuirasse  en  cuir  moulé.  Nélaton  et  Crocq  se  servent  de  préférence 
du  bandage  ouaté  de  Burggraeve. 

Enfin,  on  pourrait  arriver  au  même  but  à  l’aide  d’un  moule  en  gutta- 
percha  ou  d’attelles  plâtrées  dont  nous  faisons  le  plus  grand  cas,  d’après 
ce  que  nous  obtenons  journellement  dans  notre  service  d’hôpital. 

2“  Combattre  la  raideur  ou  V ankylosé  consécutive.  —  Il  faut  commen¬ 
cer,  ainsi  que  l’a  établi  Bonnet  (de  Lyon),  par  immobiliser  l’omoplate,  et 
ce  n’est  qu’à  cette  condition  que  tout  mouvement  communiqué  se  pas¬ 
sera  réellement  dans  l’articulation. 

Pour  arriver  à  ce  but,  A.  Bonnet  a  proposé  trois  appareils  à  mouve- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  scapulalgie.  —  paralysies. 
ment.  De  ces  trois  appareils,  deux  s’adressent  à  l’élévation,  et  le  troisièm'^ 
à  la  rotation  de  l’humérus  sur  l’axe.  Ils  sont  décrits  et  figurés  dans  lés 
ouvrages  d’A.  Bonnet  et  de  Gaujot.  ' 

Le  plus  souvent,  on  peut  se  passer  de  machines,  si  le  chirurgien  sait 
administrer  par  degrés  le  mouvement,  et  indiquer  au  malade  des  manœu¬ 
vres  que  celui-ci  pourra  répéter  plusieurs  fois  dans  la  journée.  Nous  ren¬ 
voyons  pour  cela  à  l’article  Ankylosé,  t.  Il,  p.  555  et  aux  leçons  d’or¬ 
thopédie  de  Malgaigne. 

5°  Résection  scapulo-humérale.  ■ —  On  trouvera  plus  loin  la  description 
de  cette  opération,  dont  nous  allons  juger  à  présent  la  valeur  au  point  de 
vue  clinique. 

Günther  (de  Leipzig),  sur  32  résections  pour  scapulalgie,  compte: 
guérisons,  20  ;  morts,  4  ;  résultats  inconnus,  8. 

J.  Péan,  sur  49  cas  recueillis  dans  les  journaux  français,  allemands, 
anglais  et  américains  arrive  à  la  proportion  de  1  insuccès  sur  4  ou  5. 

Tout  partisans  que  nous  soyons  de  la  résection,  il  faut  avouer  toutefois 
que  les  statistiques  composées  par  des  observations  prises  dans  les  jour¬ 
naux,  ne  méritent  qu’une  créance  relative,  attendu  que,  si  la  plupart  des 
succès  sont  publiés,  il  en  est  tout  autrement  des  revers. 

Ce  qui  ressort  de  ces  statistiques,  c’est  que  les  chances  de  succès  très- 
grandes,  chez  les  enfants  et  les  adolescents,  diminuent  avec  l’âge. 

La  supériorité  de  la  résection  sur  l’amputation,  est  tout  entière  dans  la 
conservation  de  la  plupart  des  mouvements  et  des  fonctions  du  membre. 
Il  est  bien  entendu  que  les  mouvements  du  bras  se  passent  en  partie  dans 
le  scapulum,  en  partie  dans  la  néarthrose. 

De  tous  les  mouvements,  celui  qui  reste  le  plus  borné  est  l’abduction, 
qui  n’atteint  presque  jamais  l’angle  droit. 

Exceptionnellement,  comme  dans  un  cas  de  Syme  et  chez  le  chasseur 
de  Blois,  opéré  par  Nélaton,  l’usage  du  bras  peut  se  rétablir  en  totalité. 

4°  Désarticulation.  —  Lorsque  le  mal  est  très-avancé,  que  des  trajets 
fistuleux  sillonnent  la  totalité  de  la  région,  que  l’individu  est  épuisé  au 
point  que  l’on  prévoit  qn’il  ne  pourra  supporter  la  suppuration  abondante 
et  prolongée  qu’entraîne  après  elle  la  résection,  que  surtout  il  s’agit  d’un 
individu  arrivé  à  l’âge  mûr  ou  d’un  vieillard,  il  faut  donner  la  préférence 
à  la  désarticulation.  Cette  opération  est  encore  indiquée  lorsque  la  ré¬ 
section  n’a  amené  aucun  bon  résultât.  Enfin,  le  milieu  est  à  prendre  en 
grande  considération,  attendu  que  nous  voyons  tous  les  jours  des  indi¬ 
vidus  réséqués,  qui  guérissent  admirablement  à  la  campagne,  périr  misé¬ 
rablement  dans  nos  hôpitaux,  par  suite  d’une  infection  septique  qui  nous 
échappe  dans  son  essence  et  qui  déjoue  tous  nos  moyens  de  traitement. 

Nous  le  répétons,  la  désarticulation  dans  ces  conditions  fâcheuses,  en 
donnant  une  plaie  à  découvert  facile  à  panser  et  dont  la  cicatrisation  est 
prompte,  supprime  du  coup  toutes  les  parties  malades  et  trouve  son  ap¬ 
plication,  comme  moyen  d’urgence. 

Paralysies.  —  1“  De  la  paralysie  de  l’épaule  en  général.  —  Nous  avons 
insisté  déjà  sur  la  paralysie  qui  accompagne  les  luxations  de  l’humérus. 


510  ÉPAULE  (pathologie).  —  paralysies. 

tantôt  primitivement,  tantôt,  et  le  plus  habituellement,  après  des  tenta¬ 
tives  de  réduction.  A  ce  propos,  nous  avons  indiqué  la  compression  des 
nerfs  du  plexus  brachial  contre  les  côtes,  par  la  tête  humérale  luxée,  à 
quoi  il  faut  ajouter  les  tiraillements  et  la  compression  directe  de  ces 
mêmes  nerfs,  alors  qu’on  se  livre  à  des  tractions  énergiques  ou  qu’on 
exécute  la  bascule,  comme  méthode  de  réduction. 

Laissant  de  côté  la  commotion  des  nerfs  admise  par  Malgaigne,  mot 
vide  de  sens,  et  qui  suppose  quelque  chose  de  contraire  aux  faits  d’ob¬ 
servation  journalière,  nous  montrant  les  accidents  paralytiques  persis¬ 
ter  et  aller  même  en  s’aggravant  avec  le  temps,  nous  insisterons  sur 
la  contusion  qui,  à  elle  seule  et  sans  luxation,  sufiit  pour  produire  la  para¬ 
lysie. 

On  a  admis  encore  ici  la  possibilité  d’un  pincement  du  plexus  bra¬ 
chial  entre  la  clavicule  fortement  abaissée  et  la  première  côte.  Nous 
citerions  plus  loin  une  observation  de  Duchenne  (de  Boulogne)  qui  semble 
confirmer  ce  mécanisme. 

Les  chutes  sur  le  coude  et  même  sur  la  main,  le  bras  étant  dans  l’ex¬ 
tension,  peuvent  occasionner  parfois  la  paralysie,  auquel  cas  la  théorie 
de  la  compression  des  nerfs  entre  la  clavicule  et  la  première  côte  ne  peut 
évidemment  plus  nous  servir. 

Pour  la  paralysie  isolée  du  deltoïde,  la  contusion  du  nerf  circonflexe  a  été 
souvent  invoquée,  nous  l’avons  déjà  dit,  depuis  J.  L.  Petit  et  Boyer. 
Empis,  de  son  côté,  pense  que  certaines  paralysies  du  deltoïde  sont  dues 
à  des  lésions  du  tissu  musculaire  ;  chose  difficile  à  concilier  avec  ce  que 
nous  savons  sur  la  longue  durée  et  la  persistance  parfois  indéfinie  de  la 
paralysie. 

Quoi  qu’il  en  soit  du  mécanisme  de  ces  paralysies  traumatiques,  1  étude 
fonctionnelle  des  muscles  offre  ici  le  plus  grand  intérêt ,  en  tant  qu’elle 
sert  à  en  dévoiler  la  nature. 

Depuis  les  belles  recherches  de  Duchenne  (de  Boulogne),  nous  savons 
que,  dans  les  paralysies  par  compression  ou  contusion  des  nerfs  mixtes, 
il  arrive  très-souvent  que  le  mouvement  seul  est  perdu,  alors  que  la 
sensibilité  se  conserve  ou  n’est  qu’émoussée.  11  est  curieux  de  voir,  en 
effet,  que,  dans  tous  les  cas  connus,  la  motilité  est  la  plus  compromise; 
ce  n’est  qu’exceptionnellement,  comme  dans  un  fait  signalé  par  Bichat, 
que  la  sensibilité  se  trouve  la  première  atteinte. 

Une  autre  particularité  de  la  plus  haute  importance,  mise  au  jour  par 
Duchenne  (de  Boulogne),  consiste  en  ce  que,  dans  certain  cas,  l’élément 
trophique  du  nerf  se  trouvant  intéressé,  le  muscle  s’atrophie  et  perd 
rapidement  son  irritabilité  électrique,  alors  qu’ ailleurs,  la  nutrition  du 
muscle  n’ayant  pas  souffert,  celui-ci  répond  presque  normalement  aux 
incitations  électriques. 

Dans  le  premier  cas,  le  pronostic  est  grave,  attendu  que  le  muscle 
subira  l’altération  graisseuse,  quoi  qu’on  fasse,  sauf  à  voir  celui-ci  se 
régénérer  par  la  suite,  soit  en  totalité,  soit  en  partie.  Le  pronostic  est,  au 
contraire,  très-favorable  toutes  les  fois  que  le  muscle  répond  aux  cou- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  paralysies.  511 

rants  électriques,  et  il  suffira  parfois  de  quelques  séances  d’électricité 
pour  lui  rendre  le  pouvoir  de  se  contracter  normalement  sous  l’influence 
de  la  volonté/_ 

On  savait,  depuis  longtemps  déjà,  que,  parmi  les  paralysies  du  membre 
thoracique,  consécutives  aux  luxations  ou  aux  contusions,  il  y  en  avait 
qui  guérissaient  rité,  d’autres  lentement,  au  bout  de  plusieurs  mois  on 
de  plusieurs  années,  et  d’autres  qui  persistaient  toute  la  vie  ;  seulement 
on  était  loin  de  connaître  le  pourquoi,  et  encore  moins  le  moyen  de  dire 
par  avance  qu’elle  en  serait  l’issue.  Grâce  à  l’électricité,  nous  pouvons 
donner  aujourd’hui  une  réponse  satisfaisante  à  toutes  ces  questions. 

Pour  avoir  une  idée  des  variations  dont  nous  parlons,  il  sera  bon  de 
citer  ici  le  passage  suivant  de  Boyer  : 

«  Desault  a  vu  deux  fois,  dit-il ,  la  paralysie  de  tous  les  muscles  de 
l’extrémité  supérieure  à  la  suite  de  la  luxation  du  bras.  Dans  l’un  des 
malades,  la  paralysie  résista  à  tous  les  secours  de  l’art,  et  le  membre  fut 
privé  pour  toujours  de ■  ses  mouvements;  dans  l’autre,  la  maladie  céda 
aux  liniments  irrit'ârit^j^et  le  seizième  jour  de  l’accident,  les  muscles 
avaient  recouvré  leur  faculté  contractile,  et  les  mouvements  s’exécutaient 
comme  à  l’état  naturel.  Nous  avons  observé  trois  fois  la  paralysie  du 
muscle  deltoïde  à  la  suite  de  la  luxation  en  bas  de  l’humérus.  Chez  deux 
des  malades  qui  éprouvèrent  cet  accident,  la  paralysie  céda  aux  applica¬ 
tions  irritantes;  mais  chez  le  troisième,  qui  était  un  homme  fort  et 
vigoureux,  la  paralysie  fut  rebelle  à  tous  les  secours  de  l’art.  Cet  homme 
étant  devenu  infirmier  à  l’hôpital  de  la  Charité,  nous  avons  eu  occasion  de 
l’observer  pendant  plusieurs  années  ;  le  muscle  deltoïde  est  resté  privé  de 
la  faculté  de  se  contracter,  s’est  aminci  considérablement,  et  le  mouvement 
d’élévation  du  bras  a  été  aboli.  » 

A  part  les  traumatismes,  une  autre  cause  de  paralysie  par  compression 
réside  dans  le  développement  de  tumeurs  agissant  sur  le  plexus  brachial 
ou  cervical.  C’est  ainsi  que  nous  avons  vu  une  fois  un  cancer  ganglion¬ 
naire  sous-claviculaire  produire  la  paralysie  du  bras  ;  une  autre  fois, 
c’était  un  enchondrome  gros  comme  le  poing,  siégeant  à  la  base  du  cou, 
dans  le  triangle  sus-claviculaire,  qui  comprimait  les  nerfs;  enfin  Nélaton 
cite  un  cas  de  tumeur  syphilitique  qui,  à  cause  du  résultat  heureux 
obtenu  par  le  traitement  spécifique  et  de  sa  rareté  même,  mérite  d’être 
relaté  ici. 

Un  ancien  marin,  âgé  de  34  ans,  était  affecté  de  paralysie  brachiale  avec  atrophie 
musculaire.  La  perte  des  mouvements  était  survenue  tout  à  coup  pendant  le  sommeil  et 
persista  un  certain  temps.  Neus  supposâmes  l’existence  d’une  exostose  syphilitique  com¬ 
primant  les  plexus  brachial  et  cervical,  et  nous  soumîmes  le  malade  à  un  traitement  ap¬ 
proprié.  La  guérison  ne  se  fit  pas  longtemps  attendre. 

Traitement.  —  L’électricité  constitue  le  moyen  de  traitement  par  excel¬ 
lence  de  ces  paralysies  (voy.  art.  Electricité,  applications  à  la  chirurgie 
par  Saint-Germain,  t.  XII,  p.  533-535),  à  moins  qu’il  ne  s’agisse  d’une 
compression  par  tumeur  syphilitique,  auquel  cas  l’iodure  de  potassium 
rendrait  de  grands  services. 


512  ,  ÉPAULE  (pathologie).  —  paralysies. 

Les  premiers  effets  de  l’emploi  de  l’électricité  dans  les  paralysies 
traumatiques,  est,  comme  on  sait,  de  provoquer  le  développement  de 
douleurs  dans  le  membre,  autrement  dit  à' exalter  la  sensibilité.  Ce  signe 
est  d’un  bon  augure. 

L’époque  à  laquelle  il  faut  appliquer  l’électricité  est  de  la  plus  haute 
importance,  et  diffère  suivant  que  le  muscle  a  conservé  ou  non  sa  contrac¬ 
tilité  électrique. 

Dans  le  premier  cas,  le  plus  tôt  sera  le  mieux;  mais,  dans  le  second,  il  faut 
attendre  que  la  nutrition  des  muscles  atrophiés  se  soit  rétablie,  ce  qui  n’a 
pas  lieu  avant  quatre,  six  ou  huit  mois,  et  même  davantage  (voy.  Nou¬ 
veau  Dictionnaire,  t.  XII,  p.  554);  que  l’électricité  devient  absolument 
inutile  pendant  toute  la  période  d’atrophie,  et  son  emploi  a  l’inconvénient 
de  fatiguer  le  malade,  qui  ne  voudra  pas  s’y'soumettre  de  nouveau  quand 
le  moment  opportun  sera  arrivé.  (Duchenne.) 

D’après  quelques  faits  récemment  publiés ,  on  serait  conduit  à  penser 
que  les  courants  continus  agissent  plus  utilement;  mais  une  expérience 
plus  étendue  devient  nécessaire  avant  que  de  se  prononcer  définitivement 
à  cet  égard. 

2“  Paralysies  obstétricales.  —  Nous  devons  à  l’obligeance  de  Duchenne 
(de  Boulogne)  la  communication  de  faits  encore  inédits,  qui,  joints  à 
d’autres  déjà  connus,  vont  nous  permettre  de  donner  un  aperçu  de  cette 
variété  de  paralysie  de  l’épaule. 

A.  Paralysies  dues  à  l’application  du  forceps.  —  A  part  la  mention 
faite  par  Smellie  et  Jacquemier,  c’est  véritablement  à  Danyau  qu’est  due 
la  première  observation  complète  de  ce  genre  de  paralysie. 

Guéniot  a  communiqué  à  la  Société  de  chirurgie  un  second  fait,  et  Blot 
un  troisième.  Pour  Duchenne  (de  Boulogne),  ce  dernier  fait  peut  être 
rapporté,  avec  tout  autant  de  raison,  à  une  affection  cérébrale  ayant, 
précédé  la  naissance,  qu’à  l’action  contondante  du  forceps  sur  les  nerfs. 
Il  se  fonde  pour  cela  sur  la  contracture  des  fléchisseurs ,  qui  existait  dans 
ce  cas,  et  qui  est  le  propre  des  lésions  cérébrales. 

Le  mécanisme  de  cette  paralysie  s’explique  par  la  pres.sion  que  la 
branche  du  forceps  exerce  sur  le  plexus  brachial,  à  la  partie  latérale  du 
cou.  Dans  le  cas  de  Danyau,  la  paralysie  était  à  gauche;  dans  celui  de 
Guéniot,  à  droite  ;  dans  celui  de  Blot,  à  gauche;  dans  celui  de  Jacquemier, 
à  droite,  et  dans  celui  de  Smellie,  des  deux  côtés. 

Danyau  fut  à  même  de  constater  l’existence  de  la  paralysie  trente-six 
heures  après  la  naissance  ;  Guéniot,  seize  jours  après  ;  et  quant  au  fait  de 
Blot,  la  paralysie  remontait,  au  dire  de  la  mère,  à  la  naissance;  l’enfant, 
au  moment  de  l’examen,  était  âgé  de  trois  ans. 

Pour  ce  qui  est  du  sexe,  il  y  avait  deux  garçons  (Danyau  et  Guéniot)  et 
une  fille  (Blot).  Dans  les  deux  cas  de  Danyau, et  Guéniot,  une  eschare  li¬ 
néaire  de  1  centimètre  de  long  indiquait  l’endroit  précis  ou  la  branche 
du  forceps  avait  porté  ;  dans  les  deux  cas,  c’était  le  long  du  bord  anté¬ 
rieur  du  trapèze  que  la  contusion  de  la  peau  existait.  En  même  temps 


ÉPAULE  (patiiolocie).  —  paralysies.  515 

que  la  paralysie  du  bras,  il  y  avait,  dans  le  fait  de  Danyau,  paralysie 
faciale  incomplète  du  même  côté. 

La  mort  du  nouveau-né  n’a  été  signalée  qu'une  fois  par  Danyau,  et 
elle  est  survenue  le  huitième  jour  après  la  naissance.  Yoici  les  lésions 
qu’on  a  rencontré  à  l’autopsie  : 

«  Il  y  avait  un  léger  épanchement  de  sang  dans  les  tissus  environnant 
le  plexus  brachial  du  côté  gauche,  à  son  origine.  —  Depuis  ce  point  jus¬ 
qu’au  dehors  des  scalènes,  les  branches  qui  concourent  à  la  lormation 
du  plexus  présentent  une  teinte  sanguinolente,  qui  ne  disparaît  nulle¬ 
ment  par  le  frottement  ;  au  delà  des  scalènes,  au  niveau  du  creux  axil¬ 
laire,  les  nerfs  sont  décolorés  comme  à  l’état  normal.  Le  tissu  nerveux 
présente  partout  la  consistance  ordinaire.  Les  tissus  qui  environnent  le 
nerf  facial,  au  moment  où  il  sort  du  trou  stylomastoïdien  pour  aller  s’en¬ 
foncer  dans  la  glande  parotide,  sont  ecchymosés.  Le  nerf  lui-même  est 
injecté  dans  cette  partie  de  son  trajet  ;  au  delà  de  la  parotide,  les  ra¬ 
meaux  nerveux  présentent  leur  coloration  normale.  » 

Symptômes.  — Dans  tous  les  cas  publiés,  il  y  avait  perte  de  la  motilité 
avec  conservation  à  peu  près  complète  du  sentiment. 

Danyau  décrit  comme  il  suit  l’état  du  membre  paralysé  ;  «  Le  mem¬ 
bre  supérieur  gauche  pendait  immobile  sur  le  côté  du  corps,  l’avant- 
bras  dans  la  pronation,  les  doigts  demi-fléchis.  Lorsqu’on  le  soulevait, 
il  retombait  inerte  à  sa  place  ;  la  flexion  de  l’avant-bras  sur  le  bras 
était  instantanément  suivie  de  l’extension  passive  ;  non-seulement  au¬ 
cun  mouvement  spontané  n’avait  lieu  dans  le  membre,  mais  alors  on 
essayait  vainement  d’en  provoquer  en  pinçant  la  peau.  L’enfant  témoi¬ 
gnait  bien,  par  un  petit  grognement  et  par  un  léger  mouvement  d’éléva¬ 
tion  de  l’épaule  produit  par  l’action  du  trapèze,  que  la  sensibilité  h’était 
point  affaiblie,  mais  la  paralysie  du  mouvement  était  évidemment  com¬ 
plète.  » 

Dans  le  cas  de  Guéniot,  l’attitude  du  membre  était  la  même  que  pré¬ 
cédemment.  Le  bras  avait  perdu  tout  mouvement,  ainsi  que  l’avant- 
bras,  qui  conservait  toutefois  quelques  mouvements  rudimentaires.  Les 
doigts,  ainsi  que  la  main,  mais  cette  dernière  à  un  plus  faible  degré, 
avaient  conservé  la  liberté  de  leurs  mouvements.  L’épaule  pouvait  être 
mue  en  totalité  ;  la  sensibilité  était  conservée. 

Le  pronostic  varie  nécessairement  avec  le  degré  de  compression  exer¬ 
cée  par  le  forceps.  —  La  conservation  de  la  contractilité  musculaire 
électrique  est  d’un  bon  augure. 

L’électricité  constitue  la  base  du  traitement,  et  il  faut  l’appliquer 
dès  le  début  avec  tous  les  ménagements  que  commande  le  bas  âge^des 
enfants. 

B.  Paralysies  dues  aux  tractions  exercées  sur  le  fœtus.  — Duchenne 
(de  Boulogne)  a  bien  voulu  nous  communiquer  quatre  cas  détaillés  et 
inédits  qui  s’y  rapportent,  dont  nous  allons  donner  l’analyse. 

Dans  tous  les  quatre,  il  s’agissait  de  petites  filles.  Deux  fois  l’enfant 
s’est  présente  par  la  tête,  qui  était  grosse,  et,  pour  extraire  les  épaules. 


514  ÉPAULE  (pathologie).  —  paralysies. 

l’accoucheur  a  dû  passer  les  index  disposés  en  crochet,  sous  les  ais¬ 
selles,  et  tirer  fortement.  (Guibout,  Campbell.)  Deux  autres  fois,  on 
avait  affaire  à  des  présentations  du  siège,  et  il  a  fallu  tirer  avec  force 
les  bras  qui  étaient  relevés,  pour  les  abaisser  et  les  extraire.  (Depaul, 
Tarnier.) 

Chose  curieuse,  le  même  groupe  de  muscles  s’est  montré  paralysé 
dans  tous  les  cas,  à  savoir  :  le  deltoïde,  le  sous-épineux,  le  biceps  et  le 
brachial  antérieur. 

L’attitude  du  membre  est  la  suivante  ;  chute  du  bras  avec  impossibilité 
de  le  relever  ;  e.xtension  permanente  de  l’avant-bras  sur  le  bras.  Enfin, 
rotation  de  l’avant-bras  en  dedans,  due  à  la  paralysie  du  sous-épineux. 

La  sensibilité  cutané  était  conservée,  mais  la  contractilité  électrique 
était  entièrement  abolie,  sauf  dans  le  cas  observé  par  Tarnier,  où  elle 
n’était  qu’affaiblie. 

Contrairement  aux  paralysies  traumatiques  des  nerfs  mixtes  chez 
l’adulte,  la  paralysie  dont  nous  nous  occupons  ici  guérit  par  l’électricité 
assez  vite,  alors  même  que  les  muscles  ont  perdu  leur  contractilité  élec¬ 
trique.  Abandonnée  à  elle-même,  cette  paralysie  devient  incurable  et 
produit  l’atrophie  du  membre.  ' 

Complication  de  luxation.  —  De  même  que  la  paralysie  de  l’adulte, 
celle-ci  peut  se  compliquer  de  subluxation  de  l’humérus,  et  c’est  à  tort 
qu’on  a  pu  prendre  des  cas  de  ce  genre 
pour  des  luxations  congénitales;  ainsi 
que  nous  l’avons  dit  précédemment. 
{Luxation  congénitales  de  l’humérus.) 

La  luxation  en  question  se  produit  tou¬ 
jours  en  arrière,  et  appartient  à  la  variété 
sous-acromiale  (fig.  81). 

Outre  les  caractères  propres  à  ce  genre 
de  luxation,  Duchenne  (de  Boulogne)  a 
constaté  l’affaiblissement  de  la  contrac¬ 
tilité  électrique,  et  même  l’atrophie  de 
plusieurs  muscles  animés  par  le  radial  ou 
le  cubital,  d’où,  parfois,  la  griffe. 

Depuis  1857,  Duchenne  a  observé  8  cas 
de  ce  genre,  dont  un  avec  Nélaton,  et  il 
avoue  qu’avant  d’avoir  l’attention  attirée 
sur  cette  complication,  divers  autres  cas 
Fig.  81.  —  Luxalion  sous-acromiale  OUt  dû  lui  échapper.  G  est,  On  le  voit, 

obstétricale.  (Dochekne,  de  Bou-  une  complication  assez  fréquente. 

Dans  plusieurs  de  ces  cas,  qui  dataient 
de  6  et  8  ans  d’âge,  Chassaignac,  à  qui  Duchenne  confia  le  soin  de  la 
réduction,  l’obtint  d’une  façon  définitive,  grâce  â  un  appareil  contentif 
gardé  pendant  cinq  et  six  semaines. 

Disons,  en  terminant,  que  l’observation  de  Gaillard  (de  Poitiers),  que 
nous  avons  donnée  comme  un  exemple  de  luxation  congénitale  {voy. 


ÉPAULE  (pathologie).  —  paralysies.  515 

plus  haut),  et  où  la  réduction  a  pu  être  obtenue  au  bout  de  16  ans,  nous 
paraît  rentrer  dans  les  luxations  obstétricale,  dont  il  est  question  en  ce 
moment. 

S’il  en  est  véritablement  ainsi,  cette  observation  démontre  un  fait  ca¬ 
pital,  à  savoir,  que  la  réduction  de  la  luxation  peut  être  tentée  à  une  épo¬ 
que  très-éloignée  de  la  naissance  ;  ce  qui,  à  son  tour,  peut  devenir  un  ca¬ 
ractère  propre  de  ce  genre  de  luxations. 

3°  Paralysies  des  muscles  de  V épaule  en  particulier.  —  A.  Trapèze. 
—  La  portion  claviculaire  ou  inspiratrice  de  ce  muscle,  animée,  comme 
on  sait,  par  deux  espèces  de  nerfs,  le  spinal  et  des  rameaux  du  plexus 
cervical,  peut  perdre  isolément  sa  contractilité  volontaire  ou  son  ac¬ 
tion  inspiratrice,  suivant  que  le  plexus  en  question  ou  le  spinal  est  in¬ 
téressé. 

La  paralysie  de  la  portion  moyenne  ou  acromiale  du  trapèze  (fig.  82) 


Fig.  82.  —  Paralysie  avec  atrophie  de  la  por-  Fig.  83. 
tion  moyenne  du  trapèze.  —  AB,  Angle  du 

interne  et  inférieur  du  scapulum. 

se  caractérise  par  la  chute  du  moignon  de  l’épaule,  et  V obliquité  de 
l’omoplate ,  dont  l’angle  inférieur  s’élève  et  se  rapproche  de  la  ligne 
médiane  du  dos.  —  Cette  difformité  est  caractéristique,  et  ne  pourrait 
être  confondue  qu’avec  la  contracture  du  rhomboïde. 

Grâce  à  l’action  de  la  portion  claviculaire  du  muscle,  lorsqu’elle  est 
conservée,  grâce  à  celle  de  l’angulaire,  et  surtout  du  tiers  supérieur  du 
grand  pectoral,  l’épaule  peut  encore  s’élever  avec  force. 


516  ÉPAULE  (l'ATliOLOGIE) .  -  PARALYSIES. 

Entin  la  troisième  portion  du  trapèze  étant  paralysée,  on  voit  le  scapu- 
lum  entraîné  en  dehors  et  en  avant,  et  chaque  fois  que  le  malade  veut 
rapprocher  en  arrière  les  deux  épaules,  le  scapulum  du  côté  malade  s’é¬ 
lève  en  tournant  sur  son  angle  externe  (fig.  83).  La  paralysie  du  tra¬ 
pèze,  à  part  un  certain  affaiblissement  des  mouvements  d’élévation  des 
membres,  ne  trouble  en  rien  les  mouvements  du  bras. 

B.  Grand  dentelé.  —  Les  signes  propres  à  la  paralysie  de  ce  muscle 
sont  :  Saillie  du  bord  spinal  de  l’o¬ 
moplate,  qui  se  détache  du  plan 
des  côtes  (fig.  84);  chute  du  moi¬ 
gnon  de  l’épaule  avec  élévation 
de  l’angle  inférieur,  qui  se  rap¬ 
proche  de  la  ligne  médiane  du 
dos. 

Les  signes  pathognomoniques 
ci-dessus  ne  se  manifestent  que 
pendant  l’élévation  volontaire  du 
bras.  On  peut  se  convaincre  alors 
que  l’élévation  du  bras  est  dimi¬ 
nuée  par  suite  du  mouvement  de 
bascule  et  d’abaissement  anormal 
éprouvé  par  le  scapulum.  —  Il 
suffit  en  effet  de  fixer  l’omoplate, 
après  l’avoir  ramenée  à  sa  position 
normale,  pour  voir  le  deltoïde  se 
contracter  avec  force  et  produire 
une  élévation  complète  du  bras. 
Si  le  contraire  arrive,  il  faut  en 
conclure  que  le  deltoïde  participe 
lui-même  à  la  paralysie. 

G.  Deltoïde.  —  La  paralysie  du 
deltoïde  facile  à  reconnaître,  d’après  la  saillie  anguleuse  de  l’acromion, 
l’aplatissement  du  moignon  de  l’épaule,  l’allongement  du  bras  avec  écar¬ 
tement  de  la  tête  de  la  cavité  glénoïde,  permettant  parfois  l’interposition 
de  deux  et  de  trois  doigts,  enfin  le  défaut  de  contractilité  volontaire  de 
ce  muscle  ne  saurait  exposer  à  une  méprise.  Il  n’a  pas  manqué  toutefois, 
et  cela  se  voit  encore  assez  souvent,  que  des  médecins  peu  attentifs  aient 
pris  cette  lésion  pour  une  luxation  scapulo-humérale.  Des  praticiens 
capables  ont  pu,  de  leur  côté,  méconnaître  des  paralysies  d’autres  mus¬ 
cles  de  l’épaule  qui  viennent  compliquer  celle  du  deltoïde. 

Parmi  les  paralysies  qui  se  lient  souvent  à  celle  du  deltoïde,  nous 
devons  signaler  celles  du  grand  dentelé  et  des  muscles  trochantériens. 

Ainsi  qu’il  a  été  dit  précédemment,  la  paralysie  du  grand  dentelé 
ne  devient  manifeste  que  lorsque  le  deltoïde  se  contracte  pour  produire 
l’élévation  du  bras.  Lors  donc  que  ce  dernier  muscle  se  trouve  privé  d’ac¬ 
tion,  la  paralysie  du  grand  dentelé  risque  de  passer  inaperçue,  si  l’explo- 


l'.PAULE  (pathologie).  —  paralysies.  o17 

ration  électrique,  l’immobilité  et  la  saillie  du  bord  spinal  du  scapulum, 
lorsqu’on  invite  l’individu  à  contracter  ses  pectoraux,  comme  pour  por¬ 
ter  le  moignon  de  l’épaule  en  avant  et  en  haut,  ne  dévoilait  cette  lé- 

La  paralysie  des  muscles  qui  s’insèrent  aux  deux  tubérosités  de  l’hu¬ 
mérus,  ou  rotateurs  de  riiumérus,  a  été  bien  décrite  pour  la  première  fois 
jiar  Duchenne  (deBoulogne).  La  gêne  qui  en  résulte  pour  les  fonctions  du 
membre,  est,  d’après  cet  auteur,  si  grànde,  que  nous  devons  y  insister 
d’une  façon  particulière. 

Parmi  ces  muscles,  il  y  en  a  deux,  le  sous-épineux  et  le  petit  rond, 
qui  produisent  la  rotation  de  l’humérus  en  dehors,  tandis  que  le  sous- 
scapulaire,  auquel  il  faut  a.iouter  le  grand  rond  et  accessoirement  le  sus- 
épineux,  exécutent  la  rotation  en  dedans. 

a.  Sous-épineux  et  petit  rond.  —  L’individu  privé  de  la  rotation  en 
dehors  de  l’humérus,  par  suite  de  la  paralysie  de  ces  deux  muscles,  qui 
îi’en  font  qu’un,  ne  peut  ni  tracer  des  lignes  ni  écrire  an  delà  d’un  inter¬ 
valle  de  trois  à  quatre  centimètres  au  plus.  Après  avoir  écrit  un  ou  deux 
mots,  ne  pouvant  plus  suivre  la  ligne,  il  est  forcé  de  s’arrêter,  et  pour 
continuer,  il  se  trouve  obligé  de  tirer  son  papier  de  droite  à  gauche,  jus¬ 
qu’à  ce  qu’il  arrive  au  bout  de  la  ligne.  Un  individu  dont  Duchenne  rap¬ 
porte  l’histoire,  éprouvait  tant  de  peine  et  d’ennui  pour  écrire,  qu’il  avait 
dû  y  renoncer.  — Les  professions  qui  nécessitent  l’usage  de  l’aiguille, 
comme  pour  coudre,  broder,  etc.,  sont  tout  aussi  entravées  que  l’écriture 
parla  perte  des  muscles  rotateurs. Lorsqu’en  cousant  ou  brodant,  etc.,  on 
tire  l’aiguille  de  dedans  en  dehors,  les  muscles  dello’ide,  sous-épineux  et 
petit  rond  se  contractent  énergiquement,  le  premier  pour  écarter  le  bras 
du  tronc,  le  second  pour  imprimer,  à  l’avant-bras  et  à  la  main,  par  l’in¬ 
termédiaire  de  l’humérus,  un  mouvement  d’arc  de  cercle  qui  les  ramène 
en  dehors.  En  supposant  le  deltoïde  seul  paralysé,  les  malades,  grâce 
aux  rotateurs  en  dehors  de  l’humérus,  peuvent  parfaitement  coudre,  tan¬ 
dis  que,  les  rotateurs  perdus  et  le  deltoïde  conservé,  il  faudra  à  l’indi¬ 
vidu  exécuter  des  mouvements  d’abduction  très-étendus,  qui  le  fatiguent 
et  l’obligent  d’interrompre  son  travail  à  tout  moment. 

p.  Sous-scapulaire,  yrand-rond  et  sus-épineux.  —  Pour  constater  la 
paralysie  de  ces  muscles,  on  porte  l’humérus  et  l’avant-bras  demi-fléchi 
dans  la  rotation  en  dehors,  et  si  l’individu  ne  peut  tourner  le  membre  en 
dedans,  on  conclut  à  leur  paralysie. 

La  gêne  apportée  par  la  paralysie  des  rotateurs  internes,  équivaut  à  la 
perte  totale  des  muscles  rotateurs,  attendu  que,  ni  la  portion  supérieure 
■du  grand  pectoral,  ni  la  portion  antérieure  du  deltoïde,  ne  peuvent  les 
rsuppléer.  Il  en  résulte  d’ailleurs  une  impotence  plus  considérable,  at¬ 
tendu  que  le  membre  ne  peut  plus  atteindre  ni  la  tête  ni  le  côté  opposé 
•du  tronc. 

Médecine  opéentoire.  —  Les  opérations  réglées  qui  se  pratiquent 
sur  l’épaule,  comprennent  : 

1°  La  désarticulation  du  bras;  2°  la  résection  scapulo-humérale  ; 


518  ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticulation  du  bras. 

3°  l’ablation  d’une  partie  ou  de  la  totalité  du  scapulum  ;  4“  la  résection 
de  l’extrémité  externe  de  la  clavicule. 

Désarticulation  du  bras.  —  C’est  à  Ledran  {Observations  de  chirurgie, 
t.  I,  p.  315)  et  à  Morand  père  {Opuscules,  IP  partie,  p.  212)  qu’il  faut 
faire  remonter  la  première  désarticulation  de  l’épaule. 

La  couche  musculaire  superficielle  formée  par  le  deltoïde  est,  nous 
l’avons  dit  déjà,  beaucoup  plus  épaisse  en  arrière  qu’en  avant,  aussi,  au 
moment  de  la  section  se  rétracte-l-elle  avec  une  grande  force  en  entraî¬ 
nant  les  téguments. 

Les  muscles  de  la  couche  profonde  se  laissent  couper  facilement,  en 
portant  le  bras  successivement  dans  la  rotation  opposée  à  la  marche  du 
couteau;  seul,  le  muscle  sous-scapulaire  offre  quelque  difficulté,  alors 
même  qu’on  vient  à  exagérer  la  rotation  du  membre  en  dehors. 

L’acromion  forme  une  saillie  tellement  prononcée,  qu’il  est  nécessaire 
de  ménager  une  grande  quantité  de  peau,  si  l’on  veut  que  cette  apophyse 
reste  recouverte. 

L’étendue  plus  considérable  des  parties  molles  en  arrière,  fait  que, 
pour  arriver  à  tracer  un  lambeau  antérieur  égal  au  postérieur,  il  faut 
reporter  l’incision  derrière  le  sommet  de  l’acromion. 

Toute  incision  qui,  endedans,ne  se  prolonge  quededeux  à  trois  travers  de 
doigt  plus  bas  que  l’insertion  du  grand  pectoral  à  l’humérus,  risque  de 
laisser  dans  le  creux  axillaire  une  forte  encoche  à  la  peau,  ce  qui  nuit  à 
la  régularité  de  la  cicatrice,  il  est  vrai,  mais  rend,  ainsi  que  le  fait  ob¬ 
server  Sédillot,  l’écoulement  du  pus  plus  facile. 

Enfin,  l’hémorrhagie  abondante  qui  résulterait  de  l’ouverture  de  l’ar¬ 
tère  axillaire  commande  qu’on  se  préoccupe,  dans  le  choix  du  procédé, 
pour  ne  donner  la  préférence  qu’à  ceux  qui  intéressent  les  vaisseaux 
axillaires,  tout  à  fait  en  dernier  lieu,  ou  qui  permettent  de  les  saisir  et 
de  les  comprimer  avant  que  d’en  faire  la  section. 

Procédés  opératoires.  —  Ils  sont  nombreux  et  bien  qu’ils  ne  soient 
pas  tous  aussi  parfaits  les  uns  que  les  autres,  nous  devons  les  passer  en 
revue,  vu  qu’assez  souvent  la  lésion  nous  empêche  d’en  avoir  le  choix. 

1“  Méthode  circulaire.  —  Usitée  du  temps  de  Garengeot,  elle  est  con¬ 
nue  sous  le  nom  de  procédé  d’Alanson,  qui  l’a  décrite  ainsi  que  Ber- 
trandi. 

Græfe  la  pratiquait,  à  l’aide  d’un  couteau  en  rondache,  en  vue  de 
sectionner  les  muscles  obliquement,  sous  la  forme  d’un  cône  creux,  dont 
l’articulation  représentait  le  sommet. 

Procédé  d’Alanson  et  de  Cornuau.  —  On  pratique  à  quatre  travers  de 
doigt  au-dessous  du  sommet  de  l’acromion  une  incision  circulaire  (Alan- 
son),  en  ne  comprenant  que  les  deux  tiers  externes  de  la  circonférence 
du  membre  (Cornuau,  1830),  et  qui,  dans  tous  les  cas,  ne  devra  intéres¬ 
ser  que  la  peau. 

Les  téguments  relevés,  on  divise  le  deltoïde,  puis  la  capsule  et  les  ten¬ 
dons  ;  on  luxe  la  tête  en  haut,  et  en  glissant  le  couteau  en  dedans  de  l’os, 
on  achève  de  diviser  les  parties  molles  avec  le  paquet  vasculo-nerveux. 


ÉPAULE  (pathologie).  ■ —  désamtcdlatio.n  du  bras.  519 

après  qu’un  aide  a  saisi  l’artère  pour  la  comprimer,  et  prévenir  ainsi 
l’effusion  d’une  grande  quantité  de  sang. 

La  plaie  qui  en  résulte  est  très-régulière  et  peu  étendue  ;  malheureu¬ 
sement,  le  procédé  est  d’une  exécution  difficile  et,  à  moins,  de  suivre  le 
procédé  défectueux  de  Sanson,  qui  rapprochait  son  incision  à  un  travers 
de  doigt  de  l’acromion,  on  est  obligé,  surtout  chez  les  sujets  bien  mus¬ 
clés,  d’ajouter,  comme  l’avait  indiqué  Alanson  lui-même,  une  incision 
verticale  partant  de  l’incision  circulaire  pour  aboutir  au  sommet  de  l’a¬ 
cromion.  Cela  revient  au  procédé  de  Benjamin  Bell,  sauf  qu’ici,  l’inci¬ 
sion  verticale  étant  double,  on  a  un  véritable  lambeau  antéro-externe. 

2°  Méthode  à  lambeaux. — .4.  Deux  lambeaux.  —  Nous  ne  parlerons 
que  pour  mémoire  du  procédé  de  Garengeot,  qui  consiste  à  couper  à 
l’aide  de  trois  incisions  un  lambeau  carré  de  trois  travers  de  doigt  de 
hauteur,  après  quoi,  on  traverse  l’article  et  l’on  taille  une  second  lam¬ 
beau  axillaire  de  forme  carrée.  (Garengeot,  Opérations  de  chirurgie.) 

Le  procédé  de  B.  Bell  que  nous  avons  signalé  précédemment,  donne 
pareillement  deux  lambeaux,  l’un  externe  et  l’autre  interne. 

•La  méthode  à  deux  lambeaux,  l’un  antérieur  et  l’autre  postérieur,  n’est 
entré  véritablement  dans  la  pratique  que  depuis  Lisfranc,  dont  le  procédé 
de  désarticulation  est  un  des  plus  expéditifs  et  des  plus  brillants  de  la 
chirurgie.  A-oici  en  quoi  il  consiste. 

Procédé  de  Lisfranc.  —  Bras  gauche.  —  On  relève  le  bras  à  angle 
presque  droit  ;  le  chirurgien  placé  derrière  le  malade  embrasse  le  moi¬ 
gnon  de  l’épaule  avec  la  main  gauche,  le  pouce  en  arrière,  et  les  deux 
doigts  suivants  sur  le  triangle  coraco-acromial,  tout  près  de  la  clavicule. 
L’opérateur,  armé  d’un  couteau  à  deux  tranchants  et  long  de  22  à  24  cen¬ 
timètres,  le  plonge  parallèlement  à  l’humérus  immédiatement  au-devant 
du  tendon  du  grand  rond  et  du  grand  dorsal,  et  en  suivant  le  côté  partéro- 
externe  de  l’humérus,  il  arrive  sous  la  voûte  acromiale;  à  ce  moment,  on 
fait  exécuter  au  couteau  un  mouvement  de  bascule  qui  relève  le  manche 
de  6  à  8  centimètres  et  permet  à  la  pointe  de  sortir  dans  le  triangle  acro- 
mio-coracoïdien,  après  avoir  traversé  l’article.  Pendant  que  le  manche 
reste  immobile,  on  fait  marcher  le  bout  de  la  lame  de  façon  à  contour¬ 
ner  la  moitié  postérieure  de  la  tête,  après  quoi  le  couteau  descend  à 
pleine  lame  sur  le  côté  postéro-externe  du  bras,  .et  taille  un  lambeau 
postéro-externe  d’environ  8  centimètres  qu’un  aide  s’empresse  de  re¬ 
lever. 

L’opérateur  tenant  le  bras  à  amputer  bas,  passe  son  couteau  entre  l’hu¬ 
mérus  et  les  portions  molles,  au  ras  de  l’os,  et  après  avoir  donné  à  presser 
l’artère  à  un  aide,  taille  un  second  lambeau  antérieur  de  même  dimension 
que  le  postérieur  (fig.  85,  p.  520). 

Pour  le  bras  droit,  le  procédé  est  le  même,  avec  la  différence  qu’après 
avoir  taillé  le  lambeau  postérieur,  comme  il  a  été  dit,  le  chirurgien  devra 
changer  de  place  pour  se  mettre  au-devant  du  malade. 

Il  peut  aussi  dès  le  début,  prendre  cette  dernière  position,  auquel  cas 


520  ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticdlation  do  béas. 

on  pratique  la  transfixion  en  sens  inverse,  du  triangle  acromio-coracoïdien 
à  la  paroi  postérieure  de  l’aisselle. 

Nous  préférons  la  première  manière  de  faire,  quitte  à  changer  déplacé. 
Ce  procédé  de  désarticulation  répond  parfaitement  aux  deux  indications 
capitales,  à  savoir  l’écoulement  facile 
du  pus  et  la  conservation  d’une  quan¬ 
tité  suffisante  de  tégument  pour  recou¬ 
vrir  l’acromion.  La  seule  difficulté 
qu’on  rencontre  dans  son  exécution, 
c’est  de  pouvoir  contourner  la  tête  en 
passant  sous  la  voûte  coraco-acro¬ 
miale. 

Cela  est  surtout  vrai  pour  les  sujets 
fortement  musclés,  aussi  Sédillot  pro¬ 
pose  de  faire  sortir  le  couteau  en  de¬ 
hors  de  l’acromion,  quitte  à  ouvrir  la 
capsule  en  même  temps  qu’on  découpe 
le  lambeau  antérieur. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire 
le  procédé  à  deux  lambeaux  antérieur 
et  postérieur  de  Sharp,  qui  taillait  de 
dehors  en  dedans  un  premier  lambeau 
Fig.  85.  —  Désarticulation  de  l’épaule  par  antérieur,  découvrait  l’artère  axillaire 
le  procédé  de  Li^tranc.  ligature,  et  terminait 

l’amputation  en  traversant  l’article  pendant  qu’il  taillait  le  lambeau 
postérieur. 

Le  procédé  de  Desault  est  le  même  que  celui  de  Sharp,  avec  la  diffé¬ 
rence  qu’on  comprend  dans  le  lambeau  antérieur  le  nerf  et  l’artère  dont 
on  doit  pratiquer  immédiatement  la  ligature. 

B.  A  un  seul  lambeau.  —  Lambeau  axillaire.  —  Ledran,  après  avoir 
compris  les  vaisseaux  et  les  nerfs  dans  une  ligature  temporaire  pratiquée 
au  travers  des  téguments,  incisait  demi-circulairement  sous  l’acromion 
toutes  les  parties  molles,  pénétrait  dans  l’articulation,  et  terminait  en 
taillant  un  lambeau  axillaire  de  12  centimètres  de  long. 

Lambeau  delto'idien.  —  La  Paye  découpait  un  lambeau  deltoïdien  carré 
de  cinq  travers  de  doigt  de  long. 

Dupuytren,  pour  son  procédé  dit  de  l’épaulette,  procède  comme  il  suit  : 

Le  bras  étant  écarté  du  tronc,  le  chirurgien  soulève  de  la  main  gau¬ 
che  toute  l’épaisseur  du  deltoïde  ;  de  la  droite,  armée  d’un  couteau  à 
double  tranchant,  on  traverse  le  muscle,  immédiatement  sous  l’acromion, 
et,  en  rasant  l’os,  on  taille  un  lambeau  externe  d’une  étendue  convenable; 
un  aide  relève  le  lambeau.  Le  chirurgien  saisissant  le  bras  près  du  coude, 
fait  saillir  la  lête  en  haut  et  en  dehors,  traverse  l’article  et  achève  de  di¬ 
viser  les  parties  molles  au  bas  du  creux  axillaire. 

Lisfranc  et  Champesme  ont  décrit  un  procédé  analogue,  avec  cette 
différence  que,  le  lambeau  deltoïdien  étant  pratiqué  comme  le  lambeau 


ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticülation  dd  bras.  521 

postéro-externe  du  procédé  à  deux  lambeaux  de  Lisfranc,  la  capsule  se 
trouve  ouverte  du  premier  coup. 

Langenbeck  et  Clines  coupent  un  lambeau  deltoïdien,  de  dehors  en 
dedans  et  de  bas  en  haut. 

Lambeau  unique  antérieur  ou  jwstérieur.  —  Delpech,  après  avoir  ou¬ 
vert  l’articulation,  taillait  un  grand  lambeau  antérieur,  llello  commence 
par  faire  un  lambeau  postérieur,  puis  coupe  les  chairs  en  avant  à  l’aide 
d’une  incision  demi-circulaire. 

La  plupart  des  procédés  à  lambeau  unique  sont  des  procédés  de  né¬ 
cessité,  commandés  par  l’étendue  et  le  sens  de  la  perte  de  substance, 
sauf  peut-être  ceux  de  l’épaulette  de  Lisfranc  et  Dupuytren  qui,  à  la 
rigueur,  peuvent,  dans  certains  cas ,  mériter  le  choix  de  l’opéra¬ 
teur. 

^“Méthode  ovalaire  et  en  raquette. — Le  procédé  ovalaire  pur  à  l’incon¬ 
vénient  de  ne  pas  laisser  assez  de  tissus  pour  recouvrir  l’acromion,  aussi 
a-t-il  été  généralement  aban¬ 
donné,  et  l’on  ne  se  sert  habi¬ 
tuellement  que  du  procédé  en 
raquette  ou  de  Larrey,  légère¬ 
ment  modifié,  comme  nous 
allons  le  dire  (fig.  86). 

A  partir  du  sommet  de  l’a¬ 
cromion  ,  sous  lequel  on  en¬ 
fonce  la  pointe  du  couteau,  on 
pratique  une  incision  verticale 
de  quatre  à  cinq  centimètres, 
comprenant  toute  l’épaisseur 
des  parties  molles  jusqu’à  l’os. 

De  la  partie  inférieure  de  cette 
incision,  on  en  fait  partir  deux 

autres  obliques  en  sens  inverse,  gg  _  o^sanicuiation  de  l’épaule  par  le  procédé 
n’intéressant  que  la  peau  et  de  Larrey.  Figure  empruntée  à  Sédillot. 
qui  s’arrêtent,  l’une  à  la  jonc¬ 
tion  de  la  paroi  antérieure  de  l’aisselle  avec  le  bras  ,  et  l’autre  au  point 
correspondant  du  bord  postérieur  de  l’aisselle.  On  est  sûr  de  respecter 
de  la  sorte  les  vaisseaux  et  les  nerfs  placés  en  dedans. 

Sédillot,  qui  veut  qu’on  incise  la  peau  d’un  seul  coup,  part  du  bas  de 
l’incision  verticale;  contourne  le  bras  au  delà  du  creux  axillaire  et  revient 
au  point  de  départ. 

La  section  de  la  peau  faite  par  l’un  ou  l’autre  procédé,  on  coupe 
le  deltoïde  dans  la  même  direction,  puis  les  muscles  profonds,  eu  por¬ 
tant  l’humérus  successivement  dans  la  rotation  opposée  à  la  marche  du 
couteau,  et  l’on  achève  la  désarticulation  en  rasant  l’humérus  du  côté 
interne. 

Un  aide  est  chargé  en  ce  moment  de  saisir  entre  les  doigts  le  paquet 
vasculo-nerveux  de  l’aisselle,  afin  que,  au  moment  où  le  couteau  doit  di- 


522  ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticglatios  du  bras.  » 

viser  ce  qui  reste  de  chairs  de  ce  côté,  on  n’ait  pas  à  craindre  d’hémor¬ 
rhagie. 

L’opération  terminée,  on  lie  l’artère  axillaire  et  au  besoin  les  deux  cir¬ 
conflexes,  après  quoi  on  affronte  les  lèvres  de  la  plaie,  suivant  une  ligne 
verticale,  à  l’exception  de  l’angle  inférieur  qui  doit  être  tenu  béant  en 
vue  de  laisser  un  écoulement  libre  aux  liquides  épanchés,  et  plus  tard 
au  pus. 

Le  procédé  en  raquette  est  celui  auquel  les  chirurgiens  français  don¬ 
nent  aujourd’hui  la  préférence  et  cela  à  juste  raison.  Non-seulement  il 
réunit  en  lui  tous  les  avantages,  mais  il  offre  encore  cette  supériorité 
qu’il  partage  avec  le  procédé  de  Fleury  (incision  verticale,  préliminaire, 
combinée  si  besoin  est  avec  l’amputation  circulaire  d’Alanson)  et  qui  est 
de  permettre  l’exploration  de  la  jointure  avant  que  de  poursuivre  la  dés¬ 
articulation.  Si  les  dégâts  sont  modérés,  il  suffira  d’agrandir  l’incision 
verticale  et  de  pratiquer  la  résection;  dans  le  cas  contraire,  on  fera  la 
désarticulation. 

Résultats  statistiques.  —  Sur  6  cas  pathologiques  où  elle  a  été  faite ,. 
dans  les  hôpitaux  de  Paris,  la  désarticulation  de  l’épaule  aurait  donné 
3  succès  et  5  morts,  tandis  que,  sur  7  désarticulations  traumatiques,  pas 
un  malade  n’a  échappé  à  la  mort.  (Malgaigne.)  Il  est  bon  d’ajouter  toute¬ 
fois  qu’à  Paris,  après  les  journées  de  juin  1848,  9  amputations,  prati¬ 
quées  par  Roux,  *Jobert,  Baudens  et  Huguier,  ont  donné  6  guérisons . 

D.  J.  Larrey,  dans  sa  campagne  d’Égypte,  a  eu  6  morts  sur  19  opérés. 
A  l’hôpital  de  Dolma-Bagtché,  lors  de  la  guerre  de  Crimée,  sur  21  am¬ 
putations  primitives,  il  y  eut  10  morts,  et  sur  21  amputations  consécu¬ 
tives,  17.  (Salleron,  Mémoires  de  chirurgie  militaire,  t.  XXII.) 

Chenu,  dans  sa  statistique  de  l’expédition  d’Orient,  a  noté  153  morts  et 
seulement  77  survivants  sur  un  total  de  230  désarticulations  de  l’épaule. 

Voici  un  tableau  statistique  que  nous  empruntons  à  l’excellent  livre  de 
M.  Legouest  (p,  725)  et  qui  contient  plusieurs  des  données  précédentes.. 

RAPPORT 


Hôpitaux  de  Paris  (Malgaigne) .  13  10  77,0 

—  —  (ü.  Trélat) .  27  17  63,0 

—  —  (Journées  de  juin  1846).  (Divers).  9  3  33,5 

Campagne  d’Orient  (armée  anglaise) .  43  14  31,1 

—  —  (armée  française) .  207  155  65,2 

Totaux .  301  '  'l79  59,5 


En  résumé,  la  désarticulation  de  l’épaule  est  une  opération  grave,  et 
plus  grave  que  l’amputation  du  bras,  qui  n’a  donné  que  47,7  pour  100 
de  mortalité. 

Résection  de  l’épaide.  —  A  l’article  Clavicule  on  trouvera  ce  qui  a  trait 
à  la  résection  totale  ou  partielle  de  cet  os,  et  ici  nous  n’aurons  à  parler 
que  de  la  résection  de  l’omoplate  et  de  celle  de  l’articulation  scapulo- 
humérale. 

Résection  de  Vomoplate.  —  On  a  réséqué  l’acromion,  l’épine,  la  cora¬ 
coïde,  l’angle  inférieur  ou  une  portion  plus  étendue  du  corps  de  l’omo- 


ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticdlatiok  du  bras.  523 

plate  et  cela  sans  grand  danger.  Parnai  les  auteurs  qui  ont  pratiqué  ces 
opérations  partielles  on  pourrait  citer  Larrey,  Hunt,  Baudeiis,  Manec, 
Jæger,  Champion  (i 803),  Sommeiller,  etc. 

Johnson,  à  l’aide  de  deux  incisions  semi-elliptiques  intéressant  la  peau 
et  les  muscles,  réséqua  presque  la  totalité  du  corps  de  l’omoplate  en  vue 
d’enlever  une  tumeur  qui  pesait  4  kilogrammes.  Le  malade  guérit  et  con¬ 
serva  les  mouvements  de  l’articulation  scapulo-humérale  libres. 

0.  Heyfelder  rapporte  15  cas  d’amputation  de  l’omoplate  avec  conser¬ 
vation  delà  partie  glénoïdale  de  l’os,  suivies  de  8  guérisons  avec  conser¬ 
vation  des  mouvements  du  bras  en  grande  partie. 

L’extirpation  totale  de  l’os  a  été  pratiquée  un  certain  nombre  de  fois. 
Dieffenbach,  en  1855,  excisa  la  totalité  du  scapulum  et  une  portion  de  la 
clavicule,  en  conservant  le  membre  supérieur,  chez  un  enfant  de  douze 
ans  affecté  de  cancer.  Il  survécut  trois  mois  et  ne  succomba  qu’au  pro¬ 
grès  de  son  mal. 

Jones,  en  1856,  procéda  de  même  pour  une  tumeur  bénigne  et  guérit 
son  malade. 

Syme  et  J.  F.  Heyfelder  échouèrent  dans  deux  cas. 

En  résumé,  sur  4  extirpations  totales  de  l’omoplate,  on  compte  deux 
morts,  une  guérison  et  un  insuccès  dépendant  de  la  nature  du  mal. 

Une  incision  en  T,  dont  une  des  branches  suit  l’épine  et  l’autre  l’axe 
vertical  de  l’os,  permet  d’enlever  le  scapulum  en  totalité.  Cette  opération 
expose  à  une  hémorrhagie  très-abondante. 

Résection  scapulo-humérale.  —  Cette  résection  a  été  pratiquée  un 
grand  nombre  de  fois  depuis  White  et  Barlh.  Yigarous  qui  furent  les  pre¬ 
miers  à  l’introduire  dans  la  pratique  chirurgicale. 

Les  procédés  opératoires  se  sont  beaucoup  multipliés,  suivant  les  be¬ 
soins  et  le  génie  particulier  des  chirurgiens  ;  mais,  de  tous,  celui  qui  mé¬ 
rite  incontestablement  la  préférence,  lorsqu’on  a  le  choix,  consiste  dans 
une  simple  incision  verticale. 

D’une  façon  générale,  on  peut  diviser  tous  ces  procédés  en  deux  caté¬ 
gories,  suivant  qu’on  se  borne  à  de  simples  incisions  ou  que  l’on  y  pra¬ 
tique  un  lambeau.  Dans  les  descriptions  qui  vont  suivre,  nous  suppose¬ 
rons  avoir  toujours  affaire  au  bras  droit. 

1“  Procédés  par  incisions  simples.  —  Incisions  en  dehors.  —  White 
commence  son  incision  immédiatement  sous  la  pointe  de  l’acromion  et  la 
fait  descendre  verticalement  jusqu’au  milieu  de  l’humérus.  La  capsule  et 
les  muscles  péri-capsulaires  étant  divisés,  on  fait  saillir  la  tête  et,  après 
avoir  passé  une  lame  de  carton  entre  les  parties  molles  et  l’os,  on  scie 
avec  une  scie  ordinaire. 

Langenbeck  pratique  l’incision  de  White  un  peu  plus  en  avant,  de  façon 
à  tomber  juste  sur  la  coulisse  bicipitale ,  qu’il  ouvre  pour  dégager  le 
tendon  du  biceps.  En  attirant  celui-ci  en  dedans  à  l’aide  d’un  crochet 
mousse,  il  évite  de  le  couper  au  moment  de  l’ouverture  de  la  capsule. 

Bromfield,  dans  les  cas  ou  des  tissus  lardacés  rendent  l’incision  verti- 


524  ÉPAULE  (pathologie)  .  -  DÉSAliTICCLATIO-'i  DU  BRAS. 

cale  insuffisante,  ajoute  une  autre  horizontale  au  bas  de  celle-ci  de  sorte 
qu’il  obtient  ainsi  deux  lambeaux  triangulaires  à  sommet  inférieur  =  j,. 

Syme  ne  fait  que  la  moitié  'postérieure  de  l’incision  horizontale  de 
Bromfield=  j. 

Champion  ajoute  à  l’incision  de  White  une  incision  horizontale  en  haut 
et  en  arrière  q. 

Enfin  Buzairies,  dans  les  cas  difficiles,  pratique  une  double  incision 
en  T  qui,  à  l’opposé  de  celle  de  Bromfîeld  donne  deux  lambeaux  trian¬ 
gulaires  à  base  inférieure. 

Incisions  en  avant.  —  Bent  fut  le  premier  qui,  profitant  d’un  trou  fis- 
tuleux,  fit  une  incision  verticale  en  avant,  à  égale  distance  de  l’acromion 
et  de  la  coracoïde.  Cette  incision  ne  lui  suffisant  pas,  il  ajouta  une  inci¬ 
sion  horizontale  en  avant  qui  détacha  les  insertions  claviculaire  du  del¬ 
toïde  =  r. 

Baudens  {Clinique  des  plaies  par  armes  à  feu,  1836)  préconisa  en  rè¬ 
gle  l’incision  antérieure,  en  se  fondant  sur  ce  que  la  tête  humérale  est  ici 
plus  superficielle  et  plus  dégagée  de  la  voûte  acromiale  que  partout  ail¬ 
leurs.  Seulement,  trouvant  cette  incision  insuffisante  dans  quelques  cas, 
il  ajoutait  la  section  sous-cutanée  de  quelques  fibres  du  deltoïde  à  l’angle 
supérieur  de  la  plaie. 

Malgaigne,  afin  de  se  créer  une  ouverture  plus  large,  fit  partir  l’inci¬ 
sion  de  Baudens  du  sommet  du  triangle  coraco-claviculaire ,  divisant  du 
même  coup  la  peau,  le  deltoïde ,  le  ligament  de  la  voûte  et  la  capsule 
articulaire.  De  cette  façon,  on  met  l’articulation  à  nu,  non  pas  seulement 
en  avant," mais  en  haut,  jusque  près  de  la  cavité  gléno'ide  ;  ce  qui  facilite 
de  beaucoup  la  section  de  la  tête  humérale. 

Incision  en  arrière.  —  Stromeyer  fait  une  incision  courbe  à  concavité 
antéro-externe  qui ,  du  bord  postérieur  de  l’acromion ,  descend  oblique¬ 
ment  en  bas  en  avant  et  en  dehors,  dans  l’étendue  de  10  centimètres.  Le 
but  qu’il  se  propose  est  de  conserver  le  tendon  du  biceps,  et  surtout  de 
favoriser  l’écoulement  du  pus. 

hicisioiu  horizontale  postéro-externe.  —  Nélaton  plonge  le  couteau  à 
1  centimètre  en  dedans  et  au-dessous  de  l’articulation  acromio-clavicu- 
laire,  longe  en  arrière  la  courbe  de  l’acromion  en  se  tenant  à  1  centimètre 
1/2  au-dessous,  et  s’arrête  au  niveau  de  l’angle  postérieur  de  l’acro- 
mion. 

Pour  mieux  se  rapprocher  de  la  cavité  glénoïde,  il  conseille  de  prolonger 
l’incision  plutôt  en  arrière  qu’en  avant. 

Le  but  de  ce  procédé  opératoire  est  de  ménager  le  tronc  et  les  ramifi¬ 
cations  du  nerf  circonflexe,  ainsi  que  les  fibres  charnues  du  muscle. 

La  seule  objection  à  faire  serait  celle  d’un  écoulement  plus  difficile  du 
pus,  si  trois  opérations ,  pratiquées  déjà  par  l’auteur  avec  plein  succès, 
ne  donnaient  une  entière  assurance  à  cet  égard. 

2“  Procédé  à  lambeau.  —  Manne  taille  à  la  face  externe  de  l'épaule  im 
large  lambeau  rectangulaire  à  base  supérieure;  Moreau  père  (de  Bar) 
faisait  de  même,  mais  en  traçant  le  lambeau  en  sens  inverse,  afin  de 


ÉPAULE  (pathologie).  —  désarticulation  du  bras.  525 

pouvoir  le  prolonger  autant  que  l’exigerait  l’étendue  de  la  portion  d’os  à 
réséquer. 

Le  procédé  déjà  décrit  de  Syme,  et  ceux  de  Sabatier,  Briot,  Smith,  etc., 
reviennent  tous  à  faire  un  lambeau  externe  en  V  à  base  supérieure. 

Le  procédé  de  Morel  consiste  en  un  lambeau  externe  demi-circulaire  ou 
une  sorte  d’épaulette. 

Quel  que  soit  le  procédé  employé,  une  partie  difficile  de  l’opération 
consiste  à  ouvrir  la  capsule  et  à  sectionner  les  muscles  trochantériens. 
On  facilite  singulièrement  ce  temps  de  l’opération  en  portant  successive¬ 
ment  le  bras  (nous  supposons  toujours  le  droit)  dans  la  rotation  en  dedans, 
et,  ensuite,  dans  la  rotation  en  dehors. 

D.  J.  Larrey  proposait  de  couper  les  tendons  à  l’aide  d’un  bistouri 
boutonné  passé  sous  eux,  et  l’on  peut  l’imiter  toutes  les  fois  qu’une 
fracture  de  l’humérus ,  une  enkylose  partielle ,  ou  toute  autre  cause, 
s’oppose  aux  mouvements  de  rotation  du  bras  sur  son  axe. 

Il  arrive  des  cas  où  la  tête  humérale,  entièrement  détachée  comme  dans 
certaines  blessures  par  coup  de  feu,  doit  être  fixép  au  préalable  à  l’aide 
d’un  tire-fond. 

Dans  ces  derniers  temps  on  a  proposé  la  résection  sous-périostée,  qui  se 
pratique  en  fendant  simplement  la  capsule  et  en  détachant  soigneusement 
le  périoste,  les  tendons  et  le  ligament  capsulaire.  Tout  en  avouant  que  ce 
procédé  est  d’une  exécution  longue,  difficile,  et  presque  inapplicable  dans 
la  chirurgie  militaire  (cas  traumatiques  récents),  il  n’en  est  pas  moins 
vrai  que  le  résultat  final,  au  point  de  vue  de  la  conservation  des  mouve¬ 
ments,  sera  toujours  meilleur  que  lorsqu’on  laisse  le  bout  de  l’humérus 
réséqué  flotter  au  milieu  des  chairs. 

Il  va  sans  dire,  et  pour  les  même  raisons ,  que  l’on  devra  s’attacher  à 
conserver  le  tendon  du  biceps,  et  surtout  la  capsule,  que  Guthrie  avait 
conseillé  mal  à  propos  d’enlever,  craignant  qu’elle  ne  mît  obstacle, 
disait-il,  à  la  réunion. 

La  section  de  la  tête  pourra  se  faire  avec  la  scie  ordinaire,  la  scie  à 
chaîne,  ou,  et  c’est  ce  que  nous  préférons,  la  petite  scie  à  mains  de 
Langenbeck,  que  l'on  fait  manœuvrer  de  dedans  en  dehors. 

Si  la  cavité  glénoïde  était  elle-même  lésée,  on  pourra,  suivant  les 
cas,  se  borner  à  une  simple  rugmation,  ou  bien  enlever  celte  partie  de 
l’os. 

La  mobilité  de  l’os,  et  la  profondeur  dans  laquelle  il  se  trouve,  en 
rendent  l’excision  difficile.  Pour  obvier  à  ces  inconvénients,  Nélaton  s’est 
servi  d’une  pince  incisive,  analogue  à  une  tenaille  ordinaire,  dont  les 
mords  seraient  tranchants,  ou  mieux,  à  l’instrument  appelé  trkoise  du 
maréchal.  Une  vis  à  manivelle  sert  à  en  rapprocher  les  mords,  et,  d’un 
seul  coup,  on  enlève  le  tout. 

Ferguson,  dans  le  même  but,  s’est  servi  de  cisailles  incisives,  dont 
l’une  des  lames  est  concave  et  l’autre  convexe. 

Le  pansement  consiste  à  tenir  le  bras  immobile  contre  le  tronc  d’une 
façon  quelconque,  et  à  faciliter,  par  tous  les  moyens,  l’écoulement  du 


526 


ÉPAULE.  -  BIBLIOGRAPHIE. 

pus.  Dans  ce  dernier  but  on  pratiquera  des  injections  antiseptiques  dans 
le  fond  de  la  plaie,  et  l’on  y  maintiendra  un  drain  en  permanence  jusqu’à 
ce  que  la  cicatrisation  soit  très-avancée  et  la  suppuration  presque  entière¬ 
ment  tarie.  On  comprendra  d’autant  mieux  l’importance  de  ce  précepte, 
que  l’on  ne  perdra  pas  de  vue  les  collections  purulentes  sous-pectorales,  et 
les  cas  encore  assez  fréquents  d’infection  purulente. 

Il  n’est  pas  rare  que ,  même  après  la  cicatrisation ,  il  reste  encore 
quelques  fistulettes  qui  mettent  plusieurs  mois,  une  ou  deux  années  à  se 
tarir. 

Une  fois  la  guérison  obtenue,  l’humérus  manque  de  point  d’appui 
scapulaire;  aussi  le  bras  se  trouve  généralement  privé  du  mouvem.ent 
d’abduction  directe  en  dehors,  alors  qu’il  peut  être  porté  en  arrière,  en 
avant,  et  que  l’avant-bras  et  la  main  jouissent  de  l’intégrité  de  leurs 
mouvements. 

Pour  suppléer  à  l’abduction  qui  fait  défaut,  on  a  proposé  des  appareils 
prothétiques  destinés  à  compléter  les  mouvements  du  bras. 

En  parlant  de  la  scapulalgie,  nous  avons  indiqué  le  chiffre  de  la  mor¬ 
talité  pour  les  cas  pathologiques.  Voici  la  mortalité  des  résections  à  la 
suite  d’un  traumatisme  ; 


Günther . 

Esmarch,  guerre  de  Schleswig.  .  . 
Guerre  de  Crimée  (armée  anglaise) . 
—  —  (armée  française). 


69  opérés. 
19  — 

12  — 

6  — 


106  opérés. 


10  morts. 

7  — 

2  — 

4  — 

21  morts.  (R.apport:20,0p.l00). 


On  voit  que  c’est  là  une  proportion  des  plus  encourageantes  et  qui 
prouve  que  la  résection  scapulo-humérale  pour  cause  traumatique,  est 
trois  fois  moins  grave  que  la  désarticulation  (59,5  p.  100),  et  deux  fois 
moins  que  l’amputation  du  bras  pratiquée  dans  les  mêmes  conditions 
(47,7  p.  100). 

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Dücheoe  (de  Boulogne),  Physiologie  des  mouvements,  démontrée  à  l’aide  de  l’expérimentation. 
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manière  par  les  différents  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  dermatologie,  et 
une  confusion  regrettable  a  régné  pendant  longtemps  entre  la  coloration 
anormale,  qui  constitue  la  véritable  éphélide,  et  le  lentigo  (ou  tache  de 
rousseur),  le  pityriasis  versicolor  et  même  le  purpura.  Aujourd’hui  on 
doit  réserver  le  nom  d’éphélides  à  des  taches  grises  ou  brunes,  circon¬ 
scrites,  plus  ou  moins  étendues,  plus  ou  moins  régulières,  mais  non 
uniformément  arrondies,  ne  présentant  ni  desquamation  ni  déman¬ 
geaisons,  et  déterminées  par  l’accumulation  anormale  du  pigment  cutané 
dans  diverses  régions.  Cette  définition  se  rapproche  de  celle  donnée  par 
Hippocrate,  qui  appelle  les  taches  survenant  chez  certaines  femmes 
par  le  fait  de  la  grossesse  et  celles  produites  par  les  rayons  solaires. 

Description.  —  Les  taches  qui  constituent  les  éphélides  sont  d’une 
couleur  brune  variant  de  nuances  et  d’intensité  ;  ordinairement  elles  sont 
d’un  gris  un  peu  foncé,  tirant  sur  le  jaune  et  représentant  la  coloration 
désignée  sous  le  nom  de  pain  d'épices;  quelquefois  elles  sont  d’un  gris 
cendré;  dans  d’autres  cas,  elles  sont  d’une  couleur  plus  foncée  .se  rap¬ 
prochant  du  noir,  et  alors  elles  se  confondent  avec  les  colorations  qu’on  a 
désignées  sous  le  nom  de  mélasma.  Leur  étendue  est  également  variable 
depuis  la  dimension  d’une  pièce  de  cinquante  centimes  jusqu’à  celle  de  la 
paume  de  la  main  et  plus;  leur  forme  en  est  quelquefois  à  peu  près 
arrondie,  d’autres  fois  elle  est  inégale.  Les  contours  sont  rarement  régu- 


530 


ÉPHÉLIDES.  -  SIEGE.  -  DIAGNOSTIC. 


liers;  le  plus  souvent  ils  sont  sinueux  ou  frangés,  mais  toujours  bien 
accusés.  La  limite  des  taches  est  d’ailleurs  souvent  indiquée  par  une  dé¬ 
coloration  de  la  peau,  qui  se  remarque  tout  autour  de  la  surface  plus 
fqncée,  et  qui  s’efface  en  s’éloignant.  Cette  zone  de  décoloration  rend 
encore  plus  sensible  la  tache  éphélique,  et  semble  indiquer  que  dans 
ces  cas  il  n’y  a  pas,  à  proprement  parler,  une  augmentation  réelle  de  la 
quantité  du  pigment,  mais  seulement  un  déplacement  de  la  matière  co¬ 
lorante  de  la  peau,  abandonnant  certaines  parties  pour  se  porter  en  excès 
dans  d’autres,  ainsi  que  cela  arrive  d’ailleurs  habituellement  dans  le  vi- 
tiligo.  Ces  taches  sont  complètement  indolentes  et  ne  donnent  lieu  à  au¬ 
cune  sensation,  ni  de  chaleur  ni  de  démangeaison  ;  leur  surface  est  lisse, 
et  ce  n’est  qu’ exceptionnellement  et,  le  plus  souvent,  par  l’effet  d’un  to¬ 
pique  appliqué  dans  un  but  thérapeutique,  qu’on  peut  y  apercevoir  une 
légère  desquamation  épidermique. 

Siège.  —  Les  épliélides  peuvent  se  développer  sur  les  diverses  régions 
du  corps,  mais  on  les  rencontre  cependant  de  préférence  sur  le  visage,, 
sur  la  poitrine  et  sur  le  dos  des  mains.  A  la  face,  ces  taches  se  montrent, 
sous  la  forme  de  plaques  irrégulièrement  arrondies,  au  front,  sur  les 
pommettes  des  joues,  et  elles  figurent  quelquefois  une  sorte  de  moustache 
sur  la  lèvre  supérieure  ;  souvent  elles  existent  des  deux  côtés  symétrique¬ 
ment.  On  en  voit  encore  au  cou  et  à  la  poitrine  ;  dans  ces  régions  elles- 
se  développent  surtout  surdes  parties  découvertes  ;  et  chez  les  personnes 
exposées  longtemps  à  l’air,  on  voit  souvent  les  éphélides  avoir  pour 
limite  la  partie  de  la  peau  recouverte  habituellement  par  les  vêtements 
et  soustraite  au  contact  de  l’air  extérieur  et  des  rayons  du  soleil.  Sur 
le  dos  des  mains  on  aperçoit  fréquemment  des  taches  éphélitiques  de 
forme  à  peu  près  arrondie  et  d’une  couleur  foncée  se  rapprochant  du 
brun  ou  même  du  noir.  Ces  taches  se  développent  presque  exclusi¬ 
vement  chez  les  vieillards,  et  leur  coloration  augmente  souvent  avec 
les  années;  on  les  a  désignées  quelquefois  sous  le  nom  assez  malheu¬ 
reux  de  taches  de  mort;  elles- ne  se  rapportent  à  aucun  état  morbide 
particulier. 

Une  fois  développées,  les  éphélides  persistent  souvent  d’une  manière 
indéfinie  ;  elles  peuvent  cependant  disparaître  complètement ,  et  c’est  ce 
qui  arrive  surtout  pour  les  éphélides  de  la  grossesse,  lesquelles  s’effacent 
souvent  dans  les  premières  semaines  qui  suivent  l’accouchement.  Sans 
disparaître  complètement,  quelques  taches  diminuent  d’intensité  avec  le 
temps  et  deviennent  moins  apparentes.  Lorsque  les  éphélides  sont  per¬ 
manentes  ,  elles  peuvent  présenter  d’ailleurs  des  variations  dans  l’inten¬ 
sité  de  la  coloration;  elles  pâlissent  habituellement  pendant  l’hiver  pour 
devenir  plus  foncées  pendant  l’été.  Ces  différences  sont  expliquées  par 
l’exposition  à  l’air  extérieur  et  au  soleil,  plus  prolongée  et  plus  active 
pendant  les  saisons  chaudes . 

Diagnostic.  —  Les  éphélides  sont  caractérisées,  ainsi  que  nous  l’avons 
déjà  dit,  par  leur  coloration  grise  ou  brune,  par  leur  absence  de  saillie  et 
de  desquamation,  par  leur  indolence.  On  pourrait  toutefois  les  confondre 


ÉPIIÉLIDES.  —  PRO-NOSTIC.  -  ÉTIOLOGIE-  551 

avec  le  lentigo,  avec  les  nævi  pigmentaires  et  avec  certaines  variétés  de 
pityriasis.  Mais  dans  le  lentigo  les  taches  sont  petites,  régulièrement 
arrondies,  et  ordinairement  en  très-grand  nombre.  Les  nævi  pigmentaires 
sont  souvent  congénitaux,  ils  sont  d’une  couleur  plus  foncée,  ils  sont  ha¬ 
bituellement  plus  ou  moins  saillants,  et  ils  sont  fréquemment  recouverts 
par  un  bouquet  de  poil;  dans  les  cas  douteux  on  pourrait  les  distinguer  des 
éphélides  en  n’observant  pas  à  leur  contour  la  décoloration  vitiligineuse 
qui  se  rencontre  ordinairement  autour  de  la  tache  éphélique.  Le  pityriasis, 
et  particulièrement  le  pityriasis  versicolor  et  le  pityriasis  nigra,  ont  été 
quelquefois  confondus  avec  les  éphélides.  Un  peu  d’attention  permettra 
d’éviter  cette  erreur  :  dans  le  pityriasis  on  rencontre,  sur  les  taches,  des 
lamelles  épidermiques,  qu’on  peut  rendre  plus  apparentes  par  le  grattage, 
ce  qui  n’existe  pas  dans  les  éphélides;  et,  le  plus  souvent  aussi,  le  malade 
ressent  quelques  démangeaisons  qui  ne  sont  pas  observées  dans  les 
éphélides.  On  devra  également  distinguer  les  éphélides  de  la  nigritie 
partielle  constituée  par  des  taches  noires  bien  plus  foncées  et  bien  plus 
étendues  que  celles  qu’on  rencontre  dans  les  éphélides.  La  nigritie  peut, 
d’ailleurs,  coïncider  avec  les  éphélides,  ainsi  qu’on  le  voit  surtout  chez 
les  femmes  enceintes  présentant  souvent  le  masque  éphélitique  au  visage, 
et  la  nigritie  au  mamelon  et  à  la  ligne  blanche  devenue  d’un  noir  plus 
ou  moins  foncé. 

Pronostic.  —  Les  éphélides  ne  sont  pas  à  proprement  parler  une  ma¬ 
ladie,  elles  ne  causent  aucune  douleur  aux  personnes  qui  en  sont  atteintes, 
mais  elles  constituent  une  difformité  désagréable  lorsqu’elles  existent  sur 
des  parties  découvertes ,  au  visage  ou  au  cou  principalement  ;  et ,  en  de¬ 
hors  de  la  grossesse,  leur  guérison  n’est  pas  ordinaire,  elles  persistent 
souvent  d’une  manière  indéfinie. 

Étiologie.  —  Très-rares  chez  les  enfants,  les  éphélides  sont  surtout 
observées  dans  l’âge  adulte  et  dans  la  vieillesse  ;  elles  sont  plus  communes 
chez  la  femme  que  chez  l’homme,  et  chez  les  femmes  elles  se  développent 
fréquemment  pendant  la  .grossesse,  en  commençant  à  paraître  le  plus 
ordinairement  à  partir  du  quatrième  ou  du  cinquième  mois,  et  en  aug¬ 
mentant  d’intensité  jusqu’à  l’accouchement.  L’action  de  l’air  extérieur, 
du  vent,  et  surtout  du  soleil,  produit  sur  la  peau  de  certaines  personnes, 
aux  endroits  découverts,  une  augmentation  de  coloration  qu’on  désigne 
ordinairement  sous  le  nom  de  hâle.  Les  mêmes  causes  peuvent  amener 
de  véritables  éphélides,  et  j’ai  vu  plusieurs  fois  ces  taches  apparaître 
après  un  coup  de  soleil  ou  pendant  un  séjour  au  bord  de  la  mer,  sous 
l’influence  du  vent,  qui  est  ordinairement  très-vif  sur  les  côtes.  On  voit 
également  des  taches  pigmentaires,  analogues  aux  éphélides,  se  déve¬ 
lopper  sur  certaines  régions  exposées  aux  rayons  d’un  foyer  incandescent: 
chez  les  femmes  qui  se  servent  de  chaufferettes  contenant  des  charbons 
ardents,  on  observe  quelquefois  des  taches  jaunâtres  ou  violacées,  irrégu¬ 
lières,  frangées,  souvent  allongées  et  suivant  le  trajet  des  veines  superfi¬ 
cielles,  lesquelles  semblent  formées  par  une  accumulation  de  pigment 
mélangé  à  une  certaine  quantité  de  matière  colorante  du  sang.  Ces  taches 


532 


ÉPHÉLIDES.  -  TRAITEMENT. 


ont  reçu  le  nom  d’éphélides  ignéales.  Le  point  de  départ  de  macules 
pigmentaires  qui  se  comportent  comme  les  éphélides,  peut  encore  se 
rencontrer  dans  l’application  d’un  vésicatoire ,  d’un  emplâtre  irritant,  ou 
après  une  plaie  superficielle.  Au  lieu  de  retrouver  sa  coloration  normale, 
la  peau  reste  plus  foncée  dans  l’endroit  où  l’épiderme  a  été  soulevé,  et  il 
en  résulte  une  tache  pigmentaire  momentanée  ou  permanente. 

Enfin,  comme  cause  d’une  espèce  d’éphélides  toute  particulière,  je 
signalerai  l’infection  syphilitique,  laquelle  peut  produire,  à  la  seconde  pé¬ 
riode  de  la  maladie,  des  taches  pigmentaires  d’un  gris  clair,  irrégulières, 
de  la  dimension  d’une  pièce  de  cinquante  centimes  ou  de  deux  francs,  se¬ 
mées  sur  une  partie  de  la  peau  décolorée  et  plus  blanche  que  le  reste  du 
corps.  J’ai  décrit  ces  taches  pour  la  première  fois  en  1853,  sous  le  nom 
de  syphilide  pigmentaire  ;  elles  se  développent  principalement  chez  les 
femmes,  et  surtout  chez  les  femmes  brunes  à  peau  blanche;  on  les 
rencontre  aussi  chez  quelques  hommes  d’un  tempérament  lymphatique 
présentant  une  peau  blanche  qui  se  rapproche  de  celle  de  la  femme;  on 
les  trouve  le  plus  fréquemment  au  cou,  soit  sur  les  parties  latérales 
seulement,  soit  tout  autour,  de  manière  à  figurer  une  sorte  de  collier, 
auquel  j’ai  donné  familièrement  le  nom  de  collier  de  Vénus.  On  peut  les 
rencontrer  aussi,  mais  beaucoup  plus  rarement,  à  la  face,  aux  aisselles, 
aux  aines  et  à  la  poitrine.  Les  éphélides  syphilitiques  ne  sont  pas  influen¬ 
cées  par  le  traitement  spécifique;  elles  persistent  ordinairement  pendant 
un  long  espace  de  temps,  pendant  plusieurs  mois,  et  même  deux  ou  trois 
ans,  mais  elles  finissent  par  s’effacer  graduellement  et  par  disparaître 
complètement. 

Traitement.  —  Les  éphélides  offrent  une  grande  résistance  aux  moyens 
thérapeutiques  à  l’aide  desquels  on  cherche  à  les  faire  disparaître,  et,  le 
plus  ordinairement  même,  elles  constituent  des  taches  indélébiles.  On 
doit  savoir,  d’abord,  que  tous  les  remèdes  internes  sont  sans  influence 
sur  ces  altérations  maculeuses  de  la  peau  ;  les  seuls  moyens  qui  ont  réussi 
quelquefois  sont  des  moyens  externes.  Je  signalerai  les  lotions,  ou  mieux, 
les  douches  appliquées  sur  les  régions  malades  avec  des  solutions  alcalines 
de  borate,  ou  de  sous-carbonate  de  soude,  ou  avec  des  eaux  sulfureuses 
naturelles  ou  artificielles.  J’ai  vu  quelques  cas  de  guérison  obtenue  par 
les  eaux  de  Bagnères-de-Luchon  et  de  Baréges,  administrées  en  douches. 
Je  me  suis  servi  également,  avec  quelque  avantage,  d’onctions  avec  une 
pommade  à  l’acide  nitrique  (axonge,  30  grammes,  acide  nitrique, 
1  gramme),  d’application  de  teinture  d’iode  pure  ou  affaiblie  par  addition 
d’alcool.  Mais  le  moyen  qui  m’a  paru  le  moins  infidèle  consiste  dans 
l’emploi  de  Jetions  avec  une  solution  de  sublimé,  ou,  mieux  encore,  avec 
un  mélange  de  sublimé,  de  sulfate  de  zinc  et  d’acétate  de  plomb  (eau 
distillée,  250  grammes,  sublimé,  1  gramme,  sulfate  de  zinc,  acétate  de 
plomb  ââ  2  grammes,  alcool  q.  s.);  cette  liqueur  est  employée  pure  ou 
coupée  avec  de  l’eau  chaude,  suivant  la  susceptibilité  de  la  peau;  elle 
détermine  un  peu  de  rougeur,  une  légère  desquamation,  et  quelquefois, 
au  bout  d’un  temps  assez  long,  la  disparition  des  taches.  Le  lait  antéphé- 


ÉPIDÉMIE. 


535 


lique,  qui  se  vend  comme  un  remède  secret  contre  les  taches  maculeuses 
de  la  peau,  est  composé,  à  peu  de  chose  près,  d’après  la  formule  que  je 
viens  d’indiquer  et  qui  m’a  été  empruntée  dans  un  but  de  spéculation 
commerciale;  on  peut  donc  se  servir  de  cette  préparation,  qui  compte 
quelques  succès.  Mais,  quel  que  soit  le  moyen  employé,  souvent  la  gué¬ 
rison  n’est  qu’apparente,  et  les  taches,  qui  ont  semblé  s’effacer  sous 
l’influence  des  lotions  et  après  une  desquamation  superficielle ,  ne 
tardent  pas  à  reparaître  et  à  présenter  la  même  coloration  qu’ auparavant; 
le  plus  ordinairement  même  elles  ne  sont  attaquées  en  rien  par  les 
lotions  ou  les  douches ,  et  elles  persistent  avec  une  ténacité  désespé¬ 
rante. 

Alfred  Hardy. 

éphémère:  (Fièvre).  Voy.  Fièvre  et  Syaoqde. 

ÉPIDÉMIE.  —  Ce  mot,  tiré  du  grec  im  et  Svipoi;  (maladie  sur  le 
peuple),  a  été  improprement  remplacé  par  l’expression  :  maladies  popu¬ 
laires.  Il  serait  plus  juste  de  dire  maladies  régnant  sur  une  population,  sur 
une  contrée.  Si  l'on  voulait  donner  le  commentaire  de  ce  mot  en  s’inspi¬ 
rant  de  ses  origines  grammaticales  on  s’écarterait  vite  de  la  vérité  histo¬ 
rique.  Endémie  était,  d’après  Hippocrate,  la  maladie  d’un  lieu,  d’une 
contrée,  d’une  ville  ou  bourgade,  d’un  espace  de  pays  circonscrit,  ou  d’une 
race  d’hommes ,  d’une  famille,  d’une  collection  d’individus.  Épidémie 
avait  un  tout  autre  sens  d’après  la  tradition  grecque;  c’était,  si  l’on  en 
juge  d’après  les  livres  hippocratiques  et  galéniques,  des  constitutions 
médicales  qu’il  s’agissait  {voy.  art.  Cox.stitütios ,  par  Bernutz,  t.  IX, 
p.  169),  c’est-à-dire  de  l’influence  des  agents  cosmiques,  de  l’air,  de  la 
température,  des  saisons,  sur  la  forme  et  la  prédominance  de  certaines 
maladies.  On  trouverait  là  les  éléments  de  ce  qu’on  appellerait  aujourd’hui 
la  statistique  des  maladies  régnantes. 

La  tradition  s’est  tellement  altérée  chez  les  modernes,  que  les  mots, 
dont  l’origine  remonte  à  cette  sorte  de  bible  de  la  médecine,  dont  le  sens 
étroit  aurait  dû  être  respecté,  ont  changé  de  signification  et  demandent 
à  être  définis  de  nouveau.  Aujourd’hui  épidémie,  dans  le  langage  médical, 
veut  dire  bien  plutôt  maladie  née  sur  le  sol  ou  bien  importée,  souvent 
infectieuse  ou  contagieuse,  qui  règne  pendant  un  temps  sur  une  contrée 
et  qui  n’interrompt  pas  les  autres  maladies  habituelles  ni  ne  les  in¬ 
fluence.  Ainsi,  le  choléra  règne  épidémiquement,  de  même  la  fièvre 
jaune,  la  peste,  le  typhus,  la  fièvre  typhoïde,  la  variole  et  les  autres 
fièvres  éruptives,  rougeole,  scarlatine,  la  suette  miliaire,  le  croup  et  L' 
diphthérie,  les  érysipèles,  le  puerpérisme  infectieux,  la  coqueluche.  Nous 
venons  de  nommer  un  assez  grand  nombre  de  maladies  susceptibles  de 
régner  à  l’état  épidémique  et  accidentellement,  de  paraître  et  de  disparaître, 
et  dont  les  unes  sont  endémiques  dans  certains  pays,  les  autres  n’y  appa¬ 
raissent  qu’à  de  rares  intervalles  et  à  l’état  d’importation.  Or  on  peut 
remarquer  que  précisément  ces  maladies,  dont  les  unes  se  présentent 


654 


ÉriDÉJHii:. 


d’abord  à  l’esprit,  sont  précisément  des  maladies  infectieuses  ou  conta¬ 
gieuses,  portant  en  elles-mêmes  la  raison  d’être  suffisante  de  leur  trans¬ 
mission  et  n’empruntant  à  l’atmosphère  que  des  conditions  plus  ou 
moins  favorables  à  leur  germination  ou  à  leur  développement.  Cette  idée 
des  maladies  existant  en  soi,  ayant  une  individualité,  une  substance 
propre,  entité  si  l’on  veut,  spécifiques  à  coup  sûr,  et  ayant  leur  ferment 
particulier,  gagne  tous  les  jours  du  terrain.  Autrefois  on  cherchait  la 
raison  extérieure  des  choses  ;  aujourd’hui  on  en  cherche  soit  la  matière, 
soit  les  propriétés  physiques,  ce  qui  revient  au  même. 

Le  temps  n’est  plus  où  l’on  attribuait  la  variole  à  la  saison  pluvieuse 
ou  au  vent  d’ouest,  le  charbon  à  la  chaleur  sèche,  la  peste  au  simoun,  le 
scorbut  au  vent  de  mer,  et  la  colique  de  plomb  à  la  chaleur  inter  tropicale. 
On  empêche  certaines  épidémies ,  non  plus  par  des  saignées  ou  des 
vomitifs,  mais  par  des  remèdes  spécifiques;  les  épidémies  de  mal  napo¬ 
litain  ou  français,  par  le  mercure  et  l’iodure  de  potassium  et  la  séques¬ 
tration  des  sujets  infectés;  la  colique  de  plomb,  du  Poitou,  sèche,  de 
Devonshire,  des  peintres,  etc.,  qui  a  tant  occupé  les  modernes,  par  la 
suppression  de  la  cause  unique  qui  est  l’absorption  de  sels  solubles  de 
plomb;  on  arrête  le  scorbut  par  la  bonne  alimentation  et  la  préservation 
contre  le  froid;  on  peutsupprimer  le  typhus  de  lafaim  (Irlande)  et  celui  des 
villes  assiégées  ;  empêcher  la  variole  par  la  vaccination  répétée  et  imposée 
au  peuple.  Ces  exemples ,  qui  seront  développés  plus  loin ,  indiquent 
combien  le  point  de  vue  moderne  diffère  de  l’ancien.  Il  convient  de  jeter 
d’abord  un  rapide  coup  d’œil  sur  les  transformations  historiques  du 
mot  ÉpiDÊfflE. 

Hippocrate,  qu’on  ne  peut  se  dispenser  de  citer  dans  une  question  où 
il  a  été  tant  parlé  en  son  nom  et  tant  trré  sous  sa  garantie,  n’avait  pas 
indiqué  ni  prévu  tout  ce  qui  a  été  développé  depuis  par  des  hippocratistes 
indiscrets.  Ce  qu’il  faut  penser  de  son  Traité  des  lieux,  des  airs  et  des 
eaux,  nous  l’avons  indiqué  à  l’article  ExuÉinE,  tome  XIII,  page  201).  C’était 
un  plan,  un  problème  posé,  non  résolu  encore,  mais  séduisant,  et  dont 
les  rares  observations  produites  par  Hippocrate  comme  spécimen,  pour 
ainsi  dire,  pouvaient  faire  augurer  les  plus  admirables  résultats.  Nous 
semblons  toucher  au  moment  où  la  solution  du  problème  se  fera,  mais 
peut-être  nos  anciens  ont-ils  eu  cette  illusion  comme  nous. 

En  tout  cas  les  épidémies,  dans  le  sens  où  les  entendait  Hippocrate,  ne 
sont  point  ce  que  nous  comprenons  sous  ce  nom  actuellement.  Littré  fait 
remarquer  avec  raison  que  ce  mot  épidémie  peut  faire  naître  une  fausse 
idée  dans  l’esprit  du  lecteur,  qu’il  s’agit,  en  effet,  dans  les  livres  I  et  III 
d’Hippocrate,  non  pas  d’épidémies  dans  le  sens  actuel,  mais  de  la  consti¬ 
tution  atmosphérique  de  quatre  années,  et  des  maladies  diverses  qui 
régnèrent  sous  l’empire  de  celte  constitution.  En  réalité,  Hippocrate  ne 
discute  ni  ne  justifie  cette  idée  qui,  sans  doute,  était  de  tradition  alors, 
que  toutes  les  maladies  sont  en  accord  avec  l’état  de  l’atmosphère.  Il 
décrit  sommairement  les  caractères  de  la  saison,  pluie,  vents,  tempé¬ 
rature,  variations,  et,  de  suite,  sans  explication,  raconte  les  maladies  qui 


ÉPIDÉMIE.  535 

se  sont  succédé.  Beaucoup  d’observations  particulières,  intercalées  dans  ce 
récit,  ne  paraissent  avoir  aucun  lien  avec  la  constitution  réelle  ou  imagi¬ 
naire,  à  laquelle  le  livre  est  consacré.  On  peut  se  demander  si,  entre  le 
respect  superstitieux  de  ces  livres  anciens  et  la  négation  radicale  de  leur 
-valeur  au  point  de  vue  du  sujet  qui  nous  occupe,  il  y  a  place  pour  une 
analyse  scientiSque? 

Le  fait  est  qu’on  ne  saurait  retirer  aujourd’hui  aucune  utilité  de  la 
lecture  d’Hippocrate  pour  ce  qui  concerne  les  épidémies.  Qu’on  ait,  dès 
cette  époque  qui  n’est  pas  aussi  barbare  qu’on  le  suppose  a  la  distance  où 
nous  en  sommes,  possédé  des  notions  expérimentales  sur  l’influence  des 
saisons,  cela  est  tout  naturel  et  ne  mérite  pas  l’admiration.  Quand 
Hippocrate  dit  {Aphorismes,  3®  section,  apli.  23)  :  «  On  observe  en  hiver 
des  pleurésies,  des  péripneumonies,  des  coryzas,  des  enrouements,  etc.  » 
(Tome  IV,  page  497.)  Il  ne  dit  rien  qui  n’ait  été  su  de  toute  antiquité  par 
tous  les  peuples  chez  lesquels  il  y  a  un  hiver.  Mais  que  dire  des  passages 
où  Hippocrate  prétend  qu’on  peut  prédire  les  maladies  à  venir  d’après  la 
marche  d’une  saison  antécédente,  comme  en  V Aphorisme  II?  «Si,  au 
■contraire,  l’hiver  est  sec  et  boréal,  et  te  printemps  pluvieux  et  austral, 
nécessairement  il  surviendra  pendant  l’été  des  fièvres  aiguës,  des  ophthal- 
mies  et  des  dysenteries,  surtout  aux  femmes,  et,  parmi  les  hommes,  à 
ceux  dont  la  constitution  est  humide...  »  (T.  IV,  p.  491). 

Nous  renvoyons  le  lecteur,  pour  une  plus  ample  connaissance  des 
épidémies  hippocratiques  à  l’article  Constitutions  médicales  de  ce  Diction¬ 
naire,  par  Bernutz  (t.  IX,  p.  169  à  172.) 

L’habitude,  que  nous  ont  léguée  les  siècles  passés,  de  considérer  Hippo¬ 
crate  comme  l’inventeur  personnel  de  tout  ce  que  contient  la  bibliothèque 
qui  porte  son  nom  et  qui  représentait  l’encyclopédie  traditionnelle  de  tout 
un  peuple,  et,  peut-être,  de  tous  les  peuples  condensés  en  un  seul,  fait  que 
tout  nous  paraît  grand  et  presque  surhumain  dans  cette  œuvre  mise  sous 
le  nom  d’un  seul  homme.  Quelques  parties  en  sont  et  demeurent  vraies, 
parce  qu’il  n’y  a  pas  deux  manières  de  dire  la  vérité  dans  les  sciences,  et 
que  ce  qui  a  été  trouvé  une  fois  demeure  éternellement  ;  d’autres  sont 
faibles,  obscures,  et  ne  peuvent  être  défendues  à  moins  d’une  admirativité 
poussée  jusqu’au  fanatisme.  Du  reste,  il  faut  se  hâter  d’ajouter  qu’Hippo- 
crate  n’est  point  responsable  de  tout  ce  qui  a  été,  dans  les  temps  anciens 
et  modernes,  débité  en  son  nom. 

Baillou  est  souvent  cité  parmi  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  les  épidé¬ 
mies,  et  son  autorité  est  reconnue  et  invoquée.  Il  est  vrai  que  Baillou  a 
écrit  un  livre  A&s  épidémies  et  éphémérides,  et  qu’il  Ta  fait  précéder  d’un 
avis  au  lecteur  (1574)  dont  nous  détachons  ces  phrases  : 

J’ai  noté  les  changements  annuels  des  saisons,  leurs  états  rares  et  leurs  variations,  afin 
■d’en  conserver  le  souvenir  et  de  le  faire  servir  au  profit  de  l’art  que  je  cultive.  Celui  qui 
se  livre  à  l’exercice  de  la  médecine  sans  se  préoccuper  de  l’étude- des  saisons  non  moin- 
importante  pour  connaître  les  maladies  que  pour  les  traiter,  se  conduit  comme  le  voya¬ 
geur  qui  entreprend  un  voyage  sans  s’enquérir  de  la  route  qu’il  doit  suivre.  Par  contre, 
-ceux-là  sont  convenablement  préparés  aux  fonctions  de  notre  ministère,  qui  se  sont  fas 


536  ÉPIDÉMIE. 

miliarisés  avec  la  connaissance  des  constitutions  antérieures  et  la  prévision  des  constitutions 
prochaines,  de  manière  à  ne  pas  crier  à  la  nouveauté  lorsque  les  maladies  se  présenteront 
avec  tel  ou  tel  génie,  et  à  ne  pas  être  terrifiés  par  toute  affection  nouvelle,  comme  s’ils 
étaient  en  face  de  quelque  monstre  inconnu,  ainsi  que  cela  arrive  à  ceux  qui  vivent  au 
jour  le  jour,  peu  au  courant  des  choses  d’autrefois  :  on  les  voit  tomber  dans  l’étonne¬ 
ment  des  demi-savants  et  dans  les  explications  du  vulgaire...  (Traduction  de  Prosper 
Yvaren,  p.  78.) 

Ceux  qui  citent  Baillou  comme  ayant  avancé  la  question  des  épidémies 
ou  ne  Font  pas  lu,  ou  se  font  une  singulière  illusion.  On  n’y  trouve  rien 
de  plus  que  dans  Hippocrate,  et  cette  lecture  n’est  aujourd’hui  d’aucune 
utilité.  Par  exemple,  que  tirer  des  indications  suivantes  : 

Au  commencement  de  l’hiver  de  l’année  1570  ,  il  se  manifesta  une  prédominance 
d’humeur  qui,  après  avoir  jeté  des  racines  profondes,  quoique  cachées  ,  abandonna  les 
parties  intérieures  du  corps  et  se  fit  jour  au  dehors.  Elle  engendra  des  flux  de  ventre,  à 
marche  lente,  et  des  déjections  rougeâtres,  fétides,  hépatiques,  surtout  mésentériques  ; 
beaucoup  de  personnes  furent  atteintes  de  dysentérie. 

Les  observations  particulières  relatées  à  l’appui  ne  sont  aucunement 
probantes  et  se  rapportent  aux  maladies  les  plus  variées,  sans  lien  sai- 
sissable  entre  elles  ;  on  y  voit  des  pneumonies,  pleurésies,  rhumatismes, 
lièvres  puerpérales,  fièvres  intermittentes,  manies,  épilepsie,  hydropi- 
sies,  etc... 

Les  explications  théoriques  fournies  par  Baillou  ne  sont  pas  de  nature 
à  être  louées  ni  imitées  : 

Examinons,  dit-il,  les  deux  points  suivants  ;  d’abord,  pourquoi  les  femmes  furent 
malades  plutôt  que  les  hommes,  non-seulement  pendant  cette  saison  ,  mais  encore  pen¬ 
dant  presque  tout  l’hiver  ;  et  si  l’on  ne  pourrait  découvrir  rien  de  pareil  dans  Hippocrate. 
La  nature  froide  des  femmes  se  trouvant  bien  de  l’usage  modéré  des  choses  douées  de 
qualités  opposées,  il  semblerait  que  l’extrême  sécheresse  qui  absorbe  beaucoup  d’humi¬ 
dité,  devait  leur  convenir. 

Quel  que  soit  donc  le  mérite  dont  Baillou  a  fait  preuve  dans  ses  ouvra¬ 
ges,  il  ne  peut  être  cité  comme  ayant  avancé  beaucoup  la  solution  des 
questions  relatives  aux  épidémies. 

Sydenham  a  plus  fait  que  toute  l’antiquité  pour  la  doctrine  des  consti¬ 
tutions  épidémiques.  Pour  Sydenham,  les  maladies  aiguës  proviennent 
de  deux  sources  : 

!■’  une  altération  secrète  et  inexplicable  de  l’air...  Elles  ne  dépendent  nullement  d’une 
qualité  particulière  du  sang  et  des  humeurs,  sinon  en  tant  que  la  contagion  de  l’air  a  im¬ 
primé  cette  qualité  au  sang  et  aux  humeurs.  Ces  sortes  dem  aladies  ne  régnent  que  pen¬ 
dant  une  telle  constitution  de  l’air,  et  ne  se  font  point  sentir  dans  un  autre  temps.  On  les 
a  nommées  épidémiques  ;  2°  les  autres  proviennent  d’une  indisposition  particulière  des 
divers  sujets  :  on  les  appelle  intercurrentes  ou  sporadiques... 

L’explication  que  donne  Sydenham  des  maladies  épidémiques  n’est 
plus  de  nature  à  nous  satisfaire  aujourd’hui.  Il  admet  d’abord  que  les 
épidémies  sont  si  différentes  entre  elles  et  si  nombreuses  que  la  vie  d’un 
homme  ne  suffirait  pas  à  les  passer  toutes  en  revue.  Il  avoue  que  la 
connaissance  d’une  épidémie  antérieure  ne  donne  aucune  notion  utile 


ÉPIDÉMIE.  557 

pour  les  suivantes  et  que  l’expérience  est  toute  à  recommencer.  L’aveu 
de  son  impuissance  à  expliquer  les  épidémies  par  l’état  connu  du  milieu 
ambiant,  se  trouve  dans  ce  passage  : 

Qaoique  j’aieobservé  avec  tout  le  soin  possible  les  différentes  constitutions  des  années, 
por  rapport  aux  qualités  manifestes  de  l’air,  afin  de  pouvoir  découvrir  par  ce  moyen  les 
causes  de  cette  grande  variété  des  maladies  épidémiques ,  je  ne  vois  pas  que  j'aie  l’ien 
avancé  jusqu’ici,  car  j’ai  remarqué  que  dans  des  années  qui  se  ressemblent  entièrement 
par  rapport  à  la  température  manifeste  de  l’air,  il  règne  des  maladies  très-différentes ,  et 
au  contraire,  voici  comment  les  choses  se  passent;  il  y  a  diverses  constitutions  d’années, 
qui  ne  viennent  ni  du  chaud  ,  ni  du  froid  ,  ni  de  l’humide,  mais  plutôt  d’une  altération 
secrète  et  inexplicable . 

On  voit  par  cette  courte  analyse  combien  il  est  ditficile  pour  ne  pas 
dire  impossible  de  distinguer  la  constitution  médicale,  de  Vépidémie,  si 
l’on  se  place  au  même  point  de  vue  que  Sydenham.  D’ailleurs,  cet  auteur 
ne  se  met  pas  en  peine  pour  distinguer  les  épidémies  d’avec  un  type 
idéal.  Ce  type  il  le  méconnaît  volontairement  ou  involontairement  et  dé¬ 
crivant  d’après  nature  il  attribue  tout  ce  qu’il  voit  au  génie  épidémique. 
Ainsi,  pour  la  variole,  il  en  décrit  nombre  de  cas  particuliers  dans  lesquels 
on  ne  voit  rien  qui  ne  puisse  se  voir  aujourd’hui  et  qui  tienne  quoi  que 
ce  soit  d’une  constitution  ou  d’une  épidémie  proprement  dite.  C’est  de  la 
variole;  c’cst  là  tout  ce  qu’on  en  peut  dire.  La  variole  de  1667  ne  dif¬ 
fère  pas  de  celle  de  1870.  Sydenham  inscrit  sur  son  titre  le  mot  épidémie 
quitte  à  faire  de  la  nosographie  franche  sans  plus  songer  au  titre  du  cha¬ 
pitre.  Aujourd'hui  les  espèces  nosologiques  sont  connues  et  tous  les  cas 
individuels  doivent  être  rapportés  à  un  étalon  commun  qui  est  la  maladie- 
type.  L’épidémie  ou  la  constitution  ne  sont  réputées  qu’un  accident  et  non 
la  cause  unique  des  maladies. 

Sydenham  appelle  fièvres  sfafionnctires  ou  les  maladies  qui  dépen¬ 
dent  exclusivement  de  la  constitution  médicale.  Il  range  ces  maladies  en 
deux  classes  suivant  les  saisons  :  maladies  du  printemps  et  maladies  de  V au¬ 
tomne,  en  faisant  commencer  le  printemps  en  janvier.  Celte  classihcation 
n’a  pas  été  justiflée.  Sydenham  place  les  rougeoles  au  printemps  et  le 
choléra  en  août.  Nous  savons  aujourd’hui  que  cette  assertion  ne  s’est  pas 
confirmée.  Sydenham  trouve  une  ressemblance  en  temps  de  variole,  aux 
autres  maladies  avec  la  variole  elle-même;  ainsi  pour  la  dysenterie.  Ici 
ce  sont  des  sueurs  et  delà  salivation,  là  c’est  une  affection  aphtheuse  qui 
forment  le  lien  entre  ces  maladies.  Désespérant  de  donner  une  opinion 
synthétique  sur  les  épidémies,  Sydenham  s’est  borné  à  la  narration  pure 
et  simple  de  celles  dont  il  avait  été  le  témoin  pendant  quinze  ans,  de  1661 
à  1676. 

De  l’utilité  qu’on  peut  retirer  de  la  connaissance  des  épidémies,  Sy¬ 
denham  pense  ce  qui  suit  : 

Les  maladies  épidémiques  sont  du  nombre  de  celles  qui  attaquent  le  plus  fréquemment 
les  hommes,  et  qui  sont  le  plus  funestes  à  la  jeunesse  et  à  la  virilité.  Elles  affectent  pres¬ 
que  chaque  année  une  nature  et  un  caractère  différents,  et  comme  elles  dépendent  de  la 
constitution  atmosphérique,  des  aliments  et  de  la  manière  de  vivre  propre  à  chaque  pays, 


538  ÉPlUÉMIK. 

il  serait  bien  à  désirer  que  les  médecins  apportassent  tous  leurs  soins  et  toute  leur  atten¬ 
tion  à  rechercher  ces  causes  et  à  observer  ces  maladies,  afin  de  les  prévenir,  de  les  con¬ 
naître  et  de  les  traiter  d’une  manière  rationnelle. 

Ozanam  commente  cette  citation  dont  il  s’approprie  les  idées  ;  il  s’ap¬ 
puie  également  sur  ce  passage  de  V Encyclopédie  méthodique  : 

Si  l’on  avait  un  recueil  d’observations  exactes  sur  toutes  les  maladies  qui  ont  paru  jus¬ 
qu’à  présent,  on  serait  peut-être  assez  instruit  de  leur  différente  nature  et  des  remèdes 
qui  ont  été  employés  avec  succès  dans  chaque  espèce,  pour  pouvoir  appliquer,  par  ana¬ 
logie,  une  médication  presque  sûre  à  chacune  de  celles  qui  paraîtraient  absolument  nou¬ 
velles  par  rapport  au  passé.  Leur  variété  est  peut-être  épuisée.  Il  est  donc  très-important 
pour  le  genre  humain  qu’on  travaille  à  ce  qui  manque  à  cet  égard. 

L’opinion  de  Max.  Stoll,  relativement  aux  institutions  médicales,  a  la 
valeur  d’un  fait  historique  et  non  d’un  fait  scientifique.  Stoll  a  compris 
ou  cru  comprendre  l’influence  du  temps  sur  les  maladies  à  Vienne  en  1775, 
et  a  basé  ses  récits  sur  un  rapport  qu’il  voyait  entre  ces  deux  faits.  Cela 
a  été  accepté  et  enseigné  d’après  lui  depuis  dans  les  écoles,  mais  non 
confirmé  par  la  science.  Nous  ne  trouvons  rien  en  Stoll  qui  dépasse  les 
observations  d’Hippocrate,  c’est-à-dire  celles  d’un  homme  du  monde  in¬ 
telligent,  mais  non  d’un  météorologiste  ni  d’un  physicien  ni  d’un  physio¬ 
logiste:  de  tous  ces  renseignements  vagues,  qu’y  a-t-il  de  vrai?  Peu  de 
chose  sans  doute. 

L’influence  du  temps,  de  la  saison,  du  milieu  extérieur  si  fort  adoptée 
par  tous  les  hommes,  d’instinct,  et  à  toutes  les  époques  et  dans  toutes  les 
civilisations,  et  à  tous  les  degrés  de  l’échelle  sociale,  Stoll  l’invoque  aussi. 
Tout  est  mis  sur  le  compte  du  temps,  terme  vague.  En  vain  Stoll  s’ef- 
force-t-il  de  traduire  en  un  langage  qui  était  celui  de  son  temps,  ce  qu’il 
entend  par  les  influences  saisonnières,  il  n’aboutit  qu’à  tenir  un  journal 
duquel  ne  ressort  aucune  notion  claire. 

Janvier.  L’année  1775  commença  par  une  forte  gelée,  qui  fut  suivie  de  neiges  abon¬ 
dantes  et  de  beaucoup  de  nuages  très-chargés  qui  paraissaient  pendant  les  nuits,  le  matin 
et  vers  le  soir.  Mais  bientôt  la  température  s’échauffa  :  les  neiges  fondirent  et  il  tomba 
beaucoup  d’eau.  Après  les  quiuze  premiers  jours  du  mois,  un  froid  rigoureux  se  fit  sentir 
subitement;  il  retomba  beaucoup  de  neige,  et  les  vents  furent  rares  et  modérés.  Vers  la 
fin,  le  temps  se  radoucit  de  nouveau,  la  neige  disparut,  le  ciel  se  couvrit  de  nuages  et  de 
brouillards,  les  vents  furent  faibles.  Ce  fut  alors  que  la  toux  convulsive  des  enfants  com¬ 
mença  à  paraître. 

Ailleurs  : 

En  novembre,  les  pluies  furent  presque  continuelles.  II  tomba  peu  de  neige  et  elle  fon¬ 
dait  sur-le-champ.  Le  froid  fut  moindre,  surtout  vers  la  fin  du  mois ,  que  ne  le  com¬ 
porte  la  saison.  On  observa  des  rhumatismes  universels,  des  fluxions  locales  de  différente 
espèce,  des  aphthes,  même  parmi  les  adultes.  Les  femmes  ,  particulièrement  celles  qui 
étaient  faibles,  avaient,  dans  les  premières  voies,  un  appareil  de  crudités,  de  phlegmes 
et  d’une  sérosité  putride.  r 

Pendant  le  mois  de  décembre,  les  pluies  furent  fréquentes  et  le  tejnps  humide ,  sans 
être  froid,  surtout  vers  le  commencement  et  vers  la  fin  ;  mais  vers  le  milieu  il  fut  sec  et 
froid.  Il  y  eut  beaucoup  de  fluxions  sur  les  yeux,  le  nez,  la  gorge,  les  poumons,  les 
membres. 


ÉPIDÉMIE.  559 

Voilà  le  tableau  abrégé  de  la  constitution  de  l’année  1775,  telle  qu’elle  fut  à  peu 
près . 

Ces  notes  ne  sont  pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  copiées  sur  le  ca¬ 
hier  d’un  écolier  ;  elles  sont  extraites  de  l’ouvrage  célèbre  de  Maximilien 
Stoll.  Il  faut  convenir  que  c’est  là  l’enfance  de  l’art  ;  on  est  presque  tenté 
de  dire  qu’Hippocrate  faisait  mieux.  Il  est  vrai  que  Stoll  observait  avec 
grand  soin  et  analysait  très-judicieusement  les  signes  et  symptômes  des 
maladies  qui  passaient  sous  ses  yeux,  et  là  est  son  mérite  incontestable  ; 
mais  on  ne  voit  pas  quel  lien  rattachait  ces  maladies  à  cette  météorologie 
enfantine. 

Stoll  caractérise  les  épidémies  ou  constitutions  médicales  par  un  mot 
qui  en  est  comme  le  résumé  par  exemple,  le  mot  bilieux,  le  mot  malin, 
le  mot  saburre. 

«  J’observai  un  autre  changement  de  ces  maladies,  celui  par  lequel  une  pleurésie  bilieuse 
devenait  maligne.  Il  faut  entendre  par  cette  expression  l’état  des  malades  dans  lequel  les 
forces  vitales  sont  très-abattues,  ce  que  l’on  reconnaît  à  la  faiblesse  des  battements  des 
artères  et  du  cœur.  (Ce  qui  aujourd’hui,  en  1870,  ne  signifie  plus  rien.  On  en  peut  dire 
autant  du  passage  suivant  ;  )  Puisque  je  m’occupe  ici  du  genre  de  catarrhe  qu’engendre  la 
saburre  du  système  gastrique...  »  Ce  catarrhe  épidémique  des  bronches  est  rapproché  par 
Stoll  de  cette  autre  épidémie  décrite  en  l757,par  Huxham,  et  qui,  d’après  cet  auteur, 
était  occasionnée  par  un  air  épais,  humide  et  froid  qui  obstruait  les  pores  de  la  peau, 
maladie  semblable  à  la  fièvre  d’hiver  de  Sydenham. Stoll  le  rapproche  encore  de  l’épidémie 
décrite  par  Forestus,  en  1580,  et  ne  rejette  point  l’opinion  de  cet  auteur  dont  il  donne 
la  version  suivante  :  «  La  cause  d’une  maladie  si  grave  et  si  promptement  funeste,  paraît 
avoir  été  une  matière  abondante  et  mobile  qui  s'était  jetée  particulièrement  sur  l’esto¬ 
mac,  les  intestins,  les  parties  voisines  de  l’estomac  ou  qui  communiquent  avec  lui  et  avec 
les  intestins,  vers  lesquels  organes,  à  l’aide  d’un  purgatif  précédé  d’une  saignée,  elle 
pouvait  être  rappelée  promptement  et  avec  facilité  et  ensuite  évacuée  parles  selles.  » 

Le  lecteur  consciencieux  et  respectueux  du  passé  s’attend  en  vain  a 
connaître  du  moins  la  définition  de  ces  mots  :  bilieux,  saburral  ;  Stoll 
s’en  réfère  à  Hippocrate,  et  ses  propres  commentaires  sont  d’une  singu¬ 
lière  nature  : 

Les  modernes  donnent  ce  nom  de  bile  à  un  appareil  de  crudités  presque  toujours  d’un 
goût  amer,  qui  s’est  fonné  dans  l’estomac  et  dans  le  premier  intestin.  Cette  humeur  est 
ordinairement  amère,  quelquefois  acide  et  même  avec  un  mélange  d’austérité  ;  quelque¬ 
fois  aussi  elle  paraît  douce,  mais  d’une  douceur  nauséabonde.  Peut-être  est-il  rare  qu’elle 
provienne  de  la  véritable  bile  amassée  en  plus  grande  quantité  qu’à  l’ordinaire,  c’est  plutôt 
un  amas  de  matières  crues...;  c’est  de  la  bile  qu’elles  empruntent  très-souvent  leur  cou¬ 
leur  et  leur  amertume. 

Stoll  est  plus  explicite  dans  le  passage  suivant  où  il  indique  comment 
le  vomitif  est  le  seul  remède  de  l’état  bilieux  ou  saburral  épidémique  : 

De  concert  avec  le  raisonnement,  l’observation  nous  apprend  souvent  qu’un  purgatif  ne 
peut  point  suppléer  un  vomitif.  Quand  on  entreprend  d’expulser  par  le  premier  moyen 
une  matière  morbifique  accumulée  dans  l’estomac  et  dans  les  organes  qui  s’abouchent 
avec  lui,  ou  on  ne  fait  rien,  ou  on  aggrave  la  maladie.  En  effet,  cette  matière,  chassée 
alors  de  l’estomac  dans  le  canal  intestinal ,  circule  dans  ses  longs  replis ,  et,  absorbée 
par  les  nombreux  vaisseaux  aux  orifices  desquels  elle  se  trouve  appliquée  pendant  ce 
trajet,  elle  communique  au  sang  un  vice  dont  il  était  encore  exempt... 


540 


EPIDEMIE. 


Plus  tard  ce  ne  sera  plus  la  saburre  ou  la  bile  qui  domineront  la  con¬ 
stitution  épidémique,  ce  sera  la  gastrite  de  Broussais. 

Stoll  (1752-1788)  a  fait  des  aphorismes  (1785),  dont  nous . reprodui¬ 
rons  les  suivants  : 

§  24.  Les  causes  générales  sont  dues  ou  à  une  certaine  constitution  des  années  qui  re¬ 
vient  périodiquement,  ou  au  changement  annuel,  ou  à  un  certain  miasme  général  inter¬ 
current. 

§  25.  De  là  naît  une  division  importante  des  fièvres  :  attendu  que  les  causes  'parti¬ 
culières  fournissent  les  fièvres  sporadiques,  ainsi  que  les  individuelles,  et  que  les 
générales  produisent  les  stationnaires,  les  annuelles,  et  celles  qui  sont  intercurrentes 
épidémiquement. 

Sloll  admet,  comme  Sydenham,  les  fièvres  stationnaires  qu’il  définit 
ainsi  : 

§  27.  La  fièvre  stationnaire  est  renfermée  dans  le  cours  d’un  certain  nombre  d'années  : 
elle  s’accroît  peu  à  peu,  se  trouve  dans  sa  force  et  décroît  ensuite,  cédant  à  une  autre 
stationnaire  d’un  caractère  différent,  qui  s’insinue  à  sa  place. 

§  29.  On  ne  connaît  pas  encore  la  nature,  le  nombre,  l’étendue,  la  période  des  fièvres 
stationnaires. 

§  50.  Seulement  il  est  constaté  par  les  observations  de  Sydenham  et  par  les  miennes , 
que  la  fièvre  stationnaire  influe  fortement  sur  toutes  les  fièvres  et  maladies  fébriles  sans 
exception,  soit  qu’elles  dépendent  des  changements  de  saison,  ou  qu’elles  soient  pro¬ 
duites  par  quelque  cause  singulière  et  qu’elle  les  soumette  à  son  pouvoir. 

§  31.  Que  son  pouvoir  est  aussi  fort  grand  sur  les  maladies  chroniques  fébriles 

§  52.  La  fièvre  stationnaire  se  déguise  souvent  et  diversement,  et  elle  imite  certaines 
maladies,  quoique  le  caractère  de  la  maladie  et  la  méthode  de  traitement,  soient  les  mêmes 
dans  tous  les  cas. 

§  53.  Mais  la  nature  de  la  fièvre  stationnaire  peut  être  connue  ;  1°  par  la  terminaison 
spontanée  de  la  maladie  abandonnée  à  elle-même,  opérée  entièrement  par  les  seules  forces 
de  la  nature,  et  par  son  issue  diverse,  spontanée  ;  2°  en  remarquant  quels  moyens  em¬ 
ployés  à  l’aventure  ont  été  utiles  ou  nuisibles  ;  3 "par  son  analogie  avec  d’autres  fièvres 
connues  d’ailleurs. 

Les  fièvres  annuelles,  d’après  Stoll,  sont  celles  qui  reviennent  chaque 
année  dans  un  certain  ordre  constant  et  suivant  les  saisons.  Il  y  en  a 
quatre  cardinales  :  la  fièvre  inflammatoire,  la  bilieuse,  la  pituiteuse  et 
Y  intermittente.  Chacune  de  ces  fièvres  cardinales  a  ses  maladies  subor¬ 
données  ;  par  exemple,  les  maux  de  tête,  d’yeux,  les  angines,  la  toux,  les 
flux  de  ventre,  doivent  être  traités  de  la  même  manière  que  la  fièvre  do¬ 
minante;  de  même  les  autres  maladies  observées  dans  le  même  temps: 
apoplexie,  goutte,  hydropisie,  phthisie,  etc... 

Les  fièvres  annuelles  tirent  souvent  leur  dénomination  de  quelque  symptôme  prédomi- , 
nant  ;  de  là,  le  nom  de  constitution  pleurétique,  péripneumonique,  rhumatismale,  miliaire, 
pétéchiale,  variolique,  morbilleuse,  scarlatineuse,  érysipélateuse,  dysentérique.  Néanmoins, 
la  connaissance  pratique  et  faite  pour  diriger  ne  doit  pas  être  tant  prise  d’un  symptôme 
ainsi  dominant,  que  de  la  nature  de  la  fièvre  annuelle  comparée  avec  la  stationnaire. 

Van  Swieten  (1700-1772),  dans  ses  Constitutions  épidémiques  ob.ser- 
vées  à  Leyde,  n’a  consacré  aux  épidémies  qu’un  court  chapitre  ;  encore 
emprunte-t-il  presque  tous  ses  arguments  à  Hippocrate  et  à  Sydenham. 


ÉPIDÉMIE.  541 

II  ne  peut  être  considéré  comme  l’un  des  auteurs  de  la  doctrine  des  con¬ 
stitutions  médicales.  —  Il  avoue  avoir  fait  pendant  dix  ans  de  suite  des 
observations  thermométriques  et  barométriques  pour  apprécier  l’influence 
de  l’air  sur  les  maladies,  et  cela  en  pure  perte  :  «  indè  circa  morborum 
epidemicorum  originem  doctior  non  evaserim.  »  Ramazzini  ('1635-1714) 
avait  fait  le  même  aveu  d’impuissance  (constitution  épidémique  de  1692). 

Que  chacun  croie  ce  qu’il  voudra  et  tire  à  sa  fantaisie  les  conséquences  de  l’influence 
des  changements  de  la  température  des  saisons  sur  la  production  des  constitutions  médi¬ 
cales;  quanta  moi,  je  ne  vois  point  d’effets  constants  correspondre  à  ces  ingénieuses 
suppositions;  et,  au  milieu  de  toutes  ces  belles  maximes,  je  vois  au  contraire  que  chaque 
année  je  suis  toujours  novice  dans  cette  partie.  (Ramazzini.) 

Un  moderne  apologiste  de  Sydenham  (J.  B.  Th.  Baumes,  de  Montpel¬ 
lier,  Œuvres  de  Sydenham,  discours  apologétique,  1816)  traduisait 
ainsi  la  doctrine  des  constitutions  médicales  : 

La  doctrine  la  plus  sagement  établie  est  que  les  maladies  régnantes  varient  suivant  les 
saisons  ;  qu’elles  correspondent,  par  leur  caractère  à  la  nature  de  ces  saisons,  lorsque 
celles-ci  sont  régulières  ;  mais  qu’elles  s’étendent  pendant  deux  ou  plusieurs  saisons  , 
lorsque  celles-ci  sont  irrégulières  ,  dérangées,  et  l’inverse  de  ce  qu’elles  doivent  être. 
De  là  cette  conséquence  qu’il  y  a  des  années  dans  lesquelles  les  maladies  se  ressem¬ 
blent,  parce  que  le  dérangement  des  saisons  détermine  une  intempérie  soutenue  qui  ne 
varie  que  par  le  degré...  Quand  l’épidémie  est  formée,  son  caractère  domine  véritable¬ 
ment  sur  toutes  les  maladies  ;  pai'ce  que  celles  qui  sont  en  opposition  avec  elles,  ou  dispa¬ 
raissent,  ou  changent  absolument  de  nature.  Une  phthisie,  un  rhumatisme  varient,  dans 
le  fait,  suivant  les  saisons,  et  leur  traitement  rationnel  doit  éprouver  de  grandes  modifi¬ 
cations,  d’après  leur  nature  et  le  degré  de  leur  pouvoir. 

Quant  aux  maladies  générales,  tirant  leur  origine  d’un  miasme  ou  d’un  virus,  et  déter¬ 
minant  des  épidémies  vireuses  ou  virulentes,  elles  ne  doivent  véritablement  rien  aux 
saisons,  sous  le  rapport  de  leur  origine  ;  mais  elles  sont  d’autant  plus  subordonnées  à 
leur  action,  que  ces  saisons  sont  extrêmes  dans  leur  température.  Qui  n’a  pas  vu  que  la 
petite  vérole,  par  exemple,  se  répandant  parmi  le  peuple  dans  une  saison  chaude  ou  dans 
une  saison  froide  et  fortement  variable,  sans  rien  perdre  de  sa  nature,  offrait  néanmoins 
un  caractère  relatif  à  l’intempérie  déterminée  par  ces  saisons? 

Parmi  les  modernes,  J.  A.  F.  Ozanam  doit  être  cité  à  cause  de  son 
Traité  des  maladies  épidémiques,  2”  édition  (1835).  II  distingue  deux 
sortes  d’épidémies,  ou  constitutions  ;  l’une  stationnaire  et  l’autre  tem¬ 
poraire  ou  saisonnière.  La  première,  dit-il,  n’a  pas  de  durée  limitée,  et 
peut  persister  pendant  plusieurs  années,  et  l’on  en  peut  reconnaître 
quatre  espèces  générales,  savoir  :  la  constitution  gastrique  ou  bilieuse,  la 
fébrile  proprement  dite,  la  catarrhale  et  rhumatique,  et  l’inflammatoire. 
Et  Ozanam  ajoute  qu’il  les  démontrera.  Sur  la  constitution  épidémique 
saisonnière  il  s’exprime  sans  hésiter . 

Au  printemps,  dit  J.  A.  F.  Ozanam,  nous  voyons  les  maladies  inflammatoires  ;  en  été, 
les  diarrhées,  les  dysenteries,  les  fièvres  gastriques  ou  bilieuses  ;  en  automne,  les  fièvres 
de  toute  espèce  ;  et,  en  hiver,  les  catarrhes,  les  rhumes,  les  affections  arthritiques... 

Ozanam  admet  encore  que  ces  deux  espèces  de  constitutions  épidémi¬ 
ques  diffèrent  absolument  de  l’épidémie  propre  que  l’on  peut  nommer 
éventuelle,  accidentelle  et  passagère  ou  intermittente.  Il  croit  avec  les 


542  ÉPIDÉMIE. 

anciens  que  l’une  des  propriétés  des  épidémies  régnantes  est  de  faire 
taire  les  maladies  intercurrentes,  ou  de  les  faire  participer  à  leur  nature. 
Il  pense  que  l’on  peut  prédire  une  épidémie  saisonnière  d’après  la  tem¬ 
pérature  de  la  saison  précédente,  et  il  préconise  les  observations  météo¬ 
rologiques,  sans  dire  toutefois  ce  qu’il  entend  par  là,  et  il  avoue  que  jus¬ 
qu’à  présent,  la  physique  et  la  chimie  ont  vainement  cherché  à  décou¬ 
vrir  dans  le  fluide  atmosphérique  le  principe  morbifiant  des  épidémies. 
Ailleurs  il  combat  l’opinion  des  auteurs  qui  ont  attribué  un  grand  nombre 
d’épidémies  au  miasme  des  marais  et  aux  influences  telluriques,  et 
comme  .s’il  avait  à  cœur  de  montrer  par  un  exemple  combien  l’étude  des 
agents  physiques  lui  est  peu  familière,  il  s’exprime  ainsi  : 

Les  fièvres  intermittentes  sont,  il  est  vrai,  endémiques  dans  les  pays  marécageux  comme 
dans  le  Latium  ;  mais  les  habitants  n’y  sont  sujets  que  parce  que  l’air,  surchargé  d’hydro¬ 
gène,  affaiblit  considérablement  le  système  nerveux,  et  rend  consécutivement  le  système 
artériel  languissant  et  inerte  ;  dès  lors,  il  empêche  le  développement  du  calorique  néces¬ 
saire  au  soutien  et  à  la  conservation  de  la  vitalité,  et  premier  moteur  de  toutes  les  fonc¬ 
tions  de  la  créature  vivante. 

Ozanam  distingue  l’épidémie  de  la  contagion  et  de  l’infection. 

Le  contage  est  un  agent  morbide  spécifique  qui  se  communique  par  le 
contact.  La  peste  et  la  gale  sont  contagieuses  par  absorption;  la  syphilis, 
l’bydrophobie  et  le  vaccin  le  sont  par  insertion. 

L’infection  est  le  fait  de  transmission  d’une  effluve  qui  se  transmet  par 
l’air.  Le  typhus,  la  fièvre  jaune,  le  scorbut,  sont  des  maladies  infec¬ 
tieuses. 

Une  maladie  peut  être  à  la  fois  épidémique,  contagieuse  et  infectieuse, 
comme  la  variole.  On  distingue  aussi  les  miasmes  qui  sont  d’origine  vé¬ 
gétale  ;  les  virus,  les  venins,  produits  animaux. 

Les  anciens  appelaient  pestes  les  maladies  épidémiques  contagieuses 
très-meurtrières. 

Dans  son  désir  de  se  montrer  supérieur  aux  préjugés  vulgaires,  Oza¬ 
nam  range  dans  la  même  catégorie  de  croyances  non  justifiées,  l’influence 
prétendue  des  conjonctions  des  astres,  des  volcans,  celle  des  intempé¬ 
ries  des  saisons,  des  vents,  de  la  famine,  et  des  guerres.  Il  déclare  que 
ces  hypothèses  sont  de  pures  chimères. 

Si,  dit  Ozanam,  quelques-uns  de  ces  phénomènes  participent  en  quelque  manière  à  la- 
contagion,  ce  n’est  tout  au  plus  qu’en  secondant  l’action  de  la  cause  première. 

Ozanam  se  trompe  :  la  cause  première  nous  échappe,  et  il  est  inutile  de 
la  chercher  ;  la  cause  occasionnelle  nous  apparaît  quelquefois  et  nous 
suffit  :  tel  est  le  cas  du  typhus  de  la  famine  et  des  camps.  Il  nous  suffit 
de  remédier  à  la  cause  occasionnelle  pour  détruire  la  matière  de  l’épidé¬ 
mie.  C’est  faire  preuve  de  peu  de  philosophie,  que  confondre  l’astrologie 
avec  la  physique  scientifique  dans  une  même  réprobation. 

Une  autre  assertion  d’Ozanam  est  également  fausse,  à  savoir  que  les 
maladies  contagieuses  régnent  peu  dans  le  Nord,  parce  que  l’absorption 
du  système  dermoïde  y  serait  moins  active.  Or  le  typhus  est  précisément 


ÉPIDÉMIE.  543 

une  maladie  du  nord  et  de  l’hiver,  et  le  choléra  a  fait,  comme  la  peste, 
les  plus  grands  ravages  dans  le  nord  de  l’Asie  et  de  l’Europe  (Russie  sep¬ 
tentrionale). 

Ozanam  assimile  aussi  l’action  de  l’air  confiné  à  celles  des  effluves  con¬ 
tagieux.  Ce  genre  d’empoisonnement  n’a  pas  plus  à  voir  au  chapitre  des 
épidémies  que  l’intoxication  par  l’oxyde  de  carbone  ou  les  carbures  d’hy¬ 
drogène. 

’  Le  même  auteur  tente  un  parallèle  entre  l’épidémie  et  la  contagion, 
entreprise  singulière,  les  deux  objets  n’étant  qu’une  seule  et  même 
chose. 

Quant  à  la  diffusion  des  épidémies  sur  les  hommes  et  en  même  temps 
sur  les  animaux,  question  encore  neuve  aujourd’hui,  Ozanam  s’exprime 

Les  épidémies  attaquent  souvent  les  hommes  et  les  animaux  en  même  temps,  quelque¬ 
fois  elles  n’attaquent  qu’un  sexe,  qu’un  âge,  qu’une  seule  espèce  d’animal. 

Fernel,  dit-il,  rapporte  qu’en  1514  une  épidémie  fît  périr  presque  tous 
les  chats;  nous  en  observâmes  une  semblable  à  Lyon  en  1798.  En  1787, 
une  péripneumonie  tua  presque  toutes  les  poules  en  Lombardie.  Denys 
d’Halicarnasse  rapporte  une  épidémie  qui  n’attaqua  que  les  jeunes  filles. 
Gentilis  parle  d’une  autre  qui  n’affecta  que  les  hommes  les  plus  robustes. 
La  fièvre  catarrhale  qui  régna  à  Lyon  en  1801  ne  sévit  que  contre  les 
jeunes  gens.  Boterus  cite  une  épidémie  de  même  nature. 

La  coqueluche  est  une  maladie  propre  de  l’enfance.  On  vit  en  Angle¬ 
terre  Vinfluenza,  en  1775,  attaquer,  en  même  temps,  les  hommes,  les 
chiens  et  les  chevaux.  Cet  auteur  continue  ainsi  :  «  David  Spleiss  ra¬ 
conte  qu’en  1690,  exerçant  la  médecine  à  Stekbor,  il  fut  attaqué  d’une 
maladie  épidémique  qui  s’y  était  déclarée,  et  qu’un  chien  l’ayant  lé¬ 
ché,  devint  malade.  Les  hommes,  les  chevaux,  les  bœufs,  les  brebis, 
les  porcs,  les  chiens,  les  chats,  les  oiseaux  et  les  insectes  mêmes,  tels 
que  les  abeilles,  ont  des  maladies  contagieuses  propres  à  leur  espèce, 
et  qui  ont  des  causes  et  des  effets  spécifiques.  Cependant  on  a  vu  la 
peste  se  communiquer  des  hommes  aux  chiens,  aux  oiseaux  carnassiers 
et  aux  porcs  qui  se  repaissaient  de  la  chair  des  cadavres  pestiférés .  Le 
charbon  des  bœufs  se  communique  aux  hommes.  Les  chevaux  sont  sujets 
à  la  péripneumonie  gangréneuse,  les  bœufs  au  typhus,  les  cochons  à  l’es- 
quinancie,  les  chiens  au  catarrhe  ;  maladies  qui  sont  communes  aux  hom¬ 
mes,  ainsi  que  la  gale  et  l’hydrophobie.  » 

Ozanam  croit  aux  immunités  de  race  pour  les  maladies  épidémiques 
même  contagieuses. 

Cordan,  rapporte  Ozanam,  en  décrivant  la  peste  de  Bâle,  dit  qu’elle  n’attaqua  que  les 
Suisses  et  épargna  les  Allemands,  les  Français  et  les  Italiens  qui  habitaient  cette  ville. 
Jean  ütenhove  décrit  la  peste  de  Copenhague  qui  ne  sévit  que  contre  les  Danois,  respec¬ 
tant  les  Anglais,  les  Belges  et  les  Allemands.  Au  rapport  de  Degner,  la  dysenterie  de  Ni- 
mêgue  ne  toucha  ni  aux  Français  ni  aux  Juifs.  En  Amérique,  les  nègres  sont  affectés  de 
certaines  maladies  contagieuses  que  les  blancs  ne  contractent  pas.  Dans  le  Levant,  dit 


544  ÉPIDÉMIE. 

Valli,  la  peste  commence  presque  toujours  à  sévir  contre  les  Juifs,  puis  contre  les  Grecs  , 
et  enfin  contre  les  Turcs  ;  les  Francs  ou  Européens  y  sont  moins  exposés,  parce  qu’ils 
prennent  à  temps  des  précautions  sanitaires...  et  s’isolent  des  gens  infectés... 

Ozatiam,  en  parlant  des  constitutions  épidémiques  saisonnières,  avoue 
que  ni  ses  lectures,  ni  son  observation  personnelle  ne  lui  ont  montré  au-  ' 
cun  rapport  certain  entre  les  observations  météorologiques  et  la  nature 
de  ces  épidémies. 

Maladies  épidémiques  d’après  Ozanam  : 

Fièvre  catarrhale  :  peripneumonia  notha  (Sydenham,  Boerhaave,  Selle),  peripneu- 
monia  catarrhalis  (Huxham),  pleuritis  huniida  (Stoll),  febris  catarrhalis  (Fréd.  Hoff¬ 
mann,  Sauvages,  Strack),  catarrhus  (Cullen),  phlegmatorrhagia  (Junker),  catarrhe 
pulmonaire  (Pinel). 

L’histoire  des  maladies  catarrhales  débute  au  treizième  siècle  (1239  in  Chronique  des 
frères  mineurs)  ;  épidémie  en  Italie,  en  1323;  à  Montpellier,  en  1387  ;  en  1400,  en 
Italie  (Valesco)  ;  à  Paris,  en  1403  ;  en  France,  en  .482,  d’après  Mézeray.  Sauvages  rap¬ 
porte  une  épidémie  qui  régna  en  France,  en  1510,  et  qu’il  désigne  sous  le  nom  de 
céphalite  et  coqueluche.  Marcellus  Donatus,  Rivière,  Mercatus,  Schenck,  rapportent 
plusieurs  épidémies  du  seizième  siècle  sous  le  nom  de  fièvre  catarrhale  ou  coque¬ 
luche  et  qui  se  répandirent  sur  toute  l’Europe.  Mercatus  appelle  cette  constitution  :  semi- 
pestilentieUe. 

Forestus,  Ingrassia,  ont  rapporté  des  faits  semblables,  au  seizième  siècle  ;  Bâillon 
relate  une  épidémie  analogue  (1574). 

Il  est  impossible  de  démêler  la  vérité  au  milieu  des  descriptions  incohérentes  ou  con¬ 
tradictoires  de  ces  auteurs.  Il  n’est  pas  douteux  que  le  croup  ait  régné  alors. 

Sennert  déprit  longuement  une  épidémie  catarrhale  qui  régna  en  Allemagne  à  la  fin  du 
seizième  siècle.  On  trouve  des  descriptions  analogues  chez  les  auteurs  du  dix-septième 
siècle,  Mercurialis  (1617),  Willis  (1658),  Bartholin,  Sylvius  de  le  Boë,  Peu,  Sydenham, 
Etmüller,  etc.;  au  dix-huitième  siècle,  récits  semblables  de  Baglivi  (Rome,  1702)  ;  Hoff¬ 
mann,  à  Berlin;  Lancisi  (1708),  Morgagni  (1730),  Huxham  (1737).  Tout  le  dix-huitième 
siècle  est  rempli  de  ces  épidémies  qui  parcourent  l’Europe  et  sont  très-meurtrières. 

La  coqueluche  [pertussis  de  Sydenham,  tussis  convulsiva  de  Hoffmann,  tussis  ferina 
de  Sauvages)  fut  décrite  à  l’état  de  grandes  épidémies  de  1414  à  1510.  Au  dix-huitième 
siècle,  elle  régna  épidémiquement  en  Allemagne  principalement. 

Le  croup  ou  la  diphthérie,  sous  le  nom  de  cynanche,  angina  trachealis  (CuHen),  tra- 
cheitis  (Frank),  angina  polyposa  (Michaëlis)  n’ont  été  bien  décrits  qu’au  dix-huitième 
lïiècle,  surtout  en  Italie  ;  mais  il  n’est  pas  douteux  que  cette  maladie  n’ait  été  observée  et 
plus  ou  moins  connue  ou  méconnue  dès  la  plus  haute  antiquité  (mal  ægyptiac);  elle  fut 
surtout  bien  étudiée  lors  de  l’épidémie  de  France,  au  commencement  de  ce  siècle  (Bre¬ 
tonneau). 

La  fièvre  typhoïde  pu  le  typhus  sous  les  noms  de  febris  mesenterica  (Baglivi),  febris 
pituitosa  (Max.  Stoll),  morbus  mucosus  (Roederer  et  Wagler),  adéno-méningée  (Pinel), 
et  plus  tard  sous  les  noms  à'entéro-mésentérique,  a  été  longtemps  à  se  dégager  de  la 
confusion  et  à  prendre  sa  place  légitime  dans  le  cadre  nosologique.  C’est  en  1725  et  1727, 
à  Marbourg,  qu’elle  est  décrite  d’abord  avec  quelque  netteté. 

On  peut  juger,  d’après  cette  analyse  succincte,  du  travail  de  critique 
historique  entrepris  par  Ozanam,  des  difficultés  du  sujet;  accorder  les 
erreurs  du  passé  avec  les  certitudes  du  présent,  commenter  ce  qui  est 
obscur,  expliquer  ce  qui  est  incompréhensible,  telle  est  la  tâche  qui  in¬ 
comberait  à  un  historien  des  maladies  épidémiques  des  siècles  passés. 

E.xaminons  rapidement  les  opinions  contemporaines.  Béhier  (thèse 
d’agrégation,  1844)  apprécie  en  ces  termes  la  valeur  des  opinions  émises 


ÉPIDÉMIE.  '  545 

par  les  auteurs  du  seizième,  dix-septième,  dix-huitième  siècle  sur  les 
épidémies  ; 

Pour  Sydenham,  pour  Stoll,  Baillou,  Huxham,  le  point  capital  dans  l’état  morbide 
observé,  c’est  la  forme  bilieuse,  catarrhale  ou  toute  autre  qu’on  retrouve  dans  toutes  les 
maladies  d’une  de  ces  constitutions  ;  le  siège  et  la  nature  ne  sont  rien  que  des  élé¬ 
ments  secondaires  qui  ne  doivent  même  pas  modifier  le  traitement.  De  nos  jours,  une 
semblable  opinion  est  insoutenable  ;  les  progrès  féconds  de  la  médecine  nous  ont  appris 
toute  la  valeur  du  siège  anatomique  comparé  à  la  forme,  ce  serait  donc  déjà  une  diffé¬ 
rence  qu’il  faudrait  bien  poser  avant  d’admettre  une  constitution  stationnaire,  et  il  serait 
indispensable  de  retourner  complètement  l’opinion  de  Sydenham  et  de  Stoll,  et  de  faire 
du  siège  anatomique  et  de  la  nature,  souvent  différents  de  la  maladie,  le  point  capital 
dans  l’analyse  de  l’état  morbide,  et  d’accorder  à  la  forme  commune  une  influence  noso¬ 
graphique  plus  secondaire.  Ce  ne  seraient  donc  plus  des  fièvres  bilieuses ,  catarrhales 
ou  autres,  cachées  sous  la  forme  de  pleurésies,  de  pneumonies  ou  de  dysenteries,  mais 
bien,  au  contraire,  des  pleurésies,  des  pneumonies  ou  des  dysenteries  offrant  une  forme 
commune  soit  bilieuse,  soit  catarrhale,  dans  les  diverses  constitutions  du  moment.  C’est 
déjà  là  une  différence  capitale. 

Une  fois  cette  précaution  établie,  devons-nous  reconnaître  l’existence  de  constitutions, 
stationnaires  et  admettre  que,  pendant  des  périodes  souvent  étendues,  des  maladies 
diverses  peuvent  présenter  un  tel  rapport  commun?  Ici  nous  devons  signaler  une  des 
difiicultés  que  présente  cette  question.  Presque  tous  les  documents  que  nous  pouvons 
mettre  en  œuwe,  pour  des  raisons  variables,  n’ont  pas  toute  la  valeur  que  nous  aurions 
désirée.  On  peut  les  rattacher  à  deux  catégories  ;  ceux  dont  la  publication  a  précédé 
l’époque  de  la  localisation  anatomique  des  maladies,  et  ceux  qui  sont  postérieurs  à  la 
création  de  cette  grande  école  anatomo-pathologique... 

Les  documents  de  la  première  de  ces  deux  classes  ne  sont  pas  autre  chose  que  les 
œuvres  de  Sydenham,  de  Baillou,  d’Huxham,  de  Stoll,  de  Lepecq  de  la  Clôture  et  des 
auteurs  qui  ont  marché  sur  leurs  traces  et  qui  ont  adopté  leurs  opinions  sur  les  consti¬ 
tutions... 

Béhier  concède  que  : 

Pendant  des  temps  souvent  assez  prolongés,  les  maladies  peuvent  présenter,  quels  que 
soient  leur  siège  et  leur  nature,  des  formes  semblables  dans  une  même  période.  C’est  là, 
dit-il,  ce  que  nous  appellerons  constitutions  stationnaires  ;  nous  en  séparons  nettement 
l’épidémie,  non  pas  que  l’épidémie  ne  soit  pas  souvent  une  constitution  particulière 
régnant  pendant  un  temps  prolongé  ;  mais  cette  influence  porte  sur  tout  l’ensemble  de 
l’état  morbide  qui  est  alors  le  même,  et  pour  le  siège,  et  pour  la  nature,  et  pour  la  forme, 
tandis  qu’on  doit  admettre  que  la  constitution  porte  seulement  sur  la  forme  et  non  sur  le 
siège. 

Pour  les  constitutions  saisonnières,  Béhier  établit  une  distinction  :  ces  constitutions- 
peuvent  produire  des  communautés  de  forme  appliquées  à  des  maladies  diverses  (c’est  la 
véritable  constitution  saisonnière  ;  ou  bien  elles  peuvent  entraîner  le  développement  sous 
forme  épidémique  de  l’une  des  maladies  qui  régnent  ordinairement  sous  forme  spora¬ 
dique  à  cette  époque  de  l’année  ;  c’est  là  une  véritable  épidémie. 

Émile  Chauffard,  dans  un  mémoire  récent  (1863)  sur  la  constitution 
médicale  de  l’année  1862,  observée  à  l’hôpital  Saint-Antoine,  réhabilite 
l’étude  des  constitutions. 

Cetle  étude,  dit  Chauffard,  nous  montrera  les  maladies  aiguës  d’un  même  temps  liées 
les  une.s  aux  autres.  Nées  sous  les  mêmes  iufluences  de  Pair  et  des  saisons,  en  évolution 
perpétuelle  à  travers  les  temps  qui  évoluent  eux-mêmes,  elles  ont  à  un  même  moment 
des  traits  communs  qui  leur  appartiennent,  des  traits  de  famille,  si  je  puis  m’exprimer 
ainsi.  Une  constitution  médicale  est,  en  effet,  comme  une  famille  pour  les  maladies 

SOUV,  DICT.  MÉn.  ET  CUIS.  XIU.  —  35 


546  ÉPIDÉMIE. 

aiguës  ;  pu  les  voit,  dans  cette  famille,  prendre  peu  à  peu  une  physionomie  propre,  la 
conserver  plus  ou  moins  nette  et  intacte  suivant  les  intercurrences  saisonnières  ou  épidé¬ 
miques  ;  elles  atteignent,  par  degrés,  au  summum  de  leur  caractéristique,  y  persistent 
plus  ou  moins  de  temps,  et  la  perdent  ensuite  lentement,  comme  elles  l’ont  acquise. 
Dans  ce  courant  d’observations  vivantes,  nous  perdrons  bientôt  l’idée  petite  et  fausse  de 
l’espèce  morbide  inflexible,  la  même  en  tout  temps,  en  toute  saison,  il  y  a  cinquante  ans 
comme  aujourd’hui,  comme  dans  l’avenir.  La  maladie  est  essentiellement  le  mode  d’une 
activité  toute  spontanée  ;  un  pareil  mode  ne  peut  être  immuable  comme  une  espèce  substan¬ 
tielle;  il  change  suivant  les  moments  et  les  milieux.  Rien  dans  la  vie  des  hommes,  comme 
dans  l’humanité  en  général ,  n’est  définitif  et  fixe  :  tout  s’y  transforme  incessamment 
pour  les  maladies  de  l’organisme,  comme  pour  les  passions  et  les  entraînements  de  l’es¬ 
prit.  Il  faut  faire  à  ces  vérités  supérieures  une  part  dans  notre  science  ;  si  nous  les  mé¬ 
connaissons  de  parti  pris,  l’observation  médicale  manquera  de  l’une  de  ses  plus  pures 
lumières.  Nous  jugeons  incomplètement  et  souvent  à  faux  l’espèce  morbide  elle-même 
dont  nous  faisons  le  centre  absolu  de  notre  observation  ;  car  les  mêmes  symptômes  d’une 
maladie,  ditStoll,  ne  signifient  pas  tout  à  fait  la  même  chose,  si  ce  n’est  pas  la  même 
constitution  de  saison. 

L’étude  persévérante,  au  contraire  des  constitutions  médicales ,  nous  créera  comme 
une  science  nouvelle  et  féconde  :  elle  nous  apprendra  les  transformations ,  les  formes 
cachées,  les  associations  des  espèces  morbides  particulières  ;  elle  nous  dévoilera  surtout 
la  lente  et  obscure  évolution  des’ grandes  formes  morbides  stationnaires  ;  elle  nous  mon¬ 
trera  comment  elles  naissent ,  croissent  et  déclinent,  comment  elles  s’enchaînent  et  pas¬ 
sent  de  l’une  à  l’autre  ;  ce  qui  accroît  ou  affaiblit  leur  action.  Nous  apprendrons  en  même 
temps  à  les  préciser  avec  plus  de  rigueur,  à  les  noter  autrement  que  par  des  traits  vagues 
et  indécis  ;  nous  sortirons  ainsi  de  la  dichotomie  banale  de  sthénie  et  d’asthénie  ;  nous 
spécialiserons  cette  sthénie  ou  asthénie  qui  marque  le  fond  commun  des  maladies  aiguës 
d’un  même  temps.  Nous  verrons  encore  sous  quelles  conditions  étiologiques  paraissent 
ces  fièvres  stationnaires  ;  nous  déterminerons  si  telle  constitution  saisonnière  prolongée, 
répétée,  fortement  accusée,  ne  peut  pas  devenir  annuelle;  si  celle-ci,  outre-passant  ses 
limites,  croissant  d’une  année  à  l’autre,  ne  se  transforme  pas  ainsi  en  stationnaire;  ou  si, 
enfin,  telle  grande  et  insolite  épidémie  s’étendant  tout  à  coup  sur  de  vastes  étendues  de 
pays,  et  supprimant,  pendant  son  règne,  toute  autre  maladie  aiguë ,  ne  laisse  pas  après 
elle,  comme  trace  durable  de  son  passage,  un  mode  stationnaire  spécial  et  qui,  pour 
longtemps,  séparera  les  maladies  aiguës  qui  feront  suite  à  l’épidémie ,  de  celles  qui  ré¬ 
gnaient  auparavant,  'foutes  ces  obscurités  que  Stoll  signalait  comme  couvrant  la  connais¬ 
sance  des  constitutions  médicales,  peuvent  peu  à  peu  se  dissiper  ;  mais  pour  cela,  il  faut, 
je  le  répète  en  terminant,  des  investigations  patientes,  laborieuses,  éclairées,  poursuivies 
de  génération  en  génération.  Nos  devanciers  avaient  commencé  l’œuvre;  il  nous  appar¬ 
tiendrait  de  la  reprendre. 

G.  Bernutz,  dans  l’e.\cellent  article  qu’il  a  consacré  aux  Constitutioks 
51ÉDICALES  (voy.  t.  IX,  p.  164),  accepte  en  principe  la  doctrine  tradition¬ 
nelle,  tout  en  faisant  ses  réserves  quant  aux  difficultés  de  l’application  ; 
on  ne  saurait  mieux  exprimer  la  pensée  moderne  sur  un  pareil  sujet  que 
ne  le  fait  Bernutz. 

On  peut  dire  que  croire  ou  ne  pas  croire  aux  constitutions  médicales,  c’est  accepter 
on,  au  contraire,  rejeter  que  les  agents  cosmiques  dont  nous  sentons  si  vivement  les  im¬ 
pressions  dans  l’état  de  santé,  et  qui  agissent  si  puissamment  sur  la  quantité  et  les  qua¬ 
lités  des  biens  deia  terre,  exercent  une  action  soit  prochaine,  soit  éloignée,  sur  le  dé¬ 
veloppement  et  la  manière  d’être  des  maladies  populaires. 

C’est  là,  on  peut  le  reconnaître,  la  partie  fondamentale,  essentielle,  de  la  doctrine  des 
constitutions  médicales,  qui,  lorsqu’on  ramène  ainsi  la  question  à  ses  termes  les  plus  sim¬ 
ples,  peut  être  considérée  comme  un  de  ces  faits  d’observation  primordiaux  qu’il  est  im¬ 
possible  de  contester.  Cette  sorte  de  dogme,  qui  relie  la  pathologie  aux  lois  générales  qui 


ÉPIDÉME.  547 

régissent  les  mondes,  et  qui  donne  à  la  médecine  des  proportions  bien  différentes  de 
celles  auxquelles  la  réduirait  un  empirisme  strictement  organopathique,  sert  de  base  à 
cbacune  des  trois  doctrines  :  d’Hippocrate,  de  Sydenbam,  de  Stoll,  qu’on  peut  appeler  les 
trois  doctrines  mères.  (Bernutz.) 

G.  Bernutz  trouve  la  preuve  de  la  vérité  de  la  doctrine  des  constitu¬ 
tions  dans  ce  fait  que  la  notion  des  dissemblances  que  les  modalités  réac¬ 
tives  présentent  aux  diverses  époques  dans  les  mêmes  maladies,  et  qui 
constitue  véritablement  l’idée  hippocratique,  a  persisté  ou  plutôt  a  été 
ramenée  par  l’observation.  Elle  se  retrouverait  prédominante  dans  la  plu¬ 
part  des  descriptions  d’épidémies  tracées  de  nos  jours,  notamment  dans 
celles  de  Graves  et  de  Trousseau,  qui  doivent  à  cette  notion  d’avoir  été 
accueillies  comme  un  tableau  fidèle  de  ce  qu’on  observe  au  lit  des  ma¬ 
lades. 

Bernutz  reconnaît  comme  incontestable  l’existence  du  génie  épidé¬ 
mique,  c’est-à-dire  des  constitutions  médicales  dont  la  caractéristique 
pourrait  être  exprimée  ainsi  :  on  verrait  régner,  concurremment  à  la  ma¬ 
ladie  épidémique,  un  certain  nombre  d’affections  de  même  ordre  qu’elle  ; 
et  même  les  maladies  les  plus  diverses  par  leur  siège  anatomique,  les 
moins  comparables,  si  l’on  s'en  rapportait  à  la  nomenclature  moderne,  af¬ 
fecteraient  entre  elles  et  avec  la  maladie  saisonnière  une  sorte  de  ressem¬ 
blance.  Il  y  aurait  un  élément  commun  entre  toutes  ces  maladies.  En  ou¬ 
tre,  quelques-unes  se  transformeraient  sous  l’influence  d’une  cause  acci¬ 
dentelle  légère,  ou  d’une  cause  artificielle,  telle  qu’un  purgatif  par 
exemple  ou  un  vomitif,  et  prendraient  tous  les  caractères  de  la  maladie 
épidémique. 

Ce  génie  épidémique,  expression  poétique  d’un  fait  dont  les  causes  et 
la  raison  d’être  sont  obscurs  et  ne  peuvent  être  traduits  en  langage  scien¬ 
tifique,  est  en  effet  admis  par  la  majorité  des  médecins.  En  temps  d’épi¬ 
démie,  il  en  faudrait  tenir  compte  dans  la  thérapeutique.  Non-seulement 
ce  serait  là  une  croyance  traditionnelle,  mais  encore  on  pourrait  prouver 
jusqu’à  un  certain  point  la  réalité  de  ce  fait  par  l’expérience  de  tous  les 
jours.  Quant  à  l’interprétation  de  ce  fait,  on  ne  doit  point  s’étonner  que 
les  opinions  varient;  nous  citons  ici  Bernutz  : 

Les  uns  voient  dans  le  génie  épidémique  une  influence  absolument  distincte  de  celle  à 
laquelle  sont  dues  les  constitutions  médicales;  influence  qu’ils  laissent  indéterminée, 
mais  qu’ils  déclarent  n’être  subordonnée  en  rien,  non-seulement  aux  vicissitudes  atmo¬ 
sphériques,  mais  à  aucun  des  agents  cosmiques  ;  ce  qui  revient  à  dire  que  cette  influence, 
qui  est  considérée  comme  étant  absolument  indépendante  de  tout  agent  cosmique  quel  qu’il 
soit,  météorologique  ou  hygiénique,  est  exercée  par  la  maladie  épidémique  eUe-même,  à 
laquelle  on  arrive  ainsi  à  donner  dans  cette  opinion  une  existence  propre,  à  individualiser, 
comme  l’avait  fait  Sydenham,  sans  se  demander  s’il  est  possible  à  un  médecin  de  conce¬ 
voir  une  maladie  séparée  d’un  organisme  vivant  qui  la  supporte,  et  d’en  faire  une  sorte 
d’être  malfaisant  qui  viendrait,  comme  un  vautour,  s’abattre  dans  un  pays  et  en  décimer 
les  populations.  Les  sécrétions  vicieuses  que  les  maladies  déterminent  peuvent,  dans  quel¬ 
ques-unes  d’entre  elles,  agir  soit  comme  un  miasme  infectieux,  soit  comme  virus  conta¬ 
gieux,  et  alors  exercer  une  influence  morbifique  sur  les  individus  sains  ou  malades  qui  se 
trouvent  dans  leur  sphère  d’action  ;  mais,  même  dans  ces  cas  spéciaux,  qui  seuls  se  prê¬ 
teraient  à  l’interprétation  que  nous  discutons,  ou  n’est  pas  autorisé  à  dire  que  c’est  la 


548  ÉPIDÉMIE. 

maladie  elle-même  qui  exerce  une  influence  morbifique.  Elle  revient  de  plein  droit  aux 
poisons  morbides,  produits  liquides  ou  gazeux  résultant  de  sécrétions  vicieuses,  qui  sont 
de  véritables  agents  physiques,  engendrés  dans  et  par  un  organisme  affecté  de  la  maladie 
épidémique.  Il  y  a  alors  de  l’infection  ou  de  la  contagion. 

Bernulz  reconnaît,  d’ailleurs,  que  le  plus  grand  nombre  des  maladies 
qui  forment  les  grandes  épidémies  sont  transmissibles  soit  par  infection, 
soit  par  contagion,  ce  qu’ignoraient,  pour  un  assez  grand  nombre  d’entre 
elles,  non-seulement  Sydenham,  mais  même  les  médecins  du  commence¬ 
ment  de  ce  siècle,  et  que,  par  conséquent,  il  faut  accorder  à  ce  mode  de 
transmission  une  part  égale  au  moins  à  celle  que  mérite  la  constitution 
médicale  régnante,  qui  ne  contribue  à  la  propagation  de  l’épidémie  qu’en 
faisant  naître,  chez  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d’individus,  l’aptitude 
à  contracter  la  maladie  transmissible. 

Bernutz  dit  très-sagement  aussi  qu’en  temps  d’épidémie  une  maladie 
infectieuse  ou  contagieuse  peut  offrir  des  formes  modifiées  ou  atténuées 
qui  trompent  un  observateur  peu  sagace,  et,  n’étant  point  rattachées  à 
l’espèce  dont  elles  dépendent  réellement,  sont  considérées  par  ceux  qui  ne 
connaissent  pas  ces  formes  atténuées  comme  des  symptômes  étrangers  im¬ 
primés  par  le  génie  épidémique  à  la  maladie  antécédente. 

Cela  est  si  vrai,  qu’il  est  permis  de  se  demander  si  les  formes  variées 
d’une  même  maladie  épidémique  n’ont  point  été  prises  souvent  pour  des 
maladies  différentes  de  celle-ci.  Lorsque  les  prodromes  varient,  l’erreur 
est  possible.  Ainsi,  en  temps  de  choléra,  la  diarrhée  dite  prémonitoire 
qui  se  transformerait  en  choléra  n’est  que  le  choléra  lui-même  à  un  faible 
degré  et  au  début  ;  on  en  peut  dire  autant  des  accidents  multiples  obser¬ 
vés  sur  les  femmes  en  couches  en  temps  d’épidémie  puerpérale  ;  ils  va¬ 
rient  non  de  qualité,  mais  de  quantité. 

Parmi  les  contemporains,  les  médecins  de  Montpellier  ont  conservé  le 
langage  des  anciens  en  parlant  des  épidémies.  Fuster  [Traité  des  maladies 
de  la  France  dans  leur  rapport  avec  les  saisons)  dit  : 

Le  fond  d’üne  affection,  c’est  sa  nature  intime,  le  soutien  des  symptômes,  la  base  des 
indications;  la  forme,  c’est  son  enveloppe,  ses  dehors  et  ses  apparences,  et,  pour  ainsi 
dire,  son  écorce.  Le  fond  de  l’affection  est  le  produit  de  la  constitution  médicale;  ses  ex¬ 
pressions  ou  ses  formes  dérivent  plutôt  des  circonstances,  de  la  diversité  des  lieux  et  des 
sujets.  Les  formes  de  l’affection  varient  par  mille  causes  ;  son  fond  ou  sa  nature  reste  in¬ 
variable  tant  que  la  constitution  épidémique  ne  se  modifie  point.  Cette  distinction  du  fond 
et  de  la  forme  est  le  trait  le  plus  Important  de  l’histoire  de  ces  affections. 

Parmi  les  questions  qui  sont  le  plus  intimement  liées  à  celle  des  épi¬ 
démies,  la  contagion  tient  la  première  place. 

La  contagion  dans  ses  rapports  avec  les  maladies  épidémiques  a  été 
étudiée  surtout  par  Ch.  Anglada  (Montpellier,  1853)  ;  au  point  de  vue  de 
l’histoire  et  de  la  critique,  cet  ouvrage  a  rendu  un  grand  service. 

Les  auteurs  des  siècles  passés  ont  considéré  la  contagion  comme  un 
fait  assimilable  à  l’action  des  venins  et  même  ils  l’ont  confondue  avec  la 
spécificité  de  toutes  les  matières  toxiques  ou  médicamenteuses. 


ÉPIDÉMIE.  549 

Désiré  Fernel  (seizième  siècle)  rapproche  dans  une  même  comparaison, 
par  rapport  à  la  contagion,  les  venins,  l’action  de  la  torpille,  celle  de 
l’opium,  l’hydrophobie  rabique,  la  morsure  des  scorpions  et  des  serpents, 
la  blessure  faite  par  des  traits  empoisonnés  et  la  syphilis.  Ainsi  rien  n’est 
plus  matériel  que  l’idée  que  se  faisait  Fernel  de  la  contagion  ;  on  a  blâmé 
cette  définition,  à  tort  selon  nous  ;  elle  est  telle  qu’on  pouvait  la  faire  à 
cette  époque  (1567). 

Au  seizième  siècle,  Fracastor  avait  déjà  publié  trois  volumes  sur  la  conta¬ 
gion  et  les  maladies  contagieuses  ;  c’était  l’époque  de  la  grande  agitation 
à  l’occasion  des  maladies  des  armées  et  surtout  de  la  syphilis.  Au  dix- 
huitième  siècle,  la  contagion  et  l’infection  furent  distinguées  ;  cependant 
cette  distinction  est  encore  vague  dans  les  ouvrages  de  Lind  (Edinburgh, 
1763),  qui  range  dans  la  même  catégorie  les  émanations  des  fièvres  et  la 
contagion  directe  des  principes  septiques.  On  en  vint  ensuite  à  une  dis¬ 
tinction  trop  subtile  et  peu  scientifique  des  mots  contagion  et  infection. 
On  n’admettait  que  le  contact  direct,  grossier,  du  corps  contre  le  corps, 
en  excluant  les  miasmes  ou  effluves  et  l’air  servant  de  véhicule  ;  il  semble 
qu’alors  (commencement  de  ce  siècle)  on  ait  considéré  l’air  comme  n’ayant 
rien  de  matériel  et  qu’on  n’eût  jamais  regardé  un  rayon  de  soleil  dans  une 
chambre  obscure.  Le  fait  d’une  atmosphère  virulente  autour  des  varioleux 
par  exemple,  est  ajuste  titre  relevé  comme  argument  par  Ch.  Anglada. 
Les  contagionnistes  absolus  comme  Rocheux,  admettaient  d’autre  part 
que  la  contagion  a  lieu  «  quand  une  maladie  se  transmet  n’importe  com¬ 
ment,  de  malade  à  sain.  »  (Académie  de  médecine.) 

Deux  auteurs  classiques  contemporains  dont  le  livre  fait  autorité,  Hardy 
et  Bébier,  entendent  par  contagion  «  la  transmission  d’une  maladie  opé- 
«  rée  d’un  individu  déjà  atteint  à  un  ou  plusieurs  individus,  abstraction 
«  faite  de  la  manière  dont  cette  transmission  s’effectue,  des  conditions 
«  qui  la  rendent  plus  ou  moins  facile  et  de  l’origine  première  de  la  ma- 
«  ladie.  »  Quant  au  virus,  ces  deux  auteurs  le  définissent:  «  l’élément 
«  morbide  inconnu,  il  est  vrai,  dans  sa  nature,  mais  pouvant  se  trans- 
«  mettre  par  l’inoculation  d’un  liquide  qui  est  fourni  par  l’économie 
«  infectée,  et  qui  paraît,  en  quelque  sorte,  le  produit  d’une  élaboration 
«  morbide  particulière.  »  Le  mot  liquide  a  paru  à  quelques  auteurs  res¬ 
trictif  et  trop  exclusif,  attendu  que  la  matière  virulente  peut  adopter  d’au¬ 
tres  formes  que  la  forme  liquide.  Ch.  Anglada  a  donné  de  la  contagion 
la  définition  suivante  :  «  La  transmission  d’une  affection  morbide  de  l’in- 
«  dividu  malade  à  un  ou  plusieurs  individus,  par  l’intermédiaire  d’un 
«  principe  matériel  qui,  étant  le  produit  d’une  élaboration  morbide  spé- 
«  cifiqûe,  provoque  chez  ceux  qu’il  atteint,  d’une  manière  immédiate  ou 
«  médiate,  pourvu  qu’ils  soient  convenablement  prédisposés,  une  mala- 
«  die  semblable  à  celle  dont  il  provient.  »  Cet  auteur  se  range  à  l’avis 
des  nosologistes  qui  ont  désigné  les  virus  sous  le  nom  de  poisons  morbi¬ 
des,  avec  cette  différence  que  les  poisons  ordinaires  s’épuisent  dans  leur 
action  même  sur  l’organisme,  tandis  que  ces  poisons  morbides  s’accrois¬ 
sent  et  se  multiplient  dans  les  corps  vivants  qu’ils  ont  envahis.  Celte 


350  ÉPIDÉMIE. 

même  distinbtion  peut  être  appliquée  à  la  comparaison  des  venins  et  des 
poisons  morbides.  Le  mot  poison  a  été  récemment  appliqué  aux  épidé¬ 
mies  puerpérales  par  Hervieux  dans  sa  consciencieuse  étude  sur  les  suites 
de  couches  (1870). 

L’idée  d’une  altération  spéciale  des  humeurs  nécessaire  pour  la  conta¬ 
gion  (élaboration  morbide  d’Anglada),  est  fort  ancienne,  et,  sans  remon¬ 
ter  au  galénisme,  on  la  trouve  développée  chez  les  auteurs  du  seizième 
siècle;  Varandal,  professeur  de  la  faculté  de  Montpellier,  s’exprime  ainsi: 
«  Est  omnis  contagio  mm  putrecline,  et  quemadmodum  omni  contagioni 
jungitur  aliqua  putredo,  ita  omni  putrekni  aliquod  contagium.  »  Sar- 
cone  (1765)  attribue  la  contagion  des  fièvres  pétéchiales  à  une  dissolu¬ 
tion  humorale.  Hufeland  admet  que  la  contagion  peut  avoir  lieu  dans 
toutes  les  maladies  où  les  humeurs  ont  subi  un  haut  degré  de  dégéné¬ 
rescence  putride. 

La  querelle  des  contagionnistes  et  des  non-contagionnistes  après  avoir 
occupé  le  monde  scientifique  pendant  le  premier  tiers  de  ce  siècle,  s’est 
éteinte  aujourd’hui.  Cependant  il  n’est  pas  inutile  de  rappeler  quels 
étaient  les  arguments  fournis  de  part  et  d’autre.  Les  deux  mots  ou  plutôt 
les  deux  théories  en  présence  étaient  la  contagion  et  l’infection.  Ch.  An- 
glada  a  donné  un  parallèle  de  ces  deux  théories.  Nous  suivons  ici  le  plan 
qu’il  a  tracé  et  nous  mettons  à  contribution  son  excellent  traité.  L'infec¬ 
tion,  c’est  l’action  morbide  exercée  par  l’intermédiaire  de  l’air  chargé  de 
principes  morbifiques,  dont  la  condensation  forme  les  foyers  d’infection. 
Ces  principes  morbifiques  sont  :  1"  Les  effluves  qui  s’exhalent  des  marais; 
2°  les  émanations  putrides  qui  proviennent  des  animaux  en  décomposi¬ 
tion  ;  3°  les  miasmes  qui  se  dégagent  des  corps  vivants  surtout  dans  les 
espaces  où  l’air  est  confiné  (t.  I,  p.  32). 

Ces  principes  morbifiques  capables  de  se  transmettre  à  distance  étaient 
soigneusement  distingués  de,  ceux  qui  se  gagnent  par  le  contact  des  corps 
humains  ;  distinction  subtile  et  antiscientifique.  Une  transaction  fut  in¬ 
troduite  par  Bouillaud  qui  reconnaissait  que  «  la  contagion  n’était,  en 
quelque  sorte,  qu’un  mode  particulier  d’infection.  »  (Nosographie  médi¬ 
cale,  t.  V.)  Les  infectionnistes  semblaient  se  refuser  à  l’évidence  et  préfé¬ 
raient  une  querelle  de  mots  à  l’aveu  d’un  accord  tacite  sur  le  fond;  tel 
était  Prus  (1846),  lorsqu’il  niait  que  la  peste  fût  contagieuse  bien  qu’il 
admît  qu’elle  était  transmissible  et  épidémique.  Rien  n’était  fait  si  l’on 
n’admettait  d’abord  l’expression  inévitable  d’infection  miasmatique. 
D’autres  auteurs  admettaient,  par  une  sorte  de  concession,  la  contagion 
par  des  virus  hülitueux. 

Cette  dispute  de  mots  trop  longtemps  prolongée  n’a  pas  eu  seulement 
pour  résultat  de  distraire  de  travaux  positifs  des  savants  tout  entiers  oc¬ 
cupés  à  chercher  des  arguments,  mais  elle  menaçait  de  faire  sortir  la 
médecine  de  sa  voie  naturelle  qui  est  la  recherche  des  remèdes  et  des 
préservatifs.  Or,  nier  la  contagion  c’était  créer  un  danger  sérieux  en  ce 
sens  que  les  précautions  indispensables  pour  empêcher  la  propagation  de 
la  maladie  n’étaient  plus  conseillées.  D’une  parties  infectionnistes  sem- 


ÉPIDÉMIE. 


hlaient  moins  redouter  le  contact  que  le  séjour  dans  l’atmosphère  infec¬ 
tée,  d’autre  part  les  contagionnistes  pouvaient  être  tentés  de  nier  ce  mi¬ 
lieu  infectant.  L’hygiène  publique  était  intéressée  à  la  cessation  de  cette 
querelle  improductive  et  nuisible.  On  ne  fut  d’accord  que  lorsque  les 
deux  opinions  fusionnèrent  et  que  l’on  reconnut  l’existence  des  maladies 
infectieuses  ou  intèctionnelles,  comme  dit  Ch.  Anglada,  et  contagieuses 
tout  à  la  fois.  La  variole,  le  typhus,  la  pourriture  d’hôpital  furent  accep¬ 
tées  comme  types.  D’ailleurs  les  grandes  épidémies  de  choléra  et  de  ûèvre 
jaune  en  excitant  la  terreur  des  populations  et  le  zèle  des  administrateurs, 
firent  taire  le  vain  bruit  des  discussions  académiques,  et  obligèrent  les 
nations  à  se  sauvegarder  elles-mêmes,  sans  attendre  plus  longtemps  que 
les  combattants  se  fussent  mis  d’accord  sur  une  question  où  le  bon  sens 
public  déclarait  la  vérité  évidente. 

De  la  spontanéité  des  maladies  épidémiques  et  contagieuses. — A  quelque 
point  de  vue  que  l’on  se  place,  l’idée  de  la  spontanéité  des  maladies  est 
un  objectif  que  l’on  ne  saurait  perdre  de  vue.  Cette  idée  importe  autant  à 
la  pratique  médicale  qu’à  la  théorie  pure.  Ce  n’est  pas  une  vaine  recher¬ 
che  que  celle  des  causes  des  origines  d’une  maladie.  En  effet,  si  l’on 
reconnaît  qu’une  maladie  naisse  d’une  cause  extérieure  permanente 
pu  accidentelle,  tout  l’effort  de  la  médecine  publique  devra  tendre  à 
corriger  cette  cause,  à  en  supprimer  la  source,  à  en  empêcher  du  moins 
ou  à  en  atténuer  les  effets.  Tel  est  le  cas  des  maladies  causées  par  l’influence 
tellurique  que  la  main  de  l’homme  peut  modifier  ;  tel  est  le  cas  encore 
des  conditions  de  régime  alimentaire,  d’habitat,  d’acclimatation,  qui  sont 
sous  la  dépendance  des  mesures  d’hygiène  sociale.  Si  ces  causes  exté¬ 
rieures  n’existent  pas  ou  restent  à  l’état  inconnu,  et  que  l’on  puisse  saisir 
le  moment  et  les  conditions  atmosphériques  ou  autres  qui  marquent 
l’instant  où  a  lieu  le  développement  de  la  maladie,  on  pourra  encore 
intervenir  pour  arrêter,  par  des  mesures  spéciales ,  la  propagation  de  la 
maladie  et  sa  diffusion  sur  une  grande  étendue  de  pays.  En  admettant 
même  que  la  maladie  naisse  spontanément  sans  cause  appréciable  et  par 
le  fait  même  de  la  prédestination  de  notre  espèce ,  sur  un  grand  nombre 
d’individus  à  la  fois  et  sur  un  vaste  espace,  ne  faut-il  pas  faire  la  preuve 
du  fait  et  en  étudier  les  caractères?  Ce  n’est  donc  pas  une  recherche  vaine 
et  oiseuse  que  celle  qui  porte  sur  la  spontanéité  des  maladies.  Sans  doute  il 
ne  faut  point  perdre  un  temps  précieux  à  rechercher  les  causes  premières  ; 
se  demander  si  l’homme  porte  en  lui-même  la  puissance  de  développer 
toutes  les  maladies  et  d’en  engendrer  chaque  jour  de  nouvelles,  ,  c’est  en 
quelque  sorte  reprendre  la  question  des  générations  spontanées.  Notre 
époque  a  vu  ces  discussions  naître  et  se  terminer  sans  solution;  il  y  faut 
momentanément  renoncer;  il  ne  faut  point  d’ailleurs  attendre  de  secours 
des  auteurs  anciens  pour  la  solution  de  ces  questions  complexes.  La  spon¬ 
tanéité  n’a  jamais  été  ni  niée  ni  prouvée;  Lancisi  (1720)  a  dit:  «Non 
novum  est,  in  animalium  corporibus  sine  manifesta  causa  peculiare  ve- 
nenum  innasci,  quod  cætera  contagione  corrumpat.  » 

On  a  pris  pour  exemple  les  maladies  virulentes  transmises  des  animaux 


552  ÉPIDÉMIE. 

à  l’homme,  mais  survenues  chez  les  animaux  spontanément  comme  la 
rage. 

Les  maladies  vulgaires  pandémiques,  comme  le  croup,  peuvent  aussi 
servir  d’exemple.  Un  cas  naît  au  milieu  d’une  population  saine,  et  ce  cas 
est  suivi  d’autres  par  contagion.  On  en  peut  dire  autant  des  maladies  popu¬ 
laires  vulgaires  comme  le  typhus  qui  naît  à  un  jour  donné  sans  précédent 
et  devient  épidémique,  susceptible  même  d’être  transporté  au  loin;  mais 
ici  déjà  les  conditions  de  milieu  et  de  régime  expliquent  la  genèse  de  la 
maladie,  et,  d’ailleurs,  elle  ne  se  transplante  et  ne  s’étend  que  là  où  existe 
un  milieu  spécial  qui  lui  convienne.  Mais  comment  résoudre  cette  ques¬ 
tion  avec  la  théorie  nouvelle  du  sommeil  des  germes?  De  tout  temps 
existent  les  germes;  ils  sont  contemporains  de  l’homme.  Rien  ne  se 
perd,  des  milliers  d’années  n’altèrent  point  cette  substance  dont  l’activité 
reste  à  l’état  latent,  attendant  l’occasion,  le  milieu  artificiel  ou  accidentel 
qui  seul  peut  en  assurer  le  développement.  Comment  prouver  le  fait, 
comment  le  nier? 

Les  endémies  ne  nous  offrent-elles  pas  de  nombreux  exemples  de  ma¬ 
ladies  contagieuses,  et  au  besoin  épidémiques ,  concentrées  pendant  des 
siècles  eu  des  espaces  étroits  et  confinés,  soit  dans  des  îles,  soit  sur  un 
coin  d’un  grand  continent,  et  y  acquiérant  une  sorte  de  modalité  spéciale, 
en  attendant  qu’une  occasion  s’offre  à  leur  diffusion  sur  le  globe? 

On  a  tenté  de  refaire  l’histoire  des  maladies  d’après  leur  lieu  d’origine 
et  l’époque  de  leur  apparition  dans  les  pays  où  il  a  existé  une  histoire. 
Ainsi,  les  fièvres  éruptives  dateraient,  en  Europe,  d’une  certaine  époque, 
et,  avant  ce  temps,  il  n’en  serait  fait  aucune  mention  dans  les  auteurs 
anciens.  La  syphilis  apparaîtrait  à  un  moment  donné  (fin  du  quinzième 
siècle),  et  n’aurait  pas  été  connue  de  l’antiquité;  mais  quelles  difficultés  n’a 
pas  rencontrée  la  critique  historique  lorsqu’elle  a  tenté  de  refaire  l’exégèse 
de  ces  faits?  L’obscurité  qui  enveloppe  les  origines  mêmes  de  l’humanité, 
l’impossibilité  de  prouver  la  génération  d’un  couple  unique  ou  d’espèces 
multiples  à  des  époques  déterminées,interviennentici  pour  couper  court  à 
toute  recherche  relative  à  la  contemporanéité  des  premiers  hommes  et  de 
toutes  les  maladies  contenues  en  puissance  dans  ces  premiers  habitants 
du  globe.  Nous  possédons  heureusement  des  notions  exactes ,  fruit  d’ob¬ 
servations  multipliées  et  d’une  statistique  qui  va  s’enrichissant  chaque 
jour,  et  qui  nous  permettent  d’établir  que  certaines  maladies  s’entretien¬ 
nent  par  la  seule  contagion,  se  transmettent  toujours  et  ne  naissent  pas 
spontanément,  actuellement,  et  qu’un  individu  ou  un  pays,  en  peuvent 
être  préservés  absolument,  si  le  contact  d’un  malade  atteint  de  cette  ma¬ 
ladie  peut  être  évité,  ou  si  le  remède  préservatif  est  appliqué  et  renouvelé; 
cela  est  vrai  pour  la  syphilis  d’une  part,  pour  la  variole  de  l’autre. 

Il  est  non  moins  vrai  qu’il  existe  des  maladies  infectieuses  contagieuses 
épidémiques,  qui  résident  en  un  point  du  globe,  et  qui  ne  résident  que  là; 
que  ces  maladies  ne  naissent  jamais  et  ne  s’acclimatent  jamais  dans 
certaines  autres  contrées;  à  peine  y  peuvent-elles  être  importées  acci¬ 
dentellement,  elle  n’y  prennent  pas  racine,  telle  est  la  fièvre  jaune. 


ÉPIDÉMIE.  553 

,  Certaines  races  d’hommes  paraissent  aussi  ou  rebelles  ou  moins  acces¬ 
sibles  à  certaines  maladies  ;  enfin  il  existe  des  circonstances  particulières 
dépendantes  de  l’organisme  et  dont  les  unes  sont  morbides ,  les  autres 
physiologiques,  qui  sont  indispensables  pour  créer  cette  sorte  de  terrain 
artificiel  ou  accidentel,  sur  lequel  seulement  peuvent  naître  et  se  propager 
certaines  épidémies  ;  tel  est  le  cas  de  la  plaie  qui  engendre  la  pourriture 
d’hôpital  et  l’infection  purulente,  le  tétanos  ;  tel  est  encore  le  cas  des 
maladies  épidémiques  puerpérales.  On  voit  par  ce  court  aperçu  quelle  est 
l’étendue,  quelle  est  la  comple.xité  d’une  semblable  question  qui  embrasse, 
pour  ainsi  dire,  tous  les  objets  dont  la  médecine  fait  son  étude.  Les 
constitutions  médicales  interviennent  encore  comme  cause  épidémique,  et 
ajoutent  aux  difficultés  du  sujet. 

Malgré  le  découragement  que  peut  légitimer  l’immensité  et  l’obscurité 
de  ce  problème  agité  depuis  les  temps  les  plus  reculés,  on  éprouve  une 
sorte  de  soulagement  en  passant  en  revue  les  enseignements  que  la  science 
moderne  a  substitués  aux  vagues  errements  de  la  médecine  ancienne.  Si  l’on 
jette  les  yeux  sur  les  tableaux  des  épidémies,  soit  de  l’antiquité,  soit  du 
moyen  âge,  soit  même  des  époques  plus  rapprochées  de  nous,  on  voit  que 
les  maladies  qui  ont  dépeuplé  la  terre  et  porté  la  terreur  dans  les  popu¬ 
lations,  sont  précisément  de  celles  sur  lesquelles  la  médecine  peut  aujour¬ 
d’hui  affirmer  sa  puissance.  C’est  la  variole,  cette  grande  peste  des  temps 
modernes ,  ce  sont  les  fièvres  pétéchiales ,  le  typhus  des  armées  et  de  la 
famine,  c’est  la  syphilis.  Or,  ces  maladies  on  en  peut,  ou  empêcher  le 
retour,  ou  atténuer  singulièrement  l’action  ;  et,  pour  ces  maladies  d’ori¬ 
gine  indienne,  qui  se  sont  propagées  à  l’Europe,  et  dont  une,  le  choléra, 
s'y  est  presque  acclimatée,  ne  peut-on  pas  dire  que  les  progrès  de  la  civili¬ 
sation  et  les  efforts  de  l’hygiène  internationale  tendent  à  les  confiner  aux 
lieux  de  leur  origine,  et  à  supprimer  quelques-unes  des  causes  les  plus 
évidentes  et  les  plus  actives  de  leur  propagation  (caravanes,  pèlerinages, 
fanatisme  religieux)?  Il  y  a,  d’ailleurs,  des  règles  connues  aujourd’hui  et 
applicables  à  toutes  les  maladies  contagieuses  épidémiques.  C’est,  par 
exemple,  l’isolement,  la  dispersion,  la  dissémination,  la  disparition  de¬ 
mandée  et  qui  bientôt  sera  obtenue,  de  certaines  institutions  sociales  et  de 
certains  établissements  qui  entretiennent,  engendrent  peut-être,  à  coup 
sûr  favorisent  la  production  de  quelques  maladies  épidémiques  (camps, 
casernes,  grands  hôpitaux) .  Nous  acceptons  pleinement  ce  que  dit  Anglada 
dans  ce  passage  (thèse  de  concours,  Montpellier,  1850)  :  «  On  voit  la 
contagion  compliquer  surtout  les  maladies  populaires  dans  les  temps 
barbares,  chez  les  nations  que  leur  ignorance  ou  l’apathie  du  fatalisme 
éloignent  de  tout  recours  à  l’hygiène,  sur  la  classe  pauvre  du  peuple  où 
se  trouvent  des  prédispositions  plus  profondes  dont  l’influence  peut  faire 
aisément  éclore  des  germes  morbides.  On  ne  l’observe  que  rarement,  au 
contraire,  chez  les  nations  civilisées,  livrées  au  commerce  des  sciences  et 
des  arts,  combinant,  dans  des  efforts  communs,  les  travaux  de  l’intelli¬ 
gence  et  ceux  de  l’industrie,  réalisant  de  mieux  en  mieux  l’accroissement 
du  bien-êlre  des  masses,  et  offrant,  dans  la  proportion  relative  des 


554 


ÉPIDÉMIE. 


classes  riches  et  aisées,  des  prédispositions  plus  réfractaires  aux  élabora¬ 
tions  virulentes.  » 

On  a  tenté  à  diverses  époques  de  classer  les  maladies  épidémiques  d’a¬ 
près  leur  caractère  contagieux  ou  non.  Il  est  certain  que  contagion  et  épi¬ 
démie  semblent  aujourd’hui  des  termes  corollaires  l’un  de  l’autre,  et  qu’on 
met  généralement  sur  le  compte  de  l’imperfection  dè  nos  moyens  physi¬ 
ques  d’observation,  l’impuissance  où  nous  sommes  de  déterminer  le  mode 
de  propagation  de  certaines  de  ces  maladies.  Chaque  jour  accroît  la  cer¬ 
titude  que  nous  avons  de  la  faculté  contagieuse  des  maladies  épidémi¬ 
ques  ;  la  fièvre  typhoïde,  l’érysipèle,  le  puerpérisme  infectieux  sont  ré¬ 
putés  contagieux  depuis  quelques  années  seulement.  On  ne  doute  plus  de 
la  contagion  du  choléra,  on  ne  discute  que  sur  le  mode  de  contagion  de 
cette  maladie,  sur  le  véhicule  de  la  contagion,  air  respiré  ou  matières 
excrétées;  il  en  est  de  même  pour  la  dysenterie.  Et  cependant  ni  Willis 
(1670)  ni  Sydenham  n’ont  reconnu  le  caractère  contagieux  de  la  dy¬ 
senterie  qui  de  leur  temps  régnait  épidémiquement;  ce  caractère  fut  plus 
tard  démontré  par  Pringle  (1707-1782),  Sarcone  (1765),  S.  A.  Tissot 
(1768),  J.  G.  Zimmermann  (Zurich,  1767),  Gendron  (1835).  Il  n’y  a 
point  jusqu’aux  maladies  organiques  qui  ne  soient  suspectes  de  se  trans¬ 
mettre,  non  pas  à  l’état  épidémique,  mais  d’un  individu  à  l’autre  par  un 
contact  prolongé,  telle  serait  la  phthisie  pulmonaire.  (Villemin.) 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  traiter  ici  la  question  de  la  contagion  dans 
son  ensemble  ni  d’en  décrire  les  différents  modes.  Nous  renvoyons  le 
lecteur  pour  cela  à  l’article  Contagion,  t.  IX  de  ce  dictionnaire.  Nous  de¬ 
vions  seulement  dire  quelques  mots  de  cette  question  qui  est  intimement 
liée  à  celle  des  épidémies. 

Nous  nous  abstiendrons  d’aborder  la  question  des  virus  qui  sera  traitée 
à  l’article  Vmus.  Ce  chapitre  est  un  de  ceux  où  se  montre  le  mieux  le 
progrès  accompli  par  la  science  moderne.  L’étude  des  produits  morbides 
contagieux  a  révélé,  en  effet,  la  présence  d’un  certain  nombre  d’êtres  pa¬ 
rasitaires  dont  la  description  échappe  à  la  médecine  pour  retourner  à 
l’histoire  naturelle.  Le  parasitisme  occupe  une  place  considérable  dans  la 
contagion  des  maladies,  et  par  ce  que  nous  savons  déjà,  on  peut  augurer 
encore  de  nouvelles  et  importantes  découvertes  qui  diminueront  le  nom¬ 
bre  des  maladies  mystérieuses.  Nommer  quelques-unes  de  ces  maladies 
réduites  aujourd’hui  à  un  fait  grossier  de  contagion  parasitaire  et  jadis 
réputées  infectieuses  et  presque  incurables,  sufüra  pour  montrer  les  bien¬ 
faits  des  découvertes  modernes.  La  gale  a  occupé  une  place  considérable, 
naguère  encore,  parmi  les  maladies  populaires  contagieuses  ;  aujourd’hui 
la  découverte  de  l’acarus,  et  des  moyens  simples  de  la  guérison  a  presque 
fait  disparaître  cette  maladie  du  cadre  des  épidémies.  Les  teignes  sont  dans 
le  même  cas.  Les  expériences  modernes  sur  les  entozoaires  fort  bien 
exposées  dans  ce  Dictionnaire  par  Léon  Vaillant  ont  éclairci  une  question 
jusque-là  vague  et  mystérieuse.  Les  inoculations  expérimentales  ont  dé- 
hnitivemeiit  résolu  les  problèmes  qui  se  posaient  relativement  aux  diffé¬ 
rents  virus  vénériens.  L’histologie  nous  promet  de  nouvelles  découvertes. 


555 


ÉP1DÉM[E. 

Les  beaux  travaux  de  Pasteur  sur  les  ferments  et  les  germes  infectieux, 
ont  ouvert  un  vaste  champ  aux  recherches.  Davaine,  par  sa  démonstra¬ 
tion  de  l’existence  de  bactéridies  se  multipliant  dans  la  pustule  maligne 
et  se  répandant  dans  le  sang  des  animaux  contagionnés  (voy.^  t.  VI, 
p.  177),  Villemin  par  ses  inoculations  de  matière  tuberculeuse,  ont  tracé 
une  voie  nouvelle  à  l’expérimentation.  Chauveau  a  abordé  le  difficile 
problème  de  l’analyse  chimique  et  histologique  des  virus  transmis  par 
les  animaux  à  l’homme  et  fourni  des  données  nouvelles  et  inattendues. 

A  côté  de  ces  travaux  scientifiques  dont  les  uns  ont  donné  des  résultats 
pratiques  immédiats,  et  les  autres  sont  à  l’état  de  promesses  prochaine¬ 
ment  réalisables,  se  placent  des  entreprises  plus  hasardeuses,  des  hypo¬ 
thèses  prématurées,  des  conceptions  idéales  qui  marquent  plus  d’impa¬ 
tience  que  de  maturité.  Le  moment  n’est  pas  venu  encore  où  l’on  pourra 
à  côté  de  chaque  maladie  contagieuse  et  épidémique  placer  la  description 
du  ferment  spécial  qui  y  donne  naissance. 

Causes  diverses  invoquées  pour  expliquer  les  épidémies.  —  Influences 
morales.  —  Les  auteurs  de  toutes  les  époques  ont  attaché  une  certaine 
importance  à  la  tristesse  et  au  découragement  parmi  les  causes  qui  pou¬ 
vaient  influer  sur  la  gravité  de  quelques  épidémies.  C’est  là  une  croyance 
populaire  à  laquelle  des  écrivains  distingués  ont  donné  l’appui  de  leur 
affirmation.  Ainsi  les  armées  vaincues  et  en  déroute  ont  paru  subir  plus 
fortement  les  atteintes  du  typhus.  Cette  idée  a  été  reprise  dans  ces  der¬ 
niers  temps  par  Léon  Le  Fort  dans  son  livre  des  Maternités  (Paris,  1866). 
«  Il  est  évident,  dit-il,  qu’une  pauvre  fille  séduite  et  abandonnée,  sou¬ 
vent  chassée  de  la  maison  où  elle  était  domestique,  préoccupée  de  son 
sort  et  de  l’état  de  son  enfant,  ne  sachant  où  elle  trouvera  un  asile,  à  sa 
sortie  de  l’hôpital,  est  dans  des  conditions  morales  qui  devront  réagir 
sur  sa  santé  et  la  mettre  dans  des  conditions  plus  favorables  au  dévelop¬ 
pement  des  complications  puerpérales  post  partum.  Xavier  Gouraud  (thèse 
de  concours)  adopte  cette  opinion  et  en  trouve  la  confirmation  dans  ce 
fait  que  la  mortalité  des  femmes  en  couches  serait  moindre  dans  la  prati¬ 
que  de  la  ville,  en  dehors  des  hôpitaux,  parce  que,  pense-t-il,  la  condi¬ 
tion  ou  la  situation  civile  de  ces  femmes  est  le  plus  souvent  régulière. 

Il  est  difficile  d’opposer  à  ce  genre  d’appréciation  une  négation  abso¬ 
lue.  En  dehors  de  la  science  positive,  il  y  a  comme  un  sentiment  auquel 
les  médecins  sont  accessibles  comme  les  autres  hommes  et  qui  rend  faci¬ 
lement  acceptables  des  explications  où  le  côté  moral  de  la  nature  humaine 
trouve  sa  place.  Malheureusement  cette  sorte  d’influence  reste  à  l’état 
vague  et  non  mesurable. 

Ce  qui  est  certain  c’est  que  le  sentiment  peut  être  corrigé  et  rectifié 
par  la  froide  expérience.  Or  voici  ce  que  nous  savons  relativement  aux 
soldats  vaincus  et  aux  filles-mères  :  Les  soldats  vaincus  n’ont  pas  le  ty¬ 
phus  quand  la  campagne  a  été  courte,  quand  la  bataille  a  été  décisive  et 
non  suivie  d’une  lente  déroute,  quand  les  vivres  n’ont  pas  manqué,  ni 
les  autres  conditions  d’une  bonne  hygiène.  On  a  même  remarqué  que  les 
officiers  mieux  nourris  et  mieux  abrités  que  les  soldats  fournissaient  un 


556  ■  ÉPIDÉMIE. 

contigent  bien  moindre  aux  épidémies  des  armées,  et  cette  immunité 
n’entache  en  rien  leur  sentiment  patriotique.  On  sait  d’ailleurs  aujour¬ 
d’hui  quelle  grande  part  il  convient  de  faire  à  la  famine  dans  la  produc¬ 
tion  du  typhus. 

Les  femmes  en  couches  sont-elles  frappées  de  la  fièvre  puerpérale  en 
raison  directe  de  leur  chagrin  et  de  la  bassesse  de  leur  condition  morale? 
Non,  il  n’en  est  rien.  La  morale  invoquée  ici  n’a  point  sur  leur  maladie 
l’influence  qu’on  suppose.  Ce  n’est  pas  le  remords,  ce  n’est  pas  l’abjec¬ 
tion,  ce  h’est  pas  le  vice,  ce  n’est  pas  la  délicatesse  des  sentiments  mise 
à  de  cruelles  épreuves,  qui  causent  la  mortalité  des  filles-mères.  C’est  la 
misère  qu’il  faut  accuser,  la  misère  amène  la  faim,  l’inanition  lente,  le 
mauvais  régime  :  quant  au  vêtement,  au  logement,  à  la  protection  contre 
les  intempéries,  quelquefois  l’intempérance  du  désespoir,  et  "enfin  l’hô¬ 
pital,  source  des  épidémies  puerpérales  ;  voilà  ce  qu’il  faut  invoquer.  Là 
est  la  vérité.  Développer  l’argument  est  inutile,  un  mot  suffira  :  les  fem¬ 
mes  mariées  et  qui  pour  cela  ne  sont  point  soustraites  au  vice  ni  à  la  mi¬ 
sère,  et  celles  qui  ne  sont  ni  misérables  ni  adonnées  au  désordre,  meurent 
tout  autant  que  les  filles-mères,  lorsque  le  malheur  veut  qu’elles  se  fient 
à  l’assistance  publique  représentée  par  de  meurtriers  services  nosocomiaux. 

Peut-on  donner  le  nom  de  contagion  ou  d’épidémies  à  ces  faits  si  fré¬ 
quents  autrefois,  encore  observés  quoique  moins  souvent  aujourd’hui,  de 
folie,  d’épilepsie,  d’hystérie  par  imitation  ?  C’est  par  une  métaphore  et 
non  au  propre  qu’il  est  permis  de  dire  qu’il  y  a  contagion  de  l’exemple. 
Calmeil  (1845),  a  traité  ce  sujet  dans  son  livre  de  la  folie  considérée 
aux  points  de  vue  pathologique,  philosophique,  historique,  etc.,  où  il 
examine  les  grandes  épidémies  de  délire  aux  différentes  époques  de  l’iiis- 
loire.  C’est  à  cet  ordre  de  faits  qu’il  faut  rattacher  l’épidémie  de  chorée 
qui  fut  observée  en  Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas  à  la  fin  du  seizième 
siècle,  le  tarentisme  italien  du  quinzième  siècle,  les  événements  de  Lou- 
dun  elle  procès  d’Urbain  Grandier  (1652),  les  convulsions  au  cimetière 
de  Saint-Médard  (1728),  l’épidémie  d’épilepsie  observée  par  Boërhaave. 
De  nos  jours  des  faits  d’hystérie  épidémique  ont  été  signalés  par  Forget 
{Gaz.  méd.  de  Paris)  ;  à  Lyon  dans  la  manufacture  de  tabac,  en  1851, 
dans  un  petit  village  de  Savoie,  en  1861,  les  femmes  se  livrèrent  pen¬ 
dant  quelque  temps  à  des  convulsions  et  contorsions  cyniques  accrues 
encore  dans  ce  dernier  cas  par  des  pratiques  d’exorcisme  qui  appartien¬ 
nent  à  un  autre  âge.  Dans  quelques  réunions  tenues  en  Amérique  par  des 
fanatiques  appartenant  à  des  sectes  prétendues  religieuses,  on  voit  encore 
aujourd’hui  se  produire  ces  scènes  où  la  médecine  ne  reconnaît  pas  une 
maladie,  mais  une  exagération  volontaire  et  provoquée  des  instincts  ani¬ 
maux  les  plus  grossiers.  On  ne  saurait  sans  forcer  la  valeur  des  termes 
appliquer  à  ces  faits  le  nom  de  contagion  ou  d’épidémie. 

Cames  physiques  des  épidémies  d’après  les  modernes.  —  11  est  inutile 
de  consulter  les  anciens  pour  savoir  les  causes  climatériques,  telluriques, 
physiques  des  épidémies.  La  critique  historique  peut  s’exercer  sur  les 
ouvrages  de  l’antiquité  non  pour  y  puiser  des  notions  plus  exactes  que 


ÉPIDÉMIE.  557 

celles  dont  nous  disposons  aujourd’hui,  mais  pour  y  retrouver  soit  des 
erreurs,  soit  la  saine  appréciation  de  faits  du  reste  évidents  et  éternels 
tels  que  l’influence  des  pays  marécageux,  des  températures  froides,  des 
chaleurs  excessives,  des  armées  assiégées,  des  batailles  et  des  déroutes, 
de  la  famine,  sur  la  production  des  épidémies  de  fièvres  intermittentes, 
de  scorbut,  de  dysenteries,  de  typhus  Quant  à  la  marche  géographique 
des  grandes  épidémies  pestilentielles,  elle  n’a  bien  été  observée  que  dans 
les  temps  modernes  c’est-à-dire  depuis  que  la  terre  est  connue  et  par¬ 
courue  rapidement  en  tous  sens  de  façon  qu’une  épidémie  peut  être  suivie 
pas  à  pas,  et  que  ses  progrès  sont  indiqués  longtemps  à  l’avance.  Voici 
quelles  sont  sur  les  causes  physiques  des  épidémies  les  opinions  émises 
par  nos  contemporains.  Nous  serons  brefs  sur  les  théories  générales,  ren¬ 
voyant  le  lecteur  aux  articles  Endémie  (t.  XIII,  p.  200),  Constitutions  médi¬ 
cales  (t.  IX,  p.  164),  Contagion  (t.  IX,  p.  210),  Clim.at  (t.  VIII,  p.  48) 
et  Géographie  médicale.  D’ailleurs  nous  énumérerons  successivement  les 
maladies  susceptibles  de  former  des  épidémies  importantes,  et  à  l’occasion 
de  chacune  de  ces  maladies  en  particulier  nous  nous  expliquerons  sur  les 
causes  qui  les  produisent  ou  semblent  les  produire. 

Michel  Lévy,  dans  son  Traité  d'hygiène,  que  nous  prendrons  pour  mo¬ 
dèle  des  travaux  modernes  d’ensemble  sur  la  médecine  publique,  a  donné 
sur  les  épidémies  le  résumé  des  recherches  de  tous  les  temps,  et  carac¬ 
térisé,  soit  par  un  examen  critique,  soit  par  suite  de  sa  propre  expérience 
certains  faits-principes  importants.  Ce  savant  auteur  admet  parmi  les 
causes  des  épidémies  :  1°  IHnfection  ou  action  exercée  sur  l’homme  par 
un  air  contaminé.  L’infection  suppose  1°  un  foyer  d’émanations  délétères; 
2"  le  rôle  intermédiaire  de  l’air  qui  leur  sert  de  véhicule;  3°  chez  ceux 
qui  en  sont  atteints,  une  aptitude  spéciale  ou  réceptivité.  Ce  principe  in¬ 
fectieux  est  appelé  effluve,  miasme  ou  ferment. 

Nous  avons  dit  à  l’article  Endémie  que  le  mot  effluve,  qui  a  une  signifi¬ 
cation  étroite,  était  plus  volontiers  remplacée  aujourd’hui  par  les  mots  : 
influences  telluriques,  qui  sont  plus  d’accord  avec  les  faits  d’endémie  ou 
d’épidémie  imputables  au  sol  marécageux  ou  non. 

L’influence  des  miasmes,  notamment  des  matières  animales  en  putré¬ 
faction,  est  admise  encore  aujourd’hui,  et  appuyée  moins  sur  des  faits 
expérimentaux  récents  que  sur  l’opinion  des  anciens  et  des  modernes  ; 
cependant  il  n’y  a  pas  unanimité  sur  ce  point.  Malgré  les  faits  cités  par 
Lassone  [Soc.  roy.  de  méd.,  1776,  t.  I)  d’une  épidémie  de  fièvres  mali¬ 
gnes  cessant  après  qu’on  eût  rempli  de  chaux  et  comblé  un  fossé  rempli 
de  cadavres  de  vaches,  ceux  qu’invoquèrentles  médecins  du  dix-septième 
et  du  dix-huitième  siècle,  Forestus,  Ramazzini;  les  médecins  du  dix-neu¬ 
vième  siècle.  Requin,  Guérard  (thèse  de  concours  pour  la  chaire  d’hy¬ 
giène),  Chomel,  et  qui  semblaient  prouver  la  nocuité  des  émanations 
cadavériques,  Andral,  Villermé,  ont  infirmé  cette  opinion. 

Aujourd’hui  l’on  reconnaît  des  vérités  et  des  erreurs  au  milieu  de  la 
complexité  de  cette  question.  Voici  à  cet  égard  quelques  éclaircissements: 
Personne  ne  nie  que  les  matières  animales  en  putréfaction  puissent  être 


558  ÉPIDÉMIE. 

septiques,  si  elles  sont  introduites  par  une  plaie,  dans  le  sang.  C’est  le  fait 
des  piqûres  anatomiques.  On  admet  aussi  que  les  seules  émanations  des 
matières  animales  putréfiées  sont  nuisibles  dans  une  certaine  mesure  et 
peuvent  amener  des  malaises,  des  indigestions,  un  degré  peu  élevé  d’in¬ 
toxication,  et  contribuer  dans  une  mesure  plus  ou  moins  grande  à  dépri¬ 
mer  les  forces.  Ce  n’est  là  ni  une  action  toxique  mortelle,  ni  une  infection 
morbide  spécifique.  Ces  faits  rentrent  dans  la  catégorie  des  conditions 
générales  d’insalubrité.  Il  n’en  est  plus  de  même  lorsqu’il  s’agit,  non 
d’une  putréfaction  simple,  mais  de  matières  putréfiées  contenant  un  cer¬ 
tain  poison  morbide  tel  que  le  poison  varioleux,  par  exemple,  ou  celui 
de  la  fièvre  jaune.  En  pareil  cas,  ce  n’est  plus  la  putréfaction  qui  est  en 
cause,  c’est  la  matière  morbifique  qui  s’est  conservée  malgré  la  putré¬ 
faction.  De  même  il  y  a  action  d’un  agent  toxique  morbide  spécial  lorsque 
les  matières  animales  mises  en  jeu  proviennent  d’animaux  morts  du 
charbon.  Michel  Lévy  cite  une  épidémie  partielle  de  typhus  qui  se  serait 
montrée  en  Crimée  pendant  la  dernière  occupation  française  (1855),  et 
dont  la  cause  aurait  été  imputée  à  ce  fait  que  des  cadavres  avaient  été  mal 
enterrés  au  voisinage  de  l’ambulance  ;  l’ambulance  fut  déplacée  et  le  ty¬ 
phus  ne  s’y  déclara  plus  sur  place.  Dans  la  guerre  de  Prusse  (1866), 
une  épidémie  de  choléra  s’étant  déclarée  parmi  les  troupes,  on  crut  re¬ 
connaître  que  les  déjections  cholériques  mal  enfouies,  entretenaient  l’épi¬ 
démie,  et  l’on  usa  d’un  moyen  propre  à  décomposer  chimiquement  ces 
matières,  le  permanganate  de  potasse. 

Les  analyses  chimiques  faites  jusqu’ici  n’ont  point  déterminé  le  degré 
de  nocuité  des  différentes  matières  susceptibles  d’évaporation,  et  qui 
constitueraient  les  agents  ou  véhicules  de  l’infection.  L’acide  sulfhydrique 
et  l’hydrogène  phosphoré  qui  se  dégagent  surtout  pendant  la  première 
période  de  la  putréfaction  de  l’abdomen  des  animaux,  paraissent  à  Michel 
Lévy  constituer  un  méphitisme  qu’on  ne  saurait  nier. 

V encombrement,  d’après  le  même  auteur,  n’est  qu’une  expérience  d’in¬ 
fection  ;  il  produit  la  pourriture  d’hôpital,  le  typhus  des  prisons,  des 
vaisseaux,  des  hôpitaux.  Les  maladies  infectieuses  nosocomiales  s’accroî¬ 
traient  et  s’aggraveraient  par  l’encombrement  ;  telles  seraient  les  mala¬ 
dies  suivantes  :  gangrène,  phlébite,  érysipèles,  infection  purulente.  On 
pourrait  ajouter  les  maladies  toxiques  contagieuses,  croup,  coqueluche, 
fièvres  éruptives  (rougeole  et  scarlatine),  et  les  maladies  puerpérales.  La 
contagion  ici  joue  le  plus  grand  rôle.  Sans  doute  lorsque  le  nombre  des 
malades  excède  les  proportions  légitimes  du  cubage  atmosphérique  né¬ 
cessaire  à  l’entretien  de  la  santé,  les  conditions  de  salubrité  ne  sont  plus 
remplies.  Yoiciun  fait  rapporté  par  Michel  Lévy  et  dont  la  valeur  est  con¬ 
sidérable  : 

«  En  1854,  l’hôpital  de  Péra,  ouvert  à  Constantinople  à  nos  blessés 
et  à  nos  fiévreux  de  Crimée,  avait  été  coté  par  l’intendance  et  porté  à 
1800  lits.  Sa  contenance  salubre  m’a  paru  être  de  1000  à  1100  lits  ;  toutes 
les  fois  que  cette  limite  a  été  dépassée,  les  accidents  de  septicémie  se 
sont  multipliés  dans  les  salles,  au  point  d’interdire  aux  chirurgiens  la 


ÉPIDÉMIE,  559 

pratique  des  opérations  toujours  suivies  de  résultats  funestes.  La  morve 
se  développe  particulièrement  dans  les  écuries  de  faible  capacité,  hu¬ 
mides,  et  difficiles  à  aérer.  »  (Lévy,  t.  II,  p.  544.) 

Quoique  le  principe  de  rencombremeiit  comme  cause  d’épidémies  doive 
être  conservé,  il  convient  néanmoins  de  ne  lui  attribuer  que  sa  part  lé¬ 
gitime  et  de  déterminer  les  autres  principe» confondus  sous  cette  appella¬ 
tion  pour  ainsi  dire  collective. 

Si  l’on  admet  que  le  mot  encombrement  puisse  être  susceptible  d’une 
définition  scientifique,  il  faudrait  se  borner  au  sens  suivant  :  insuffisance 
du  cubage  d’air;  cela  reviendrait  à  l’expression  de:  air  confiné.  Mais  il 
n’en  est  pas  ainsi  ;  ce  sens  restreint  ne  peut  être  attribué  seul  au  mot  en¬ 
combrement,  lequel  comprend  les  idées  de  masse  d’hommes,  de  concen¬ 
tration,  d’accumulation  d’une  même  espèce  morbide  en  un  même  lieu, 
de  mauvaises  conditions  hygiéniques,  d’insalubrité  de  toute  sorte.  Voici 
sur  tous  ces  points  les  explications  qui  nous  semblent  nécessaires  :  en 
temps  d’épidémie,  de  misère  publique,  de  guerre,  on  a  vu  tout  d’un  coup 
les  hôpitaux  ou  les  ambulances  envahis  par  une  masse  d’hommes  double, 
triple,  du  nombre  réglementaire.  Il  n’y  avait  plus  assez  de  lits  pour  les 
coucher,  presque  pas  assez  d’espace  pour  les  contenir,  voilà  l’encombre¬ 
ment  dans  toute  sa  complexité.  Alors  tout  fait  défaut  à  la  fois  :  espace, 
soins,  aliments  et  remèdes.  Il  n’en  est  pas  de  même  en  temps  ordinaire 
et  dans  les  époques  de  calme  et  de  civilisation.  On  se  sert  bien  encore  du 
mot  encombrement  pour  désigner  les  grands  rassemblements  d’hommes 
dans  un  même  hôpital  quel  que  soit  le  cubage  de  l’air.  On  se  plaint  des 
trop  grandes  salles  d’hôpital,  du  trop  grand  nombre  de  lits  réunis  soit  en 
une  même  chambre,  soit  dans  les  divers  appartements  d’un  même  bâti¬ 
ment.  On  accuse  aussi  la  réunion  en  un  même  pavillon,  en  un  même 
corps  de  logis,  d’un  grand  nombre  de  femmes  en  couches,  de  blessés, 
d’enfants  atteints  de  maladies  contagieuses.  Le  mot  encombrement  appli¬ 
qué  en  pareils  cas,  n’a  plus  sa  signification  primitive  ;  il  serait  remplacé 
avec  avantage,  soit  par  le  mot  concentration,  soit  par  celui  de  groupement. 

Quoi  qu’il  en  soit,  l’idée  est  la  même,  et  c’est  une. idée  juste,  à  savoir 
que  la  réunion  sous  le  même  toit  ou  dans  le  même  périmètre  d’un  groupe 
d’hommes  atteints  d’une  maladie  infectieuse,  contagieuse,  épidémique 
enfin,  constitue  un  danger  pour  quiconque  y  est  introduit ,  augmente  les 
chances  de  mort  de  ceux  qui  y  sont  traités,  et  devient  un  danger  pour  le 
dehors.  C’est  pour  cela  que  les  grands  hôpitaux  à  espace  resserré,  con¬ 
struits  au  centre  des  villes  sont  condamnés.  C’est  pour  cela  que  les  ma¬ 
ternités  doivent  disparaître.  Chose  remarquable,  le  même  cubage  d’air 
étant  donné ,  le  danger  de  l’endémo-épidémie  et  de  l’infection  sera 
plus  grand  si  les  malades  sont  réunis  en  un  lieu  vaste  et  sans  séparations, 
que  s’il  existe  des  espaces  cloisonnés  et  séparés.  Cela  tient  à  ce  que  les 
miasmes  sont  arrêtés  par  l’interposition  d’une  paroi  ;  de  même  que  les 
effluves  ne  montent  qu’à  une  certaine  hauteur  d’où  la  préservation  pour 
les  habitants  des  lieux  élevés ,  de  môme  les  miasmes  peuvent  être  arrêtés 
par  une  paroi. 


560  ÉPIDÉMIE. 

Cependant  c’est  là  une  faible  défense  contre  un  agent  morbide  qui  a 
tant  et  de  si  subtils  moyens  de  propagation.  Aussi  a-t-on  vu  l’isolement 
donner  des  résultats  fort  insuffisants,  lorsque  les  malades  n’étaient  séparés 
les  uns  des  autres  que  par  un  mince  obstacle ,  et  qu’ils  avaient  des  ser¬ 
viteurs  communs  qui  se  chargeaient  involontairement  de  la  transmission 
morbide.  L’assistance  publique,  à  Paris  surtout,  où  elle  est  toute  puis¬ 
sante  et  soustraite  au  contrôle  salutaire  des  médecins ,  a  usé  et  abusé  de 
cet  isolement  apparent  et  répondu  ainsi,  avec  plus  d’assurance  que  de 
sincérité,  aux  exigefices  légitimes  de  la  science.  Ainsi  l’isolement  réel  et 
efficace  comprend  deux  choses  : 

1“  Le  placement  en  un  même  lieu  hors  la  ville  d’une  quantité  de  malades 
atteints  d’une  même  maladie  contagieuse  susceptible  de  se  transmettre  au 
reste  de  la  population.  Or,  il  est  de  ces  maladies  qui  même  à  l’état  de 
foyer  ne  semblent  pas  s’aggraver  au  contact  des  maladies  semblables  ; 
telle  serait  la  variole,  telle  aussi  la  fièvre  typho'ide. 

2“  La  formation  de  petits  appartements  plus  ou  moins  distants  du 
corps  de  logis  principal,  bien  aérés  et  isolés  efficacement,  où  seraient 
traitées  à  part  les  maladies  contagieuses  infectieuses ,  qui  sont  endémo- 
épidémiques  dans  notre  pays ,  mais  qui  ne  sont  point  assimilables  aux 
grandes  maladies  populaires  et  n’atteignent  qu’un  nombre  restreint  de 
malades  ;  tels  sont  le  croup,  les  fièvres  éruptives  (rougeole,  scarlatine), 
la  coqueluche,  les  érysipèles,  l’infection  purulente,  la  fièvre  puerpérale. 

Aussitôt  qu’un  sujet  infecté  serait  reconnu  on  le  séparerait  des  autres. 
D’ailleurs,  il  est  des  états  morbides  ou  accidentels,  ou  sur  la  limite  de 
l’état  physiologique  (opérés  et  femmes  en  couches)  qui  exigent  impérieu¬ 
sement  la  séparation,  l’isolement  des  sujets,  attendu  qu’ils  sont  toujours 
sous  la  menace  d’accidents  spontanés  qui  peuvent  se  transmettre  à 
d’autres. 

Le  principe  de  la  dissémination  est  bon  et  doit  prévaloir.  On  a  déjà,  à 
Paris,  sous  la  pression  des  médecins,  obtenu  que  les  femmes  en  couches 
fussent,  en  temps  d’épidémie,  dispersées  soit  dans  les  services  généraux 
des  hôpitaux,  soit  chez  des  sages-femmes  de  la  ville.  Cette  mesure  a  déjà 
produit  d’excellents  résultats. 

Une  récente  discussion  soulevée  au  sein  de  la  société  médicale  des 
hôpitaux  a  mis  au  jour  des  faits  qui  démontrent  définitivement  la  nécessité 
de  supprimer  les  Maternités  et  de  reporter  les  femmes  en  couches  sur  un 
grand  nombre  de  petites  maisons  où  chacune  occupera  une  chambre 
séparée.  Il  serait  à  désirer  que  l’on  adoptât  sérieusement  un  projet  ana¬ 
logue  pour  les  opérés.  On  trouvera  plus  loin,  à  l’article  Traitement  et 
Prophylaxie,  une  note  concernant  la  ventilation  et  les  baraquements. 

Pour  donner  un  aperçu  général  des  épidémies  et  des  moyens  de  pro¬ 
pagation  des  maladies  pestilentielles,  contagieuses,  infectieuses,  nous 
pensons  qu’il  est  rationnel  d’exposer  successivement  les  conditions  du 
problème  en  prenant  pour  types  les  maladies  épidémiques  les  plus  impor¬ 
tantes.  Parmi  les  ouvrages  contemporains  qui  traitent  de  ces  questions,  il 
n’en  est  pas  de  plus  complet  que  le  traité  de  Hirsch  (1860).  Nous  avons 


ÉPIDÉMIE.  561 

emprunté  une  partie  des  documents  suivants  à  cet  ouvrage,  ainsi  qu’aux 
publications  de  YEpidemiological  Society,  de  Londres. 

Parmi  les  auteurs  qui  ont  traité  des  constitutions  épidémiques,  il  en  est 
un  dont  le  nom  ne  saurait  être  passé  sous  silence ,  c’est  Lepecq  (de  la 
Clôture),  médecin  à  Rouen  (1776).  Ses  ouvrages  ont  eu  pour  objet 
d’élucider  la  question  des  influences  locales  ou  atmosphériques  qui  régis¬ 
sent  les  épidémies.  Il  prit  pour  guide  Hippocrate,  mais  sans  s’asservir,  et 
il  professa  que  l’on  devait  recourir  à  l’observation  directe,  ne  prenant 
des  anciens  que  la  méthode  qui  doit  être  appliquée  à  nouveau,  lorsque  de 
nouveaux  faits  se  présentent  à  l’observation.  En  cela,  il  se  conformait  au 
précepte  de  Bonnet,  «  que  la  nature  devait  expliquer  la  nature,  et  que  ce 
n’était  jamais  au  philosophe  à  parler  pour  elle.  »  Lepecq  (de  la  Clôture)  n’a 
recueilli  que  des  observations  particulières  de  maladies,  sans  oser  en  faire 
aucune  application  ;  il  s’est  inspiré,  c’est  lui-même  qui  le  dit,  des  paroles 
de  Frédéric  Hoffmann,  adjurant  tous  les  médecins  «  d’être  très-soigneux 
et  très-exacts  à  ramasser  les  histoires  des  maladies  épidémiques  dont  ils 
pourraient  être  les  témoins,  et  de  remarquer,  chacun  dans  leur  pays,  la 
disposition  présente  et  précédente  des  saisons,  l’état  des  vents,  les  varia¬ 
tions  du  baromètre  et  du  thermomètre,  et  de  rassembler,  dans  chaque 
histoire,  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  rendre  entière  et  complète  ;  d’y 
joindre  conséquemment  la  méthode  qu’ils  auront  suivie  dans  le  traitement 
et  l’événement  de  la  maladie.  » 

C’est  là  un  plan  grandiose  et  tel,  qu’on  ne  peut  le  remplir  actuelle¬ 
ment;  c’est  l’avenir  de  la  médecine,  peut-être.  Déjà  les  sociétés  médicales 
modernes,  et  quelques  rares  gouvernements,  rassemblent  les  éléments 
d’une  statistique  médicale  qui  ne  donne  pas  encore  autre  chose  que  des 
résultats  provisoires,  mais  dont  on  peut  attendre  de  grands  bienfaits. 
La  Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris  a  entrepris  depuis  plusieurs 
années  cette  tâche  difficile  ;  Besnier  a  su  donner  à  cet  aride  travail  un 
intérêt  nouveau  par  la  forme  qu’il  lui  a  imprimée  et  par  les  déductions 
qu’il  en  a  tirées. 

Lepecq  (de  la  Clôture)  ne  doit  point  être  consulté,  si  ce  n’est  à  titre  de 
renseignement  historique  sur  les  erreurs  de  nos  anciens  et  sur  l’inutilité 
d’un  esprit  distingué  et  éclairé,  quand  la  science  est  pleine  de  préjugés. 
Il  place  le  commencement  de  son  année  médicale,  non  en  automne,  comme 
les  Grecs  et  les  Romains,  mais  au  printemps,  et  il  en  donne  la  raison  en 
ces  termes  :  «  Le  printemps  amène  les  premiers  beaux  jours,  et  annonce, 
pour  ainsi  dire,  la  renaissance  et  le  développement  de  la  nature ,  c’est 
enfin  que  le  printemps  est,  dans  notre  climat,  la  saison  où  la  fonte  humorale 
se  fait,  ainsi  que  la  dépuration  des  humeurs  amassées  pendant  l’automne 
et  l’hiver.  »  Du  reste ,  Lepecq  est  un  pur  hippocratiste  qui  professe  avec 
conviction  que  toute  épidémie  est  produite  par  l’excès  et  le  dérangement 
d’une  constitution  annuelle,  et  que  celle-ci  ne  peut  être  viciée  que  par 
une  des  grandes  constitutions  de  maladies  qui  répondent  à  celles  des 
saisons.  Si  les  excès  de  l’intempérie  ont  été  considérables,  les  maladies 
deviendront  pestilentielles.  Pour  lui,  toute  l’observation  du  monde  exté- 

NOUV.  DICT,  UÉD.  ET  CHIR.  XITI.  —  36 


562  ÉPIDÉMIE. 

rieur  se  réduit,  bien  entendu ,  à  la  notation  des  degrés  du  baromètre  et 
du  thermomètre,  et  à  quelques  indications  vagues  de  météorologie,  sur  la 
direction  des  vents  et  la  quantité  approximative  de  la  pluie.  Cette  con¬ 
sciencieuse  collection  de  faits  sans  valeur  étant  achevée,  l’auteur  n’en  tire 
aucune  déduction  et  passe  à  l’observation  des  malades,  en  admettant  tou¬ 
jours  en  principe  que  le  temps,  quel  qu’il  soit,  est  la  cause  des  maladies, 
doctrine  commode. 

La  Normandie  est  divisée  par  Lepecq  (de  la  Clôture)  en  un  certain 
nombre  de  lieux  à  climats  et  à  constitutions  différentes;  les  raisons  tirées 
de  la  topographie,  et  qu’il  donne  pour  expliquer  ces  différences,  ne  sont 
pas  concluantes.  C’est  un  travail  de  patience  qui  ne  sera  pas  refait,  et 
qui  partait  d’une  foi  absolue  dans  la  vertu  de  la  méthode  hippocratique. 
Malheureusement,  la  méthode  sans  l’instrument  n’est  rien,  et  cet  instru¬ 
ment,  les  sciences  exactes  seules  nous  le  donneront  ;  tant  qu’il  fera  défaut, 
les  ouvrages  comme  ceux  de  Lepecq  (de  la  Clôture)  seront  seulement  un 
monument  de  la  patience  et  du  talent  mis  aux  prises  avec  l’impossible. 

Les  grandes  épidémies  d’après  les  auteurs  modernes.  —  Nous  adopterons 
pour  cette  énumération  l’ordre  suivi  par  Aug.  Hirsch.  Nous  prions  le 
lecteur  de  recourir  à  l’article  Endémie  pour  les  maladies  qui  tiennent  à 
certaines  conditions  locales  du  sol,  et  qui  ne  sont  ni  contagieuses  ni 
transmissibles  à  une  grande  distance. 

La  fièvre  intermittente  est  de  ce  nombre;  tout  au  plus  peut-on  lui 
appliquer  le  nom  d’épidémie  lorsqu’elle  se  produit  inopinément  sur  une 
grande  masse  d’hommes,  soit  dans  un  pays  où  règne  la  fièvre,  soit  à 
l’occasion  de  travaux  de  terrassement  ou  de  défrichement.  Encore,  dans 
ce  cas,  serait-il  juste  de  n’employer  que  le  mot  endémie. 

La  fièvre  jaune  est  aussi  une  maladie  qui,  géographiquement,  n’appar¬ 
tient  qu’à  certains  pays,  où  elle  se  développe  spontanément  et  où  est 
son  foyer  habituel  ;  mais  elle  est  contagieuse,  elle  se  propage  facilement 
et  sur  une  vaste  étendue  de  terre,  et  elle  procède  par  épidémies.  Nous 
avons  indiqué  à  l’article  Endémie,  page  200,  son  lieu  d’origine  et  ceux 
quelle  a  visités  à  l’état  d’épidémie  importée. 

Le  nombre  des  épidémies  de  fièvre  jaune,  non  plus  que  les  indications 
des  travaux  qu’a  fait  naître  cette  maladie,  ne  pourraient  être  rapportés  ici. 
On  peut  qualifier  ces  notices  d’innombrables  ;  pour  l’Amérique  du  Nord 
seulement,  depuis  la  fin  du  dix-septième  siècle,  on  compte  plus  de 
70  épidémies  importantes  ayant  atteint  un  grand  nombre  de  villes  et  de 
provinces. 

Nous  avons  examiné  à,  l’article  Endémie  les  conditions  climatologiques 
qui  se  rencontrent  dans  les  pays  où  réside  et  se  développe  la  fièvre  jaune. 
Quant  aux  saisons  où  elle  est  apparue  épidémiquement,  voici  les  chiffres 
donnés  par  Hirsch  pour  les  Antilles  ;  sur  60  épidémies ,  on  en  trouve 
3  en  janvier,  6  en  février,  4  en  mars,  5  en  avril,  4  en  mai,  8  en  juin, 
5  en  juillet,  août  et  septembre,  8  en  octobre,  4  en  novembre,  et  5  en 
décembre.  Sur  les  côtes  du  Mexique,  c’est  en  avril  que  les  épidémies 
seraient  le  plus  fréquentes,  d’après  Stricker.  Sur  83  épidémies  observées 


ÉPIDÉMIE.  563 

dans  l’Amérique  du  Sud,  il  y  en  a  5  en  mai,  7  juin,  21  en  juillet,  28  en 
août,  20  en  septembre,  et  2  en  octobre. 

En  Europe,  la  lièvre  jaune  s’est  montrée  en  Espagne,  de  juillet  à 
septembre;  à  Livourne,  en  août;  à  Lisbonne,  en  août  (1732),  et  en  sep¬ 
tembre  (1857).  Cette  maladie  emprunte  un  de  ses  caractères  à  la  chaleur 
ambiante;  elle  s’accroît  et  se  propage  d’avantage  en  été,  c’est  tout  ce 
qu’on  en  peut  dire.  On  a  cherché  à  déterminer  un  minimum  à  la  chaleur 
nécessaire  pour  sa  production,  et  l’on  a  trouvé  22“  centigrades.  Cependant 
il  paraît  certain  que  des  épidémies  se  sont  maintenues,  à  bord  de  navires 
en  mer,  à  une  température  inférieure  à  20“  centigrades  ;  par  exemple,  tel 
est  le  fait,  rapporté  par  Bertulus,  d’un  navire  qui,  revenant  de  la  Havane 
en  France,  eut  4  cas  de  fièvre  jaune  à  bord,  en  vue  des  côtes  de  Bretagne, 
par  une  température  de  13“.  Le  grand  fait  de  la  nécessité  d’une  tempéra¬ 
ture  assez  élevée  ressort  suffisamment  de  la  géographie  médicale,  qui  nous 
montre  la  fièvre  jaune  ne  pouvant  se  greffer  ou  s’acclimater  que  dans  les 
pays  chauds. 

L’abaissement  de  l’intensité  des  épidémies  de  fièvre  jaune  marche  avec 
l’abaissement  de  la  température. 

L’humidité  de  l’air  n’influe  pas  sur  les  épidémies;  elles  régnent  par 
les  temps  secs  comme  en  temps  de  pluie. 

L’influence  des  vents,  soit  comme  agents  de  transport  ou  véhicules  de 
l’épidémie,  soit  comme  moyen,  au  contraire,  de  purification  de  l’air,  ne 
peut  pas  davantage  être  établie. 

L’influence  du  sol  est  certaine;  tout  d’abord,  l’élévation  doit  être  citée 
comme  jouant  un  rôle  important  dans  cette  question.  Plusieurs  auteurs 
ont  donné  des  chiffres  approximatife  pour  l’élévation  qui  met  l’honame  à 
l’abri  de  la  fièvre  jaune  ;  Est-ce  1,000  mètres?  Est-ce  1,500  mètres?  Voici 
quelques  exemples  qui  montreront  combien  ces  chiffres  sont  variables  : 
Ainsi,  Tulloch  fixe  cette  élévation  préservatrice  à  2,000  ou 2,500  mètres; 
Moreau  (de  Jonnès),  dit  qu’aux  Antilles  une  élévation  de  3  à  400  mètres 
ne  préserve  pas  ;  à  Saint-Christophe  on  en  a  vu  des  cas  à  700  mètres,  de 
même  à  1,360  mètres  à  la  Jamaïque;  sur  les  côtes  du  Mexique,  il  faut 
atteindre  jusqu’à  4,000  mètres  pour  être  préservé  des  atteintes  de  la 
fièvre  jaunè.  II  ne  faut  pas  considérer  l’élévation  du  sol  seulement,  mais 
aussi  l’abaissement  de  la  température,  qui  s’ajoute  à  celle-ci  et  joue 
évidemment  un  rôle  considérable  dans  la  question  de  l’immunité. 

Les  côtes  maritimes  et  les  embouchures  des  fleuves,  les  lieux  bas,  sont 
plus  volontiers  visités  par  la  fièvre  jaune,  ce  qui  rapproche  cette  maladie 
de  la  fièvre  intermittente  et  du  choléra. 

L’agglomération  est  une  condition  de  la  propagation  de  la  fièvre  jaune  ; 
les  villes  y  sont  plus  exposées  que  les  campagnes,  et  lors  même  que  des 
individus  isolés  remportent  la  maladie  de  la  ville  dans  la  campagne,  elle 
ne  se  propage  pas  pour  cela  au  reste  de  la  population.  Ce  fait  est  admis 
par  presque  tous  les  auteurs  qui  ont  rapporté  les  épidémies  de  l’Amérique 
du  Sud  et  des  Antilles. 

Contagion  et  infection.  —  Aucune  maladie  n’est  plus  évidemment 


564  ÉPIDÉMIE. 

contagieuse  que  la  fièvre  jaune  ;  on  peut  toujours,  dans  les  pays  qui  ne  la 
voient  point  naître  ou  séjourner  habituellement,  désigner  le  moment 
précis  où  elle  a  été  introduite.  Dans  les  ports ,  on  sait  quel  navire  l’a 
importée,  quel  homme ,  débarqué  à  tel  endroit  d’une  ville,  est  devenu 
le  foyer  d’où  est  partie  la  propagation  de  l’épidémie. 

Dutroulau,  après  de  nombreuses  années  consacrées  à  la  pratique 
médicale  aux  Antilles,  est  arrivé  aux  conclusions  suivantes  :  1°  la  fièvre 
jaune  ne  s’est  jamais  déclarée  spontanément  sur  les  navires  atteints  par 
l’épidémie ,  avant  leur  séjour  dans  les  rades  infectées  ;  2"  les  malades 
venus  du  dehors  ont  une  influence  très-manifeste  sur  le  développement 
du  foyer  épidémique,  et,  en  débarquant  au  fur  et  à  mesure  à  terre  les 
hommes  malades ,  on  arrête  le  développement  de  l’épidémie  à  bord.  » 
Dutroulau  constate  également  que  les  navires  qui  se  sont  tenus  dans  un 
bon  mouillage  et  à  bonne  distance  du  rivage,  s’interdisant  toute  commu¬ 
nication  avec  la  terre,  ont  pu  souvent  se  préserver  de  tout  accident. 

Il  est  incontestable  que  l’homme  malade  de  la  fièvre  jaune  est  l’élément 
nécessaire  pour  la  production  épidémique  de  cette  maladie;  une  fois 
infecté,  le  lieu  où  il  a  séjourné  devient  foyer  aussi,  surtout  si  ce  lieu  est 
confiné  (navire),  et  longtemps  il  conserve  la  propriété  d’infecter  les 
hommes  qui  y  seront  enfermés.  De  là,  la  nécessité  de  certaines  précautions 
sanitaires  consistant,  non  dans  une  simple  quarantaine,  mais  dans  le 
lavage  et  même  le  sabordement  des  navires  infectés. 

Les  deux  dernières  épidémies  importées  en  Europe,  à  Lisbonne  (1857), 
à  Saint-Nazaire  (1861),  ont  eu  pour  cause  l’arrivée  de  navires  infectés.  Le 
rapport  du  comité  de  santé  de  Lisbonne  admet  que  «  la  ville  de  Lisbonne 
ne  doit  pas  être  considérée  comme  sujette  au  développement  spontané  de 
la  fièvre  jaune;  que,  par  sa  latitude  et  sa  topographie,  elle  peut  être 
envahie  par  une  épidémie,  quand  la  maladie  lui  est  importée  par  un 
navire  infecté;  que  l’épidémie  de  1857  peut  être  considérée  comme  le 
résultat  de  l’importation  ;  que  les  conditions  hygiéniques  locales  ne  sont 
pas,  par  elles-mêmes,  de  nature  à  faire  naître  une  telle  épidémie,  et  ne 
constituent  que  des  causes  auxiliaires.  » 

De  même  les  épidémies  de  Porto,  en  1851  et  1856,  sont  attribuées  à 
l’importation  par  des  navires  dont  le  nom  est  connu  et  qui  venaient  du 
Brésil.  Le  rapport  de  Melier  sur  l’épidémie  survenue  à  Saint-Nazaire,  en 
1861,  lu  à  l’Académie  de  médecine,  en  1862,  démontre,  à  l’évidence, 
comment  un  navire  venant  de  la  Havane  a  importé  la  maladie,  et  com¬ 
ment,  par  pure  contagion,  il  s’est  formé  une  petite  épidémie  locale.  Melier 
admet,  dans  ce  cas,  les  trois  modes  de  transmission  ;  1“  par  le  navire  lui- 
même;  2°  à  distance  du  foyer  ;  5“  par  les  malades. 

Nous  verrons,  à  l’article  Traitement,  comment  on  peut  empêcher, 
arrêter  ou  diminuer  les  épidémies. 

Le  CHOLÉRA,  dont  les  ravages  dans  l’époque  actuelle  ont  été  comparables 
à  ceux  qu’ont  produits  les  pestes  au  moyen  âge,  paraît  avoir  été  connu 
des  anciens  auteurs  grecs. 

L’Inde  en  a  toujours  été  le  lieu  d’origine.  Son  invasion  en  Europe,  à 


ÉPIDÉMIE.  J  565 

l’élat  de  grande  épidémie,  est  récente  (1817).  On  a  suivi  pas  à  pas  les 
épidémies  qui  se  sont  produites  depuis  cette  époque ,  et  relevé  avec  assez 
d’exactitude  les  chiffres  pouvant  former  les  éléments  d’une  bonne  statis¬ 
tique. 

L’épidémie  de  1817  se  montra  d’abord  dans  l’Inde,  dans  le  delta  du 
Gange,  et  envahit  avec  rapidité  les  provinces  nord  de  l’Hindoustan,  puis, 
l’année  suivante,  les  parties  montagneuses  vers  Tirhoo#"(4,000  mètres). 
Cette  épidémie,  presque  stationnaire  jusqu’en  1824,  s’est  nmntrée  depuis 
à  diverses  reprises  (1846-52);  Dès  la  première  épidémie  ^.§17-1 8),  la 
maladie  avait  été  transportée  à  Ceylan ,  à  Maurice,  à  la  côte  orientale 
d’Afrique  (1820),  et,  en  1819,  à  la  presqu’île  de  Malacca,  à  Sumatra, 
à  Java,  à  Bornéo.  La  Chine  fut  envahie  vers  la  même  époque,  puis  la 
Mongolie  et  la  Tartarie  ;  la  Perse  fut  ravagée  par  le  choléra  vers  1828. 

En  1826,  nouvelle  épidémie  grave  dans  le  Bengale,  et  qui  se  répand 
sur  l’Europe,  partant  de  deux  points  :  de  Lahore  (1827)  à  Caboul,  par 
une  caravane  ,  de  Chiva  (1828)  aux  hordes  de  Kirgis,  et,  par  une  caravane^ 
à  Orenburg.  En  1829,  le  choléra  entrait  par  une  autre  voie  en  Perse,  à 
Téhéran,  puis,  de  là,  gagnait  l’Oural  et  le  pays  des  cosaques  du  Don. 

Avant  la  fin  de  l’année  1830,  l’épidémie  avait  atteint  une  grande  partie 
de  la  Russie,  Jaroslaw,  Twer,  Novogorod,  Pétersbourg,  le  Don,  Tauris,  les 
bords  du  Dnieper,  Kiew,  la  Podolie  et  la  Volhynie,  et,  en  1831,  le  gou¬ 
vernement  de  l’Ouest  (Minsk,  Grodno,  Wilna),  puis  la  Pologne,  enfin 
l’Oural  et  Archangel.  Pendant  ce  temps,  le  choléra  avait  gagné  l’Égypte 
et  la  Palestine.  De  Russie,  le  choléra  se  propagea  à  l’Allemagne  par  trois 
voies  principales,  par  la  Pologne,  où  les  troupes  d’invasion  russe  l’y 
avaient  apporté;  il  pénétra  en  Silésie,  en  1832,  il  gagna  la  Bohême  et  la 
Poméranie ,  puis  les  grandes  villes  d'Allemagne,  Berlin,  Potsdam,  Stettin, 
Francfort,  les  provinces  de  l’Elbe,  Hambourg  et  le  Schleswig,  et  enfin 
les  provinces  du  Rhin  et  la  Hollande.  D’autre  part,  le  choléra ,  sui¬ 
vant  une  troisième  route ,  entrait  en  Autriche  par  la  Russie ,  à  travers  la 
Podolie,  la  Galicie,  la  Hongrie;  seule,  la  partie  sud-ouest  de  l’Allemagne 
fut  épargnée  complètement. 

Les  Principautés  Danubiennes  et  Constantinople  étaient  envahis  en 

1831. 

La  Grande-Bretagne  fut  visitée  parle  choléra  dès  la  fin  de  l’année  1831; 
il  y  fut  importé  par  un  navire  venant  de  Hambourg,  au  mois  d’octobre,  à 
Sunderland,  d’où  il  gagna  Newcastle  et  Gateshead,  puis  l’Écosse,  et,  en 

1832,  toute  la  surface  de  l’Angleterre,  sans  qu’oii  pût  accuser  les  moyens 
de  grande  communication,  telles  que  les  grandes  routes,  d’en  avoir  tracé 
le  chemin,  car  la  maladie  se  transmit  à  travers  des  pays  peu  habités,  et 
suivant  des  directions  capricieuses. 

Ce  fut  en  mars  1832  que  le  choléra  apparut  en  France,  à  Calais,  d’abord, 
puis  à  Paris,  d’où  il  envahit  rapidement,  en  avril  et  mai,  presque  tout  le 
Nord. 

En  juin  ,  la  maladie  s’étendit  avec  une  singulière  violence  au  départe¬ 
ment  de  l’Indre,  à  la  Gironde,  aux  Bouches-du-Rhône.  35  départements 


566  J  ÉPIDÉMIE. 

sur  86  en  furent  exempts  ;  ce  furent  surtout  les  contrées  montagneuses  et 
les  départements  de  l’est  de  la  France.  Le  choléra  se  propagea  à  la 
Belgique  (1852)  par  Courtray,  puis  à  la  Hollande  et  aux  provinces 
rhénanes.  Les  pays  Scandinaves  furent  peu  maltraités  par  le  choléra,  qui 
ne  pénétra  en  Suède  qu’en  1853. 

Dès  1832,  l’épidémie  avait  atteint  le  nouveau  monde;  elle  s’était 
montrée  d’abord  au  Canada,  puis  avait  gagné  les  États-Unis.  En  1833, 
elle  s’étendiLau  Mexique;  en  1835,  au  sud  de  l’Amérique,  Guyane  et 
Brésil.  ^ 

En  1833,  le  choléra  fut  importé  en  Portugal  par  un  navire  anglais.  Il 
sévit  en  Espagne,  seulement  en  Andalousie,  en  Estramadure,  en  Castille 
et  à  Madrid. 

En  1834,  il  gagna  la  Catalogne,  d’où  il  fut  importé  à  Marseille  et  à 
Cette;  en  1835,  le  Piémont  et  la  Toscane,  la  Vénétie,  les  États  de  l’Église 
et  Naples.  En  1836  et  1837,  la  maladie  continua  à  sévir  en  Italie  et  dans 
le  Tyrol,  puis  remonta  en  Bavière  et  jusqu’en  Prusse.  En  1835,  elle  fut 
apportée  à  Alger  par  un  navire  de  Marseille.  De  1835  à  1837,  elle  sévit 
sur  le  littoral  africain,  jusqu’en  Égypte  et  en  Nubie. 

En  1848,  nouvelle  épidémie  en  Europe.  Pendant  les  années  qui  précé¬ 
dèrent  (1841,  1842),  le  choléra  n’avait  cessé  de  se  montrer  dans  l’Inde, 
en  Chine,  en  Perse;  en  1844,  dans  l’Afghanistan,  à  Caboul,  à  Samarkande 
et  à  Bokhara;  en  1846,  à  Téhéran,  à  Médine;  en  1847,  sur  les  bords  du 
Tigre;  en  1848,  il  envahissait  les  provinces  danubiennes,  l’Égypte,  le 
Caucase  et  la  Syrie,  la  Sibérie,  la  province  de  Moscou  ;  en  1848,  Péters- 
bourg,  la  Pologne;  en  1849,  la  Finlande;  en6n,  en  1849,  le  nord  de 
l’Amérique,  l’Angleterre,  la  Hollande,  la  Belgique  et  la  France;  puis,  en 
1850,  la  Suède,  la  Norwége  et  le  Danemark;  l’Amérique  centrale,  les 
Antilles,  furent  aussi  visitées  par  cette  épidémie. 

En  1851,  nouvelle  épidémie  en  Russie,  en  Pologne,  en  Prusse,  et  dans 
le  nord  de  l’Europe,  ainsi  que  dans  quelques  départements  français.  De¬ 
puis  lors,  la  maladie  s’est  montrée  à  l’état  de  petites  épidémies  à  Paris, 
en  1866  etl867,  et  des  cas  dits  sporadiques  n’ont  cessé  de  s’y  produire. 
Le  livre  le  plus  considérable  qui  ait  paru  depuis  plusieurs  années  sur  le 
choléra  est  l’exposé  des  travaux  de  la  conférence  sanitaire  internationale 
réunie  à  Constantinople,  et  publié  par  Fauvel  en  1868.  Toutes  les  ques¬ 
tions  qui  se  rapportent  à  l’origine  et  au  mode  de  propagation  de  la  mala¬ 
die  y  ont  été  examinées  avec  soin.  Nous  empruntons  à  cet  exposé  la  plu¬ 
part  des  considérations  qui  suivent  ; 

Origine  du  choléra.  Endémicité  et  épidémicité  de  cette  maladie  dans  VInde. 
—  Cette  maladie  est  anciennement  connue  dans  l’Inde,  ainsi  que  le  prouve 
l’ouvrage  de  Garcia  da  Horta  publié  au  seizième  siècle.  Au  dix-huitième 
siècle,  plusieurs  épidémies  y  furent  observées,  notamment  à  Hudvvar,  au 
nord  deJ’Hindoustan,  et  à  Travancore,  au  sud  de  la  péninsule.  Ce  n’est 
qu’en  1817  qu’on  par-la  de  nouveau  du  choléra  (épidémie  de  Jessore)  ; 
depuis  lors  constamment  il  y  eut  des  épidémies,  et  la  maladie  devint  en¬ 
vahissante.  Il  est  donc  constant,  ainsi  que  l’a  reconnu  la  commission  de 


ÉPIDÉMIE.  567 

Constantinople,  que  le  choléra  asiatique  a  son  origine  dans  l’Inde,  où  il  a 
pris  naissance  et  où  il  existe  constamment  à  l’état  endémique;  qu’il  ne 
s’est  jamais  développé  spontanément  et  n’a  jamais  été  endémique,  malgré 
des  épidémies  partielles,  ni  en  Chine,  ni  en  Perse,  ni  dans  l’Afghanistan, 
ni  dans  le  Caucase,  l’Europe,  l’Amérique  et  l’Afrique,  et  qu’il  y  a  toujours 
été  importé.  La  commission  a  examiné  ensuite  la  question  suivante  :  «  Le 
choléra  est-il  endémique  dans  toutes  les  parties  de  l’Inde  ou  seulement 
dans  certaines  régions  qu’il  soit  possible  de  circonscrire?  »  A  cette  ques¬ 
tion  il  n’y  a  point  eu  de  réponse  décisive  ;  cependant  il  a  été  reconnu 
qu’il  existe  dans  l’Inde  certaines  localités,  comprises  principalement  dans 
la  vallée  du  Gange,  où  le  choléra  est  endémique,  sans  qu’il  soit  possible 
de  les  préciser  toutes,  ni  d’affirmer  qu’elles  aient  le  privilège  exclusif  de 
donner  naissance  à  la  maladie. 

Les  causes  climatériques  ou  autres  qui  peuvent  donner  naissance  au 
choléra  ont  été  souvent  passées  en  revue,  et  quelques-unes  d’entre  elles 
ont  été  acceptées  par  l’opinion  générale  sans  motifs  sérieux;  ce  sont  à 
proprement  parler  des  légendes.  Tel  est  le  prétendu  miasme  émané  des 
cadavres  ensevelis  dans  le  Gange,  et  apporté  dans  des  pays  lointains  par 
les  vents.  D’autres  explications  ont  été  données,  comme  par  exemple  la 
ruine  des  grands  travaux  hydrauliques  des  anciens  possesseurs  du  pays, 
ruine  qui  aurait  amené  l’insalubrité  des  contrées  maintenues  saines  jadis 
par  ces  œuvres  d’art.  Or  la  commission  a  prouvé  que  d’autres  fleuves  que  le 
Gange  présentaient  les  mêmes  conditions  sans  être  l’origine  du  choléra,  et 
que  la  destruction  de  canaux  et  moyens  d’irrigation  était  loin  d’être  un 
fait  nouveau  ;  aussi  n’a-t-elle  pu  adopter  que  des  conclusions  négatives,  à 
savoir  que  la  permanence  de  la  maladie  dans  certains  lieux  ne  saurait 
être  expliquée  uniquement  par  les  circonstances  habituelles  des  lieux, 
mais  par  quelque  circonstance  nouvelle  et  spéciale,  et  qu’ enfin  on  ne 
connaît  pas  les  conditions  spéciales  sous  l’influence  desquelles  le  choléra 
naît  dans  l’Inde  et  y  règne,  dans  certaines  localités,  à  l’état  endémique. 
Quant  aux  circonstances  qui  aident  à  la  propagation  du  choléra,  certaines 
notions  positives  ont  été  recueillies  :  1“  C’est  surtout  pendant  la  saison 
chaude,  au  Bengale,  que  le  choléra  prend  la  forme  épidémique  (juillet  et 
août)  ;  à  Bombay,  d’avril  à  septembre.  On  trouve  plusieurs  grandes  épi¬ 
démies  ayant  débuté  pendant  les  grandes  chaleurs.  Ce  n’est  là  toutefois 
qu’une  circonstance  adjuvante. 

2°  Les  grandes  agglomérations  d’hommes  et  les  pèlerinages  ont  certaine¬ 
ment  une  notable  importance  au  point  de  vue  de  la  propagation  des  épi¬ 
démies  de  choléra.  .A  Hurdwar,  au  nord  de  l’Hindoustan,  sur  le  Gange,  se 
tient  une  foire  qui  attire  tous  les  ans  une  grande  masse  de  peuple  ;  tous 
les  douze  ans  l’agglomération  y  est  surtout  considérable.  En  1783,  on  y 
vit  rassemblé  plus  de  un  million  d’hommes,  dont  20,000  succombèrent 
rapidement  au  choléra.  Actuellement  le  choléra  se  montre  à  Hurdwar 
tous  les  ans,  au  moment  de  ce  rassemblement  populaire.  De  même  à  Poo- 
rie  où  les  fêtes  amènent  une  grande  masse  de  population,  chaque  année, 
en  juin  et  juillet.  La  même  observation  a  été  faite  dans  d’autres  localités. 


568  ÉPIDÉMIE. 

qui  sont  des  lieux  de  pèlerinage.  Il  faut  tenir  compte  de  l’agglomération, 
de  l’état  de  fatigue  et  d’épuisement,  et  de  la  misère  des  pèlerins.  A  la  Mec¬ 
que,  le  choléra  n’ariâve  qu’avec  les  pèlerins.  Aussi  la  commission  a-t-elle 
adopté  la  conclusion  suivante  :  «  Les  pèlerinages,  dans  l’Inde,  sont  la  plus 
puissante  de  toutes  les  causes  qui  concourent  au  développement  et  à  la 
propagation  des  épidémies  de  choléra.  » 

Modes  de  transmissibilité  et  propagation  du  choléra.  —  La  contagion 
n’est  point  niable.  En  vain  a-t-on  invoqué  certaines  directions  mysté¬ 
rieuses  des  épidémies,  de  plans  dans  l’espace,  une  orientation  spéciale  ; 
en  fait  le  choléra  va  avec  les  hommes  en  marche,  et  suivant  l’expression 
du  rédacteur  de  la  commission  de  Constantinople,  «  par  terre  ou  par 
mer,  l’extension  de  la  maladie  a  toujours  eu  lieu  dans  la  direction  de 
courants  humains  partis  d’un  lieu  où  elle  régnait.  Dans  l’Inde  le  choléra 
ne  va  point  de  l’est  à  l’ouest,  mais  il  rayonne  dans  tous  les  sens  autour 
de  son  foyer  d’origine,  en  raison  de  la  facilité  des  communications.  On  a 
pu  suivre  pas  à  pas  la  dernière  épidémie  (1865),  et  on  l’a  vue  pour  ainsi 
dire  marcher  avec  les  pèlerins  jusqu’à  Alexandrie,  puis  de  ce  foyer  secon¬ 
daire  rayonner  par  la  navigation  à  Beyrouth,  Smyrne,  Constantinople, 
Malte,  Ancône,  Marseille.  Ailleurs  un  autre  courant  était  imprimé  à  l’épi¬ 
démie  par  les  pèlerins  retournant  de  la  Mecque  en  Perse  et  à  Java.  D’ail¬ 
leurs  le  choléra  dans  les  îles  n’est  jamais  observé  à  l’intérieur,  mais  tou¬ 
jours  les  premiers  cas  ont  lieu  dans  un  port,  c’est-à-dire  qu’ils  y  sont  im¬ 
portés  du  dehors.  Aujourd’hui  la  facilité  et  la  rapidité  des  transports 
offrent  des  moyens  de  propagation  immenses,  que  n’ont  pas  connus  les 
siècles  précédents.  La  commission  a  donc  pu  formuler  la  conclusion 
suivante  :  «  Le  choléra  est  propagé  par  l’homme  et  avec  une  vitesse  d’au¬ 
tant  plus  grande  que  ses  propres  migrations  se  sont  activées  et  sont  de¬ 
venues  plus  rapides.  »  On  sait  d’ailleurs,  où,  comment,  de  quel  navire, 
ont  été  débarqués  dans  un  port  les  malades  qui  ont  importé  le  choléra 
dans  des  pays  éloignés  du  foyer  primitif  ;  tel  est  le  cas  de  la  frégate  Mouk- 
biri-Sourour  en  1865  (28  juin)  à  Constantinople.  D’autre  part  on  a  vu 
une  famille  allemande  qui,  se  rendant  à  Borchi  (Russie),  avait  passé  par 
Galatz,  où  régnait  le  choléra,  devenir  l’agent  d’une  grave  épidémie  qui 
s’étendit  au  loin.  A  Altenhourg,  en  Saxe,  au  mois  d’août  1865,  le  cho¬ 
léra  éclata  subitement  sans  propagation  de  voisinage  ;  or  il  était  importé, 
ainsi  que  le  montra  l’enquête,  par  une  femme  qui  était  partie  le  16  août 
d’Odessa,  et  était  arrivée  le  24  à  Altenhourg.  Des  cas  nombreux  de  ce 
genre  peuvent  être  cités.  On  peut  aussi  prouver  que  les  épidémies  n’écla¬ 
tent  pas  sur  plusieurs  points  à  la  fois,  et  qu’en  général  elles  commencent 
en  un  point  d’où  elles  rayonnent.  Cette  propagation  est  d’autant  plus  in¬ 
tense  que  la  population  est  plus  dense.  Enfin,  la  preuve  du  fait  peut  être 
donnée  par  le  résultat  des  mesures  sanitaires,  telles  par  exemple,  que  la 
séquestration  absolue.  Ainsi  la  transmissibilité  du  choléra  est  un  fait  qu’il 
faut  mettre  hors  de  doute. 

Influence  des  circonstances  atmosphériques  sur  la  propagation  du  cho¬ 
léra.  —  Il  n’y  a  point  de  fait  établissant  la  possibilité  de  la  transmission 


ÉPIDÉMIE.  569 

à  distance,  et  sans  la  présence  de  l’homme  servant  de  véhicule.  Les  dé¬ 
serts  franchis,  les  cordons  sanitaires  impuissants,  sont  des  fables.  Aussi 
la  commission  a-t-elle  formulé  son  avis  sur  ce  point  en  ces  termes  :  «  Au¬ 
cun  fait  n’est  venu  prouver  jusqu’ici  que  le  choléra  puisse  se  propager 
au  loin  par  l’atmosphère  seule,  dans  quelque  condition  qu’elle  soit  ;  et 
en  outre  c’est  une  loi,  sans  exception,  que  jamais  une  épidémie  de  cho¬ 
léra  ne  s’est  propagée  d’un  point  à  un  autre  dans  un  temps  plus  court 
que  celui  qui  est  nécessaire  à  l’homme  pour  s’y  transporter.  » 

Agents  de  la  transmission.  —  L’homme  est  cet  agent ,  lorsqu’il  est 
atteint  de  la  maladie.  Quelques  auteurs,  Pettenkofer,  Griesinger,  Hirsch 
ont  cité  des  faits  tendant  à  prouver  qu’un  homme  atteint  d’une  diarrhée 
et  venant  d’un  lieu  infecté  par  le  choléra,  peut  importer  l’épidémie  au 
loin.  La  commission  de  Constantinople  admet  la  possibilité  du  fait.  En 
effet,  la  diarrhée,  dite  prémonitoire,  n’est  que  le  choléra  lui-même  au 
début,  et,  de  même  qu’une  varioloïde  qui  dure  cinq  jours  et  guérit  peut 
donner  lieu  à  une  épidémie  de  varioles  graves,  de  même  le  choléra  bénin 
peut  engendrer  le  choléra  grave. 

La  durée  de  l’incubation  offre  un  intérêt  considérable  ;  en  effet,  à 
cette  question,  se  rattachent  ces  faits  de  choléra  qui  aurait  été  transmis 
par  des  hommes  ayant  quitté  depuis  longtemps  le  foyer  d’origine.  Or 
l'expérience  apprend  que  l’incubation  est  très-courte,  de  quelques  jours, 
et  qu’il  est  nécessaire  pour  une  transmission  à  un  lieu  éloigné  que  la  ma¬ 
ladie  ait  successivement  atteint  en  route  des  hommes  qui  ont  ainsi ,  d’é¬ 
tape  en  étape,  renouvelé  l’infection  transportable.  La  Cominission  dit,  à 
cet  égard  :  «  Dans  presque  tous  les  cas  la  période  d’incubation  ne 
dépasse  pas  quelques  jours.  Tous  les  faits  cités  d’une  incubation  plus 
longue  se  rapportent  à  des  cas  qui  ne  sont  pas  concluants,  ou  bien  parce 
que  la  diarrhée  prémonitoire  a  été  comprise  dans  la  période  d’incuba¬ 
tion,  ou  bien  parce  que  la  contamination  a  pu  avoir  lieu  après  le  départ 
du  lieu  infecté.  » 

Quant  aux  moyens  de  transmission  autres  que  l’homme,  c’est-à-dire 
les  animaux,  les  hardes  ou  marchandises,  voici  ce  que  nous  apprend  la 
dernière  enquête.  Pour  les  animaux  il  n’y  a  aucun  fait  qui  indique  qu’ils 
puissent  servir  d’agents  de  transmission.  Pour  les  hardes  et  marchandises, 
les  faits  de  transmission  par  ce  moyen  sont  si  nombreux  et  si  peu  con¬ 
testés  qu’on  est  forcé  de  les  admettre.  Ce  sont  tantôt  des  linges  ayant 
touché  le  corps  ou  ayant  été  souillés  par  les  déjections  des  cholériques 
qui  ont  amené  la  contagion  (1832,  enquête  anglaise  à  York,  Simpson; 
Londres,  1849).  Pettenkofer  (Recherches  et  observations  sur  la  transmis¬ 
sion  du  choléra,  1865,  à  propos  de  faits  de  transmission  par  des  hardes 
aux  environs  de  Munich).  Lebert,  dans  ses  observations  sur  le  choléra  en 
Suisse  (1856),  etPappenheim  (1854)  rapportent  des  faits  semblables.  On 
cite  aussi  des  cas  de  choléra  survenus  après  seize  jours  de  traversée  à 
bord  d’un  navire  d’émigrants  allemands  en  route  pour  l’Amérique  ;  en  ce 
cas,  l’épidémie  survint  après  l’ouverture  de  malles  contenant  des  hardes 
provenant  d’un  lieu  infecté.  On  considère  généralement,  et  des  faits  oh- 


570  ÉPIDÉMIE. 

servés  à  Londres  ne  laissent  guère  de  doute  à  cet  égard ,  les  matières 
fécales  des  cholériques  comme  très-infectieuses.  On  cite  aussi  des  cas  de 
transmission  par  des  conduites  d’eau  se  distribuant  à  tout  un  quartier, 
lequel  aurait  été  seul  atteint  par  l’épidémie. 

Bien  que  le  transport  du  choléra  par  des  marchandises  ne  soit  pas 
prouvé,  il  est  probable,  d’après  ce  qui  précède,  et  il  en  résulte  le  devoir 
d’établir  des  garanties  sanitaires  en  temps  d’épidémie.  Les  cadavres  des 
cholériques  semblent  être  susceptibles  de  transmettre  la  maladie;  s’il 
existe  à  cet  égard  des  doutes,  la  prudence  n’en  ordonne  pas  moins  qu’on 
prenne  en  tout  cas  les  plus  grandes  précautions. 

Les  questions  qui  se  rattachent  au  choléra  sont  innombrables,  surtout 
si  l’on  adopte  le  cadre  proposé  par  les  anciens  comme  applicable  à  toutes 
les  maladies  épidémiques.  Mais  le  nombre  de  nos  connaissances  étant 
restreint,  il  convient  de  concentrer  toute  notre  attention  sur  les  faits  po¬ 
sitifs  sans  essayer  de  masquer  ou  de  pallier  l’insuffisance  de  nos  con¬ 
naissances  sur  les  autres  parties.  La  commission  de  Constantinople  l’a 
compris  ainsi  lorsqu’elle  a  donné  ses  dernières  conclusions  que  nous 
transcrivons  textuellement  ;  «  Des  faits  ,  constatés  précédemment  et  qui 
se  rattachent  à  la  genèse,  à  la  propagation  et  à  la  transmissibilité  du  cho¬ 
léra,  peut-on  déduire  quelque  chose  de  précis  sur  le  principe  générateur 
de  la  maladie,  ou  tout  au  moins  sur  les  milieux  qui  lui  servent  de  véhi¬ 
cules  ou  de  réceptacles,  sur  les  conditions  de  sa  pénétration  dans  l’orga¬ 
nisme,  sur  les  voies  par  lesquelles  il  s’en  échappe,  sur  la  durée  de  son 
activité  morbifique,  en  un  mot,  de  tous  attributs  dont  la  connaissance 
importe  à  la  prophylaxie?  »  Telles  sont  les  questions  posées,  auxquelles 
la  commission  fait  les  réponses  suivantes  ; 

«  Dans  l’état  actuel  de  la  science,  on  ne  peut  émettre  que  des  hypo¬ 
thèses  sur  la  nature  du  principe  générateur  du  choléra  ;  nous  savons 
seulement  qu’il  est  originaire  de  certaines  contrées  de  l’Inde  et  qu’il  s’y 
maintient  en  permanence  ;  que  ce  principe  se  régénère  dans  l’homme , 
et  l’accompagne  dans  ses  pérégrinations  ;  qu’il  peut  ainsi  être  propagé  au 
loin,  de  pays  en  pays,  par  des  régénérations  successives,  sans  jamais  se 
reproduire  spontanément  en  dehors  de  l’homme...  L’air  ambiant  est  le 
véhicule  principal  de  l’agent  générateur  du  choléra  ;  mais  la  transmis¬ 
sion  de  la  maladie  par  l’atmosphère  reste,  dans  l’immense  majorité  des 
cas,  limitée  à  une  distance  très-rapprochée  du  foyer  d’émission.  Quant 
aux  faits  cités  de  transport  par  l’atmosphère  à  un  ou  plusieurs  milles  de 
distance,  ils  ne  sont  pas  suffisamment  concluants.  L’eau  et  certains  infesta 
peuvent  aussi  servir  de  véhicules'  à  l’introduction  dans  l’organisme  du 
principe  générateur  du  choléra.  Les  voies  par  lesquelles  l’agent  toxique 
pénètre  dans  l’économie  sont  principalement  les  voies  respiratoires  et 
digestives. 

«  Quant  à  la  pénétration  par  la  peau,  rien  ne  tend  à  l’établir. 

«  La  matière  des  déjections  cholériques  étant  incontestablement  le  prin¬ 
cipal  réceptable  de  l’agent  morbifique ,  il  s’ensuit  que  tout  ce  qui  est 
contaminé  par  ces  déjections  devient  aussi  un  réceptacle  d’où  le  prin- 


ÉPIDÉMIE.  571 

cipe  générateur  du  choléra  peut  se  dégager,  sous  l’influence  de  conditions 
favorables  ;  il  s’ensuit  encore  que  la  genèse  du  germe  cholérique  a  lieu 
très-probablement  dans  les  voies  digestives,  à  l’exclusion,  peut-être  de 
tout  autre  appareil  de  l’organisme.  » 

Bien  que  les  faits  cités  plus  haut  suffisent  à  indiquer  les  causes  de  la 
transmission  du  choléra  et  que  nous  n’ayons  point  à  développer  ici  la 
prophylaxie,  nous  pensons  qu’il  faut  insister  sur  cette  question  des  eaux 
et  des  déjections  cholériques. 

Certainement  les  eaux  contaminées  par  le  poison  cholérique  sont  un 
agent  direct  et  puissant  de  la  propagation  de  la  maladie. 

Plusieurs  exemples  probants  suffisent  pour  établir  le  fait  de  l’infection 
par  les  eaux  potables.  A  Exeter,  les  habitants  buvaient  l’eau  infectée  par 
les  cloaques  ;  le  nombre  des  cholériques  fut  de  1000  en  1832  ;  on  fit 
alors  venir  l’eau  de  deux  lieues  au-dessus  de  la  ville  ;  en  1849,  il  n’y  eut 
que  44  cas  de  choléra.  Mêmes  exemples  à  Nottingham,  à  Dumfries.  A 
Oxford,  le  docteur  Acland  a  cité  un  exemple  très-caractéristique:  il  existe 
dans  cette  ville  deux  prisons  dont  l’une  fut  à  diverses  époques  infectée 
par  le  choléra,  l’autre  restant  indemne;  or  la  première  recevait  son  eau 
d’un  étang  où  stagnaient  les  matières  animales  septiques.  On  changea  cet 
état  de  choses  et  l’épidémie  cessa.  Les  cas  de  ce  genre  sont  très-nombreux 
et  portent  avec  eux  l’évidence. 

L’influence  du  sol  imprégné  de  matières  fécales  est  au  moins  certaine. 
Pettenkofer  a  mis  ce  fait  en  relief.  Il  faut,  en  temps  d’épidémie,  enlever 
immédiatement,  et  éloigner  des  lieux  habités  les  matières  provenant  des 
déjections. 

Typhus.  — Le  typhus  a  régné  épidémiquementsous  certaines  influences 
depuis  la  plus  haute  antiquité  ;  on  croit  en  voir  la  description  dans  les  au¬ 
teurs  qui  ont  écrit  sur  la  guerre  du  Péloponnèse  (Thucydide).  Au  quin¬ 
zième  siècle.  Despars  en  décrit  une  épidémie  à  Tournai  (1450).  Au  sei¬ 
zième  siècle,  Fracastor  signale  le  typhus.  Les  grandes  guerres  des  quin¬ 
zième  et  seizième  siècle  et  plus  tard  celles  de  la  fin  du  dix-huitième  et  du 
commencement  de  ce  siècle,  ont  fait  reparaître  les  grandes  épidémies  de 
cette  maladie,  dont  la  manifestation  dernière  et  éclatante  a  eu  lieu  au 
siège  de  Sébastopol.  Nous  avons  indiqué,  à  l’article  Endémie,  les  contrées 
où  le  typhus  règne  à  l’état  endémique  :  p&ys  Scandinaves,  Russie,  sud  de 
l’Allemagne,  Irlande,  etc.,  et  les  causes  qui  engendrent  et  entretiennent 
cette  maladie  à  l’état  épidémique  ;  famine  et  encombrement. 

En  France,  le  typhus  est  presque  inconnu,  et  il  n’y  a  jamais  été  ob¬ 
servé  qu'à  l’état  d’épidémie  importée  et  passagère.  Un  article  spécial  sera 
consacré  au  typhus. 

La  FIÈVRE  TYPHOÏDE  y  règne  au  contraire  constamment  à  l’état  endémo- 
épidémique,  et  constitue  par  excellence  la  maladie  populaire,  contribuant 
pour  une  part  importante  au  chiffre  de  la  mortalité.  En  Angleterre  et  en 
Allemagne  on  reconnaît  trois  formes  du  typhus  :  le  typhus  exanthémati¬ 
que,  la  fièvre  typhoïde  et  la  fièvre  récurrente. 

Le  typhus  exanthématique  est  contagieux.  C’est  là  un  fait  hors  de  con- 


572  ÉPIDÉMIE. 

testation.  Les  chiffres  suivants,  empruntés  à  Griesinger,  montrent  à  quel 
degré  a  lieu  cette  propriété  contagieuse  :  en  Irlande,  en  vingt-cinq  ans, 
sur  1 ,220  médecins  attachés  aux  établissements  publics,  560  furent  at¬ 
teints  de  typhus  et  132  moururent.  (MurcWson.)  A  Prague,  pendant  l’é¬ 
pidémie  de  1855,  dans  les  hôpitaux  spéciaux  20  médecins  et  tous  les  in¬ 
firmiers  furent  atteints.  Pendant  l’épidémie  de  Crimée,  dans  l’armé  fran¬ 
çaise,  il  y  eut  en  l’espace  de  57  jours,  603  infirmiers  sur  840,  malades 
du  typhus,  et  80  médecins  succombèrent  à  l’épidémie. 

La  contagion  se  fait  par  les  malades  et  par  les  objets  qui  les  entou¬ 
rent,  linges,  excreta,  locaux  qu’ils  ont  occupés,  et  quelquefois  au  bout  d’un 
temps  assez  long.  L’encombrement  favorise  au  plus  haut  point  la  conta¬ 
gion,  et  la  dispersion  et  l’isolement  font  cesser  les  épidémies.  La  misère 
et  le  manque  de  vivres,  non-seulement  favorisent,  mais  engendrent  le 
typhus.  Ce  fait  est  incontestable  (hunger  typhus)  ;  les  années  de  disette 
sont,  en  Irlande  par  exemple,  des  années  de  typhus.  Perrin  a  observé, 
dans  la  dernière  disette  d’Algérie  (1868),  le  typhus  survenir  non-seule¬ 
ment  parmi  les  Arabes  réduits  à  l’état  d’inanition,  mais  dans  les  popula¬ 
tions  où  ces  malheureux  venaient  chercher  asile  et  protection.  La  spon¬ 
tanéité  du  typhus  sous  certaines  conditions  est  un  fait  qu’il  faut  admettre  ; 
ainsi  s’expliquent  ces  cas  innombrables  d’épidémies  partielles  et  isolées 
sans  contagium  antécédent ,  et  qui  se  sont  produits  dans  des  prisons,  des 
forteresses,  des  navires,  etc. 

Pour  la  fièvre  typhoïde,  l’étiologie  est  moins  nettement  accusée; 
cependant  on  admet  aujourd’hui  la  contagion  ;  le  nombre  des  épi¬ 
démies,  dont  l’origine  a  été  l’arrivée,  en  un  point  sain  d’un  malade 
atteint  de  fièvre  typhoïde,  et  qui  est  devenu  le  noyau  d’une  épidémie, 
est  considérable.  Griesinger  rapporte  que,  parmi  194  femmes  soignées 
pour  la  fièvre  typhoïde  à  son  hôpital,  9  avaient  contracté  la  maladie 
enseignant  les  malades.  Ces  faits,  un  peu  obscurs  dans  les  grandes 
villes,  sont  plus  nets  dans  les  petites  localités.  Les  matières  alvines  pa¬ 
raissent  être  le  principal  véhicule  de  la  contagion,  comme  pour  le  cho¬ 
léra.  Le  développement  spontané  de  la  fièvre  typhoïde  n’est  pas  mis  en 
doute.  Les  causes  adjuvantes  sont  mal  connues.  Relativement  au  temps, 
aux  saisons,  on  a  signalé  l’automne  comme  la  saison  la  plus  favorable  au 
développement  de  cette  maladie*.  C’est  dans  les  grandes  villes  qu’elle  rè¬ 
gne  surtout,  d’ou  l’idée  de  miasmes  ;  et  cependant  elle  n’est  jamais  plus 
grave  que  lorsqu’elle  sévit  épidémiquement  sur  de  petites  localités  en 
pleine  campagne  ;  il  y  a  là  une  contradiction.  On  a  accusé  aussi  les  lieux 
bas  et  humides  ;  mais  il  n’y  a  rien  de  certain  à  cet  égard.  Les  étrangers, 
surtout  ceux  qui  viennent  de  la  campagne  dans  les  villes,  les  jeunes  su¬ 
jets,  les  gens  non  acclimatés,  y  sont  plus  exposés  que  les  autres.  Le  plus 
grand  nombre  des  cas  s’observe  de  15  à  30  ans.  Il  paraît  y  avoir  des  cas 
de  fièvre  typhoïde,  rares  à  la  vérité,  chez  des  enfants  dès  les  premiers 
mois  qui  suivent  la  naissance.  On  admet  comme  causes  directes  un  miasme 
qui  se  dégage  du  malade  et  de  ses  excréments.  La  contagion  peut  se  faire 
par  l’eau  à  boire,  comme  pour  le  choléra. 


ÉPIDÉMIE.  573 

On  n’a  point  observé  quelles  seraient  les  circonstances  atmosphériques 
spéciales  qui  favoriseraient  les  épidémies  de  fièvre  typhoïde.  [{Voy.  Ty¬ 
phoïde  (fièvre).] 

Peste.  —  Nous  renvoyons  pour  cette  maladie,  qui  a  presque  disparu 
aujourd’hui,  et  n’offre  plus  d’intérêt  au  point  de  vue  de  la  propagation 
épidémique  sur  notre  continent,  aux  mots  Endémie  et  Peste. 

Variole.  —  .Cette  maladie  étant  éminemment  et  exclusivement  conta¬ 
gieuse  et  inoculable,  on  peut  dire  que  toute  discussion  doit  cesser  sur  ses 
origines  et  sa  nature  ;  il  ne  peut  être  question  que  d’en  arrêter  les  pro¬ 
grès  et  d’en  détruire  le  germe  si  cela  est  possible.  Rappeler  les  épidémies 
observées  en  Asie  avant  les  temps  modernes,  la  marche  de  la  maladie  in¬ 
troduite  à  la  suite  des  Arabes  dans  la  péninsule  ibérique,  et  de  là  se  ré¬ 
pandant  sur  l’ancien  et  sur  le  nouveau  monde,  noter  les  millions  d’hom¬ 
mes  qui  ont  disparu  par  le  fait  de  ces  épidémies,  ce  n’est  que  curiosité 
historique.  D’ailleurs  ces  développements  appartiennent  aux  articles  Va¬ 
riole,  Vaccin,  etc.  Ce  qui  nous  importe,  c’est  que  la  médecine  tient  un 
moyen  certain,  d’une  efficacité  absolue,  pour  détruire  le  virus  varioleux, 
et  que  ce  moyen,  la  vaccine,  doit  être  imposé  aux  populations.  Les  so¬ 
ciétés  ont  le  droit  de  se  protéger,  et  tout  individu  non  vacciné  étant  à 
l’occasion  un  danger  pour  le  reste  de  la  société,  doit  subir  une  atteinte  à 
sa  liberté,  si  tant  est  que  la  liberté  du  mal  et  de  la  maladie  soit  admise,  et 
être  soumis  d’office  à  la  vaccination  et  à  la  revaccination  périodique.  Les 
peuples,  éclairés,  notamment  les  Anglais  et  les  Allemands,  ont  compris 
toute  l’importance  de  cette  pratique.  Dans  l’Allemagne  du  Nord,  elle  est 
obligatoire.  Quant  au  mode  de  propagation  de  la  variole,  à  son  mode 
épidémique,  aux  moyens  d’en  modérer  la  diffusion,  tout  a  été  dit,  tout 
est  connu,  et  si  les  mesures  que  le  simple  bon  sens  et  l’amour  de  l’hu¬ 
manité  commandent  ne  sont  point  adoptées,  ainsi  que  nous  le  voyons  en 
ce  moment  (1870)  en  France,  la  faute  en  est  à  nos  mœurs  publiques,  au 
défaut  de  prédominance  des  idées  scientifiques,  et  à  une  organisation  so¬ 
ciale  qui  réside  dans  l’omnipotence  et  l’irresponsabilité  d’une  adminis¬ 
tration  incompétente.  En  trois  mots,  on  peut  définir  la  variole  et  sa  cu¬ 
ration  :  contagion,  isolement,  vaccination. 

Pour  toutes  les  épidémies  de  maladies  contagieuses,  telles  que  rougeole, 
SCARLATINE,  CROUP,  MALADIES  CHARBONNEUSES,  maladies  des  blessés-  et  des 
femmes  en  couches,  morve  et  farcin,  rage,  ou  parasitaires  telles  que 
TEIGNES,  GALE,  ENTOzoAiREs,  TRICHINOSE,  etc.,  nous  renvoyons  le  lecteur  aux 
articles  spéciaux  traitant  de  ces  maladies.  —  Les  idées  générales  concer¬ 
nant  les  maladies  endémo-épidémiques,  sont  exposées  aux  articles  Con¬ 
stitution,  Contagion,  Endéjue,  Géographie  médicale,  etc. 

Prophylaxie  et  traitement  des  épidémies.  —  Ce  chapitre  comprend 
toute  la  médecine  publique  ;  empêcher  ou  diminuer  les  maux  qui  vien¬ 
nent  des  défauts  du  sol,  de  l’air,  des  aliments,  du  régime,  des  institu¬ 
tions  sociales,  c’est  là  un  programme  idéal,  et  qui  sans  doute  serait  promp¬ 
tement  réalisable  dans  les  limites  du  possible,  si  la  médecine  n’était  un 
des  derniers  objets  des  préoccupations  de  l’homme.  Non-seulement  des 


57/i  ÉPIDÉMIE. 

vérités  éternelles  et  qui  n’ont  jamais  été  obscurcies  sont  admises  à  l’état 
d’abstractions  pures,  dont  on  ne  cherche  pas  la  réalisation,  mais  les 
troubles  sociaux  et  politiques  renversent  à  chaque  instant  le  fragile  et  dé¬ 
licat  édifice  péniblement  élevé  par  les  soins  de  plusieurs  générations  de 
médecins  éclairés.  Nous  ne  passerons  pas  en  revue  les  desiderata  qu’offre 
sous  ce  rapport  notre  société  actuelle.  Il  suffira  d’indiquer  brièvement 
les  principes  qui  formeront  la  base  de  l’hygiène  publique  : . 

1“  Maladies  épidémiques  ou  endémiques  contagieuses  virulentes,  ou  pa¬ 
rasitaires.  —  Parmi  les  m.u.adies  PARASiTAffiES,  il  en  est  dont  la  guéri¬ 
son  ou  la  prophylaxie  exigent  des  soins  qui  sont  du  ressort  de  l’hygiène 
vulgaire  :  propreté;  telles  sont  les  maladies  parasitaires  cutanées  ;  la 
phthiriase,  la  présence  de  parasites  grossiers  et  visibles,  dont  la  malpro¬ 
preté  et  l’incurie  entretiennent  le  développement. 

D’autres,  comme  la  gale  et  les  teignes,  exigent  des  soins  médicaux  et 
l’intervention  active  d’agents  sociaux  chargés  de  séquestrer  les  sujets 
affectés  et  d’empêcher  la  propagation.  Or  rien  de  semblable  n’existe,  et 
si  la  gale  a  dans  des  hôpitaux  spéciaux  des  centres  de  curation  suffi¬ 
sants,  il  n’en  est  pas  de  même  pour  la  teigne,  notamment  pour  l’herpès 
tonsurans  dont  le  développement  est  devenu  excessif  en  certains  pays 
notamment,  sans  qu’aucune  mesure  efficace  ait  été  prise  pour  en  arrêter 
les  progrès.  Les  maladies  vénériennes  ont  été  propagées  plus  que  jamais  à 
notre  époque  ;  la  gonorrhée  et  la  syphilis  ont  rarement  fait  plus  de  vic¬ 
times  et  là  encore  l’incurie  sociale  doit  être  prise  à  partie.  Les  hôpitaux 
de  vénériens  sont  insuffisants,  la  répression  est  nulle  et  la  propagation 
est  indéfinie.  La  connaissance  que  nous  avons  depuis  peu  d’années  des 
modes  nombreux  de  contagion  et  de  la  durée  prolongée  des  accidents 
contagieux,  rend  encore  plus  regrettable  cette  absence  de  mesures  effi¬ 
caces  pour  guérir  et  isoler  les  individus  affectés  de  cette  maladie.  Ces 
questions  sont  posées  par  les  médecins ,  mais  elles  ne  sont  point  encore 
susceptibles  d’une  solution  sociale,  si  l’on  en  juge  par  l’indifférence  publi¬ 
que  à  cet  endroit. 

Les  MALADIES  VIRULENTES  ET  CONTAGIEUSES,  telles  que  l’ophthalmie  puru¬ 
lente,  seront  éteintes  par  des  mesures  administratives  qui  permettront 
d’isoler  et  de  séquestrer  les  sujets  atteints  d’abord  de  ces  affections  ;  dans 
une  prison,  un  hôpital,  la  diffusion  se  fait  par  l’encombrement,  par  le 
contact  incessant  des  malades  avec  les  personnes  saines.  Le  simple  bon 
sens  indique  qu’il  faut  isoler  les  malades.  Ce  qui  manque  le  plus  à  notre 
société,  ce  n’est  pas  la  notion  du  vrai ,  c’est  la  volonté  d’agir.  Insister 
sur  les  moyens  de  séquestration  et  d’isolement,  ce  serait  sortir  de 
notre  rôle  qui  est  d’indiquer  le  fait-principe.  Quant  aux  voies  etmoyens, 
c’est  à  la  société  d’y  aviser.  Dès  à  présent^  toutes  ces  indications  peuvent, 
à  peu  de  frais  et  sans  opérer  de  violentes  réformes ,  passer  dans  la  pra¬ 
tique. 

Parmi  les  maladies  épidéüuques  ,  il  en  est  que  nous  voyons  régner  en 
tout  temps,  en  tout  pays,  et  qui  sont  depuis  longtemps  signalées  à  l’at¬ 
tention  publique  par  le  fait  même  de  leur  renouvellement  incessant.  Ces 


ÉPIDÉMIE.  575 

maladies  sont  consécutives  aux  plaies  et  à  V accouchement  ;  infection  pu¬ 
rulente  et  putride,  pourriture  d’hôpital,  érysipèles,  péritonite  ,  phlébite , 
puerpérisme  infectieux ,  tels  sont  les  noms  des  principales  manifestations 
inhérentes  à  ce  double  point  de  départ  ;  plaie,  accouchement.  Ces  ques¬ 
tions  sont  traitées  aux  articles  Érysipèle,  Pourriture  d’hôpital.  Puerpéral 
(état),  Purulente  (infection) ,  Thrombose  et  Veine,  avec  tous  les  dévelop¬ 
pements  qu’ elles  comportent. 

Nous  nous  bornerons  ici  à  quelques  généralités  sur  cette  matière. 

Quelle  que  soit  l’obscurité  qui  couvre  encore  à  nos  yeux  la  cause 
réelle,  matérielle,  de  ces  épidémies,  il  y  a  un  fait  qui  domine,  c’est  la 
contagion.  Ce  fait  incontestable  suffit  à  fixer  notre  jugement  et,  sans  plus 
tarder,  sans  attendre  une  solution  scientifique  qui  peut ,  pendant  long¬ 
temps  encore,  nous  faire  défaut,  nous  sommes  en  droit  de  dire  que  cette 
contagion  doit  être  et  peut  être  évitée. 

Et  d’abord  faut-il  faire  la  preuve  de  la  contagion?  Qui  doute  que  l’in¬ 
fection  purulente  sous  toutes  ses  formes,  y  compris  l’érysipèle,  la  phlé¬ 
bite,  etc.,  soit  contagieuse  et  qu’une  salle  de  blessés,  où  règne  cette  ma¬ 
ladie,  soit  meurtrière  pour  les  opérés  qui  y  seront  introduits  ?  La  même 
évidence  n’est-elle  pas  admise  pour  les  femmes  en  couches,  et  se  trouve- 
t-il  une  voix  qui  ose  s’élever  contre  le  fait  démontré  à  satiété  de  l’insalu¬ 
brité  des  maternités?  Non,  il  n’y  a  point  sur  ce  point  d’opposition  à  craindre 
dans  le  monde  savant.  Tout  au  plus  se  heurte-t-on  à  des  résistances  in¬ 
dividuelles  coupables,  que  l’intérêt  particulier  ou  l’apathie  entretiennent, 
et  dont  la  moralité  publique  devra  faire  justice.  Que  reste-t-il  à  dire 
au  médecin  sur  ces  faits?  un  seul  mot  :  réforme.  Il  ne  convient  plus  de 
discuter  sur  la  contagion  puisqu’elle  est  prouvée,  ni  sur  l’infection,  ni 
sur  l’encombrement,  ni  même  sur  le  groupement.  On  sait  que  ni  l’aéra¬ 
tion,  ni  la  grandeur  de  l’espace,  ni  l’écartement  des  lits  ,  ni  la  propreté 
ne  sont  de  suffisantes  garanties.  L’isolement,  l'abandon  des  lieux  infec¬ 
tés,  le  renoncement  aux  grands  hôpitaux ,  la  création  de  maisons  rusti¬ 
ques  en  plein  air,  à  la  campagne,  pour  les  opérés,  l’interdiction  formelle 
de  toute  opération  grave  et  non  urgente  tentée  dans  des  milieux  où  la 
statistique  donne  une  mortalité  constante  ou  presque  constante,  tel  est, 
en  peu  de  mots,  le  dernier  terme  de  l’hygiène  prophylactique. 

2“  Maladies  épidémiques  transportables  nécessitant  des  mesures  de  sé¬ 
curité  publique  internationale.  —  Les  hôpitaux-tentes  ou  baraques.  — 
Sous  ce  nom  ,  il  faut  comprendre  un  système  nouveau  et  qui  a  été  ac¬ 
cepté  avec  faveur  par  tous  les  chirurgiens  contemporains.  La  ventilation, 
la  dispersion,  les  soins  donnés  presque  en  plein  air,  telles  étaient  les  con¬ 
ditions  idéales  indiquées  par  les  hygiénistes.  Michel  Lévy  avait  prêché 
ces  préceptes.  Plus  récemment,  dans  notre  pays,  les  travaux  de  U.  Tré- 
lat,  de  Léon  Le  Fort,  ceux  de  la  commission  des  maternités  dans  la 
Société  de  médecine  des  hôpitaux,  ont  permis  d’envisager  le  côté  pratique 
de  cette  question.  La  statistique  montre  que  la  mortalité  des  amputés, 
blessés,  ou  femmes  en  couches ,  résulte  moins  de  la  nature  des  plaies 
ou  des  opérations,  de  la  maladresse  des  opérateursj  que  du  milieu  même 


576  ÉPIDÉMIE. 

où  ils  sont  placés  et  qui  est  meurtrier  ;  réformer  les  hôpitaux  paraît  im¬ 
possible  dans  le  moment  présent.  On  reconnaît  l’insuffisance  de  la  venti¬ 
lation  par  aspiration  ou  refoulement  de  l’air,  de  sorte  que  quelques  chi¬ 
rurgiens  tiennent  constamment,  même  en  hiver ,  les  fenêtres  de  leurs 
salles  d’amputés  largement  ouvertes,  ce  qui  n’est  pas  sans  danger.  Le 
premier  essai  d’un  système  nouveau  d’hôpitaux  de  campagne,  mobiles  et 
placés  en  plein  air,  a  eu  lieu  nécessairement  pendant  une  guerre;  ce 
fut  en  1854,  devant  Sébastopol ,  qu’on  vit  d’abord  (Varna)  des  hôpitaux 
de  toile  (tentes),  puis  des  baraques  en  bois,  construites  par  les  Anglais 
à  Balaclava,  et  dont  Michel  Lévy  a  fait  l’éloge.  Plus  tard,  pendant  la 
guerre  de  la  sécession  ,  en  Amérique,  ce  système  fut  appliqué  sur  une 
large  échelle.  En  Allemagne  ,  les  travaux  de  Krauss  (1861)  eurent  pour 
effet  de  transporter  dans  la  pratique  quotidienne  et  en  temps  de  paix, 
ce  système  hospitalier,  et  les  baraques  furent  inaugurées  à  côté  de  plu¬ 
sieurs  grands  hôpitaux,  notamment  à  Berlin,  par  les  soins  de  Langen- 
beck.  Le  modèle  et  la  description  de  ces  hôpitaux  mobiles  et  aérés  sera 
donné  à  l’article  Hôpital.  Sur  la  proposition  de  la  Société  de  chirurgie , 
l’assistance  publique,  à  Paris,  a  consenti  à  quelques  essais  qui  ont  donné 
des  résultats  très-satisfaisants.  Les  avantages  de  ce  système  peuvent  être 
ainsi  résumés  ;  aération  naturelle  et  constante,  dispersion  des  malades, 
conditions  obtenues  par  le  système  des  tentes  et  baraques ,  servant  de 
logement  aux  blessés  et  opérés  susceptibles  d’engendrer  et  de  transmettre 
des  maladies  infectieuses. 

Ce  système  peut  être  appliqué,  non-seulement  au  traitement  des  mala¬ 
dies  chirurgicales,  mais,  en  temps  de  grandes  épidémies  populaires ,  de 
typhus,  de  choléra,  de  variole,  il  pourrait  être  utilisé,  d’autant  mieux  que 
cette  sorte  d’hôpitaux  peut  être  improvisée  et  ne  comporte  aucune  pré¬ 
paration  architecturale,  aucun  des  retards  que  l’on  rencontre  d’habitude 
dans  la  pratique  à  cause  des  difficultés  matérielles  de  l’exécution.  On  peut 
faire  les  baraques  ou  tentes  aussi  petites  que  possible;  il  y  a  toujours 
avantage  à  y  loger  un  petit  nombre  seulement  de  malades,  la  salubrité 
étant  en  raison  inverse  du  nombre. 

Les  mesures  internationales  propres  à  arrêter  les  grandes  épidémies 
consistent  principalement  dans  la  prohibition  appliquée  aux  voyageurs  et 
aux  marchandises  qui  débarquent  à  la  frontière  et  qui  proviennent  d’un 
lieu  infecté.  Depuis  la  plus  haute  antiquité,  on  a  tenté  d’arrêter  par  ce 
moyen  la  propagation  des  épidémies.  Les  cordons  sanitaires,  les  lazarets, 
les  quarantaines,  la  désinfection  des  objets  ayant  été  au  contact  de  la  ma¬ 
tière  infectieuse,  tels  étaient  les  moyens  employés.  C’était  surtout  sur  les 
côtes  maritimes,  dans  les  ports  de  mer ,  que  ces  mesures  étaient  appli¬ 
quées  avec  plus  ou  moins  de  rigueur,  souvent  sans  efficacité,  quelquefois 
dans  des  proportions  tout  à  fait  arbitraires.  Ces  mesures  ont  été  tour  à 
tour  exagérées  ou  abandonnées. 

Dans  notre  pays,  les  ports  de  la  Méditerranée  étaient  plus  particulière¬ 
ment  soumis  à  cette  surveillance,  en  raison  de  la  provenance  habituelle 
de  la  peste,  qui  venait  du  Levant.  Après  la  découverte  de  l’Amérique  et 


ÉPlDÉMIli:.  577 

lorsque  la  navigation  entretint  des  rapports  avec  les  Indes  occidentales  et 
avec  les  Indes  orientales,  les  ports  de  l’Océan  furent  également  surveillés. 
La  fièvre  jaune  fit  quelques  apparitions  sur  nos  côtes  de  l’Océan,  mais  le 
choléra  surtout  fut  importé  en  Europe,  venant  d’Asie,  et  contre  cette  ma¬ 
ladie  les  prohibitions  aux  frontières  furent  impuissantes.  11  est ,  en  effet, 
trop  évident  que  ces  maladies  viennent  par  terre  et  que  les  moyens  de 
transit  sont  tellement  multipliés  que  l’on  ne  peut  plus  opposer  de  bar¬ 
rière  efficace  à  l’introduction  de  voyageurs  et  de  marchandises,  qui  vien¬ 
nent  avec  une  telle  rapidité  que  la  nouvelle  même  de  la  marche  d’une 
épidémie  a  pu  ne  pas  les  précéder.  D’ailleurs,  on  ignore  le  lieu  de  pro¬ 
venance  de  ces  agents  de  transmission.  Cependant  il  existe  encore  quel¬ 
ques  règles  prohibitives  qui  s’appliquent  principalement  à  la  navigation 
et  qui  peuvent  rendre  des  services.  Nous  en  citons  quelques  articles  d’ori¬ 
gine  récente  : 

nÈGLEMENT  SANITAIRE  INTERNATIONAL  DE  1853 
Titre  I*'.  —  Dispositions  générales. 

Article  premier.  —  Conformément  à  l’article  1“  de  la  convention  sanitaire  interna¬ 
tionale  conclue  entre  la  France  et  diverses  autres  puissances  maritimes,  les  mesures  de 
précaution  qui  pourront  être  prises  sur  les  frontières  de  terre  seront  : 

L’isolement  ; 

La  formation  des  cordons  sanitaires  ; 

L’établissement  de  lazarets  permanents  ou  temporaires  pour  l’accomplissement  des 
quarantaines. 

Art.  2.  —  Le  droit  accordé  atout  port  sain  de  se  prémunir  contre  un  bâtiment  sus¬ 
pect  ou  malade  pourra  aller  jusqu’à  l’isolement  du  navire  et  l’adoption  des  mesures  hygié¬ 
niques  que  les  circonstances  rendraient  nécessaires. 

Art.  3.  —  Quel  que  soit  le  nombre  des  malades  qui  se  trouveront  à  bord  et  la  na¬ 
ture  de  la  maladie,  un  navire  ne  pourra  jamais  être  repoussé,  mais  il  sera  assujetti  aux 
précautions  que  commande  la  prudence,  tout  en  conciliant  les  droits  de  l’bumanité  avec 
les  intérêts  de  la  santé  publique. 

Dans  les  ports  qui  n’auront  pas  de  lazaret,  l’administration  sanitaire  locale  détermi¬ 
nera  si  le  bâtiment  suspect  ou  malade  doit  être  dirigé  sur  un  lazaret  voisin,  ou  peut 
rester  au  mouillage  dans  un  lieu  réservé  et  isolé,  sous  la  garde  de  l’autorité  sanitaire. 

11  ne  pourra  être  dirigé  sur  un  autre  lazaret  qu’après  avoir  reçu  les  secours  et  soins 
que  réclamerait  son  état  ou  celui  de  ses  malades,  et  avoir  obtenu  les  moyens  de  continuer 
sa  route. 

.Art.  a.  —  La  peste,  la  fièvre  jaune  et  le  choléra  étant,  d’après  la  convention,  les  seules 
maladies  qui  entraînent  des  mesures  générales  et  la  mise  en  quarantaine  des  lieux  de 
provenance,  les  précautions  prises  contre  les  autres  maladies,  quelles  qu’elles  soient,  ne 
s’appliqueront  jamais  qu’aux  seuls  bâtiments  suspects  ou  malades. 

Titre  II.  —  Mesures  relatives  au  départ. 

Art.  5.  —  Les  mesures  relatives  au  départ  comprendront  :  l’observation,  la  surveil¬ 
lance  et  la  constatation  de  l’étal  sanitaire  du  pays;  la  vérification  et  la  constatation  de 
l’état  hygiénique  des  bâtiments  qui  en  partent,  de  leurs  cargaison  et  vivres,  de  la  santé 
des  équipages,  des  renseignements,  quand  il  y  a  lieu,  sur  la  santé  des  passagers,  et  enfin 
les  patentes  de  santé  et  tout  ce  qui  s’y  rapporte. 


Titre  III.  —  Mesurés  sanitaires  pendant  la  traversée. 

Art.  30.  —  Tout  bâtiment  en  mer  devra  être  entretenu  en  boa  état  d’aération  et  de 
propreté. 

A  cet  effet,  chacune  des  nations  contractantes  fera  rédiger,  dans  le  plus  bref  délai,  une 

.NOBV.  DICT.  MED.  ET  Clllll.  XI[[.  —  57 


il8 


ÉPIDÉMIE. 


instruction  pratique  et  suffisamment  détaillée,  prescrivant  les  mesures  de  propreté  e 
d’aération  à  observer  en  mer. 

Art.  36.  —  En  cas  de  décès  arrivé  en  mer  après  une  maladie  de  caractère  suspect,  les 
effets  d’habillement  et  de  literie  qui  auraient  servi  au  malade  dans  le  cours  de  cette  ma¬ 
ladie  seront  brûlés,  si  le  navire  est  au  mouillage,  et,  s’il  est  en  route,  jetés  â  la  mer,  avec 
les  précautions  nécessaires  pour  qu’ils  ne  puissent  surnager. 

.  Les  autres  effets  du  même  genre  dont  l’individu  n’aurait  point  fait  usage,  mais  qui  se 
seraient  trouvés  à  sa  disposition,  seront  immédiatement  soumis  à  l’évent  ou  à  toute  autre 
purification. 

Titre  IV.  —  Mesures  sanitaires  à  l’arrivée. 

Art.  37.  —  Tout  bâtiment  sera,  à  l’arrivée,  soumis  aux  formalités  de  la  reconnaissance 
et  de  l’arraisonnement. 


Art.  43.  —  Lorsqu’il  existera  des  malades  à  bord,  ils  seront,  à  leur  demande,  débar¬ 
qués  le  plus  promptement  possible,  et  recevront  les  soins  qu’exigera  leur  état. 

Art.  44,  —  Si  le  navire,  quoique  muni  d’une  patente  nette,  et  n’ayant  eu  pendant  la 
traversée  aucun  cas  de  maladie,  se  trouvait,  par  la  nature  de  sa  cargaison,  par  son  état 
d’encombrement  ou  d’infection,  dans  des  conditions  que  l’agent  de  santé  jugerait  suscep¬ 
tibles  de  compromettre  la  santé  publique,  le  navire  pourra  être  tenu  en  réserve  jusqu’à 
ce  qu’il  ait  été  statué  par  l’autorité  sanitaire. 

La  décision  devra  être  rendue  dans  les  vingt-quatre  heures. 

Art.  45.  —  Selon  les  conditions  de  salubrité  du  navire,  l’autorité  sanitaire  pourra,  si 
elle  le  juge  convenable,  ordonner  comme  mesure  d’hygiène  : 

Le  bain  et  autres  soins  corporels  pour  les  hommes  de  l’équipage  ; 

Le  déplacement  des  marchandises  à  bord  ; 

L’incinération  ou  la  submersion  à  distance  dans  la  mer  des  substances  alimentaires  et 
des  boissons  gâtées  ou  avariées,  ainsi  que  des  marchandises  de  nature  organique  fermen¬ 
tées  ou  corrompues; 

■  Le  lavage  du  linge  et  des  vêtements  de  l’équipage; 

Le  nettoyage  de  la  cale,  l’évacuation  complète  des  eaux  et  la  désinfection  de  la  sentine: 
L’aération  de  tout  le  bâtiment  et  la  ventilation  de  ses  parties  profondes  au  moyen  de  la 
pompe  à  air  ou  de  tout  autre  moyen  ; 

Les  fumigations  chimiques,  le  grattage,  le  frottage  et  le  lavage  des  bâtiments; 

Le  renvoi  au  lazaret. 

Quand  ces  opérations  diverses  seront  jugées  nécessaires,  elles  seront  exécutées  dans 
l’isolement  plus  ou  moins  complet  du  navire,  selon  la  disposition  des  plages  et  des  locali¬ 
tés,  mais  toujours  avant  l’admission  à  la  libre  pratique.  Napoléon. 

I.  Maladies  e2)idcmiques  en  général. 

Hippocrate,  Œuvres,  Iraduct.  Littré.  Paris,  1840,  t.  II  (Épidémies).  . 

Baiclod,  Opéra  omnia,  ed.  Tronchin.  Genevæ,  1762.  Épidémies  et  éphéniérides,  trad.  avec  une 
Introduction  et  des  notes  par  Prosper  Yvaren.  Paris,  1858,  in-8. 

SïDESttAM  (Th.),  Opéra  omnia  medica.  Genevæ,  1769,  2  vol.  in-4. 

Stoll,  Ratio  medendi.  Vindobonæ,  1777-1790. 

Padlet,  Recherches  historiques  et  physiques  sur  les  maladies  épizootiques.  Paris,  1775. 
Valentics  (F.),  Memoria  epidemiarum  et  pestium  omnis  ævrchronologice  proposita.  Dissertatio, 
Vindobonæ,  1784,  in-8.. 

Webster  (N.),  A  brief  Ilistory  of  Epidémie  and  pestilential  Diseases.  London,  1800.  2  vol.  in-8. 
SciixuRREH,  Materialen  zu  einer  allgemeinen  Katurlehre  der  Epidemien  und  Contagion.  Tübiii- 
gen,  1810,  in-8,  trad.  en  français  ];ar  Gasc  et  Breslau.  Paris,  1815,  in-8. 

Nacquart  (J.  B.),  Dict.  des  sciençcs  médicales.  Paris,  1815,  t.  XII,  art.  Épidémie. 

OzAXAM  (J.  A.  F.),  Histoire  médicale  générale  et  particulière  des  maladies  épidémiques,  conla- 
.  gieuses  et  épizootiques  qui  ont  régné  en  EuTope.  Lyon  et  Paris,  1817-18-23;  2"  édition.  Lyon, 
1855,  4  vol.  in-8. 

VVagîîer  (R.),  Die  wcllgcschichtliche  Entwickelung  der  cpidemischcn  und  contagiosen  Krank- 
beiten:  Würzburg,  1826,  in-8. 

Fodéré,  Leçons  sur  les  épidémies  et  l’hygiène  publique.  Strasbourg,  1823,  4  vol.  in-8. 
Monkeret,  Considérations  génér.  sur  les  épidémies,  thèse  de  doctorat.  Paris,  1855,  n°2l5. 


ÉP[DÉM1E.  579 

ViLLEBUÉ  (L.  R.),  Des  épidémies  sous  le  rapport  de  l’hygiène  publique,  de  la  statistique  et  de 
l’économie  politique  [Ann.  d’hyg.publ.  et  de  méd.  légale.  Paris,  1855,  f.  IX,  p.  5). 

Hancock  (T.),  Cyclopœdia  of  praclical  Medicine  edited  by  Forbes  Tweedie,  Conolly.  London, 
1855,  Tol.  II,  art.  Ewbemï. 

Andbal,  Dict.  de  méd.  et  de  chir.  pratiq.  Paris,  1851,  t.  VII,  art.  Épidéhie. 

Litteé  (E.),  Des  grandes  épidémies  [Revue  des  Deux  Mondes, 18Z6,  4»  série,  t.  V). 

Hæseb  (H.),  Bibliotheca  epidemiograpbica  sive  catalogus  librorum  de  hist.  morb.  epidem.  lenæ, 
1845,  in-8.  —  Addimenta  collegit  atque  edidit  J.  T.  Thierfelder.  Meissen,  1845,  in-8. 

Béhieb,  De  l’influence  épidémique  sur  les  maladies,  thèse  de  concours  pour  l’agrégation.  Paris, 
1844.  1 

Prdts  van  deb  Hœven,  De  historia  morborum,  liber  unus.  Lugduni  Batav.,  1846,  560  p. 

Anglada  (Ch.),  Traité  delà  contagion,  pour  servir  àl’bistoire  des  maladies  contagieuses  et  des 
épidémies.  Paris,  1855. 

Bascome  (E.),  History  of  Epidémie  pestilences  from  the  earliest  âges  1495  Years  before  the 
birth  of  our  Saviour  to  1848.  London,  1851,  in-8. 

Marchai,  (de  Calvi),  Des  épidémies,  thèse  de  concours.  Paris,  1852. 

Boudin  (J.  Ch.  M.),  Traité  de  géographie  et  de  statistique  médicales  et  des  maladies  endémi¬ 
ques.  Paris,  1857,  2  vol.  in-8. 

Hirsch  (Aug.),  Handbuch  der  historisch- geograpbischen  Pathologie.  Erlangen,  1860-1864, 
2  vol.  in-8. 

Fdchs  (C.  F.),  Die  epidemischen  Krankheiten  in  Europa  in  ihren  Zusammenhange  mit  den 
Erscheinungen  des  Erdmagnetismus,  den  Vorgângen  in  der  Atmosphère  und  der  Geschichte 
der  Kulturvolker  dieses  Erdlheils  dargestellt.  Weimar,  1860,  gr.  in-8,  151  p. 

Transactions  of  the  Epidemiological  Society  of  London,  1860-1870,  vol.  I-II,  in-8. 

Hæseb  (H.),  Bibliotheca  epidemiograpbica,  sive  catalogus  librorum  de  historia  morborum  epi- 
demicorum.  Griphisvaldiæ,  1862,  in-8. 

Tardieh  (A.),  Dictionnaire  d’hygiène  publique  et  de  salubrité;  2“ édit.  Paris,  1862,  t.  II,  ar¬ 
ticle  Epidémies. 

IIeckeb,  Die  grossen  Yolkskrankbeiten.  Berlin,  1865,  in-8. 

Goubadd  (Xavier),  Caractères  génér.  des  malad.  épidémiques,  thèse  de  concours  d’agrégation. 
Paris,  1866. 

Hæser  (H.),  Lehrbuch  der  Geschichte  derMedicin  und  der  epidemischen  Krankheiten.  lena,  1867. 

Depadtaine  (Léon),  Des  grandes  épidémies  et  de  leur  prophylaxie  internationale,  avec  le  texte 
des  lois,  décrets,  arrêtés,  ordonnances  et  instructions  qui  s’y  rattachent.  Paris,  1868,  in-8. 

II.  Maladies  épidémiques  en  Angleterre  et  en  France. 

Gibaddet  (A.),  Des  anciennes  pestes  de  Tours  (580  à  1659).  Tours,  1855,  in-8,  64  p. 

Boutiot  (T.),  Recherches  sur  les  anciennes  pestes  de  Troyes.  Paris,  1857,  in-8,  60  p. 

llüxHAU  (J.),  Observationcs  de  aere  et  morbis  epidemicis  Plymouthi  factæ  ab  anno  1228  ad 
ann.  1752.  Venet.,  1764. —  Essai  sur  différentes  esp.  de  fièvre.  Paris,  1764,  et  in  Opéra  omnia 
cur.  Hamel.  Lipsiæ,  1829,  in-8. 

Mémoires  de  la  Société  royale  de  médecine.  Paris.  1776-1789,  10  vol.  in-4.  (Collection  im¬ 
portante  à  consulter  pour  les  constitutions  épidémiques  de  la  France.) 

Rapport  de  la  commission  de  l’Académie  royale  de  médecine  chargée  de  rédiger  un  projet 
d’instruction  relativement  aux  épidémies  par  Double  [Mémoires  de  VAeadémie  de  médecine. 
Paris,  1828,  t.  I,  p.  245-279).  —  Rapport  sur  les  épidémies  qui  ont  régné  ch  France,  de 
1771  à  1829,  par  Villeneuve  [ib.,  p.  577-429);  1850  à  1856,  par  Piobrï  [ib.,  VI,  p.  1-24)  ; 
1836,  1837,  1838,  par  Piorrï  [ib.,  t.  VH,  p.  141-156)  ;  1839  et  1840,  par  Bbichete,™  [iô., 
t.  IX,  p.  31-64);  1841-46,  par  E.  Gaultier  de  Cladbry  [ib.,  t.  XIV,  p.  1-188);  1847,  par 
E.  Gaultier  de  Claubeï  [ib.,  t.  XV,  p.  1  à  40);  1848,  1849,  par  E.  Gadltieede  Cladbry  [ib., 
t.  XVI,  p.  1-67)  ;  1850,  par  Michel  Lévy  [ib.,  t.  XVII,  p.  ivii-cvii)  ;  1851,  par  E.  Gaultier  de 
Glaubry  [ib.,  t.  XVII,  p.  cix-clxxxviii)  ;  1852,  par  E.  Gaultier  de  Cladbry  [ib.,  t.  XVIII, 

•  p.  lxix-clxxxiv);  1853,  par  E.  Gaultier  de  Cladbry  [ib.,  t.XIX,  p.  xli-cxcix);  1854,  parBaRTH 
[ib.,  t.  XX,  p.  cxxii-ccxl)  ;  1855,  par  Barth  [ib.,  t.  XXI,  p.  ciii-ccxlvi)  ;  1856,  par  A.  Trous¬ 
seau  [ib.,  t.  XXII,  p.  LXXI-XCIX)  ;  1857,  par  A.  Tboussead  [ib.,  t.  XXIII,  p.  xxix-cii)  ;  1858, 
par  Trousseau  [ib.,  t.  XXIV,  p.  xxxi-l)  ;  1859,  1800,  par  Jolly  [ib.,  t.  XXV,  p.  lxi-xcii, 
p.  cxLix-cLxxx)  ;  1861,  par  Jolly  [ib.,  t.  XXVI,  p.  lxxxi-cviii)  ;  1862,  par  de  Kekgaradec  [ib., 
t.  XXVI,  p.  cxcii-ccxLix)  ;  1863,  1864,  par  de  Kergaiudec  [ib.,  t.  XXVII,  p.  lxxxvii-clxxxvii, 
p.  ccLXXi-cccxxxviii)  ;  1865,  parBEROERON  [ib.,  t.  XXVIII,  p.  lii-cxiv)  ;  1866,  par  Briquet  [ib., 
t.  XXVIII,  p.  ccxxvii-ccxcviii);  1867, 1868,  par  Briquet  [ib.,  t.  XXIX,  p.  Liv-cxxi.vi,cciii-cccxx). 

Gïndron,  Maladies  épidémiques  (dans  les  petites  localités)  [Journal  des  eonnaissanccs  médico^ 
ehirurgieales,  2»  année,  janvier  1835,  n«  5,  p.  129). 


580  ÉPIDÉMIE. 

Fiîstee,  Des  maladies  do  la  France  dans  leurs  rapports  avec  les  saisons,  ou  Histoire  médicale  e 
météorologique  de  la  France.  Paris,  1840. 

Stiévenart,  Histoire  médicale  des  pestes  à  Valenciennes.  Valenciennes,  1841,  in-8. 

Bégis  (E.  a..),  Lettres  sur  quelques  phlegmasies  muqueuses  qui  ont  régné  depuis  deux  siècles 
dans  le  nord-est  de  la  France.  Metz,  1842,  in-8. 

Rapport  sur  les  épidémies  de  l’arrondissement  de  Rouen,  depuis  vingt-deux  ans,  par  M.  Ving- 
trinier  [Rapport  général  sur  les  travaux  du  conseil  de  salubrité  du  département  de  la 
Seine-Inférieure.  Rouen,  1849,  p.  39). 

Gdyon  {J.  L.  6.),  Histoire  chronologique  des  épidémies  du  nord  de  la  France.  Alger,  1855,  in-8. 

Chacffaed,  Étude  clinique  sur  la  constitution  médicale  de  l’année  1862,  suivie  de  réflexions  sur 
l’importance  pratique  de  l’observation  des  constitutions  médicales.  Mémoire  lu  à  la  Société 
médicale  des  hôpitaux.  Paris,  1863. 

La  bibliographie  de  chaque  maladie  épidémique  en  particulier  sera  plus  utilement  placée  à  la 

suite  des  articles  consacrés  au  Choléra,  à  I’Ergotisme,  à  la  Fièvre  jaü.ve,  à  la  Folie,  à  I’Ophthalmie, 

à  la  Syphius  et  à  la  Variole,  à  la  Fièvre  puerpérale,  au  Typhus.  Nous  nous  bornerons  aux  in¬ 
dications  suivantes. 

ZiHMERMAKN  (J.  G.),  Traité  de  la  dysenterie,  trad.  de  l’allemand  par  Lefebvre  de  Villebrune. 
Paris,  1775,  in-12. 

Sarcome  (M.),  Istoria  ragionata  de’  mali  osservati  in  Napoli.  Napoli,  1765,  3  vol.  in-8. 

Lepecq  de  la  Clôture  (L.),  Collection  d’observations  sur  les  maladies  et  constitutions  épidémi¬ 
ques.  Paris  et  Rouen,  1776-1778,  3  vol.  in-4. —  Sijiox  (Max.).  Étude  pratique,  rétrospective 
et  comparée  sur  le  traitement  des  épidémies  au  dix-huitième  siècle.  Appréciation  et  Éloge 
de  Lepecq  de  la  Clôture.  Paris,  1853,  in-8. 

Van  Swieten,  Constitutiones  epidemicæ  et  morbi  potissimum  Lugduni  Batavorum  observati  et 
ejusdem  observationes  edid.  M.  Stoll.  Vindobonæ  et  Lipsiæ,  1782. 

Stores  (W.),  Sketch  of  the  medical  and  statistical  History  of  Epidémie  Fevers  in  Ireland  from 
1798  and  of  pestilential  Diseases  since  1823.  Dublin,  1833,  in-8. 

Tohmasini  (J.),  Sulla  Febbre  di  Livorno  del  1804,  sulla  febbre  gialla  americana  e  sulle  malattie 
di  genio  analogo.  Parma,  1805;  trad.  en  français,  Paris,  1812. 

Bateman  (Th.),  Reports  on  the  Diseases  of  London  and  the  siale  of.the  iVheather  from  1804  lo 
1816.  London,  1819,  in-8. 

Cheyne  (J.),  An  Account  of  the  rise,  progress  and  décliné  of  the  Fever  lately  epidemical  in  Ire¬ 
land.  London,  1821,  2  vol.  in-8. 

Guérard  (a.).  Des  inhumations  et  des  exhumations  sous  le  rapport  de  l’hygiène.  Thèse  de  con¬ 
cours  pour  la  chaire  d’hygiène.  Paris,  1858.  A  exposé  les  deux  opinions  relativement  aux  effets 
des  émanations  putrides  sur  la  santé  :  1“  pour  l’innocuité  :  Rusch  (épidémie  de  lièvre  jaune 
de  1793)  ;  Clarke-Warren  (épidémie  de  1798)  ;  santé  des  fossoyeurs  et  autres  employés  aux 
inhumations;  salle  de  dissection  (Warren,  Journal  des  progrès,  t.  XIX,  p.  66;  Parent-Du¬ 
châtelet,  Annales  d'hygiène,  t.  V,,  VIII,  IX)  ;  2“  pour  la  nocuité  :  quelques  cas  particuliers 
comme  celui  de  Vaidy,  Rict.  des  sciences  méd.,  art.  Dysenterie  ;  Navier,  Dangers  des  inhu¬ 
mations  précipitées,  1775';  expériences  directes  de  Vicq-d’Azyr  (1774,  1775)  avec  les  gaz 
provenant  de  l’estomac  et  des  intestins  d’animaux  qui  avaient  succombé  à  l’épizootie;  l’inspi¬ 
ration  de  ces  gaz  communiqua  la  maladie  à  des  bestiaux  sains  (Guérard,  p.  42). 

Calmeil,  De  la  folie  considérée  sous  le  point  de  vue  pathologique,  philosophique,  historique  et 
judiciaire...  description  des  grandes  épidémies  de  délire  qui  ont  atteint  les  populations  d’au¬ 
trefois  et  régné  dans  les  monastères.  Paris,  1845. 

Jacquot  (Fel.),  De  l’origine  miasmatique  des  fièvres  endémo-épidémiques,  dites  intermittentes, 
palustres  ou  à  quinquina  [Annales  d'hygiène  publ.,  2'  série,  1854-1855,  t.  II  et  III). 

Haller  (Karl),  Die  Volkskrankheiten  in  ihrer  Abhângigkeit  von  den  Witlorungs-Verhâltnissen. 
Ein  statist.  Versuch  nach  10  jâhr.  Beobacht.  im  k.  k.  Krankenhause  zu  Wien.  Mit  10  meteorol. 
Tafeln  imd  28  Darstellungen  des  Krankheitsganges  [Denkschriften  d.  k.  Âkademie  der  Wis- 
senschaften,  yUca,  1860,  in-4). 

Anglada  (Ch.),  Études  sur  les  maladies  éteintes  et  sur  les  maladies  nouvelles  pour  servir  à  l’his¬ 
toire  des  évolutions  séculaires  de  la  pathologie.  Paris,  1869,  in-8. 

Annales  d'hygiène  puMigue,  1829-1871,  passira. 

Bulletin  de  l'Académie  de  médecine,  1836-1871,  passim. 

Paul  Loiiain. 

ÉPIDERME.  Voy.  Épithélium  et  Peau, 

ÉPlDIDimiES,  ÉPIDIDYMITE.  Foi/.  Blehnobrhagie  et  Testicule. 


ÉPILEPSIE.  —  DIVISIONS. 
ÉPURATOIRES.  Voy.  Pileux  (Système). 


58! 


ÉPBLEPSIE.  —  Morbus  major  (Celse),  morbus  sorticus,  lunaticus, 
astralis,  caducus,  mnitialis,  herculeus,  heræcleus,  sacer,  divus,  mal  Saint- 
Jean,  mal  Saint-Gilles,  morbus  dæmoniacus,  Fallsucht  des  Allemands,  epi- 
lepsy,  falling  sickness. 

Définition.  —  L’épilepsie  éveille  en  général  dans  l’esprit  l’idée  d’une 
affection  caractérisée  par  des  attaques  convulsives  avec  cri,  perle  de  con¬ 
naissance  subite,  laideur  du  visage,  convulsions  des  yeux,  raideur  et  con¬ 
torsion  des  membres,  écume  à  la  bouche,  immobilité  des  pupilles.  Mais 
je  me  hâte  d’ajouter  que,  si  l’on  circonscrivait  l’épilepsie  dans  ces  sym¬ 
ptômes,  on  courrait  grand  risque  de  méconnaître  la  plupart  des  cas  d’épi¬ 
lepsie,  car  rien  n’est  varié  comme  les  modes  de  cette  maladie,  que  l’on 
peut  regarder  comme  essentiellement  protéiforme. 

La  vulgarisation  des  bizarreries  de  cette  affection  est  surtout  due  à 
Trousseau,  à  Th.  Herpin  et  à  B.  A.  More],  qui  ont  rendu  ainsi  à  la  science 
un  service  des  plus  importants. 

Profitant  des  travaux  de  ees  maîtres,  nous  pensons  donc  que  l’on  doit 
définir  l’épilepsie  une  maladie  chronique,  apyrétique,  caractérisée  par 
des  attaques  convulsives,  des  vertiges,  des  absences,  qui  frappent  Vindi- 
vidu  d’une  façon  irrégulière,  au  milieu  delà  santé,  souvent,  en  apparence, 
la  plus  parfaite. 

L’épilepsie  est  bien  une  maladie  et  non  pas  un  symptôme,  malgré  ce 
que  peuvent  dire  certains  auteurs,  qui  ne  me  paraissent  pas  avoir  suffi¬ 
samment  vécu  au  milieu  d’une  population  d’épileptiques.  L’épilepsie 
confirmée  se  traduit,  en  effet,  par  une  physionomie  à  part,  donne  à  l’in¬ 
dividu  des  caractères  spéciaux,  et  imprime  à  l’intelligence  une  tournure 
particulière. 

Di-visions.  — Les  divisions  qui  ont  été  fondées  d’après  les  différentes 
sortes  d’aura,  sont  toutes  entachées  d’erreur,  car  elles  semblent  admettre 
que  l’origine  du  mal  est  là  d’où  part  l’aura  ;  or  rien  n’est  plus  faux,  nom¬ 
bre  de  faits  prouvant  que  l’aura  est  presque  toujours  le  retentissement 
périphérique  d’une  lésion  centrale. 

D’un  autre  côté,  les  divisions  qui  s’appuient  sur  la  cause  et  la  nature 
pré.sumée  de  la  maladie  ne  résistent  pas  à  l’observation  ;  les  épilepsies 
dites  atoniques,  pléthoriques,  apoplectiques,  rhumatismales,  métastati¬ 
ques,  ne  sont  rien  moins  que  prouvées,  et  peuvent  être  traitées  par  des 
moyens  identiques. 

La  division  que  je  considère  comme  la  meilleure,  et  qui  est  du  reste 
adoptée  par  la  plupart  des  auteurs  modernes,  admet  une  épilepsie  idio¬ 
pathique,  une  épilepsie  symptomatique,  et  une  épilepsie  sympathique. 

L’épilepsie  idiopathique  est  celle  dont  les  causes  prédisposantes  sont 
une  grande  impressionnabilité,  de  l’exaltation  de  la  sensibilité,  et  dont  les 
causes  occasionnelles  sont  des  émotions  vives,  des  impressions  pénibles, 
la  peur,  l’onanisme,  des  excès  vénériens.  Le  nom  d’épilepsie  idiopathique 
doit  aussi  être  donné  à  ces  cas  où  la  maladie  est  en  rapport  avec  des  né- 


582  ÉPILEPSIE.  —  divisions. 

vroses  héréditaires,  telles  que  l’hy-stérie,  la  chorée,  et  à  plus  forte  raison 
l’épilepsie;  mais  il  n’est  pas  nécessaire  que  les  ascendants  aient  été  épi¬ 
leptiques;  il  suffit  qu’ils  aient  eu  une  névrose  de  l’ordre  convulsif,  ou 
même  quelquefois  une  névrose  non  convulsive.  Né  avec  une  semblable 
prédisposition  héréditaire,  un  individu  devient  épileptique,  sous  l’in¬ 
fluence  de  certaines  conditions,  aussi  bien  qu’il  serait  devenu  choréique 
ou  hystérique. 

L’épilepsie  symptomatique  se  lie  manifestement  à  quelque  lésion  ma^ 
térielle  des  centres  nerveux,  ainsi  à  une  fracture  du  crâne,  à  une  tumeur 
du  cerveau,  à  une  déformation  du  rachis. 

L’épilepsie  sympathique  se  rattache  à  une  lésion  des  nerfs  périphéri¬ 
ques,  aux  vers  intestinaux. 

Symptômes.  —  L’épilepsie  ne  se  caractérise  pas  d’emblée  d’ordi¬ 
naire  et  dès  les  premiers  temps  par  des  attaques  convulsives  seules,  et 
de  nombreux  phénomènes  morbides  peuvent  séparer  l’épilepsie  confir¬ 
mée  de  l’état  de  santé.  Lorsqu’on  interroge  un  épileptique,  on  apprend 
que,  dans  l’immense  majorité  des  cas,  l’intervalle  de  temps  qui  a  séparé 
le  moment  de  la  cause  efficiente  et  le  moment  de  la  première  attaque  a 
été  occupé  par  des  symptômes  variés,  mais  caractéristiques  ;  ainsi,  après 
une  peur,  des  enfants  sont  pris  d’un  tremblementgénéral  qui  persiste  un 
certain  nombre  d’heures,  puis  ils  éprouvent  pendant  quelques  jours  des 
sensations  diverses  de  la  nature  des  auras,  des  secousses  partielles  ou  gé¬ 
nérales,  des  tics,  des  étourdissements,  des  bourdonnements  d’oreille. 
Ces  phénomènes  se  compliquent  bientôt  de  symptômes  plus  significatifs, 
qui  ont  été  décrits  par  Th.  Herpin,  sous  le  nom  à’accès  incomplets,  et 
qui  consistent  en  :  crampes  d’un  membre,  convulsions  partielles,  spasmes 
viscéraux,  vertiges,  commotions. 

Ces  manifestations  sont  des  attaques  réduites  à  leurs  symptômes  ini¬ 
tiaux  ou  avortant  à  une  période  plus  ou  moins  avancée  de  leur  cours. 
Th.  Herpin  a  longuement  insisté  sur  ce  fait,  et  ü  a  montré  de  quelle  im-, 
portance  il  était  de  les  bien  reconnaître  pour  attaquer  cette  maladie  en 
temps  opportun,  et  dans  une  phase  où,  le  plus  souvent  bornée  à  de  très- 
légères  atteintes,  elle  est  plus  facile  à  guérir. 

Ce  n’est  le  plus  souvent  qu’après  l’existence  de  la  maladie,  à  l’état 
fruste,  pendant  quelques  jours,  quelques  mois,  des  années  mêmes,  que 
se  déclare  la  première  attaque  convulsive.  Alors  l’épilepsie  est  confirmée, 
elle  est  constituée  par  des  attaques,  des  accès,  des  vertiges,  des  absences, 
des  troubles  divers  de  la  motilité  et  de  la  sensibilité,  des  phénomènes 
moraux  et  intellectuels,  et  par  des  intervalles  de  santé  parfaite. 

Les  attaques  sont  annoncées  quelquefois  par  des  prodromes  de  durée 
et  de  forme  très-variables.  —  Certains  malades  éprouvent  ou  manifestent 
pendant  quelques  heures  de  l’irascibilité,  de  la  mobilité,  de  la  tristesse, 
plus  rarement  de  la  sérénité  ou  de  l’enjouement  ;  quelques-uns  ressentent 
de  la  fatigue,  des  palpitations  de  cœur,  de  la  lourdeur  de  tête;  des  ma¬ 
lades  observés  par  Jackson  sentaient  toujours  avant  l’attaque  une  odeur 
extraordinaire  ;  trois  épileptiques  soignés  par  Herpin  percevaient  avant 


583 


ÉPILEPSIE.  -  SÏMPTÔHES. 

l’accès  une  odeur  agréable  toujours  la  même.  Les  hallucinations  de  la  vue 
sont  plus  fréquentes  que  les  autres  ;  chez  un  jeune  épileptique,  l’accès 
est  précédé  durant  une  minute  au  plus  d’hallucinations  de  la  vue  pendant 
lesquelles  il  se  voit  entouré  de  flammes,  et  c’est  pour  y  échapper  qu’il 
s’est  précipité  une  fois  par  la  fenêtre  ;  chez  quelques  individus  les  accès 
commencent  par  des  perturbations  de  l’ouiè,  des  bourdonnements,  etc. 
J’en  ai  observé  un  certain  nombre  qui  avaient  à  la  fois  des  hallucina¬ 
tions  de  la  vue  et  de  l’ouïe.  Une  jeune  fille  de  mon  service  à  la  Salpê¬ 
trière,  entend  pendant  quelques  secondes  avant  l’attaque,  des  voix  qui 
lui  disent  des  mots  désagréables,  et  aperçoit  des  figures  grimaçantes. 

Il  est  des  malades  chez  lesquels  ces  prodromes  précèdent  les  attaques 
de  plusieurs  jours;  et  quelquefois  ces  signes  avant-coureurs  ne  se  mani¬ 
festent  que  la  nuit  par  de  l’insomnie,  des  cauchemars,  des  rêves  fan¬ 
tastiques,  voluptueux  ;  j’en  ai  vu  dont  les  crises  étaient  toujours  annon¬ 
cées  par  un  état  intense  d’excitation  génitale,  des  érections  diurnes  de 
plus  d’une  demi-heure  de  durée,  des  pollutions  nocturnes. 

Les  accès  débutent  quelquefois  par  une  sensation  subite  de  froid  qui, 
d’abord  localisée  dans  un  point  de  la  périphérie  cutanée,  se  généralise 
en  s’accompagnant  de  frissons. 

Chez  un  enfant  observé  par  Herpin,  les  attaques  commençaient  toujours 
par  une  très-vive  douleur  dans  une  petite  molaire  supérieure  gauche. 

Le  tournoiement  des  objets,  l’obscurcissement  de  la  vue,  le  passage 
d’un  nuage  ou  d’un  brouillard  devant  les  yeux,  l’étourdissement,  une 
sorte  de  vague  de  l’intelligence,  la  concentration  de  l’esprit  sur  une  idée 
fixe,  une  espèce  de  rêve  souvent  fantastique  s’observent  aussi  parfois  au 
début  des  attaques,  des  accès  et  des  vertiges. 

Ces  prodromes  s’observent  moins  fréquemment  que  l’aura,  nom  assi¬ 
gné  par  Galien  à  l’un  des  phénomènes  les  plus  intéressants  de  l’épilepsie 
et  dont  l’explication  sera  longtemps  encore  sujette  à  discussion. 

L’aura  est  une  sensation  qui  part  d’un  point  du  tronc  ou  des  membres 
et  se  porte  vers  le  cou  et  la  tête.  Elle  est  comparée  tantôt  à  une  vapeur 
froide  ou  chaude,  tantôt  à  de  l’étouffement,  quelquefois  à  une  sensation 
de  bien-être,  à  un  mouvement  intérieur,  à  une  palpitation,  à  une  crampe, 
à  des  soubresauts  musculaires. 

Si  l’on  consulte  les  statistiques  d’Herpin  et  Delasiauve,  on  arrive  à  con¬ 
clure  que  l’aura  part  à  peu  près  aussi  souvent  de  l’épigastre,  de  la  ré¬ 
gion  périombilicale,  du  tronc,  que  des  membres.  Dans  les  membres, 
l’aura  qui  précède  les  attaques  a  pour  siège  habituel  l’un  des  membres 
thoraciques  et  surtout  les  mains;  j’ai  vu  des  malades  chez  qui  elle  occu¬ 
pait  un  ongle,  un  seul  doigt,  toujours  le  même;  elle  oecupe  rarement  la 
tête. 

,  Le  spasme  qui  accompagne  l’aura  tend  toujours  à  monter  vers  les  mus¬ 
cles  dont  les  nerfs  prennent  naissance  près  de  la  partie  antérieure  de 
l’encéphale  ;  pendant  l’ascension  de  la  sensation,  les  malades  ressentent 
ordinairement  des  palpitations  musculaires,  des  tremhlemenls  et  des  se¬ 
cousses  (Herpin);  l’aura  des  membres  qui  précède  les  accès  incomplets. 


58 


EPILEPSllü.  -  SYMPTÔMES. 


les  vertiges,  peut  consister  en  sensation  de  frôlement,  d’engourdissement 
d’une  partie  de  la  main,  en  une  crampe  douloureuse  très-limitée,  en  lé¬ 
gers  soubresauts  des  tendons,  en  palpitations  musculaires.  L’aura  peut 
consister  en  une  sensation  d’engourdissement  ayant  son  siège  dans  le 
scrotum. 

L’existence  de  ces  phénomènes  musculaires,  qui  se  montrent  antérieure¬ 
ment  à  la  perte  de  connaissance,  est  de  la  plus  grande  importance  au 
point  de  vue  de  la  physiologie  pathologique  de  l’aura  ;  ils  démontrent,  en 
effet,  que  l’aura  est  un  phénomène  d’ordre  convulsif.  D’ailleurs,  on  voit 
quelquefois  de  véritables  convulsions  précéder  la  perte  de  connaissance; 
Trousseau  a  observé  deux  cas  qui  le  prouvent  :  chez  les  deux  malades, 
l’attaque  débutait  par  une  vive  douleur  dans  le  pied  ou  la  main,  qui 
étaient  agités  de  mouvements  convulsifs  et  comme  cambrés;  puis  les 
convulsions  gagnaient  la  jambe,  le  membre  supérieur,  qui  se  convul¬ 
saient  aussi  cloniquement;  et  enfin,  au  bout  de  quinze  à  vingt  secondes, 
pendant  lesquelles  l’intelligence  restait  intacte,  ces  épileptiques  tombaient 
sans  connaissance. 

L’aura  abdominale  et  thoracique,  qui  précède  les  attaques,  paraît  avoir 
le  plus  souvent  son  siège  dans  l’estomac;  les  autres  organes  sont,  par 
ordre  de  fréquence,  les  intestins,  le  pharynx  et  les  organes  intra-pel viens. 
Les  malades  comparent  alors  leur  sensation  initiale  à  un  spasme,  à  une 
crampe,  à  une  sensation  de  constriction,  de  resserrement,  de  pression, 
de  torsion,  de  tortillement,  de  chaleur;  très-fréquemment,  les  spasmes 
s’accompagnent  de  horborygmes,  d’éructation,  de  nausées,  de  régurgi¬ 
tations,  de  vomissements,  de  coliques,  de  ténesme  du  rectum,  de  la  ves¬ 
sie.  S’il  s’agit  d’aura  pharyngée,  les  malades  éprouvent  dans  le  pharynx 
une  sensation  de  chatouillement,  de  picotement  suivie  d’un  sentiment, 
d’ohstruction. 

Si  l’aura  débute  par  les  organes  respiratoires,  les  épileptiques  signalent 
nettement  un  spasme  du  larynx;  ils  parlent  de  resserrement  du  cou, 
d’étranglement,  d’étouffements,  de  suffocation,  d’oppression  brusque. 
(Herpin.)  Chez  un  certain  nombre  de  malades,  j’ai  vu  les  attaques,  et 
même  les  absences  commencer  par  de  violentes  palpitations  de  cœur,  par 
une  douleur  précordiale  qui  montait  à  la  gorge  et  à  la  tête,  et  qui,  ar¬ 
rivée  là,  était  accompagnée  de  perte  de  connaissance.  Le  tracé  sphyg- 
mographique  d’un  de  ces  malades,  pris  au  début  d’une  aura,  présente 
même  quelques  particularités  (fig.  87). 


Fig.  87.  —  Tracé  sphygmograpliique  pris  sur  Parfit. 


Quand  l’aura  commence  par  l’estomac,  il  enyahit  l’œsophage,  le  pha¬ 
rynx,  le  larynx,  la  bouche.  Herpin  a  vu  de  ces  malades  qui  montraient 


ÉPILEPSIE.  -  .SYMPTÔMES. 


585 

le  trajet  parcouru  en  se  frictionnant  l’épigastre,  le  sternum,  le  cou;  lors¬ 
que  l’aura  a  gagné  le  pharynx,  elle  est  suivie  de  rétention  de  la  salive  dans 
la  bouche,  d’efforts  bruyants  de  déglutition  ou  de  mâchonnements.  J’ai 
vu  une  femme  qui  cherchait  à  se  retirer  de  la  bouche  comme  un  corps 
étranger.  La  respiration  peut  alors  être  gênée,  comme  dans  une  sorte  de 
strangulation.  Certains  enfants  se  précipitent  dans  les  bras  de  la  per¬ 
sonne  présente  et  l’étreignent,  d’autres  courent  sans  direction.  C’est  après 
ce  stade,  souvent  très-court,  qu’on  voit  les  muscles  volontaires  de  la  face, 
à  partir  des  maxillaires ,  être  pris  tantôt  de  convulsions  antérieures  au 
trouble  et  à  l’abolition  des  sens,  et  tantôt  de  perturbations  sensoriales  et 
mentales  antérieures  à  la  perte  de  conscience  et  aux  convulsions  exté¬ 
rieures.  Dans  le  premier  cas,  les  malades  signalent  une  sensation  d’en¬ 
gourdissement  et  de  contraction  des  muscles  maxillaires,  qui  les  portent 
à  y  mettre  la  main;  puis  les  muscles  de  la  face  entrent  en  convulsion,  les 
yeux  et  la  tête  sont  entraînés  d’un  côté,  les  sens  se  troublent,  et  c’est 
seulement  alors  que  la  connaissance  se  perd.  Dans  le  second  cas,  l’abo¬ 
lition  des  sens  et  de  l’intelligence  succède  immédiatement  à  l’aura.  Dans 
les  débuts  par  aura  dans  les  voies  respiratoires,  les  malades  mention¬ 
nent,  avant  tout,  la  dyspnée.  (Herpin.)  Dans  les  deux  observations  de  dé¬ 
but  par  les  palpitations  que  j’ai  recueillies,  les  épileptiques  avaient  con¬ 
science  de  ces  troubles  pendant  plusieurs  secondes  avant  l’attaque. 

Le  petit  mal  s’accompagne,  le  plus  souvent,  d’aura  viscérale  ;  elle  peut 
alors  se  borner  à  une  douleur  de  l’estomac,  à  une  légère  dyspnée  et  à  un 
resserrement  du  cou,  à  un  mal  de  ventre.  On  n’a  alors  affaire  qu’à  un 
prélude;  mais  si  la  sensation  monte  au  cerveau,  ainsi  que  le  disent  les 
épileptiques,  ils  éprouvent  un  vertige  caractérisé  d’abord  par  une  perte 
de  connaissance  incomplète  ou  complète  de  peu  de  durée;  ils  s’asseyent, 
restent  debout  ou  marchent  au  hasard  ;  ils  sortent  de  cet  état  comme  d’un 
rêve  et  divaguent.  Certains  malades  exécutent  alors  des  mouvements  in¬ 
volontaires,  bizarres;  ainsi  un  malade  d’Herpin  était  forcé  de. faire  un 
demi-tour  sur  lui-même. 

Certaines  de  ces  auras,  dites  motrices,  sont  caractérisées  par  une  im¬ 
pulsion  irrésistible  qui  précipite  l’épileptique  en  avant  ou  en  arrière,  et 
lui  imprime  un  mouvement  gyratoire.  J’en  ai  vu,  à  Bicêtre,  qui  renver¬ 
saient  alors  tout  sur  leur  passage,  et  qui,  dans  leur  course,  se  jetaient 
contre  les  tables,  les  colonnes,  les  portes,  et  se  précipitaient  enfin  quel¬ 
quefois  dans  les  escaliers,  qu’il  descendaient  au  galop,  sans  se  faire  d’autre 
mal  que  des  contusions. 

L’aura  peut  présenter  la  forme  gyratoire,  soit  qu’elle  précède  une 
attaque,  soit  qu’elle  soit  le  début  d’un  vertige. 

Les  malades  sont  pris  alors  d’un  mouvement  de  tournis  complet,  une 
ou  deux  fois  répété,  et  ce  n’est  qu’à  la  fin  du  tournis  que  se  produit  la 
perte  de  connaissance. 

Certaines  auras  se  présentent  avec  une  netteté  tellement  grande,  que 
l’on  a  pu  croire  que  la  cause  de  l’aura  avait  son  siège  dans  la  partie 
même  où  le  malade  la  sentait.  Mais  des  épileptiques  ressentant  aux  mol- 


586  ÉPILEPSIE.  —  symptômes. 

lets  une  douleur  limitée  qui  était  suivie  d’attaques  lorsque  la  sensation 
montait  à  la  cuisse,  ne  présentaient  aux  mollets  aucune  tumeur;  on  cite 
de  même  un  individu  qui  éprouvait  en  avant  du  coccyx  une  sensation  qui 
montait  le  long  de  la  colonne  vertébrale,  était  suivie  de  perte  de  la  con¬ 
naissance  et  ne  se  rapportait  pas  à  une  lésion.  D’ailleurs  des  autopsies, 
pratiquées  dans  ces  conditions,  ont  montré  que  la  cause  de  ces  auras  pou¬ 
vait  être  iiitra-cérébrale.  Ainsi,  le  soldat  chez  qui  l’épilepsie  était  causée 
par  une  tumeur  du  cerveau  (Odier),  éprouvait,  au  petit  doigt  de  la  main 
droite,  des  crampes  qui  annonçaient  toujours  les  attaques;  un  jeune  homme, 
dont  la  maladie  était  causée  par  des  tumeurs  tuberculeuses  du  cerveau,  res¬ 
sentait  toujours,  avant  les  attaques  de  l’engourdissement  et  des  picotements 
dans  les  doigts  de  la  main  gauche.  (Herpin.jDe  même,  dans  le  cas  d'épi¬ 
lepsie  supposée  sympathique,  l’affection  est  souvent  liée  à  une  lésion  orga¬ 
nique  du  cerveau';  cette  opinion  trouve  sa  confirmation  dans  ces  faits  peu 
rares  où  des  foyers  d’hémorrhagie  et  de  ramollissement  cérébraux  provo¬ 
quent  des  attaques  épileptiformes  précédées  d’auras  dans  les  membres,  et 
en  particulier  dans  les  membres  du  côté  opposé  à  la  lésion  cérébrale. 

J’ai  pris  un  certain  nombre  de  fois  la  température  des  membres  où 
siégeaient  les  auras,  et  n’ai  trouvé  aucune  différence  avec  la  température 
des  autres  membres;  mais  il  est  à  noter  que,  chez  les  malades  qui  accu¬ 
sent  une  aura  périphérique,  la  température  des  extrémités  est  continuel¬ 
lement  plus  élevée  de  4  à  5  degrés  que  dans  l’état  antérieur. 

Suivant  que  l’épileptique  est  frappé  d’attaques,  d’accès,  ou  bien  de 
vertiges,  absences,  préludes  divers,  on  dit  qu’il  est  atteint  du  grand  mal 
ou  du  petit  mal. 

Les  attaques  sont  caractérisées  essentiellement  par  la  perte  de  connais¬ 
sance  subite,  l’abolition  de  la  sensibilité,  des  convulsions  générales, 
toniques  et  cloniques. 

L’épileptique  pâlit  ou  quelquefois  rougit,  pousse  un  cri  ou  demeure 
sans  voix,  et  tombe  s’il  est  debout  ;  la  perte  de  connaissance  est  subite 
et  absolue,  la  sensibilité  générale  et  spéciale  est  abolie  ;  en  même  temps, 
tout  le  corps  est  pris  d’une  raideur  tétanique  qui  donne  à  certaines  par¬ 
ties  une  position  spéciale  ;  le  plus  souvent,  les  yeux  sont  portés  en  haut  ; 
les  cornées  sont  cachées  derrière  les  paupières  supérieures,  et  les  mus¬ 
cles  périhuccaux  tiraillent  la  houche  de  façon  à  lui  donner  une  expression 
de  laideur  indicible;  les  dents  fortement  serrées  les  unes  contre  les  autres 
mordent  souvent  la  langue,  la  muqueuse  des  joues  ;  la  tête  est  portée  en 
arrière  ou  sur  le  côté,  ou  en  avant;  dans  ce  dernier  cas,  il  arrive  sou¬ 
vent  que  les  membres  inférieurs  et  supérieurs,  ainsi  que  le  tronc,  fléchis¬ 
sent  d’une  façon  tellement  complète  que  l’individu  se  roule  en  boule.  Or¬ 
dinairement  l’un  des  deux  membres  supérieurs  est  porté  en  haut,  et 
l’autre  en  has.  Les  pupilles  sont  déjà  immobiles  et  le  plus  souvent  di¬ 
latées.  L’état  tétanique  amène  une  coloration  violacée  de  la  face  qui  suc¬ 
cède  à  sa  pâleur.  La  figure,  la  langue  et  les  lèvres  se  tuméfient  ;  les  globes 
oculaires  font  quelquefois  un  peu  de  saillie  en  avant;  le  début  d’attaques 
s’est  accompagné  deux  fois  sous  mes  yeux  d’un  rash  de  toute  la  surface 


EPILEPSIE.  -  SÏMPTÔMES. 


5S7 


du  corps,  qui  a  précédé  la  période  tétanique,  puis  l’a  accompagné,  et  m’a 
paru  dépendre  d’une  action  paralysante  exercée  sur  le  grand  sympa¬ 
thique.  J’ai  vu  un  assez  grand  nombre  de  fois  la  face  des  épileptiques 
prendre  une  teinte  jaune  pâle  à  la  fin  de  la  période  tonique,  lorsque  la 
teinte  initiale  avait  été  rouge. 

A  la  période  tétanique  succède  la  période  clonique,  qui  débute  par  des 
secousses  fortes,  rapides,  de  courte  durée,  séparées  par  des  intervalles 
calmes,  bientôt  suivies  de  convulsions  cloniques  qui  agitent  le  corps 
plus  ou  moins  violemment  et  prédominent  le  plus  ordinairement  dans 
une  moitié  ou  une  partie  du  corps.  Cette  prédominance  est  un  signe 
important,  parce  qu’il  est  un  de  ceux  qui  mettent  le  mieux  sur  la  voie  de 
la  fraude.  Le  simulateur,  en  effet,  croit  qu’il  doit  faire  des  mouvements 
bilatéraux  de  même  nature  ;  tandis  que  la  bilatéralité  des  convulsions  et 
la  conformité  des  convulsions  bilatérales  s’observent  rarement  dans 
l’épilepsie. 

J’insisterai  de  nouveau  sur  ce  sujet  à  propos  du  diagnostic,  parce  qu’il 
me  paraît  indispensable  de  bien  montrer  que  les  convulsions  unilatérales 
n’existent  pas  seulement  dans  l’épilepsie  symptomatique. 

J’ai  vu  des  malades  qui,  dans  l’intensité  des  secousses  cloniques,  se 
soulevaient  par  bonds  et  se  retournaient  complètement;  le  sol  en  était 
ébranlé.  Les  secousses  sont  tellement  considérables  quelquefois,  qu’elles 
peuvent  lancer  le  corps  au  loin  ;  ainsi  un  enfant  de  Bicêtre,  complète¬ 
ment  idiot,  paraplégique  et  stupide,  par  conséquent  hors  d’état  de  simu¬ 
ler,  était  lancé  à  40  centimètres  de  sa  cbaise  ;  il  y  tombait  dans  une  po¬ 
sition  perpendiculaire  à  celle  qu’il  avait  auparavant. 

La  face  participe  à  ces  convulsions  cloniques  et  prend  une  expression 
de  plus  en  plus  hideuse  et  repoussante,  qu’elle  doit  surtout  au  tiraille¬ 
ment  des  traits,  à  la  tuméfaction  des  lèvres  et  du  nez,  à  l’écume  buccale,  à 
la  teinte  livide,  aux  plis  accentués  du  front,  des  tempes,  des  ailes  du  nez. 
Les  convulsions  des  yeux  qui  sont  portés  en  tous  sens  et  roulent  dans  leurs 
orbites  augmentent  encore  l’aspect  repoussant  de  l’épileptique. 

La  mâchoire  inférieure  participe  à  ces  secousses  et  les  mouvements  de 
rapprochement  et  d’écartement  successifs  amènent  surtout  des  plaies  de 
la  langue,  lorsque  celle-ci  se  présente  entre  les  mâchoires.  On  l’a  vue 
quelquefois  séparée  en  deux. 

L’écume  qui  s’échappe  de  la  bouche  et  est  rejetée  avec  force,  est  sou¬ 
vent  mêlée  de  sang,  sans  pourtant  que  ce  dernier  signe  indique  sûrement 
que  la  langue  ait  été  mordue;  je  me  suis  assuré,  à  plusieurs  reprises,  que 
ce  sang  provenait  d’une  exhalation  faite  à  la  surface  de  la  muqueuse 
des  premières  voies  et  qu’on  devait  comparer  ce  phénomène  au  piqueté 
rouge  que  l’on  observe  souvent  à  la  face  et  l’expliquer  par  l’arrêt  de  la 
circulation  veineuse  que  produit  l’état  tétanique  des  muscles  du  cou  et 
par  une  transsudation  du  sang. 

Cependant  la  respiration  est  râlante  ;  ce  bruit  est  produit  par  l’air  in¬ 
spiré  et  expiré  qui  bat  l’écume  buccale  pharyngée.  L’expiration,  la  toux 
amènent  l’expuition  de  mucosités  qui  s’échappent  par  la  bouche  et  le 


588  ÉPILEPSIE.  —  symptômes. 

nez.  A  ce  moment,  le  malade  pousse,  quelquefois  pendant  plusieurs 

minutes,  des  cris,  des  rugissements. 

C’est  au  début  de  cette  période,  alors  que  l’état  tétanique  est  in¬ 
tense,  et  l’asphyxie  profonde,  que  l’éjaculation  a  été  observée;  les  au¬ 
teurs  ont  expliqué  ce  phénomène  par  une  action  congestive  exercée  sur 
le  plancher  du  quatrième  ventricule;  mais  ce  symptôme  peut  aussi  dé¬ 
pendre  d’une  stimulation  exercée  sur  les  ganglions  sacrés  du  grand 
sympathique,  car,  ainsi  que  l’a  démontré  Valentin,  et  que  l’admet  Longet, 
l’irritation  du  ganglion  lombaire  inférieur  de  l’un  et  de  l’autre  côté,  ou 
encore  du  premier  ganglion  sacré,  produit  très-souvent  chez  les  lapins 
et  les  cabiais,  plus  rarement  chez  le  cheval,  des  contractions  dans  le  ca¬ 
nal  déférent  et  les  vésicules  séminales.  Ségalas  a,  d’un  autre  côté,  constaté 
que  si  l’on  agit  avec  un  stylet,  de  haut  en  bas,  sur  la  moelle  épinière, 
l’éjaculation  a  lieu.  Ségalas  admet  aussi  dans  le  même  sens  que  des  con¬ 
tractions  des  vésicules  séminales,  lesquelles  sont  soumises  au  grand  sym¬ 
pathique,  peuvent  s’observer  à  la  suite  d’irritations  dirigées  sur  la  moelle 
épinière. 

L'émission  involontaire  de  l’urine,  si  fréquente  pendant  les  attaques, 
les  vertiges  et  qu’on  observe,  même  pendant  de  simples  absences,  est  due 
à  la  même  cause,  à  une  stimulation  exercée  sur  le  sympathique  lumbo- 
sacré,  par  l’intermédiaire  delà  moelle  épinière  irritée. 

Les  bruits  de  gaz  que  l’on  entend  parfois  dans  les  intestins,  l’émission 
involontaire  des  fèces  sont  dus  à  une  même  cause  stimulante  exercée  sur 
le  grand  sympathique.  Les  vomissements  qui  précèdent  quelquefois  la 
convulsion,  qui  l’accompagnent  ou  qui  la  suivent  immédiatement  sont 
dus  à  une  excitation  du  pneumogastrique  et  du  diaphragmatique. 

L’attaque  type  d’épilepsie  se  termine  par  du  stertor,  du  ronflement 
trachéal,  s’accompagne  d’une  sueur  profuse,  d’une  haleine  dont  l’odeur 
fétide  est  causée  par  un  dégagement  considérable  d’ammoniaque ,  dure 
un  certain  temps  après  l’accès. 

L’attaque  légère,  le  vertige,  l’absence,  ne  sont  suivis  d’aucune  aug¬ 
mentation  de  chaleur. 

Lorsqu’une  attaque  d’épilepsie  est  au  contraire  intense,  il  est  rare  de  ne 
pas  constater  un  peu  d’augmentation  de  la  chaleur  centrale,  du  nombre 
des  pulsations  et  des  mouvements  respiratoires.  Ainsi  la  température 
axillaire  monte  facilement  à  38°,  le  pouls  à  84-88,  et  le  nombre  des  res¬ 
pirations  à  24-28 . 

Ces  caractères  d’une  fièvre  transitoire  se  retrouvent  constamment  et 
avec  une  plus  grande  intensité  dans  les  cas  de  séries  d’attaques.  La  tem¬ 
pérature  axillaire  monte  alors  quelquefois  jusqu’à  41°  ,  le  pouls  à  140, 
et  la  peau  est  couverte  d’une  sueur  profuse.  En  arrière  des  oreilles  la 
température  monte  alors  à  peu  près  à  39°. 

Une  attaque  d’épilepsie  dure  en  moyenne  de  trois  minutes  à  dix  mi¬ 
nutes,  et,  sur  ce  temps,  la  ;  période  tétanique  dure  quelques  secondes  ;  la 
période  la  plus  longue  est  celle  des  convulsions  cloniques. 

La  fin  de  l’attaque  est  ordinairement  suivie  d’un  sommeil  qui  peut  du- 


-  ÉPILEPSIE.  -  SYMPTÔMES. 


589 


rer  plusieurs  heures  et  qu’il  est  toujours  important  de  respecter  au  point 
de  Tue  de  l’intelligence. 

A  son  réveil,  l’épileptique  a  une  physionomie  souvent  hébétée  ;  il  de¬ 
mande  quelquefois  ce  qui  s’e.st  passé  ;  il  n’a  conservé  aucun  souvenir  des 
premiers  phénomènes  de  l’attaque.  Il  se  sent  seulement  fatigué,  courba¬ 
turé,  il  accuse  de  la  céphalalgie,  il  est  sombre  et  rêveur. 

Il  n’est  pas  rare  d’observer,  après  des  attaques,  de  l’aphasie,  de  l’hé-| 
miplégie,  le  plus  souvent  transitoires,  mais  quelquefois  aussi  définitives,^ 
de  l’anesthésie  partielle  unilatérale  ou  même  bilatérale  dont  les  limites 
sont  dans  certains  cas  singulières.  La  parésie  et  l’anesthésie  ne  se 
montrent  pas  exclusivement  dans  les  membres  où  les  convulsions  ont 
été  prédominantes  ;  les  phénomènes  paralytiques  sont  causés  par  des 
congestions  cérébrales,  et  par  de  petits  foyers  hémorrhagiques  qui  se 
produisent  dans  les  centres  nerveux  au  moment,  je  crois,  où  la  stase 
veineuse  cérébrale  est  à  son  plus  haut  degré.  Les  dilatations  vasculaires 
que  j’ai  souvent  rencontrées  avec  Luys  sur  des  épileptiques  morts  pen¬ 
dant  des  attaques,  et  de  petites  ecchymoses,  ainsi  que  des  amas  d’hé- 
matosine  que  j’ai  depuis  observés  dans  les  capillaires  cérébraux  de  ces 
malades,  expliquent  suffisamment  ces  symptômes.  Ces  lésions  que  nous 
a  dévoilées  le  microscope  sont  du  reste  en  rapport  parfait  avec  ie  piqueté 
ec'chymotique  de  la  face  que  l’on  observe  après  les  grandes  attaques  et 
qui  se  présente  sous  forme  de  petites  taches  rougeâtres  comparables  à 
des  piqûres  de  puces.  Ces  taches  indiquent  d’une  façon  sûre  qu’une  at¬ 
taque  a  été  violente,  et,  dans  l’impossibilité  où  l’on  est  de  les  produire 
volontairement,  elles  constituent  un  des  meilleurs  signes  pour  recon¬ 
naître  si  une  attaque  a  été  simulée  ou  non.  La  durée  de  ces  taches  n’est 
que  de  quelques  heures,  mais  à  leur  place  il  reste  pendant  vingt-quatre 
à  trente-six  heures  une  sorte  de  fluxion,  et  une  très-légère  teinte  ecchy- 
motique  que  la  loupe  permet  quelquefois  seule  d’apprécier. 

Les  attaques  sont  le  plus  souvent  isolées  et  séparées  les  unes  des  au¬ 
tres  par  des  intervalles  variables  de  quelques  heures  à  plusieurs  mois. 
L’épileptique  se  remet  alors  plus  ou  moins  et  présente  parfois  tous  les 
attributs  de  la  bonne  santé.  Dans  un  petit  nombre  de  cas,  au  contraire, 
une  attaque  est  suivie  immédiatement  de  plusieurs  autres,  de  façon  à 
constituer  un  paroxystne,  un  état  de  mal.  Trousseau  désignait  ces  sortes 
d’attaques  sous  le  nom  iHmbriquées.  J’ai  vu  des  malades  chez  lesquels  le 
paroxysme  durait  ainsi  jusqu’à  vingt-quatre  heures,  et  qu’il  avait  plongés 
dans  la  stupeur,  le  collapsus  le  plus  profond. 

Dans  ces  derniers  cas,  le  pouls  devient  excessivement  petit,  ainsi  qu’on 
peut  en  juger  par  ce  tracé  pris  sur  un  jeune  enfant  qui  avait  eu  450  accès 
en  vingt-quatre  heures  (fig.  88). 


590  ÉPILEPSIE  -  SYMPTÔMES.- 

Je  n’ai  jamais  vu  survenir  de  manie  épileptique  après  ces  paroxysmes, 
tandis  que  je  l’ai  souvent  observée  après  des  séries  d’attaques,  dénomi¬ 
nation  qui  s’applique  à  un  certain  nombre  d’attaques  (6  à  15)  qui  sur¬ 
viennent  périodiquement,  en  laissant  plusieurs  jours  entre  chaque  série;' 
ainsi  sont  les  séries  qui  accompagnent  la  menstruation. 

Le  pouls  des  épileptiques  présente  des  particularités  que  le  sphyg- 
mographe  m’a  fait  connaître. 

Deux  à  trois  secondes  avant  une  attaque,  le  pouls  devient  plus  rapide, 
son  impulsion  est  moindre,  et  le  sphygmographe  montre  que  les  courbes 
sont  moins  hautes,  plus  arrondies  et  plus  rapprochées  (fig.  8' 


vertical  indique  le  début  de  l’attaque. 


L’attaque  survenue,  on  voit  cinq  à  six  petites  ondulations  successives 
et  disposées  suivant  une  ligne  ascendante,  puis  une  suite  de  courbes 
très-peu  élevées  (fig.  90,  91,  92);  ces  courbes  se  prononcent  plus 


nant  presque  riUée  ü  une  moitié  de  sphère,  puis,  au  bout  de  quelques 
minutes,  on  voit  les  lignes  s’élever  presque .  perpendiculairement  à  une 
hauteur  trois  ou  quatre  fois  plus  grande  qu’avant  l’attaque,  présenter  au 


ÉPlLliPSIE.  —  sïMi-TÔUEs.  591 

sommet  un  angle  plus  ou  moins  aigu,  puis  redescendre  en  présentant 
les  caractères  les  plus  accusés  du  dicrotisme  (fig.  95,  95  et  97). 


Fig.  94.  —  Debierne.  —  Pouls  normal  ;  70  pulsations. 


Fig.  95.  —  Debierne. —  Dix  minutes  après  le  début  d’une  attaque  convulsive;  88  pulsations. 


La  durée  de  cette  forme  de  pouls  a  varié  d’une  demi-heure  à  une  heure 
et  demie  chez  mes  malades  ;  chez  deux  même,  elle  a  été  de  deux  à  six 
heures.  Ces  tracés  ont  été  recueillis  sur  deux  épileptiques  à  la  suite  de 
grandes  attaques  convulsives  ;  j’ai  fait  précéder  le  tracé  pathologique  du 
tracé  normal,  pris  en  l’absence  de  tout  phénomène  épileptique. 

,  La  connaissance  était  revenue  lorsque  le  tracé  a  été  pris. 


Fie.  96.  —  DcHantc.  —  Pouls  normal. 


Fig.  97. —  Deflande.  —  Vingt-cinq  minutes  après  le  début  d’une  attaque  convulsive, 
pendant  le  sommeil  consécutif;  116  pulsations. 


J’ai  dû  chercher  à  m’expliquer  ces  formes  de  tracés  sphygmographi- 
ques;  on  sait,  d’après  les  travaux  de  Wrisbefg,  Valentin,  Hcnle,  Virchow, 
que  les  artères  reçoivent  deux  sortes  de  nerfs,  des  filets  spinaux  et  des 
filets  émanés  du  grand  sytnpathique,  les  premiers  dilatateurs  et  les  se¬ 
conds  constricteurs. 

De  cette  disposition  anatomique  dépend  la  tension  artérielle  qui  est 
augmentée  lorsque  l’action  des  filets  du  sympathique  est  prédominante, 
et  diminuée,  au  contraire,  lorsque  cette  action  est  amoindrie. 

Les  deux  phénomènes  me  paraissent  se  produire  successivement  lors 
d’une  attaque  d’épilepsie.  Tout  d’abord  la  tension  artérielle  augmente, 
ainsi  que  semble  le  démontrer  le  tracé  pris  sur  Navoret  ;  au  moment  où 
l’accès  débute,  la  fréquence  des  pulsations  s’exagère  et  s’élève  ordinaire¬ 
ment  à  120  et  même  160  par  minute  ;  presque  aussitôt  après  le  début,  la 
tension  artérielle  diminue,  si  j’en  juge  par  la  hauteur  notable  de  lignes 
ascendantes  et  un  dicrotisme  très-marqué,  qui  n’empêchent  pas  le  pouls 
de  conserver  à  peu  près  la  même  fréquence. 

Cette  augmentation  de  tension  artérielle  du  début  indique,  je  crois, 
une  excitation  des  filets  sympathiques  vasculaires  ;  plus  tard,  la  dimi¬ 
nution  de  cette  tension  se  lie  à  une  paralysie  de  ces  filets  nerveux  et  par 
conséquent  à  la  prédominance  d’action  des  filets  spinaux. 


592 


ÉPILEPSIE.  —  sïJiPiÔMEs. 

Le  sphj’gmographe  semble  donc  démontrer  que,  au  commencement  de 
l’attaque,  il  se  produit  dans  le  système  circulatoire  une  excitation  du  grand 
sympathique  à  laquelle  succède  rapidement  sa  paralysie. 

Ces  données  cliniques  sont  d’ailleurs  conformes  aux  notions  précises 
que  l’on  doit  à  Brown-Séquard  sur  la  cause  de  la  perte  de  connaissance 
et  de  la  pâleur  de  la  face  dans  l’épilepsie,  et  qui  prouvent  l’influeiice  de 
l’excitation  du  grand  sympathique  cérébral  et  de  ses  filets  vaso-moteurs 
sur  ces  deux  phénomènes  primordiaux  de  l’attaque. 

Les  accès  doivent  être  séparés  des  attaques  en  raison  de  leur  gravité 
moindre  et  de  leurs  formes  qui  s’éloignent  notablement  quelquefois  de  l’at¬ 
taque  type  aussi  bien  que  du  vertige.  Trousseau  les  désignait  sous  le  nom 
d’épilepsie  partielle.  Ces  accès  présentent  des  caractères  mixtes  qu’il 
faudrait  bien  se  garder  de  considérer  comme  appartenant  aux  convulsions 
dites  épileptiformes;  on  comprend  l’importance  pronostique  et  thérapeu¬ 
tique  de  cette  observation. 

Quelques  exemples  montreront  la  nécessité  de  distinguer  ces  accès  des 
attaques;  un  individu  peut  n’avoir  de  convulsions  qu’à  un  membre,  à  la 
face;  un  autre  n’offre  qu’un  tic  des  paupières,  une  grimace,  une  secousse 
dans  un  bras;  chez  certains  malades,  la  tête  se  fléchit  à  plusieurs  reprises. 
On  voit  dans  cet  état  des  épileptiques  s’arracher  la  peau  du  cou,  de  la 
poitrine,  comme  pour  se  débarrasser  d’un  objet  gênant.  Ces  accès  se  rap¬ 
prochent  de  l’attaque  en  ce  sens  qu’il  y  a  toujours  perte  de  connaissance, 
chute  à  terre,  fixité  des  pupilles,  convulsions  des  yeux,  etc. 

C’est  dans  la  catégorie  des  accès  qu’il  faut  comprendre  ce  que  l’on 
appelle  la  commotion,  c’est-à-dire  une  secousse  qui  ébranle  tout  le 
corps,  mais  qui  est  souvent  partielle  et  suivie  presque  toujours  de 
chute. 

Le  vertige  diffère  de  l’accès  en  ce  que  la  perte  de  connaissance  existe 
seule  ou  bien  n’est  accompagnée  que  de  très-légères  convulsions  le  plus 
souvent  fibrillaires  et  tout  à  fait  partielles.  (Delasiauve.)  L’épileptique 
atteint  de  vertige  s’affaisse  plutôt  qu’il  ne  tombe  ;  aussi  il  ne  se  blesse 
jamais  comme  dans  l’attaque  et  l’accès.  Pas  plus  que  dans  l’attaque, 
la  pâleur  ne  manque,  le  regard  est  fixe;  il  y  a  souvent  émission  involon¬ 
taire  d’urine;  très-fréquemment  l’épileptique  prononce  quelques  mots 
toujours  les  mêmes,  comme  :  c’est  fini,  ce  n’est  rien,  ou  bien  d’autres 
qui  n’ont  aucun  sens.  Je  voyais  en  1870  une  femme  chez  laquelle  le  ver¬ 
tige  se  traduit  par  la  perte  de  connaissance,  une  secousse  du  diaphragme 
et  un  hruit  glottique  analogue  à  un  aboiement.  Pendant  le  vertige,  les 
épileptiques  se  livrent  aux  actes  les  plus  étranges,  ôtent  leurs  vêtements, 
prennent  des  positions  inconvenantes.  Il  en  est  qui  se  livrent  alors  à 
l’onanisme. 

Les  caractères  sphygmographiqucs  du  pouls  sont  les  mêmes  dans  le 
vertige  que  dans  l'attaque. 


Fig.  98.  —  Grand.  —  Trace  normal  :  üi  pnlsalions 


ÉPILEPSIE.  -  SYMPTÔMES. 


593 


Fig.  99.  —  Grand.  —  Soixante  minutes  après  le  début  d’un  vertige  :  90  pulsations. 


Fig.  100.  —  Beaufort.  —  Trois  minutes  après  le  début  d’un  vertige. 


Ces  observations  sphygmographiqucs,  qui  prouvent  combien  le  système 
circulatoire  est  troublé  pendant  un  vertige,  concordent  avec  ce  qu’on 
sait  de  l’influence  de  ces  états  morbides  sur  l’intelligence.  Les  capillaires 
cérébraux  et  les  éléments  nerveux  les  plus  fins  sont  troublés  dans  leur 
fonctionnement  ;  et  la  cause  de  ce  trouble  est  l’excitation  des  vaso¬ 
moteurs,  le  resserrement  des  vaisseaux,  l’anémie,  suivis  de  l’affaiblis¬ 
sement  de  la  tension,  de  la  dilatation  des  vaisseaux  et  de  l’hypéré- 
mie.  La  durée  de  ces  phénomènes  vasculaires  qui  accompagnent  le  ver¬ 
tige  est  considérable,  elle  dépasse  souvent  une  heure.  Leur  production 
en  dehors  de  toute  secousse,  de  tout  mouvement  du  corps,  de  tout  trouble 
apparent  de  la  respiration,  de  toute  violence,  de  tout  effort,  démontre 
bien  que  c’est  un  effet  dynamique  de  l’épilepsie. 

Le  vertige  seul  est  plus  rarement  suivi  de  délire  que  l’attaque  con¬ 
vulsive,  mais  cependant  on  voit  quelquefois  survenir  de  l’incohérence 
des  idées,  une  susceptibilité  exagérée,  de  l’agitation  avec  violence,  de 
la  gaieté  ou  de  la  tristesse  à  l’excès,  des  actes  extravagants. 

L’absence  est  entièrement  limitée  à  la  perte  de  connaissance  et  à  la 
pâleur  de  la  face.  Aucun  mouvement  convulsif,  aucune  grimace,  pas  de 
chute.  L’individu  reste  immobile,  cesse  de  parler,  de  marcher,  ou  bien 
fait  quelques  pas,  comme  s’il  ne  se  passait  rien  de  particulier  en  lui; 
sa  face  est  cependant  toujours  pâle,  l’œil  fixe,  les  traits  étonnés. 
L’obtusion  des  facultés  et  des  sens  n’est  pas  toujours  tellement  grande 
que  l’on  ne  puisse  se  faire  entendre  du  malade  et  constater  quelques 
lueurs  d’intelligence  ;  mais  l’absence  laisse  après  elle  l’intelligence  dans 
l’engourdissement,  dans  un  profond  état  de  vague  que  l’un  de  mes  ma¬ 
lades  appelait  fantastique  ;  il  est  rare  qu’après  les  absences  la  mémoire 
ne  soit  pas  confuse,  le  caractère  impatient  et  l’humeur  morose.  J’ai  vu 
certains  malades  chez  lesquels  des  absences  jointes  à  des  vertiges  fai¬ 
saient  de  presque  toutes  les  sensations  comme  autant  d’illusions  ;  aussi 
ce  qu’ils  voyaient  et  entendaient  s’éloignait  toujours  plus  ou  moins  pour 
eux  de  la  réalité. 

C’est  à  la  suite  des  vertiges  et  des  absences  que  l’on  voit  se  pro¬ 
duire  une  sorte  de  somnambulisme  qui  est  aussi  souvent  diurne  que 
nocturne,  qui  dure  quelquefois  une  heure  et  dans  lequel  des  malades 
commettent  des  actes  assez  compliqués,  mais  toujours  semblables  en 

KOUV.  DICT.  KÊD.  ET  CUIR.  XIII.  —  58 


o94  ÉPILEPSIE.  —  SYMPTÔMES. 

tous  cas.  ïls  répètent  dans  cet  état  des  actes  de  leur  vie  de  chaque  jour. 

Les  préludes  constituent  encore  une  manifestation  de  l’épilepsie  qui  se 
confond  le  plus  ordinairement  avec  l’aura  simple  et  qu’Herpin  considérait 
comme  étant  toujours  le  signe  des  accès  avortés.  Une  variété  fréquente 
de  préludes  est  celle  qui  consiste  en  secousses  brusques  des  membres  et 
du  tronc,  en  tics  divers  portant  sur  les  muscles  de  la  face,  et,  en  parti¬ 
culier,  les  muscles  des  paupières. 

Griesinger  a  désigné  sous  le  nom  ÿ épileptoïde  toute  une  série  de  phé¬ 
nomènes  nerveux,  dont  la  parenté  avec  l’épilepsie  lui  semble  évidente,  et 
qui  sont  des  migraines,  des  vertiges,  des  troubles  de  digestion,  des  syn¬ 
copes,  des  illusions  des  sens,  des  sensations  anormales  de  toute  nature. 
11  fonde  son  diagnostic  sur  la  certaine  périodicité  des  symptômes,  l’exis¬ 
tence  de  moments  d’exacerbation  subite,  les  antécédents  qui  apprennent 
que  l’individu  a  eu  antérieurement  des  convulsions,  des  vertiges,  une 
perte  de  connaissance,  et  enfin  sur  l’hérédité  nerveuse.  Sans  nier  que 
certains  de  ces  états  décrits  par  Griesinger  se  rattachent  à  l’épilepsie,  je 
pense  qu’il  faut  se  garder  de  trop  généraliser  les  conclusions  du  savant 
allemand. 

Les  attaques,  les  accès,  les  vertiges  surviennent  à  peu  près  également  le 
jour  et  la  nuit  chez  certains  sujets  ;  chez  d’autres,  ils  ne  se  produisent 
que  le  jour  ou  la  nuit  ;  chez  certains,  leur  apparition  coïncide  toujours 
avec  les  mêmes  heures,  les  mêmes  situations  ;  ainsi,  chez  l’un,  c’est 
quelques  instants  après  son  lever;  chez  l’autre,  c’est  lorsque  son  esto¬ 
mac  ressent  la  sensation  de  la  faim;  un  grand  nombre  de  femmes  ne 
sont  atteintes  que  dans  la  période  menstruelle  ;  un  malade  a  régulière¬ 
ment  une  attaque  dans  le  début  d’un  coryza  ;  une  autre  a  un  accès  à  cha¬ 
que  rapprochement  sexuel. 

D’autre  part,  il  est  presque  constant  de  voir  une  m.aladie  intercurrente 
fébrile  suspendre  pendant  son  cours  les  attaques  et  autres  phénomènes 
épileptiques. 

Loi’squ’on  a  vu  des  individus  pris  de  15  à  20  attaques  par  nuit  sans 
en  avoir  de  diurnes,  on  a  pu  se  demander  si  la  position  allongée  ne  fa¬ 
vorise  pas  le  mal  ;  dans  ces  conditions  j’ai  fait  placer  les  malades  dans 
toutes  les  poses  possibles,  même  à  peu  près  debout,  sans  réussir  à  faire 
cesser  les  attaques. 

La  fréquence  des  attaques,  vertiges,  absences,  est  extrêmement  va¬ 
riable;  tel  malade  en  a  tous  les  ans,  tous  les  six  mois;  tel  autre  jusqu’à 
50  par  jour;  j’en  ai  vu  plusieurs  qui  avaient  quelquefois  450  accès  en 
vingt-quatre  heures.  Les  vertiges  et  les  absences  surviennent  en  nombre 
bien  plus  grand  que  les  attaques;  mais,  s’il  est  rare  qu’un  épileptique 
soit  frappé  d’attaques  sans  avoir  concomitamment  des  vertiges,  des  ab¬ 
sences,  des  préludes,  il  est  des  plus  fréquents  de  voir  des  individus 
qui  ont  seulement  l’un  de  ces  trois  derniers  symptômes  sans  avoir  jamais 
d’attaques;  on  dit  alors  que  l’individü  a  le  petit  mal,  tandis  que,  dans  le 
premier  cas,  il  a  le  grand  mal. 

La  marche  de  l’épilepsie  et  le  moment  précis  de  son  début  sont  mal- 


595 


ÉPILEPSIE.  —  SYMPTÔMES.  . 
heureusement  peu  connues,  malgré  leur  importance  capitale.  La  plupart 
des  médecins  ne  croient  en  effet  à  l’épilepsie  que  lorsqu’est  survenue  une 
attaque  convulsive;  ils  ne  tiennent  pas  compte  des  vertiges,  absences, 
secousses,  tics,  convulsions  partielles,  qui  ne  manquent  presque  jamais 
de  se  produire  pendant  plusieurs  mois  et  même  plusieurs  années  avant 
la  première  attaque  convulsive  ;  tantôt  on  n’y  fait  aucune  attention,  tantôt 
on  les  interprète  faussement;  on  les  regarde  comme  des  coups  de  sang, 
ainsi  que  l’a  dit  Trousseau,  et  cependant  la  valeur  de  ces  phénomènes 
est  du  plus  haut  intérêt  au  double  point  de  vue  de  la  thérapeutique  et  du 
pronostic.  Il  est  rare,  en  effet,  d’une  part,  que,  traité  à  cette  période, 
l’épileptique  ne  guérisse  pas,  et,  d’autre  part,  le  médecin  pourrait,  en 
connaissance  de  cause,  empêcher  certains  actes,  comme  le  mariage,  qui 
aggravent  singulièrement  cet  état  morbide. 

Axenfeld  a  fait  remarquer  que  les  attaques  se  reproduisent  le  plus 
souvent  avec  une  uniformité  absolue,  avec  leurs  auras,  leurs  caractères 
propres  et  leurs  complications.  Il  s’établit  une  sorte  d’habitude  d’après 
laquelle  tel  individu  sentira  toujours  la  même  aura,  poussera  toujours  un 
cri  et  le  même  cri,  tombera  sur  le  même  point  du  corps,  le  front,  l’oc¬ 
ciput,  se  blessera  de  la  même  façon,  présentera  les  mêmes  mouvements 
convulsifs,  se  mordra  la  langue  au  même  point,  se  luxera  toujours  une 
même  épaule,  sera  toujours  pris  de  délire  après  l’attaque. 

L’épilepsie  peut  se  terminer  d’une  façon  funeste,  soit  que  l’épileptique 
se  soit  fait  des  lésions  traumatiques  en  tombant,  soit  qu’il  se  soit  étouffé 
en  ayant  la  bouche  appliquée  sur  son  oreiller,  soit  qu’il  se  soit  brûlé  pen¬ 
dant  l’attaque.  Des  hémorrhagies  méningées  plutôt  que  cérébrales  se  font 
aussi  quelquefois.  Il  peut  survenir  à  la  suite  des  accès  des  lésions  inflam¬ 
matoires  graves  ;  ainsi  des  méningites  suppurées.  (Delasiauve.) 

II  n’y  a  même  rien  d’étonnant  à  ce  que  l’épuisement  nerveux  soit  la 
cause  de  la  mort;  ainsi,  dans  un  cas  que  j’ai  observé  sur  un  enfant  de 
treize  ans,  pris  de  trois  cents  accès  dans  l’espace  de  trois  jours.  La  res¬ 
piration,  qui  avait  commencé  à  s’engouer  et  qui  était  devenue  râlante,  en 
même  temps  que  le  coma  le  plus  profond  s’était  produit,  redevint  nor¬ 
male  sous  l’influence  de  simples  pincements  et  d’applications  de  marteau 
de  Mayor  à  la  partie  antérieure  de  la  poitrine  ;  l’enfant  recouvra  sa  con¬ 
naissance  et  la  conserva  pendant  deux  jours;  mais,  à  ce  moment,  les 
accès  revinrent  et  provoquèrent  les  mêmes  troubles  pulmonaires,  sans 
que  les  mêmes  moyens  pussent  réussir  de  nouveau. 

L’épileptique  est  sujet  à  des  accidents  assez  nombreux  pendant  ses  at¬ 
taques  et  ses  vertiges.  Les  plus  fréquents  sont  des  contusions,  des  plaies 
qui  occupent  surtout  les  points  du  corps  les  plus  saillants  :  ainsi  la  face, 
l’occiput.  Les  contusions  amènent  quelquefois  des  phlyctènes  qui  laissent 
à  leur  suite  des  ulcères  atoniques. 

Quelquefois  les  épileptiques  tombent  dans  le  feu  ;  les  brûlures  occu¬ 
pent  principalement  le  visage.  Les  luxations,  et  en  particulier  celles  de 
l’épaule,  du  coude,  de  la  mâchoire  inférieure,  sont  assez  fréquentes;  elles 
paraissent  être  bien  plus  souvent  produites  par  dès  contractions  muscu- 


596  ÉPILEPSIE.  —  symptômes. 

laires  que  par  une  action  directe.  Les  fractures  s’observent  plus  rare¬ 
ment. 

/  État  mental  des  épileptiques.  —  Des  rapports  entre  V épilepsie  et  l’a- 
uiénation  mentale.  —  Des  modifications  du  caractère  et  de  l’intelligence 
se  manifestent  le  plus  ordinairement  chez  l’épileptique,  enfant,  adulte 
ou  vieillard.  Aussi  ne  saurait-on  admettre  en  thèse  générale  l’opinion 
de  quelques  médecins  qui  pensent  que  l’on  peut  être  épileptique  et  com¬ 
plètement  sain  d’esprit.  Sans  doute  on  citera  les  noms  de  quelques 
grands  hommes  qui  étaient  épileptiques,  mais  pour  quiconque  a  vécu  au 
milieu  des  épileptiques,  a  causé  avec  eux,  a  interrogé  minutieusement 
leurs  parents,  l’état  mental  de  tout  épileptique  a  subi  une  atteinte.  Je 
ne  veux  pas  dire  par  là  que  tout  épileptique  soit  aliéné;  mais  tout  épilep¬ 
tique  est  original,  fantasque,  difficile  à  vivre,  et  peut,  à  un  certain  mo¬ 
ment,  et  sans  qu’on  puisse  le  prévoir,  commettre  des  actes  irrésistibles, 
de  cause  hallucinatoire,  et  de  nature  dangereuse.  Aussi  les  épileptiques, 
réunis  dans  des  établissements  hospitaliers,  doivent-ils  être  toujours 
placés  sous  la  direction  d’un  médecin  chargé  d’un  service  d’aliénés. 

La  distinction  administrative  des  épileptiques  en  aliénés  et  non  aliénés 
est  une  subtilité  qui  n’a  pas  de  valeur  au  point  de  vue  pratique.  J’ai  con¬ 
staté,  à  Bicêtre,  où  j’ai  été  chargé  du  service  des  épileptiques,  que,  sur  une 
soixantaine  d’épileptiques  non  aliénés,  4  seulement  étaient  sains  d’es¬ 
prit,  tandis  que,  parmi  150  épileptiques  admis  comme  aliénés,  22  étaient 
autant  sains  d’esprit  que  les  premiers. 

Sur  148  malades  dont  j’ai  recueilli  l’observation  en  dehors  de  mon  ser¬ 
vice  hospitalier,  j’en  trouve  au  plus  10  dont  l’intelligence  soit  dans  un  état 
de  pondération  parfaite;  parmi  les  138  autres,  plusieurs  sont  dans  un  état 
évident  d’infériorité  mentale,  et  beaucoup,  quoique  livrés  à  eux-mêmes 
et  maîtres  de  leurs  actions,  présentent  quelques  particularités  qui  empê¬ 
chent  de  les  considérer  comme  entièrement  sains  d’esprit  :  leur  caractère 
est  sombre,  maussade,  irascible,  colère,  jaloux,  exclusif;  ils  sont  renfer¬ 
més.  en  eux-mêmes  et  peu  expansifs,  soit  par  méfiance,  soit  par  excès  de 
timidité  ;  l’intelligence  est  au-dessous  de  la  moyenne,  la  diminution  de 
la  mémoire  souvent  considérable. 

Le  principal  motif  qui  doit  faire  douter  de  l’intégrité  de  certains  actes 
d’épileptiques  réputés  non  aliénés  est  la  facilité  qu’ils  ont  presque  tous 
à  se  laisser  dominer  par  la  mauvaise  humeur,  par  la  colère  et  par  des 
instincts  regrettables.  Étant  dominés  par  une  irritabilité  excessive,  ils  ont 
des  sensations  trop  vives,  qui  faussent  leur  jugement  et  les  empêchent 
d’apprécier  sainement  les  actes  et  les  paroles.  Il  y  a  sous  ce  rapport  chez 
eux  une  absence  d’équilibre,  qui  les  rend  insupportables  dans  leurs  fa¬ 
milles  et  dans  la  société. 

Lorsque  la  maladie  est  confirmée,  l’épileptique  devient  morose,  triste, 
rêveur,  nonchalant;  il  est  par  moments  irascible  et  impérieux,  et  se 
laisse  trop  souvent  aller  aux  plus  mauvais  penchants,  aux  instincts  les 
plus  brutaux.  Parfois  (Italus)  ils  ont  un  sentiment  intérieur  de  bien-être 
et  de  satisfaction  qui  les  porte  à  nourrir  de  vastes  projets  ou  à  concevoir 


ÉPILEPSIE.  —  SYMPTÔMES.  597 

des  plans  irréalisables  dans  leur  triste  situation.  Aussi  l’on  peut  dire  que, 
lorsque  cette  diminution  du  sens  moral  et  celte  mobilité  de  sentiments  et 
de  caractère  sont  poussées  à  l’excès,  elles  constituent  une  aliénation 
mentale  réelle,  et  doivent  être  prises  en  sérieuse  considération  dans  l’ap¬ 
préciation  des  actes  commis  par  un  épileptique.  Peltre  a  montré  que  les 
modifications  dans  les  mœurs  et  les  habitudes  de  l’épileptique  sont  une 
conséquence  nécessaire  de  ses  rapports  sociaux,  de  sa  manière  de  vivre, 
de  l’exclusion  dans  laquelle  il  est  tenu,  des  obstacles  qu’il  rencontre  à 
la  réalisation  de  ses  projets  de  bonheur,  d’établissement  et  d’avenir,  et 
de  l’impossibilité  d’avoir  une  occupation  suivie. 

Examinés  en  effet  dans  un  service  hospitalier,  les  épileptiques  sont 
en  général  indisciplinables  ;  ils  sont  souvent  rancuniers,  haineux,  pol¬ 
trons.  Ils  sont  très-sensibles  aux  affronts  et  peuvent  devenir  des  ennemis 
dangereux. 

En  général,  ils  ont  de  l’ordre,  de  la  propreté;  entre  eux,  iis  sont  servia¬ 
bles,  se  secourent  les  uns  les  autres  lorsqu’ils  sont  malades  et  se  rendent 
mille  petits  services  qui  sont  évidemment  le  résultat  d’une  compassion 
réciproque.  Ils  sont  en  général  indolents  et  paresseux,  et  passeraient  dans 
les  asiles  leurs  journées  à  jouer  aux  cartes,  à  dormir,  si  on  ne  les  stimu¬ 
lait  pas  par  l’appât  d’un  travail  lucratif. 

Peltre  a  signalé  l’habitude  qu’ils  ont  en  général  de  se  coucher  sur  le 
côté,  de  s’enfoncer  sous  les  couvertures  de  manière  à  cacher  la  tête,  et 
d’occuper  le  centre  du  lit.  Ils  prennent  aussi  une  position  fortement 
fléchie  en  avant  que,  à  Maréville,  on  appelle  se  coucher  en  chien  de  fusil. 
Peltre  pense  qu’ils  prennent  cette  habitude  pour  éviter  les  chutes  en  bas 
du  lit. 

L'aliénation  mentale  que  l’on  observe  dans  l’épilepsie  se  présente  sous 
la  forme  aiguë  et  sous  la  forme  chronique  ;  dans  le  premier  cas,  elle  peut 
précéder  ou  suivre  une  attaque,  survenir  dans  l’intervalle  des  accès,  ou 
bien  remplacer  les  attaques.  La  seconde  forme  se  développe  à  la  longue 
chez  tous  les  épileptiques,  ou  préexiste  à  l’épilepsie  sous  forme  d’idiotie. 

1°  L’aliénation  mentale  aiguë  qui  précède  l’attaque,  le  vertige,  consiste 
en  hallucinations,  en  illusions  de  divers  ordres  (aura  intellectuelle).  Ces 
hallucinations  sont  quelquefois  tellement  terrifiantes  que  les  malades 
commettent  alors,  avec  une  rapidité  terrible,  des  actes  entièrement  incon¬ 
scients. 

L’attaque  convulsive  est  plus  souvent  suivie  que  précédée  de  folie.  Cette 
dernière  peut  se  présenter  sous  forme  de  manie  simple  ou  manie  furieuse, 
rabiforme  (Edw.  Alling),  ou  bien  de  simple  incohérence,  de  délire  par¬ 
tiel  avec  tendance  au  suicide,  à  l’homicide  et  à  la  pyromanie. 

La  manie  épileptique  éclate  avec  une  grande  soudaineté;  c’est  tout  au 
plus  si  les  malades  présentent  pendant  quelques  heures  un  peu  d’hé¬ 
bétude,  d’égarement  dans  la  physionomie,  de  vague  dans  l’esprit,  de 
tristesse  et  de  céphalalgie. 

La  manie  se  présente  sous  deux  formes,  une  forme  tranquille  et  une 
forme  furieuse.  Dans  la  première,  les  malades  offrent  une  incohérence 


598  EPILEPSIE.  —  symptômes. 

complète,  ne  reconnaissent  pas  les  personnes  qu’ils  voient  tous  les  jours, 
tutoient  tout  le  monde,  sont  grossiers,  injurieux,  mais  ne  font  pas  de 
mal,  et  ne  se  livrent  à  aucune  violence. 

Abandonnés  à  eux-mêmes,  ces  malades  parlent  presque  continuelle¬ 
ment,  interpellent  les  personnes  qui  les  entourent,  interprètent  à  contre¬ 
sens  et  en  mal  tout  ce  qui  se  passe  autour  d’eux. 

Si  on  les  interroge,  leurs  réponses  ne  sont  sensées  que  par  éclairs  ; 
mais,  en  dehors  de  ces  courts  moments  lucides,  elles  sont  complètement 
extravagantes,  et  surtout  injurieuses.  Si  on  les  excitait  quelque  peu,  on 
provoquerait  de  leur  part  des  actes  grossiers  et  violents. 

La  physionomie  de  ces  malades  présente  certains  caractères  qu’il  est 
bon  de  connaître  ;  traits  tirés  et  fatigués,  regard  égaré,  expression  d’éton¬ 
nement,  teint  jaune;  le  nombre  des  pulsations  est  élevé  de  16  à  20,  et  la 
température  centrale  augmente  de  1  degré  à  peu  près. 

Dans  ces  conditions,  un  accès  de  manie  peut  durer  dix  jours  pendant 
lesquels  le  malade  ne  dort  pas  un  seul  instant. 

Dans  la  seconde  forme,  ou  manie  furieuse ,  les  malades  sont  atteints, 
le  plus  ordinairement,  après  trois  ou  quatre  attaques  successives;  leur 
physionomie  exprime  une  colère  mêlée  de  souffrance;  la  face  est  con¬ 
tractée,  jaunâtre  ou  rouge  ;  elle  est  souvent  couverte  d’une  sueur  profuse; 
l’haleine  exhale  une  odeur  fétide,  repoussante,  fortement  ammoniacale. 
Ces  aliénés  se  livrent  aux  violences  les  plus  grandes;  déchirent,  frappent, 
crient,  injurient,  crachent  à  la  figure,  mordent,  tuent,  et  se  précipitent 
contre  tout  ce  qui  les  entoure,  sous  l’influence  d’impulsions  soudaines  qui 
ont  leur  source  et  leur  origine  dans  des  illusions  et  des  hallucinations  de 
nature  terrifiante. 

L’existence  des  illusions  et  des  hallucinations  dans  la  manie  épileptique 
est  un  des  caractères  qui  la  distingue  le  mieux  de  la  manie  simple  où  les 
hallucinations  sont  rares. 

Ces  accès  de  manie  furieuse  sont  toujours  accompagnés  de  fièvre  ;  la 
température  axillaire  monte  jusqu’à  59  degrés ,  et  la  température  rectale, 
jusqu’à  40  degrés. 

J.  Falret  a  dit  que  l’on  pouvait  distinguer  la  manie  épileptique  de  la 
manie  ordinaire  par  la  ressemblance  des  actes  chez  le  même  malade,  non- 
seulement  dans  leur  ensemble,  mais  dans  chacune  de  leurs  manifestations. 
On  observe  bien  souvent,  il  est  vrai,  que  les  accès  de  manie  simple  in¬ 
termittente  se  ressemblent  exactement  entre  eux,  mais  le  délire  nous 
semble  loin  d’avoir  toujours  la  régularité  qu’a  notée  J.  Falret.  Cossy  a 
observé,  et  je  pourrais  apporter  à  l’appui  des  observations  prises  à  l’hô¬ 
pital,  que  le  délire  était  souvent  irrégulier. 

he  délire  partiel  se  présente,  avec  prédominance  d’idées  hypochondria- 
ques  et  mystiques,  ou  sous  forme  de  confusion,  de  lenteur  de  conception, 
de  diminution  de  la  volonté,  auxquelles  se  joignent  un  sentiment  de 
crainte  vague,  des  illusions  et  des  hallucinations.  Des  actes  criminels 
dont  l’individu  n’a  pas  conscience,  le  suicide,  l’homicide,  l’incendie,  ne 
sont  que  trop  souvent  la  conséquence  de  ces  troubles  mentaux. 


ÉPILEPSIE.  -  SYMPTÔMES. 


599 


Quoique  ces  phénomènes  soient  ordinairement  transitoires  et  d’une 
durée  de  quelques  jours  au  plus,  j’en  ai  observé  qui  ont  duré  un  certain 
nombre  de  mois  sous  la  forme  de  délire  hypochondriaque. 

La  nature  de  ces  différentes  formes  de  délire  a  été  sujette  à  bien  des 
controverses,  les  uns  soutenant,  comme  Cossy,  que  ce  délire  est  essen¬ 
tiellement  nerveux;  les  aulres  qu’il  dépend  de  lésions  cérébrales.  Quant 
à  moi,  je  n’hésiterais  pas  à  me  ranger  parmi  ces  derniers;  les  nécropsies 
et  les  observations  microscopiques  déjà  nombreuses  que  j’ai  faites  m’ont 
appris  que  tout  cerveau  d’épileptique  présente,  dans  les  parois  vascu¬ 
laires,  dans  la  gangue  nerveuse  et  dans  les  cellules,  des  lésions  qui  ex¬ 
pliquent  suffisamment  le  désordre  mental. 

2°  Troubles  mentaux  survenant  dans  l’intervalle  des  attaques.  —  Quel¬ 
ques  rares  malades  présentent  alors  du  délire  aigu .  Delasiauve  à  cité  un 
cas  où  la  folie  survenait  sans  être  précédée  de  crise.  Le  délire  revêt  alors 
les  caractères  tantôt  d'une  manie  furieuse,  tantôt  d’un  délire  partiel  avec 
impulsions  violentes. 

5“  Troubles  mentaux  remplaçant  des  attaques.  —  Morel,  le  premier, 
a  décrit  cette  variété  de  folie  sous  le  nom  à' épilepsie  larvée.  Il  a  montré 
que  les  phénomènes  qui  la  constituent  sont  l’expression  d’une  névrose  à 
forme  épileptique  existant  parfois  depuis  longtemps  à  l’état  larvé. 

Les  principaux  caractères  qui  permettent  de  reconnaître  cette  forme  de 
vésanie,  sont  une  excitation  périodique  suivie  de  prostration  et  de 
stupeur,  l’irascibilité  excessive  et  sans  motifs,  la  manifestation  d’actes 
agressifs  ayant  le  caractère  de  l’instantanéité  et  de  l’impulsion  irrésistible, 
les  tendances  à  l'homicide  et  au  suicide,  des  hallucinations  terrifiantes, 
la  sensati.on  d’une  atmosphère  lumineuse. 

Il  est  arrivé  quelquefois  que  de  semblables  accès  de  folie  ont  été 
précédés  d’absences,  de  vertiges  ;  mais,  le  plus  souvent,  tout  phénomène 
épileptique  antérieur  a  été  méconnu,  ou  bien  le  délire  a  été  la  première 
manifestation  de  la  maladie.  Cette  forme  de  troubles  mentaux  peut  encore 
se  produire  chez  un  individu  reconnu  épileptique  depuis  un  assez  long 
temps.  On  voit,  en  effet,  quelquefois,  des  malades  qui,  à  l’époque  où  ils 
devraient  avoir  leur  attaque  ou  leur  série  d’attaques,  sont  pris  de  manie 
furieuse.  J’ai  observé  deux  faits  de  ce  genre  dans  mon  service. 

Troubles  mentaux  définitifs.  —  Le  premier  trouble  qu’amène  le  mal 
comitial,  est  la  diminution  de  la  mémoire,  de  l’attention ,  de  l’énergie 
morale,  etc.  La  diminution  de  la  mémoire  porte  sur  les  dates,  les  mots, 
les  signes  représentatifs  des  idées,  et  amène  l’impossibilité  de  parler 
correctement;  les  actions  deviennent  enfantines,  elles  se  répètent  sans 
cesse;  quelques-uns  de  ces  malades  prononcent  quelques  mots  toujours 
identiques;  la  pudeur  est  absente,  et  ces  individus  se  livrent,  le  plus 
souvent,  avec  frénésie,  à  l’onanisme. 

J’ai  vu  de  ces  malades  qui  en  étaient  arrivés  à  avoir  de  l’embarras  de  la 
parole,  des  idées  de  grandeur  et  de  richesses,  et  chez  lesquels  les  lésions 
cérébrales  étaient  celles  de  la  paralysie  générale.  L’état  de  torpeur,  de 
stupeur,  dans  lequel  tombent  ces  malheureux,  est  ordinairement  traversé 


600  ÉPILEPSIE.  —  COMPLICATIONS. 

par  des  moments  d’agitation  furieuse,  consécutive  le  plus  souvent  à  des 

attaques. 

Chez  l’enfant  en  bas  âge,  l’épilepsie  peut  amener,  non  pas  la  démence, 
puisque  la  démence  suppose  la  perte  de  notions  autrefois  possédées,  mais 
bien  l’idiotie,  qui  suppose  que  l’intelligence  ne  s’est  pas  développée  ou 
s’est  oblitérée  de  bonne  heure. 

L’association  de  l’idiotie  et  de  l’épilepsie  chez  un  malade,  ne  signifie 
donc  pas  que  le  haut  mal  est  symptomatique  de  lésions  cérébrales  qui 
auraient  produit  antérieurement  l’épilepsie  ;  elle  veut  encore  moins  dire 
que  l’épilepsie  est  incurable;  mais  il  faut  savoir  que  le  développement  de 
l’épilepsie,  chez  un  enfant  de  1  an  à  5  ans,  peut  suspendre  en  lui  le 
fonctionnement  sensoriel  et  intellectuel,  supprimer  même  le  langage  et 
lui  donner  toutes  les  apparences  de  l’idiotie  congénitale  antérieure  à 
l’épilepsie,  tandis  que  cette  oblitération  des  sens,  de  l’intelligence  et  de  la 
parole  n’est  que  le  résultat  du  haut  mal. 

J’ai  vu  un  certain  nombre  d’enfants  ainsi  atteints;  et  j’ai  été  assez 
heureux,  chez  quelques-uns,  pour  guérir  l’épilepsie,  faire  disparaître 
l’idiotie,  et  même  pour  leur  rendre  la  parole,  et,  chez  d’autres,  pour 
améliorer  notablement  l’intelligence. 

Complications.  —  L’épilepsie  se  complique  parfois  de  lésions  spi¬ 
nales  et  cérébrales. 

Les  lésions  spinales,  qui  consistent  en  épaississement  méningitique  dans 
la  moitié  postérieure  de  la  moelle,  en  granulations  fines,  disséminées  dans 
la  méninge,  en  plaques  fibro-cartilagineuses  et  même  osseuses  attachées 
au  feuillet  interne  de  l’arachnoïde,  en  dégénérescence  grise  du  bulbe  au 
niveau  des  olives,  en  sclérose  disséminée  de  la  moelle  et  en  induration 
des  olives,  se  traduisent  pendant  la  vie  par  des  phénomènes  qui  ne  sont 
pas  assez  connus,  douleurs  rachidiennes  ou  sur  le  trajet  des  nerfs,  élan¬ 
cements  dans  un  membre,  hyperesthésie,  ataxie.  J’ai  vu  plusieurs  épilep¬ 
tiques  chez  lesquels  une  pression  modérée  au  niveau  des  vertèbres  cervi¬ 
cales,  des  apophyses  mastoïdes,  des  angles  des  maxillaires  inférieurs, 
amenait  des  accès  incomplets  caractérisés  par  de  la  rougeur  de  la  face,  du 
vertige,  des  secousses  cloniques  de  la  tête,  du  cou,  du  thorax  et  des  mem¬ 
bres  supérieurs. 

Quelques  malades  ont  des  fourmillements  en  des  points  du  corps  les 
plus  divers  qui  pourraient  se  rapporter  aussi  bien  à  des  troubles  péri¬ 
phériques  des  vaso-moteurs  qu’à  des  lésions  spinales. 

Les  lésions  cérébrales,  qui  consistent  en  méningite,  adhérences  avec 
la  substance  corticale,  méningite  suppurée,  congestion,  exsudation  san¬ 
guine,  foyers  hémorrhagiques,  dégénérescence  granulo- graisseuse  de 
la  substance  corticale  par  places,  en  sclérose,  se  caractérisent  pendant 
la  vie  par  de  la  démence,  de  l’ataxie  de  la  parole,  de  l’agitation,  des  con¬ 
ceptions  délirantes,  des  lésions  de  sensibilité  et  de  motilité  transitoires 
ou  persistantes.  Dans  quelques  cas,  j’ai  vu  des  attaques  répétées  ame¬ 
ner  un  état  comparable  à  une  chorée,  accompagné  de  sauts,  et  telle¬ 
ment  prononcé,  que  trois  ou  quatre  personnes  suffisaient  à  peine  à 


ÉPILEPSIE.  -  ÉTIOLOGIE. 


601 


maintenir  le  malade  et  à  emp.;cher  des  secousses  d’une  violence  extrême. 

Certaines  épilepsies  se  compliquent  aussi  parfois  d’un  état  que  l’on  a 
appelé  chorée  électrique,  dans  lequel  le  corps  du  malade  est  parcouru 
par  des  frissons,  des  tremblements  fins,  qui  ne  lui  laissent  aucune  trêve 
pendant  plusieurs  heures,  quelquefois  plus  d’un  jour.  Ce  tremblement 
présente  des  moments  de  recrudescence,  et  est  entièrement  comparable 
aux  secousses  que  détermine  un  courant  électrique  dans  la  peau,  dans  les 
muscles. 

Étiologie.  —  L’épilepsie  peut  être  produite  par  des  causes  prédispo¬ 
santes,  efficientes,  ou  bien  elles  ne  se  rattache  à  aucune  cause  appré¬ 
ciable. 

I.  Causes  prédisposantes.  —  L’hérédité  de  l’épilepsie  est  un  fait  con¬ 
testé  par  un  petit  nombre  d’auteurs,  mais  avéré  par  la  plupart  ;  l’épi¬ 
lepsie  acquise  est  même  héréditaire;  c’est  ce  qu’ont  établi  des  expériences 
intéressantes  de  Brown-Séquard,  d’où  il  résulte  que  des  cabiais,  rendus 
expérimentalement  épileptiques,  peuvent  procréer  des  petits  qui  seront 
épileptiques.  Si  l’épilepsie  acquise  peut  se  transmettre  par  hérédité,  à  plus 
forte  raison  cela  est  possible  pour  l’épilepsie  héréditaire.  Du  reste,  cette 
opinion  à  déjà  été  affirmée  par  Boerhaave  :  «  L’épilepsie  peut  être  hé¬ 
réditaire  et  tenir  à  l’influence  du  père  et  de  la  mère,  ou  même  des  grands 
parents,  la  maladie  manquant  souvent  chez  le  père,  mais  se  transmettant 
du  grand-père  au  petit-fils.  »  Malgré  cette  autorité,  l’opinion  contraire  à 
été  soutenue  par  Maisonneuve,  Leuret  et  Lelasiauve;  mais  Portai,  Bou¬ 
cher  et  Cazauviehl,  Beau,  Esquirol,  flerpin.  Moreau  (de  Tours),  Trous¬ 
seau,  regardent  l’épilepsie  comme  héréditaire,  et  la  considèrent  même 
comme  puisant  sa  source  dans  d’autres  névroses,  telles  que  l’hystérie,  la 
folie  et  dans  des  affections  générales  constitutionnelles. 

L’observation  m’a  conduit  aux  mêmes  résultats;  c’est  ainsi  que,  sur  95 
épileptiques,  12  avaient  des  antécédents  scrofuleux  et  tuberculeux  francs, 
12  avaient  des  ascendants  morts  d’alcoolisme  chronique,  ou  sujets,  avant 
leur  mariage,  à  des  habitudes  alcooliques  invétérées.  J’ai  pu  m’assurer 
deux  fois  que  la  conception  avait  eu  lieu  en  état  d’ivresse.  Parmi  le  reste 
des  95  malades,  41  avaient  des  antécédents  névrosiques,  tels  que  hystérie, 
chorée,  affections  que  l’on  voit  parfois  se  produire  alternativement  chez  le 
même  individu  ;  aussi  on  pourrait  dire  que  ce  sont  les  modalités  diverses 
d’un  même  état  maladif  :  c’est  ce  que  Villard  a  démontré  par  des  faits  très- 
précis.  On  doit  aussi  se  demander  dans  quelle  proportion  les  enfants  sont 
frappés  dans  une  famille  épileptique.  Des  observations  qui  me  sont  per¬ 
sonnelles  il  résulte  que  17  ménages  dans  lesquels  le  père  ou  la  mère  sont 
épileptiques  ont  donné  naissance  à  55  enfants;  et  que,  sur  ce  nombre, 
16  sont  épileptiques  ou  sont  morts  de  convulsions. 

Quant  à  l’influence  presque  exclusive  du  père,  mise  en  avant  par 
Esquirol  et  répétée  par  Trousseau ,  elle  n’est  pas  aussi  absolue  que 
l’ont  dit  ces  auteurs;  l’alcoolisme  mis  à  part,  le  père  et  la  mère  ont 
une  influence  égale. 


602  ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE. 

Ach.  Fovillc  fils  a  aussi  conclu  de  ses  recherches  que  des  parents  épi¬ 
leptiques  courent  le  danger  de  perdre  en  bas  âge  une  proportion  considé¬ 
rable  de  leurs  enfants  ;  que  parmi  les  survivants  un  quart  environ  seront 
atteints  d’épilepsie;  que  plusieurs  seront  aliénés;  que  l’épilepsie  aura 
beaucoup  plus  de  tendance  à  se  reproduire  chez  les  descendants  du  même 
sexe  que  l’ascendant  malade,  que  chez  ceux  du  côté  opposé. 

L’épilepsie  congénitale  ou  connée  a  été  quelquefois  confondue  à  tort 
avec  l’épilepsie  héréditaire.  H  y  a  pourtant  de  notables  différences,  car 
l’épilepsie  congénitale  dépend,  non  pas  d’un  germe  héréditaire,  mais 
d’accidents  survenus  pendant  la  vie  intra-utérine  (contusions,  chutes, 
impressions  vives). 

J’ai  vu  plusieurs  cas  où  l’épilepsie  paraissait  bien  causée  par  une  peur 
éprouvée  par  la  mère  pendant  la  grossesse. 

La  femme  est  plus  exposée  à  contracter  l’épilepsie,  si  l’on  en  juge  par 
la  population  de  Bicêtre  et  de  la  Salpêtrière. 

Aucun  âge  ne  met  à  l’abri  de  l’épilepsie,  mais  certaines  périodes  de 
la  vie  fournissent  une  plus  grande  somme  de  cas  ;  ainsi  la  première  en¬ 
fance,  la  puberté,  l’adolescence. 

L’homme  adulte  et  le  vieillard  sont  moins  exposés;  il  semble  que  la 
fréquence  de  la  maladie  décroisse  avec  la  diminution  de  l’excitabilité, 
avec  l’affaiblissement  des  actions  vitales  qui  se  passent  dans  les  cellules 
dévolues  aux  actions  réflexes.  Aussi  l’on  peut  dire  que  certaines  convul¬ 
sions,  surtout  celles  de  l’enfance  et  de  la  convalescence,  sont  le  résultat 
de  l’exagération  de  l’état  fonctionnel  d’éléments  nerveux,  et  que  cette  exa¬ 
gération  cesse  après  un  certain  âge,  comme  bien  d’autres  actes  ultra- 
fonctionnels.  Je  reviendrai,  du  reste,  sur  ce  point  de  pathogénie,  quand 
je  parlerai  de  la  nature  de  l’épilepsie. 

Le  tempérament  joue  un  grand  rôle  dans  la  prédisposition  à  l’épilepsie; 
le  mal  caduc  se  produit,  en  effet,  souvent  sans  causes  héréditaires,  mais 
par  une  cause  occasionnelle  morale,  souvent  légère,  chez  les  individus 
pourvus  d’une  grande  exaltation  de  la  sensibilité.  Lorsque  l’on  a  connu 
ces  malades  dans  leur  enfance,  avant  que  le  mal  se  fût  développé,  on  les 
voyait  tapageurs,  indociles,  remuants,  très-sensibles,  se  laissant  aller  à 
des  accès  de  colères  suffocantes,  pâlissant  dans  leurs  moments  de  mau¬ 
vaise  humeur,  faisant  des  mouvements  saccadés,  brusques.  Leur  appa¬ 
rence  est  faible,  leur  physionomie  un  peu  triste.  J’ai  noté  plusieurs  fois 
que  des  épileptiques  avaient  été  tellement  peureux  dans  leur  enfance-ct 
leur  jeunesse,  qu’on  ne  pouvait  les  laisser  seuls  dans  une  chambre  obscure 
un  seul  moment,  et,  à  plus  forte  raison,  les  y  envoyer.  Ce  symptôme 
peur  s’était  conservé  depuis  qu’ils  étaient  épileptiques. 

Axenfeld  a  remarqué  que  l’état  cachectique  produit  par  la  misère,  par 
les  excès,  par  les  pertes  considérables  de  liquides  (hémorrhagies,  flux  in¬ 
testinaux,  salivation,  leucorrhée,  pertes  séminales,  sueurs  copieuses, 
suppurations  abondantes),  ou  déterminé  par  des  maladies  générales  qui 
altèrent  profondément  les  fonctions  nutritives  (syphilis,  scrofules,  bu¬ 
bons),  prépare  quelquefois  le  développement  de  l’épilepsie. 


ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE.  603 

L’influence  des  climats  et  des  saisons  est,  de  l’avis  de  la  plupart  des 
auteurs,  peu  connue  jusqu’ici. 

On  n’a  guère,  en  fait  de  documents  statistiques  certains,  que  ceux  de 
Jos.  Frank,  qui,  ayant  observé  en  Lithuanie,  où  le  climat  est  rigoureux, 
plus  d’épileptiqiies  qu’en  Allemagne,  conclut  que  l’épilepsie  est  plus  fré¬ 
quente  dans  les  pays  froids. 

Mes  observations  personnelles  à  l’hôpital  et  en  ville  ne  m’ont  pas  fait 
remarquer  de  différence  dans  le  nombre  des  attaques  l’été  ou  l’hiver. 

II.  Causes  efficientes.  —  Beaucoup  d’auteurs  ont  divisé  l’épilepsie  en 
idiopathique,  symptomatique  et  sympathique.  Quoiqu’il  ne  soit  pas  tou¬ 
jours  possible  de  faire  rentrer  tous  les  cas  d’épilepsie  dans  une  de  ces  trois 
catégories,  j’adopterai  cette  classification,  qui  est  le  plus  fréquemment 
conforme  à  l’observation. 

1“  J’appelerai  idiopathique  l’épilepsie  dont  les  causes  prédisposantes 
sont  le  plus  souvent  une  grande  impressionnabilité,  une  exaltation  de  la 
sensibilité,  ce  qu’on  appelle  un  tempérament  nerveux,  dont  les  causes 
efficientes  sont  des  émotions  morales  pénibles,  de  la  peur,  l’onanisme, 
des  excès  vénériens.  Né  avec  ces  prédispositions,  un  individu  devient 
épileptique  sous  l’influence  de  ces  causes  efficientes,  aussi  bien,  du  reste, 
qu’il  serait  devenu  choréique  et  même  hystérique. 

Telle  est  l’épilepsie  idiopathique,  dont  la  raison  intime  est  une  exagé¬ 
ration  de  la  force  excito-motrice  de  la  moelle,  exagération  dynamique 
qui  se  produit  d’abord  au  moment  d’une  émotion  vive  par  des  mou¬ 
vements  involontaires  de  la  face  et  des  yeux,  des  troubles  de  la  respira¬ 
tion  et  de  la  phonation,  des  changements  de  coloration  du  visage,  puis 
qui  se  généralise  après  avoir  commencé  par  être  localisée  dans  les  mus¬ 
cles  animés  par  les  nerfs  moteurs  dont  l’origine  est  voisine  du  lieu  d’ex¬ 
citation  médullaire.  (Foville.) 

2°  L’épilepsie  symptomatique  est  celle  qui  se  lie  à  quelque  lésion  de 
l’axe  cérébro-spinal. 

Un  certain  nombre  d’auteurs  n’admettent  pas  que  l’on  donne  le  nom 
d’épilepsie  aux  convulsions  déterminées  par  des  altérations  matérielles 
et  veulent  qu’on  n’applique  à  ces  accès  convulsifs  que  le  nom  d’épilepti¬ 
formes.  Cette  opinion  offre  les  plus  grands  inconvénients  sous  plusieurs 
points  de  vue  que  je  crois  bon  pour  la  pratique  d’aborder;  et,  d’abord,  il 
est  quelquefois  impossible  de  savoir  si  un  épileptique,  à  moins  de  con¬ 
naître  chez  lui  un  état  antérieur  d’idiotie,  est  atteint  de  lésions  qui 
causent  sa  maladie  ;  l’état  de  mal  est  en  effet  le  même  lorsqu’il  y  a  lé¬ 
sion  ou  lorsqu’il  n’y  en  a  pas;  aucun  signe  ne  différencie  l’attaque 
d’épilepsie  dans  les  deux  cas.  J’ai  vu  souvent  des  médecins  s’appuyer  à 
tort  sur  l’unilatéralité  des  convulsions  pour  affirmer  l’existence  de  lé¬ 
sions  et  l’incurabilité.  Toutes  les  formes  possibles  d’états  épileptiques 
s’observent  dans  le  cas  d’épilepsie  symptomatique  et  idiopathique.  Le 
vertige,  l’absence  même,  s’ajoutent  quelquefois  aux  attaques  convulsives 
dans  le  cas  de  tumeurs  cérébrales. 

En  second  lieu,  le  trouble  de  l’intelligence  peut  être  si  profond  dans 


604 


ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE. 


l’épilepsie  idiopathique  confirmée,  que  l’on  soit  amené  à  considérer  cette 
dégradation  mentale  comme  antérieure  à  l’épilepsie,  tandis  qu’elle  ne 
lui  est  que  consécutive. 

En  troisième  lieu,  j’ai  fait  l’autopsie  d’un  assez  grand  nombre  d’épi¬ 
leptiques  qui  avaient  été  considérés  comme  atteints  de  haut  mal  idiopa¬ 
thique,  et  cependant  il  existait  des  altérations  diverses  ;  ainsi,  dans  un 
cas  tout  récent,  le  pédoncule  cérébral  gauche  était  surmonté  d’une  tu¬ 
meur  hypertrophique  du  volume  d’une  noisette. 

En  résumé,  il  me  paraît  impossible,  en  présence  d’un  épileptique,  de 
savoir  d’une  façon  indubitable  s’il  a  ou  s’il  n’a  pas  des  lésions  de  l’axe 
cérébro-spinal  antérieures  à  sa  maladie,  d’autant  plus  que,  dans  l’épi¬ 
lepsie  idiopathique  confirmée,  il  se  fait  assez  fréquemment  des  lésions 
secondaires  qui  produisent  elles-mêmes  le  retour  d’attaques  convul¬ 
sives. 

Parmi  les  épilepsies  symptomatiques,  il  faut  aussi  classer  celles  qui  sont 
le  résultat  de  l’introduction  dans  l’organisme  de  l’alcool,  du  mercure, 
du  plomb  (épilepsie  alcoolique,  mercurielle,  saturnine). 

A  ce  sujet,  plusieurs  auteurs  soutiennent  que  l’épilepsie  causée  par 
les  alcooliques,  l’absinthe,  le  plomb,  n’est  pas  l’épilepsie,  mais  que 
l’on  a  affaire  dans  ces  cas  à  des  convulsions  épileptiformes,  et  que 
les  expressions  épilepsie  saturnine,  alcoolique,  doivent  être  bannies  du 
langage  médical.  Il  y  a  lieu  de  faire  remarquer  que  cette  expression  de 
convulsions  épileptiformes  est  très-juste  dans  les  premiers  temps  dé  l’ac¬ 
tion  toxique  irritative,  mais  qu’elle  cesse  de  l’être  plus  tard.  L’observa¬ 
tion  montre,  en  effet,  qu’un  grand  nombre  desindividus  atteints  de  la  sorte 
ne  cessent  pas  d’avoir  par  intervalles  des  convulsions,  alors  même  que  les 
causes  toxiques  ont  été  supprimées  tout  à  fait. 

L’agent  morbide  primitif  a  lai.ssé  dans  l’organisme  un  état  irritatif  qui 
force  l’observateur,  en  l’absence  de  toute  cause  déterminante  nouvelle, 
à  reconnaître  que  c’est  bien  à  l’épilepsie  que  l’on  a  affaire  ;  qu’il  a  de¬ 
vant  lui  le  mal  chronique  et  non  plus  l’accident  aigu  qu’avait  produit 
une  intoxication.  Les  services  d’épileptiques  renferment  nombre  de  ma¬ 
lades  dont  la  maladie  ne  s’est  pas  produite  autrement. 

Quant  à  la  prétendue  influence  presque  absolue  des  liqueurs  d’absinthe 
sur  les  convulsions,  il  faut  se  garder  de  l’admettre  à  l’exclusion  complète 
du  vin,  de  l’eau-de-vie,  du  cidre,  du  poiré  :  toutes  ces  boissons  peuvent 
donner  lieu  à  des  convulsions  et  partant  à  l’épilepsie. 

L’éclampsie  urémique  des  femmes  enceintes  doit  être  rangée  dans  la 
même  catégorie  d’épilepsie  symptomatique,  lorsqu’elle  survient  chez  une 
femme  antérieurement  atteinte  d’épilepsie. 

La  scrofule  doit  aussi  être  considérée  comme  une  des  causes  de  l’épi¬ 
lepsie  symptomatique.  Si  on  étudie  en  effet  cette  diathèse  au  milieu  d’une 
population  de  jeunes  épileptiques,  on  observe  des  enfants  qui  présentent 
tous  les  caractères  de  la  scrofule,  et  qui,  sans  autre  cause  appréciable, 
sont  devenus  et  restent  épileptiques,  malgré  les  traitements  les  plus  di¬ 
vers  employés  contre  le  haut  mal.  La  cause  de  l’épilepsie  serait  alors  si- 


605 


ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE, 
tuée,  d’après  Jos.  Frank,  dans  les  glandes  du  mésentère,  dont  l’altéra¬ 
tion  agirait  sur  les  plexus  mésentérique  et  cœliaque. 

Dans  certains  cas  de  diathèse  scrofuleuse,  l’épilepsie  est  le  résultat  de 
tumeurs  de  nature  strumeuse  occupant  un  point  de  la  base  du  cerveau. 

On  observe  encore  chez  les  enfants  un  certain  nombre  de  cas  dans  les¬ 
quels  la  maladie  ne  paraît  pas  ,  avoir  d’autre  étiologie  que  le  rachitisme. 
Ces  enfants  ont  le  sternum  dit  en  carène,  le  thorax  étroit,  la  tête  grosse, 
le  front  proéminent,  parcouru  par  des  veines  saillantes. 

Un  état  d’anémie  profonde  peut  aussi  produire  et  entretenir  l’épi¬ 
lepsie.  Delasiauve  rappelle  avec  raison  que  les  chevaux,  soumis  acciden¬ 
tellement  à  une  diète  trop  prolongée,  sont  exposés  à  une  espèce  d’épi¬ 
lepsie,  la  faim-valle,  qui  ne  guérit  que  par  la  cessation  de  l’abstinence. 

La  syphilis  peut  aussi  déterminer  l’épilepsie  la  mieux  caractérisée 
comme  attaques  convulsives  et  comme  vertiges.  J’ai  soigné  récemment 
une  dame  qui  était  atteinte,  depuis  un  certain  temps,  d’absences,  de 
vertiges  précédés  d’auras,  et  qui  guérit  par  l’iodure  de  potassium  en 
l’espace  d’un  mois. 

La  syphilis  secondaire  détermine  assez  fréquemment  chez  les  femmes 
une  épilepsie  transitoire. 

L’épilepsie  est  une  complication  assez  fréquente  de  l’idiotie,  et  est, 
dans  ce  cas,  le  plus  souvent,  produite  par  des  lésions  de  nature  scléreuse 
de  la  substance  cérébrale  et  des  produits  de  nouvelle  formation  des  mé¬ 
ninges,  etc. 

Briand  a  observé  deux  cas  d’épilepsie  traumatique  consécutive  à  du 
traumatisme  des  extrémités. 

Les  lésions  traumatiques  du  cerveau,  de  ses  enveloppes  et  même  des 
os  du  crâne,  ont  produit  parfois  l’épilepsie.  C’est  ainsi  que  j’ai  vu  un 
jeune  homme  atteint  à  deux  ans  et  demi  de  fracture  grave  de  l’occiput, 
et  affecté  depuis  d’épilepsie  et  d’atrophie  du  membre  supérieur  gauche. 

Les  maladies  diverses  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière,  les  tumeurs 
cérébrales,  peuvent  être  de  même  des  causes  d’épilepsie. 

De  même  encore  les  fièvres  cérébrales  de  l’enfance,  les  méningites, 
engendrent  des  produits  plastiques,  des  collections  séreuses  qui  sont  des 
causes  occasionnelles. 

L’épilepsie  spinale,  ainsi  désignée  par  J.  Frank  et  décrite  pour  la  pre¬ 
mière  fois  par  Harlen,  peut  se  produire  dans  les  circonstances  que  je 
viens  d’énumérer,  ainsi  que  par  sclérose  en  plaques  disséminées. 

Dans  ces  dernières  conditions,  l’épilepsie  spinale  peut  revêtir  deux  for¬ 
mes  :  l’une  tonique,  constituée  par  de  légères  secousses  tétaniformes,  que 
l’on  détermine  très-facilement,  soit  par  le  sirnpie  toucher,  soit  par  la 
flexion  du  pied  sur  la  jambe,  soit  par  la  constriction  d’un  membre  infé¬ 
rieur,  soit  par  le  serrement  du  tendon  sus-rotulieii.  J’ai  vu,  à  la  Salpê¬ 
trière,  dans  les  services  de  Charcot  et  de  Vulpian,  plusieurs  de  ces  ma¬ 
lades,  et  j’en  ai  observé  deux  cas. 

Une  autre  variété  d’épilepsie  spinale-,  qui  se  présente,  comme  la  précé¬ 
dente,  sous  les  formes  tonique  et  clonique,  est  en  rapport  avec  une  mé- 


606  ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE. 

ningite  spinale  caractérisée  anatomiquement  par  une  innombrable  quan¬ 
tité  de  petites  saillies  presque  transparentes,  du  volume  de  grains  de 
millet,  donnant  au  toucher  la  sensation  de  langue  de  chat,  et  situées 
soit  sur  la  face  antérieure,  soit  sur  la  face  postérieure  de  la  moelle. 

Dans  le  premier  cas,  les  attaques  ont  toujours  été  tétaniformes,  et,  dans 
le  second,  cloniques. 

L’épilepsie  spinale  a  pu  encore  être  produite  par  des  altérations  diverses 
de  la  colonne  vertébrale  qui  avaient  amené  une  compression  du  cordon 
médullaire. 

5“  Épilepsie  sympathique.  —  Lorsqu’une  cause  excitante  quelconque 
produit  l’épilepsie  en  agissant  sur  l’axe  cérébro-spinal,  par  l’intermédiaire 
d’un  nerf  sensitif  ou  du  grand  sympathique,  l’épilepsie  est  dite  réflexe  ou 
sympathique. 

Le  trijumeau  est  un  des  nerfs  sensitifs  dont  l’irritation  produit  le  plus 
souvent  le  haut  mal  ainsi,  chez  un  épileptique  de  Bicêtre,  l'affection  a 
été  déterminée  par  le  séjour  prolongé  d’un  morceau  de  verre  sous  le 
cuir  chevelu  de  la  région  temporale  droite,  et  a  persisté  depuis,  malgré 
l’ablation  du  corps  étranger. 

Sauvages  a  signalé  comme  causes  les  insectes  qui  se  logent  dans  les 
sinus  des  narines.  Legrand  du  Saulle  a  observé  un  cas  très-probant  d’hys- 
téro-épilepsie  produite  par  des  vers  qui  s’étaient  établis  dans  les  sinus 
frontaux. 

La  dentition  est  une  des  causes  les  plus  fréquentes  d’épilepsie  sym¬ 
pathique  ;  nombre  d’enfants  qui  ont  eu  des  convulsions  dentaires  restent 
épileptiques. 

J’ai  donné  des  soins  à  un  individu  qui  était  atteint  depuis  deux  ans 
d’une  névralgie  intercostale  et  faciale  droite  compliquée  depuis  deux 
mois  de  tics  palpébraux,  d’absences,  d’étourdissements,  et  chez  le¬ 
quel  une  simple  pression  douloureuse  au  niveau  de  l’angle  inférieur  du 
maxillaire  droit  m’a  permis  de  déterminer  à  plusieurs  reprises  des  con¬ 
vulsions  dans  les  muscles  du  cou,  de  la  face  au  même  côté,  et  un  étour¬ 
dissement  passager,  suivi  de  rougeur  de  la  figure.  L’état  du  malade  empi¬ 
rait  depuis  .six  mois,  et  il  était  évident  que  la  névralgie  du  maxillaire 
inférieur  menait  infailliblement  cet  individu  à  l’épilepsie  confirmée. 
L’électrisation  avec  des  courants  constants  (15  à  20  éléments),  au  ni¬ 
veau  des  parties  douloureuses,  a  fait  cesser  ces  phénomènes,  Fieber  est 
arrivé  aux  mêmes  résultats  avec  les  courants  constants  dans  les  cas  où 
Éépilepsie  est  liée  à  des  névralgies  trifaciales. 

Il  faut  absolument  rapprocher  de  ces  cas  d’épilepsie  produits  par  les 
excitations  morbides  du  trijumeau  le  vertige  que  déterminent  des  lésions 
de  l’oreille  interne  (Ménière);  l’examen  des  organes  de  l’ouïe  est  impor¬ 
tante  à  faire  chez  tout  épileptique,  et  peut  mener  à  des  résultats  théra¬ 
peutiques. 

Je  voyais  récemment  une  jeune  fille  dont  l’épilepsie  a  suivi  de  très- 
près  une  affection  des  deux  oreilles  internes,  caractérisée  par  des  dou¬ 
leurs  d’une  acuité  extrême,  par  une  surdité  presque  absolue. 


ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE.  607 

L’influence  des  excitations  morbides  des  nerfs  spinaux  sur  l’épilepsie 
n’est  pas  assez  suffisamment  prouvée  par  l’observation  pour  qu’on  puisse 
rien  affirmer  de  précis  à  cet  égard,  mais  pourtant  si  l’on  considère  les 
expériences  de  Brown-Séquard,  les  effets  de  la  section  d’un  nerf  scia¬ 
tique  et  les  observations  de  guérison  après  ablation  de  tumeurs  qui 
étaient  sur  le  trajet  de  nerfs  spinaux,,  on  comprend  que  l’épilepsie  sym¬ 
pathique  soit  possible  dans  des  conditions  analogues. 

Le  nerf  grand  sympathique  joue  un  rôle  considérable  dans  l’épilepsie 
réflexe.  En  effet,  les  impressions  mêmes  des  organes  auxquels  se  distri¬ 
bue  le  grand  sympathique  peuvent  à  leur  tour,  en  se  propageant  à  la 
moelle  ou  à  l’encéphale,  déterminer  la  réaction  de  parties  animées  par 
les  nerfs  cérébro-rachidiens;  ainsi  les  irritations  du  canal  intestinal, 
chez  les  enfants,  déterminent  des  convulsions;  un  calcul  engagé  dans 
l’uretère  détermine  des  vomissements,  etc.  ;  Müller,  en  pinçant  le  nerf 
grand  splanchnique  au  moment  où,  après  avoir  traversé  le  ganglion  semi- 
lunaire,  il  se  distribue  dans  les  intestins,  a  observé  sur  des  lapins  des 
contractions  des  muscles  abdominaux. 

Les  renseignements  que  l’on  peut  obtenir  des  épileptiques  démon¬ 
trent  du  reste  pleinement  que  les  organes  qui  reçoivent  des  filets  gan¬ 
glionnaires  sont  fréquemment  le  point  de  départ  et  la  cause  du  mal 
comitial.  Il  en  est  ainsi  pour  l’estomac  dans  un  certain  nombre  de  cir¬ 
constances,  dans  le  cas  d’indigestion  par  exemple,  chez  l’enfant  surtout; 
pour  l’intestin  lorsqu’il  renferme  des  vers  (oxyures,  tænia). 

Dans  un  cas  récent  (Duncan),  un  jeune  enfant  de  cinq  ans  a  été  guéri 
du  mal  caduc  par  l’extraction  d’un  calcul  vésical  enchatonné. 

Les  nombreux  rapports  du  grand  sympathique  avec  les  organes  géni¬ 
taux  internes,  par  les  plexus  spermatiques  ovariques  et  les  filets  que  le 
plexus  hypogastrique  fournit  au  canal  déférent,  au  vagin,  à  l’utérus 
et  à  l’ovaire,  expliquent  comment  la  menstruation,  la  copulation  et  l’ona¬ 
nisme  exercent  une  si  fâcheuse  influence  sur  l’épilepsie. 

Le  haut  mal  débute  en  effet  souvent  avec  la  menstruation,  ou  bien, 
s’il  existait  auparavant,  il  est  aggravé  par  cette  fonction  nouvelle;  ainsi 
telle  personne  qui,  avant  les  règles,  avait  des  absences,  des  vertiges,  a 
sa  première  attaque  quelque  temps  après  l’apparition  du  flux  cataménial. 

Le  mariage  aggrave  toujours  la  maladie,  et  la  copulation  exerce  une 
action  des  plus  funestes  sur  les  épileptiques  :  ainsi  une  dame  qui,  avant 
le  mariage,  avait  des  absences,  a  été  prise  depuis  d’attaques  convulsives, 
et  ces  attaques  surviennent  toujours  quelques  heures  après  un  rappro¬ 
chement  sexuel.  Je  sais  bien  que  la  continence  a  été  accusée  d’entre¬ 
tenir  la  maladie,  mais  des  expériences  faites  à  Bicêtre  par  un  de  mes  ho¬ 
norables  prédécesseurs  ont  démontré  les  dangers  de  la  copulation.  Aussi 
on  ne  saurait  trop  s’élever  contre  l’opinion  des  médecins  qui  conseillent 
le  mariage  comme  moyen  de  guérison  de  l’épilepsie. 

Il  nous  paraît  résulter  de  cet  exposé  que  le  mal  comitial  peut  être  le 
résultat  d’irritations  ressenties  par  le  grand  sympathique  viscéral.  Des 
irritations  portant  sur  les  filets  du  grand  sympathique  qui  accompagnent 


ÉPILEPSIE.  —  ÉTIOLOGIE. 


les  artères  peuvent  aussi  déterminer  le  mal  comitial  ;  l’épilepsie  est  dite 
alors  vaso-motrice.  Un  exemple  intéressant  en  a  été  donné  par  Bernhardt 
(de  Kœnigsberg)  :  un  homme  vigoureux  jusqu’alors  ressentit,  aussitôt 
après  avoir  eu  les  pieds  humides,  du  fourmillement  à  ta  cheville  du 
pied  droit.  Il  s’y  produisit  de  suite  de  la  pâleur  et  une  crampe  dans 
les  muscles  de  la  partie  antérieure  de  la  jambe.  Aussitôt  le  malade 
perdit  connaissance  pendant  un  quart  d’heure,  les  yeux  devinrent 
fixes,  de  l’écume  sortit  de  la  houche.  Un  deuxième  accès  survint  bien¬ 
tôt,  puis  d’autres  en  grand  nombre  précédés  chaque  fois  de  la  sensa¬ 
tion  malléolaire. 

Dans  cette  variété  d’épilepsie,  il  est  à  noter  que  les  parties  où  le  ma¬ 
lade  ressent  des  fourmillements  et  souvent  une  sensation  de  froid,  pré¬ 
sentent  un  abaissement  de  température  et  une  diminution  de  sensibilité. 
C’est  ainsi  que  les  malades  ont  dans  ces  points  4  à  5  degrés  de  chaleur 
de  moins  qu’ailleurs. 

En  dehors  de  ces  causes  organiques  que  nous  venons  d’énumérer,  il 
est  un  autre  ordre  de  causes  qui  jouent  un  grand  rôle  dans  l’épilepsie. 
On  peut  dire  que  tout  phénomène  extérieur  plus  ou  moins  extraordi¬ 
naire,  toute  impression,  toute  excitation  de  la  sensibilité  générale  des 
sens,  tout  écart  de  régime,  toute  fatigue  exagérée,  tout  excès,  surtout 
alcoolique,  absinthique,  toute  émotion  est  apte  à  provoquer  le  retour 
d’attaques  chez  un  individu  en  puissance  d’épilepsie. 

L’influence  des  phases  lunaires  a  été  diversement  interprétée  par  les 
auteurs  anciens  et  modernes,  mais  cette  croyance  n’a  pas  résisté  à  des 
observations  bien  faites  par  Leuret,  Delasiauve. 

L’état  hygrométrique  n’a  pas  non  plus  la  moindre  influence. 

Quant  à  l’état  électrique,  j’ai  pu  me  rendre  compte  de  son  aciion  pen¬ 
dant  le  tremblement  de  terre  de  Paris,  qui  en  septembre  1866  a  été  ac¬ 
compagné  de  perturbations  électriques  si  manifestes.  Je  me  suis  assuré 
que  le  nombre  des  attaques  chez  les  adultes  et  les  enfants  de  mon  ser¬ 
vice  à  Bicètre  n’a  nullement  été  modifié  pendant  les  jours  qui  ont  pré¬ 
cédé  et  suivi  ce  phénomène  terrestre,  pas  plus  que  pendant  les  quelques 
heures  qui  l’ont  accompagné. 

Il  est  encore  un  point  d’étiologie  qu’il  serait  très-intéressant  d’éluci¬ 
der,  c’est  l’influence  de  la  nuit  et  du  jour;  pourquoi  tel  malade  n’a-t-il 
jamais  d’attaques  que  le  jour,  tel  autre  la  nuit  seulement  ;  pourquoi  tel 
autre  malade,  dont  on  arrive  à  supprimer  les  attaques  diurnes,  conti¬ 
nue-t-il,  malgré  tout,  à  en  avoir  de  nocturnes  ;  comment  aussi  se  fait-il 
que  l’intelligence  des  épileptiques  à  accès  nocturnes  soit  bien  moins 
atteinte  que  chez  les  épileptiques  à  accès  diurnes?  est-ce  parce  qu’un 
sommeil  réparateur  suit  les  accès?  est-ce  parce  qu’ils  sont  pris  pendant 
le  sommeil  ?  J’ai  essayé  de  m’éclairer  sur  quelques-uns  de  ces  points , 
j’avais  pensé  que  chez  des  malades  atteints  seulement  d’accès  nocturnes, 
la  position  horizontale  était  la  cause  occasionnelle  :  une  disposition  pres¬ 
que  verticale  du  lit  n’empêcha  pas  les  accès  de  se  reproduire. 

On  peut  encore  se  demander  pourquoi  tel  malade  a  toujours  ses  accès 


ÉPILEPSIE.  -  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  609 

au  même  moment  de  la  journée  ou  à  peu  près.  C’est  ainsi  que  je  donne 
des  soins  à  un  jeune  homme  qui  n’a  jamais  d’attaques  que  peu  de  minutes 
après  qu’il  est  sorti  de  son  lit. 

Le  passage  trop  brusque  de  l’abstinence,  ou  d’une  alimentation  in¬ 
suffisante  à  une  nourriture  forte  pourrait  (Russell  Reynolds)  provoquer 
l’épilepsie  par  suite  d’une  stimulation  exagérée.  C’est  ainsi  qu’on  pour¬ 
rait  expliquer  l’épilepsie  chez  ces  dix-huit  matelots  naufragés  qui,  re¬ 
cueillis  après  avoir  passé  sept  jours  sur  un  rocher  dans  l’abstinence  la 
plus  absolue,  devinrent  l’objet  des  plus  grands  soins,  mais  furent  tous 
frappés  d’épilepsie  dans  l’espace  de  quelques  semaines. 

C’est  ainsi  également  que  j’ai  observé  un  fait  qui  semblerait  appuyer 
l’opinion  de  R.  Reynolds.  Un  enfant  devint  épileptique  à  l’âge  de  treize 
mois,  six  semaines  après  avoir  été  ramené  de  chez  une  nourrice  qui  le 
laissait  mourir  de  faim,  dans  un  état  de  maigreur  indicible.  Ses  parents 
lui  avaient  donné  sans  transition  une  alimentation  très-forte,  que  l’on 
pourrait  mettre  en  cause,  en  l’absence  de  toute  action  diathésique  ou 
héréditaire. 

11  est  enfin  une  théorie  toute  chimique  de  l’épilepsie  qui  a  été  donnée 
par-  Paulet  ;  Paulet  pense  que  la  cause  prochaine  de  l’épilepsie  est  une 
altération  spéciale  du  sang,  caractérisée  par  la  présence  insolite  d’une 
certaine  proportion  de  carbonate  d’ammoniaque;  les  observations  qu’il  a 
données  sont  intéressantes  en  ce  qu’il  a  pu  constater  l’alcalescence  de 
l’urine  plusieurs  heures  avant  les  attaques  épileptiques. 

Je  ne  crois  pas  que  l’on  puisse  généraliser  ces  faits  ainsi  que  voudrait 
l’établir  Paulet.  On  rencontre  bien  en  effet  du  carbonate  d’ammoniaque 
en  excès  dans  l’urine  d’épileptiques,  mais  c’est  ordinairement  après  les 
attaques  et  surtout  lorsqu’il  en  est  survenu  un  grand.nombrc;  cet  excès 
de  carbonate  dans  l’urine  est  alors  dû  à  la  fièvre  que  détermine  l’état 
de  grand  mal,  et  il  a  son  analogue  dans  l’haleine  fortement  ammoniacale 
de  ces  malades. 

Anatomie  pathologique.  — L’anatomie  pathologique  de  l’épilepsie 
a  été,  jusqu’en  ces  dernières  années,  une  des  questions  les  plus  obscures 
de  la  médecine;  l’honneur  revient  à  Marshall-Hall  d’avoir, en  éclairant  la 
pathogénie,  dirigé  dans  la  vraie  voie  les  recherches  anatomo-pathologiques. 

Aussi,  il  n’est  plus  possible  aujourd’hui  de  poser  en  règle  générale, 
comme  l’a  fait  Foville  père  en  1851 ,  «  que  les  résultats  de  l’anatomie  pa¬ 
thologique  des  épileptiques  affectés  d’attaques  simples  sont  négatifs.  » 
Cette  proposition  n’est  exacte  que  dans  le  cas  d’épilepsie  essentielle  ré¬ 
cente,  mais  elle  est  contredite  par  l’observation,  dès  que  la  maladie  a  une 
certaine  durée. 

Parmi  les  altérations  que  l’on  rencontre  chez  les  épileptiques,  les  unes 
sont  la  conséquence  de  la  mort  pendant  les  attaques,  les  autres  sont  déter¬ 
minantes  du  haut  mal. 

Les  lésions  secondaires  sont  les  plus  nombreuses  et  ne  sont  pas  les 
moins  importantes,  puisqu’elles  montrent  quelles  sont  les  régions  de  l’axe 
cérébro-spinal  sur  lesquelles  retentit  le  mal  comitial. 


6i0  .  ÉPILEPSIE. - ANATOMIE  patholôgiqde. 

I.  Altérations  qui  sont  la  conséquence  de  l’attaque.  —  L’attaque 
d’épilepsie  elle-même  et  à  plus  forte  raison  une  série  d’attaques  qui  se 
reproduisent  à  court  intervalle  de  temps  déterminent  des  modifications 
des  centres  nerveux  et  d’autres  organes  qui  sont  parfaitement  apprécia¬ 
bles  lorsque  l’individu  meurt  en  état  de  mal.  Les  centres  nerveux,  cer¬ 
veau,  moelle  et  méninge,  présentent  une  congestion  considérable  qui  est 
de  nature  différente  suivant  que  l’individu  a  succombé  à  une  attaque  isolée 
ou  à  une  série  d’attaques  non  interrompues. 

Dans  le  premier  cas,  la  congestion  est  toute  veineuse,  et  produite  par 
l’obstacle  au  retour  du  sang  vers  le  cœur  qu’amène  l’état  tétanique  des 
muscles  du  cou.  On  trouve  alors  les  sinus  de  la  dure-mère  gorgés  de 
sang,  les  veines  des  méninges  dilatées  principalement  au  niveau  du  cervelet, 
de  la  protubérance,  du  bulbe,  surtout  au  niveau  du  bec  du  calamus  et  dans 
l’épaisseur  du  bulbe,  dans  l’espace  interpédonculaire,  dans  les  corps 
rhomboïdaux;  on  voit  une  augmentation  de  volume  du  cervelet,  une 
teinte  lie  de  vin,  des  taches  ecchymotiques  diffuses  sur  plusieurs  points 
des  méninges  cérébrales. 

Le  cadavre  présente  en  outre  les  caractères  de  la  mort  par  asphyxie  : 
c’est-à-dire  de  petites  taches  purpurines  à  la  surface  de  la  substance  corti¬ 
cale  cérébrale,  à  la  surface  du  cœur  et  des  poumons,  dans  le  médiastin, 
et  même  sur  le  mésentère. 

L’attaque  d’épilepsie  a  déterminé  parfois  la  mort  par  rupture  du  cœur. 
Schort  en  a  observé  un  cas  et  Lunier  deux.  Dans  ces  trois  cas,  il  n’exis¬ 
tait  aucune  lésion  antérieure  du  cœur  et  la  rupture  dut  être  attribuée 
à  la  gêne  apportée  à  la  circulation  par  l’attaque  et  aux  efforts  violents 
faits  par  les  ventricules  pour  repousser  le  sang  dans  les  artères  comprimées 
et  engouées. 

D’ordinaire,  dans  ces  conditions,  le  cadavre  présente  les  traces  d’une 
éjaculation  de  sperme,  qui  a  pu,  dans  un  cas  que  j’ai  observé,  être  pro¬ 
jeté  jusqu’au  menton. 

Lorsque  la  mort  est  survenue  à  la  suite  d’une  série  d’attaques  non 
interrompues,  les  lésions  sont  d’autant  plus  intenses  que-les  accidents 
ont  été  plus  prolongés.  Les  méninges  cérébrales  et  cérébelleuses  sont  alors 
épaissies,  très-congestion  nées,  elles  ont  perdu  leur  transparence;  dans 
l’espace  interpédonculaire  et  le  long  des  scissures,  elles  sont  infiltrées  de 
sérosité  sanguinolente;  le  long  des  sillons,  des  scissures  et  des  vaisseaux, 
apparaissent  des  tramées  opalescentes. 

La  trame  cérébrale  et  cérébelleuse  elle-même  est  fortement  conges¬ 
tionnée,  les  vaisseaux  des  corps  rhomboïdaux  sont  turgides,  la  teinte  des 
folioles  du  cervelet  est  lie  de  vin.  J’ai  vu  plusieurs  fois  le  cervelet  nota¬ 
blement  tuméfié  et  comme  dodu  ;  le  diamètre  antéro-postérieur  était  aug¬ 
menté  de  2  à  5  centimètres  et  porté  jusqu’à  8  centimètres.  La  face  anté¬ 
rieure  du  quatrième  ventricule  présente  une  couleur  grise,  un  état  œdéma¬ 
teux,  des  vaisseaux  turgides  et  un  grand  nombre  de  houppes  vasculaires. 

Sectionné,  le  bulbe  présente  une  hypérémie  considérable,  une  coloration 
gris  cendré  de  sa  substance  grise. 


ÉPILEPSIE.  —  anatomie  pathologique.  '  Cil 

La  protubérance  annulaire  participe  à  cette  congestion  surtout  dans  les 
parties  qui  sont  en  rapport  avec  les  pyramides  antérieures,  les  pédoncules 
moyens. 

L’examen  microscopique  du  tissu  nerveux  donne  des  résultats  en  rapport 
avec  ces  altérations  ;  accumulation  de  globules  de  sang  dans  les  capillaires, 
épanchements  de  sang  en  grand  nombre. 

Lorsque  les  convulsions  ont  prédominé  dans  la  sphère  d’action  de  tel 
ou  tel  nerf  moteur,  l’inspection  du  bulbe  présente  quelques  particula¬ 
rités  intéressantes  qu’a  fait  ressortir,  le  premier,, Schroeder  van  der  Kolk. 
Ainsi  chez  l’épileptique  qui  se  mord  la  langue,  les  vaisseaux  bulbaires 
sont  turgides  et  distendus  autour  des  origines  réelles  des  nerfs  hypoglosses. 
Du  reste,  tous  les  vaisseaux  bulbaires  participent  tous  plus  ou  moins  à  cet 
état  de  turgescence  et  de  distension  ;  on  en  trouve  autour  des  corps  oîivaires, 
au  milieu  des  racines  du  spinal,  du  nerf  vague,  sur  le  raphé  médian.  Le 
diamètre  de  ces  capillaires  est  sensiblement  augmenté,  puisque  Schroeder 
van  der  Kolk  l’a  trouvé  de  0”‘“,31  autour  des  racines  de  l’hypoglosse  au 
lieu  de  0““,01  ;  de  autour  des  corps  olivaires  au  lieu  de  0™,05; 

cet  auteur  a  montré  aussi  que  ces  vaisseaux  sont  entourés  d’une  exsudation 
albumineuse  ;  que  leurs  parois  s’épaississent  et  que  secondairement  les 
éléments  nerveux  tombent  en  dégénérescence  granulo-graisseuse.  Ces 
recherches  ont  été  confirmées. 

II.  Altérations  déterjunantes.  —  Les  altérations  que  l’on  peut  consi¬ 
dérer  comme  déterminantes  de  l’épilepsie  sont  les  unes  immédiates,  les 
autres  éloignées. 

1“  Altérations  immédiates.  —  Parmi  les  premières,  il  convient  de  ran¬ 
ger  les  tumeurs  du  crâne,  du  cerveau  de  nature  syphilitique  et  d’autre 
nature,  les  ossifications  de  la  dure-mère,  les  fongus,  les  concrétions  mé¬ 
ningées,  les  tumeurs  des  pédoncules  cérébraux  ainsi  que  j’en  ai  vu  une 
qui  était  constituée  par  une  hypertrophie  simple  des  éléments  nerveux, 
les  fractures  du  crâne  avec  enfoncement  et  saillie  intra-crânienne,  des  lé¬ 
sions  diverses  du  rocher. 

Les  altérations  immédiates  sont  excessivemént  rares.  Parmi  elles  se 
rangerait,  s’il  arrivait  àêtre  démontré,  le  rétrécissement  de  l’orifice  supé¬ 
rieur  du  canal  vertébral  et  partant  une  compression  mécaniquement 
exercée  sur  la  moelle  allongée,  qui  amènerait  une  action  excitatrice  sur  le 
bulbe.  M.  Delasiauve  et  moi  nous  n’avons  jamais  constaté  ce  rétrécisse¬ 
ment  signalé  par  Solbrig. 

2°  Altérations  éloignées.  —  Les  altérations  déterminantes  éloignées 
sont  celles  qui  siègent  sur  n’importe  quel  point  des  nerfs  sensitifs, 
des  nerfs  mixtes  et  du  grand  sympathique  et  qui  déterminent  l’épi¬ 
lepsie  sympathique  par  une  action  irritative  transmise  au  bulbe  rachi¬ 
dien. 

De  ce  nombre  sont  les  névromes,les  esquilles  osseuses,  les  corps  étran¬ 
gers  qui  irritent  les  filets  nerveux,  les  vers  intestinaux  et  en  particulier 
les  oxyures,  les  tumeurs  tuberculeuses  qui  ont  leur  siège  le  long  des  filets 
ou  des  ganglions  du  grand  sympathique. 


612  ÉPILEPSIE.  -  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

III,  Altérations  secondaires.  —  Les  altérations  secondaires  sont  nom¬ 
breuses  et  intéressent,  en  particulier,  un  certain  nombre  de  points  de 
l’axe  cérébro-spinal,  parmi  lesquels  il  faut  surtout  signaler  le  bulbe  ra¬ 
chidien,  la  moelle  épinière,  le  cervelet,  la  substance  grise  corticale,  les 
méninges  cérébrale  et  cérébelleuse.  Leur  étude  offre  de  l’importance  au 
point  de  vue  pathogénique  parce  qu’elle  indique  les  points  du  système 
nerveux  sur  lesquels  porte  la  maladie. 

Bulbe.  . —  La  face  antérieure  du  quatrième  ventricule  présente  fré¬ 
quemment  une  teinte  grisâtre,  une  apparence  œdémateuse  due  à  une 
couche  molle  gélatineuse;  d’autres  fois  une  teinte  couleur  tabac,  et,  d’une 
façon  constante,  des  houppes  vasculaires,  des  vaisseaux  capillaires  nota¬ 
blement  dilatés,  turgides,  sur  le  trajet  desquels  existent  des  ecchymoses. 
Ces  vaisseaux  sont  surtout  apparents  sur  la  ligne  médiane  ou  des  deux 
côtés  de  la  ligne  médiane,  au  niveau  de  l’entre-croisement  des  pyra¬ 
mides. 

Ces  lésions  hypérémiques  englobent  souvent  totalement  les  racines  des 
nerfs  auditifs,  et  peuvent  expliquer  les  hallucinations  de  l’ouïe  qui  ac¬ 
compagnent  quelquefois  le  début  des  attaques  d’un  vertige,  et  qui  consti¬ 
tuent  un  des  symptômes  de  certaines  folies  épileptiques. 

La  section  des  olives  y  montre  souvent  des  vaisseaux  turgides  dilatés; 
il  est  aussi  fréquent  de  trouver  ces  corps  d’une  fermeté  notable  et  d’une 
dureté  fibroïde,  d’une  teinte  blanc  mat. 

Luys  et  moi  nous  avons  observé,  à  peu  près  au  milieu  des  régions  anté¬ 
rieures  des  pyramides,  et  surtout  au  point  d’union  du  bulbe  et  de  la  protu¬ 
bérance,  une  sertissure  jaunâtre  en  forme  de  demi-collier  d’aspect  gom¬ 
meux  (teinte  gomme  arabique),  constituée  par  une  infiltration  granuleuse 
interfibrillaire.  Nous  y  avons  vu  des  cellules  d’une  couleur  jaune  orangé 
due  à  la  présence  dans  ces  cellules  de  granulations  granulo-graisseuses  ; 
dans  beaucoup  de  cellules,  le  noyau  n’est  plus  reconnaissable  ;  le  cylinder 
prolongement  disparaît,  les  tubes  deviennent  variqueux. 

Selon  nous,  ces  lésions,  situées  sur  le  prolongement  des  fibres  des  pé¬ 
doncules  inférieurs,  indiquent  qu’elles  ont  subi  une  dégénérescence  dé¬ 
terminée  vraisemblablement  par  une  sorte  de  fatigue  des  éléments  ner¬ 
veux,  suite  inévitable  de  nombreuses  attaques  convulsives. 

Moelle  épinière.  —  Elle  présente  quelquefois  des  lésions  du  plus  grand 
intérêt  qui  apprennent  que  tout  l’axe  cérébro-spinal  participe  aux  con¬ 
vulsions.  Ces  altérations  occupent  les  faisceaux  antérieurs,  qui  sont  de¬ 
venus  fermes  et  résistants,  et  présentent  au  microscope  les  caractères  de 
l’hyperplasie  du  tissu  conjonctif. 

Les  méninges  spinales  antérieures  présentent  souvent  des  altérations, 
qui  siègent  dans  l’arachnoïde  viscérale,  et  qui  consistent  en  plaques  de  cou¬ 
leur  blanchâtre,  arrondies  ou  ovalaires,  à  bords  festonnés  ou  anguleux, 
lisses  sur  leur  face  externe,  rugueuses  sur  la  face  interne.  D’apparence 
fibro-cartilagineuse,  ces  plaques  avaient  déjà  été  signalées  par  Esquirol  ; 
je  les  ai  trouvées  constituées  au  microscope  par  des  fibres  lamineuses  et 
souvent  incrustées  de  carbonate  de  chaux. 


ÉPILEPSIE.  —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  613 

J’ai  trouvé  quelquefois  des  lésions  analogues,  quoiqu’à  un  bien  moindre 
degré,  dans  les  méninges  spinales  postérieures,  chez  des  épileptiques  qui 
avaient  présenté  des  points  douloureux,  spontanés  ou  provoqués,  le  long  de 
la  colonne  vertébrale. 

J’ai  rencontré  plusieurs  fois,  dans  la  moelle  d’épileptiques,  une  atro¬ 
phie  grise  partielle  des  pyramides  antérieures. 

Cervelet.  —  Il  est  toujours  plus  ou  moins  altéré  dans  ses  parties  péri¬ 
phériques  et  centrales;  les  méninges  cérébelleuses  sont  opalines,  épaissies, 
quelquefois  adhérentes  ;  la  substance  grise  des  folioles  apparaît  pâle, 
jaunâtre,  comme  à  travers  un  nuage. 

Les  corps  rhomboïdaux  ont  une  teinte  très-accentuée  et  présentent  des 
dilatations  vasculaires  et  quelquefois  des  teintes  ecchymotiques,  périvas¬ 
culaires  ;  le  microscope  montre  des  épanchements  de  matière  colorante, 
de  sang  et  d’hématosine  autour  des  vaisseaux. 

Substance  grise  corticale  du  cerveau.  —  Elle  offre  toujours  des  lésions 
lorsque  l’épilepsie  a  été  accompagnée  de  troubles  intellectuels  et  de  dé¬ 
mence  à  un  degré  plus  ou  moins  avancé,  ou  de  folie.  Ces  lésions,  que 
je  n’ai  trouvé  décrites  nulle  part,  sont  de  deux  ordres,  et,  dans  l’un  et 
l’autre  cas,  elles  diffèrent  beaucoup  les  unes  des  autres. 

Dans  une  première  forme,  l’altération  qui  occupe  presque  uniquement 
les  circonvolutions  cérébrales  supérieures  antérieures  et  moyennes,  con¬ 
siste  en  taches  d’un  blanc  jaunâtre,  ambrées,  irrégulières,  qui  siègent 
principalement  à  la  moitié  inférieure  de  la  substance  grise  corticale,  ou 
sous  celle  de  zones  jaunâtres,  laiteuses,  grisâtres,  qui  occupent  la  partie 
médiane  des  circonvolutions,  c’est-à-dire  celle  qui  renferme  les  cellules 
cérébrales  presque  exclusivement. 

L’examen  microscopique  montre,  dans  la  gaine  lymphatique  des  vais¬ 
seaux,  de  l’hématosine,  des  cristaux  d’hématine,  et  des  amas  granulo- 
graisseux  dans  la  gangue  nerveuse,  des  épanchements  globulaires,  des 
amas  d’hématosine  et  des  corpuscules  ganglionnaires,  ou  cellules  céré¬ 
brales,  atteints  de  dégénérescence  granulo-graisseuse,  qui  ont  perdu  leur 
forme  normale,  dont  les  contours  ne  sont  plus  définis,  et  dont  les  noyaux 
ont  presque  disparu.  En  même  temps,  les  canaux  de  communication 
apparaissent  en  partie  vides  de  myéline,  ainsi  que  les  tubes  nerveux,  qui 
sont  plus  ou  moins  atrophiés,  et  l’on  rencontre  ordinairement  de  la  cho¬ 
lestérine  en  excès.  J’ai  vu  plusieurs  fois  la  substance  grise  de  circonvolutions 
d’une  apparence  molle,  glutineuse,  analogue  à  celle  de  la  pâte  de  guimauve, 
dont  les  principaux  caractères  microscopiques  étaient  constitués  par  des 
amas  granulo-graisseux,  des  masses  d’hématine,  des  restes  d’épanche¬ 
ments  globulaires,  un  très-grand  nombre  de  cristaux  de  cholestérine,  des 
corps  de  Gluge,  des  états  régressifs  des  corpuscules  ganglionnaires,  et  des 
tubes  nerveux. 

Toutes  ces  lésions  des  éléments  nerveux  me  paraissent  avoir  pour 
origine  les  altérations  que  j’ai  rencontrées  dans  les  gaines  vasculaires 
ainsi  que  les  épanchements  périvasculaires,  et  ces  dernières  altérations 
elles-mêmes  me  semblent  être  une  cc  nséquence  immédiate  des  attaques  et 


614 


ÉPILEPSIE.  -  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

avoir  la  plus  complète  analogie  pathogénique  avec  ce  piqueté  de  la  face 
que  l’on  observe  chez  quelques  épileptiques  après  les  attaques.  Du  reste, 
l’examen  du  cerveau  d’un  épileptique  mort  pendant  l’attaque  montre  dans 
les  circonvolutions  un  état  congestif  des  plus  intenses,  un  piqueté  ana¬ 
logue  à  celui  de  la  face  et  de  très-nombreux  épanchements  de  sang  qui 
ne  sont  visibles  qu’au  microscope.  De  même  l’ophthalmoscope,  employé 
pendant  la  vie  sur  des  malades  qui  avaient  eu,  quelques  heures  avant,  des 
attaques  fortes,  et  dont  la  vue  était  passagèrement  troublée,  m’a  permis 
devoir  une  vascularisation  anormale  des  vaisseaux  péripapillaires,  un  peu 
de  trouble  opalescent  antépapillaire  et  de  petits  points  rouges. 

Foville  père  a  noté  que  toutes  les  parties  blanches  de  l’encéphale,  dans 
l'intérieur  des  hémisphères  comme  dans  le  corps  calleux,  les  cornes 
d’Ammon,  la  protubérance,  sont  généralement  plus  ou  moins  endurcies. 
Nous-même  nous  avons  observé  assez  fréquemment  cet  état  dans  ces 
parties,  ainsi  que  dans  l’hippocampe. 

La  seconde  forme  d’altération  de  la  substance  grise  corticale  est  caracté¬ 
risée  par  des  adhérences  de  cette  couche  corticale  avec  les  méninges.  La 
méninge  enlevée  et  la  couche  corticale  arrachée,  l’aspect  est  le  même  que 
dans  la  paralysie  générale,  mais  il  existe  une  différence  appréciable  à  la 
vue,  qui  consiste  dans  la  localisation  partielle  des  lésions  dans  l’épilep¬ 
sie,  tandis  qu’elles  sont  le  plus  souvent  générales  dans  la  paralysie  gé¬ 
nérale.  Sous  le  microscope,  au  contraire,  l’analogie  est  complète. 

On  rencontre  dans  le  cervelet  des  opalescences  méningées,  alors  même 
que  la  maladie  a  eu  une  moyenne  intensité  et  qu’il  n’y  a  pas  d’adhé¬ 
rences.  Plusieurs  de  ces  altérations  membraneuses  et  cérébrales  ont  déjà 
été  observées  par  Bouchet  et  Cazauviêlh,  et  ont  été,  pour  eux  et  pour 
d’autres,  le  point  de  départ  d’une  opinion  fausse,  à  savoir  :  que  l’épi¬ 
lepsie  était  le  résultat  d’une  inflammation  chronique  de  la  substance 
blanche  du  cerveau.  Cette  hypothèse,  combattue  par  Bouillaud,  ne  peut 
plus  être  admise  aujourd’hui;  ces  altérations  cérébrales  sont  le  résultat 
de  la  maladie,  mais  elles  n’en  sont  pas  la  cause. 

Luys  et  moi  nous  avons  rencontré  plusieurs  fois  des  lésions  des  corps 
striés  qui  nous  paraissent  être  la  conséquence  d’altérations  du  cervelet; 
elles  consistent  en  coloration  ambrée,  en  décoloration  des  arcades  des 
corps  striés  du  côté  opposé  au  lobe  cérébelleux  le  plus  altéré,  et  s’expli¬ 
quent  par  les  rapports  de  continuité  qui  existent  entre  la  substance  grise 
d’un  corps  strié  et  les  fibres  des  pédoncules  inférieurs  du  lobe  cérébelleux 
opposé. 

Follet  et  Beaume  se  sont  fondés  sur  des  pesées  de  cerveaux  d’épilep¬ 
tiques  pour  penser  que  l’épilepsie  pourrait  tenir  à  la  rupture  de  l’équi¬ 
libre  entre  les  courants  nerveux.  Pour  eux,  cette  rupture  aurait  sa  raison 
directe  dans  l’hypertrophie  relative  ou  l’atrophie  de  l’un  des  hémisphères. 
Les  autopsies  d’épileptiques  que  ces  deux  auteurs  ont  faites,  ont  présenté 
constamment  des  différences  de  poids  entre  les  deux  hémisphères  céré¬ 
braux.  De  semblables  pesées  ont  été  répétées  depuis  par  Delasiauve  dans 
dix-huit  cas  ;  mais  la  différence  de  poids,  qui  n’a  été  qu’une  fois  de 


ÉPILEPSIE.  -  PATHOGÉNIE.  615 

80  grammes,  n’a  pas  dépassé  20  grammes  dans  d’autres,  et  a  été  nulle 
dans  plusieurs. 

Il  ressort  de  l’état  actuel  de  la  science  que  l’on  connaît  les  points  de 
l’axe  cérébro-spinal,  où  retentit  le  plus  particulièrement  la  maladie,  et 
que  l’on  comprend  comment  elle  mène  à  la  folie  et  à  la  démence. 

Il  reste  un  dernier  désidératum  à  combler,  c’est  de  connaître  les  alté¬ 
rations  qui  peuvent  se  produire  dans  le  grand  sympathique,  qui  joue  un 
des  plus  grands  rôles  dans  l’absence,  le  vertige  et  l’attaque. 

Pathogénîe.  —  Nous  étudierons  la  pathogénie  de  l’épilepsie  et  la 
physiologie  pathologique  des  phénomènes  qui  la  constituent. 

î.  Pathogénie  de  l’épilepsie.  —  Les  théories  qui  ont  été  émises  pour  ex¬ 
pliquer  l’épilepsie  peuvent  être  divisées,  ainsi  que  l’a  fait  Falret,  en  trois 
catégories  principales,  les  unes  reposant  sur  la  circulation  cérébrale,  les 
autres  sur  les  altérations  du  sang,  les  dernières  sur  le  pouvoir  réflexe 
ou  excito-moteur  de  la  moelle  épinière  et  principalement  de  la  moelle 
allongée. 

La  théorie  de  la  congestion  a  été  admise  par  la  plupart  des  auteurs  an¬ 
ciens,  parce  que,  à  l’autopsie  d’individus  morts  pendant  les  attaques,  on 
trouve  des  lésions  congestives  ;  mais  c’est  prendre  l’effet  pour  la 
cause. 

Depuis  Bouchet  et  Cazauvielh,  qui  admettaient  que  l’épilepsie  était 
une  inflammation  chronique  de  la  substance  blanche  du  cerveau, 
Henle  a  pensé  que  l’épilepsie  s’expliquait  par  des  troubles  de  la  cir¬ 
culation  cérébrale,  soit  qu’il  y  eût  pléthore,  soit  qu’il  y  eût  anémié  céré¬ 
brale. 

La  théorie  de  Vanémie  cérébrale  a  été  soutenue  dans  ces  temps  der¬ 
niers  par  Tenner  et  Kussmaul.  Ces  auteurs  admettent  que  l’anémie  seule 
est  la  condition  organique  de  toutes  les  épilepsies.  Ils  se  fondent  sur  des 
expériences  dans  lesquelles  la  ligature  des  artères  carotides  et  vertébrales 
et  des  saignées  abondantes  ont  déterminé  chez  des  animaux  des  convul¬ 
sions.  Mais  à  cette  théorie,  que  ses  auteurs  ont  trop  généralisée,  on  peut 
opposer,  ainsi  que  l’a  fait  Axenfeld,  les  excellents  effets  de  la  saignée 
dans  l’éclampsie,  la  suspension  d’accès  épileptiques  pendant  la  compres¬ 
sion  des  carotides. 

Les  partisans  de  la  seconde  théorie  attribuent  l’épilepsie  à  une  altéra¬ 
tion  du  sang  par  un  agent  toxique  né  dans  l’organisme.  L’idée  première 
de  celte  théorie  remonte  aux  auteurs  qui,  comme  Frerichs,  ont  attri¬ 
bué  à  l’urémie,  c’est-à-dire  à  la  présence  de  principes  ammoniacaux 
dans  le  sang,  les  attaques  épileptiformes  survenues  au  début  de  la  ma¬ 
ladie  de  Bright,  et  l’éclampsie  des  femmes  en  couches. 

Todd  est  celui  qui  a  appliqué  le  premier  ces  idées  à  l’épilepsie  pro¬ 
prement  dite.  D’après  lui,  l’accès  épileptique  serait  précédé  de  l’accumu¬ 
lation  graduelle  dans  le  sang  d’un  poison  morbide  qui  arrive  à  produire 
dans  le  cerveau  ou  dans  quelques-unes  de  ses  parties  un  haut  degré  d’ex¬ 
citation.  Plus  récemment,  Paulet  a  répété  cette  même  opinion  en  s’ap¬ 
puyant  sur  plusieurs  observations  où  il  aurait  constaté  que  les  attaques 


616  ÉPILEPSIE.  —  PATHOGÉNIE. 

d’épilepsie  sont  précédées  pendant  plusieurs  heures  d’un  excès  de  carbo¬ 
nate  d’ammoniaque  dans  l’urine. 

Sans  vouloir  prétendre  que  cette  théorie  explique  l’épilepsie,  je  dois 
dire  qu’un  grand  nombre  d’épileptiques,  qui  ont  de  fortes  attaques,  ré¬ 
pandent,  pendant  les  quelques  heures  qui  les  suivent,  une  odeur  et 
exhalent  une  haleine  ammoniacales.  J’ai  fait  souvent  analyser  dans  ces 
circonstances  l’haleine  d’épileptiques,  et  j’ai  pu  m’assurer  qu’elle  ren¬ 
fermait  une  énorme  quantité  d’ammoniaque.  Mais  je  serais  porté  à  croire 
que  cette  accumulation  d’ammoniaque  dans  l’organisme  est  bien  plutôt 
le  résultat  du  trouble  apporté  dans  l'organisme  par  les  attaques  que  la 
cause  même  de  ces  attaques;  c’est  du  moins  le  résultat  de-  mon  expé¬ 
rience  personnelle  ;  en  effet,  des  urines  recueillies  dans  les  heures  qui 
précèdent  les  attaques  ne  renfermaient  aucune  trace  de  carbonate  d’am¬ 
moniaque,  tandis  que  ce  principe  apparaissait  après  les  séries  d’atta¬ 
ques  répétées  à  court  intervalle. 

La  troisième  théorie  qui  est  aujourd’hui  le  plus  généralement  admise 
fait  jouer  le  rôle  principal  à  la  moelle  allongée.  On  regarde  souvent 
comme  une  conquête  de  ces  dernières  années  la  notion  de  la  relation  qui 
existe  entre  l’épilepsie  et  un  état  morbide  de  la  moelle,  mais  on  ne 
saurait  oublier  que  J.  Frank  avait  écrit  que  la  moelle  jouait  le  rôle 
principal  dans  l’épilepsie  atonique,  traumatique,  rhumatismale,  méta¬ 
statique,  arthritique,  scrofuleuse,  dans  celle  liée  à  l’onanisme. 

Les  données  véritablement  physiologiques  sur  l’épilepsie  sont  de 
date  récente  et  reposent  sur  les  découvertes  modernes,  qui  placent  dans 
le  bulbe  le  siège  des  phénomènes  réflexes. 

Marshall-Hall,  le  premier,  émit  l’opinion  que  l’épilepsie  est  due  à  une 
excitation  morbide  du  bulbe  rachidien,  siège  pour  lui  des  actes  réflexes. 
Le  bulbe  rachidien,  dit-il,  est  le  centre  où  aboutissent  toutes  les  causes 
périphériques  et  centriques  de  l’épilepsie.  Les  causes  cérébrales  agissent 
directement,  les  causes  périphériques  agissent  par  l’intermédiaire  des 
nerfs  sensitifs.  Toutes  ces  causes  portent  dans  le  bulbe  une  excitation 
quelconque  qui  se  réfléchit  aux  muscles  des  membres  et  du  tronc  par 
les  nerfs  moteurs. 

Les  convulsions  déterminées  par  l’excitation  en  retour  des  nerfs  mo¬ 
teurs  déterminent  en  particulier  l’état  tétanique  des  muscles  du  cou  et 
'  du  larynx,  ou  ce  que  Marshall-Hall  appelle  le  trachélisme  et  le  laryn¬ 
gisme.  Le  trachélisme  empêche  le  retour  du  sang  veineux  cérébral  au 
cœur  et  amène  un  commencement  d’asphyxie  de  la  tête  et  la  perte  de 
connaissance;  le  larymgisme  provoque  l’occlusion  plus  ou  moins  com¬ 
plète  de  la  glotte,  et,  comme  conséquence  de  l’asphyxie  cérébrale  com¬ 
plète,  les  convulsions  générales  et  partielles. 

En  résumé,  la  convulsion  tonique  des  muscles  du  cou  amène  les  sym¬ 
ptômes  du  petit  mal,  la  perte  de  connaissance,  les  modifications  de  cou¬ 
leur  de  la  face,  tandis  que  la  convulsion  tonique  de  la  glotte  est  suivie  des 
symptômes  du  grand  mal,  convulsions  générales  ou  partielles. 

La  cause  de  la  perte  de  connaissance  et  des  changements  de  coloration 


ÉPILEPSIE.  —  PATHOGÉNIE.  617 

de  la  face  paraît  être  bien  plutôt  celle  qu’a  donnée  Brown-Séquard, 
c’est-à-dire  une  excitation  des  filets  du  grand  sympathique,  consécutive 
elle-même  à  l’irritation  du  bulbe,  excitation  qui  se  propage  aux  filets 
vaso-moteurs  cérébraux,  amène  le  resserrement  des  rameaux  artériels  et, 
par  suite,  l’anémie  cérébrale  et  faciale,  ainsi  que  la  perte  de  connaissance. 
Quant  aux  convulsions,  Brown-Séquard  les  explique  par  la  propagation 
de  l’excitation  aux  nerfs  moteurs. 

Les  expériences  de  Brown-Séquard  sur  les  animaux  ont  fait  faire  un 
pas  important  à  la  pathogénie  de  l’épilepsie;  ce  physiologiste  a  montré, 
il  y  a  près  de  vingt  ans,  qu’en  coupant  une  des  parties  latérales  de  la 
moelle  épinière  dans  le  voisinage  de  la  dixième  vertèbre  dorsale,  et  même 
dans  des  points  plus  rapprochés  du  bulbe  chez  des  cobayes,  ces  animaux 
devenaient  épileptiques  au  bout  de  trois  semaines  à  peu  près.  Il  suffit, 
pour  cela,  d’irriter  la  peau  de  la  face  et  du  cou  pour  déterminer  de 
véritables  crises  épileptiques.  Depuis,  il  a  vu  les  crises  se  montrer  éga¬ 
lement  après  une  double  section  de  la  moelle. 

Brown-Séquard  désigne  sous  le  nom  de  zone  épileptogène  la  portion 
de  peau  qu’il  faut  irriter  pour  produire  une  attaque,  c’est-à-dire  cette 
portion  située  entre  les  lignes  allant,  l’une,  de  l’œil  à  l’oreille,  l’autre, 
de  l’oreille  à  la  partie  moyenne  du  maxillaire  inférieur,  et  s’étendant  de 
ce  point,  d’un  côté,  jusqu’à  l’œil,  et,  de  l’autre,  jusqu’au  cou,  pour 
revenir  par  un  demi-cercle  à  l’oreille.  Il  lui  est  facile  de  prouver  que  ces 
convulsions  ne  sont  pas  dues  à  la  douleur,  car  l’action  de  souffler  sur 
cette  région  amène  les  attaques. 

.  Les  dernières  présentations  faites  par  Brown-Séquard  confirment  ces 
divers  points  de  pathogénie,  et  démontrent  que  ce  traumatisme  ex¬ 
périmental  de  la  moelle  épinière  ne  détermine  pas  immédiatement  des 
convulsions,  mais  rend  peu  à  peu  les  animaux  sujets  à  des  attaques  pro¬ 
voquées  d’abord,  puis  plus  tard  spontanées. 

Brown-Séquard  a  noté  aussi  dans  un  cas  la  transmission  à  de  petits 
cobayes  de  la  maladie  de  la  mère,  autre  preuve  non  moins  convaincante 
de  la  réalité  d’une  véritable  entité  morbide  ainsi  produite  artificiellement. 

Du  reste,  la  ressemblance  des  phénomènes  convulsifs  ainsi  provoqués, 
et  des  convulsions  épileptiques ,  est  complète  ;  la  perte  de  connaissance 
est  absolue.  On  peut  pincer,  piquer,  brûler  les  cobayes  sans  produire 
d’autres  phénomènes  que  des  mouvements  dus  à  l’action  réflexe. 

La  théorie  qui  place  dans  le  bulbe  le  siège  de  l’épilepsie  a  été  aussi 
adoptée  par  Ach.  Fo ville.  Cet  auteur  a  fait  ressortir  l’influence  du  pou¬ 
voir  excito-moteu'r,  ou  réflexe  du  bulbe  et  de  la  partie  supérieure  de  la 
moelle  épinière,  sur  les  phénomènes  convulsifs  des  membres  et  du  tronc. 

Les  observations  anatomo-pathologiques  de  Schroeder  van  der  Kolk 
sont  venues  apporter  un  nouvel  appui  à  cette  opinion.  Ce  savant  a  re¬ 
marqué,  en  effet,  sur  les  épileptiques  une  coloration  anormale  de  la  face 
antérieure  du  quatrième  ventricule,  l’augmentation  de  volume  des  ca¬ 
pillaires  qui  la  tapissent  et  de  ceux  qui  pénètrent  dans  l’épaisseur  du 
bulbe. 


618 


ÉPILEPSIE.  -  PATHOGÉNIE. 


Pour  Schroeder  van  der  Kolk,  chaque  accès  amène  dans  le  bulbe  une 
congestion  artérielle  qui  se  traduit  par  une  dilatation  des  capillaires,  tout 
d’abord  temporaire,  mais  à  la  longue  définitive.  Ces  observations  sont 
de  la  plus  grande  exactitude;  toute  autopsie  d’épilepti(|ue  permet,  en 
effet,  de  constater  ces  lésions,  et  ces  observations  constantes  semblent  bien 
prouver  que  ce  fait  joue  un  rôle  important  dans  le  haut  mal. 

Russell  Reynolds  a  donné  de  la  convulsion  en  général  et  des  accès 
épileptiques  en  particulier,  une  explication  sujette  à  quelques  critiques. 
Cet  auteur  attribue  la  convulsion  à  l’augmentation  des  fonctions  vitales 
d’un  tissu  ou  d’un  organe,  consécutive  elle-même  à  l’augmentation  du 
mouvement  moléculaire.  Suivant  ainsi  l’opinion  de  Virchow,  il  cite  en 
particulier ,  comme  cause  de  cet  excès  d’action ,  toutes  les  cachexies,  les 
vices  généraux  de  nutrition,  tels  que  le  tubercule,  la  scrofule,  le  rachi¬ 
tisme,  la  syphilis.  C’est  de  même,  par  un  accroissement  de  fonctionne¬ 
ment  des  centres  nerveux,  que  Russell  Reynolds  explique  les  convulsions 
qui  dépendent  de  la  croissance,  les  convulsions  sympathiques,  celles 
qui  tiennent  à  des  intoxications,  ou  qui  sont  causées  par  des  lésions 
des  centres  nerveux. 

Kussmaul  et  Tenner  ont  émis  sur  la  pathogénie  des  convulsions  épilep¬ 
tiques,  une  théorie  très-discutable,  d’après  laquelle  ces  phénomènes 
ne  dépendraient  que'  de  l’encéphale  et  seraient  produits  par  l’accumu¬ 
lation  du  sang  noir  dans  cet  organe  pendant  l’asphyxie  épileptique.  Or, 
des  expériences  déjà  assez  nombreuses  démontrent  qu’un  animal  privé 
d’encéphale  peut  avoir  des  convulsions. 

Il  ressort  pour  nous  de  l’exposé  de  ces  théories,  que  le  cerveau  ne  doit 
pas  être  considéré  comme  étant  le  siège  de  l’épilepsie  ;  les  phénomènes 
qui  indiquent  sa  participation  à  la  maladie  sont  secondaires  par  rapport  à 
ceux  qui  se  passent. dans  les  régions  bulbaires.  Pour  nous,  le  bulbe  et  ses 
prolongements  pédonculaires  vers  le  cervelet,  le  cervelet  et  ses  pédoncules 
sont  les  organes  d’où  part  l’ictus  épileptique.  Consécutivement  à  l’action 
morbide  bulbaire,  il  se  fait  une  excitation  du  grand  sympathique  cervical 
par  l’intermédiaire  en  particulier  des  filets  qui  unissent  les  premières 
paires  cervicales  aux  ganglions  cervicaux  supérieurs ,  et  des  filets  qui  se 
rendent,  des  nerfs  sensitifs  de  la  base  du  cerveau,  aux  rameaux  du  grand 
sympathique  qu’accompagnent  les  artères  intra-crâniennes.  Sous  l’in¬ 
fluence  de  cette  excitation,  les  ramifications  artérielles  se  resserrent  et 
amènent  l’anémie  cérébrale,  la  perte  de  connaissance,  la  pâleur  faciale. 
Dans  la  simple  absence,  dans  le  vertige,  les  choses  en  restent  là  ;  mais  dans 
les  accès  et  les  attaques,  l’excitation  s’étend  au  reste  de  la  moelle  épinière, 
aux  racines  des  nerfs  moteurs,  et,  de  là,  aux  muscles  des  membres  et  du 
tronc,  pour  déterminer  les  convulsions  toniques,  puis  cloniques,  et  les 
phénomènes  secondaires  qui  en  sont  la  conséquence. 

Les  causes  elles-mêmes  de  cette  excitation  morbide  des  régions  bulbaires 
peuvent  être  médullaires,  intra-crâniennes  ou  périphériques;  et,  d’abord, 
l’épilepsie  spinale  ne  peut  être  mise  en  doute,  si  l’on  tient  compte  .des 
observations  de  J.  Frank,  de  Brown-Séquard.  L’épilepsie  de  cause  intra- 


619 


ÉPILEPSIE.  —  PATHOBÉNIE. 
crânienne  ne  peut  non  plus  être  niée,  malgré  les  affirmations  contraires 
de  Brown-Séquard,  de  Bouillaud. 

Les  autopsies  démontrent  que  l’épilepsie  pure  existe  fréquemment 
chez  des  individus  ayant  des  tumeurs  cérébrales.  C’est  ainsi  que,  sans 
parler  du  fait  d’Odier,  j’ai  vu  chez  un  enfant  une  tumeur  de  nature  hy¬ 
pertrophique  à  cheval  sur  les  deux  pédoncules  cérébraux. 

Hardy  a  noté  aussi  que  les  lésions  intra-crâniennes  sont  souvent  le 
point  de  départ  de  véritables  accès  épileptiques;  ainsi  les  exostoses 
syphilitiques  de  la  base  du  crâne. 

Quant  aux  causes  périphériques,  leur  existence  n’est  pas  non  plus 
douteuse;  une  observation  de  Broca  (1869)  a  montré  un  jeune  malade 
guéri,  au  moyen  de  la  trépanation,  de  l’épilepsie  causée  par  un  trauma¬ 
tisme  du  crâne.  (Voy.  Étiologie.) 

II.  Physiologie  pathologique  des  symptômes  qui  constituent  l’épilepsie. 
—  Le  premier  par  ordre  de  venue,  quoique  non  constamment  senti  est 
l’aura.  L’aura  est  un  des  phénomènes  sur  lesquels  on  a  le  plus  discuté; 
les  uns  le  considérant  comme  une  sensation  périphérique,  les  autres 
comme  l’écho  lointain  d’un  état  pathologique  des  centres  nerveux. 
Axenfeld,  en  particulier,  professe  cette  dernière  opinion  et  considère  l’aura 
comme  une  sensation  essentiellement  cérébrale  qui  est  le  plus  souvent 
perçue  en  un  point  assez  éloigné  du  centre,  comme  si  son  origine  était 
périphérique;  d’autres  auteurs,  et  en  particulier  Locher,  Maisonneuve, 
Portai,  Herpin,  regardent  l’aura  comme  un  phénomène  périphérique 
d’ordre  convulsif  et  spasmodique.  Quant  à  nous ,  nous  pensons  que 
l’aura  a  aussi  très-rarement  une  origine  périphérique  ;  mais  qu’elle  peut 
consister  soit  en  une  simple  sensation  centrale  perçue  à  la  périphé¬ 
rie  soit  en  un  spasme  périphérique  dont  la  cause  excitante  est  essentielle¬ 
ment  centrale. 

C’est  ainsi  que  des  malades  atteints  de  ramollissement,  d’hémorrha¬ 
gie  du  cerveau,  d’hémiplégie  et  d’attaques  épileptiformes  ressentent 
des  auras  dans  un  membre  au  début  des  attaques  ;  c’est  ainsi  que  l’épi¬ 
lepsie  la  plus  franche  accompagnée  d’aura  périphérique  est  souvent 
déterminée  par  des  lésions  cérélsrales  (obs.  d’Odier,  d’Herpin). 

Nous  pensons  donc  que  l’aura  a  presque  toujours  une  origine  centrale 
mais  que  la  sensation  qui  la  constitue  se  passe  réellement  à  la  périphérie 
et  dans  les  points  où  elle  est  ressentie. 

L’explication  est  la  même  pour  l’aura  sensitive  que  pour  l’aura  motrice, 
l’aura  psychique  et  l’aura  sensorielle.  L’ictus  est  toujours  central  pour 
de  là  se  propager  aux  nerfs  sensitifs,  aux  nerfs  moteurs,  aux  cellules  cé¬ 
rébrales  et  aux  organes  des  sens. 

Nous  croyons  que  cette  explication  s’applique  à  tous  les  cas  à  peu  près, 
et  qu’une  seule  exception  pourrait  être  admise  pour  l’épilepsie  vaso¬ 
motrice. 

Brown-Séquard  a  démontré  que  la  pâleur  de  la  face  et  la  perte  de  con¬ 
naissance  sont  déterminées  par  une  irritation  des  nerfs  vaso-moteurs, 
laquelle  amène  le  resserrement  des  ramifications  artérielles  et  consécuti- 


ÉPILEPSIE.  -  P.4TH0GÉSIE. 


vementune  anémie  subite  de  la  face  et  des  lobes  cérébraux.  Cette  irritation 
des  vaso-moteurs  est  elle-même  le  l'ésultat  d’une  irritation  du  grand  sym¬ 
pathique  cervical,  dont  la  cause  productrice  est  une  excitation  des  régions 
bulbaires.  Brown-Séquard  a  cherché  à  démontrer  expérimentalement  la 
participation  du  grand  sympathique  cervical  à  la  perte  de  connaissance. 
Après  avoir  extirpé,  sur  des  cobayes  rendus  préalablement  épileptiques, 
les  ganglions  cervicaux  supérieurs,  il  a  observé  que  l’irritation  de  la  zone 
épileptogène  ne  produisait  plus  que  partiellement  la  perte  de  connais¬ 
sance.  L’irritation  du  grand  sympathique  peut,  du  reste,  se  démontrer 
aussi  bien  cliniquement  quelle  peut  l’être  expérimentalement. 

En  effet,  outre  les  douleurs  viscérales,  les  borborygmes,  les  vomisse¬ 
ments,  les  modifications  de  l’urine,  l’émission  de  sperme  qui  sont  des 
phénomènes  connus,  j’en  ai  observé  d’autres  qui  ne-  sont  pas  moins 
probants;  ainsi  la  sueur  considérable  des  mains  qui  annonce  et  ac¬ 
compagne  les  séries  d’attaques,  une  teinte  rash  générale,  que  j’ai  ob¬ 
servée  deux  fois  avant  la  période  tétanique  et  qui  annonçait  évidem¬ 
ment  une  paralysie  des  vaso-moteurs.  J’ai  observé  de  même  plusieurs  fois, 
consécutivement  à  des  attaques,  des  troubles  hépatiques  passagers  con¬ 
sistant  en  augmentation  du  volume  du  foie  et  en  ictère. 

Le  cri  a  été  interprété  de  plusieurs  façons  bien  différentes,  tantôt  comme 
l’expression  de  la  frayeur  et  de  la  surprise  (Beau),  ou  de  la  douleur 
(Herpin). 

Billod  et  Axenfeld  pensent  qu’il  n’en  est  pas  ainsi  et  que  le  cri  résulte 
d’une  secousse  convulsive  des  muscles  du  larynx,  suivie  d’un  brusque 
mouvement  d’expiration.  Du  reste,  ce  symptôme  est  loin  d’être  constant. 
La  chute  paraît  due  non  pas,  comme  Billod  le  pense,  au  tétanos  tem¬ 
poraire  des  muscles,  mais  tout  simplement  à  la  perte  du  sentiment  et  de 
la  connaissance. 

Convulsions  générales. — Les  convulsions  générales  sont  les  signes  par 
excellence  qui  séparent  le  petit  mal  du  grand  mal,  c’est-à-dire  les  absences, 
vertiges,  des  accès  et  des  attaques. 

L’excitation  du  bulbe,  des  régions  bulbaires  et  de  la  moelle  épinière  se 
propage  aux  nerfs  moteurs  de  la  base  du  crâne,  facial,  hypoglosse,  maxil¬ 
laire  inférieur  et  aux  nerfs  émanés  de  la  moelle  épinière  et  amène  les 
convulsions,  la  laideur  du  visage,  la  projection  en  avant  de  la  langue,  le 
trismus,  l’état  tétanique  des  muscles,  du  cou,  de  la  poitrine,  du  ventre, 
des  membres. 

Cette  explication  adoptée  par  Marshall -Hall  le  premier,  puis  par 
Foville,  Schroeder  van  der  Kolk,  se  rapproche  plus  de  la  vérité  que  celle 
mise  en  avant  par  Kussmaul,  Tenner  et  Badcliffe. 

Luys  fait  jouer  un  rôle  important  au  cervelet  dans  les  manifestations 
convulsives,  [.«s  observations  anatomo-pathologiques  que  j’ai  publiées  me 
font  penser  aussi  que  l’innervation  cérébelleuse  est  un  agent  de  renfor¬ 
cement  dans  les  convulsions.  J’ai  observé  chez  des  individus  morts  en 
état  de  mal  que  les  deux  lobes  du  cervelet  étaient  turgides,  comme 
hypertrophiés,  couleur  lie  de  vin;  du  reste,  tout  épileptique  ou  tout 


621 


ÉPILEPSIE.  -  PATHOGÉKIE. 

individu  qui  a  eu  des  attaques  épileptiformes  présente  dans  son  cervelet 
des  lésions  congestives  très-manifestes.  Aussi  je  considère  avec  Luys  que 
l’irritation  bulbaire  gagne  les  pédoncules  inférieurs,  le  cervelet,  les  pé¬ 
doncules  moyens  et  supérieurs,  pour  revenir  de  là  à  la  protubérance  et 
au  bulbe;  mais  l’ictus  morbide  ne  s’en  tient  pas  là  et  s’étend  à  une 
longueur  plus  ou  moins  grande  de  la  moelle  épinière. 

Les  convulsions  toniques  des  membres  et  du  tronc  viennent  en  effet 
de  ce  que  l’excitation  bulbaire  a-gagné  les  faisceaux  antéro-latéraux  ;  elles 
indiquent  la  rigidité  soutenue  de  la  fibre  musculaire. 

Lorsque  les  muscles  respirateurs  sont  atteints,  l’immobilité  du  thorax 
amène  un  état  asphyxique  et  une  série  de  phénomènes  secondaires  qui 
donne  à  l’attaque  une  physionomie  spéciale  ;  le  sang  veineux  ne  pou¬ 
vant  plus  revenir  au  cœur,  s’accumule  dans  les  capillaires,  peut  les 
rompre  de  façon  à  déterminer  des  taches  purpurines  que  l’on  ne  peut 
souvent  reconnaître  qu’avec  l’aide  du  microscope.  C’est  ainsi  que  j’ai 
pu  constater  dans  les  capillaires  cérébraux  de  tous  les  anciens  épilep¬ 
tiques  des  traces  d’épanchements  sanguins  de  date  plus  ou  moins  an¬ 
cienne  dans  la  substance  cérébrale  et  dans  les  gaines  vasculaires. 

Les  convulsions  cloniques  sont,  ainsi  que  l’ont  dit  Axenfeld  et  Ach. 
Foville,  des  contractions  intermittentes;  elles  indiquent  la  diminution  de 
l’excitabilité  des  régions  convulsivantes,  diminution  qui  est  produite  par 
l’épuisement  nerveux  mais  surtout  par  l’accumulation  du  sang  noir  dans 
ces  centres  nerveux. 

La  cessation  d’une  attaque  est  donc  la  conséquence  de  l’asphyxie  qu’elle 
a  elle-même  amenée.  Plus  l’asphyxie  est  rapide  (Ach.  Foville),  plus  vite 
son  action  se  fait  sentir  sur  la  moelle  et  la  rend  incapable  de  réagir,  en 
sorte  que  le  danger  est  conjuré  par  son  excès  même.  (Voy.  Convulstoks.) 

La  dilatation  de  la  pupille  qui  est  un  des  meilleurs  signes  de  l’épilep¬ 
sie,  un  de  ceux  que  l’on  ne  peut  simuler,  est  produite  par  la  contraction 
des  fibres  radiées,  de  l’iris,  dont  le  point  de  départ  est  la  surexcitation  du 
grand  sympathique  cervical. 

La  morsure  de  la  langue  est  produite,  selon  Scbroeder  van  der  Kolk, 
par  une  localisation  spéciale  de  l’excitation  bulbaire  dans  le  voisinage  des 
racines  de  l’hypoglosse:  il  s’est  appuyé  sur  un  certain  nombre  d’obser¬ 
vations  d’épileptiques  qui  se  mordaient  la  langue  et  chez  lesquels  les 
vaisseaux  capillaires  étaient  incomparablement  plus  développés  près  des 
racines  de  l’hypoglosse  que  chez  ceux  qui  ne  se  mordent  pas  la  langue. 

Le  coma  correspond  plutôt  à  un  état  congestif  cérébral  qu’à  un  simple 
épuisement  nerveux,  et  est  remplacé  chez  la  plupart  des  malades  par  un 
sommeil  réparateur.  Axenfeld  suppose  avec  raison  que  ce  sommeil  cor¬ 
respond  au  moment  précis  où  l’hypérémie  cérébrale  disparaît,  des  re¬ 
cherches  récentes  ayant  démontré  que,  pendant  le  sommeil ,  le  cer¬ 
veau  est  loin  d’être  plus  congestionné  qu’à  l’état  de  veille  et  qu’il  se 
trouve  au  contraire  dans  un  état  d’anémie  relative.  (Durham.) 

L’émission  de  V urine  et  l’éjaculation  du  sperme  sont  deux  phénomènes 
d’une  fréquence  variable  qui,  je  crois,  dépendent  d’une  excitation  anor- 


622  •  ÉPILEPSIE.  —  pathogénie. 

male  des  portions  lombaire  et  sacrée  du  grand  sympathique.  Les  expé¬ 
riences  de  Valentin  et  de  Longet  ne  permettent  pas  de  conserver  le 
moindre  doute  sur  l’influence  de  la  galvanisation  et  de  l’irritation  de  ces 
parties  du  grand  sympathique  sur  les  contractions  involontaires  du  côrps 
de  la  vessie,  des  vésicules  séminales  et  des  sphincters. 

Quant  aux  vomissements  que  l’on  observe  dans  certaines  épilepsies, 
ils  sont  évidemment  dus  à  une  convulsion  du  diaphragme  et  des  muscles 
abdominaux  ou  bien  du  diaphragme  et  des  muscles  abdominaux  séparé¬ 
ment. 

La  petitesse  du  pouls  et  les  petites  courbes  parfaitement  arrondies  qui 
se  produisent  aussitôt  le  début  de  l’attaque,  ainsi  que  le  démontre  le  tracé, 
fig.  89,  page  590,  indiquent  une  action  stimulante  exercée  sur  les  filets 
sympathiques  vasculaires  et  par  conséquent  la  constriction  des  tuyaux 
vasculaires  ;  mais  cette  stimulation  du  sympathique  est  remplacée  bientôt 
par  sa  paralysie,  et  l’on  observe  alors  le  développement  du  pouls,  la  hau¬ 
teur  des  lignes  sphygmographiques,  et  le  dicrotisme  (fig.  93,  95  et  97, 
p.  590  et  591). 

L’écume  buccale  est  considérée  par  Herpin  comme  venant  de  l’action 
irrégulière  comprimante  des  muscles,  ou  d’une  modification  essentielle 
des  organes  sécréteurs  ou  de  ces  deux  causes  réunies. 

Je  crois  aussi  qu’il  y  a  hypersécrétion  des  glandes  salivaires,  mais 
que  c’est  la  contraction  des  muscles  faciaux  qui  empêchent  l’écoule¬ 
ment  de  la  salive  et  la  font  refluer  à  la  partie  antérieure  de  la  cavité 
buccale.  (Besson.) 

La  présence  du  sang  dans  l’écume  est  bien  certainement,  pour  la  ma¬ 
jorité  des  cas,  l’indice  d’une  morsure  de  la  langue,  des  lèvres,  des  joues, 
mais  il  m’est  arrivé  un  certain  nombre  de  fois  de  ne  pouvoir  constater 
aucune  trace  de  morsure  ni  d’érosion  sur  la  langue,  les  lèvres,  la  face 
interne  des  joues,  les  gencives,  et  j’ai  été  amené  à  penser  que  dans  ces 
cas,  où  la  période  tétanique  avait  été  d’une  violence  extrême,  il  s’était  fait 
une  exhalation  sanguine  par  la  muqueuse  des  premières  voies. 

L’épilepsie  ne  revêt  pas  toujours,  tant  s’en  faut,  tous  les  caractères  que 
nous  venons  d’énurnérer.  Elle  peut  exister  sans  aura,  sans  convulsions 
extérieures,  même,  ce  qui  est  très-rare,  sans  perte  complète  ou  incom¬ 
plète  de  la  connaissance,  et  cela,  suivant  l’étendue  du  retentissement 
de  l’ictus  sur  les  nerfs  moteurs  et  le  grand  sympathique. 

Au  sujet  de  ce  dernier  nerf,  il  est  à  noter  qu’il  est  aussi  profondé¬ 
ment  excité  dans  le  vertige,  que  dans  l’attaque  convulsive  la  plus  in¬ 
tense  ;  j’ai  pris  nombre  de  fois  chez  des  individus  frappés  de  vertige 
des  tracés  sphygmographiques  qui  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard  ; 
même  hauteur  de  courbes,  même  dicrotisme,  (fig.  99  et  100,  p.  593). 

L’hyperesthésie  cutanée  et  sensorielle  qui,  chez  quelques  malades, 
tantôt  remplace  et  tantôt  précède  les  attaques,  indique  évidemment  que 
l’excitation  morbide  s’est  étendue  à  certains  départements  de  la  sensibilité 
générale  et  sensorielle  où  elle  se  manifeste  par  des  névralgies  avec  ou 
sans  aura,  par  des  odeurs,  des  hallucinations  de  l’ouïe  ou  de  la  vue. 


ÉPILEPSIE.  —  NATURE.  623 

Quant  au  délire  maniaque  que  l'on  voit  quelquefois  remplacer  les 
attaques,  il  est  difficile  de  ne  pas  l’attribuer  au  transport  de  l’excita¬ 
tion  épileptique  des’  organes  incitateurs  du  mouvement  à  ceux  qui  prési¬ 
dent  à  l’accomplissement  des  actes  intellectuels,  c’est-à-dire  à  la  sub¬ 
stance  grise  des  circonvolutions  cérébrales. 

Quoi  qu’il  en  soit,  nous  devons  nous  tenir  encore  dans  une  prudente 
réserve  sur  le  mécanisme  de  la  maladie  elle-même  (Jaccoud)  avec  ses 
intermissions  surprenantes,  ses  retours  imprévus,  ses  formes  diverses, 
avec  tous  ses  caractères  enfin  qui  établissent  encore  une  limite  difficile 
à  franchir  entre  l’épilepsie  morbide  et  l’épilepsie  artificielle. 

IVatnpe.  —  Connaissant  la  pathogénie  et  la  physiologie  pathologique 
de  l’épilepsie,  il  nous  est  possible  d’en  étudier  la  nature.  Pour  nous,  il 
est  hors  de  doute  que  l’épilepsie  est  non  pas  un  symptôme,  une  affection 
limitée  à  un  point  du  système  nerveux  comme  on  l’a  dit  et  comme 
on  le  dit  encore  quelquefois,  mais  bien  une  affection  générale  qui  inté¬ 
resse  une  grande  partie  de  l’axe  cérébro-spinal  et  du  grand  sympa¬ 
thique,  et  qui  a  son  siège  principal  dans  le  bulbe  rachidien.  La  réa¬ 
lité  de  cette  entité  découle  de  la  variété  des  phénomènes  intellectuels, 
sensitifs,  moteurs  et  nutritifs  qui  surviennent  pendant  une  attaque, 
non  moins  que  de  la  perversion  du  caractère,  des  excentricités,  des 
impulsions  insolites,  des  sensations  bizarres  et  de  cette  cachexie  spéciale 
qui  caractérisent  aussi  bien  l’épilepsie  que  les  absences,  les  vertiges  et 
les  attaques. 

L’épilepsie  peut  être  dans  les  premiers  temps  un  symptôme  d’une 
irritation  centrale  ou  périphérique,  ainsi  dans  les  cas  de  convulsions 
causées  parla  dentition,  les  vers,  des  intoxications,  etc.;  mais  le  symptôme 
devient  bientôt  une  maladie  lorsqu’il  s’est  reproduit  un  certain  nom¬ 
bre  de  fois  ;  l’accident  se  transforme  en  habitude,,  puis  en  entité  mor¬ 
bide. 

Je  tirerai  cette  conclusion  des  faits  expérimentaux  dans  lesquels 
Brown-Séquard  a  observé  que  les  convulsions  qu’il  déterminait  artificiel¬ 
lement  chez  les  cobayes  devenaient  au  bout  d’un  certain  temps  sponlanées; 
elles  demeuraient  donc  à  l’état  d’habitude  morbide,  et  l’habitude  mor¬ 
bide  devenait  si  bien  une  maladie,  qu’une  femelle  a  pu  donner  naissance 
à  des  petits  épileptiques. 

L’épilepsie  est  certainement  une  névrose,  mais  sa  cause  peut  être 
organique  aussi  bien  qu’essentielle;  en  effet,  elle  peut  dépendre  des 
altérations  organiques  des  centres  nerveux,  .d’intoxications,  de  lésions 
périphériques  (épilepsie  survenue  à  la  suite  d’une  blessure  du  testicule 
et  guérie  par  la  castration,  J.  Frank),  (épilepsie  survenue  à  la  suite 
d’enfoncement  du  crâne,  et  guérie  par  la  trépanation,  Broca),  épilepsie 
vermineuse;  toutes  ces  causes  et  bien  d’autres  peuvent  déterminer  l’exal¬ 
tation  du  bulbe  et  amener  l’épilepsie,  qui,  malgré  cette  étiologie, 
n’en  est  pas  moins  une  névrose;  d’ailleurs,  l’affection  convulsive  s’éloigne 
dans  ces  cas  des  maladies  purement  organiques  pour  se  rapprocher  des 
névroses,  par  son  absence  de  suite,  ses  manifestations  rapides,  passagères, 


624  ÉPILEPSIE.  —  diagnostic. 

dont  on  ne  peut  suivre  ni  préciser  la  marche,  tant  elles  agissent  par  sur¬ 
prise. 

Du  reste,  si  l’on  voulait  ne  classer  dans  l’épilepsie  que  les  convulsions 
sine  maleria,  on  courrait  grand  risque,  à  moins  de  faire  l’autopsie  dans 
les  premiers  temps  de  la  maladie,  de  ne  voir  partout  que  des  convulsions 
symptomatiques. 

Aussi,  tout  en  reconnaissant  que  l’épilepsie  peut  être  déterminée  par 
des  causes  organiques,  inaccessibles  à  nos  sens  et  à  nos  moyens  d’inves¬ 
tigation,  je  n’hésite  pas  à  déclarer  que  le  nom  d’épilepsie  symptomatique 
ne  doit  être  donné  à  l’épilepsie  que  dans  les  cas  où  les  malades  présen¬ 
tent  des  déformations  du  crâne,  de  la  colonne  vertébrale,  des  signes  de 
parésie,  de  paralysies  sensorielles,  de  maladies  diverses  des  centres  ner¬ 
veux,  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  l’existence  d’une  lésion  antérieure 
aux  convulsions. 

Diagnostic.  —  Si  le  diagnostic  de  l’épilepsie  type  n’est  pas  dif¬ 
ficile,  on  n’en  peut  pas  dire  autant  de  l’épilepsie  incomplète,  des  ab¬ 
sences,  des  secousses  et  commotions,  et  de  tous  ces  phénomènes  qui 
ne  rappellent  en  aucune  façon  l’appareil  symptomatique  du  haut 
mal. 

Th.  Herpin  (de  Genève)  a  beaucoup  contribué,  sous  ce  point  de  vue,  à 
faire  avancer  nos  connaissances  en  épilepsie  ;  il  a  montré  le  premier  que 
l’épilepsie  est  annoncée  le  plus  souvent,  à  une  époque  plus  ou  moins 
éloignée  des  attaques  convulsives,  par  des  phénomènes  particuliers  qu’il 
appelle  accès  incomplets,  lesquels  indiquent  la  venue  prochaine  du  mal 
comitial,  et  permettent  d’employer  une  thérapeutique  rationnelle  et 
d’empêcher  le  développement  ultérieur  de  la  maladie.  Ces  phénomènes, 
qu’il  est  si  important  de  connaître,  consistent  en  crampes  d’un  membre, 
en  convulsions  partielles,  en  spasmes  viscéraux,  en  commotions,  quel¬ 
quefois  en  grincements  de  dents;  l’absence  elle-même,  un  des  signes  les 
plus  importants  de  l’épilepsie,  est  souvent  prise  pour  une  syncope,  et, 
cependant,  on  ne  saurait  oublier  que  la  rapidité  de  l’invasion,  l’absence 
absolue  de  connaissance,  l’égarement  consécutif  de  la  physionomie,  la 
soudaineté  avec  laquelle  le  malade  reprend  la  phrase  interrompue,  l’exis¬ 
tence  simultanée  d’une  grimace,  d’un  peu  d’écume  à  la  bouche,  sont 
éminemment  propres  à  l’épilepsie. 

S’il  est  fâcheux  de  ne  pas  distinguer  ces  phénomènes  légers,  il  est  bien 
autrement  regrettable  de  méconnaître  l’épilepsie  ou  d’en  ignorer  l’exis¬ 
tence  lorsqu’elle  est  parfaitement  établie.  Combien  de  femmes  n’a-t-on 
pas  laissées  se  marier,  dans  la  pensée  que  ces  vertiges,  que  l’on  supposait 
d’ordre  hystérique,  disparaîtraient  avec  le  mariage,  tandis  que  le  naariage 
a  aggravé  l’état  maladif. 

Les  phénomènes  épileptiques  (accès,  vertige)  sont  aussi  fréquemment 
méconnus  lorsqu’ils  ne  surviennent  que  la  nuit;  le  stertor  est  pris  pour 
du  ronflement  simple,  les  convulsions  pour  de  l’agitation  ;  il  est  arrivé 
que  des  épileptiques  à  attaques  nocturnes  se  sont  mariés  sans  que  per¬ 
sonne  soupçonnât  leur  état.  Il  est  possible  d’éviter  de  semblables  er- 


ÉPILEPSIE.  —  DIAGNOSTIC.  625 

reurs  lorsque  l’épilepsie  nocturne  s’accompagne,  ce  qui  est  presque 
la  règle,  d’incontinence  d’urine  ou  d’incontinence  de  matières  fécales; 
lorsque  l’on  constate  sur  la  face  un  piqueté  fin  eccliymotique,  une  mor¬ 
sure  de  la  langue,  delà  courbature,  une  céphalalgie  spéciale;  lorsqu’on 
apprend  que  l’oreiller  est  taché  par  de  la  salive  et  surtout  de  la  salive 
sanguinolente.  Dans  ces  dernières  conditions  on  peut  être  certain  qu’il 
s’est  produit  un  accès  nocturne  de  haut  mal. 

Trousseau  a  signalé  une  cause  d’erreur  qu’il  importe  bien  de  faire 
connaître,  et  qui  consiste  à  prendre  pour  une  congestion  cérébrale  une 
attaque  d’épilepsie.  Lorsque  le  médecin,  en  effet,  arrive  auprès  d’un 
malade  qui  est  sans  connaissance  et  qu’il  le  trouve  en  état  de  coma, 
dans  la  résolution  complète,  avec  la  face  rouge,  il  peut  croire  à  une 
congestion  du  cerveau,  et  sa  supposition  lui  paraîtra  d’autant  plus  fon¬ 
dée,  que  le  malade  aura  eu,  postérieurement  au  coma,  des  accidents 
paralytiques  partiels ,  mais  s’il  apprend  que  de  temps  en  temps  il  existe 
des  absences  diurnes,  que  les  prétendues  congestions  sont  précédées 
de  mouvements  des  membres  ;  si  le  malade  accuse  après  ses  congestions 
mal  à  la  langue  ou  des  aphthes,  si  l’on  constate  sur  la  face  un  piqueté  fin, 
et  si  on  sait  enfin  que  ces  congestions  se  reproduisent  de  temps  en  temps, 
le  médecin  peut  être  certain  que  le  malade  est  épileptique. 

Trousseau  disait  qu’il  ne  se  passait  pas  de  mois  qu’il  ne  vît  dans  son 
cabinet  quelques  malades  accusés  d’apoplexie  qui  étaient  épileptiques; 
beaucoup  de  gens  atteints  de  vertiges  comitiaux  lui  étaient  adressés 
comme  ayant  des  congestions  cérébrales  faibles. 

La  congestion,  la  turgescence  habituelle  de  la  face,  ont  été  aussi  plu¬ 
sieurs  fois,  à  ma  connaissance,  la  cause  d’erreurs  de  la  part  de  médecins 
qui  pensaient  qu’ils  étaient  en  présence  de  congestions  cérébrales,  et 
qui  traitaient  par  des  saignées,  des  purgatifs,  les  malades. 

L’éclampsie  occupe  la  première  place  dans  la  question  du  diagnostic 
différentiel  de  Fépilepsie  avec  les  autres  affections  convulsives.  Il  y  a 
à  cela  deux  raisons  principales  :  la  première  est  l’extrême  difficulté  que 
présente  quelquefois  ce  diagnostic,  et  la  seconde  est  l’impossibilité  de 
trouver  une  différence  entre  les  accidents  convulsifs  qui  les  constituent 
toutes  deux. 

On  ne  peut  diagnostiquer  l’éclampsie  qu’en  tenant  compte  des  anté¬ 
cédents,  des  circonstances  concomitantes  (grossesse,  accouchement,  dé¬ 
buts  d’une  fièvre  éruptive,  dentition,  albuminurie)  ;  de  plus,  l’éclampsie 
présente  presque  toujours  le  caractère  aigu,  est  souvent  accompagnée  de 
fièvre  et  se  lie  à  un  état  morbide  qui  se  manifeste  par  d’autres  symptômes, 
et  ne  laisse  pas  entre  les  convulsions  des  intervalles  de  santé  parfaite; 
l’épilepsie  est  un  état  chronique,  apyrétique,  d’une  étiologie  vague  qui 
présente ,  entre  les  attaques  convulsives,  un  état  de  santé  complète.  En 
outre,  il  est  rare  que  la  première  attaque  d’épilepsie  n’ait  pas  été  précé¬ 
dée  de  phénomènes  prodromiques  analogues  à  ceux  que  j’ai  décrits. 

L’hystérie  est  facile  à  distinguer  de  l’épilepsie;  en  effet,  au  lieu 
d’observer,  comme  dans  l’épilepsie,  un  cri  unique,  la  perte  immédiate  et 

KOBV.  DICT.  51ÉD.  ET  CUIB.  XIII.  —  40 


ÉPILEPSIE.  — -  DIAGNOSTIC. 


complète  de  connaissance,  la  pâleur,  puis  la  lividité  de  la  face,  sa  laideur, 
la  raideur  générale,  les  secousses  générales,  la  morsure  de  la  langue, 
l’écume  à  la  bouche,  le  coma,  le  stertor,  la  stupeur  consécutive,  on  entend 
des  plaintes,  des  sanglots,  on  assiste  à  des  efforts  pour  se  débarrasser  la 
gorge  ;  on  voit  une  teinte  et  une  apparence  non  désagréable  de  la  face 
qui  exprime  la  souffrance,  mais  non  la  laideur  ;  aucun  signe  d’asphyxie, 
pas  de  morsure  de  la  langue,  pas  de  stertor,  pas  de  perte  de  connais¬ 
sance.  Après  l’accès,  aucune  stupeur,  seulement  de  la  fatigue,  des  san¬ 
glots  ou  des  rires. 

L’hystérie  peut  exister  chez  un  même  malade  en  même  temps  que 
l’épilepsie.  Le  fait  ne  peut  être  mis  en  doute.  Les  travaux  de  Sandras, 
Bourguignon,  Landouzy,  Maisonneuve,  Beau,  Briquet,  Moreau  (de  Tours), 
Dunant,  autorisent  à  admettre  deux  formes  bien  distinctes  d’hystéro-épi- 
lepsie  ;  dans  la  première  il  y  a  tantôt  des  accès  d’hystérie  et  tantôt  des 
accès  d’épilepsie  ;  dans  la  seconde,  les  accès  se  composent,  en  même 
temps,  de  symptômes  hystériques  et  de  symptômes  épileptiques  réunis. 
(Landouzy.)  A  ces  deux  formes  types  on  peut,  avec  Dunant,  ajouter  un 
groupe  d’hystériques  qui  ressentent  quelques-unes  des  manifestations 
non  convulsives  de  l’épilepsie  (vertige,  absence),  et  un  groupe  d’épilep¬ 
tiques  qui  présentent  quelques  symptômes  de  l’hystérie  non  convulsive. 

Il  est  une  classe  d’accidents  vertigineux  (vertige  nerveux)  qui  peuvent 
être  une  cause  d’erreur  dans  le  diagnostic  :  ce  sont  ceux  qui  sont  liés 
d’une  part  à  des  lésions  de  l’oreille  interne,  siégeant  spécialement  dans 
les  canaux  demi-circulaires,  et  d’autre  part  à  des  désordres  gastriques. 

Menière  a  observé,  le  premier,  ce  vertige  ab  aure  læso,  dans  lequel  les 
malades  pris  subitement  de  vertiges,  de  sensation  de  balancement  per¬ 
sonnel  et  de  vacillation  des  objets  environnants,  de  nausées,  de  vomisse- 
'ments  même,  tombent  à  terre,  la  face  profondément  pâle,  la  tête  couverte 
d’une  sueur  profuse.  Menière  a  fait  remarquer  que  ces  vertiges  étaient 
ordinairement  considérés  comme  des  congestions  cérébrales  et  traités 
comme  tels  par  des  sangsues,  des  saignées,  des  purgatifs. 

Le  diagnostic  de  ce  genre  d’accidents  doit  se  fonder  sur  l’absence  de 
perte  complète  de  connaissance,  sur  l’existence  de  bruits  dans  les 
oreilles,  de  diminution  de  l’ouïe,  de  douleurs  auriculaires,  de  lésions 
de  la  membrane  du  tympan.  J’ai  observé  un  cas  de  ce  genre  dans 
lequel  la  seule  pression  sur  le  tragus  et  à  l’entrée  du  conduit  auditif 
externe  suffisait  pour  provoquer  et  augmenter  la  sensation  de  tournoie¬ 
ment,  en  même  temps  qu’elle  causait  une  douleur  très-vive;  dans  un 
autre  cas,  le  malade  ne  pouvait  marcher  droit,  trébuchait,  et  Serait  tombé 
si  on  ne  l’avait  retenu.  En  cas  de  vertige  de  date  récente,  il  faut  donc 
penser  à  une  lésion  de  l’oreille  ;  on  se  rappellera  aussi  que  l’épilepsie 
confirmée  peut  être  produite  par  une  affection  de  cet  organe. 

Le  vertige  a  stomacho  se  distingue  en  particulier  du  vertige  épileptique 
par  les  circonstances  étiologiques  qui  lui  sont  spéciales  (excès  d’aliments, 
inanition  ou  dyspepsie  habituelle).  Dans  ce  cas,  le  malade  ne  perd  pas 
connaissance. 


ÉPILEPSIE.  —  DIAGNOSTIC.  6^7 

La  thérapeutique  de  l’épilepsie  ne  saurait  s’accommoder  de  l’ignorance 
où  peut  être  le  médecin  de  la  cause  de  la  maladie,  et  l’on  comprend 
combien  il  importe  de  savoir  si  elle  est  idiopathique  ou  symptomatique 
de  lésions  du  système  nerveux  central  ou  d’altérations  périphériqües.  (On 
ne  doit  pas  hésiter  à  ranger  dans  l’épilepsie,  l’épilepsie  symptomatique^ 
parce  que,  à  part  la  cause  et  certains  phénomènes  spéciaux,  cette  dernière 
est  par  ses  symptômes  convulsifs,  ses  vertiges,  ses  absences,  entièrement 
semblable  à  l’épilepsie  ordinaire.) 

Pour  trancher  cette  question,  le  médecin  doit  remonter  aux  antécé¬ 
dents  de  toute  sorte,  se  bien  renseigner  sur  la  façon  dont  se  sont  mani¬ 
festés  les  premiers  phénomènes,  sur  leur  relation  ou  non  avec  une 
maladie  qui  aurait  précédé  l’épilepsie,  sur  les  principaux  caractères  des 
attaques,  sur  l’état  de  l’intelligence,  de  la  motilité  et  de  la  sensibilité. 

Lorsque  le  médecin  apprend  que  les  ascendants  n’ont  jamais  été  atteints 
d’affection  de  nature  tuberculeuse,  scrofuleuse,  syphilitique,  que  la  mala¬ 
die  a  suivi  une  grande  émotion,  une  peur,  qu’elle  n’a  pas  été  consécutive  à 
une  affection  aiguë  quelconque  ayant  retenti  d’une  façon  intense  sur  les 
centres  nerveux,  que  le  malade  a  toujours  été  d’une  grande  impression¬ 
nabilité,  que  les  phénomènes  morbides  se  manifestent  très-franchement 
sous  forme  d’absences,  de  vertiges,  d’accès  ou  d’attaques,  il  peut  être  à 
peu  près  certain  que  l’épilepsie  est  idiopathique  et  n’est  qu’une  névrose  ; 
je  dirai  encore  qu’on  ne  doit  pas  s’appuyer  sur  l’existence  de  convulsions 
unilatérales  ou  limitées  à  un  membre,  pour  soutenir  que  l’épilepsie  n’est 
pas  dans  ces  conditions  une  simple  névrose. 

La  convulsion  n’est,  en  somme,  qu’un  très-faible  élément  du  problème 
à  élucider  ;  son  intensité  et  sa  forme  dépendant  du  plus  ou  moins  grand 
nombre  de  cellules  bulbaires  et  spinales  excitées,  il  suffit,  pour  que 
l’impression  sur  les  cellules  soit  plus  ou  moins  étendue,  que  la  cause 
excitante  soit  plus  ou  moins  active.  Le  bulbe  et  la  moelle  n’étant  qu’un 
intermédiaire  entre  cette  cause  et  la  convulsion,  le  mode  d’être  de  cette 
dernière  n’a  rien  à  faire  avec  la  nature  de  la  cause.  C’est  là  une  conviction 
que  j’ai  puisée  dans  les  services  d’épileptiques  de  la  Salpêtrière  et  de 
Bicêtre,  par  les  observations  nécroscopiques  que  j’y  ai  faites. 

J’ai  appliqué  ces  idées  à  la  thérapeutique  et  la  guérison  par  les  anti¬ 
spasmodiques  de  quelques  épileptiques  sur  lesquels  le  diagnostic  d’épi¬ 
lepsie  symptomatique  avait  été  porté,  parce  qu’ils  avaient  des  convulsions 
unilatérales,  est  venue  me  démontrer  l’erreur  où  l’on  peut  tomber  en  fon¬ 
dant  un  diagnostic  sur  la  forme  des  convulsions  et  en  particulier  sur  leur 
unilatéralité.  Du  reste,  plusieurs  autopsies  d’épilepsies  à  convulsions  uni¬ 
latérales  m’ont  démontré  que  la  maladie  n’était  pas  symptomatique. 

Si,  au  contraire,  le  médecin  apprend  que  des  ascendants  sont  tuber¬ 
culeux,  scrofuleux,  que  la  maladie  a  été  consécutive  à  une  affection  aiguë 
ou  à  un  traumatisme  du  cerveau  qui  a  porté  atteinte  aux  centres  nerveux, 
arrêté  ou  altéré  l’intelligence,  amené  une  parésie  d’un  membre,  d’une 
moitié  ou  d’une  partie  de  la  face,  d’un  sens,  il  peut  être  certain  qu’il  a 
affaire  à  une  épilepsie  symptomatique. 


6-28  ÉPlLIiPSIE.  -  DLAGKOsTIC. 

La  possibilité  de  lésions  cancéreuses,  syphilitiques,  tuberculeuses  du 
cerveau  doit  toujours  être  présente  à  l’esprit  ;  aussi  l’examen  de  tous  les 
organes  ne  devra  jamais  être  négligé,  car  il  est  rare  que  dans  ces  cas  on 
ne  découvre  pas  une  céphalalgie  fixe,  bien  localisée  ou  des  lésions  des 
sens,  de  la  motilité,  etc. 

De  même  que  cela  s’observe  pour  les  attaques  convulsives  qui  sont 
symptomatiques  d’un  ramollissement  cérébral  partiel,  il  existe  quel¬ 
quefois  une  aura  dans  le  côté  du  corps  opposé  à  la  lésion,  et  en  particu¬ 
lier  le  plus  souvent  à  l’épaule  opposée. 

Selon  Gros  et  Lancereaux,  le  malade  atteint  d’épilepsie  syphilitique 
accuse  toujours  des  antécédents  syphilitiques,  chancres,  bubons  indurés, 
accidents  secondaires.  Au  lieu  de  débuter  d’emblée,  l’épilepsie  est  pres¬ 
que  toujours  précédée  de  malaise,  de  céphalée  nocturne  avec  ou  sans 
exostoses,  d’alopécie,  d’ecthyma,  etc.  L’absence  de  l’hérédité,  le  dévelop  - 
pement  tardif  de  la  maladie  qui  n’éclate  jamais  avant  30  ans,  enfin  sa 
curabilité  sous  l’influence  de  la  médication  spécifique  sont  aussi  des  si¬ 
gnes  précieux.  Au  milieu  des  phénomènes  nerveux  multiples  que  la 
femme  présente  pendant  la  syphilis  secondaire,  il  n’est  pas  rare,  d’après 
Alfred  Fournier,  d’observer,  en  l’espace  de  trois  à  quatre  mois,  quatre  ou 
cinq  attaques  épileptiques  ou  hystéro-épileptiques,  quelquefois  plus.  La 
période  secondaire  passée,  ces  malades,  n’ont  plus  d’attaques.  11  n’existait 
dans  ces  cas  aucun  antécédent  morbide.  Alfred  Fournier  a  aussi  noté  que 
les  femmes  antérieurement  épileptiques  ou  hystéro-épileptiques  étaient 
atteintes,  pendant  cette  période,  d’un  plus  grand  nombre  d’attaques 
qu’auparavant. 

Pour  ce  qui  concerne  les  épilepsies  alcoolique,  absinthique,  saturnine, 
mercurielle,  leur  diagnoslic  découle  en  partie  de  la  connaissance  des 
antécédents,  de  l’habitus  extérieur,  de  l’examen  de  l’haleine,  des  gencives 
et  des  ongles. 

I  L’épilepsie  produite  par  l’alcool,  le  vin,  le  cidre,  se  caractérise  le 
Iplus  ordinairement  par  des  accès  isolés  survenant  à  longs  intervalles; 
I  l’épilepsie  absinthique  par  des  accès  qui  se  reproduisent  en  très-grand 
I  nombre  dans  un  très-court  espace  de  temps  ;  ainsi  j’ai  signalé  à  la  Société 
I  anatomique  des  cas  d’épilepsie  absinthique  avec  150  à  200  accès  en 
i vingt-quatre  heures;  depuis,  Marcé  et  Magnan  ont  observé  les  mêmes 
faits. 

L’épilepsie  saturnine  se  reconnaît  principalement  par  les  antécédents, 
la  connaissance  de  la  profession,  des  habitudes  du  malade,  le  liséré  des 
geneives,  la  teinte  spéciale  de  la  face,  l’existence  de  coliques,  de  consti¬ 
pation,  de  parésie  des  extenseurs,  des  mains;  quant  aux  accidents  convul¬ 
sifs  eux-mêmes,  ils  ressemblent  à  ceux  de  l’épilepsie  ordinaire;  il  y  a  des 
vertiges,  de  grands  accès  et  des  accès  de  manie. 

Il  en  est  de  même  dans  l’intoxication  mercurielle  :  j’ai  vu  un  doreur 
sur  glaces  qui  éprouve  depuis  plusieurs  mois,  en  même  temps  que  le 
tremblement,  des  vertiges  caractérisés  par  une  sensation  de  tournoie¬ 
ment,  une  perte  de  connaissance  instantanée  qui  amène  quelquefois  la 


ÉPILEPSIE.  —  DIAGNOSTIC.  629 

chute  à  terre,  un  mouvement  d’inclinaison  du  tronc  de  droite  à  gauche 
et  d’avant  en  arrière. 

Dans  ces  cas,  la  connaissance  des  antécédents  et  les  autres  symptômes 
donnent  la  clef  du  diagnostic. 

L’épilepsie  sympathique  est,  si  l’on  excepte  celle  qui  est  liée  à  la  pré¬ 
sence  de  vers  dans  l’intestin,  d’un  diagnostic  très-difficile. 

Son  allure  est,  en  effet,  en  tous  points  semblable  à  celle  de  l’épilepsie 
idiopathique,  et  l’examen  le  plus  approfondi  ne  permet  pas  de  découvrir 
une  action  périphérique  excitante. 

On  ne  saurait  trop  se  garder  de  croire  que  là  où  est  l’aura,  là  est  aussi 
la  cause  de  la  maladie;  l’aura  n’est  dans  la  très-grande  majorité  des  cas 
qu’une  sensation  périphérique  dont  la  cause  est  centrale. 

Quant  à  l’épilepsie  vermineuse,  comme  elle  est  assez  fréquente  chez 
les  enfants,  il  faut  examiner  les  pupilles,  demander  s’il  existe  des  dé¬ 
mangeaisons  nasales,  anales,  et  employer  une  médication  appropriée 
qui  lèvera  souvent  les  doutes  que  l’on  aurait  pu  avoir. 

Épilepsie  simulée.  —  L’épilepsie  est  une  des  maladies  qui  ont  été  le 
plus  fréquemment  simulées,  parce  qu’elle  ne  demande  qu’une  représen¬ 
tation  momentanée,  et  qu’il  est  possible  d’être  bien  portant  dès  que 
l’accès  est  passé.  (Tissot.)  En  outre,  on  est  toujours  plus  porté  à  plaindre 
ceux  qui  sont  atteints  de  cet  affreux  mal  qu’à  soupçonner  l’artifice,  et 
enfin,  il  faut  bien  le  dire,  la  simulation  ayant  été  plus  d’une  fois  cou¬ 
ronnée  de  succès,  ce  résultat  n’a  pu  qu’encourager  les  imposteurs  à  re¬ 
nouveler  de  semblables  tentatives.  (E.  Boisseau,  1870.)  La  simulation  de 
l’épilepsie  est  surtout  pratiquée  dans  le  but  d’exciter  la  pitié  des  passants 
et-d’ échapper  au  service  militaire.  Mais  E.  Boisseau  nous  a  appris  que 
la  simulation  devenait  de  plus  en  plus  rare  dans  l’armée,  et  que,  chargé 
pendant  quatre  ans  du  service  où  sont  placés  les  malades  suspects,  il 
n’a  eu  à  constater  que  quatre  cas  d’épilepsie  simulée  sur  un  nombre 
considérable  d’épilepsies  réelles.  Quant  à  moi,  j’en  ai  déjà  observé  trois 
cas  chez  des  individus  qui  avaient  été  envoyés  comme  épileptiques  dans 
les  services  que  je  dirigeais.  Je  considère  que  le  diagnostic  de  i’é- 
pilepsie  simulée  est  aujourd’hui  facile,  pourvu  que  le  médecin  puisse 
voir  l’individu  pendant  une  attaque  ;  mais  on  sait  que  tel  n’est  pas  le 
cas  le  plus  habituel  et  que  les  simulateurs  ont  bien  soin  de  n’avoir 
leurs  attaques  que  lorsqu’ils  se  croient  certains  de  ne  pas  être  soumis  à 
l’examen  immédiat  des  gens  de  l’art.  C’est  là  une  première  difficulté. 

Cependant,  pour  ce  qui  concerne  l’épilepsie  alléguée,  on  sait  que  l’on 
peut,  même  si  on  ne  voit  pas  des  attaques,  soupçonner  l’épilepsie  à  certains 
signes  que  le  simulateur  n’imite  pas  ordinairement,  ne  peut  pas  imi¬ 
ter  ou  imite  mal  :  ainsi  la  morsure  de  la  langue,  le  piqueté  de  la  face, 
les  cicatrices  sur  les  parties  saillantes  de  la  face,  surtout  au  front,  au 
menton,  aux  pommettes. 

Les  difficultés  du  diagnostic  ne  sont  pas  moindres  pour  ce  qui  regarde 
l’épilepsie  simulée.  On  peut  imiter  la  chute  à  terre,  les  convulsions, 
la  rougeur  de  la  peau,  l’écume  à  la  bouche  en  mâchonnant  du  savon, 


650  ÉPILEPSIE.  —  DIAGNOSTIC, 

l’urination  ;  il  est  vrai  qu’on  ne  peut  pas  reproduire  la  pâleur  de  la  face, 
la  dilatation  et  l’immobilité  de  la  pupille,  non  plus  que  l’insensibilité  de 
la  peau  et  des  muqueuses;  mais  la  pâleur  de  la  face  est  un  signe  telle¬ 
ment  fugace  et  rapide,  qu’on  ne  peut  compter  sur  lui,  et  des  simulateurs 
peuvent,  ainsi  que  je  nr’en  suis  assuré,  porter  les  yeux  tellement  haut  en 
arrière  des  paupières,  qu’il  est  difficile  de  rien  voir  de  précis  du  côté  des 
pupilles  ;  d’ailleurs  l’insensibilité  des  pupilles  et  de  la  muqueuse  oculo- 
palpébrale  n'exisle  que  dans  les  périodes  tonique  et  clonique.  J’ai  aussi 
observé  plusieurs  cas  d’épilepsie  vraie  où  les  pupilles  ne  se  dilataient  pas 
et  n’étaient  pas  immobiles;  enfin  j’ai  vu  des  individus  tellement  peu  sen¬ 
sibles  ou  tellement  maîtres  d’eux-mêmes,  qu’à  moins  de  les  brûler,  ils  ne 
se  seraient  pas  trahis.  D’un  autre  côté,  l’épilepsie  présente  un  si  grand 
nombre  de  variétés  d’accès,  que  les  simulateurs  peuvent  imiter  l’une  ou 
l’autre  de  ces  variétés,  et  que  le  médecin  serait  disposé  à  croire  à  la  si¬ 
mulation  en  présence  de  certains  phénomènes  singuliers  qui  sortent  de  la 
voie  ordinaire. 

J’ai  vu  à  Bicêtre  des  individus  pris  simplement  de  soubresauts  et  de 
secousses  qui  ont  fait  souvent  surgir  en  moi  l’idée  de  simulation  ;  d’au¬ 
tres,  atteints  d’une  sorte  de  somnambulisme  consécutif  à  un  vertige, 
avaient  l’air  de  jouer  une  comédie  ;  un  autre  tombait  brusquement  à 
terre,  offrait  quelques  petites  secousses,  quelques  mouvements  de  flexion 
des  membres  inférieurs,  enfin  se  relevait  prestement  après  une  seconde, 
et,  comme  s’il  ne  s’était  rien  passé,  continuait  sa  besogne  interrompue. 
La  multiplicité  des  formes  est  tellement  grande,  qu’il  faut  un  assez  long 
séjour  au  milieu  de  ces  malades  pour  arriver  à  distinguer  le  faux  du 
vrai,  et  j’avoue  que,  dans  les  premiers  temps,  j’avais  une  grande  ten¬ 
dance  à  croire  que  beaucoup  d’épileptiques  me  trompaient.  Les  phé¬ 
nomènes  divers  qui  caractérisent  leurs  accès  sont  tellement  différents, 
pour  la  plupart,  des  descriptions  classiques,  que  je  me  tenais  continuel¬ 
lement  sur  mes  gardes  ;  mais  il  m’a  bien  fallu  me  rendre  à  l’évidence, 
lorsque  survinrent  des  attaques  convulsives  complètes,  suivies  ou  non  de 
délire  et  de  troubles  physiques  appréciables. 

Si  l’on  est  ainsi  quelquefois  embarrassé  pour  déclarer  vrais  des  phéno¬ 
mènes  épileptiques,  on  doit  comprendre,  à  plus  forte  raison,  les  diffi¬ 
cultés  dont  est  entourée  la  connaissance  de  l’épilepsie  simulée,  lorsque 
surtout  on  n’a  pas  vécu  dans  un  milieu  nosocomial  d’épileptiques,  et  cette 
condition  est  évidemment  l’exception  pour  les  médecins. 

Voici  les  principaux  points  sur  lesquels  je  crois  qu’on  peut  se  fonder 
pour  établir  la  réalité  de  l’épilepsie. 

L’épileptique  tombe  partout  indistinctement  et  le  plus  souvent  en 
avant;  la  face  est  pâle;  les  convulsions  sont  bornées  à  un  côté  ou  prédo¬ 
minantes  de  ce  côté;  les  pupilles  le  plus  souvent  dilatées  et  presque 
toujours  insensibles  à  la  lumière  ;  la  sensibilité  abolie  ;  après  l’attaque, 
l’individu  reste  hébété,  obtus  et  porte  parfois  de  petites  taches  ecchy- 
motiques  sur  la  face  et  en  particulier  au  pourtour  des  yeux. 

Le  pouls  enfin  présente  les  caractères  sphygmographiques  les  plus  im- 


ÉPILEPSIE.  —  DIAGNOSTIC.  ,  631 

portants  qu’il  est  impossible  de  simuler,  et  que  je  considère  comme 
tranchant  seuls  la  question  de  diagnostic  dans  certains  cas  difficiles. 

Deux  ou  trois  secondes  avant  que  l’attaque  commence,  les  courbes 
sphygmographiques  sont  moins  hautes,  plus  arrondies  et  plus  rappro¬ 
chées.  L’attaque  survenue,  on  voit  cinq  à  six  petites  ondulations  succes¬ 
sives  et  disposées  suivant  une  ligne  ascendante,  puis  une  série  de  courbes 
très-peu  élevées  ;  ces  courbes  se  prononcent  davantage,  présentent  une 
convexité  supérieure  très-accusée,  donnant  presque  l’idée  d’une  moitié  de 
sphère;  puis,  au  bout  de  quelques  minutes,  les  lignes  s’élèvent  presque 
perpendiculairement  à  une  hauteur  trois  ou  quatre  fois  plus  grande 
qu’avant  l’attaque  ;  elles  présentent  au  sommet  un  angle  plus  ou  moins 
aigu,  puis  redescendent  en  présentant  les  caractères  les  plus  accusés  du 
dicrotisme. 

La  durée  de  cette  forme  de  pouls  varie  d’une  demi-heure  à  une  heure 
et  demie,  elle  a  même  duré  quelquefois  six  heures  après  une  attaque. 

Ces  modifications  du  pouls  ne  sont  pas  propres  à  la  grande  attaque 
seule;  je  les  ai  observées  aussi  dans  le  vertige  (fig.  99  et  100). 

Lorsqu’on  prend  un  tracé  chez  un  homme  sain  ou  un  épileptique  qui 
vient  de  se  livrer  à  une  course  rapide  ou  à  des  efforts  violents,  on  obtient 
des  tracés  qui  n’ont  rien  de  comparable  avec  les  précédents  (fig.  101, 
102,  105). 


Fis.  iOi, —  Debierne. —  Tracd  pris  aussitôt  après  une  course  rap^e. 


Fis.  lui.  — Uievrcau.  — riuté  piis  après  uiiecouisu. 


Fig.  105.  —  Tracé  pris  sur  moi  après  une  course  rapide. 


Depuis  la  publication  de  mon  mémoire  (1868),  E.  Boisseau  a  eu  l’occa¬ 
sion  d’appliquer  ou  de  faire  appliquer  le  sphygmographe  chez  plusieurs 
épileptiques  à  la  fin  d’attaques,  et  il  a  recueilli  des  tracés  se  rapprochant 
beaucoup  des  miens. 

J’ai  pu  essayer  ce  moyen  de  diagnostic  chez  des  simulateurs  et  acqué¬ 
rir  ainsi  la  conviction  que  le  sphygmographe  est  appelé  à  donner  les 
meilleurs  résultats  dans  ces  cas  de  simulation.  Un  individu  qui  a  fait  le 
sujet  de  ces  observations  a  abusé  longtemps  à  Paris  de  la  crédulité  pu¬ 
blique  et  a  échappé  au  service  militaire.  Placé  d’abord  comme  épileptique 
à  Bicêtre,  il  a  été  envoyé  à  l’asile  de  Clermont  avec  le  même  diagnostic. 
Là,  après  avoir  passé  l’âge  de  la  conscription  et  après  s’être  assuré 


C32 


ÉPILEPSIE.  —  pROKosTic. 


qu’il  était  exempt,  il  avoua  au  médecin  qu’il  simulait  l’épilepsie.  Depuis 
il  a  répété  nombre  de  fois  les  attaques  lorsqu’on  le  lui  demandait.  J’ai 
assisté  à  plusieurs  d’entre  elles  et  j’ai  constaté  que  cet  individu  simulait 
à  merveille  l’épilepsie,  mais  que  les  caractères  sphygmographiques  du 
pouls  différaient  complètement  de  ceux  que  m’avaient  offert  des  épi¬ 
leptiques  (fig.  104,  105,  106). 


Fig.  104.  —  V...  —  Épileptique  simulateur.  Tracé  pris  avant  les  attaques 
simulées,  à  jeun. 


Fig.  103.  —  V...  —  Tracé  pris  quatre  minutes  après  le  début  d’un  petit 
accès  simulé. 


Fig.  106.  —  Y.. .  —  Quatre  minutes  après  le  début  d’une  attaque  forte  simulée. 


Ces  tracés  me  paraissent  suffisamment  démontrer  cojnbien  les  carac¬ 
tères  du  pouls  que  l’on  constate  après  les  vraies  attaques  d’épilepsie 
diffèrent  de  ceux  qu’on  observe  chez  le  simulateur;  ces  derniers  me  sem¬ 
blent  permettre  dorénavant  de  découvrir  la  fraude  avec  une  précision 
scientifique  et  avec  une  certitude  d’autant  plus  grande,  qu’il  n’est  pas 
nécessaire  d’assister  aux  accès  pour  établir  son  diagnostic. 

Ce  signe  est  bien  autrement  certain  que  l’insensibilité  des  pupilles, 
considérée  jusqu’ici  comme  infaillible  par  la  médecine  militaire  ;  ce 
dernier  symptôme  manque  en  effet  quelquefois  ;  je  connais  un  épilep¬ 
tique  dont  les  attaques  ont  été  pour  ce  motif  regardées  comme  simulées 
par  plusieurs  chirurgiens  militaires,  et  que  le  ministère  de  la  guerre 
conserve  sous  les  drapeaux.  Il  est  de  ceux  dont  les  pupilles  ne  sont  pas 
insensibles  à  la  lumière  pendant  les  attaques. 

Pronostic.  —  Le  temps  n’est  plus  où  l’on  pouvait  imprimer  à  l’épi¬ 
lepsie  le  cachet  de  l’incurabilité,  ainsi  qu’on  l’a  fait  jusqu’à  ces  der¬ 
niers  temps.  Les  efforts  de  Tissot  et  d’Herpin  (de  Genève)  ont  aujour¬ 
d’hui  triomphé  de  l’incrédulité;  l’on  est  revenu  de  ces  pronostics 
désespérés,  et  l’on  est  arrivé  à  voir  que  l’épilepsie  est  une  affection 
curable 'dans  un  très-grand  nombre  de  cas.  J’essayerai  de  montrer 
qu’elle  le  sera  bien  davantage  lorsque  les  médecins  reconnaîtront  et 
traiteront  à  temps  les  phénomènes  qui  accompagnent  le  début  de  l’épi¬ 
lepsie,  que  l’on  est  trop  souvent  habitué  à  considérer  comme  de  peu 
d’importance. 

Une  des  premières  questions  que  soulève  l’étude  du  pronostic  de 
l’épilepsie  est  celle  de  savoir  si  cette  maladie  peut  guérir  spontanément  ; 
quelques  Jaits Je  prouvent,  mais  leur  nombre  est  très-peu  considérable. 
Maisonneuve  l’a  observé  4  fois  sur  100  ;  Herpin  est  arrivé  au  vingtième 
des  cas;  Delasiauve  à  constaté  deux  fois  la  guérison  spontanée;  pour 


ÉPILEPSIE.  —  PRONOSTIC.  655 

moi,  je  ne  l’ai  vue  que  3  fois  sur  les  710  épileptiques  que  j’ai  déjà  suivis, 
et  encore  ces  3  cas  se  sont-ils  rencontrés  parmi  les  enfants,  au  nombre 
de  235,  que  j’ai  vus,  tant  à  l’hôpital  que  dans  ma  pratique  personnelle. 

J’ai  observé  un  certain  nombre  d’épileptiques  pour  lesquels  les  méde¬ 
cins  avaient  fait  espérer  en  vain  que  la  guérison  serait  la  conséquence  de 
la  croissance,  de  la  puberté,  de  la  menstruation,  de  l’état  adulte,  du 
mariage.  Deux  de  ces  conditions,  au  contraire,  là  menstruation  et  le 
mariage,  exercent  l’influence  la  plus  déplorable  sur  la  marche  de  la  ma¬ 
ladie  et  l’aggravent  considérablement.  Nombre  d’épileptiques,  qui  n’a¬ 
vaient,  avant  ces  deux  actes  physiologiques,  que  des  vertiges  ou  des 
absences,  ont  été  pris,  depuis,  d’attaques  convulsives,  et  ont  éprouvé 
une  aggravation  des  premiers  phénomènes. 

Villard  a  étudié  cette  question  spéciale  sur  les  épileptiques  de  la  Salpê¬ 
trière,  et  en  a  tiré  la  conclusion  que  la  nubilité  chez  la  femme  et  le  mariage 
exercent  une  influence  fâcheuse  sur  le  pronostic  de  l’épilepsie. 

Je  crois  que,  en  présence  de  ces  faits,  on  est  suffisamment  fondé  à  dire 
que  l’épilepsie  n’est  que  très-exceptionnellement  curable  d’elle-même, 
et  qu’il  ne  faut  pas  compter  sur  une  chance  aussi  problématique. 

La  médecine  d’action  est,  au  contraire,  arrivée  aujourd’hui  à  des 
résultats  très-favorables.  Herpin  avait  montré  qu’elle  peut  exercer  une 
heureuse  influence  sur  près  des  trois  quarts  des  cas;  qu’elle  peut  en 
guérir  la  moitié  ;  que,  dans  près  de  la  moitié  des  cas  qu’elle  ne  guérit 
pas,  elle  éloigne  les  accès  d’une  manière  notable,  et  que  le  nombre  des 
épilepsies  rebelles  aux  traitements  dirigés  avec  persévérance  est  d’un 
quart  seulement.  La  majorité  des  médecins  avait  mis  en  doute  ces 
résultats  ;  mais  l’apparition  du  bromure  de  potassium  est  venu  prouver 
que  ces  prévisions  étaient  plutôt  en  deçà  qu’au  delà  de  la  véi'ité.  On 
peut  dire,  en  effet  aujourd’hui,  sans  crainte  d’être  taxé  d’exagération, 
que,  traitée  par  ce  médicament,  l’épilepsie  idiopathique  guérit  une  fois 
sur  deux,  et  que  l’épilepsie  symptomatique  peut  guérir  ou  être  améliorée. 
Nous  sommes  donc  loin  de  cet  aphorisme  de  Boerhaave,  qui  avait 
formulé  ainsi  le  pronostic  de  l’affection  :  «  Héréditaire,  elle  ne  guérit  pas; 
idiopathique,  elle  guérit  rarement.»  On  peut  ajouter  que  les  épilepsies 
alcoolique,  absinthique,  saturnine,  mercurielle,  syphilitique,  guérissent 
facilement. 

Un  certain  nombre  de  circonstances  doivent  être  prises  en  considé¬ 
ration  dans  le  pronostic  de  cette  maladie  ;  l’hérédité,  le  sexe,  la  confor¬ 
mation,  la  complexion,  l’âge,  le  tempérament,  l’état  mental,  la  moralité, 
les  habitudes  de  l’épileptique,  l’ancienneté  de  la  maladie,  la  nature  des 
accès  (Herpin),  la  fréquence  des  accès,  leur  retour  de  jour  ou  de  nuit. 

L’hérédité  ne  présente  rien  d’absolument  fâcheux  lorsqu’elle  s’applique 
à  la  transmission  de  l’épilepsie.  Ces  cas,  en  effet,  guérissent  aussi  bien 
que  d’autres  ;  mais  il  n’en  est  pas  de  même  lorsque  l’épilepsie  héréditaire 
est  liée  à  la  transmission  de  la  scrofule,  de  la  syphilis  et  du  tubercule. 
Elle  est  alors  à  peu  près  incurable. 

Le  sexe  n’a  aucune  influence  pronostique. 


634  ÉPILEPSIE.  —  pronostic. 

La  conformation  du  squelette  doit  être  prise  en  considération  ;  ainsi, 
il  est  rare  qu’un  individu  qui  présente  une  disposition  vicieuse  quel¬ 
conque  du  crâne  guérisse,  surtout  lorsque  cette  disposition  porte  sur 
le  diamètre  antéro-postérieur  de  la  tête.  L’étroitesse  de  la  poitrine,  sa 
forme  dite  en  carène,  sont  aussi  de  mauvaises  conditions;  on  en  peut  dire 
autant  de  toute  espèce  de  mal-conformation  du  squelette,  parce  qu’on 
peut  supposer  qu’il  eu  existe  aussi  dans  le  crâne.  11  est  en  effet  de  règle 
que  l’on  a  rarement  un  seul  vice  de  conformation  à  la  fois. 

L’âge  a  une  influence  pronostique  des  plus  évidentes;  l’épilepsie  est 
très-grave  dans  la  première  enfance  jusqu’à  10  ans,  et  dans  la  jeunesse, 
de  20  à  30  ans. 

Les  tempéraments  lymphatique,  lymphatico-sanguin ,  sanguin,  sont 
plus  défavorables  que  les  autres,  tandis  que  les  épileptiques  à  tempéra¬ 
ment  nerveux  simple  guérissent  ou  s’améliorent  facilement  avec  le  bro¬ 
mure  de  potassium. 

L’idiotie,  la  démence,  et  la  tendance  au  délire  comitial,  sont  de  mau¬ 
vaises  conditions,  parce  que  ces  phénomènes  concomitants  sont  presque 
tous  liés  à  des  lésions  cérébrales  ou  cérébro-méningées.  Pourtant,  lors¬ 
qu’un  épileptique  idiot  ou  dément  ne  présente  pas  de  parésie  ni  de  con¬ 
tracture,  on  peut  le  guérir  de  l’épilepsie  et  améliorer  par  la  suite  son 
intelligence. 

La  moralité  de  l’individu,  ses  habitudes,  ont  une  grande  influence; 
il  suffit,  en  effet,  d’un  écart  de  régime,  d’un  excès  de  boissons,  d’un 
abus  de  plaisirs  vénériens,  de  l’onanisme,  pour  compromettre  un  traite¬ 
ment  en  bonne  voie.  Ces  conditions  expliquent  en  partie  comment  les 
statistiques  faites  dans  les  services  nosocomiaux  d’épileptiques,  comme 
ceux  de  Bicêtre,  sont  plus  défavorables  que  dans  la  clientèle  de  gens  aisés 
efinstruils.  Pour  qui  a  vu  de  près  les  épileptiques  de  Bicêtre,  on  com¬ 
prend  la  résistance  que  ces  malheureux  opposent  à  la  guérison  par  leur 
absence  de  moralité  et  d’éducation. 

Le  retour  diurne  ou  nocturne  des  attaques  est  sans  effet  sur  la  cu¬ 
rabilité  de  l’épilepsie,  mais  il  en  a  une  grande  sur  l’état  de  l’intelli¬ 
gence  ;  il  est,  en  effet ,  à  noter  que  les  attaques  nocturnes  altèrent 
beaucoup  moins  l’intelligence  que  les  attaques  diurnes.  On  peut  se  de¬ 
mander  si  cela  ne  tient  pas  à  ce  que  l’épileptique  qui  est  pris  en  dormant 
se  repose,  après  la  crise,  dans  un  sommeil  réparateur? 

L’ancienneté  de  la  maladie  peut  influer  sur  le  pronostic.  Ainsi,  Herpin 
avait  remarqué  que  les  chances  de  succès  étaient  très-grandes  au-dessous 
de  trois  mois  de  durée. 

La  nature  des  crises  a  une  valeur  considérable;  on  ne  rencontre  aucun 
cas  rebelle  chez  les  individus  qui  n’ont  eu  que  des  vertiges,  ou  des 
accès,  ou  des  attaques,  mais  le  pronostic  est  grave  lorsqu’un  épileptique 
présente  réunies  les  attaques  aux  vertiges  ou  aux  absences. 

Herpin  pensait  que  le  nombre  de  cent  attaques  et  au-dessous  était  une 
condition  favorable.  Je  crois  que  ce  nombre  peut  être  assez  notablement 
dépassé  depuis  que  le  bromure  de  potassium  est  entré  dans  le  domaine  de 


635 


ÉPILEPSIE.  —  TRAITEMENT. 

la  thérapeutique;  j’ai  pu,  quant  à  moins,  suspendre  définitivement  avec 
ce  médicament  des  vertiges  dont  le  nombre  avait  été  de  plusieurs  milliers, 
et  des  attaques  dont  le  chiffre  avait  atteint  plus  de  cinq  cents.  Je  ne 
doute  pas  que  d’autres  médecins  n’aient  pu  arriver  à  de  semblables 
résultats. 

Les  climats  froids  paraissent  avoir  une  mauvaise  influence,  si  j’en  juge 
par  des  observations  prises  à  Moscou. 

Un  certain  nombre  de  symptômes  d’attaques  doivent  aussi  être  pris  en 
considération,  lorsqu’il  s’agit  d’apprécier  le  pronostic  de  cette  affection. 
Ainsi,  Delasiauve  a  montré  que  le  coma  prolongé,  les  vomissements  réi¬ 
térés,  la  longueur  de  la  période  asphyxique,  une  débilité  paralytique 
dans  une  moitié  du  corps,  sont  d’un  fâcheux  augure.  Cette  débilité 
peut  être  le  témoignage  d’une  altération  organique  du  cerveau  qui  a 
déterminé  l’épilepsie,  ou  qui  a  été  consécutive  à  des  attaques.  Dans  les 
deux  cas,  le  pronostic  est  aussi  fâcheux,  car  la  lésion  secondaire  peut 
devenir  un  stimulus  nouveau  qui  produira  lui-même  des  attaques. 

U hystéro-épilepsie  est  plus  difficile  à  guérir  que  l’épilepsie  ou  l’hystéi'ie 
isolées,  et,  si  elle  guérit,  elle  laisse  toujours  après  elle  quelque  phéno¬ 
mène  nerveux  qui  rappelle  à  la  malade  qu’elle  a  été  sujette  à  des  attaques 
et  qui  doit  inspirer  au  médecin  la  crainte  constante  de  voir  récidiver 
l'affection  convulsive;  lorsqu’elle  ne  guérit  pas,  elle  affaiblit,  moins  que 
l’épilepsie  pure,  les  facultés  intellectuelles.  (Dunant). 

Tpaitement.  —  La  thérapeutique  de  l’épilepsie  comprend  :  1°  le 
traitement  de  l’attaque  ;  2“  celui  des  accidents  qui  suivent  les  attaques, 
les  vertiges,  etc.;  3°  celui  qui  a  pour  but  d’empêcher  le  retour  des  phé¬ 
nomènes  morbides,  et  4“  le  traitement  de  la  maladie  elle-même. 

1“  Traitement  de  l’attaque.  —  Dès  le  début  de  l’attaque  il  faut  placer 
l’épileptique  dans  une  position  horizontale,  à  terre  ou  sur  un  lit  bas, 
exhausser  fortement  la  tête,  débarrasser  le  cou  de  tout  ce  qui  pourrait 
le  serrer,  et  éviter  que  le  malade  se  blesse.  Si  l’épileptique  se  mord  la 
langue,  il  faut  s’efforcer  de  la  repousser  d’entre  les  dents;  mais  il 
faut  se  garder  d’interposer  un  morceau  de  liège  ou  de  bois,  un  linge, 
car  on  a  vu  des  épileptiques  dont  les  dents  coupaient  tout  ce  qu’on  met¬ 
tait  entre  leurs  dents  et  qui  pouvaient  l’avaler.  Si  l’on  met  des  corps  plus 
durs,  on  s’expose  à  ce  que  le  malade  se  casse  les  dents.  Lorsque  la  salive 
mousseuse  est  très-abondante,  il  est  bon  d’incliner  la  tête  sur  le  côté  pour 
qu’elle  puisse  s’écouler  dehors.  Lorsque  l’attaque  est  survenue,  toute 
inspiration  de  substances  excitantes  est  inutile. 

La  compression  des  carotides  a  déjà  été  employée  un  grand  nombre  de 
fois  avec  succès  ;  son  but  étant  d’empêcher  la  congestion  cérébrale  par 
atonie  des  vaisseaux  artériels  et  veineux  qui  suit  la  contraction  des  mêmes 
vaisseaux,  on  doit  l’employer  au  moment  où  l’attaque  va  entrer  dans  sa 
période  convulsive. 

J’ai  employé  aussi  avec  succès  deux  fois  un  moyen  que  Brown-Séquard 
a  recommandé  :  flexion  aussi  énergique  que  possible  de  l’un  des  deux 
gros  orteils. 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEMENT. 


Besson  a  relaté  un  procédé  assez  singulier,  essayé  depuis  plusieurs 
années  au  manicôme  de  Rome,  par  Solizetti,  d’après  la  méthode  de  Guido 
Borelli  :  avec  l’index  et  le  pouce  de  la  main  gauche,  il  fait  un  arc  étendu 
et  l’applique  contre  les  régions  temporales,  puis  il  place  le  pouce  de  la 
main  droite  dans  l’espace  qui  est  immédiatement  inférieur  à  la  tubérosité 
de  l’occipital.  A  l’aide  des  mains  ainsi  appliquées,  il  exerce  une  com¬ 
pression  vigoureuse  en  appuyant  fortement,  dans  le  canal  sous-occipital, 
la  pulpe  du  pouce,  et  en  la  portant  de  bas  en  haut  et  d’arrière  en  avant. 
Ce  mouvement  s’exécute  au  moment  où  les  doigts  de  la  main  gauche 
compriment  les  régions  temporales,  refoulent  le  crâne  dans  un  sens  op¬ 
posé  à  l’action  du  pouce,  et  obligent  ainsi  la  tête  à  décrire  un  arc  de  cercle 
en  dehors  et  en  bas  de  l’axe  spinal.  Soliretti  trouve  l’explication  des 
succès  obtenus  par  ce  procédé  dans  les  propriétés  attribuées  à  la  moelle 
allongée.  L’épilepsie  a  son  siège  dans  le  bulbe,  et  est  produite  par  une 
accumulation  d’électricité  qui  se  fait  dans  cette  portion  de  moelle;  la 
compression  du  bulbe  aurait  pour  effet,  en  raison  du  mouvement  imprimé 
à  l’atMs,  d’interrompre  l’accumulation  du  fluide  et  de  ramener  l’équilibre 
dans  les  centres  nerveux. 

La  ligature  des  membres  a  été  employée  dans  le  cas  de  séries  d’at¬ 
taques  ,  et  dans  le  but  d’empêcher  la  succession  répétée  d’un  grand 
nombre  d’accès.  Ce  moyen  paraît  agir  en  soustrayant  momentanément  à 
la  circulation  générale  une  quantité  considérable  de  sang,  et  présenterait 
tous  les  avantages  de  la  saignée  sans  en  avoir  les  inconvénients.  Quoi 
qu’il  en  soit  de  l’explication,  il  a  parfaitement  réussi,  entre  autres  dans 
un  cas  relaté  par  Piégu. 

Lorsqu’un  épileptique  a  l’habitude  de  tomber  la  tête  en  avant,  il  est  bon 
de  lui  faire  porter  continuellement  un  bourrelet  ;  lorsqu’il  se  luxe  l’épaule 
dans  ses  attaques,  on  s’efforcera  de  maintenir  le  bras  le  long  du  tronc 
pendant  l’attaque,  ou  bien  on  doit  fixer  sur  lui  un  appareil  contentif  des 
luxations  de  l’épaule. 

Lorsqu’on  assiste  à  un  accès  il  faut  s’efforcer  de  prévenir  ou  dimi¬ 
nuer  l’asphyxie.  Or  le  meilleur  moyen  est,  pour  cela,  de  faire  inhaler 
du  chloroforme,  de  verser  sur  la  face  de  l’eau  froide  et  de  fléchir  énergi¬ 
quement  un  gros  orteil. 

2°  Traitement  des  accidents  consécutifs  aux  attaques.  —  Lorsque  les 
attaques,  les  vertiges,  sont  suivis  de  céphalalgie,  de  stupeur,  de  malaise 
général,  il  y  a  avantage  à  donner  des  bains  de  pieds  stimulants  (Valleix); 
si  les  signes  de  congestion  vers  la  tête  sont  très-marqués,  si  surtout  le 
malade  a  eu  un  certain  nombre  d’attaques  qui  se  sont  répétées  dans  un 
court  intervalle,  une  application  de  sangsues  derrière  les  oreilles,  à  l’anus 
ou  aux  malléoles,  est  utile  en  même  temps  qu’il  faut  donner  un.  purgatif. 
Lorsque  les  attaques  sont  suivies  de  délire,  d’égarement,  d’agitation 
maniaque,  de  fièvre,  on  se  trouve  toujours  bien  d’appliquer  à  la  nuque, 
le  plus  haut  possible,  un  vésicatoire  que  l’on  doit  entretenir  pendant 
quelques  jours,  de  donner  du  sulfate  de  quinine,  de  la  digitale,  du  calomel 
à  dose  fractionnée,  et  des  purgatifs. 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEMBST. 


637 


Pour  parer  au  délire  maniaque  qui  se  produit  fatalement  chez  quelques 
malades  après  des  attaques  qui  reviennent  en  séries  au  nombre  de  huit  à 
dix,  quelquefois  moins,  j’emploie  avec  succès,*  depuis  plus  de  trois  ans, 
à  Bicêtre  d’abord,  avec  H.  Liouville,  puis  à  la  Salpêtrière,  le  curare  à  la 
dose  de  15  centigrammes  et  plus.  Voici  comment  je  procède  :  dès  la 
première  attaque  j’injecte  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  de  l’avant- 
bras  cette  dose  de  curare  en  solution  bien  fillrée  et  bien  claire  ;  je  répète 
la  dose  pendant  les  jours  suivants  ;  je  la  porte  même  à  plus  de  2  déci- 
grammes,  et  je  la  donne  chaque  jour,  tant  que  le  malade  conserve  un 
peu  de  stupeur  et  de  vague.  [Voy.  Curare,  t.  X,  p.  565.) 

J’ai  observé  qu’avec  ce  traitement  ces  malades  n’avaient  plus  de  fièvre, 
d’agitation  maniaque  ou  ne  présentaient  plus  que  de  l’incohérence.  Deux 
fois,  pendant  une  période  de  quinze  mois,  je  n’ai  pas  donné  de  curare  à 
une  des  malades  ainsi  traitées,  et,  ces  deux  fois,  la  maladeaété  prise  d’un 
accès  de  manie  des  plus  intenses. 

Le  curare  m’a  présenté  aussi  cet  avantage  d’enrpêcher  la  céphalalgie, 
qui  survient  si  constamment  après  les  attaques  ;  un  malade  ne  se  plai¬ 
gnait  plus  d’un  sentiment  très-douloureux  de  constriction  de  la  tête,  qui 
suivait  auparavant  les  attaques. 

J’ai  aussi  noté  à  Bicêtre,  et  le  fait  a  été  aussi  observé  par  le  docteur 
Bécoulet,  que  les  épileptiques,  soumis  au  traitement  par  le  bromure  de 
potassium,  ont  très-rarement  du  délire  après  leurs  attaques. 

5°  Traitement  qui  a  pour  but  d’empêcher  le  retour  des  phénomènes 
morbides.  —  L’épileptique  doit  éviter  toute  espèce  d’excès,  tout  écart  de 
régime;  la  venue  d’attaques  n’a  pas  souvent  d’autre  cause.  On  a  dit  que 
la  vue  d’accès' chez  des  malades  pouvait  en  produire  chez  d’autres;  je 
n’ai  jamais  observé  le  fait  dans  mon  service  d’épileptiques  de  Bicêtre,  mais 
je  l’ai  observé  sur  une  femme  du  service  d’épileptiques  de  la  Salpêtrière. 

II  ne  suffit  pas  de  dire  à  un  épileptique  ce  qu’il  doit  faire  ;  on  prescrira 
ce  qu’il  ne  doit  pas  faire  :  ainsi  l’épileptique  ne  doit  pas  prendre  des 
aliments  excitants  ou  des  alcooliques,  rester  à  une  température  élevée, 
dans  une  atmosphère  confinée  ;  se  tenir  immobile,  exposé  à  un  soleil  ar¬ 
dent;  fumer,  et  surtout  la  cigarette,  s’adonner  à  l’onanisme,  aux  rappro¬ 
chements  sexuels,  prendre  des  bains  de  mer,  ni  même  séjourner  sur  le 
bord  de  la  mer.  L’épileptique  doit  en  outre  s’efforcer  de  se  rendre  la  vie 
calme,  dégagée  d’émotions  et  de  passions. 

Lorsque  l’attaque  d'épilepsie  est  préeédée  de  prodromes,  d’auras,  tels 
que  sensafions  périphériques,  épigastriques,  bourdonnements  d’oreille, 
hallucinations,  on  a  cherché  souvent  à  en  empêcher  l’explosion,  mais  on  y 
est  rarement  parvenu.  Cependant,  dans  les  cas  d’aura  dans  une  partie 
éloignée  des  centres  nerveux,  on  a  réussi  quelquefois,  en  plaçant  une  liga¬ 
ture,  en  exerçant  une  compression  entre  ce  point  et  les  centres  nerveux. 

Les  procédés  les  plus  divers  ont  été  employés  dans  ce  but  par  les  épi¬ 
leptiques  :  une  ligature  un  peu  forte,  manœuvrée  quelquefois  en  garrot, 
et,  mieux  encore,  suivant  le  conseil  d’Odier,  deux  bracelets  en  acier  pou¬ 
vant  être  serrés  par  un  seul  cordon,  et  placés  à  des  hauteurs  différentes; 


638 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEMENT. 


chez  une  jeune  fille  à  début  par  l’extrémité  inférieure  du  corps ,  une 
jarretière  portée  toute  la  nuit  a  paru  avoir  une  heureuse  influence: 
quelques  malades,  pendant  que  la  crampe  est  encore  bornée  à  la  main 
demi-fléchie,  en  appliquent  la  face  palmaire  sur  une  surface  plane,  et, 
de  l’autre  main,  pressent  fortement  sur  le  dos  de  celle  qui  est  atteinte. 
(Herpin.) 

Les  frictions  sur  les  parties  où  existe  l’aura  sont  encore  une  ressource 
instinctive  que  l’on  peut  employer  avec  avantage.  Herpin  a  vu  un  épilep¬ 
tique  chez  qui  la  convulsion  commençait  à  la  base  de  la  langue,  et  qui 
pouvait  faire  avorter  ses  accès  par  une  contraction  des  antagonistes  des 
muscles  convulsés.  Le  militaire  cité  par  Odier,  dont  l’épilepsie  dépendait 
d’une  tumeur  cérébrale  traumatique ,  empêchait  ses  attaques  au  moyen 
d’une  ligature  qu’il  serrait  autour  du  bras  droit,  lorsqu’il  éprouvait  des 
crampes  dans  la  main  correspondante. 

Broca  a  présenté  à  l’Académie  de  médecine  de  Paris,  en  1868,  un 
appareil  compresseur  imaginé  par  Rozier  (de  Bordeaux),  et  employé  avec 
succès  sur  un  épileptique  dont  les  crises  étaient  annoncées  par  une  aura  se 
manifestant  dans  l’index  droit. 

L’inspiration  d’odeurs  fortes  (ammoniaque,  tabac)  donne  quelquefois 
les  meilleurs  résultats  lorsque  les  malades  sont  prévenus  par  une  aura  de 
leur  attaque.  J’ai  pu  aussi  empêcher  l’explosion  d’attaques  chez  des 
malades  qui  en  étaient  prévenus  par  des  auras  épigastriques  d’une  durée 
de  près  d’une  minute,  en  leur  faisant  manger  une  ou  deux  bouchées  de 
pain.  En  particulier,  chez  un  malade  dont  les  auras  et  les  attaques  sur¬ 
venaient  le  plus  souvent  aussitôt  après  son  lever,  alors  qu’il  était  à  jeun, 
l’ingestion  d’aliments  a  suspendu  ces  auras  et  ces  attaques  du  matin. 

Je  citerai  seulement,  pour  mémoire,  le  fait  singulier  d’un  malade  de 
Bicêtre,  sur  les  épaules  duquel  il  suffisait  de  monter,  au  moment  de  l’aura, 
pour  empêcher  l’invasion  de  l’attaque. 

L’épilepsie  qui  survient  périodiquement,  au  moment  des  règles,  par 
exemple,  ne  peut  que  bien  rarement  être  arrêtée  par  des  médicaments 
antipériodiques,  mais  il  est  bon  d’augmenter  notablement  la  dose  du  mé¬ 
dicament  aux  époques  des  règles. 

La  suspension  des  attaques  périodiques ,  par  le  moyen  du  quinquina, 
a  été  l’objet  de  recherches  intéressantes  de  la  part  de  Dumas.  Cet  auteur 
avait  pensé  que ,  si  l’on  pouvait  rendre  l’épilepsie  périodique,  il  serait 
possible  de  la  guérir  par  les  antipériodiques.  C’est  dans  ce  but  qu’il  faisait 
prendre  périodiquement  des  alcooliques  pour  provoquer  les  crises;  puis 
il  suspendait  l’usage  des  alcooliques  ;  la  maladie  conservait  sa  périodicité 
régulière,  et  il  la  traitait  par  le  quinquina. 

4°  Traitement  de  F épilepsie  elle-même.  —  On  doit  toujours  supposer, 
surtout  lorsqu’il  s’agit  d’un  enfant  ou  d’un  adolescent,  que  la  maladie 
peut  être  produite  par  la  présence  d’entozoaires,  d’un  tænia  dans  l’in¬ 
testin,  et  par  conséquent,  il  faut  administrer  des  vermifuges.  Nombre  de 
faits  prouvent  que  l’on  a  souvent  ainsi  guéri  des  malades  chez  lesquels  on 
ne  soupçonnait  pas,  au  premier  abord,  une  semblable  cause. 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEMEKT. 


659 


Le  traitement  antisyphilitique  est  aussi  celui  que  l’on  doit  employer 
avant  tout  autre,  lorsque  l’épilepsie  est  survenue  à  partir  de  l’adolescence 
sans  avoir  été  précédée  de  phénomènes  de  nature  épileptique  ;  il  sera  bon 
certainement  d’examiner  si  les  organes  génitaux  externes  présentent 
quelque  trace  de  syphilis ,  mais  l’infection  pouvant  n’avoir  laissé  aucun 
signe  extérieur,  il  ne  faudrait  pas  se  fier  à  l’absence  de  symptômes  cutanés 
ou  muqueux,  ou  ganglionnaires  pour  rejeter  l’idée  d’infection  vénérienne 
et  ne  pas  employer  le  traitement  spécial. 

Les  observations  de  Tissot ,  Lochér,  Maisonneuve  ,  Veigel ,  Gullerier, 
Hardy  et  Ricord,  démontrent  bien  que  l’on  ne  saurait  trop  porter  son 
attention  sur  la  possibilité  de  l’infection  syphilitique.  Et  puis,  dût-on  se 
tromper,  un  traitement  antivénérien  n’offre  par  lui-même  aucun  incon¬ 
vénient. 

Le  traitement  du  haut  mal  n’est  pas  seulement  thérapeutique ,  il  est 
aussi  hygiénique,  et  l’hygiène  des  épileptiques  doit  être  tout  spécialement 
surveillée  ;  les  habitudes,  les  mœurs,  la  profession,  doivent  être,  en  effet, 
l’objet  d’une  attention  scrupuleuse  de  la  part  du  médecin;  la  vie  de  l’épi¬ 
leptique  doit  être  calme,  exempte  d’émotions,  de  préoccupations,  de  con¬ 
trariétés  ,  de  causes  d’excitation,  de  grands  travaux  intellectuels  ;  un 
régime  uniforme,  même  monotone,  une  alimej^ation  modérée,  la  conti¬ 
nence  absolue,  la  sobriété,  l’abstinence  de  vin  pur,  de  café,  de  thé ,  de 
bière  sont  de  la  plus  grande  importajiice. 

Tout  exercice  exagéré  est  mauvais,  mais  les  exercices  modérés,  et  en 
particulier  la  gymnastique  dite  de  chambre ,  constituent  un  bon  moyen 
de  traitement  ;  les  bains  de  rivière  sont  mauvais  en  ce  sens  qu’un  épilep¬ 
tique  peut  se  noyer  pendant  un  accès.  Une  bonne  hygiène  du  corps  et  de 
l’esprit  est  une  des  choses  qui  sont  le  plus  nécessaires  à  l’épileptique  et 
qui  peuvent  le  mieux  aider  à  la  guérison  en  diminuant  l’irritabilité  mor¬ 
bide  du  malade. 

Quant  à  la  thérapeutique  proprement  dite  de  l’épilepsie,  elle  est  entrée 
depuis  une  vingtaine  d’années  seulement  dans  une  voie  certaine.  —  Af¬ 
firmée  à  cette  époque  par  Herpin  (de  Genève) ,  le  premier,  la  curabilité 
de  Tépilepsie  est  devenue  aujourd’hui  une  certitude. 

C’est  au  bromure  de  potassium  que  l’on  doit  maintenant  les  plus  nom¬ 
breux  succès.  Employé  pour  la  première  fois  en  Angleterre,  par  Laycock, 
en  1853,  ce  sel  a  été  d’abord  employé  en  France  par  Bazin,  Hardy,  et  a 
donné  de  beaux  succès  entre  les  mains  d’un  grand  nombre  de  médecins. 

Le  bromure  de  potassium  doit  être  pur,  exempt  d’iode  et  de  chlore.  11 
doit  être  donné  quelques  moments  avant  les  repas,  à  des  doses  variant  de 
■2  grammes  à  12  grammes  et  plus  par  jour  et  très-lentement  progressives; 
mais  comme  les  doses  à  employer  peuvent  varier  beaucoup  chez  les  indi¬ 
vidus,  suivant  l’âge,  la  constitution,  la  force,  j’emploie  depuis  plusieurs 
années  un  moyen  qui  m’a  donné  les  meilleurs  résultats  et  qui  consiste 
dans  l’examen  de  l’état  de  la  nausée  réflexe  que  l’on  produit  en  introdui¬ 
sant  une  cuiller  jusqu’à  l’épiglotte.  J’ai  remarqué  que  l’on  n’était  réelle¬ 
ment  arrivé  à  ta  dose  thérapeutique  du  bromure  de  potassium  que  lors- 


640 


ÉPILEPSIE. 


TRAIIEHENT. 


que  l’on  avait  supprimé  la  nausée  réflexe;  c’est  seulement  alors  que  l’on 
est  certain  d’agir  sur  le  bulbe  et  de  diminuer  sa  force  excito-motrice.  J’ai 
été  assez  heureux  pour  voir  ce  critérium  d’action  thérapeutique  du  bro¬ 
mure  de  potassium  approuvé  par  M.  Cl.  Bernard  dans  ses  leçons  au 
Collège  de  France. 

L’étude  d’autres  phénomènes  réflexes,  tels  que  le  larmoiement,  la  toux, 
l’éternument,  permet  aussi  de  suivre  l’action  du  médicament  sur  le 
bulbe  et  la  moelle  épinière. 

Lorsque  l’on  a  supprimé  la  nausée  réflexe,  le  médicament  ne  doit  plus 
être  augmenté,  mais  il  doit  être  donné  avec  persévérance  et  continuité 
pendant  des  années  entières,  lorsque  la  maladie  s’améliore  ou  guérit.  Au 
bout  de  deux  ans  d’amélioration  ou  de  guérison,  le  médicament  n’a  plus 
besoin  d’être  administré  tous  les  jours,  mais  tous  les  deux,  trois  ou  quatre 
jours,  pourvu  que  l’on  s’assure  que  la  nausée  réflexe  est  toujours  ab¬ 
sente.  C’est  seulement  après  un  grand  nombre  d’années  passées  sans 
phénomènes  épileptiques  que  l’on  peut  cesser  le  traitement  ;  mais  avant 
ce  moment  l’administration  du  remède  doit  être  toujours  continue.  L’in¬ 
termittence  est  une  grande  faute  ;  à  maladie  chronique,  il  faut  une  médi¬ 
cation  chronique.  Le’bromure  de  potassium  doit  rester  presque  un  ali¬ 
ment  pour  l’épileptique  qu’il  a  guéri. 

Certaines  indications  thérapeutiques  propres  au  bromure  de  potassium 
me  font  toujours  bien.augurer  de  son  action  dans  l’épilepsie  ;  ainsi  les 
manifestations  hypnotiques,  la  lassitude  générale,  la  facilité  et  la  promp¬ 
titude  avec  laquelle  disparaît  la  nausée  réflexe,  l’action  antianaphrodisia- 
que  sont  du  meilleur  augure  lorsqu’on  traite  un  épileptique  par  le  bro¬ 
mure  de  potassium.  Lorsque,  au  contraire,  l’action  antianaphrodisiaque, 
hypnotique,  sédative,  est  nulle,  lorsque  la  nausée  réflexe  est  lente  à  dis¬ 
paraître,  il  est  à  croire  que  le  bromure  ne  produira  aucun  effet  et  qu’il 
faudra  recourir  à  une  autre  médication. 

Le  bromure  de  potassium  peut  être  employé  avec  avantage  dans 
toutes  les  formes  d’épilepsie,  idiopathique,  symptomatique,  comme  dans 
les  cas  de  phénomènes  épileptiformes,  même  lorsqu’ils  se  lient  à  l’idio¬ 
tie,  au  crétinisme  ;  non  pas  qu’il  puisse  les  guérir  tous ,  mais  il  peut 
tous  les  amender,  et  la  raison  en  est  toute  physiologique  ;  tout  phé¬ 
nomène  convulsif  du  genre  épileptique  étant  le  produit  d’une  exaltation 
de  la  force  excito-motrice  du  bulbe,  le  bromure  de  potassium  peut  tou¬ 
jours  l’atténuer,  le  calmer,  sinon  le  suspendre.  Mais  en  recommandant 
l’emploi  du  bromure  de  potassium  de  préférence  aux  autres  médicaments, 
pour  toute  affection  convulsive  du  genre  épileptique,  je  considère  que  son 
utilité  est  plus  grande  encore  dans  les  cas  où  l’épilepsie  est  idiopathique, 
dans  ceux  où  elle  est  le  résultat  d’une  grande  impressionnabilité,  d’une 
exaltation  de  la  sensibilité,  dans  ceux  où  elle  a  été  produite  par  des  émo¬ 
tions  vives,  des  impressions  pénibles,  la  peur,  l’onanisme,  les  excès  vé¬ 
nériens,  dans  ceux  enfin  où  elle  est  la  conséquence  héréditaire  de  névro¬ 
ses,  telles  que  l’hystérie,  la  chorée,  l’épilepsie  même;  du  reste,  si  le 
bromure  de  potassium  ne  guérit  pas  toujou.rs,  il  atténue  le  plus  souvent 


EPILEPSIE.  -  TRAITEMEKT.  641 

la  maladie,  diminue  ou  même  supprime  presque  l’éréthisme  nerveux,  les 
secousses,  les  soubresauts  si  fréquents  chez  les  épileptiques. 

Le  bromure  de  potassium  peut  supprimer  les  auras,  tout  en  ne  faisant 
pas  disparaître  complètement  les  accès.  Il  agit  moins  bien  sur  les  ab¬ 
sences  et  les  vertiges  que  sur  les  attaques. 

La  proportion  suivant  laquelle  je  suis  arrivé  à  suspendre  les  phéno¬ 
mènes  épileptiques  est  devenue  de  plus  en  plus  grande  depuis  que  j’ai 
trouvé  ce  critérium  de  la  nausée  réflexe  :  en  effet,  tandis  que,  en  1866, 
je  disais  avoir  suspendu  la  maladie  dans  le  quart  des  cas,  j’obtiens  au¬ 
jourd’hui  ce  résultat  chez  la  moitié  des  individus  adultes  traités  ;  chez 
les  enfants,  au  contraire,  la  proportion  des  succès  est  à  peine  d’un  quart. 

Pidoux  et  G.  Sée  pensent  que  le  bromure  de  potassium  ne  guérit  pas 
l’épilepsie  et  que  s’il  suspend  ou  retarde  les  attaques,  c’est  en  les  rem¬ 
plaçant  par  des  préludes,  des  accès  incomplets.  Cette  opinion  ne  saurait 
d’abord  résister  aux  observations  déjà  nombreuses  qui  constatent  la  gué¬ 
rison  sans  qu’il  reste  trace  du  mal  ;  et  puis  il  faut  bien  savoir  que  le 
principal  indice  de  guérison  de  l’épilepsie  consiste  en  ce  que  les  attaques 
arrivent  à  être  remplacées  par  des  préludes,  des  accès  incomplets,  de 
même  que  l’épilepsie  conBrmée  est  toujours  précédée  ,  pendant  un  cer¬ 
tain  temps,  par  des  préludes  et  des  accès  incomplets.  Aussi  lorsque,  sous 
l’influence  d’une  médication ,  un  épileptique  n’a  plus  que  des  accès 
incomplets  et  des  préludes,  on  doit  le  considérer  comme  sur  la  voie  de  la 
guérison  complète. 

L’administration  du  bromure  de  potassium  réclame,  lorsqu’elle  doit 
être  continuée  longtemps  ,  quelques  précautions ,  sans  lesquelles  on  est 
exposé  à  la  nécessité  d’en  suspendre  l’emploi.  Ainsi  des  diurétiques  doi¬ 
vent  être  régulièrement  donnés  pour  favoriser  la  sécrétion  urinaire  et 
l’élimination  du  bromure  de  potassium  par  les  reins  et  pour  empêcher 
certaine^  éruptions  cutanées  du  caractère  le  plus  désagréable  pour  les 
malades.  Le  fer  doit  être  fréquemment  associé  au  bromure  de  potassium 
pour  empêcher  l’anémie,  la  cachexie  qu’il  produit  à  la  longue  et  certaines 
affections  de  mauvaise  nature  survenant  chez  les  individus  qui  en  pren¬ 
nent  de  hautes  doses  pendant  plusieurs  années. 

J’ai  observé  que  le  bromure  de  potassium  réussissait  en  général  moins 
bien  chez  les  enfants  que  chez  l’adulte,  peut-être  parce  que  l’épilepsie  de 
l’enfance  est  plus  souvent  liée  que  l’épilepsie  de  l’âge  adulte  à  des  états 
congénitaux  des  centres  nerveux,  à  des  lésions  cérébrales  dé  nature  scro¬ 
fuleuse,  tuberculeuse,  ou  bien  parce  que,  le  médicament  étant  très-rapi¬ 
dement  éliminé  chez  eux,  le  cordon  médullaire  est  peu  impressionné,  et 
les  actes  réflexes  dont  j’ai  parlé  ne  sont  que  difficilement  supprimés.  On 
peut,  chez  des  enfants  de  deux  à  trois  ans,  employer  des  doses  de  50  cen¬ 
tigrammes  à  1  gramme  50  ;  de  cinq  à  dix  ans,  des  doses  de  2  à  5  gram¬ 
mes,  et  de  dix  à  quinze  ans  des  doses  de  3  à  12  grammes.  Le  bromisme, 
que  j’ai  à  plusieurs  reprises  observé  chez  des  enfants,  et  qui  se  caractérise 
par  de  l’abattement,  de  l’inappétence,  une  grande  prostration  des  forces, 
du  catarrhe  pulmonaire,  n’est  jamais  grave  lorsqu’on  suspend  aussitôt  le 

TOrv.  DICT  ÎIÉD.  El  cmn.  Xül  —  ii 


642 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEMENT. 

médicament.  Chez  l’adulte,  au  contraire,  le  bromisme  se  manifeste  parles 
phénomènes  les  plus  graves  de  catarrhe  pulmonaire,  d’adynamie  ou  bien 
d’ataxie  des  plus  intenses.  L’action  du  bromure  de  sodium  est  la  même 
que  celle  du  bromure  de  potassium.  Les  doses  sont  un  peu  moins  élevées. 

Lorsque  l’épilepsie  est  compliquée  de  douleurs  spinales  retentissant  ou 
non  dans  les  membres,  il  faut  appliquer  des  cautères,  des  moxas,  des 
vésicatoires  le  long  de  la  colonne  vertébrale. 

Lorsque  l’épilepsie  est  accompagnée  de  stupeur,  d’hébétude,  de  dilata¬ 
tion  permanente  des  2  pupilles  ou  d’une  seule  pupille,  d’amnésie  pro¬ 
fonde,  de  troubles  intellectuels,  d’hallucinations,  d’obscurcissement  des 
sens ,  d’excitation  cérébrale,  de  manifestations  instinctives,  on  retire  le 
plus  grand  profit  d’applications  à  demeure  de  cautères,  de  vésicatoires 
permanents  à  la  nuque,  de  purgatifs  répétés. 

L’extrait  de  haschisch,  à  la  dose  de  1  à  5  grammes  produit  les  meil¬ 
leurs  résultats  dans  les  cas  où  des  hallucinations  terrifiantes  précèdent  les 
attaques  et  poussent  au  suicide. 

Tous  ces  moyens  doivent  être  employés  concurremment  avec  le  bromure 
de  potassium.  Lorsqu’une  épilepsie  idiopathique  aura  été  inutilement 
traitée  par  le  bromure  de  potassium,  il  est  inutile  d’employer  les  autres 
bromures,  tels  que  le  bromure  de  cadmium,  le  bromure  d’ammonium, 
le  bromure  de  sodium  ;  leur  action  est  nulle.  Il  faut  alors  user  des  pré¬ 
parations  métalliques  suivant  les  méthodes  de  Laroche,  Frank,  Urban, 
Heim  et  Herpin,  et  des  médicaments  dits  vasculaires,  concurremment  ou 
isolément.  Les  préparations  métalliques,  le  zinc,  le  sulfate  de  cuivre  am¬ 
moniacal,  le  nitrate  d’argent,  qui  ont  sur  le  bromure  de  potassium  pris 
à  haute  dose  le  grand  avantage  de  ne  pas  altérer  la  mémoire,  semblent 
agir  en  pénétrant  à  l’état  moléculaire  dans  les  cellules  nerveuses  du  bulbe 
et  de  la  moelle,  en  les  métallisant  pour  ainsi  dire,  et  en  diminuant  leur 
excitabilité  et  leurs  actions  réflexes. 

Parifii  ces  préparations  celles  de  %mc  (oxyde,  lactate,  valérianate)  sont 
celles  qui  ont  amené  jusqu’à  présent  le  plus  de  guérisons  ;  elles  doivent 
être  administrées  une  heure  après  les  repas ,  sous  forme  pilulaire.  La 
dose  initiale  journalière  d’ oxyde  de  zinc  peut  êtré,  chez  des  enfants  au- 
dessous  de  dix  ans  de  0,10  par  jour,  et  peut  être  portée  à  0,80  par  jour, 
en  trois  fois.  Au-dessus  de  dix  ans ,  on  peut  commencer  par  la  dose  de 
0,15  par  jouç  et  aller  jusqu’à  6  grammes  chez  l’adulte  sans  produire 
autre  chose  qûe  quelques  nausées,  un  peu  de  diarrhée  ,  un  certain  degré 
d’anémie  et  de  diminution  de  fibrine  du  sang.  (Michaelis.) 

Herpin  a  pensé  que  l’on  pouvait  pour  ainsi  dire  doser  la  quantité 
d’oxyde  de  zinc  qu’un  malade  devait  prendre  avant  d’abandonner  ce  re¬ 
mède  pour  un  autre,  et  il  est  arrivé  à  conclure  que,  dans  la  première  année 
'de  la  vie  et  dans  les  cas  favorables,  il  faut  atteindre  la  quantité  totale  de 
3  grammes  avant  d’y  renoncer,  et  que,  depuis  l’âge  de  deux  ans ,  dans  les  cas 
favorables,  il  faut  administrer  45  grammes  avant  d’y  renoncer,  et 
425  grammes  dans  les  cas  à  pronostic  peu  favorable. 

Le  sulfate  de  cuivre  ammoniacal  doit  être  aussi  administré  sous  forme 


ÉPILEPSIE.  —  TKAITBMEJNT. 


645 

pilulaire  une  heure  après  les  repas.  La  dose  initiale  quotidienne  chez  les 
enfants  au-dessous  de  dix  ans,  est  de  0,005  à  0,01;  au-dessus  de  dix  ans, 
elle  est  de  0,02  à  0,04  ;  on  peut  atteindre  chez  un  adulte  la  dose  quoti¬ 
dienne  de  0,40  à  0,60,  mais  on  est  souvent  obligé  de  la  diminuer  ou  la 
suspendre  à  cause  des  nausées,  vomissements,  inappétence,  diarrhée  qui 
l’accompagnent. 

Quant  à  la  quantité  totale  qu’il  faut  avoir  donné  de  sulfate  de  cuivre 
ammoniacal,  pour  savoir  si  on  doit  ou  non  renoncer  au  remède,  Herpin 
pense  qu’elle  doit  être  pour  l’enfant  de  48  grammes  et  chez  l’adulte  de 
70  grammes. 

On  peut  employer  aussi  le  cuivre  porphyrisé  à  la  dose  initiale  quoti¬ 
dienne  de  1  centigramme,  et  maximum  de  5  centigrammes.  L’ammoniure 
de  cuivre  à  la,  dose  de  1  à  4  centigrammes  par  jour  a  réussi  entre  les 
mains  de  Belfour,  Roussel,  Frank  et  Mercurio. 

Le  nitrate  d’argent  cristallisé  a  été  administré  aux  épileptiques,  depuis 
la  dose  initiale  de  un  centigramme  jusqu’à  celle  de  30  centigrammes  par 
jour.  De  la  Rive  et  Rayer  ont  obtenu  un  certain  nombre  de  succès  avec  ce 
médicament  qui  offre  le  plus  souvent  le  grand  désavantage  de  colorer  les 
malades  en  bleu,  ainsi  qu’on  a  pu  le  constater ,  il  y  a  quelques  années, 
sur  cet  Américain  qui,  non  guéri ,  était  venu  demander  aux  chirurgiens 
de  Paris  de  le  castrer. 

Le  chlorure  d’argent  a  été  employé  avec  succès  par  Riccardi  dans 
quelques  cas. 

Les  médicaments  dits  vasculaires,  que  l’on  peut  employer  dans  l’épi¬ 
lepsie,  lorsque  le  bromure  de  potassium,  l’oxyde  de  zinc,  le  sulfate  de 
cuivre  demeurent  sans  effets,  sont  inutiles ,  sont  la  valériane,  la  bella¬ 
done,  l’armoise. 

La  valériane  est  donnée  en  poudre  ou  en  extrait  hydro-alcoolique. 
Connue  depuis  une  époque  très-reculée  comme  utile  dans  l’épilepsie,  elle 
a  été  de  nouveau  recommandée  par  Tissot,  Chauffard  (d’Avignon)  et  Odier. 
L’extrait  alcoolique  peut  être  donné  chez  les  enfants  jusqu’à,  la  dose 
quotidienne  de  15  centigrammes,  et  chez  les  adultes  de  30  centigrammes. 
Le  valérianate  d’ammoniaque  a  été  employé,  dans  ces  dernières  années , 
contre  le  vertige  épileptique,  notamment  par  Michea. 

La  belladone  conseillée  dans  le  siècle  dernier  par  Fredin,  a  été  remise 
en  honneur  par  Murray,  Debreyne,  Bretonneau,  Trousseau,  Leuret  et  Ri¬ 
card.  Trousseau  comptait  un  certain  nombre  de  guérisons  avec  ce  médica¬ 
ment,  lorsqu’il  avait  été  pris  avec  persévérance;  aussi  Trousseau  arrivait  à 
donner  pendant  quinze,  vingt  mois,  jusqu’à  20  centigrammes  par  jour,  et 
ne  diminuait  ou  suspendait  que  lorsque  la  dilatation  excessive  des  pupilles, 
le  trouble  de  la  vue,  la  sécheresse  du  gosier,  la  diminution  de  la  mémoire 
indiquaient  un  effet  toxique. 

Lorsque  la  névrose  se  modifiait,  il  maintenait  la  dose  administrée  en 
dernier  lieu,  puis  la  descendait  suivant  une  progression  inverse;  puis  en¬ 
fin  suspendait  pendant  quelque  temps  la  médication  pour  la  reprendre 
après  cet  intervalle  de  repos.  Pour  Trousseau,  une  année  quelquefois  suffit 


044  ÉPILEPSIE.  —  TRAITEMENT. 

à  peine,  pour  connaître  l’influence  de  la  belladone,  et  si  l’année  d’après 
il  y  a  quelque  amendement,  il  faut  insister  encore  deux,  trois,  quatre  ans. 

La  belladone  est  un  médicament  qui  s’applique  plutôt,  ainsi  que  le 
zinc  et  le  cuivre,  à  la  cure  du  vertige  épileptique  ;  le  bromure  de  potas¬ 
sium,  au  contraire,  agit  surtout  contre  les  attaques. 

Le  curare  a  été  employé  contre  l’épilepsie,  d’une  façon  rationnelle, 
par  Thiercelin,  le  premier  ;  ses  recherches  sont  restées  malheureusement 
peu  complètes  par  la  privation  de  médicament,  et  peu  concluantes  par  le 
défaut  d’une  posologie  déterminée.  Benedikt  a  traité  avec  succès  quelques 
épileptiques,  mais  ses  malades  n’ont  pas  été  suivis  assez  longtemps  pour 
qu’on  puisse  asseoir  définitivement  une  opinion  à  leur  sujet. 

Quant  à  nous,  nous  avons  fait  nos  premiers  essais  à  Bicêtre,  de  con¬ 
cert  avec  H.  Liouville.  Dans  une  première  série  de  six  malades,  tous  épi¬ 
leptiques  et  déments,  depuis  longues  années,  la  médication  n’a  pas  réussi. 
Depuis  nous  l’avons  employée  et  nous  l’employons  chez  des  épileptiques 
moins  gravement  atteints  et  avons  constaté  la  disparition  àpeu  près  complète 
de  grandes  attaques  chez  certains  malades;  elle  a  été  complète  chez  deux. 
J'ai  échoué  entièrement  chez  le  plus  grand  nombre  ;  j’ai  dit  plus  haut  les 
résultats  excellents  que  le  curare  me' donnait  dans  la  manie  épileptique. 

D’autres  médicaments,  tels  que  le  sélin  des  marais,  le  cotylédon  um- 
bilicus,  ont  été  employés  avec  plus  ou  moins  de  succès,  par  Herpin, 
Thossalter,  Bullar,  Graves  et  Fonssagrives  ;  entre  mes  mains,  le  sélin  des 
marais  n’a  jamais  produit  aucun  résultat;  mais,  pour  le  cotylédon,  j’ai 
observé  qu’il  avait  agi  dans  deux  cas  d’une  façon  très-efficace  sur  l’exci¬ 
tation  génitale;  cet  effet  est-il  dû  aux  principes  ammoniacaux  qu’il  ren¬ 
ferme?  Quant  au  galium,  je  ne  l’ai  jamais  vu  réussir,  et  les  succès  de 
Tain  me  semblent  bien  douteux,  si  j’en  juge  par  le  récit  de  malades  qui 
y  ont  été  traités  par  ce  médicament. 

L’emploi  des  sternutatoires  a  été  recommandé  par  Laycock;  s’empa¬ 
rant  d’une  donnée  qui  découle  des  expériences  de  Kussmaul  et  Tenner, 
ils  considèrent  l’attaque  épileptique  comme  la  conséquence  d’une  anémie 
subite  du  cervelet  ;  cette  anémie  aurait  pour  origine  une  impression  que 
le  cervelet  recevrait  tantôt  des  centres  cérébraux  affectés  aux  fonctions 
psychiques,  tantôt  et  plus  fréquemment  de  la  moelle  allongée.  Pour  mo¬ 
difier  cet  état  morbide,  Laycock  pense  qu’il  est  rationnel  d’agir  sur  le 
système  respiratoire  et  qu’on  ne  saurait  agir  plus  sûrement  qu’en  irritant 
les  branches  de  la  cinquième  paire  qui  se  ramifient  dans  la  membrane 
de  Schneider.  Le  mélange  sternutatoire  auquel  il  a  donné  la  préférence 
est  formé  de  5  grammes  de  poudre  d’ellébore  blanc  et  de  60  grammes  de 
poudre  de  quinquina;  les  malades  doivent  s’en  introduire  trois  fois  par 
jour  une  pincée  dans  les  narines,  de  manière  à  provoquer  des  éternu- 
ments  énergiques  pendant  dix  minutes,  puis  ils  doivent  renifler  de  l’eau 
froide,  lorsque  les  éternuments  ne  s’arrêtent  pas  spontanément.  Ce  trai¬ 
tement  ne  paraît  pas  avoir  été  suivi  de  succès  durables,  si  on  en  juge 
par  les  observations  de  Laycock. 

L’électricité  à  courant  constant  rend  quelques  services  dans  le  Irai- 


ÉPILEPSIE.  —  TRAITEMEKT. 


645 


tement  de  l’épilepsie,  par  l’action  calmante  qu’elle  peut  exercer  sur 
les  nerfs  périphériques  et  sur  les  centres  nerveux.  Le  courant  constant 
affaiblit  et  épuise  l’excitabilité  pathologiquement  accrue  de  la  moelle.  Des 
expériences  ont  en  effet  montré  que  dans  l’intervalle  de  la  fermeture  et 
de  l’ouverture  du  circuit  parcouru  par  un  courant  galvanique  fort,  l’exci¬ 
tabilité  de  la  moelle  est  à  ce  point  anéantie  qu’aucune  excitation  portée 
sur  elle  ne  détermine  de  contraction  musculaire.  (Jaccoud.) 

Ce  mode  d’emploi  de  l’électricité,  et  son  application  au  traitement  des 
névroses,  est  surtout  connu  par  les  travaux  de  Remak,  de  Benedikt,  de 
Fieber;  il  n’a  guère  été  employé  en  France,  au  moins  à  ma  connais¬ 
sance,  pour  le  traitement  de  l’épilepsie.  Quant  à  moi,  j’ai  commencé  à 
en  faire  usage  depuis  que  j’ai  vu  mettre  en  pratique  l’électro-thérapie  à 
Vienne,  et  je  suis  arrivé  aux  résultats  suivants  ; 

Le  courant  constant  supprime  avec  une  grande  rapidité  les  points  d’hy¬ 
peresthésie  cutanée  et  musculaire,  que  présentent  si  souvent  les  épilepti¬ 
ques,  et  qui  jouent  si  fréquemment  un  rôle  important  dans  leur  maladie. 

Ce  n’est  pas  en  agissant  directement  sur  les  ganglions  supérieurs  du 
grand  sympathique  au  cou,  ainsi  que  l’ont  fait  Benedikt  et  Fieber,  que 
l’on  peut  espérer  agir  dans  l’épilepsie  ;  aussi  il  ne  faut  pas  s’étonner  de 
voir  Benedikt  signaler  l’inutilité  de  l’électricité  dans  l’épilepsie;  c’est 
sur  le  bulbe  en  effet,  que  l’on  doit  agir  directement  et  non  pas  sur  le 
grand  sympathique  ;  pour  cela,  j’ai  suivi  les  indications  données  par 
Ludwig  Tûrck,  et  je  suis  arrivé,  après  bien  des  tâtonnements,  à  dé¬ 
couvrir  certains  points  où  l’on  doit  appliquer  les  excitateurs  de  la  pile 
électrique  pour  faire  passer  un  courant  par  le  bulbe.  Ainsi,  par  exemple, 
j’ai  observé  qu’un  excitateur  placé  sur  certains  points  de  la  poitrine  et 
un  deuxième  posé  sur  la  face  ou  sur  la  langue  en  arrière  du  V,  ou  au 
menton,  ont  produit  des  phénomènes  très-significatifs  qui  prouvent  que 
le  courant  passe  par  le  bulbe. 

La  recherche  de  ces  cercles  que  l’on  peut  faire  parcourir  au  courant 
constant,  amènera,  d’après  ce  que  j’ai  déjà  observé,  des  résultats  d’une 
certaine  importance  ;  toujours  est-il  que  les  malades  ainsi  traités  guéris¬ 
sent  ou  s’améliorent,  alors  même  que  leur  affection  avait  résisté  à  d’au¬ 
tres  traitements. 

Fieber  a  remarqué  que  les  courants  constants  étaient  utiles  dans  le 
cas  d’épilepsie  vaso-motrice,  dans  celui  de  mal  comitial  lié  à  de  la  dys¬ 
ménorrhée  ou  de  l’aménorrhée,  et  dans  l’épilepsie  réflexe,  mais  à  la 
condition  d’appliquer  directement  le  pôle  positif  sur  le  point  de  la  péri¬ 
phérie  que  l’on  suppose  être  le  point  de  départ  de  la  convulsion,  ou  sur 
l’utérus.  Pour  Remak  et  Fieber,  les  courants  constants  interrompus  sont 
utiles  dans  le  cas  où  l’épilepsie  est  accompagnée  d’hyperesthésie. 

Toute  espèce  d’électricité  autre  que  celle  à  courant  constant  obtenue 
par  des  piles  dites  de  Remak  doit  être  proscrite  :  elle  est  au  moins  inutile. 

Je  n’ai  jamais  vu  obtenir  aucun  résultat  avec  la  hrôsse  dite  électrique, 
avec  les  ceintures  électriques,  avec  les  courants  d’induction. 

Certaines  manifestations  de  l’épilepsie  analogues  à  celles  de  la  fièvre 


646 


ÉPILEPSIE.  -  TRAITEME.NT.  ’ 

intermittente  ont  fait  penser  à  plusieurs  auteurs  et  entre  autres  à  Dumas,  à 
Selade,  qu’il  serait  bon  de  faire  naître  la  fièvre  intermittente  chez  les  épi¬ 
leptiques  et  qu’ainsi  il  y  aurait  peut-être  chance  de  guérir  l’épilepsie. 
Un  fait  que  j’ai  observé  de  fièvre  intermittente  tierce  des  plus  intenses 
chez  un  épileptique,  semblerait  prouver  qu’il  ne  faut  pas  compter  sur  ce 
moyen  pour  la  curabilité  du  mal  comitial.  Le  malade  a  bien  eu  pendant 
sa  fièvre,  moins  de  vertiges,  d’absences  et  d’attaques,  mais  la  fièvre  dis¬ 
parue,  l’affection  a  repris  son  cours  habituel  ;  l’épilepsie  s’est  comportée 
là  comme  dans  le  cas  de  toute  maladie  fébrile  intercurrente  qui  suspend 
les  attaques.  La  même  conclusion  doit  être  tirée  d’un  fait  publié  par 
Girard,  d’une  épileptique  dont  les  accès  suspendus  deux  fois  pendant  une 
fièvre  intermittente  quotidienne,  reprirent  lorsque  la  fièvre  fut  guérie. 

Pourtant  il  ne  faut  pas  oublier  le  fait  relaté  par  Ricard,  d’une  jeune  fille  qui 
guérit  radicalement  de  l’épilepsie  pendant  une  fièvre  intermittente  tierce. 

La  gymnastique  dite  de  chambre,  les  exercjces  corporels  de  toute  es¬ 
pèce  sont  un  adjuvant  auquel  on  doit  avoir  recours,  surtout  chez  les  en¬ 
fants  et  les  adolescents  qui  sont  d’une  nature  très-irritable,  d’un  tem¬ 
pérament  très-nerveux,  qui  présentent  de  la  maigreur  des  muscles,  un 
développement  incomplet  des  membres,  une  certaine  étroitesse  de  la  poi¬ 
trine,  liée  à  de  la  saillie  des  veines  du  cou,  du  front,  des  tempes,  et  à 
un  volume  disproportionné  de  la  tête. 

J’ai  vu  à  Bicêtre  et  à  la  Salpêtrière  la  gymnastique  ainsi  employée  pro¬ 
duire  de  bons  résultats,  en  faisant  cesser  la  prédominance  de  la  névrosité 
et  en  rétablissant  l’équilibre  entre  les  fonctions  organiques. 

Récamiec  a  traité  avec  succès  un  épileptique,  dont  les  attaques  étaient 
annoncées  par  des  auras  périphériques,  par  de  nombreux  vésicatojres  vo¬ 
lants  appliqués  dans  tous  les  points  où  le  malade  éprouvait  des  auras.  • 

Lorsque  les  épileptiques  éprouvent  dans  les  membres  en  même  temps 
que  le  long  de  la  colonne  vertébrale  des  douleurs  spontanées  et  provo¬ 
quées,  l’application  de  vésicatoires  ou  de  cautères  sur  les  points  doulou¬ 
reux  du  corps  et  de  la  colonne  vertébrale  produit  le  même  effet. 

Mettais  aurait  obtenu  de  bons  effets  de  frictions  faites  sur  le  cuir  che¬ 
velu  avec  la  pommade  stibiée.  Plusieurs  malades  de  picêtre  ont  été  ainsi 
traités  par  mes  prédécesseurs,  mais  aucun  n’a  guéri. 

Lebreton  a  employé  avec  succès  le  cautère  actuel  sur  k  région  synci- 
pitale  dans  un  cas  d’épilepsie.  La  cautérisation  du  pharynx,  conseillée 
par  Ducros  et  Moreau  (de  Tours),  a  été  employée  avec  succès  dans  un  cas 
d’épilepsie  avec  aura  périphérique. 

Frank  a  fait  pratiquer  la  castration  dans  un  cas  où  la  maladie  parais¬ 
sait  avoir  son  point  de  départ  dans  les  testicules  ;  depuis,  cette  opération 
a  été  recommandée  par  un  chirurgien  américain.  Mais  cet  épileptique, 
coloré  en  bleu  par  le  nitrate  d’argent,  qui  voulait  se' faire  castrer  par 
un  chirurgien  français,  a  été  opéré  en  Angleterre  sans  que  sa  maladie  en 
ait  été  suspendue.  • 

Un  chirurgien  américain  a  castré  un  épileptique  qui  était  adonné  à 
l’onanisme  et  qui  aurait  cessé  d’être  épileptique. 


ÉPILEPSIE.  —  TRAITEMENT. 


647 

Le  trépan  a  été  depuis  longtemps  employé  dans  le  traitement  de  l’épi¬ 
lepsie.  Cette  méthode,  admise  par  Arétée,  Fabrice  d’Aquapendente,  La- 
motte,  Tissot,  Guild,  Campbell,  a  été  remise  en  honneur;  ainsi  Mason- 
Warren  a  trépané  dix  épileptiques  :  trois  ont  guéri,  deux  ont  été  amé¬ 
liorés,  cinq  sont  morls. 

Broca  a  trépané  aussi  avec  succès  un  enfant  atteint  d’attaques  épilep¬ 
tiques  consécutives  à  un  traumatisme  du  crâne. 

La  trachéotomie  a  été  employée  par  Marshall-Hall  contre  le  mal  caduc. 
On  se  souvient  que  cet  auteur  subordonnait  à  la  contraction  des  muscles 
du  cou  et  à  l’obstruction  de  l’orifice  glottique  la  perte  de  connaissance  et 
les  autres  phénomènes  convulsifs.  Aussi  il  a  pensé  qu’en  ouvrant  la  tra¬ 
chée  on  devait  conjurer  la  strangulation  et  faire  avorter  les  attaques.  La 
théorie  de  Marshall-Hall  a  été  mise  plusieurs  fois  en  pratique  en  Angle¬ 
terre;  mais,  de  l’avis  des  médecins  anglais  qui  ont  pu  suivre  le  résultat 
de  ses  opérations,  ce  procédé  n’a  aucune  action.  Russell  Reynolds  et 
Wynn  William,  entre  antres,  ont  constaté  des  attaques  chez  des  épilep¬ 
tiques  qui  portaient  encore  une  canule  dans  la  trachée. 

Preston  (de  Calcutta)  n’a  pas  craint  de  lier  l’artère  carotide,  et  aurait 
obtenu  un  succès  momentané.  Dans  un  autre  cas  où  un  épileptique  s’était 
ouvert,  dans  une  idée  de  suicide,  l’artère  thyroïdienne,  Boileau  lia  la  ca¬ 
rotide.  Le  malade  guérit  de  cette  opération  et  de  l’épilepsie. 

D’un  autre  côté,  Velpeau  échoua  chez  un  épileptique  dont  il  avait  lié  les 
artères  temporales  et  faciales  pour  le  guérir  de  sa  maladie. 

La  ligature  et  la  section  des  nerfs  des  membres  dans  lesquels  les  épi¬ 
leptiques  éprouvent  des  auras  bien  nettes  et  bien  limitées,  auraient  peut- 
être,  dans  quelques  cas,  une  bonne  influence,  si  l’on  en  juge  parles  faits 
de  Pontier  et  de  Fabius  (ce  dernier  rapporté  par  Portai),  et  par  les  expé¬ 
riences  de  Brown-Séquard. 

Ce  dernier,  en  effet,  a  montré  que  la  section  d’un  nerf  sciatique,  qui 
produit  chez  un  cobaye  la  faculté  épileptogène,  amène  dans  le  bout  cen¬ 
tral  de  ce  nerf  un  état  morbide  qui  doit  nécessairement  produire  quelque 
irritation  dans  cette  partie  du  nerf,  et  que  la  cessation  de  la  faculté  épi¬ 
leptogène  coïncide  avec  la  guérison  de  cet  état  morbide,  c’est-à-dire  avec 
l’atrophie  du  bout  central  du  nerf;  eh  bien,  il  n’est  pas  impossible  de 
supposer  que  la  section  d’un  nerf  sur  le  trajet  duquel  existe  qn  aura 
puisse  guérir  l’épilepsie. 

D’ailleurs,  il  est  avéré  que  l’extirpation  de  tumeurs  d’où  semblaient 
partir  des  auras  a  amené  la  guérison  des  épileptiques  ;  c’est  ainsi  que 
Schort  a. agi  chez  un  malade  dont  les  attaques  débutaient  constamment 
par  une  vapeur  froide  partant  du  mollet.  Il  découvrit  dans  la  profondeur 
des  tissus,  sur  le  trajet  des  nerfs,  un  petit  corps  dur,  ganglionnaire, 
cartilagineux,  et  en  fit  l’extraction.  Depuis,  l’épilepsie  guérit.  Delasiauye 
a  reproduit  un  certain  nombre  d’autres  faits  sernblables,  dus  à  Caron, 
Leduc,  Fabrice  de  Hilden,  Larmorier. 

L’avulsion  de  dents  douloureuses  a  amené  le  même  résultat  heureux 
entre  les  mains  de  Malouet,  Portai,  Anglade,  Mosner. 


648 


ÉPILEPSIE.  -  BIBI.lOfiRAPHlE. 


On  a  dit  que  les  affections  psoriques  guérissaient,  par  substitution, 
l’épilepsie.  Je  puis  répondre,  à  ce  sujet,  que  j’ai  observé  deux  enfants 
qui  présentaient  un  favus  des  plus  rebelles  sans  avoir  été  améliorés. 

La  thérapeutique  de  l'épilepsie  saturnine  intense  consiste  dans  l’em¬ 
ploi  de  la  diète  et  des  boissons  délayantes  ;  c’est  au  moins  la  conclusion 
à  laquelle  est  arrivé  Tanquerel  des  Planches.  Dans  le  cas  d’épilepsie  sa¬ 
turnine  subaiguë  et  légère,  l’épilepsie  cesse  dès  que  le  malade  renonce  à 
l’emploi  du  plomb  :  ainsi  pour  les  ouvriers  typographes.  Lorsque  l’épi¬ 
lepsie  persiste  au  contraire  et  devient  chronique,  ce  qui  n’est  pas  rare, 
le  bromure  de  potassium  réussit  ordinairement. 

J’en  dirai  autant  de  l’épilepsie  alcoolique  et  absinthique  :  elle  peut  ces¬ 
ser  parle  seul  fait  de  l’abstinence  de  liqueurs;  mais  nombre  d’observations 
montrent  que  des  individus  sont  restés  épileptiques  tout  en  supprimant  l’u¬ 
sage  d’alcooliques.  Dans  ces  cas,  il  faut  recourir  au  bromure  de  potassium.. 

Le  traitement  de  Vhystéro-épilepsie  doit  suivre^  les  mêmes  indications 
que  celui  des  deux  névroses  qu’elle  réunit  en  une  seule.  S’il  s’agit 
d’un  enfant  prédisposé  héréditairement,  il  faut,  à  la  première  apparition 
d’accidents  nerveux  (éclampsie,  spasmes,  contractions),*  redoubler  de 
précautions  pour  écarter  tout  ce  qui  risquerait  de  devenir  une  occasion 
de  convulsions,  comme  les  sensations  fortes  ou  agaçantes,  la  douleur, 
l'insolation  prolongée,  la  colère,  la  jalousie.  Il  faut  équilibrer  les  goûts 
et  les  capacités  exceptionnelles  de  l’enfant  en  cherchant  à  amener  au 
même  niveau  les  facultés  et  les  sentiments  qui  sont  moins  développés,  en 
ayant  soin  de  suspendre  le  travail  intellectuel  et  corporel  avant  que  la  fa¬ 
tigue  ait  amené  une  exaltation  factice  des  forces.  (Dunant.) 

Lorsque  des  accidents  convulsifs  ou  spasmodiques  se  sont  produits,  il 
faut  employer  plus  souvent  des  toniques  et  des  reconstituants  que  des 
antiphlogistiques,  faire  usage  de  l’hydrothérapie  qui  agit  à  la  fois  sur 
le  sang  et  sur  le  système  nerveux,  et  des  médicaments  suivants  :  bella¬ 
done,  asa-fœtida,  bromure  de  potassium. 

L’épilepsie  au  point  de  vue  médico-légal  sera  étudiée  à  l’article  Folie. 

L’épilepsie  a  été  décrite  dans  tous  les  traités  généraux,  depuis  Hippocrate  (trad.  E.  Littré,  Pa¬ 
ris,  -1849,  t.  VI,  p.  555)  ;  maladie  sacrée  :  Celse  (De  re  medica,  livre  III,  cbap.  xxiii),  Cœlius  Au- 
relianus  (De  chronic.  morbis,  liv.  I,  cbap.  rv),  Arétée  (De  acut.  morb.,  liv. I,  cbap.  v.  De  chronic., 
liv.  I,  cbap.  iv),  jusqu’aux  auteurs  contemporains.  On  consultera  encore  les  divers  traités  des 
maladies  des  nerfs  (Axenfeld,  Des  névroses,  1865),  des  maladies  mentales  (Marcé). 

Lamotte,  Traité  de  chirurgie.  1740,  t.  II,  p.  409. 

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ladies,  dont  le  Traité  de  l’épilepsie  forme  le  t.  III. 

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les  frict.  mercur.,  l’autre  par  le  sirop  sudorifique  et  parla  liqueur  de  Van  Swieten  (Sédillot, 
Recueil  périod.  de  la  Soc.  de  méd.  de  Paris,  anX,  t.  XIV,  p.  271,  285). 

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ÉPILEPSIE.  —  BIBLIOGRAPHIE.  649 

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périod.  de  la  Soc.  de  méd.  de  Paris,  an  XI,  t.XVI,  p.  261,  268). 

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ÉPISPABIAS.  Voy.  Urèthre. 

ÉPISP ASTIQUES.  Voy.  Vésicants. 

ÉPISTAXIS.  —  Définîtion.  —  Le  mot  épistaxis  (de  èxt  et  azitta, 
je  tombe  goutte  à  goutte)  est  adopté  aujourd’hui  pour  désigner  l’écoule¬ 
ment  de  sang  par  les  narines.  Vogel  et  Pinel,  les  premiers,  donnè¬ 
rent  ce  nom  à  l’hémorrhagie  nasale.  Allibert  désigna  cette  hémorrhagie 
sous  le  nom  de  hémorrhinie;  Roche,  Broussais,  Piorry  la  dénommè¬ 
rent  rhinorrhagie.  Elle  est  encore  connue  sous  le  nom  de  saignement 
de  nez. 

Historique.  —  L’hémorrhagie  nasale  a  été  connue  de  toute  anti¬ 
quité.  Il  ne  pouvait  en  être  autrement  ;  car,  de  toutes  les  hémorrhagies, 
celle  qui  se  produit  à  la  surface  de  la  pituitaire  est,  sans  contredit,  la  plus 
fréquente.  Aussi  ne  faut-il  pas  s’étonner  que  les  auteurs  anciens,  dont 
l’esprit  éminemment  observateur  ne  laissait  passer  inaperçu  aucun  phé¬ 
nomène  morbide  extérieur,  aient  fait  de  cette  hémorrhagie  le  sujet  d’étu¬ 
des  plus  ou  moins  approfondies,  qu’ils  aient  enrichi  la  séméiotique 
d’aperçus  diagnostiques  et  pronostiques  qui,  encore  aujourd’hui,  ne  sont 
pas  sans  valeur.  Cela  est  si  vrai,  qu’Hippocrate,  frappé  de  la  fréquence  de 
l’écoulement  de  sang  par  les  fosses  nasales,  le  désigne  sous  le  nom  d’hé- 
morrhagia.  Cette  désignation  fut  seule  acceptée  pendant  longtemps  ;  ce 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  SYWPTOMATIQDE.  653 

n’est  qu’avec  Hoffmann,  Junka,  Good  que  nous  voyons  le  mot  narium 
(narines)  joint  à  celui  d’hæmorrhagia,  ces  auteurs  voulant  spécifier  d’une 
manière  particulière  le  siège  de  l’hémorrhagie.  Puis,  enfin,  vinrent  Vogel 
et  Pinel,  qui  lui  donnèrent  le  nom  d’épistaxis,  sous  lequel  elle  est 
connue. 

Diagnostic  symptomatique.  —  Bescription  du  phénomène  mor¬ 
bide.  —  L’épistaxis  est  tantôt  précédée  de  phénomènes  précurseurs, 
tantôt  elle  paraît  d’emblée.  Dans  le  premier  cas,  ils  sont  principalement 
constitués  par  des  symptômes  congestifs  vers  l’extrémité  céphalique  {mo- 
limina  hemorrhina).  Les  anciens  auteurs  ont  principalement  insisté  sur 
leur  existence,  auxquels  ils  attachaient  une  grande  importance  au  point 
de  vue  du  diagnostic.  A  cet  égard,  le  fait  rapporté  par  Galien  en  est 
la  preuve  la  plus  éclatante.  L’école  de  Stahl  les  a,  de  même,  étudiés  avec 
le  plus  grand  soin.  Ces  phénomènes  consistent  le  plus  ordinairement 
dans  un  sentiment  de  tension,  de  prurit,  de  chaleur,  s’accusant  au  ni¬ 
veau  des  fosses  nasales;  la  muqueuse  qui  tapisse  l’ouverture  antérieure 
des  narines  est  rouge,  plus  ou  moins  fortement  injectée;  il  existe  de 
l’enchifrènement ,  de  la  pesanteur  vers  la  racine  du  nez;  la  face  est 
plus  ou  moins  colorée,  parfois  vultueuse  ;  les  yeux  sont  volumineux; 
la  conjonctive  oculaire  et  palpébrale  est  le  siège  d’une  congestion  très- 
intense;  les  artères  temporales  et  carotides  battent  avec  force.  Les  ma¬ 
lades  accusent  en  même  temps  une  céphalalgie  frontale  plus  ou  moins 
intense  ;  ils  se  plaignent  tantôt  d’un  bourdonnement  incessant  dans  les 
oreilles,  tantôt  d’un  bruit  particulier  de  voitures,  de  tambour,  de  galop 
d’un  cheval.  Enfin,  parfois,  ils  sont  en  proie  à  des  éblouissements,  à 
des  vertiges.  Les  extrémités  sont  froides  ;  l’urine  est  pâle  ;  souvent  il  existe 
une  constipation  opiniâtre.  Le  malade  est  prostré.  Le  pouls  est  rebondis¬ 
sant,  souvent  dicrote. 

La  valeur  de  ces  phénomènes  prodromiques  a  été  diversement  interpré¬ 
tée  de  nos  jours.  Rochoux  pense  que  le  plus  ordinairement  ils  ne  sont  que 
le  résultat  des  affections  aiguës  dont  l’épistaxis  est  une  complication.  Ils 
tiennent  bien  plus,  dit-il,  à  la  maladie  principale  qu’au  prétendu  effort 
hémorrhagique.  Qu’il  en  soit  ainsi  dans  la  plupart  des  cas,  je  l’accorde; 
j’ajoute  même  que  l’observation  journalière  démontre  la  réalité  de  cette 
opinion.  Mais  si  les  auteurs  anciens  ont  beaucoup  exagéré  l’effort  que  fait 
l’économie  entière  pour  amener  une  évacuation  de  sang  souvent  peu  con¬ 
sidérable,  si,  même,  ils  ont  drop  souvent  attribué  à  l’épistaxis  des  phé¬ 
nomènes  généraux  ou  locaux  i^ui  ne  sont  en  réalité  que  les  symptômes 
précurseurs  d’une  maladie  générale,  d’une  maladie  fébrile  aiguë;  ce  n’est 
pas  une  raison  pour  nier  complètement  leur  valeur  en  tant  que  prodromes 
de  l’hémorrhagie  nasale;  car,  dans  certains  cas,  elle  est  très-réelle. 
Il  n’est  pas  un  médecin  qui  ne  les  ait  observées  Je  dirai  même  que  par¬ 
fois  ces  phénomènes  morbides  s’accusent  avec  une  intensité  extrême.  Ainsi 
Bordeu  signale  un  engorgement  glandulaire  plus  ou  moins  considérable 
qui  paraissait  tantôt  au  cou,  d’autres  fois  aux  bras,  aux  jambes,  survenant 
chez  un  jeune  homme,  sujet  à  de  fréquentes  épistaxis,  chaque  fois  qu’il  en 


654  ÉPISTAXIS.  —  diagnostic  symptomatique. 

éprouvait  une;  de  telle  sorte,  dit  Bordeu,  que,  d’après  le  nombre  des  tu¬ 
meurs,  il  était  facile  de  connaître  celui  des  hémorrhagies. 

Le  plus  ordinairement,  au  lieu  de  ces  phénomènes  morbides  qui,  je  le 
répète,  ne  sont  que  des  symptômes  congestifs  céphaliques,  on  n’ohserve, 
comme  phénomènes  précurseurs,  qu’une  pesanteur  de  tête  plus  ou  moins 
forte,  qu’un  simple  chatouillement  nasal  qui  excité  le  malade  à  se  frotter 
le  nez,  à  éternuer;  l’écoulement  sanguin  apparaît,  et  ces  phénomènes 
disparaissent. 

Enfin,  dans  d’autres  cas,  et  ce  sont  les  plus  nombreux,  l’épistaxis  ap¬ 
paraît  d’emblée. 

Quoi  qu’il  en  soit,  qu’il  y  ait  ou  non  des  symptômes  précurseurs,  le 
début  de  l’épistaxis  est  brusque,  elle  se  caractérise  par  l’écoulement  du 
sang  en  dehors  des  narines.  Cet  écoulement  peut  se  faire  par  l’ouverture 
antérieure  ou  postérieure,  quelquefois  par  les  deux  à  la  fois,  lorsque  l’hé¬ 
morrhagie  est  abondante.  Lorsque  l’épistaxis  a  lieu  par  l’orifice  an¬ 
térieur,  elle  se  produit  tantôt  par  les  deux  narines,  tantôt  par  une  seule  ; 
c’est  le  cas  le  plus  commun.  Le  sang  coule  parfois  abondamment  (aE(;,op- 
payia,  d’Hippocrate);  d’autres  fois  en  nappe,  avec  lenteur  (p'J«ç),  ou  bien 
goutte  à  goutte  (ciTaXaYp.oç) .  Si  l’épistaxis  survient  pendant  le  sommeil,  ou 
bien  si  l’hémorrhagie  a  lieu  dans  un  point  situé  profondément  en  arrière 
dans  les  fosses  nasales,  ou  bien  enfin,  si  le  malade  est  couché,  l’écoulement 
se  produit  par  l’orifice  postérieur  des  fosses  nasales  ;  le  sang  tombe  dans  le 
pharynx,  d’où  il  est  rejeté  par  expuition,  s’il  ne  sort  pas  de  lui-même  par 
la  bouche;  quelquefois  il  descend  jusqu’à  l’orifice  supérieur  du  larynx, 
provoque  la  toux  et  est  expulsé  par  expectoration.  (Jaccoud.)  Dans  ce  cas, 
les  malades  sont  effrayés  ;  ils  viennent  consulter  leur  médecin,  parce  que, 
disent-ils,  ils  crachent  le  sang.  Enfin  il  peut  être  avalé,  passer  dans  l’es¬ 
tomac,  d’où  il  est  rejeté,  soit  immédiatement,  soit  plus  tard,  par  le  vomisse¬ 
ment,  ce  qui  simule  Vhématémèse. 

La  quantité  de  Thémorrhagie  est  très-variable,  depuis  quelques  gouttes, 
100,  12S  grammes,  jusqu’à  plusieurs  livres.  Dans  un  cas  que  j’ai  pu  ob¬ 
server,  et  sur  lequel  je  reviendrai  à  plusieurs  reprises  dans  le  courant 
de  cette  étude,  la  quantité  de  sang  perdu  a  été  de  9  livres  en  soixante 
heures.  On  trouve,  dans  les  Actes  de  Leipzig,  le  fait  d’un  homme  ayant 
perdu  par  les  narines  75  livres  de  sang  en  deux  jours.  Dans  tous  les  faits 
d’hémorrhagie  abondante,  il  est  à  remarquer  que  l’écoulement  du  sang 
n’est  jamais  continu  ;  il  s’arrête  un  instant  pour  reparaître  ensuite .  Du 
reste,  c’est  là  un  fait  normal  même  dans  l’épistaxis  peu  abondante.  Le 
sang  s’arrête  de  lui-même  en  se  concrétant  dans  les  narines,  et, 
dans  ce  cas,  tantôt  l’écoulement  se  supprime  complètement,  tantôt 
cette  suppression  ne  dure  que  quelques  minutes,  que  quelques  heures.  Le 
malade  éprouve  une  sensation  de  gêne,  de  chaleur,  de  pesanteur 
dans  les  narines  ;  il  éternue,  les  caillots  sont  chassés,  et  l’épistaxis 
reparaît. 

Ces  retours  sont  souvent  multiples  et  tout  à  fait  irréguliers;  ils  peuvent  se 
produire  plusieurs  fois  dans  la  même  journée  ou  une  seule  fois  par  jour. 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGMOSTIC  SYMPTOMATIQÜE.  655 

Dans  ce  cas,  il  n’est  pas  rare  de  les  observer  pendant  un  temps  plus  ou 
moins  long.  Requin  cite  un  fait  où  l’épistaxis  s’est  montrée  tous  les  jours 
pendant  trois^mois.  A  côté  de  ces  épistaxis  survenant  tous  les  jours  à  des 
intervalles  irréguliers,  il  faut  signaler  certaines  observations  où  l’hémor¬ 
rhagie  nasale  se  montrait  à  des  époques  fixes,  régulières,  périodiques. 
Ainsi  les  auteurs  du  Compendium  de  médecine  citent  le  fait  d’un  jeune 
■  homme ,  âgé  de  vingt  ans ,  couché  dans  le  service  de  Duméril ,  à  la 
maison  de  santé,  qui  était  sujet  à  une  épistaxis  reparaissant  tous  les 
jours  à  cinq  heures  du  matin.  Elle  finit  par  céder  à  l’action  du  sulfate 
de  quinine  à  haute  dose.  Bottex  a  également  rapporté  l’histoire  d’une 
épistaxis  intermittente  qui  fut  guérie  par  le  sulfate  de  quinine.  Bordeu 
avait  déjà  signalé  cette  intermittence.  Il  rapporte  le  fait  d’un  jeune 
homme  chez  lequel  l’épistaxis  revenait  tous  les  mois.  On  le  voit,  la 
marche,  la  durée  de  l’épistaxis,  offrent  les  plus  grandes  variations. 
Celles-ci,  du  reste,  paraissent  être  en  rapport  avec  la  cause  qui  produit 
l’hémorrhagie  nasale,  avec  l’âge  du  malade. 

Les  qualités  physiques  et  probablement  chimiques  du  sang  varient  sui¬ 
vant  la  cause  de  l’épistaxis,  suivant  la  durée  de  l’hémorrhagie.  Tantôt  le 
sang  est  rutilant,  facilement  coagulable;  tantôt  il  est  noir,  très-fluide.  Je 
ne  puis  m’appesantir  sur  tous  ces  points,  qui  seront  l’objet  d’une  étude 
particulière  à  l’article  Hémoerhagie. 

Si  l’épistaxis  n’est  pas  abondante,  et,  surtout  si  elle  a  été  précédée  de 
quelques  phénomènes  congestifs  du  côté  de  la  face,  tels  que  rougeur, 
céphalalgie,  etc.,  le  malade  éprouve  le  plus  ordinairement  un  sentiment  de 
bien-être,  de  soulagement,  par  suite  de  la  disparition  des  phénomènes  pro¬ 
dromiques.  Mais  si  les  épistaxis  sont  abondantes,  si  elles  se  répètent  à  de 
très-courts  intervalles,  il  n’est  pas  rare  de  voir  survenir  quelques-uns 
des  accidents  observés  dans  les  hémorrhagies  intenses,  tels  que  syncope, 
convulsions.  Ainsi, dans  le  fait  que  j’ai  observé,  dès  la  troisième  épistaxis, 
la  malade,  lorsqu’elle  voulait  se  mettre  sur  son  séant,  était  prise  immé¬ 
diatement  d’une  syncope;  des  mouvements  convulsifs  apparaissaient  à  la 
face,  aux  extrémités  supérieures  et  inférieures,  ils  s’étendaient  même  à  la 
continuité  des  membres  ;  dès  que  la  malade  était  placée  dans  la  position 
horizontale,  la  tête  étant  plus  basse  que  les  extrémités  inférieures,  les 
convulsions  cessaient  instantanément,  la  pulsation  radicale  s’accusait  de 
plus  en  plus,  la  syncope  disparaissait.  Plus  tard  même,  l’épistaxis  per¬ 
sistant,  ces  phénomènes  morbides  apparurent  sitôt  que  la  malade  voulait 
soulever  légèrement  la  tête,  sitôt  qu’elle  faisait  un  mouvement  dans 
son  lit. 

Ces  accidents,  en  général,  disparaissent  facilement  ;  mais,  dans  certains 
cas,  il  n’en  est  plus  de  même,  la  mort  peut  survenir.  On  observe  cette 
terminaison  fatale  lorsque  l’épistaxis  survient  chez  un  sujet  déjà  affaibli 
par  une  maladie  chronique,  tuberculeuse  ou,  cancéreuse  ;  lorsqu’elle  se 
montre  dans  la  dernière  période  de  la  maladie  de  Bright,  des  maladies 
du  cœur,  surtout  dans  l’insuffisance  aortique.  Dans  ces  diverses  circon¬ 
stances,  il  n’est  pas  nécessaire  que  l’épistaxis  soit  des  plus  abondantes; 


656  ÉPISTAXIS.  . —  diagnostic  pathogékique. 

une  hémorrhagie  nasale  peu  intense  est  suffisante  pour  occasionner  la 

mort. 

Je  signalerai,  enfin,  tous  les  phénomènes  de  l’anémie  comme  accidents 
consécutifs  liés  à  l’épistaxis  qui  se  prolonge  pendant  un  temps  assez  long, 
et  qui  a  donné  lieu  à  une  perte  de  sang  assez  considérable.  Je  n’ai  pas 
à  insister  sur  leur  description,  car  elle  a  été  faite  à  l’article  Anémie, 
et  ils  seront  mentionnés  de  nouveau  à  l’article  Hémorrhagie. 

La  description  symptomatique  que  j’ai  donné  du  phénomène  morbide, 
épistaxis,  facilite,  je  l’espère,  son  diagnostic.  Le  plus  ordinairement,  en 
effet,  il;  ne  saurait  y  avoir  de  doute.  La  sortie  du  sang  par  les  narines  ne 
laisse  place  à  aucune  méprise;  mais  il  n’en  est  pas  toujours  ainsi,  et  j’ai 
signalé  les  cas  où  le  sang ,  au  lieu  de  s’écouler  par  l’orifice  antérieur  des 
fosses  nasales,  tombait  sur  le  larynx  ou  dans  l’estomac,  et  était  rejeté 
au  dehors,  soit  par  l’expectoration,  soit  par  le  vomissement,  de  manière 
à  donner  l’idée  d’une  hémoptysie  ou  d’une  hématémèse.  ïï  suffira  d’un 
examen  attentif  des  fosses  nasales  et  du  pharynx  pour  éviter  toute 
méprise.  Cet  examen  montrera,  en  effet,  des  caillots  et  des  stries  de  sang 
sur  la  muqueuse  de  ces  cavités,  et,  dans  le  cas  où  l’hémorrhagie  ne  serait 
pas  arrêtée,  si  le  sang,  passant  par  l’orifice  postérieur,  s’écoulait  par 
la  bouche,  il  suffirait,  comme  le  conseille  Piorry,  de  faire  incliner  la  tête 
en  bas  et  en  avant,  pour  que  le  sang  s’échappât  par  l’orifice  antérieur  des 
narines,!  et  vint  ainsi  établir  le  diagnostic  du  siège  de  l’hémorrhagie. 

Diagnostic  pathogênique.  —  Une  fois  l’épistaxis  reconnue,  le 
devoir  du  médecin  est  d’en  rechercher  la  cause,  la  nature  (diagnostic 
nosologique)  ;  car,  c’est  seulement  après  avoir  élucidé  ces  différents  points 
qu’il  pourra  apprécier  la  valeur  pronostique  de  ce  phénomène  morbide, 
et  poser  avec  succès  les  indications  thérapeutiques. 

Quelles  sont  donc  les  causes  de  l’épistaxis? 

L’épistaxis,  appartenant  comme  phénomène  morbide,  à  des  états  pa¬ 
thologiques  très-différents,  reconnaît  les  causes  les  plus  diverses.  Aussi 
les  auteurs  modernes,  désirant  mettre  de  l’ordre  dans  ce  sujet,  ont  cher¬ 
ché,  à  l’encontre  des  errements  suivis  par  leurs  devanciers,  à  classer  les 
circonstances  étiologiques,  afin  de  faciliter  l’étude  de  la  valeur  diagnos¬ 
tique  et  pronostique  de  ce  phénomène  morbide. 

L’ancienne  classification  des  hémorrhagies  en  essentielle,  symptoma¬ 
tique  et  supplémentaire  ne  saurait  plus  être  admise.  La  plupart  des  au¬ 
teurs  modernes  sont  d’accord,  aujourd’hui,  pour  n’âdmettre  qu’une  seule 
classe,  celle  des  hémorrhagies  symptomatiques.  Il  est  difficile,  en  effet, 
de  concevoir  que  le  sang  puisse  sortir  au  dehors  des  canaux  qui  le  con¬ 
tiennent,  sans  que  les  parois  qui  les  constituent,  n’aient  subi  une  altéra¬ 
tion  quelconque.  Je  sais  bien  que  quelques  faits  paraissent  encore  échap¬ 
per  à  cette  loi.  J’ai  surtout  en  vue,  en  m’exprimant  ainsi,  les  hémorrhagies 
par  diapédèse,  par  transsudation  ;  mais,  je  crois  qu’un  examen  plus 
approfondi  ne  tardera  pas  à  faire  rentrer  cette  classe  dans  celle  des  hé¬ 
morrhagies  symptomatiques. 

Je  borne  là  ces  quelques  explications  sur  la  genèse  des  hémorrhagies, 


ÉPISTAXIS.  —  DIAGIiOSTIC  PATHOGÉNIQüE.  657 

cette  étude  trouvera  mieux  sa  place  à  l’article  consacré  à  ce  phénomène 
morbide.  {Voy.  Hémorrhagie.)  Elles  seront  suffisantes,  toutefois,  pour  jus¬ 
tifier  ma  manière  de  voir  relativement  aux  classifications  de  l’épistaxis, 
et  pour  me  permettre  de  dire  que  l’hémorrhagie  nasale  est  toujours 
symptomatique,  c’est-à-dire  que,  lorsqu’elle  se  produit,  il  y  a  toujours 
rupture  de  la  paroi  vasculaire.  Du  reste,  s’il  pouvait  exister  quelques 
doutes  sur  la  genèse  des  hémorrhagies  qui  se  produisent  à  la  surface  des 
divers  organes,  il  ne  saurait  y  en  avoir  pour  l’hémorrhagie  de  la  muqueuse 
nasale. 

Il  suffit  de  se  rappeler  la  structuré  de  cette  muqueuse.  Riche  en  vais¬ 
seaux  qui  lui  donnent  dans  la  moitié  inférieure  l’aspect  d’un  tissu  quasi 
érectile,  elle  est,  par  là  même,  exposée,  plus  qu’aucune  autre  à  une  des 
nombreuses  causes  des  lésions  vasculaires.  En  outre,  la  faible  résistance 
des  capillaires  de  la  muqueuse  donne  l’explication  du  mécanisme  de  cette 
rupture  et  de  sa  fréquence.  Aussi  l’homme  seul  ou  presque  seul,  parmi  les 
animaux,  est  sujet  à  l’hémorrhagie  nasale.  (Rocheux.)  Du  reste,  cette  opi¬ 
nion  ne  m’appartient  pas  en  propre,  elle  a  été  émise  déjà  par  plusieurs 
auteurs. 

Je  n’admets  donc  que  l’épistaxis  symptomatique.  Il  me  reste  maintenant 
à  classer  les  causes  qui  produisent  cette  rupture.  Cette  classification  est 
d’autant  plus  nécessaire  que  l’action  est  diverse.  Jaccoud,  vient  d’en  don¬ 
ner  une  à  laquelle  je  me  rallie  volontiers.  Cet  auteur,  adoptant  pour  l’é¬ 
pistaxis,  la  classification  des  causes  des  hémorrhagies  en  général,  admet 
quatre  classes  :  1°  Épistaxis  traumatique  ou  ulcéreuse;  2°  épistaxis  par 
altération  morbide  des  vaisseaux  ;  épistaxis  mécanique  qu’il  subdivise 
en  a.  épistaxis  active  ou  par  fluxion;  b.  épistaxis  passive  ou  par  stase; 
4°  épistaxis  adynamique. 

Avant  d’étudier  les  différentes  maladies  locales  ou  générales  qui  don¬ 
nent  lieu  à  l’épistaxis,  avant  d’étudier  leur  mode  d’action  sur  la  genèse  de 
ce  phénomène  morbide,  il  me  semble  opportun  de  donner  quelques  gé¬ 
néralités  sur  son  étiologie. 

L’enfance  et  surtout  l’adolescence  sont  les  époques  de  la  vie  où  l’on 
observe  principalement  les  saignements  de  nez.  A  moins  de  circonstances 
spéciales,  que  je  relaterai  plus  tard,  il  est  rare  de  voir  l’épistaxis  avant 
l’âge  de  deux  ans  ;  on  peut  même  ajouter  qu’elle  est  rare  jusqu’à  sept 
ans  ;  mais  à  partir  de  cette  époque,  elle  devient  fréquente  et  acquiert 
son  apogée  vers  la  puberté.  Puis  la  fréquence  diminue  ;  en  même  temps, 
l’écoulement  devient  moins  abondant  ;  et  dans  la  vieillesse,  les  épistaxis 
disparaissent  complètement. 

Entre  vingt  et  trente  ans,  parfois  l’épistaxis,  qui  s’était  montrée  avant 
cette  période  avec  une  certaine  abondance  et  une  grande  fréiiuence,  cesse 
tout  à  coup,  Dans  ce  cas,  il  n’est  pas  rare  de  voir  coïncider  avec  cette 
disparition  brusque,  instantanée,  différents  symptômes  qui,  s’ils  ne  sont 
pas  identiquement  de  la  même  nature,  s’en  rapprochent  au  moins  sous 
plusieurs  rapports.' Ainsi  on  voit  survenir  des  hémoptysies,  et  avec  elles 
tout  le  cortège  des  phénomènes  morbides  de  la  phthisie  pulmonaire. 


638 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PATHOGÉNIQUE. 

Hippocrate,  F.  Hoffmann,  J.  Frank  ont  insisté  sur  cette  particularité. 
Trousseau  avait,  de  même,  été  frappé  de  cette  coïncidence  ;  il  ne  man¬ 
quait  jamais  d’appeler  l’attention  de  ses  élèves  sur  ce  point  important. 
Je  rappellerai,  enfin,  ces  faits,  cités  par  les  anciens  observateurs,  où  l’on 
voit  que  les  individus  qui  ont  l’habitude  de  saigner  du  nez  dans  leur  en¬ 
fance,  sont  sujets  plus  que  les  autres  au  rhumatisme.  Chomel  qui  cite 
cette  opinion  comme  déjà  formulée  par  Hippocrate,  donne  un  relevé  des 
cas  qu’il  a  observés  pendant  une  certaine  période  de  temps.  Sur  soixante- 
douze  rhumatisants,  vingt-trois  avaient  eu  dans  leur  enfance  des  épi¬ 
staxis  répétées. 

A  un  âge  avancé,  à  50  ou  60  ans,  on  voit  quelquefois  réapparaître 
les  épistaxis  chez  des  individus  qui  y  étaient  sujets  dans  leur  jeu¬ 
nesse.  Souvent  elles  sont  très-abondantes,  et  par  là  même,  très-in¬ 
quiétantes  ;  parfois,  au  contraire,  on  doit  les  considérer  comme  très- 
salutaires,  surtout  si  elles  surviennent  chez  un  sujet  indemne  de  toute 
affection  organique.  Ainsi  Sorre  relate  un  exemple  très-remarquable  : 
deux  femmes,  âgées,  présentèrent  des  épistaxis  .très-abondantes  pen¬ 
dant  plusieurs  jours  ;  effrayé,  il  pratiqua  le  tamponnement  des  fosses 
nasales.  Sous  cette  influence,  l’écoulement  cessa,  mais,  quelques  jours 
après,  elles  furent  prises  d’apoplexie  cérébrale  à  laquelle  elles  succombè¬ 
rent.  Gazalis  a  eu  l’occasion  d’observer  plusieurs  faits  semblables.  Portai, 
J.  Frank,  Watson  en  ont  signalé  quelques  autres.  Telles  sont  les  quelques 
considérations  que  j’avais  à  faire  valoir  sur  l’étiologie  en  général.  Je  vais 
maintenant  passer  en  revue,  très-succinctement,  les  maladies  locales  ou 
générales  qui  présentent,  parmi  leur  expression  symptomatique,  l’épi¬ 
staxis.  Je  suivrai  autant  que  cela  me  sera  possible  la  division  que  j’ai  don¬ 
née  de  ce  phénomène  morbide. 

F”  classe.  Épistaxis  tkadmatiqüe  ou  dlcéreü.se.  —  Cette  épistaxis  est  de 
beaucoup  la  moins  fréquente.  En  outre,  au  point  de  vue  de  la  séméiolo¬ 
gie,  elle  offre,  en  général,  peu  d’intérêt. 

Une  chute  sur  le  nez,  un  coup  porté  sur  les  fosses  nasales,  une  fracture 
des  os  propres  du  nez  donneront  lieu  à  cette  épistaxis.  Celle-ci,  en  général, 
est  peu  abondante,  et,  le  plus  ordinairement,  elle  ne  constitue  pas  un 
accident  d’une  grande  gravité. 

Une  chute  sur  la  tête,  sur  les  pieds  ou  sur  tout  autre  partie  du  corps, 
de  violents  coups  portés  sur  le  crâne,  peuvent,  de  même,  donner  lieu  à 
un  saignement  de  nez  ;  celui-ci,  ainsi  que  je  te  dirai  à  propos  de  la  va¬ 
leur  diagnostique,  présente  pour  le  clinicien  un  grand  intérêt  ;  car,  le 
plus  ordinairement,  il  indique  une  fracture  de  la  base  du  crâne,  intéres¬ 
sant  la  paroi  supérieure  des  fosses  nasales. 

Les  ulcérations  de  la  pituitaire,  soit  simples,  soit  spécifiques,  les  po¬ 
lypes,  surtout  ceux  qui  sont  vasculaires,  s’accompagnent  d’une  épistaxis 
plus  ou  moins  abondante.  Parfois  ces  affections,  au  début  principalement, 
ne  présentent  que  ce  seul  symptôme,  et,  dans  ce  cas,  il  est  suffisant  pour 
appeler  l’attention  des  malades  et  par  suite  celle  des  médecins,  sur  l’exis¬ 
tence  probable  d’une  altération  de  la  muqueuse  nasale. 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PATllOGÉNIQÜE.  6S9 

IP  classe.  Epistaxis  par  altération  morbide  des  vaisseaux.  —  La  dior 
thèse  hémorrhagique  ou  hémophilie  se  traduit,  le  plus  ordinairement,  par 
des  épistaxis  d’une  abondance  et  d’une  ténacité  extrême.  Dans  ce  cas, 
suivant  Virchow,  l’hémorrhagie  nasale  résulte  de  la  minceur  et  de  la  dé¬ 
générescence  graisseuse  des  parois  artérielles.  Sans  vouloir  discuter,  à 
propos  de  l’épistaxis,  la  pathogénie  de  la  diathèse  hémorrhagique,  discus¬ 
sion  qui  trouvera  mieux  sa  place  à  l’article  hémophilie,  je  dirai  que  tous 
les  auteurs  n’acceptent  pas  la  manière  de  voir  de  Virchow.  Laveran, 
A.  Tardieu,  Grandidier  font  jouer  un  grand  rôle  à  l’altération  du  sang. 
Dans  le  fait  de  Laveran,  notamment,  l’examen  microscopique  n’a  pas  dé¬ 
montré  l’altération  des  vaisseaux  capillaires.  Cet  examen  ayant  donné 
souvent  des  résultats  négatifs,  certains  auteurs  ont  recherché  une  autre 
explication  que  celle  donnée  par  Virchow  et  par  les  auteurs  que  nous  ve¬ 
nons  de  citer.  Mais,  à  l’inverse  de  ces  derniers,  ils  ne  font  pas  jouer  un 
aussi  grand  rôle  à  l’altération  du  sang,  et  ils  pensent  que  le  système  arté¬ 
riel  est  altéré.  Ainsi  Gintrac  admet  un  développement  incomplet,  une 
organisation  insuffisante  de  l’appareil  circulatoire,  et,  en  particulier,  de 
l’arbre  artériel,  joint  à  une  dilatabilité,  à  une  perméabilité  anormale  des 
vaisseaux  capillaires.  On  le  voit,  la  pathogénie  de  l’hémophilie  laisse  à 
désirer.  Pourtant,  il  paraît  probable  qu’il  existe  une  altération  des  parois 
artérielles,  c’est  pourquoi  j’ai  rangé  dans  la  deuxième  classe  l’épistaxis 
qui  survient  dans  la  diathèse  hémorrhagique.  Du  reste,  on  comprend 
très-bien  que  les  vaisseaux  étant  modifiés,  soit,  ainsi  que  le  dit  Virchow, 
par  une  stéatose  de  leur  parois,  soit,  ainsi  que  le  dit  Gintrac,  par  une 
dilatabilité  et  une  perméabilité  anormale  des  capillaires,  on  comprend, 
dis-je,  que  la  rupture  et  l’hémorrhagie  surviennent  sous  l’influence  des 
causes  les  plus  insignifiantes  ou  sans  cause  saisissable  avec  l’apparence  de 
la  .spontanéité.  (Jaccoud.) 

IIP  classe.  Épistaxis  mécanique.  —  a.  Active  ou  par  fluxion.  —  Toutes 
les  conditions  qui .  déterminent  une  congestion  céphalique  favorisent 
l’apparition  de  l’épistaxis.  C’est  ainsi  qu’agissent  les  grands  changements 
survenus  brusquement  dans  l’atmosphère.  Je  citerai,  d’après  Gendrin,  la 
présence  d’une  très-grande  quantité  d’électricité  dans  l’atmosphère  ;  les 
brusques  changements  de  la  température  atmosphérique.  Les  épistaxis  qui 
survinrent  chez  les  soldats  pendant  la  retraite  de  Russie,  montrent  au  plus 
haut  degré  l’action  des  influences  météorologiques,  Gendrin  en  a  donné 
l’explication  suivante  :  «  Par  suite  de  la  suspension  des  exhalations  pulmo¬ 
naires  et  cutanées,  par  suite  de  la  gêne  de  la  circulation,  surtout  périphé¬ 
rique,  le  sang  des  capillaires  superficiels,  dit  cet  auteur,  est  refoulé  dans  les 
vaisseaux  profonds,  ceux  de  la  pituitaire  sont  gorgés,  dilatés  outre  me¬ 
sure.  Ils  finissent  par  céder,  se  rompent,  d’où  l’épistaxis.  »  L’insolation^ 
surtout  au  printemps,  exerce,  de  même,  une  grande  influence.  Un  séjour 
prolongé  dans  une  atmosphère  chaude  ou  froide  est  encore  une  condi¬ 
tion  puissante  de  congestion  céphalique  et  par  suite  d’épistaxis.  C’est  pour¬ 
quoi  les  habitants  des  pays  froids,  transportés  dans  les  pays  chauds,  sont 
pendant  longtemps,  deux  ans  au  moins,  temps  nécessaire  à  l’acclimate- 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGJSOSTIC  PATilOGÉMIQUE. 


ment,  sujets  à  des  épistaxis  fréquentes.  La  raréfaction  de  l’air  doit,  de 
même,  être  notée.  Tout  le  monde  connaît,  sur  ce  point,  les  relations  que 
nous  ont  laissées  certains  voyageurs  ;  aussi  n’ai-je  pas  besoin  d’insister  lon¬ 
guement  sur  tous  ces  faits.  Les  exercices  violents,  les  travaux  intellectuels 
excessifs ,  les  excès  de  table,  une  émotion  vive,  agissent  de  la  même 
manière. 

Parmi  les  causes  pathologiques  qui  exercent  la  même  influence ,  je 
signalerai  le  coryza  aigu.  Très-souvent  le  début  de  l’inflammation  de  la 
pituitaire  est  marqué  par  une  épistaxis.  Les  hémorrhagies  nasales,  dites 
supplémentaires,  celles  qui  surviennent  par  suite  de  la  suppression,  soit 
d’un  flux  sanguin  habituel  (règles ,  hémorrhoïdes)  ,  soit  d’un  autre 
flux  (sueurs)  ou  par  suite  de  la  disparition  d’une  affection  cutanée,  d’un 
érysipèle  même,  doivent  être  rangées  dans  cette  classe,  comprenant 
les  épistaxis  fluxionnaires  ,  car  leur  physiologie  pathologique  est  exac¬ 
tement  celles  des  causes  énumérées  plus  haut. 

Les  observations  authentiques  de  Stahl,  Gendrin,  Jacquemier,  Scan- 
zoni,  Puech,  Gourty,  etc.,  ne  peuvent,  aujourd’hui,  laisser  planer  de 
doutes  sur  le  remplacement  de  l’écoulement  menstruel  par  des  hémor¬ 
rhagies,  se  produisant  par  n’importe  quel  point  du  corps,  qu’il  s’agisse  de 
la  peau  ou  des  muqueuses.  En  ce  qui  concerne  le  sujet  qui  m’occupe 
dans  cet  article,  je  dirai  que  Puech,  sur  200  observations,  a  relevé  18  fois 
l’épistaxis  comme  ayant  remplacé  la  période  menstruelle.  Je  ne  crois  pas 
sortir  de  mon  sujet  en  signalant  les  questions  intéressantes  qui  ont  été 
soulevées  à  cette  occasion;  aussi  vais-je  les  rapporter  succinctement. 
Gourty  les  a,  surtout,  traitées  avec  une  grande  sagacité.  Le  point  le  plus 
important  est  le  suivant  :  existe-t-il  entre  l’hémorrhagie,  dite  supplé¬ 
mentaire,  désignée  sous  le  nom  de  règles  déviées  et  Tovulation  ou  ponte 
spontanée,  la  même  relation  qu’entre  la  ponte  périodique  et  l’hémor¬ 
rhagie  utérine  concommitante  ?  Gourty  cite  une  observation  de  Puech  où 
l’autopsie  a  démontré  la  réalité  de  cette  proposition.  Donc  la  déchirure 
de  la  vésicule  de  Graaf  peut  coïncider  avec  l’hémorrhagie  supplémentaire. 
Du  reste,  la  fécondité  des  femmes,  atteintes  de  déviations  menstruelles,  en 
est  la  preuve  physiologique  la  plus  convaincante.  Ainsi  Pauli  (de  Lan¬ 
dau)  signale  le  fait  d’une  jeune  fille  de  17  ans,  chez  laquelle  les  mens¬ 
trues  furent  remplacées  pendant  dix-huit  mois  par  une  épistaxis.  Elle 
devint  mère,  la  menstruation  reparut  après  l’accouchement,  avec  une  ré¬ 
gularité  parfaite.  Les  phénomènes  morbides  qui  précèdent  ou  accompa¬ 
gnent  l’hémorrhagie  nasale,  déviation  de  la  menstruation,  viennent  en¬ 
core  appuyer  cette  proposition.  G’est  ainsi  que  les  femmes  éprouvent, 
chaque  mois,  au  niveau  des  fosses  nasales,  de  la  région  frontale,  une 
douleur  gravative,  obtuse,  parfois  lancinante,  annonçant  une  fluxion, 
une  congestion  de  la  membrane  de  Schneider.  Gette  partie  est,  en  outre, 
le  siège  d’une  chaleur  insolite.  Les  femmes  éprouvent,  comme  à  leur  pé¬ 
riode  menstruelle,  une  lassitude  générale,  un  dégoût  profond  pour  les 
aliments,  une  susceptibilité  nerveuse  exagérée.  A  mesure  que  i’hémor- 
rbagie  se  produit,  tous  ces  phénomènes  cessent,  disparaissent  pour  se 


ÉPISTAXIS.  —  DIAGNOSTIC  pathogéniqüe.  (361 

reproduire  à  la  prochaine  époque  menstruelle.  Cette  épistaxis  présente, 
en  général,  la  même  durée  que  les  règles,  et,  circonstance  digne  d’être 
mentionnée ,  la  quantité  de  sang  perdue  par  les  fosses  nasales  est  la 
même  que  celle  qui  était  perdue  par  l’utérus.  Le  plus  ordinairement, 
cette  épistaxis  ne  présente  aucune  gravité  ;  au  contraire ,  elle  exerce  une 
influence  favorable  sur  la  santé  de  la  femme,  et  le  médecin  doit  la  res¬ 
pecter.  Mais,  parfois,  cette  épistaxis  est  grave  au  point  qu’elle  peut  en¬ 
traîner  la  mort.  Ainsi  Courty  signale  une  observation  deFricker,  deHorb, 
où  la  mort  est  survenue  à  la  suite  d’une  troisième  attaque  d’épistaxis 
nasale. 

Ce  que  je  viens  de  dire  pour  l’épistaxis  ,  remplaçant  la  période  mens¬ 
truelle,  s’applique  à  celle  qui  supplée  l’écoulement  hémorrhoïdaire,  et, 
comme  dans  le  cas  précédent,  le  médecin  doit  rester  spectateur  attentif; 
il  n’intervient  que  si  des  phénomènes  graves  se  produisent  par  suite  de  la 
trop  grande  perte  de  sang. 

J’ai  signalé  un  peu  plus  haut  l’épistaxis  qui  survient  à  la  suite  de  la  sup¬ 
pression  d’une  affection  cutanée ,  voire  même  d’un  érysipèle,  chez  les 
personnes  sujettes  depuis  longtemps  à  ces  affections.  Pour  moi,  je  l'ai 
dit,  la  physiologie  pathologique  est  la  même  que  pour  les  faits  précé¬ 
dents.  Par  contre,  il  n’est  pas  rare  que  l’épistaxis  soit  remplacée  à  son 
tour  par  quelques-unes  de  ces  affections,  lesquelles  disparaissent  si  l’on  a 
soin  de  faire  un  traitement  très-indiqué  dans  cette  circonstance.  Sorre 
relate  dans  son  travail  une  observation  des  plus  intéressantes.  Un  homme, 
âgé  de  45  ans,  avait  eu,  jusqu’à  l’âge  de  25  ans,  des  épistaxis  abon¬ 
dantes,  revenant  deux  fois  par  an,  à  l’automne  et  au  printemps  ;  au  mo¬ 
ment  où  çlles  disparurent,  survinrent  des  migraines  violentes  qui  durèrent 
deux  ans  environ.  Des  hémorrhoïdes  fluentes  leur  succédèrent.  Elles  per¬ 
sistèrent  jusqu’à  l’âge  de  38  ans.  Dès  qu’elles  disparurent,  le  malade  n’a 
jamais  vu  un  printemps,  ni  un  automne,  se  passer  sans  avoir  un  érysipèle 
de  la  face.^  Chaque  érysipèle  dure  trois  ou  quatre  jours.  Lorsque  cet 
homme  fuLsounaii-à-pExamen  de  Sorre,  il  en  était  à  son  treizième  érysi¬ 
pèle,  donUil  guérit  comme  dans  les  cas  précédents.  Connaissant  les  rela¬ 
tions  de  ces  divers  accidents  morbides,  Sorre  l’engagea  à  venir  à  l’hôpital 
vers  le  mois  de  septembre  ou  d’octobre,  époque  vers  laquelle  se  manifes¬ 
tait  ordinairement  l’érysipèle.  Ce  malade  suivit  ce  conseil.  Une  saignée 
de  500  grammes  lui  fut  pratiquée,  et  l’érysipèle  ne  parut  pas. 

Dans  cette  classe  rentre  l’épistaxis  qui  survient  dans  la  congestion 
cérébrale.  Souvent,  dans  ce  cas,  une  hémorrhagie  nasale  abondante  sou¬ 
lage  les  malades.  Enfin,  je  signalerai  celle  qui  résulte  de  l’obstruction 
partielle  du  système  circulatoire,  veines  ou  réseau  capillaire.  Von  Dusch 
a  cité  un  cas  d’épistaxis  survenu  dans  V oblitération  du  sinus  longitudinal 
C’est  à  l’obstruction  partielle  du  réseau  capillaire  par  les  glo¬ 
bules  blancs,  qu’il  faudrait,  suivant  Jaccoud,  attribuer  les  épistaxis  et  les 
autres  hémorrhagies  qui  surviennent  dans  la  leucocythémie.  Dans  cette 
maladie,  en  effet,  les  hémorrhagies  sont  ;très-fréquentes.  Parmi  celles-ci 
l’épistaxis  occupe  le  premier  rang  et  par  sa  fréquence  et  par  son  abon- 


662 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PATHOGÉNIQUE. 

dance.  Ce  qui  confirme  l’opinion  de  Jaccoud,  c’est  que  l’hémorrhagie  na¬ 
sale  ne  survient  pas  au  début,  dans  la  première  période,  mais  bien  pen¬ 
dant  le  cours  de  la  maladie  et  principalement  vers  la  fin. 

b.  Epistaxis  passive  ou  par  stase.  —  Toute  maladie  qui  gênera  la  cir¬ 
culation  céphalique  en  retour  ou  qui  accroîtra  la  tension  du  système  vei¬ 
neux  général,  produira  une  stase  dans  les  vaisseaux  de  la  pituitaire  et 
occasionnera  leur  rupture,  d’où  l’apparition  de  l’épistaxis.  Jaccoud  fait 
remarquer  avec  raison  qu’ici  le  problème  n’est  pas  aussi  simple  que  dans 
l’épistaxis  active  ou  fluxionnaire.  Il  faut  tenir  compte,  ainsi  qu’on  le 
verra,  de  l’altération  du  sang  qui  va  concourir,  le  plus  souvent,  avec  le 
trouble  mécanique,  à  produire  la  rupture  hémorrhagique.  C’est  ainsi 
qu’agissent  les  affections  du  foie,  de  la  rate,  du  cœur,  des  poumons,  des 
reins. 

Quelques  mots  sur  l’épistaxis  dans  les  affections  de  ces  divers  organes. 

Affections  du  foie.  —  Les  affections  de  la  glande  hépatique  présen¬ 
tent,  pendant  leur  évolution,  le  symptôme  épistaxis  beaucoup  plus  fré¬ 
quemment-  que  les  affections  des  autres  appareils.  D’après  Monneret, 
auteur  qu’il  faut  toujours  citer  lorsqu’on  traite  des  maladies  du  foie,  car 
nul  plus  que  lui,  à  notre  époque,  ne  les  a  étudiées  avec  autant  de  saga¬ 
cité,  ce  symptôme  prime  même  tous  les  autres  par  sa  constance.  On  le 
rencontre  aussi  bien  dans  les  affections  aiguës  que  dans  les  affections 
chroniques  de  cette  glande,  aussi  bien  dans  les  hypérémies  simples  que 
dans  les  hypérémies  fébriles. 

Passer  en  revue  toutes  les  maladies  dufoieserait  hors  de  propos,  je  préfère 
appeler  l’attention  du  lecteur  sur  quelques-unes  d’entre  elles  ,  parce  que 
l’épistaxis  y  présente  quelques  particularités  dignes  d’être  notées.  Mais 
avant,  je  crois  opportun  de  donner,  dans  un  court  résumé,  certaines  gé¬ 
néralités  sur  l’épistaxis  dans  les  affections  du  foie.  Ainsi,  on  ne  peut  rien 
établir  de  fixe  sur  les  périodes  des  affections  du  foie  auxquelles  apparaît 
le  flux  sanguin.  Dans  l’ictère  grave,  par  exemple,  il  se  manifeste  dès  le 
début,  peu  de  temps  après  l’ictère;  dans  la  fièvre  jaune  ce  n’est  que 
dans  la  deuxième  et  même  la  troisième  période.  Dans  la  cirrhose  et  autres 
indurations  de  la  glande,  si  l’épistaxis  survient,  c’est  à  une  époque  très- 
avancée  de  cette  affection.  Sous  le  rapport  des  phénomènes  morbides  qui 
précèdent  ou  accompagnent  l’hémorrhagie  nasale,  on  ne  constate  encore 
aucune  fixité  ;  tantôt  on  observe  une  très-légère  congestion  céphalique 
donnant  lieu  à  de  la  céphalalgie,  à  la  teinte  rouge  brique,  ou  légèrement 
bleuâtre  du  visage  et  des  lèvres  ;  tantôt,  et  même  c’est  le  cas  le  plus  ordi¬ 
naire,  l’épistaxis  s’établit  d’emblée,  d’une  manière  insidieuse,  aucun 
phénomène  prodromique  n’en  annonce  l’apparition  ;  tantôt,  enfin,  mais 
très-rarement,  ces  hémorrhagies  s’accompagnent  de  réactions  vasculaires, 
chaleur  cutanée,  fièvre. 

Ictère  grave.  —  Dans  cette  affection,  sur  la  nature  de  laquelle  les  cli¬ 
niciens  et  les  médecins  physiologistes  sont  loin  d’être  d’accord,  l’épistaxis 
ne  fait  jamais  défaut.  Elle  survient  dès  le  début,  peu  de  temps  après  l'ic¬ 
tère,  vers  le  deuxième  ou  le  quatrième  jour,  alors  que  les  autres  phéno- 


ÉPISTAXIS.  —  DIAGNOSTIC  PATHOGÉNIQDE. 


665 


mènes  morbides,  tels  qu’embarras  gastrique,  ictère,  frissons  et  fièvre, 
accidents  cérébraux,  ont  fait  déjà  leur  apparition  ;  tantôt  elle  se  montre 
dès  le  début,  elle  ouvre  pour  ainsi  dire  la  scène  morbide.  Ces  épistaxis 
sont  en  général  assez  abondantes  et  elles  se  répètent  plus  ou  moins  sou¬ 
vent  dans  le  cours  de  cette  terrible  affection. 

Dans  la  cirrhose,  dit  Monneret,  le  saignement  de  nez  est  tout  aussi 
fréquent,  aussi  constant.  Mais,  en  général,  son  abondance  est  moins 
grande.  Parfois  même  il  ne  s’écoule  que  quelques  gouttes  de  sang  et  cela 
pendant  toute  la  durée  de  la  maladie.  Aussi  ce  phénomène  passe-t-il  sou¬ 
vent  inaperçu  du  médecin,  et,  ce  n’est  qu’après  avoir  appelé  l’attention 
du  malade,  que  l’on  obtient  un  renseignement  satisfaisant.  Du  reste,  il  est 
très-rare  que  l’épistaxis  apparaisse  au  début  de  la  cirrhose,  c’est  le  plus 
ordinairement  vers  le  milieu  et  même  vers  la  fin  de  la  maladie. 

Les  hyperémies  du  foie,  aiguës  ou  chroniques,  fébriles  ou  non  fébriles, 
primitives  ou  consécutives,  protopathiques  ou  deutéropalhiques,  s’ac¬ 
compagnent  souvent  d’épistaxis. 

Dans  certains  cas  d’hypérémie  aiguë  essentielle  ou  d’hépatite,  on  peut 
voir,  dit  Sorre,  ces  hémorrhagies  nasales  être  suivies  d’un  amendement 
^assez  considérable  pour  qu’on  puisse  les  regarder  comme  critiques.  S’il 
peut  arriver,  ajoute  cet  auteur,  que  ces  hémorrhagies  soient  critiques 
d’une  affection  aiguë  du  foie,  il  peut  également  se  faire  qu’à  la  suite  de 
la  suppression  intempestive  d’une  épistaxis,  une  congestion  hépatique  se 
déclare.  Fabrice  de  Hilden  signale  de  fort  belles  observations  qui  parais¬ 
sent  démontrer  cette  concordance. 

La  physiologie  pathologique  de  l’épistaxis  dans  les  maladies  du  foie  a 
de  tout  temps  préoccupé  les  pathologistes.  Érasistrate  et  Galien  attri¬ 
buaient  l’hémorrhagie  nasale  qui  survenait  dans  ce  cas  à  une  altération 
du  sang.  Les  écoles  solidistes  et  vitalistes  du  dix-huitième  siècle  rejetè¬ 
rent  cette  pathogénie  pour  n’admettre  que  la  lésion  du  solide,  c’est-à-dire 
la  lésion  vasculaire.  Bianchi  émet  une  opinion  éclectique,  qui,  de  nos 
jours,  paraît  vouloir  revivre.  Ainsi,  tout  en  attribuant  l’épistaxis  à  l’alté¬ 
ration  du  sang,  il  fait  jouer  un  rôle  à  la  diminution  de  l’espace  vasculaire, 
que  déterminent  les  obstructions  hépatiques  :  «  Le  sang,  dit-il,  fait  effort 
contre  les  vaisseaux  et  s’échappe  par  les  narines.  »  Monneret,  pendant 
toute  sa  vie,. s’efforça  de  restituer  aux  altérations  du  sang  le  rôle  que  leur 
avait  assigné  les  anciens  dans  la  production  de  l’épistaxis  et  des  hémor¬ 
rhagies  en  général.  C’est  ainsi  qu’il  regarde  l’altération  du  sang  comme  étant 
le  résultat  d’une  élaboration  vicieuse  de  ce  liquide  par  le  foie  malade,  bien 
plus  que  le  Résultat  d’une  influence  sympathique  ou  d’une  autre  nature, 
exercée  par  la  glande  hépatique  sur  l’organe  qui  est  le  siège  de  l’hémor¬ 
rhagie.  Cette  opinion  de  Monneret  est  admise  par  plusieurs  auteurs.  Tou¬ 
tefois,  il  faut  le  dire,  le  plus  grand  nombre  est  revenu  à  celle  de  Bianchi. 
Ainsi  que  je  le  disais  en  commençant  l’étude  de  cette  classe  d’épistaxis  , 
cette  dernière  serait,  dans  les  maladies  du  foie,  la  conséquence,  tout  à  la 
fois,  d’un  accroissement  de  tension  dans  le  système  veineux  généralisé  dû 
à  l’obstruction  du  système  .porte,  et,  d’une  altération  du  sang.  Mais  en 


664  ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PAÏHOGÉNIQUE. 

quoi  consiste  cette  altération?  II  est  difficile  de  se  faire  à  cet  égard  une 
opinion  juste  et  vraie. 

Affections  de  la  rate.  —  Ces  affections,  lorsqu’elles  sont  généralisées, 
donnent  lieu  au  phénomène  morbide,  épistaxis,  suivant  le  processus  pa¬ 
thogénique  des  affections  du  foie.  Aussi  le  rencontre-t-on  dans  les  hyper¬ 
émies  de  cet  organe,  passagères  ou  persistantes,  actives  ou  passives,  dans 
les  modifications  profondes  apportées  à  la  structure  de  la  glande  splénique 
par  la  cachexie  paludéenne.  Dans  ce  cas  elles  sont  beaucoup  plus  fré¬ 
quentes  que  dans  les  simples  hypérémies.  En  même  temps,  elles  sont 
parfois  tellement  abondantes  qu’elles  peuvent  devenir  inquiétantes.  Tou¬ 
tefois,  il  ne  faudrait  pas  croire  qu’elles  soient  exemptes  de  tout  danger 
dans  les  congestions  passagères.  L’observation  que  j’ai  publiée,  et  à  la¬ 
quelle  j’ai  souvent  fait  allusion  dans  ce  travail,  montre  que  l’épistaxis, 
dans  la  congestion  splénique,  peut  se  présenter  avec  une  abondance  telle 
que  la  vie  du  malade  est  gravement  compromise. 

Affections  du  cœur.  — -  Le  saignement  de  nez  peut  se  présenter  à  toutes 
les  époques  de  l’évolution  des  affections  cardiaques  ;  mais  c’est  principa¬ 
lement  dans  une  période  assez  avancée,  parfois  même  dans  la  période 
ultime,  qu’on  le  rencontre.  Son  abondance  est  très-variable.  Les  épistaxis* 
seront  d’autant  plus  abondantes  que  l’affection  cardiaque  donnera  lieu  à 
une  gêne  plus  ou  moins  grande  de  la  circulation  veineuse.  On  les  ren¬ 
contre  aussi  bien  dans  les  lésions  de  l’orifice  aortique  que  dans  celles  de 
la  valvule  mitrale.  Cette  opinion  ressort  des  recherches  auxquelles  je  me 
suis  livré.  Lorsque  le  malade  succombe  aux  progrès  de  l’affection  car¬ 
diaque,  on  trouve  à  l’autopsie,  si  les  épistaxis  ont  été  abondantes, 
presque  toujours  une  altération  du  foie,  consistant  soit  dans  une  forte 
hyperémie,  soit  dans  une  véritable  cirrhose.  Aussi  les  auteurs,  tels 
Gendrin,  Bouillaud,  Monneret,  négligeant  la  gêne  excessive  qui  existe 
dans  la  circulation  périphérique ,  ont  concentré  toute  leur  attention  sur 
ces  altérations  du  foie,  et  leur  ont  fait  jouer,  dans  la  pathogénie  de 
l’épistaxis,  une  grande  action.  Pour  ces  auteurs,  en  effet,  c’est  à  l’hypé- 
rémie  hépatique  qu’il  faut  attribuer  l’apparition  de  l’hémorrhagie  nasale 
dans  les  affections  du  centre  circulatoire.  Mais,  tandis  que  Gendrin  et 
Bouillaud  ne  voient  dans  cette  action  qu’un  effet  purement  mécanique, 
Monneret  pense  qu’il  y  a,  avant  tout,  une  altération  du  sang  produite  par 
l’affection  hépatique.  Sans  nier  qu’il  puisse  en  être  ainsi ,  surtout  à  la 
période  ultime  des  affections  cardiaques,  alors  que  la  nutrition  est  altérée, 
que  la  glande  hépatique,  ainsi  que  les  autres  glandes  hémato-poié- 
tiques,  a  perdu  sa  fonction,  je  crois  que  l’action  mécanique  résultant, 
soit  de  la  gêne  de  la  circulation  céphalique  en  retour,  soit  de  la  tension 
extrême  du  système  veineux  général,  suffit  à  elle  seule  pour  expliquer 
l’épistaxis,  et  cela  d’autant  mieux,  qu’on  voit  parfois  survenir  l’hé¬ 
morrhagie  nasale  en  dehors  de  toute  altération  du  foie. 

Affections  des  reins.  —  Bright,  Graves,  Tood,  etc.,  en  Angleterre, 
Rayer,  Blot,  Pidoux,  Imbert-Gourbeyre,  Lévi,  etc.,  en  France,  Virchow, 
Braun,  etc.,  en  Allemagne,  ont  montré  que  les  hémorrhagies  étaient  très- 


665 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PATHOGÉNIQÜE. 

fréquentes  dans  le  cours  des  maladies  des  reins.  Parmi  ces  hémorrhagies, 
l’épistaxis  est,  sans  contredit,  de  beaucoup  la  plus  fréquente.  De  même, 
parmi  les  affections  des  reins,  la  maladie  de  Bright,  aiguë  ou  chronique, 
est  celle,  entre  toutes ,  où  l’hémorrhagie  nasale  se  montre  le  plus  fré- 
quemment. 

Rayer  enseignait  que  les  épistaxis  s’observaient  surtout  dans  les  pro¬ 
dromes  qui  annoncent  l’intoxication  urémique ,  qu’elles  étaient  remar¬ 
quables  par  leur  répétition,  et- qu’on  pouvait  les  rencontrer  dans  le  cours 
des  accidents  nerveux.  Aujourd’hui  il  est  bien  certain  qu’on  les  observe, 
non-seulement  dans  la  complication  urémique,  mais  encore  dans  le  cours 
de  la  maladie  de  Bright,  tantôt  à  une  période  peu  avancée,  tantôt  à  la 
période  ultime,  et,  dans  ce  cas,  elles  hâtent  la  terminaison  fatale.  En 
outre,  ce  phénomène  morbide  est  remarquable  par  sa  grande  tendance  à 
se  répéter.  Sous  le  rapport  de  l’abondance,  on  peut  dire  que,  généralement, 
au  début,  l’écoulement  sanguin  est  peu  considérable;  parfois  même,  il  se 
borne  à  quelques  gouttes,  et  il  peut  passer  inaperçu  du  malade;  mais 
dans  la  deuxième,  et  surtout  dans  la  troisième  période,  l’abondance  peut 
être  extrême. 

,,  Quel  est  le  processus  pathogénique  de  l’épistaxis  dans  les  affections  du 
rein?  Faut-il  attribuer  ce  phénomène  morbide  à  une  altération  du  .sang 
résultant  de  l’insuffisance  de  la  sécrétion  rénale, ainsi  que  l’avait  prétendu 
Rayer,  et  que  le  soutient  aujourd’hui  Johnson?  Faut-il  le  rattacher  à  l’hy¬ 
pertrophie  du  cœur,  surtout  à  l’hypertrophie  du  cœur  gauche,  qui,  on  le 
sait,  coïncide  souvent  avec  la  maladie  de  Bright  chronique?  Faut-il  le  placer 
sous  la  dépendance  de  la  dégénérescence  graisseuse  et  de  la  fragilité  des 
capillaires  de  la  muqueuse  nasale?  Ou  bien  la  pathogénie  est-elle  la  même 
que  celle  que  j’ai  invoqué  pour  les  affections  du  cœur  et  du  foie?  Il  est 
difficile  de  donner  une  explication  catégorique,  exacte;  toutefois,  je  crois 
que  le  problème  est  complexe,  et  qu’il  faut  tenir  compte  de  l’altération  du 
sang,  de  l’altération  des  capillaires,  ainsi  que  du  trouble  mécanique  ap¬ 
porté  à  la  circulation  générale.  Peut-être  même  l’altération  des  capillaires 
joue-t-elle  le  principal  rôle,  la  véritable  cause  prédisposante,  le  trouble 
mécanique  n’agissant  que  comme  cause  efficiente.  Si  l’on  tient  compte 
du  processus  qui  paraît  présider  aux  hémorrhagies  qui  surviennent 
dans  les  autres  organes,  dans  le  cerveau,  par  exemple;  cette  explication 
n’est  peut-être  pas  aussi  téméraire  qu’elle  le  paraît  tout  d’abord.  L’au¬ 
topsie  a,  en  effet,  démontré  que  les  hémorrhagies  cérébrales  reconnaissaient 
pour  cause  l’altération  graisseuse  des  capillaires  de  l’encéphale.  Ne  peut- 
on  pas  admettre,  dès  lors,  qu’il  en  est  de  même  pour  les  capillaires  de  la 
muqueuse  nasale,  et  que  l’épistaxis  survient  par  suite  de  cette  altération? 
Pour  moi,  je  le  répète ,  cette  cause  me  paraît  dominer  toutes  les  au¬ 
tres;  elle  doit  surtout  être  invoquée  pour  expliquer  ces  épistaxis  abon¬ 
dantes,  rebelles,  qui  surviennent  à  la  période  ultime  de  la  maladie  de 
Bright  chronique. 

Maladies  des  poumons,  des  médiastins.  —  Ces  maladies  donnent  lieu  à 
l’épistaxis  par  suite  de  la  gêne  qu’elles  apportent  à  la  circulation  cépha- 


666  ÉPISTAXIS.  —  diagnostic  pathogékique. 

lique  en  retour.  Aussi  n’est-il  pas  rare  d’observer  ce  phénomène  morbide 
dans  l’emphysème  pulmonaire,  l’asthme,  les  maladies  de  l’aorte,  les 
tumeurs  du  médiastin.  C’est  principalement  pendant  les  efforts  considé¬ 
rables  de  toux  que  l’épistaxis  se  montre.  La  rupture  se  produit  par  suite  du 
trop-plein  qui  existe  alors  dans  le  système  sanguin  de  la  muqueuse  nasale. 
Aussi,  la  coqueluche  et  l’asthme  sont  les  affections  où  l’hémorrhagie 
nasale  s’observe  le  plus  fréquemment.  (Voy.  art.  Asthme,  t.  III,  p.  585, 
et  Coqueluche,  t.  IX,  p.  415.) 

IV®  classe.  Épistaxis  adynamique.  —  Dans  les  classes  précédentes,  le 
mécanisme  de  l’épistaxis  est  assez  clair  pour  que  tout  le  monde  accepte, 
je  crois,  la  pathogénie  et  la  division  que  j’ai  données  de  ce  phénomène 
morbide. 

L’épistaxis,  que  je  vais  étudier,  est  nouvelle  dans  les  classifications  ; 
aussi,  me  paraît-il  opportun  de  donner  quelques  explications  qui,  sans 
cela ,  pourraient  jeter  le  lecteur  dans  l’incertitude  sur  cette  désignation 
adynamique. 

On  a  vu  qu’à  plusieurs  reprises  j’ai  parlé  du  rôle  que  pouvait  jouer 
l’altération,  du  sang  dans  la  genèse  de  l’épistaxis.  J’ai  essayé  de  montrer 
que  ce  rôle  pouvait  être  regardé,  aujourd’hui,  comme  ayant  peu  d’impor¬ 
tance.  Dans  les  maladies  qu’il  me  reste  à  passer  en  revue,  l’altération  du 
sang  a  été  considérée  comme  étant  l’agent  le  plus  actif  de  l’épistaxis. 
C’est  à  elle  qu’il  faudrait  rapporter  l’hémorrhagie  nasale  qui  survient,  soit 
au  début,  soit  dans  le  cours  des  fièvres,  le  cours  de  certaines  intoxications. 
Par  conséquent,  j’aurais  dû  intituler  cette  quatrième  classe  :  épistaxis  par 
altération  du  sang.  J’ai  préféré  accepter  la  dénomination  de  Jaccoud,  qui 
ne  préjuge  en  rien  la  question  de  la  nature  de  cette  hémorrhagie.  Du 
reste,  en  pareille  occurrence,  je  n’ai  rien  de  mieux  à  faire  que  de  laisser 
la  parole  à  cet  auteur  : 

«  L’altération  du  sang,  qui  consiste  en  une  diminution  de  la  fibrine  avec 
dissolution  de  l’hématine  et  des  globules,  a  été,  dit-il,  considérée  comme 
une  cause ‘suffisante  d’hémorrhagie,  et  on  lui  rapportait  les  hémorrhagies 
des  fièvres,  des  maladies  putrides,  de  certains  empoisonnements,  etc.  Je  ne 
veux  point  nier  l’influence  pathogénique  de  cet  état  du  sang,  mais  des 
réserves  formelles  doivent  être  exprimées.  Dans  le  plus  grand  nombre 
des  cas,  l’hémorrhagie  n’est  qu’apparente;  ce  n’est  pas  le  sang  en  nature 
qui  sort  des  vaisseaux,  c’est  delà  sérosité  teinte  de  sang,  sans  globules;  il 
s’agit  des  pseudo-hémorrhagies.  Pour  celles-là,  l’altération  du  sang  en 
rend  parfaitement  compte;  mais,  pour  les  hémorrhagies  véritables,  il  n’en 
est  plus  de  même,  car  il  n’existe  aucune  relation  saisissable  entre  un 
état  quelconque  du  sang  et  une  rupture  du  vaisseau.  Tout  en  tenant 
compte  des  changements  dans  l’impulsion  cardiaque  et  dans  la  distribu¬ 
tion  du  liquide,  il  faut  nécessairement  admettre  :  ou  bien  que  les  parois 
vasculaires  sont  altérées  comme  le  sang  lui-même,  par  le  fait  de  la  maladie 
générale,  ou  bien  que  le  désordre  de  l’innervation  vaso-motrice  amène  la 
dilatation  et  la  rupture  des  petits  vaisseaux.  » 

«  Cette  dernière  interprétation  est  surtout  applicable  aux  hémorrhagies 


ÉPISTAXIS.  -  DIAGNOSTIC  PATHOGÉNIQtJE.  667 

précoces  des  fièvres  ;  la  première  convient  même  aux  hémorrhagies  tar¬ 
dives.  Il  y  a  là,  je  le  sais,  quelque  chose  d’hypothétique,  mais  mieux  vaut 
une  hypothèse  qu’une  impossibilité.  Or,  c’en  est  une  que  d’attribuer  à  un 
état  particulier  du  sang  la  déchirure  de  la  paroi  du  vaisseau.  L’altéra¬ 
tion  du  sang  est  un  fait  parallèle  à  l’hémorrhagie  ;  elle  n’en  est  pas  le 
fait  générateur,  elle  n’en  est  même  pas  le  fait  principal.  En  admettant 
même  qu’il  y  ait  ici  deux  influences  simultanées,  celle  du  sang  et  celle 
du  vaisseau  ;  il  est  bien  évident  que  celle  du  vaisseau  est  la  plus  puis¬ 
sante,  car,  en  définitive,  s’il  ne  se  rompait  pas,  il  n’y  aurait  certainement 
pas  d’hémorrhagie.  C’est  pour  ne  rien  préjuger  touchant  les  lésions  ca¬ 
pillaires  et  les  perturbations  nerveuses,  que  j’ai  désigné  les  hémorrhagies 
de  ce  groupe  sous  le  nom  à'adynamiques.  » 

Que  l’on  accepte  ou  non  cette  manière  de  voir  touchant  la  genèse  de 
l’épistaxis  dans  les  fièvres ,  il  n’en  est  pas  moins  vrai  que  ce  phénomène 
morbide  offre,  au  point  de  vue  de  la  séméiologie,  les  particularités  les  plus 
intéressantes.  Aussi,  je  vais  l’étudier  dans  les  fièvres,  dans  l’intoxication 
diphthérique ,  dans  les  cachexies,  notamment  celles  de  la  tuberculose  et 
du  cancer. 

Fièvres,  fièvres  éruptives.  —  L’épistaxis  constitue,  pour  ainsi  dire,  un 
phénomène  constant  des  fièvres ,  mais  il  s’en  faut  qu’il  se  présente  dans 
toutes  aux  mêmes  époques  et  qu’il  ait  la  même  valeur. 

La  rougeole  et  la  variole  normales  s’accompagnent,  au  début,  chez  les 
enfants ,  d’une  manière  pour  ainsi  dire  constante,  d’une  ou  de  plusieurs 
épistaxis.  Dès  que  l’éruption  apparaît,  elles  ne  se  reproduisent  pas; 
toutefois  on  voit  survenir  assez  souvent,  dans  la  dernière  période  de  la 
rougeole,  chez  l’enfant  comme  chez  l’adulte,  une  épistaxis  plus  ou  moins 
abondante  dont  la  valeur  pronostique  est  nulle. 

Dans,  la  scarlatine  normale,  rarement  on  observe  l’épistaxis  au  début 
ou  même  pendant  le  cours  de  cette  fièvre  éruptive. 

Dans  la  rougeole  maligne,  ainsi  que  dans  la  variole  et  la  scarlatine 
hémorrhagique,  l’épistaxis  se  montre  un  peu  plus  tard  que  dans  le  cas 
précédent;  elle  persiste  plus  longtemps  et  son  abondance  est  plus  ou 
moins  considérable. 

Les  autres  fièvres,  telles  que  la  fièvre  éphémère,  la  synoque  inflamma¬ 
toire,  fièvre  angéioténique  de  Pinel,  la  synoque  bilieuse,  fièvre  bilieuse  de 
Monneret,  embarras  gastrique,  fébrile,  bilieux,  s’accompagnent  presque 
toujours  au  début,  ou  seulement  quelques  jours  après,  d’une  ou  plusieurs 
épistaxis  plus  ou  moins  abondantes.  Ces  épistaxis  n’offrent  pas  un  grand 
intérêt  pour  le  clinicien.  Il  n’en  est  pas  de  même  de  celles  qui  se  montrent 
dans  la  fièvre  typhoïde.  Généralement  ce  phénomène  morbide  apparaît 
au  début;  le  saignement  de  nez  se  produit  à  plusieurs  reprises  dans  la 
mêm*e  journée  et  pendant  plusieurs  jours  de  suite.  D’autres  fois,  après  avoir 
cessé,  il  reparaît  pendant  la  période  d’état  et  même  pendant  celle  de  dé¬ 
clin.  Enfin,  on-trouve  dans  la  science  des  observations  où  la  convalescence 
est  indiquée  comme  ayant  commencé  après  une  ou  plusieurs  épistaxis 
abondantes. 


668  ÉPISTAXIS.  —  valedr  diagnostique. 

A  côté  de  la  fièvre  typhoïde,  je  placerai  le  typhus  fever.  L’épistaxis  y 
est  tout  aussi  abondante,  tout  aussi  fréquente.  Peut-être  même  les  hé¬ 
morrhagies  nasales  sont  plus  communes. 

Dans  la  fièvre  jaune,  l’épistaxis  peut  se  montrer  dans  la  deuxième  pé¬ 
riode  ;  mais  elle  est  primée  par  les  hématémèses  qui  sont,  comme  on  le 
sait,  très-abondantes  et  très-fréquentes.  On  rencontre  encore  ce  phéno¬ 
mène  morbide  dans  la  peste,  dans  la  fièvre  puerpérale,  dans  la  fièvre  ca¬ 
tarrhale  ou  grippe. 

Les  fièvres  intermittentes  paludéennes  présentent  parfois  ce  phénomène 
morbide.  Il  est  même  une  forme  de  fièvres  intermittentes  pernicieu¬ 
ses,  la  pernicieuse  hémorrhagique,  où  les  épistaxis  s’observent  toujours. 
L’on  connaît  toute  la  gravité  qu’acquiert  en  pareil  cas  ce  symptôme.  De 
même  on  l’observe  dans  la  fièvre  rémittente  bilieuse  des  pays  chauds. 

A  côté  des  fièvres,  je  signalerai  certaines  maladies  aiguës  fébriles,  qui 
présentent  dès  leur  début  des  épistaxis  plus  ou  moins  abondantes,  plus 
ou  moins  répétées.  Je  veux  parler  surtout  de  la  phthisie  aiguë  à  forme 
typhoïde,  de  la  pneumonie  lobaire  ou  lobulaire  typhoïde. 

Dans  la  diphthérie  maligne,  infectieuse,  souvent  au  début  survient  une 
épistaxis  plus  ou  moins  abondante,  qui  peut  se  répéter  à  plusieurs  re¬ 
prises.  Le  plus  ordinairement  elle  annonce  la  propagation  de  la  fausse 
membrane  aux  fosses  nasales,  et  dans  ce  cas,  elle  est  bientôt  suivie  d’un 
écoulement  séreux,  sanieux.  (Voy.  Diphthérie.) 

A  la  période  cachectique  du  cancer,  les  épistaxis  se  manifestent  assez 
souvent  ;  il  en  est  de  même  pour  celle  de  la  phthisie  pulmonaire.  Dans 
cette  dernière,  Monneret  en  attribuait  la  genèse  à  une  maladie  du  foie. 
On  sait  en  effet,  que  cet  organe  est  pour  ainsi  dire,  toujours  atteint  par 
la  dégénérescence  graisseuse  (foie  gras)  dans  la  dernière  période  de  la  tu¬ 
berculose  pulmonaire. 

Enfin,  je  terminerai  cette  énumération  des  maladies  où  l’on  rencontre 
l’épistaxis  en  signalant  la  chlorose,  l’anémie,  le  purpura  hémorrhagica, 
le  scorbut.  Dans  ces  différents  états  morbides  l’hémorrhagie  nasale  atteint 
parfois  une  abondance  extrême  ;  en  même  temps  elle  est  très-sujette  à 
se  renouveler. 

Telles  sont  les  différentes  causes  qui  donnent  lieu  à  l’épistaxis.  Je  n’ai 
pas  la  prétention  d’en  avoir  donné  l’énumération  complète.  J’ai  voulu 
seulement  faire  connaître  les  principales.  Je  me  suis  attaché  surtout  à 
mettre  en  lumière  leur  action  sur  la  production  de  l’épistaxis,  afin  que  le 
clinicien  pût,  en  présence  d’un  malade  atteint  d’une  hémorrhagie  nasale, 
instituer  une  thérapeutique  en  rapport  avec  la  condition  pathogénique. 
C’est  en  effet,  le  but  que  doit  chercher  à  atteindre  tout  médecin  qui  veut 
faire  une  thérapeutique  rationnelle  ;  je  reviendrai  du  reste  sur  ce  point 
dansun  instant.  Je  me  suis  attaché  en  même  temps,  en  divisant  T  épistaxis 
en  quatre  classes  à  fournir  des  points  de  repère  au  praticien  pour  le  dia¬ 
gnostic  de  la  cause  du  saignement  de  nez. 

Valeur  diagnostique.  —  L’épistaxis,  comme  tout  phénomène  mor¬ 
bide,  a,  par  lui-même,  une  certaine  valeur.  Dans  certaines  affections,  au 


ÉPISTAXIS.  -  VALEUR  DIAGNOSTIQUE.  669 

début,  sa  présence  est  d’un  grand  secours  pour  permettre  d'en  établir  le 
diagnostic.  Ainsi,  dans  une  chute  d’un  lieu  élevé,  ou  à  la  suite  d’un  vio¬ 
lent  coup  sur  la  tête,  un  écoulement  de  sang  par  les  fosses  nasales,  plus 
ou  moins  abondant,  se  faisant  sans  interruption,  et  devenant  graduellement 
de  moins  en  moins  coloré,  plus  ténu,  sera,  la.  plupart  du  temps,  suffisant 
pour  faire  soupçonner,  sinon  admettre  une  fracture  de  la  base  du  crâne, 
intéressant  la  partie  supérieure  des  fosses  nasales.  La  certitude  sera 
complète  s’il  existe  en  même  temps,  tous  les  signes  de  la  commotion  cé¬ 
rébrale,  Une  hémorrhagie  nasale  abondante,  répétée,  survenant  chez  l’a¬ 
dolescent  ou  chez  l’adulte,  sans  cause  appréciable,  éveillera  l’attention  du 
médecin  sur  l’existence  d’une  hémaphllie,  d’une'  diathèse  hémorrhagi- 
que.  3 

Dans  les  fièvres  éruptives,  surtout  dans  la  rougeole,  il  est  très-impor¬ 
tant  pour  le  clinicien  de  s’enquérir  de' l’existence  de  l’épistaxis.  En  effet, 
s’il  se  trouve  en  présence  d’un  enfant  qui  a  de  la  fièvre,  de  la  toux,  du 
coryza,  depuis  un  jour  ou  deux,  il  peut,  en  présence  d’une  épistaxis  plus 
ou  moins  répétée,  diagnostiquer  cette  fièvre  éruptive  alors  même  que  l’é¬ 
ruption  ne  devra  apparaître  que  dans  quelques  jours.  Il  en  sera,  de  même, 
pour  faire  soupçonner  le  début  d’une  variole  normale,  si  le  malade  pré¬ 
sente  en  même  temps  que  l’épistaxis  une  rachialgie,  une  céphalalgie  plus 
ou  moins  intense,  des  vomissements,  de  la  constipation  ou  de  la  diarrhée, 
s’il  s’agit  d’un  enfant.  Dans  la  forme  maligne,  hémorrhagique  des  fièvres 
éruptives,  l’épistaxis  n’a  pas  de  valeur  diagnostique.  Elle  est  primée  soit 
par  les  hémorrhagies  qui  se  font  sur  d’autres  points  de  l’organisme,  soit 
par  les  phénomènes  nerveux  qui  se  montrent  avec  une  intensité  plus  ou 
moins  grande. 

Je  n’ai  pas  besoin  d’insister  sur  la  valeur  diagnostique  des  épistaxis 
dans  la  fièvre  typhoïde.  Tout  le  monde  sait  que  ce  signé  est  souvent  d’un 
grand  secours  au  début  pour  établir  le  diagnostic  entre  cette,  fièvre  et  un 
simple  embarras  gastrique  fébrile.  Toutefois,  il  ne  faudrait  pas  lui  accor¬ 
der  une  valeur  absolue,  car  les  observations  sont  aujourd’hui  nom¬ 
breuses  où  il  a  fait  complètement  défaut. 

Dans  les  maladies  du  foie,  l’épistaxis  a,  de  tout  temps,  attiré  l’attention 
des  médecins.  Les  anciens,  dit  Sorre,  attachaient  une  importance  toute 
spéciale  à  la  manifestation  des  épistaxis  comme  symptôme  des  affections 
de  cet  organe.  D’après  eux,  l’écoulement  du  sang  se  faisait  habituelle¬ 
ment  par  la  narine  droite  ;  si,  par  hasard,  il  se  produisait  par  la  narine 
gauche,  c’était  un  signe  très-fâcheux.  Sans  attacher  aujourd’hui  une  telle 
importance  à  ce  phénomène  au  point  de  vue  du  pronostic,  il  n’en  est  pas 
moins  vrai  qu’au  point  de  vue  du  diagnostic,  il  a  parfois  une  très-grande 
valeur.  Monneret,  ainsi  que  je  l’ai  dit  plus  haut,  a  surtout  fait  ressortir, 
avec  sa  sagacité  ordinaire,  ce  point  de  clinique.  Pour  lui  toute  maladie 
du  foie,  qu’elle  soit  aiguë  ou  chronique,  primitive  ou  secondaire,  proto- 
pathique  ou  deutéropathique,  qu’il  s’agisse  d’une  congestion  simple  ou 
d’une  lésion  du  tissu  hépatique,  s’accompagne  soit  au  début,  soit  pendant 
son  cours,  soit  enfin  à  sa  dernière  période,  d’une  épistaxis.  Si  cette  opi- 


670 


ÉPISTAXIS.  -  VALEUR  PRONOSTIQUE. 

nioaest  vraie,  et  pour  ma  part  je  l’accepte  volontiers,  car  j’ai  pu  Ja  véri¬ 
fier  maintes  et  maintes  fois,  on  comprend  qu’elle  est  la  valeur  diagnosti¬ 
que  de  ce  phénomène  morbide.  Je  n’en  citerai  qu’un  exemple:  chez  une 
femme  atteinte  d’une  hydropisie  abdominale,  le  clinicien  hésite  entre  une 
ascite  due  à  une  cirrhose  et  un  kyste  de  l’ovaire  ;  il  se  prononcera  hardi¬ 
ment  pour  la  cirrhose,  dit  Monneret,  et  par  suite,  pour  l’ascite,  s’il  survient 
des  épistaxis.  Il  peut  se  faire  que  tous  les  cliniciens  n’accordent  pas  à  l’é¬ 
pistaxis  la  valeur  diagnostique  que  lui  attribue  Monneret  dans  le  cas  qui 
précède,  mais  je  pense  qu’ils  ne  devront  pas  négliger  ce  symptôme,  car 
bien  souvent  il  les  mettra  sur  la  voie  d’une  altération  du  foie  qui  pourrait 
être  méconnue  pendant  toute  la  vie. 

De  même,  pendant  l’évolution  d’une  maladie  du  cœur,  l’épistaxis  répé¬ 
tée  suffira  pour  éveiller  l’attention  du  médecin  sur  l’existence  probable 
d’une  telle  affection.  Enfin,  dans  le  cours  de  la  diphthérie,  l’apparition 
d’une  hémorrhagie  nasale,  si  petite  qu’elle  soit,  suffira  pour  conclure  à 
l’extension  de  la  phlegmasie,  de  la  fausse  membrane  vers  les  fosses  na¬ 
sales.  C’est  un  avertissement  qui  doit  engager  le  médecin  à  diriger  sa 
surveillance  de  ce  côté. 

Valeur  pronostique.  —  Considérée  au  point  de  vue  du  pronostic, 
l’épistaxis  fournit  au  clinicien  deux  indications  différentes  :  il  doit  tenir 
compte  1“  de  l’abondance  de  l’hémorrhagie,  de  sa  durée  ;  2°  de  la  cause  de 
l’épistaxis,  et  par  suite  de  la  maladie  pendant  laquelle  elle  survient. 

La  quantité  de  sang  perdu  doit  être  recherchée  avec  le  plus  grand  soin, 
car,  si  l’hémorrhagie  consistant  dans  quelques  gouttes,  quelques  gram¬ 
mes,  exerce  dans  quelques  cas  une  influence  favorable,  il  n’en  sera  plus 
de  même,  si  elle  est  très-abondsn^  Non-seulement  alors  elle  pourra  dé¬ 
terminer  des  accidents  immédiâtsf^tels  que  lipothymies,  syncope,  con¬ 
vulsions,  mais  encore  laisser  à  sa  suite  un  état  d’anémie  plus  ou  moins 
durable.  Du.  reste,  dans  cette  appréciation,  il  sera  nécessaire  de  tenir 
compte  del’état  de  santédes  individus.  Jaccoudfaitremarquer  avec  raison, 
qu’à  quantité  égale,  une  épistaxis  aune  signification  toute  différente  chez 
une  personne  robuste  et  bien  portante  et  chez  un  sujet  qui  est  naturelle¬ 
ment  débile,  ou  qui  est  sous  le  coup  d’une  maladie  grave. 

Hippocrate  attachait  une  grande  importance  au  siège  de  l’écoulement 
nasal.  Suivant  lui,  lorsqu’il  se  produisait  par  la  narine  correspondante 
au  côté  du  corps  où  siégeait  la  maladie,  le  pronostic  était  des  plus  favora¬ 
bles.  Par  contre  lorsqu’il  avait  lieu  du  côté  opposé,  le  pronostic  était 
des  plus  fâcheux.  Le  même  auteur  attachait  une  importance  à  la  ma¬ 
nière  dont  se  faisait  l’écoulement.  Si,  dit-il,  l’écoulement  se  fait  avec  len¬ 
teur,  goutte  à  goutte  et  avec  une  certaine  difficulté,  l’épistaxis  indique 
une  gravité  extrême.  Aujourd’hui  nous  faisons  intervenir  d’autres  consi^ 
dérations . 

Avant  dépasser  à  l’examen  de  la  valeur  pronostique  de  l’épistaxis  dans 
les  maladies,  je  terminerai  ces  quelques  considérations  générales  sur  le 
pronostic,  en  signalant  l’opinion  de  G.  Sée,  sur  les  épistaxis  de  l’enfance. 
De  même  que  les  ménorrhagies,  les  flux  hémorrhoïdaires,  les  hémorrha- 


ÉPISTAXIS.  —  VALEDR  PRONOSTIQUE.  671 

gies  nasales,  dit  cet  auteur,  ont  été  considérées  comme  critiques  ou  comme 
la  terminaison  favorable  d’un  molimen  sanguin.  Chez  les  enfants  surtout, 
l’épistaxis  est  trop  souvent  méconnue  dans  ses  effets;  les  parents,  l’attri¬ 
buant  aux  lois  de  la  circulation  normale,  les  médecins,  l’envisageant 
comme  le  résultat  d’une  pléthore,  négligent  cette  manifestation  morbide 
qui  est  l’indice  d’une  débilitation,  résultant  parfois  d’un  développement 
exagéré  ou  de  la  puberté  ou  d’un  mauvais  régime,  et  plus  encore  du  tra¬ 
vail  intellectuel  ou  de  l’onanisme.  Ces  circonstances  qu’il  ne  faut  jamais  né¬ 
gliger  de  rechercher  et  les  épistaxis  qui  en  résultent,  ne  manquent  pas 
d’exercer  alternativement  sur  la  santé  de  l’enfant  une  influence  fâcheuse 
qui  se  traduit  par  tout  le  cortège  des  phénomènes  de  l’anémie. 

La  valeur  pronostique  de  l’épistaxis  dans  les  maladies  prête  aux  considé¬ 
rations  suivantes:  dans  les  fractures  delà  base  du  crâne,  la  présence  de  l’hé¬ 
morrhagie  nasale,  on  le  conçoit,  indique  une  gravité  extrême.  Je  ferai  seu¬ 
lement  remarquer  que  la  présence  de  ce  phénomène  n’est  pas  toujours  et 
quand  même  l’indice  de  l’existence  d’un  tel  accident.  En  effet,  il  peut  se 
faire  que,  dans  les  mêmes  circonstances  où  l’on  voit  survenir  cette  fracture, 
il  ne  se  produise  qu’une  déchirure  de  la  pituitaire,  les  os  restant  intacts. 
Dans  ce  cas  l’épistaxis  est  moins  abondante  et  s’arrête  en  général  au  bout 
de  quelques  instants.  Il  en  résulte  que  la  valeur  pronostique  ne  saurait 
être  la  même  que  dans  le  cas  précédent.  Il  est  donc  très-important  de  te¬ 
nir  compte  de  la  manière  dont  se  produit  l’épistaxis,  car  sans  cela,  le  cli¬ 
nicien  commettrait  une  erreur  grossière  tant  au  point  de  vue  du  diagnos¬ 
tic  qu’à  celui  du  pronostic. 

Dans  les  fièvres  éruptives,  l’épistaxis  présente  un  certain  intérêt.  Si  ce 
phénomène  se  montrant  au  début,  da^^^kemière  période  de  ces  fièvres 
lorsqu’elles  sont  normales,  n’accuse  gravité,  il  n’en  est  pas  de 

même  lorsqu’il  survient  plus  tard,  pendant  la  période  éruptive.  Généra¬ 
lement  dans  ce  cas  il  est  l’indice  de  la  malignité,  et  l’on  connaît  toute 
la  gravité  de  cette  forme  des  fièvres  éruptives.  En  même  temps  que  l’é¬ 
pistaxis,  ou  la  précédant  de  quelques  jours,  on  voit  survenir  des  hé¬ 
morrhagies  dans  d’autres  organes,  dans  d’autres  tissus,  ainsi  que  des  phé¬ 
nomènes  nerveux  graves,  adynamiques  ou  ataxiques.  La  terminaison  est 
presque  constamment  fatale. 

A  propos  de  la  coqueluche,  j’ai  déjà  fait  pressentir  la  valeur  pronosti¬ 
que  qu’acquerrait  l’épistaxis  dans  cette  maladie.  Trousseau  l’apprécie 
ainsi  :  «  Si  l’accident  ne  se  répète  pas  souvent,  il  n’a  aucune  gravité  • 
mais  il  n’en  est  plus  de  même  s’il  se  reproduit  régulièrement.  D’abord, 
le  sang  ayant  toute  sa  plasticité,  l’hémorrhagie  n’a  lieu  qu’au  moment  où 
la  vascularisation  se  fait  elle-même  ;  la  circulation  reprenant  son  cours, 
la  perte  de  sang  s’arrête  également;  puis,  lorsque  l’hémorrhagie  s’est 
répétée  plusieurs  fois,  le  sang  ayant  perdu  par  ce  fait  même  de  sa  plasti¬ 
cité,  l’épistaxis  a  lieu  non  plus  seulement  au  moment  où  se  fait  la  con¬ 
gestion,  mais  elle  continue  pendant  quelque  temps  après.  La  plasticité 
diminuant  encore,  l’individu  étant  progressivement  de  plus  en  plus  ané¬ 
mique,  l’épistaxis  devient  de  plus  en  plus  abondante  et  se  prolonge  de 


672  ÉPISTAXIS.  —  valeur  pronostique. 

telle  sorte  que,  si  l’on  n’intervient  pas  pour  l’arrêter,  elle  constitue  un 
danger  très-sérieux,  non  pas  parce  qu’elle  tue  les  malades,  mais  parce 
qu’elle  les  prédispose  aux  accidents  nerveux,  aux  convulsions  qui  ne 
s’observent  nulle  part  aussi  fréquemment  que  chez  les  malades  épuisés 
par  les  pertes  de  sang.  » 

Dansla^èrre  typhoïde^  l’épistaxis  n’a  pas  habituellement  une  grande 
valeur  pronostique  ;  pourtant,  dans  certains  cas,  elle  en  a  une  qu’il  ne  faut 
pas  méconnaître.  On  sait,  en  effet,  que  l’épistaxis  est,  parfois,  précédée 
d’une  recrudescence  dans  les  accidents,  tels  qu’augmentation  de  la  cé¬ 
phalalgie,  sécheresse  de  la  peau,  l’abattement;  le  pouls  devient  un 
peu  plus  fort,  vibrant.  Dès  que  l’écoulement  sanguin  apparaît,  suivant 
Sorre,  tous  ces  accidents  disparaissent  en  partie  ou  du  moins  diminuent 
beaucoup  d’intensité,  alors  même  que  l’écoulement  n’aurait  été  que  de 
quelques  gouttes.  De  sorte,  ajoute  cet  auteur,  qu’on  pourrait  à  la  rigueur 
regarder  ces  écoulements  sanguins,  non  pas  comme  critiques  de  la  ma¬ 
ladie,  car  celle-ci  n’en  continue  pas  moins  sa  marche  habituelle,  mais 
comme  critiques  de  certains  symptômes  comme  ceux  que  nous  avons  si¬ 
gnalés  plus  haut.  Or,  comme  un  certain  nombre  de  ces  symptômes  se  rat¬ 
tachent  au  système  cérébral,  et  ne  feraient  probablement  qu’augnaenter 
si  ces  hémorrhagies  ne  survenaient  pas  ;  il  est  évident  qu’il  faut  les  respec¬ 
ter.  Dans  certaines  circonstances  même,  si  l’on  reconnaît  une  tendance 
manifeste  à  une  hémorrhagie  nasale  qui  ne  peut,  par  une  cause  ou  par 
une  autre,  s’effectuer,  il  faut  la  favoriser.  Dans  ce_but,  on  pratique  quel¬ 
ques  scarifications  avec  la  pointe  d’une  lancette,  sur  les  parois  des  na¬ 
rines  ;-ces  scarifications  donnent,  en  général,  lieu  à  un  écoulement  san¬ 
guin  très-léger,  qui  soulage  fl^fcdérablement  le  malade  et  fait  disparaître 
tous  les  accidents  cérébraux|m^ 

L’auteur  ajoute  qu’il  a  eu  l’occasion  d’observer  plusieurs  fois  les  avan¬ 
tages  de  cette  pratique  dans  le  service  de  Cazalis,  pendant  une  épidémie 
de  fièvre  typhoïde. 

D’après  ce  qui  précède,  l’apparition  de  l’épistaxis  au  début  d’une  fièvre 
typhoïde  serait  d’un  favorable  augure.  Sorre  croit  même  que  plus  elle 
est  abondante,  plus  elle  constitue  un  excellent  signe  pronostique.  Hippo¬ 
crate  et  van  Swieten  ont  dans  leurs  ouvrages  appelé  l’attention  sur  ce 
point  du  pronostic.  Malheureusement  il  n’en  est  pas  de  même  des  épi¬ 
staxis  qui  surviennent  soit  pendant  la  période  d'état,  soit  pendant  celle  du 
déclin  de  la  fièvre  typhoïde.  Dans  ce  cas  elles  constituent  un  accident 
fâcheux,  car  elles  sont  l’indice  d’une  altération  profonde  de  l’économie. 
Du  reste,  d’une  manière  générale,  l’épistaxis  qui  se  montrera  dans  le  cours 
de  n’importe  quelle  maladie  présentant  un  état  adynamique  ou  ataxique, 
devra  être  considérée  comme  un  symptôme  du  plus  fâcheux  augure. 

La  valeur  pronostique  de  l’épistaxis  dans  les  maladies  du  foie  est  assez 
incertaine.  En  effet,  si  elles  indiquent  un  danger  imminent  lorsqu’elles 
surviennent  à  la  période  ultime  des  maladies  du  foie,  lorsqu’elles  appa¬ 
raissent  avec  une  certaine  abondance  dans  l’ictère  grave,  elles  n’ont,  pour 
ainsi  dire,  aucune  valeur  dans  la  cirrhose  ;  toutefois,  avec  Monneret,  on 


ÉPISTAXIS.  -  TRAITEMENT. 


675 


doit  considérer  une  épistaxie  abondante  et  répétée,  survenant  dans  une 
maladie  du  foie,  comme  un  signe  très-fâcheux ,  puisque,  d’après  cet  auteur, 
elle  indique  toujours,  ainsi  que  je  l’ai  dit,  que  le  sang  est  profondément 
altéré.  Il  faut  en  excepter,  pourtant,  l’hypérémie.  Cet  auteur  a  vu,  en 
effets  des  accidents  généraux  assez  graves  cesser  rapidement  lorsqu’une 
épistaxis  abondante  est  survenue.  Hippocrate  avait,  du  reste,  observé  cette 
heureuse  influence  :  «  Dans  l’inflammation  des  hypocondres,  dit-il,  l’écou¬ 
lement  de  sang  par  les  narines,  pendant  le  premier  septénaire,  est  très- 
salutaire  et  détermine  la  résolution  de  l’inflammation  légitime  du  foie.  » 

Dans  la  pneumonie,  l’épistaxis  n’offre  ordinairement  aucun  intérêt  ; 
toutefois  Grisolle  cite  deux  exemples  ou  une  épistaxis  a  eu  un  heureux 
résultat.  Andral  a  signalé  un  fait  pareil.  Enfin,  Bosquillon  dit  avoir  vu, 
fréquemment,  à  Paris  la  pneumonie  du  printemps  se  terminer  par  des 
épistaxis  le  septième  ou  le  neuvième  jour. 

Dans  la  maladie  de  Bright,  l’épistaxis  au  début  n’a  pas  habituellement 
une  grande  valeur.  Cependant  il  est  juste  de  dire  que,  parfois,  elle  semble 
indiquer  que  la  maladie  aura  une  marche  rapide.  Certains  faits  le  démon¬ 
trent.  Lorsque  l’hémorrhagie  nasale  survient  pendant  la  dernière  période, 
et  qu’en  même  temps  elle  se  répète  souvent,  sa  valeur  pronostique  est 
toute  autre,  car  elle  indique  une  gravité  extrême.  La  terminaison  fatale 
en  est  souvent  la  conséquence.  D’autres  fois,  elle  annonce,  ainsi  que  l’a 
dit  Rayer,  l’invasion  des  accidents  urémiques. 

Les  épistaxis  qui  surviennent  dans  la  cachexie  paludéenne  ont,  de  tout 
temps,  été  considérées  comme  un  phénomène  morbide  d’une  gravité  excep¬ 
tionnelle.  Hippocrate  s’exprime  ainsi  :  «  Quibus  per  febres  quartenas 
sanguis  a  naribus  fluxerit,  malum  est.  » 

L’apparition  de  l’épistaxis  dans  le  cours  de  la  diphthérie  est  du  plus 
mauvais  augure,  puisqu’elle  est  l’indice  de  la  propagation  des  fausses 
membranes  aux  fosses  nasales.  Enfin,  j’ai  indiqué  quelle  était  la  valeur 
pronostique  de  l’épistaxis  chez  les  vieillards,  indemnes  de  toute  affection 
organique. 

Traitement.  —  Les  causes  variées  et  nombreuses  d’épistaxis  exigent 
pour  le  traitement  de  cet  accident  toujours  identique  dans  ses  phéno¬ 
mènes  apparents,  l’emploi  des  moyens  curatifs  fort  différents  les  uns  des 
autres.  —  Souvent  l’hémorrhagie  nasale  ne  réclame  aucun  traitement, 
parce  qu’elle  s’arrête  au  bout  de  quelques  instants.  Dans  d’autres  cir¬ 
constances,  chez  tes  vieillards,  par  exemple,  il  faut  se  garder  de  di¬ 
riger  contre  elle  un  traitement,  puisqu’elle  doit  être  regardée  comme 
salutaire;  dans  la  lièvre  typhoïde,  j’ai  indiqué  les  cas  où  il  faut  la 
respecter  et  même  la  favoriser.  Mais  à  part  ces  faits,  et  même  dans 
ceux-ci,  lorsque  l’épistaxis  est  par  trop  considérable  et  par  trop  fré¬ 
quente,  il  faut  diriger  contre  ce  phénomène  morbide,  qui  souvent  peut 
donner  lieu  à  des  accidents  redoutables,  des  moyens  de  traitement  dont 
la  puissance  doit  être  proportionnelle  à  l’urgence  de  la  situation.  Dans 
les  cas  légers,  le  séjour  à  l’air  frais,  la  tête  du  malade  étant  élevée,  l’ap¬ 
plication  sur  le  front,  sur  le  nez,  de  compresses  imbibées  d’eau  froide 


674 


ÉPISTAXIS.  -  TRAITEMENT. 


OU  contenant  de  petits  morceaux  de  glace,  les  injections  d’eau  froide  dans 
les  fosses  nasales,  pure  ou  acidulée,  l’occlusion  de  la  narine  qui  saigne, 
avec  élévation  correspondante  du  bras  correspondant  (Négrier  d’Angers) 
sont  des  moyens  qui,  le  plus  ordinairement,  sont  des  plus  efficaces.  S’ils 
échouaient,  il  faudrait  avoir  recours  à  des  moyens  plus  puissantsV  On 
emploierait  les  sinapismes  aux  membres  inférieurs  et  supérieurs  ;  la  liga¬ 
ture  serrée  des  quatre  membres,  au-dessus  des  genoux  et  des  coudes,  la 
compression  des  carotides  recommandée  par  Frank;  on  engagerait  le  ma¬ 
lade  à  renifler,  des  poudres  astringentes,  telles  que  le  sous-nitrate  de 
bismuth;  ou  bien,  on  pourrait  avoir  recours  à  l’injection  de  décoc¬ 
tion  de  bistorte,  tormentille,  ratanhia,  ou  à  une  solution  de  perchlo- 
rurede  fer.  Sorre  s’élève  contre  l’emploi  de  ce  médicament,  car,  dit-il, 
si  l’hémorrhagie  est  très-intense,  il  ne  réussit  pas  ;  il  produit  une  sensa¬ 
tion  fort  désagréable  au  malade,  surtout  lorsque  le  perchlorure  arrivejus- 
que  dans  le  pharynx.  Cette  injection  a,  en  outre,  ce  grand  inconvénient 
de  laisser  après  elle  un  magma  dans  les  fosses  nasales,  qui  rend  le  tam¬ 
ponnement  plus  difficile.  Je  ne  saurais  souscrire  entièrement  à  cette  opi¬ 
nion,  car  je  crois  que  les  injections  de  perchlorure  de  fer  donnent  lieu 
moins  souvent  à  des  accidents  que  le  tamponnement.  Créquy  vient  de 
publier  un  exemple  qui  vient  à  l’appui  de  cette  opinion.  Chez  une 
femme,  âgée  de  45  ans,  après  avoir  employé  tous  les  moyens  signalés 
plus  haut  pour  arrêter  une  épistaxis  qui  prenait  des  proportions  exces¬ 
sives,  il  eut  recours  au  tamponnement  ;  dans  la  nuit,  le  sang  suinta  par 
l’oreille.  Demarquay,  appelé  en  consultation,  lui  raconta  avoir  vu  le  sang 
remonter  par  le  canal  nasal  et  sortir  par  les  points  lacrymaux.  Au  bout 
de  48  heures  que  le  tamponnement  était  pratiqué,  il  survint  du  gonfle¬ 
ment  de  la  face,  des  lèvres  et  des  paupières,  accompagné  de  larges  ecchy¬ 
moses.  Une  gangrène  était  imminente  ;  il  se  hâta  d’enlever  le  tamponne¬ 
ment;  l’épistaxis  reparut.  Alors,  à  l’aide  d’une  seringue  à  jet  rétrograde, 
Créquy  fit  une  injection  à  la  partie  postérieure  des  fosses  nasales  avec  la 
solution  de  perchlorure  de  fer.  11  obtint  ainsi  un  tampon  postérieur.  .Avec 
une  seringue  en  verre,  terminée  en  forme  d’arrosoir,  il  agit,  de  même,  à 
l’orifice  antérieur,  et  il  obtint  ainsi  un  double  tampon  qui  avait  sur  les 
bourdonnets  de  charpie  l’avantage  de  n’exercer  aucune  compression,  et 
par  conséquent  de  ne  pas  produire  de  gangrène  ;  l’hémorrhagie  nasale 
s’arrêta.  —  Ce  procédé  de  Créquy  me  paraît  avoir  des  avantages  sérieux, 
aussi  j’ai  cru  utile  de  le  signaler.  Peut-être  pourra-t-il  remplacer  com¬ 
plètement  le  tamponnement,  qui,  je  le  répète,  dans  bien  des  cas,  paraît 
avoir  de  sérieux  inconvénients,  et  faire  courir  au  malade  un  grand  dan¬ 
ger.  Je  n’ai  pas  à  m’expliquer  ici  sur  la  manière  de  pratiquer  le  tampon¬ 
nement.  {Voy.  ce  mot.) 

Jusqu’à  présent  je  n’ai  parlé  que  des  moyens  mécaniques  qui  doivent 
être  dirigés  contre  l’épistaxis.  Le  plus  ordinairement  on  aura  recours  e  n 
même  temps  au  traitement  de  la  cause  qui  donne  lieu  à  cet  accident. 
C’est  ainsi  qu’on  donnera  à  l’intérieur  des  préparations  astringentes, 
telles  que  décoction  de  bistorte,  de  ratanhia,  telles  que  le  perchlorure  de 


ÉPITHÉLIUM.  675 

fer.  Trousseau,  à  l’exemple  de  Bretonneau,  donnait  avec  le  plus  grand 
succès  contre  les  hémorrhagies  nasales  des  jeunes  gens  le  quinquina  ca- 
lisaya  à  la  dose  de  6  à  8  grammes  par  jour.  Moi-même  j’ai  eu  souvent 
lieu  de  me  louer  de  l’action  de  ce  médicament,  —  Enfin,  pour  les  épi¬ 
staxis  qui  paraissent  sous  l’influence  de  l’intoxication  paludéenne,  on  or¬ 
donnera  le  sulfate  de  quinine.  J’ai  fait  connaître  un  fait  où  cette  action 
a  été  des  plus  évidentes,  alors  que  de  nombreux  moyens  avaient  échoué. 

Hippockate,  Prénotions  coaques,  n»*  57  et  147,  t.  V  ;  Porrhétiques,  liv.  I,  n»  125,  t.  V  ;  Épidé¬ 
mies,  liv.  III,  t.  III  ;  trad.  nouv.  par  E.  Littré. 

ViGKES  (P.),  Des  épistaxis  spontanées,  critiques  et  périodiques.  Paris,  8  décembre  1808,  n»  134, 
Fournier  (Ant.),  De  l’épistaxis.  Paris,  1811,  n”  68. 

Lerr  (W.),  ï'he  Cyclopædia  of  pract.  Medicine,  edited  by  Forbes,  Tweedie,  Conolly.  London, 
1833,  art.  Épistaxis,  t.  II. 

Rochoux,  Dict.  de  méd.  en  30  vol.  2*  édit.  Paris,  1835,  t.  XII,  p.  201. 

Pauli  (de  Landau),  JVeue  Zeitschrift  für  Gehurtskunde  von  Busch,  Band  VII,  Heft  2,  et  Gax, 
■méd.  de  Paris,  1839,  p.  636. 

Négrier  (d’Angers),  Moyen  très-simple  d’arrêter  les  bémorrhagies  nasales  [Arch.  de  médecine, 
3»  série.  Paris,  1842,  t.  XIV,  p.  168). 

Fricker,  Mediz.  Correspondent  Blatt.  1844,  p.  510. 

Mon.neret,  Des  hémorrhagies  produites  dans  les  maladies  du  foie  [Arch.  gén.de  méd.,  5' série. 
Paris,  1854,  t.  III,  p.  641). 

Leudet  (E.),  Remarques  sur  la  diathèse  hémorrhagique  qui  se  manifeste  quelquefois  dans  lecours 
de  la  phthisie  pulmonaire  et  dans  d’autres  affections  aiguës  ou  chroniques  [Gaz.  méd.  de  Pa¬ 
ris,  1859,  p.  814,  829).  * 

PüEcii  (A.),  Des  afrésies  des  voies  génitales  de  la  femme  et  de  leurs  terminaisons  [Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1861,  t.  LUI,  p.  1066).  — De  la  déviation  des  règles  et 
de  son  influence  sur  l’ovulation  [C.  B.,  1863,  t.  LVI,  p.  695). 

SoRRE  (Aug.),  Épistaxis,  sa  valeur  sémiotique.  Thèse  de  doctorat.  Paris,  1864,  n“  62. 

Lévi  (Pellegr.l,  Etude  sur  quelques  hémorrhagies  liées  à  la  néphrite  albumineuse  et  à  l’urémie. 
Thèse  de  doctorat.  Paris,  1864,  n”  230. 

Fillioux  (L.  a.  J.  D.),  Des  hémorrhagies  dans  les  maladies  des  reins.  Thèse  de  doctorat.  Paris, 
1865,  n»  261. 

Debbï,  Epistaxis  following  a  blow  on  the  nose  from  i^base  hall  [Boston  med.  and  surgical 
■  Journal,  186S).  ■ 

Mackenzie,  Plugging  the  posterior  naves  in  cases  of  persistant  Epistaxis  [Britisk  med.  Journal, 
1868). 

Mariinead,  Bulletin  de  la  Société  médico-chirurgicale  de  Pâtis,  année  1868.  —  Union  médi¬ 
cale,  1868.  ' 

Jaccoud,  Pathologie  interne.  Paris,  1870,  t.  I,  p.  720. 

Créquï,  Gazette  des  hôpitaux,  1870,  n“  56. 

L.  Martineau. 

ÊPITHÉIilÔMA.  Voy.  Cancroide,  et  Épithélium. 

ÈPITHÊLiIÜM. —  Prisdans  son  sens  étymologique,  lemotépithélium 
(âx',  sur,  et  ô-ijXy],  mamelon)  est  certainement  mauvais  ;  mais  il  a  si  bien 
passé  dans  le  langage  des  histologistes  et  des  médecins  qu’ aujourd’hui 
tous  savent  que,parépithélium,  oj^entendik  couche  qui  limite  la  surface 
du  corps  et  celle  qui  revêt  les  cavités  naturelles. 

Quels  que  soient  les  organes  qu’elle  recouvre,  cette  couche  se  montre 
avec  des  caractères  histologiques  communs  ;  c’est  ce  qui  permet  d’ad¬ 
mettre  un  tissu  épithélial,  et  d’en  donner  la  définition. 

Le  tissu  épithélial,  toujours  disposé  sur  des  surfaces,  est  constitué  par 
des  cellules  soudées  les  unes  aux  autres  ;  jamais  les  vaisseaux  sanguins  ne 
pénètrent  au  milieu  d’elles.  L’absence  de  vaisseaux  sanguins,  la  souduté 


des  cellules  et  leur  disposition  en  couches  de  revêtement  forment  les  trois 
termes  de  la  définition  du  tissu  épithélial.  Cette 
,  définition  est  bonne,  car  elle  repose  sur  des  ca- 

ractères  communs  à  tous  les  épithéliums  et  qui 
/  réunis  n’appartiennent  à  aucun  autre  tissu  de  l’or- 

ganisme. 

1  0-;  T-'-Q’ r  9JJ  Dans  les  épithéliums ,  les  cellules  forment  la 
'  Partie  la  plus  importante  à  considérer,  et  c’est 
'  par  leur  description  qu’il  convient  de  com- 
Fig.  107.  —  Schéma  du  fl'ssu  mencer  cet  article.  Nous  nous  occuperons  en- 
épithéiial.(KŒLLiKEB,®-  suite  du  mode  d’union  de  ces  cellules  et  de  leur 
lologie.)  arrangement.  Nous  terminerons  par  la  classifica¬ 

tion  des  épithéliums  et  par  la  description  de  chaque  espèce  en  parti¬ 
culier. 


Les  cellules  épithéliales  sont  très-différentes  les  unes  des  autres.  Sou¬ 
vent  elles  ont  une  forme  qui  les  fait  reconnaître,  non-seulement  comme 
cellules  épithéliales,  mais  encore  comme  cellules  d’une  espèce  particu¬ 
lière  d’épithélium, Wl.insij^  toute  cellule  portant  des  cils  vibratiles  est  né¬ 
cessairement  4pjlhéliale.  Les  cellules  dentelées  des  épithéliums  pavimen- 
teux  stratifiés  et  les  cellules  cylindriques  à  plateau  strié  de  l’intestin 
grêle  nous  offrent  encore  des  exemples  bien  remarquables  du  même  genre. 
Cependant  il  ne  faudrait  pas  croire  que  l’on  peut  reconnaître  une  cellule 
épithéliale  isolée  quelconque  ;  beaucoup  d’entre  elles  n’ont  aucun  carac¬ 
tère  spécifique  ;  c’est  uniquement  leur  situation  et  leurs  rapports  qui  nous 
font  admettre  leuï*  nature,  (rest  dans  celte  catégorie  qu’il  convient  de 
ranger  les  cellules  des  séreusq^,  des  vaisseaux,  du  rein,  du  poumon,  etc. 

Presque  toutes  les  conéidérations  relatives  à  la  cellule  en  général  sont' 
applicables  aux  cellules  des  épithéliums,  et,  comme  l’histoire  de  la  cel¬ 
lule  n’a  pas  encore  été  présentée  dans  ce  dictionnaire,  il  est  nécessaire 
d’en  résumer  d’abord  les  faits  les  plus  importants. 

La  notion  de  cellule  a  été^introduite  dans  l’histologie  animale  par  le 
professeur  Schwann,  en  1859,  telle  qu’elle  existait  alors  en  histologie 
végétale.  II  est  important  de  se  rappeler  cette  date,  parce  quelle  marque 
le  début  de  l’histologie  et  çu^elle'neus  montre  les  remarquables  progrès 
accomplis  dans  cette  science  en  •si  peu  d’années.  Pour  Schwann,  une 
cellule  complète  était  essei/trelleineat  une  vésicule  close  à  membrane 
solide,  à  contenu  liquide  ou  gélatineux  renfermant  un  noyau  muni  d’un 
nucléole.  Pendant  longtemps  An  a  crii  que  la  membrane  était  une  par¬ 
tie  nécessaire  et  constante  de  la  cellule.  Pourtant  Schwann  lui-même, 
dans  son  étude  de  la  formation  de  la  cellule,  avait  soutenu  qu’à  une  cer¬ 
taine  phase  de  son  développement,  la  cellule  est  simplement  formée  du 
noyau  et  d’une  masse  enveloppante,  et  que  la  membrane  cellulaire  est  la 
dernière  à  se  montrer.  Mais  l’illustre  bistologike  ne  vit  pas  que  presque 
tous  les  éléments  considérés  par  lui  comme  des  cellules  sont  dépourvus 
de  membranes.  En  voulant  faire  entre  les  cellules  animales  cl  les  végétales 


ÉPITHÉLIUM. 


une  comparaison  trop  complète,  il  commit  une  erreur  qui  reposait  sur 
une  confusion  de  mots,  et  qui  se  maintint  dans  la  science  pendant  fort 


longtemps.  En  effet,  la  cellule  animale  ne  corres¬ 
pond  pas  à  la  cellule  Tégétale  tout  entière  (fig.  108), 
mais  seulement  à  l’utricule  primordiale  de  Mohl, 
ou  mieux  encore  à  la  masse  de  protoplasma  con¬ 
tenue  dans  l’intérieur  de  la  membrane  de  cellu¬ 
lose. 

Ce  sont  les  travaux  de  M.  Scliultze  sur  le  proto¬ 
plasma  qui  ont  dégagé  la  science  de  l’erreur  où 


elle  était  entrée.  Dans  son  remarquable  travail  sur  _  cellules  du  tu- 

le  protoplasma  des  Rhizopodes  et  des  cellules  des  hercule  de  la  pomme  de 

plantes,  il  montra  l’analogie  de  la  cellule  animale  ^®™]esTellulès 

avec  le  protoplasma  des  végétaux.  Les  travaux  de  protoplasma  et  lés  noyaux 
Kûhne,  de  von  Recklitighausen,  de  L.  Beale  et  d’un  renfermés  dans  l’enveloppe 


grand  nombre  d’autres  vinrent  encore  appuyer  et 
compléter  les  belles  recherches  de  Scliultze. 

Aujourd’hui,  en  histologie  animale,  toute  masse 
gélatineuse  contenant  un  noyau  est  considérée 


de  cellulose  (cellule 'végé¬ 
tale  vraie).  Les  cellules  c 
possèdent  un  protoplasma 
rempli  degrains  d’amidon. 
(VmcHow,  Path.  cellul.) 


comme  un  élément  cellulaire.  Cette  masse  a  des 


propriétés  physiologiques  très-variées.  Dans  les  cellules  jeunes,  elle  est 
souvent  douée  de  mouvements  dits  amiboïdes.  Chez  quelques  espèces 
de  cellules  de  l’organisme,  cette  propriété  motrice  persiste  (globules 
blancs  du  sang,  globules  lymphatiques)  ;  mais  la  plupart  des  cellules 
adultes  sont  devenues  fixes,  et  c’est  par  une  vue  de  l’esprit  que  l’on  y 
admet  un  protoplasma  contractile  analogue  à  celui  des  plantes  et  des  cel¬ 
lules  embryonnaires.  Les  cellules  épithéliales  sont  dans  ce  cas.  On  verra 
plus  loin  comment  des  actions  pathologiques  déterminées,  peuvent  rendre 
à  quelques-unes  d’entre  elles  leurs  propriétés  primitives,  si  tant  est 
qu’elles  les  aient  jamais  perdues. 

Quand  elles  se  fixent  dans  un  tissu  déterminé,  les  cellules  produisent 
autour  d’elles  et  dans  leur  intérieur  des  substances  nouvelles.  Les  substan¬ 


ces  dont  elles  s’entourent  diffèrent  de  celles  qu’elles  forment  dans  leur 
protoplasma.  Nous  en  trouvons  des  exemples  frappants  dans  les  deux 
règnes.  Chez  les  végétaux,  le  protoplasma  excrète,  pour  ainsi  dire,  une 
membrane  de  cellulose  et  élabore  dans  son  sein  des  produits  Irès-variés 
(de  l’amidon,  des  huiles  essentielles,  des  sels,  etc.).  Chez  les  animaux,  la 
substance  excrétée  par  la  cellule  et  dont  elle  s’entoure  n’est  pas  tou¬ 
jours  la  même  comme  chez  les  végétaux,  elle  diffère  pour  chaque  tissu  ; 
la  substance  cartilagineuse  et  la  substance  osseuse,  toutes  deux  for¬ 
mées  autour  des  cellules,  en  sont  ;des  exemples  remarquables.  Les  pro¬ 
duits  d’élaboration  intra-cellulaires  sont  encore  plus  variés,  et  vont  jus¬ 
qu’à  changer  pour  une  même  cellule  à  ses  divers  degrés  d’évolution  ; 
c’est  ainsi  que  les  cellules  de  cartilages  contiennent  de  la  matière  glycogène, 
quand  elles  sont  en  formation  active,  et  de  la  graisse,  lorsque  leur  déve¬ 
loppement  est  achevé. 


678  ÉPITHKLIÜM. 

Les  cellules  épithéliales  excrètent  toutes  à  leur  périphérie  une  sorte  de 
ciment  (Kittsuhstanz)  qui  les  soude  les  unes  aux  autres  pour  former  des 
membranes  ou  des  masses  résistantes,  et  elles  sécrètent  au  dedans  les 
produits  les  plus  variés  (de  la  substance  cornée  ou  kératine,  des  graisses, 
de  la  mucine,  des  ferments,  des  acides,  des  pigments,  etc.).  Quand  elles 
viennent  de  se  former,  elles  semblent  toutes  constituées  par  une  même 
matière  granuleuse,  semblable  au  protoplasma  ;  mais,  à  mesure  qu’elles 
évoluent,  qu’elles  vieillissent,  à  une  époque  qui  varie  pour  chaque  espèce 
d’épithélium,  elles  produisent,  suivant  la  nature  du  revêtement  épithé¬ 
lial,  ces  diverses  substances.  C’est  en  vertu  de  cette  évolution  si  variée 
que  nous  voyons  la  peau  se  recouvrir  de  produits  cornés,  les  muqueuses 
s’enduire  de  mucus,  chaque  glande  donner  naissance  à  sa  sécrétion  spé¬ 
ciale. 

La  connaissance  de  ces  faits  nous  permet  déjà  de  pressentir  que  la  forme 
des  cellules  ne  sera  pas  la  même  dans  les  différeiftes  couches  d’un  épi¬ 
thélium  stratifié;  qu’elle  pourra  varier  dans  les  glandes  suivant  l’état  d’ac¬ 
tivité  ou  de  repos.  Les  cellules  profondes  de  l’épiderme  sont  cylindriques, 
les  moyennes  cubiques  et  les  superficielles  lamellaires  ;  les  cellules  pro¬ 
fondes  de  l’épithélium  du  larynx  et  de  la  trachée  sont  sphériques,  les 
moyennes  ovoïdes  et  les  superficielles  sont  cylindro-coniques  et  portent 
des  cils  vibratiles. 

Presque  tous  les  revêtements  épithéliaux  nous  fourniraient  des  exemples 
du  même  genre.  Il  est  donc  inutile  de  classer  les  cellules  épithéliales  sui¬ 
vant  leur  forme  et  leur  grandeur  ;  une  pareille  classification  serait  tout 
artificielle.  On  comprend  que  l’on  classe  ainsi  les  étoiles  qui  occupent 
dans  le  ciel  une  situation  à  laquelle  les  siècles  n’ont  pas  encore  touché, 
mais  on  ne  saurait  appliquer  une  pareille  méthode  à  des  éléments  dont 
l’évolution  est  constante,  qui  naissent,  grandissent,  se  transforment  et 
meurent  en  si  peu  de  temps.  Ce  n’est  pas  à  dire  pour  cgla  qu’il  ne  faille 
pas  tenir  compte  de  la  forme  des  cellules  épithéliales  ;  au  contraire,  nous 
nous  en  servirons,  ainsi  que  de  leurs  autres  caractères  histologiques  et 
de  leurs  propriétés  physiologiques,  pour  classer  les  épithéliums  considé¬ 
rés  comme  tissu. 

Le  noyau  ne  manque  jamais  dans  une  cellule  animale  depuis  le  mo¬ 
ment  où  elle  naît  jusqu’à  celui  où  elle  cesse  de  vivre.  Il  existe  des  noyaux 
dans  toutes  les  cellules  épithéliales,  sauf  dans  la  couche  cornée  de  l’épi¬ 
derme  où  les  cellules,  desséchées  et  soudées  fortement  les  unes  aux 
autres,  forment  un  vernis  inerte  ou  des  productions  cornées  (ongles  et 
poils)  dans  lesquels  toute  réation  vitale  a  disparu.  Les  noyaux  sont  sphé¬ 
riques  ou  ovoïdes,  vésiculeux,  avec  un  ou  plusieurs  nucléoles  brillants, 
dans  les  cellules  épithéliales  jeunes  ;  dans  celles  qui  sont  arrivées  au 
terme  de  leur  évolution,  ils  sont  petits,  atrophiés,  anguleux  ;  c’est  à  cet 
état  qu’on  les  trouve  dans  les  cellules  les  plus  profondes  de  la  couche 
cornée  de  l’épiderme.  Ils  peuvent  être  discoïdes  et  très-aplatis  dans  les 
cellules  qui  se  sont  remplies  de  mucus  ;  c’est  ainsi  qu’on  les  rencontre 
dans  les  cellules  caliciformes  de  l’intestin  et  dans  les  glandes  à  sécrétion 


ÉPITHÉLIUM. 


679 


muqueuse.  Ces  derniers  peuvent  devenir  sphériques,  et  reprendre  ainsi 
leur  forme  primitive  dans  des  conditions  physiologiques  déterminées. 

L’importance  des  noyaux  est  très-considérable,  si  l’on  en  juge  d’après 
leur  constance  et  leur  grosseur  dans  les  cellules  jeunes  et  en  voie  d’évolu¬ 
tion  croissante,  mais  leur  rôle  physiologique  est  loin  d’être  complète¬ 
ment  déterminé.  On  sait  seulement  que  les  noyaux  régissent  la  multipli¬ 
cation  et  la  conservation  des  cellules,  que  la  division  de  la  cellule  est 
toujours  précédée  de  celle  du  noyau  et  que  la  disparition  du  noyau  en¬ 
traîne  l’atrophie  et  la  mort  de  l’élément  cellulaire  tout  entier.  Jusqu’à 
présent,  il  a  été  impossible  d’observer  à  l’état  physiologique  et  chez  l’a¬ 
dulte  des  divisions  de  cellules  et  de  noyaux  dans  les  couches  épithéliales; 
mais,  dans  certaines  conditions  pathologiques,  ces  transformations  sont 
fort  nettes,  ainsi  qu’on  le  verra  plus  loin. 

Pour  former  un  tissu  épithélial,  les  cellules  sont  soudées  les  unes  aux 
autres  par  un  ciment  tellement  solide,  en  particulier  dans  les  épithéliums 
pavimenteux  à  plusieurs  couches,  que,  si  l’on  pratiqué  la  dissociation 
avec  les  aiguilles,  on  arrive  à  déchirer  les  cellules  elles-mêmes,  mais  non 
à  les  séparer  les  unes  des  autres.  Le  ciment  intercellulaire  des  autres 
épithéliums  est  formé  par  une  matière  beaucoup  plus  molle,  qui  permet 
aux  cellules  de  se  dissocier  par  des  actions  purement  mécaniques.  Ces 
substances  cimentantes  sont  toutes  attaquées  et  dissoutes  par  la  potasse 
et  la  soude  caustiques.  Ces  alcalis  en  solutions  étendues  (1  à  10  pour  100) 
détruisent  aussi  les  cellules,  mais,  en  solution  plus  concentrée  (de  30  à 
40  pour  100),  ils  ne  modifient  pas  beaucoup  leur  forme.  (Moleschott.) 
Ces  dernières  solutions  constituent  donc  un  excellent  moyen  pour  isoler 
les  cellules  épithéliales.  On  peut  employer,  pour  obtenir  le  même  effet, 
une  macération  prolongée  dans  le  sérum  iodé  de  Schultze,  ou  bien  dans  des 
solutions  très-étendues  d’acide  chromique  ou  de  bichromate  de  potasse. 
Le  ciment  intercellulaire  jouit  de  la  propriété  de  réduire  rapidement  les 
sels  d’argent.  (His  et  Recklinghausen.)  Cette  réduction  est  aussi  opérée 
par  la  cellule  elle- 
même,  mais  beau¬ 
coup  plus  lente¬ 
ment.  11  en  résulte 
qu’en  soumettant  un 
revêtement  épithé¬ 
lial  à  l’action  d’une 
solution  de  nitrate 
d’argent,  le  ciment 
est  imprégné,  alors 
que  les  cellules  ne 
contiennent  encore 
que  du  sel  non  ré¬ 
duit.  Celui-ci  peut  —  Cellules  épithéliales  des  capillaires  imprégnées  par  le 

donc  être  enlevé  par 

un  lavage  à  l’eau  distillée,  tandis  que  le  métal  reste  à  l’état  dé  combinai- 


ÉPITHÉLIUM. 


son  insoluble  dans  le  ciment  ii]tercellulaire.  Le  dépôt  d’argent  limite  les 
cellules  d’une  manière  admirable  ;  c’est  à  l’aide  de  cette  méthode  que 
l’on  a  pu  reconnaître  l’existence  d’un  revêtement  épithélial  dans  les  ca¬ 
pillaires  sanguins  [voy.  l’art.  CAPiLLAffiE,  t.  VI  (fig.  109)]  et  dans  les  lym¬ 
phatiques. 

Les  cellules  les  plus  profondes  d’une  couche  épithéliale  sont  solidement 
unies  aux  tissus  sur  lesquels  elles  reposent.  On  ne  sait  pas  encore  exacte¬ 
ment  comment  cette  union  est  établie  ;  cependant  il  est  fort  probable  que 
le  revêtement  épithélial  tout  entier  est  soudé  aux  tissus  sous-jacents  par 
une  substance  analogue  à  celle  qui  unit  les  cellules  entre  elles,  car  l’adhé¬ 
rence  de  la  couche  épithéliale  est  égale  à  celle  des  cellules  entre  elles  et  de 
plus  elle  est  détruite  par  la  potasse  à  40  pour  100  et  par  les  autres  réac¬ 
tifs  qui  dissolvent  le  ciment  intercellulaire. 

On  admet  généralement  qu’au-dessous  de  l’épithélium,  il  existe  tou¬ 
jours  une  membrane  anhiste  continue  et  d’une  grande  minceur,  basement 
membrane  de  Bowman.  Sur  des  coupes  très-minces  et  examinées  avec 
d’excellents  objectifs,  il  est  facile  de  se  convaincre  que  cette  membrane 
fondamentale  n’est  pas  constante,  si  tant  est  qu’elle  existe  jamais. 

On  n’observe  pas  non  plus  chez  l’homme  et  chez  les  animaux  supé¬ 
rieurs  de  membrane 


cuticulaire,  c’est-à- 
dire  une  couche  a- 
morphe,  continue, 
recouvrant  toute  la 
surface  d’un  épithé¬ 
lium  ;  mais  les  cel¬ 
lules  de  quelques  é- 
pithéliums  (celles  de 
l’intestin  grêle,  les 
cellules  à  cils  vi- 
bratiles)  présentent 
sur  leur  face  libre 
un  épaississement , 
une  sorte  de  pla¬ 
teau  ,  distinct  pour 
chaque  cellule ,  et 
comparable  à  une 
cuticule,  en  ce  sens 
qu’il  est  surajouté  ; 


t).  —  Ovule  du  lapin.' —  a,  Cellules  ovariei 
•aaf.  —  b,  Membrane  vitelline  formé  par 
ellules  précédentes.  —  c,  Vésicule  germin 
inative.  —  e,  Granulation  du  vitellus.  (Wali 


les  de  la  vésicule  cependant  la  mem- 
is  plateaux  striés  yitelline  de 


Handb.,  p.  555). 


véritable  membrane 


cuticulaire  (lig.  110), 

ainsi  qu’il  résulte  des  recherches  de  Reichert,  Pflüger  et  Waldeyer.  L’o¬ 
vule  primordial  est  formé  à  l’origine  par  une  masse  de  protoplasma  con- 


ÉPITHÉLIUM.  681 

tractile.  Les  cellules  du  cumulus  proligère  qui  l’entourent  sont  cylin¬ 
driques.  Elles  présentent  sur  leur  base,  appliquée  à  la  surface  de  l’ovule, 
un  plateau  strié  semblable  à  celui  des  cellules  épithéliales  de  l’intestin 
grêle.  Ces  plateaux,  d’abord  mincss  et  distincts  pour  chaque  cellule,  s’é¬ 
paississent,  se  soudent  les  uns  aux  autres  et  forment  en  s’unissant  la 
membrane  vitelline  qui,  dans  certaines  espèces  animales,  possède  une 
structure  très-nettement  striée. 

Le  tissu  épithélial,  considéré  dans  son  ensemble,  se  montre  donc  avec 
une  grande  simplicité,  puisqu’il  est  formé  entièrement  par  des  cellules  et 
une  faible  quantité  de  substance  intercellulaire.  C’est  la  raison  pour 
laquelle  on  lui  a  donné  le  nom  de  tissu  celluleux  (Kœlliker)  ou  cellulaire 
(Sappey).  Ces  désignations  sont  trompeuses  en  ce  sens  que  les  épithé¬ 
liums  ne  sont,  pas  plus  que  les  cartilages  ou  les  os,  formés  uniquement  de 
cellules.  La  substance  intercellulaire  existe  dans  les  uns  comme  dans  les 
autres,  seulement  elle  est  moins  abondante  èt  moins  importante  dans  les 
épithéliums.  Elle  y  est  aussi  moins  bien  connue,  et  il  est  fort  probable 
que  l’on  en  fera  bientôt  une  étude  plus  complète  et  que  l’on  y  découvrira 
des  détails  importants. 

Déjà  Cohnheim  a  trouvé  dans  l’épithélium  de  la  face  antérieure  de  la 
cornée  des  filaments  nerveux  en  très-grand  nombre  qui  cheminent  dans 
la  substance  intercellulaire  et  s’y  terminent  par  des  renflements  en  forme 
de  boutons  (fig.  IH). 


Fig.  m.  —  Cornée  du  lapin  traitée  par  le  chlomre  d’or.  —  a.  Membre  de  Desmet.  — 
b.  Troncs  nerveux  compris  dans  la  coupe.  —  d,  Réseau  nerveux  dans  la  membrane  de 
Bowman.  —  e,  Epithélium  de  la  face  antérieure  avec  les  filaments  nerveux  termi¬ 
naux  f.  (Cohnheim.) 


Pour  observer  cette  remarquable  disposition,  il  faut  placer  la  cornée 


682  ÉPITHÉLIUM. 

d’un  mammifère,  que  l’on  vient  de  sacrifier,  dans  une  solution  de  chlo¬ 
rure  d’or  à  1/200,  l’y  laisser  pendant  quelques  heures,  jusqu’à  ce  qu’elle 
soit  devenue  jaune,  y  pratiquer  des  sections  transversales  et  les  sou¬ 
mettre  à  la  lumière  solaire  dans  une  solution  faible  d’acide  acétique.  L’or, 
qui  s’est  d’abord  fixé  sur  les  fibres  nerveuses,  s’y  réduit  sous  l’influence 
de  la  lumière,  et  leur  donne  une  coloration  violette.  On  peut  suivre  alors 
les  filets  nerveux  qui,  après  avoir  formé  un  réseau  dans  la  membrane  de 
Bowman,  pénètrent  dans  l’épithélium,  arrivent  jusque  dans  ses  couches 
les  plus  superficielles  et  s’y  terminent  par  un  petit  renflement  en  forme 
de  bouton.  On  comprend  maintenant  la  sensibilité  si  grande  de  la 
cornée. 

Plus  récemment,  un  jeune  histologiste  de  Berlin,  Langerhans,  en  ap¬ 
pliquant  à  l’étude  de  la  peau  la  méthode  de  Cobnheirn,  est  arrivé  à 
des  résultats  bien  singuliers.  Il  a  vu,  au  milieu  des  cellules  du  corps 
muqueux  de  Malpighi,  colorées  simplement  en  jaune  par  le  chlorure 
d’or,  d’autres  cellules  plus  petites,  anguleuses  et  colorées  en  violet 
(fig.  112).  De  ces  cellules  naissent  des  prolongements;  l’un  d’entre 


Fig.  H2.  —  Épiderme  de  l’homme  traité  avec  le  chlorure  d’or.  —  h.  Couche  cornée  de  l’é¬ 
piderme;  au-dessous  on  observe  les  différentes  couches  du  corps  muqueux  de  Malpighi 
avec  les  cellules  nerveuses  terminales.  —  v.  Vaisseau  sanguin.  (Lasgebhans.) 

eux,  dirigé  du  côté  du  chorion,  y  pénètre  et  s’y  trouve  en  connexion 
avec  les  filets  nerveux  du  derme  ;  les  autres  cheminent  entre  les  cel¬ 
lules  épithéliales  et  se  terminent  par  des  boutons.  Ces  prolongements 
sont  colorés  en  violet  comme  le  corps  de  la  cellule,  et  l’analogie  permet 
de  conclure  qu’il  s’agit  là  comme  dans  la  cornée  d’un  système  nerveux 
interépithélial. 

On  connaît  encore  un  autre  mode  de  terminaison  des  nerfs  dans  les 
épithéliums.  Cette  fois,  il  ne  s’agit  plus  de  filaments  nerveux  terminaux 
cheminant  entre  les  cellules  épithéliales  ,  mais  d’une  véritable  terminai¬ 
son  dans  les  cellules  elles-mêmes.  Cette  disposition  n’a  pas  été  observée 


ÉPITHÉLIUM.  683 

chez  l’homme,  parce  que,  pour  cette  étude,  il  est  nécessaire  que  les  tissus 
soient  très-frais.  Sur  la  langue  de  la  grenouille,  on  rencontre  ,  au  milieu 
des  cellules  épithéliales  prismatiques  qui  recouvrent  les  papilles,  d’autres 
cellules,  d’une  forme  différente  ;  elles  sont  fort  minces  dans  leur  portion 
qui  correspond  aux  cellules  épithéliales  voisines,  et  sont  renflées  vers 
leur  fond  ;  à  ce  niveau,  elles  contiennent  un  noyau  vésiculeux  et  donnent 
naissance,  du  côté  de  la  papille,  à  un  prolongement  qui  pénètre  dans  son 
tissu  et  s’y  ramifie,  pour  se  continuer  avec  des  filaments  nerveux  d’une 
grande  minceur. 

11  existe  dans  la  portion  olfactive  des  fosses  nasales  des  cellules  sern  ■ 
blables,  qui  portent  à  leur  face  libre  des  ci|s  vibratiles.  C’est  à  M.  Schultze 
que  nous  devons  la  connaissance  de  ces  faits. 

Enfin  Pflüger  a  décrit  dans  les  glandes  (lés  glandes  salivaires ,  le  pan¬ 
créas  et  même  le  foie)  des  terminaisons  directes  des  fibres  nerveuses  dans 
les  cellules  glandulaires.  Ce  sont  là  des  résultats  trop  nouveaux  pour 
qu’ils  puissent  prendre  définitivement  rang  dans  la  science  avant  d’être 
vérifiés  et  confirmés. 

Depuis  les  travaux  de  Remak  sur  l’embryogénie,  on  admet  que  les 
revêtements  épithéliaux  naissent  des  différents  feuillets  du  blastoderme  ; 
l’épiderme,  les  glandes  cutanées,  le  cristallin,  l’épithélium  des  ventricules 
cérébraux  et  celui  du  canal  central  de  la  moelle,  du  feuillet  externe; 
l’épithélium  des  muqueuses  et  leurs  glandes,  du  feuillet  interne  ;  l’épi¬ 
thélium  des  séreuses,  du  feuillet  moyen.  C’est  aussi  de.ce  dernier  feuillet 
que  se  forment  les  épithéliums  du  cœur ,  des  vaisseaux  sanguins  et  des 
lymphatiques.  Cette  différence  embryogénique  a  conduit  Rindfleisch,  His 
et  Thiersch  à  établir  des  divisions  bien  tranchées  entre  les  épithéliums, 
au  point  de  vue  physiologique  et  pathologique,  suivant  qu’ils  naissent 
aux  dépens  des  feuillets  cutané  et  muqueux  ou  du  feuillet  moyen.  His  a 
pensé  qu’il  convenait  de  leur  donner  des  noms  différents,  il  a  conservé 
aux  deux  premiers  seuls  la  dénomination  d’épithélium,  tandis  qu’il  a 
désigné  les  derniers  sous  le  nom  d'endothélium.  Il  a  cru  qu’à  la  diffé¬ 
rence  d’origine  correspondait  toujours  une  structure  différente  ;  les  en¬ 
dothéliums  seraient  constitués  par  des  cellules  très-aplaties,  soudées  par 
leurs  bords  et  formant  une  seul^couche  :  tel  serait  l’épithélium  des  vais¬ 
seaux,  des  séreuses,  des  synoviales  articulaires,  des  bourses  séreuses  ; 
l’épithélium  proprement  dit  présenterait  au  contraire  une  ou  plusieurs 
couches  de  cellules  plus  épaisses. 

Mais  la  différence  embryogéhique  ne  correspond  pas  toujours  à  une 
différence  morphologique.  Ainsi  l’épithélium  des  alvéoles  pulmonaires, 
qui  provient  du  feuillet  interne  du  blastoderme,  est  formé  par  une  seule 
couche  de  cellules  plates,  semblables  à  celles  des  membraues  séreuses , 
tandis  que  le  revêtement  épithélial  des  franges  synoviales,  dont  l’origine 
est  dans  le  feuillet  moyen,  est  formé  de  couches  superposées  ;  les  cellules 
qui  le  composent  sont  épaisses  et  de  plus  servent  à  la  sécrétion  d’un  liquide 
chargé  de  mucine,  comme  le  ferait  l’épithélium  d’une  muqueuse.  Du 
reste,  il  ne  faudrait  pas  croire  à  la  fixité  absolue  de  la  forme  de  tel  épi- 


ÉPITHÉLIUM. 


thélium  ;  la  pathologie  nous  fournit  des  faits  qui  démontrent  qu’un  simple 
changement  de  condition  peut  faire  varier  la  forme  d’un  revêtement  épi¬ 
thélial.' L’épithélium  cylindrique  à  cils  vibratiles  d’un  polype  des  fosses 
nasales  devient  pavimenteux  et  même  corné  dans  le  cas  où  ce  polype  vient 
faire  saillie  à  l’extérieur.  On  observe  les  mêmes  transformations  sur  les 
polypes  du  rectum  et  de  l’utérus,  lorsqu’ils  se  sont  dégagés  des  cavités 
qui  les  contenaient. 

.  Nous  reviendrons  sur  ces  différents  faits  à  propos  de  la  pathologie  ;  pour 
le  moment,  il  nous  suffit  de  montrer  que  l’origine  d’un  épithélium  ne  lui 
imprime  pas  une  forme  nécessaire,  et  que,  s’il  y  a  un  rapport  entre  l’ori¬ 
gine  et  la  forme,  celle-ci  dépend  aussi  de  conditions  purement  physiques, 
et  peut  varier  avec  ces  dernières. 

On  a  vu  ,  un  peu  plus  haut  tfue  les  épithéliums  sont  soumis  à  une  évo¬ 
lution  constante.  Les  cellules  qui  les  composent  n’ont  qu’une  durée  limi¬ 
tée,  elles  naissent,  grandissent,  subissent  des  modifications  nutritives  et 
meurent.  Pour  s’en  convaincrdf  il  suffit  d’examiner  une  coupe  pratiquée 
perpendiculairement  à  la  surface  d’un  épithélium  stratifié.  Dans  les  revê¬ 
tements  formés  d’une  seule  couche,  ces  faits  sont  moins  évidents;  on  sait 
seulement  que  les  cellules  s’en  détachent  pour  tomber  dans  une  cavité 
naturelle  ou  être  chassées  au  dehors,  sans  que  pour  cela  l’intégrité  du 
revêtement  en  soit  atteinte. 


Il  règne  encore  une  obscurité  tr 


aux  dépens  de  laquelle  se  formera 
encore  sur  les  membranes  séreus 


ès-grande  sur  le  mode  de  formation  des 
cellules  nouvelles  destinées  à  rempla¬ 
cer  les  anciennes.  Chez  l’adulte,  dans 
«■.les  couches  profondes  des  épithéliums 
^stratifiés,  on  ne  peut  saisir  aucun 
'signe  de  multiplication  cellulaire  ; 
chaque  cellule  est  bien  limitée  et  ne 
.  renferme  jamais  qu’un  seul  noyau. 
Mais  il  n’en  est  plus  de  même  chez  les 
embryons.  Leur  enveloppe  épithéliale 
est  une  couche  molle  dont  les  cel¬ 
lules  profondes  contiennent  plusieurs 
nopux  et  sont  en  voie  de  division 
,  (Keélliker) ,  et  dont  les  cellules  super- 
..‘•ficieiles  se  détachent  pour  former  le 
■  sébufti.  D’après  Henle,  la  partie  la 
'nf  plus  profonde  de  l’épiderme  du  fœtus 
consiste  dans  une  couche  granuleuse, 
continue  et  parsemée  de  noyaux, 
lient  les  nouvelles  cellules.  On  observe 
es  des  jeunes  mammifères  une  disposi¬ 


tion  des  cellules  épithéliales  qui  paraît  être  en  rapport  avec  la  formation 


de  ces  cellules  et  l’extension  de  la  membrane  épithéliale.  Lorsque  celle-ci 


a  été  soumise  à  l’action  du  nitrate  d’argent  et  à  la  coloration  par  le  picro- 


carminate  d’ammoniaque,  les  cellules  qui  la  forment  sont  séparées  par 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPITHÉLIUMS  a  cellules  plates.  685 

des  lignes  noires,  sinueuses,  et  leurs  noyaux  apparaissent  très-nettement 
(fig.  113).  Certaines  de  ces  cellules  ont  un  noyau  central;  d’autres  deux 
noyaux  ;  quelques-unes  ont  un  noyau  situé  au  voisinage  de  l’un  de  leurs 
bords;  dans  ce  dernier  cas,  le  noyau  d’une  cellule  voisine  est  tou¬ 
jours  placé  à  côté  de  la  ligne  mitoyenne  et  juste  en  face  de  celui  de 
la  première  cellule.  Il  est  fort  probable  qu’il  s’agit  là  d’une  multi¬ 
plication  des  cellules  par  division.  Plus  loin,  à  propos  des  forma¬ 
tions  pathologiques  et  des  régénérations  des  épithéliums,  nous  présen¬ 
terons  de  nouveaux  faits,  et  nous  discuterons  les  théories  qu’ils  ont 
suggérées. 

Pour  suivre  un  plan  strictement  logique,  il  conviendrait  d’exposer 
maintenant  les  propriétés  physiologiques  et  les  modifications  pathologi¬ 
ques  des  épithéliums  considérés  d’une  manière  générale.  Mais  il  y  a,  à  ce 
dernier  point  de  vue,  entre  les  différentes  espèces  d’épithéliums,  des  diffé¬ 
rences  si  considérables  qu’une  pareille  étude  serait  sans  portée.  En  effet, 
il  est  impossible ,  par  exemple,  de  trouver  une  relation  physiologique 
entre  l’épiderme  qui  protège  la  surface  du  corps  et  le  foie  qui  sécrète  la 
bile  et  forme  du  sucre.  Les  lésions  de  l’un  et  de  l’autre  sont  bien  diffé¬ 
rentes. 

Nous  passons  donc  de  suite  à  la  classification  des  épithéliums  et  à  la 
description  de  chaque  espèce.  Les  épithéliums  forment  deux  grands 
groupes  :  les  épithéliums  de  revêtement  et  les  épithéliums  glandulaires. 
Les  premiers  seuls  nous  occuperont  dans  cet  article;  les  épithéliums 
glandulaires  seront  étudiés  à  propos  des  glandes.  (Voy.  l’art.  Glandes.) 

Nous  diviserons  les  épithéliums  de  revêtement  de  la  façon  suivante  : 
1“  épithéliums  à  cellules  plates  et  disposés  sur  une  seule  couche;  ^2°  épi¬ 
théliums  pavimenteux  stratifiés;  3“  épithéliums  a  cils  vibratiles;  4°  épi¬ 
théliums  cylindriques. 

I.  Épithéliums  à  cellules  plates  et  disposées  sur  une 
seule  couche.  —  Les  épithéliums  des  membranes  séreuses  des  vais¬ 
seaux  sanguins  et  lymphatiques,  des  vésicules  pulmonaires  et  des  glo- 
mérules  du  rein  appartiennent  à  cette  espèce.  Il  est  fâcheux  que  His  ait 
donné  au  mot  endothélium  une  signification  embryogénique,  sans  quoi 
il  conviendrait  aussi  bien  que  tout  autre  pour  les  désigner.  Comme  cette 
dénomination  a  déjà  passé  dans  le  langage  des  histologistes,  nous  l’em¬ 
ploierons,  en  prévenant  qu’il  ne  signifie  pas  nécessairement  que  les  re¬ 
vêtements  cellulaires  ainsi  désignés  sont  nés  du  feuillet  moyen  du  blasto¬ 
derme. 

Dans  cet  article,  le  mot  endothélium  aura  donc  une  signification 
purement  anatomique,  et  exprimera  simplement  l’idée  d’épithéliùm  à 
cellules  plates  et  disposées  sur  une  seule  couche. 

Les  cellules  des  endothéliums  sont  d’une  très-grande  minceur.;  un  à 
trois  millièmes  de  millimètre.  Chaque  cellule  contient  un  noyau  plat;  à 
son  niveau,  la  cellule  est  légèrement  renflée,  en  sorte  que,  vue  de  profil, 
elle  figure  un  élément  fusiforme.  Ce  n’est  pas  une  cellule  dans  l’ancienne 
acception  de  ce  mot;  c’est  simplement  une  plaque  de  protoplasma  conte- 


686  ÉPITHÉLIUM.  —  épituéuums  a  cellules  plates. 

nant  un  noyau.  Mais  nous  avons  vu  qu’on  est  convenu  de  conserver  cette 
désignation,  anciennement  employée  pour  les  mêmes  éléments,  lorsqu’on 
leur  supposait  une  membrane  d’enveloppe.  Rindfleisch,  qui  en  a  fait  une 
élude  très-attentive,  admet  que,  dans  le  péritoine,  elles  sont  composées 
d’une  masse  de  protoplasma  disposée  autour  du  noyau,  et  d’une  sorte  de 
plaque  superficielle.  Dans  les 
vésicules  pulmonaires,  cette 
disposition  est  très-accusée 
(fig.  114);  le  noyau  et  le 
protoplasma  de  la  cellule 
occupent  les  fossettes  lais¬ 
sées  entre  les  capillaires,  et 
la  plaque  superficielle  s’é¬ 
tend  seule  sur  les  vaisseaux 
et  les  recouvre. 

Vues  de  face,  les  cellules 
des  endothéliums  se  mon¬ 
trent  avec  des  formes  et  des 
dimensions  très  -  variées  ; 


T.  ...  -i,.-  ,  .  -  ,  .  -  „  pour  les  bien  voir,  il  faut 

Fig.  114.  —  Epithélium  des  vésicules  pulmonaires  d’un  |  .  ,  '  , 

jeune  chat. —  a,  Noyaux  avec  leurs  protoplasma  situés  1®®  examiner  en  place  apres 
dans  les  fossettes  intervasculaires.  —  b.  Plaques  super-  avoir  imprégné  tout  le  re- 
hcielles  recouvrant  toute  la  surface  interne  des  vesi-  bêtement  avec  l’argent.  Il 
est  bon  de  faire  usage  d’un 
procédé  imaginé  par  Schweigger- Seidel;  lorsque  la  surface  a  été  im¬ 
prégnée,  et,  après  un  lavage  bien  complet  dans  l’eau  distillée,  on 
applique  la  membrane  sur  une  lame  de  verre,  puis  on  la  laisse  se 
dessécher  ;  si  alors  on  arrache  cette  membrane  avec  précaution ,  le  re¬ 
vêtement  seul  reste  fixé  à  la  lame  de  verre.  On  obtient  ainsi  d’ad¬ 


mirables  préparations.  La  figure  113  a  été  dessinée  sur  une  de  ces 
préparations,  et  c’est  ce  qui  donne  une  grande  valeur  aux  interpréta¬ 
tions  qu’elle  m’a  suggérées,  car  il  est  impossible  de  cette  façon  de 
confondre  les  noyaux  des  cellules  épithéliales  avec  ceux  des  tissus  sous- 
jacents. 

Après  l’imprégnation  d’argent,  on  observe  que  les  cellules  endothéliales 
ont  des  bords  sinueux  ou  dentelés  à  la  façon  des  engrenures  des  os  du 
crâne;  elles  sont  polygonales,  à  peu  près  égales  dans  tous  les  sens,  sur  les 
membranes  séreuses,  l’endocarde,  les  vésicules  pulmonaires  et  les  glomé- 
rules  du  rein  (fig.  115),  allongées  dans  un  sens  sur  les  vaisseaux  sanguins, 
les  lymphatiques  et  les  travées  du  grand  épiploon.  C’est  dans  les  capil¬ 
laires  que  leur  diamètre  longitudinal  l’emporte  le  plus  sur  le  transversal. 
Leurs  dimensions  sont  très-variables,mêfflesurun  revêtement  épithélial  en 
particulier.  Il  en  est  de  même  de  leur  configuration.  Elles  s’assujettissent 
à  la  forme  des  parties  qu’elles  doivent  recouvrir;  pour  s’en  convaincre,  il 
suffit  d’étudier  le  grand  épiploon  après  l’avoir  imprégné  d’argent.  Sur  ses 
portions  membraneuses ,  les  cellules  sont  régulièrement  polygonales  ;  sur 


A.  CELLULES  PLATES. 


687 


les  grosses  travées,  elles  s’allongent;  sur  les  plus  fines,  elles  s’enroulent 
et  se  soudent  à  elles-mêmes  par  deux  de  leurs  bords  ;  en  un  mot,  elles  se 
moulent  sur  ce  système  de  tra¬ 
vées  si  admirable,  comme  le  |1|| 

feraient  de  petites  plaques  d’un 
vernis  très-souple. 

Il  y  a  une  très-grande  analo-  m'/W 

gie  entre  les  cellules  endothé-  KÊ 

Haies  et  les  cellules  du  tissu  mW 

conjonctif.  En  effet,  comme  je 

l’ai  montré  dans  le  courant  de  '  'W 

l’année  dernière,  les  cellules  “  - 

du  tissu  conjonctif  sont  plates,  » 

contiennent  des  noyaux  plats,  '\ 

et  sont  simplement  appliquées  |  / 

sur  les  faisceaux  du  tissu  con-  f 

jonctif.  Il  serait  complètement  |  a'n'  , 
impossible  de  reconnaître  une  V4.  " i 
cellule  endothéliale  isolée  de  la 
plupart  des  cellules  du  tissu  con¬ 
jonctif.  En  outre,  ces  deux  es-  / 

pèces  de  cellules,  si  tant  est  'j’w 
qu’elles  soient  des  espèces  di-  ' 

stinctes,  sont  sujettes  aux  mê- 
mes  modiûcations  pathologi-  : 

La  texture  du  tissu  endothé-  Fig.  115.  —  Glomérule  du  rein  traité  parie  nitrate 
liai  est  fort  simple  ;  elle  ressort  “  «-.Cellules  endothehales  de  la  cap- 

..y  i  1  1  1  suie.  —  e,  vaisseau  etterent.  —  Vaisseau 

prGSque  entièreîIlGnt  de  la  des-  afférent  avec  son  revêtement  endothélial.  — A,  Col 

cription  précédente.  Le  ciment  da  gloméruie.  (Lüdwig.) 
intercellulaire  est  une  substance 


plus  molle  que  les  cellules  elles-mêmes  ;  le  revêtement  tout  entier  semble 
soudé  au  tissu  conjonctif  sous-jacent  par  une  substance  semblable  au 
ciment  intercellulaire  ;  il  ne  repose  pas  sur  une  membrane  fondamentale 
appréciable. 

Quand  on  examine,  par  sa  surface,  à  un  grossissement  de  100  diamètres, 
un  grand  pavé  endothélial,  celui  du  péritoine,  par  exemple,  après  qu’il  a 
été  imprégné  d*argent,  on  reconnaît  un  certain  arrangement  des  cellules. 
Elles  forment,  le  plus  souvent,  des  groupes  ou  îlots  plus  ou  moins  étendus, 
et  sont  disposées  sür  des  rayons  qui  partiraient  du  centre  de  chaque  îlot. 
Sur  le  mésentère  de  la  rana  temporaria,  cette  singulière  disposition  est 
très-marquée,  surtout  au-dessus  des  vaisseaux  sanguins.  Le  centre  de 
chaque  groupe  de  cellules  est  occupé  par  une  cellule  plus  arrondie,  plus 
petite  et  très-granuleuse. 

Lorsque  l’imprégnation  est  bien  réussie,  on  ne  voit  jamais  entre 
les  cellules  les  taches  noires  décrites  par  von  Recklinghausen,  His  et 


688  ÉPITHÉLIUM.  —  épituéhdm  a  cellules  plates. 

Eberth,  etc.,  qui  représenteraient  des  sortes  de  pores  ou  ouvertures  fixes, 
par  lesquelles  des  particules  solides  et  les  globules  lymphatiques  en 
particulier  pourraient  s’engager,  entrer  dans  la  cavité  séreuse,  ou  en 
sortir.  Ce  n’est  que  sur  des  préparations  ayant  séjourné  trop  longtemps 
dans  la  solution  d’argent,  ou  bien  lorsque  la  surface  imprégnée  n’avait  pas 
été  bien  lavée  d’abord  avec  de  l’eau  distillée  pour  en  chasser  les  souillures, 
que  j’ai  vu  des  taches  noires  correspondant  à  la  description  et  aux  figures 
des  auteurs  précités. 

Je  ne  veux  pas  dire  pour  cela  que  les  corpuscules  solides  et  les  globules 
blancs,  contenus  dans  une  cavité  séreuse,  ne  puissent  pas  s’engager  entre 
les  cellules  épithéliales  et  gagner  les  vaisseaux  lymphatiques ,  c’est  là  un 
fait  acquis  à  la  science,  car  il  est  établi  sur  l’expérience  la  plus  positive. 
Cette  expérience,  que  nous  devons  à  von  Recklinghausen,  est  d’une  très- 
grande  importance;  elle  a  été  le  point  de  départ  d’une  série  de  recherches 
et  a  servi  à  l’interprétation  d’un  grand  nombre  de  faits  pathologiques. 
Pour  la  réaliser,  on  fixe  avec  des  épingles,  sur  un  cercle  de  liège  placé 
horizontalement,  le  diaphragme  d’un  lapin,  de  manière  à  ce  que  la  séreuse 
péritonéale  regarde  en  haut;  puis  on  verse  sur  cette  surface  du  lait 
mélangé  à  de  l’eau  sucrée.  Si  alors  ou  examine  à  un  grossissement  de 
150  diamètres  et  avec  un  objectif  dont  le  foyer  ait  suffisamment  d’étendue, 
on  voit  se  former  des  tourbillons  dans  lesquels  les  granulations  grais¬ 
seuses  du  lait  sont  saisies  et  entraînées  dans  des  orifices  pour  disparaître 
de  la  surface  et  pénétrer  dans  les  vaisseaux  lymphatiques.  Il  est  difficile 
de  comprendre  quelle  est  la  force  qui  établit  ce  courant  et  entraîne  les 
particules  solides  dans  un  sens  déterminé;  on  n’en  a  pas  encore  l’expli¬ 
cation,  mais  le  fait  est  réel  et  doit  être  accepté.  Le  même  phénomène 
peut  se  produire  chez  l’animal  vivant  ;  seulement  on  ne  peut  assister  à 
toutes  ses  phases  comme  dans  l’expérience  précédente  ;  on  constate  sim- 
f)lement  que  des  corpuscules  solides,  introduits  dans  la  cavité  péritonéale, 
s’engagent  dans  les  lymphatiques  et  s’arrêtent  parfois  entre  les  cellules 
épithéliales  de  la  séreuse. 

Il  est  impossible  de  voir,  sur  une  préparation  histologique  de  séreuse, 
les  orifices  de  communication  ;  il  est  donc  fort  probable  qu’ils  ne  sont 
pas  béants,  et  qu'ils  s’ouvrent  au  moment  où  des  corps  étrangers  s’y 
engagent. 

On  rencontre  toujours  des  globules  blancs  ou  globules  lymphatiques 
dans  le  liquide  des  sacs  séreux,  et  ce  liquide  possède  les  caractères  de  la 
lymphe,  entre  autres,  celui  de  contenir  de  la  substance  fibrinogène,  qui 
forme  de  la  fibrine  au  contact  de  l’air,  ou  bien  quand  on  y  ajoute  des 
globules  rouges  du  sang.  (Kühne.)  Chez  la  grenouille,  il  y  a,  sous  la  peau, 
de  vastes  sacs  recouverts  d’un  endothélium,  qui  ont  tous  les  caractères 
des  membranes  séreuses,  et  qui  communiquent  largement  avec  le  système 
lymphatique.  Lorsque  l’on  injecte  du  bleu  d’aniline  granuleux  ou  du 
vermillon  porphyrisé  dans  ces  sacs  lymphatiques,  les  globules  blancs  qui 
y  sont  contenus  se  chargent  de  ces  granulations  colorées  et  les  transpor¬ 
tent  dans  le  sang  (Cohnheim);  de  telle  sorte  que,  peu  de  temps  après 


ÉPITHÉLIUM.  -  ÉPITHÉLIÜMS  A  CELLULES  PLATES.  689 

l’injection,  il  y  a  dans  le  sang  un  très-grand  nombre  de  globules  blancs 
remplis  de  ces  granulations. 

Il  est  vraisemblable  que,  chez  les  mammifères,  aussi  bien  que  chez  la 
grenouille,  les  globules  blancs  ne  séjournent  pas  dans  les  sacs  séreux,  et 
que,  sortis  du  sang,  ils  peuvent  y  rentrer  après  avoir  parcouru  la  voie 
sinueuse  des  lymphatiques. 

Ces  faits  montrent  que  les  endothéliums  des  séreuses,  des  vaisseaux 
lymphatiques  et  des  vaisseaux  sanguins  forment  un  revêtement  continu. 
Mais  cette  continuité  ne  suffirait  pas  pour  établir  une  analogie  d’espèce 
entre  ces  différents  épithéliums,  car  un  revêtement  endothélial  peut  faire 
suite  sur  une  même  surface  à  un  épithélium  d’une  espèce  bien  différente. 
C’est  ainsi  qu’à  l’endothélium  péritonéal  fait  suite,  sur  le  pavillon  de  la 
trompe  utérine,  un  épithélium  à  cils  vibratiles.  De  même  l’ovaire,  placé 
comme  on  le  sait  dans  la  cavité  péritonéale,  est  recouvert  de  cellules 
cylindriques  qui  succèdent  brusquement  aux  cellules  plates  du  reste  de  la 
séreuse.  (Waldeyer.) 

Dans  le  poumon,  l’endothélium  des  vésicules  pulmonaires  est  remplacé 
dansles  petites  bronches  par  un  épithélium  à  cils  vibratiles, et  celui-ci,  sepour- 
suivant  dans  la  trachée  et  dans  le  larynx,  se  continue  avec  l’épithélium  pavi- 
menteux  du  pharynx,  de  la  bouche,  des  lèvres  et  de  la  peau.  La  continuité 
des  épithéliums  ne  prouve  donc  rien  en  faveur  de  leur  analogie  d’espèce. 

Les  modifications  pathologiques  des  endothéliums  sont  nombreuses  ;  il 
convient  d’étudier  d’abord  celles  qu’y  détermine  l’inflammation.  En 
commun  avec  V.  Cornil,  j’ai  fait  à  ce  sujet  des  recherches  expérimentales, 
dont  les  résultats  sont  préférables  à  ceux  que  donnerait  l’observation 
simple  des  faits  analogues  qui  se  rencontrent  accidentellement  chez 
l’homme,  parce  que  les  cellules  endothéliales  sont  si  délicates  que  24 
heures  après  la  mort,  elles  sont  complètement  modifiées;  la  plupart  d’en¬ 
tre  elles  sont  même  détachées  et  flottent  dans  la  cavité  séreuse.  De  plus, 
on  peut  sacrifier  les  animaux  aux  différentes  phases  de  l’inflammation  et 
relier  ensuite  les  phénomènes  observés. 

Sous  l’influence  d’une  inflammation  provoquée  par  une  injection  irri¬ 
tante  dans  le  péritoine,  on  voit  survenir  d’abord  un  gonflement  des  cel¬ 
lules  endothéliales  ;  elles  deviennent  granuleuses  ;  leurs  noyaux  plats 
prennent  une  forme  sphérique,  puis  se  divisent.  Alors  les  cellules  deve¬ 
nues  globuleuses  se  divisent  à  leur  tour.  Beaucoup  d’entre  elles  se  déta¬ 
chent  complètement  de  la  surface  sur  laquelle  elles  reposaient,  tombent 
dans  la  cavité  péritonéale  et  se  mélangent  à  de  nombreux  globules  blancs 
sortis  des  vaisseaux.  Dans  le  cas  où  le  mouvement  inflammatoire  est  ar¬ 
rêté,  ces  cellules  libres,  qui  ne  se  distinguent  plus  nettement  des  glo¬ 
bules  blancs,  se  fixent  sur  les  surfaces  de  la  séreuse,  puis  s’y  étalent  et 
forment  de  nouveau  un  revêtement  épithélial  complet. 

On  trouve  là  une  application  très-simple  de  la  loi  qui  régit  toutes  les 
néoformations  inflammatoires  :  Les  éléments  cellulaires  reviennent  à 
Vétat  embryonnaire  sous  l’influence  de  l’irritation,  et,  lorsque  celle-ci  a 
disparu,  les  cellules  embryonnaires  reforment  le  tissu  primitif. 


690  ÉPITHÉLIUM.  —  épithéliums  a  cellules  plates. 

Dans  les  inflammations  fibrineuses  des  membranes  séreuses,  si  com¬ 
munes  dans  la  plèvre  et  le  péricarde,  le  liquide  exsudé  contient  beaucoup 
de  substance  fibrinogène  qui  donne  naissance  à  de  la  fibrine  sur  la  paroi 
de  la  cavité  ;  mais,  pour  que  la  fibrine  se  forme,  il  faut,  suivant  la  théorie 
de  A.  Schmidt,  que  la  matière  fibrinogène  se  combine  à  une  autre  sub¬ 
stance  albuminoïde,  qui  se  trouve  retenue  dans  les  globules  rouges  du 
sang  (paraglobuline  de  Kûhne)  et  dans  d’autres  éléments  anatomiques. 
A  l’état  normal,  la  matière  fibrinogène  contenue  dans  la  sérosité  du  péri¬ 
carde  et  dans  celle  des  cavités  séreuses  ne  produit  pas  de  fibrine,  parce 
qu’elle  est  seulement  en  contact  avec  les  cellules  endothéliales.  Mais  si, 
comme  cela  arrive  dans  la  péricardite  et  la  pleurésie,  ces  cellules  sont 
gonflées  et  même  détachées  de  la  surface  qu’elles  recouvraient,  la  sub¬ 
stance  fibrinogène  trouve  dans  la  séreuse  dénudée  de  la  substance  fibrino- 
plastique  et  produit  de  la  fibrine.  Cette  interprétation  est  la  seule  qui 
soit  vraisemblable  dans  l’état  actuel  de  la  science  ;  elle  fait  comprendre 
pourquoi  la  fibrine  se  dépose  principalement  surles  surfaces  enflammées, 
pour  y  former  ces  couches  épaisses  et  caractéristiques.  C’est  au  milieu  de 
la  fibrine  déposée  que  l’on  retrouve  les  cellules  endothéliales  ;  elles  se 
sont  gonflées,  mais  beaucoup  d’entre  elles  ont  conservé  un  certain  degré 
d’aplatissement.  Elles  ont  alors  des  formes  bizarres,  contiennent  parfois 
un  très-grand  nombre  de  noyaux  et  ressemblent  aux  grandes  cellules 
mères  de  la  moelle  des  os  (myéloplaxes) .  A  côté  de  ces  cellules,  il  existe 
toujours  des  globules  blancs,  ou  globules  de  pus.  Ces  divers  éléments 
cellulaires  forment  des  sortes  de  lits  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
couches  de  fibrine. 

La  pneumonie  fibrineuse  nous  montre  en  petit  dans  chaque  alvéole 
pulmonaire  des  phénomènes  du  même  genre.  Mais  c’est  surtout  dans  la 
pneumonie  catarrhale  que  l’on  voit  les  cellules  endothéliales  des  vésicules 
pulmonaires  jouer  un  rôle  important.  Elles  se  gonflent,  leurs  noyaux  se 
multiplient;  puis  elles  se  divisent  à  leur  tour,  tombent  dans  la  cavité 
alvéolaire  où  elles  subissent  la  transformation  graisseuse  et  sont  alors 
expulsées  avec  du  mucus  et  des  globules  de  pus  dans  les  crachats. 

Dans  l’endartérite  et  l’endophlébite,  le  rôle  de  l’épithélium  n’est  pas 
encore  connu  ;  cependant  nous  savons  qu’il  suffit  qu’un  vaisseau  sanguin 
en  soit  dépouillé  pour  que  le  sang  s’y  coagule.  Ce  n’est  pas  assurément 
la  seule  cause  de  la  thrombose,  mais  c’est  une  de  ses  conditions  les  plus 
importantes  ;  aussi  admet-on  que  l’endothélium  vasculaire  empêche  à 
l’état  physiologique  la  fibrine  de  se  former  sur  les  parois  des  vaisseaux 
(Brücke),  et  l’on  suppose  à  cet  endothélium  une  action  spéciale,  mais 
inconnue  dans  son  essence.  Il  est  bien  clair  qu’il  s’agit  là  d’une  simple 
hypothèse. 

Lorsque  le  sang  se  coagule  dans  une  artère  ou  dans  une  veine  à  la  suite 
d’une  ligature,  ou  bien  lorsqu’il  s’est  produit  une  thrombose  spontanée, 
le  caillot  est  bientôt  remplacé  par  une  masse  fibreuse  et  vasculaire  qui 
semble  résulter  d’une  organisation  directe  du  thrombus.  Otto  Weber 
croyait  que  la  néoformation  avait  pour  point  de  départ  les  globules 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPITHÉLIUMS  A  CELLULES  PLATES.  691 

blancs  emprisonnés  au  milieu  de  la  fibrine.  J’ai  repris  les  expériences  de 
ce  physiologiste  et  elles  m’ont  donné  des  résultats  bien  différents.  Le 
point  de  départ  de  la  néoformation  est  très-probablement  dans  les  cel¬ 
lules  endothéliales  du  vaisseau,  et  c’est  pour  cela  que  ces  phénomènes 
trouvent  naturellement  leur  place  dans  cette  description. 

Lorsqu’un  thrombus  s’est  formé  dans  un  vaisseau  et  qu’il  marche  vers 
l’organisation,  les  cellules  endothéliales  se  gonflent,  se  multiplient  et 
forment  un  lit  continu  dont  l’épaisseur  s’accroît  d’une  manière  progres¬ 
sive  et  irrégulière  à  mesure  que  le  caillot  se  résorbe. 

Il  en  résulte  des  espèces  de  bourgeons  appliqués  sur  la  tunique  interne 
restée  intacte,  et  toujours  distincts  de  la  masse  du  caillot.  Chez  le  chien, 
c’est  du  dixième  au  quinzième  jour  que  ces  phénomènes  sont  bien  marqués. 

Dans  l’inflammation,  les  cellules  endothéliales  qui  forment  la  paroi  des 
capillaires  subissent  aussi  des  altérations  du  même  genre;  elles  font  com¬ 
prendre  plusieurs  phénomènes  morbides,  tels  que  la  sortie  des  globules 
blancs  du  sang,  les  néoformations  de  capillaires  et  les  hémorrhagies  qui 
surviennent  dans  le  processus  inflammatoire. 

Comme  on  l’a  vu  plus  haut,  les  cellules  des  vaisseaux  capillaires  sont 
plates  et  soudées  les  unes  aux  autres.  Dans  les  parties  enflammées,  ces 
cellules  se  gonflent,  leurs  noyaux  deviennent  globuleux,  elles  ne  sont  plus 
que  faiblement  unies  les  unes  aux  autres,  et  finalement  elles  se  multiplient. 
On  conçoit  que,  dans  un  pareil  état,  véritable  retour  à  l’état  embryon¬ 
naire  (car  pendant  la  période  de  leur  développement  ils  présentent  cette 
structure),  les  capillaires  sanguins  puissent  laisser  passer  les  globules 
blancs  du  sang  entre  les  cellules  désunies  qui  les  forment,  subir  des  dila¬ 
tations  régulières  ou  irrégulières  suivant  l’étendue  du  processus  )sur  un 
même  vaisseau,  et  finalement  se  rompre  en  donnant  lieu  à  une  hémorrha¬ 
gie  plus  ou  moins  étendue. 

Les  capillaires  devenus  embryonnaires  sous  l’influence  de  l’irritation 
peuvent,  comme  les  capillaires  embryonnaires  physiologiques,  fournir 
des  bourgeons  de  cellules,  qui  partent  de  leurs  parois,  s’étendent,  se 
creusent,  et,  s’unissant  avec  des  bourgeons  semblables  venus  d’autres 
points,  construisent  un  réseau  complet  de  nouvelle  formation.  Ainsi  se 
développent  les  vaisseaux  des  bourgeons  charnus.  D’après  ma  propre  ob¬ 
servation,  toutes  les  néoformations  vasculaires  pathologiques  se  produi¬ 
raient  par  ce  mécanisme. 

Dans  les  sarcomes  embryonnaires  ou  encéphaloïdes  et  dans  les  sarco¬ 
mes  fasciculés  mous,  les  cellules  qui  limitent  les  vaisseaux  capillaireSj 
endothéliales  par  leur  situation,  ne  diffèrent  pas,  le  plus  souvent,  des 
cellules  qui  forment  la  masse  morbide  tout  entière.  Il  y  a  là  un  véritable 
système  lacunaire  pour  la  circulation  du  sang.  Dans  les  bourgeons  char¬ 
nus,  au  moment  où  ils  se  développent  d’une  manière  active,  les  cellules 
des  vaisseaux  sanguins  sont  semblables  à  celles  qui  forment  le  corps  des 
bourgeons  ;  plus  tard,  lorsque  l’organisation  se  complète,  elles  se  diffé¬ 
rencient  et  prennent  une  forme  franchement  endothéliale. 

On  a  vu  les  endothéliums  des  séreuses  et  des  vaisseaux  concourir  pour 


692  ÉPITHÉLIUM.  —  épithélioms  PAVIMESTEUX  STR,ITIFIÉS, 

leur  part  aux  néoformations  inflammatoires  ;  leur  rôle  n’est  pas  moins 

actif  dans  le  développement  des  tumeurs. 

D’après  Rindfleisch,  les  granulations  tuberculeuses  des  membranes  sé¬ 
reuses  emprunteraient  une  partie  de  leurs  éléments  aux  endothéliums 
proliférés  ;  il  a  suivi  ce  processus  sur  le  grand  épiploon  et  donne  comme 
preuve  à  l’appui  de  cette  manière  de  voir  ce  fait  que,  sur  les  plus  fines 
travées  du  grand  épiploon,  il  n’y  a  pas  d’autres  éléments  cellulaires  que 
les  cellules  endothéliales  qui  les  recouvrent.  Il  convient  d’ajouter  que  ces 
travées  ne  contiennent  pas  de  vaisseaux  et  que,  par  conséquent,  les  cellules 
delà  granulation  tuberculeuse  ne  peuvent  venir  directement  du  sang, 
comme  on  peut  le  supposer  dans  d’autres  parties  de  l’organisme. 

,  Les  cellules  épithéliales  des  vésicules  pulmonaires  participent  d’une 
manière  bien  évidente  à  la  formation  des  tubercules.  Une  granulation 
grise,  lorsqu’elle  atteint  plusieurs  millimètres  de  diamètre,  correspond  à 
plusieurs  vésicules  pulmonaires,  et  lorsqu’on  en  examine  une  coupe  au 
microscope,  on  retrouve  au  milieu  du  tissu  de  la  granulation  les  travées 
inter-alvéolaires. 

Les  autres  néoplasmes  développés  dans  le  poumon  se  forment  aussi 
dans  les  vésicules,  même  le  sarcome.  Au  début,  les  cellules  endothéliales 
se  multiplient;  il  est  probable  que  des  globules  blancs  sortis  des  vaisseaux 
viennent  s’ajouter  aux  éléments  cellulaires  jeunes  qui  proviennent  delà 
division  des  cellules  épithéliales;  à  ce  moment,  les  vésicules  sont  remplies 
de  tissu  embryonnaire  et  les  travées  élastiques  des  cloisons  se  retrouvent 
encore,  au  milieu  du  jeune  tissu  :  puis  elles  disparaissent,  et  il  ne  reste 
plus  qu’une  masse  embryonnaire  et  vasculaire  aux  dépens  de  laquelle  se 
formera  le  nouveau  tissu  pathologique  ;  c’est  du  moins  ainsi  que  les  choses 
semblent  se  passer. 

Ces  différents  phénomènes  pathologiques  montrent  qu’il  y  a  entre  les 
cellules  des  endothéliums  et  celles  du  tissu  conjonctif  une  grande  analo¬ 
gie,  comme  la  simple  morphologie  le  faisait  déjà  pressentir. 

II.  Épithêliams  pa'vim.en.teux  stratifiés.  —  Si  l’on  excepte  les 
endothéliums  et  les  épithéliums  glandulaires,  tous  les  épithéliums  ayant 
la  forme  d’un  pavé  sont  stratifiés,  c’est-à-dire  composés  de  plusieurs 
couches  de  cellules  (fig.  116). 

Ils  recouvrent  la  peau,  la  conjonctive,  la  cornée,  le  vestibule  des  fosses 
nasales,  les  lèvres,  la  bouche,  le  pharynx,  les  cordes  vocales  inférieures, 
le  gland,  l’urèthre,  la  vessie,  les  urétères,  les  calices,  les  bassinets  et  le 
vagin.  Sur  ces  muqueuses,  ils  sont  toujours  humides,  et  leur  surface  reste 
molle.  Sur  la  peau,  leur  couche  superficielle  se  dessèche,  devient  solide 
et  forme  la  couche  cornée,  ou  épiderme  proprement  dit.  Comme  annexes 
de  l’épiderme,  on  décrit,  avec  raison,  les  ongles  et  les  poils  qui  sont 
formés  de  cellules  épidermiques  soudées  solidement  les  unes  aux 
autres. 

Mais  la  portion  profonde  de  l’épiderme  ou  corps  muqueux  de  Malpighi 
est  constituée  de  la  même  façon  que  les  épithéliums  pavimenteux  strati¬ 
fiés  muqueux,  de  telle  sorte  que  l’on  peut  les  confondre  dans  une  même 


ÉPITHÉLIUM.  -  ÉPITHÉLIUMS  PAVIMEîiTEUX  STRATIFIÉS.  693 

description  générale.  Certains  faits  pathologiques  viennent  encore  ajou¬ 
ter  à  cette  analogie.  Lorsqu’un  épithélium  muqueu.x  stratifié  est  exposé 


couche  épaisse  de  petites  cellules  cylindriques  r,  r;  elles 
u’on  s'éloigne  de  la  papille,  et  deviennent  polygonales.  — 
hes  de  cellules  aplaties  et  épaisses.  —  S,  S,  Canal  d’une 
at  :  300  diamètres.  (Pathologie  cellulaire  de  Virchow.) 


d’une  manière  constante  à  l’action  de  l’air,  comme  cela  arrive  dans 


l’ectropion,  il  produit  à  sa  surface 
une  couche  cornée,  il  devient  un 
véritable  épiderme. 

Les  cellules  profondes  des  épi¬ 
théliums  pavimenteux  stratifiés,  sauf 
celles  de  la  cornée,  présentent  sur 
leur  surface,  quelle  que  soit,  du  reste, 
leur  dimension ,  des  dentelures  qui 
s’engrènent  avec  les  dents  semblables 


des  cellules  voisines  (fig.  117).  Nous 
devons  la  connaissance  de  ce  fait  in¬ 
téressant  au  professeur  M.  Schultze. 
Il  est  très-difficile  d’isoler  les  cellules 


Fig.  in.  —  Cellules  de  la  couche  moyenne  de 
l’épithélium  de  la  langue  humaine;  ces 
cellules  s’engrènent  par  des  dents  et  par  des 
crêtes.  (Figure  empruntée  à  Kœlliker.) 


dentelées,  mais  j’y  suis  quelquefois  parvenu  en  abandonnant  pendant 
quelques  jours  sous  une  cloche  des  fragments  de  peau  ou  de  muqueuse. 
On  peut  alors  détacher  les  cellules  en  raclant  avec  un  scalpel.  Mais,  pour 


694  ÉPITHÉLIUM.  —  épithélidhs  pavihenteux  stratifiés. 

observer  les  dentelures,  il  vaut  bien  mieux  étudier  les  cellules  en  place, 
sur  des  coupes  très-minces,  faites  après  durcissement,  dans  une  solution 
d’acide  chromique  au  5/1000.  Pour  bien  voir  la  forme  des  dentelures,  il 
faut  employer,  pour  l’examen,  un  grossissement  de  400  à  600  diamètres, 
et  choisir  une  lentille  à  grand  angle  d’ouverture  ;  avec  un  objectif  im¬ 
parfait,  tel  qu’on  les  fabriquait  autrefois,  les  dentelures  ne  sont  pas 
distinctes,  et  la  limite  des  cellules  n’apparaît  pas.  C’est  la  raison  pour 
laquelle  quelques  micrographes  ont  décrit,  dans  la  partie  profonde  de  ces 
épithéliums,  une  couche  granuleuse  parsemée  de  noyaux.  Même  dans  la 
première  rangée,  qui  repose  sur  les  papilles  du  derme  et  des  muqueuses, 
les  cellules  sont  fort  nettes  et  présentent  des  dentelures  sur  leurs  bords. 

Les  dentelures  correspondent  à  des  saillies  véritablement  en  forme  de 
dents  ou  à  des  crêtes  disposées  à  la  surface  de  la  cellule.  Les  cellules 
dentelées  ne  paraissent  pas  avoir  de  membrane,  mais,  en  vieillissant, 
elles  en  acquièrent  une.  Les  cellules  superficielles  de  la  paroi  buccale, 
par  exemple,  en  sont  pourvues.  Lorsque  avec  l’ongle,  on  racle  la  surface 
interne  de  la  joue,  on  en  retire  un  liquide  muqueux  blanchâtre  chargé 
des  grandes  cellules  plates  de  la  surface  de  la  muqueuse.  Ces  cellules  pa¬ 
raissent  formées  par  une  plaque  à  contour. sinueux;  elles  contiennent  un 
noyau  ovalaire  autour  duquel  sont  groupées  des  granulations  ;  sur  le  bord 
de  cet  élément,  on  n’observe  pas  le  double  contour  considéré  comme  ca¬ 
ractéristique  d’une  membrane  cellulaire.  Mais,  si  l’on  ajoute  à  la  prépara¬ 
tion  de  la  potasse  à  40/100,  et  qu’ensuite  on  la  neutralise  par  une  addition 
d’acide  acétique,  la  cellule,  d’abord  gonflée  par  l’alcali,  se  remplit  de 
fines  granulations,  et,  autour  de  la  masse  qu’elles  forment,  on  aperçoit 
une  membrane  claire  avec  le  double  contour  caractéristique. 

Les  dents  ou  les  crêtes  des  cellules  épithéliales  sont  bien  plus  longues 
dans  les  cellules  de  la  première  rangée  que  dans  les  suivantes.  A  mesure 
que  la  cellule  s’agrandit,  elles  s’effacent  peu  à  peu,  et  disparaissent  com¬ 
plètement  dans  les  couches  superficielles  du  corps  muqueux  de  Malpighi 
et  des  épithéliums  pavimenteux  stratifiés  muqueux. 

Ces  cellules  dentelées  ont  un  contenu  finement  granuleux  ;  celles  qui 
forment  les  premières  rangées  du  corps  muqueux  de  Malpighi  contien¬ 
nent  des  granulations  pigmentaires  brunes,  dont  le  nombre  et  le  volume 
sont  en  rapport  avec  la  coloration  plus  ou  moins  foncée  de  l’individu. 

Les  noyaux  des  cellules  profondes  sont  ovalaires,  clairs.  Ils  possèdent  à 
leur  limite  un  double  contour  bien  marqué,  et  contiennent  un  ou  plusieurs 
nucléoles  sphériques,  réfringents,  ayant  plus  d’un  millième  de  millimètre 
de  diamètre.  Dans  l’épiderme,  les  noyaux  des  cellules  moyennes  sont 
sphériques.  Ils  n’ont  plus  de  double  contour  bien  marqué;  ils  sont  plus 
petits,  et  leurs  nucléoles  sont  moins  visibles,  moins  gros  et  moins  ré¬ 
guliers  que  dans  la  couche  précédente. 

Dans  les  épithéliums  muqueux,  les  noyaux  de  la  couche  correspon¬ 
dante  sont  également  sphériques,  mais  leurs  nucléoles  restent  bien  ac¬ 
cusés.  Lorsque  les  cellules  de  ces  derniers  épithéliums,  arrivées  à  la 
surface  du  revêtement,  s’aplatissent,  leurs  noyaux  subissent  aussi  un 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPITHFXICHS  PAVIMENTEÜX  STRATIFIÉS.  695 

aplatissement,  ils  sont  alors  lenticulaires  et  paraissent  ovales  quand  ils 
sont  vus  de  face;  quand  ils  se  présentent  de  profil,  au  contraire,  ils  pa¬ 
raissent  très-allongés. 

A  la  surface  du  corps  muqueux  de  Malpighi,  les  noyaux  des  cellules 
plates  qui  subissent  déjà  un  commencement  de  dessiccation  s’atrophient, 
deviennent  anguleux,  se  résolvent  en  granules,  et  finalement  disparais¬ 
sent.  A  cet  état,  ils  ne  fixent  plus  facilement  le  carmin,  comme  le  font  les 
noyaux  des  couches  sous-jacentes;  il  devient  difficile  de  les  colorer,  et, 
par  conséquent,  de  les  bien  voir.  On  peut  cependant  y  parvenir  ;  pour 
cela,  il  faut  faire  durcir  la  peau  dans  de  l’alcool  à  40  degrés,  y  pratiquer 
des  coupes  transversales  très-fines,  les  colorer  dans  le  picrocarminate 
d’ammoniaque  et  les  examiner  dans  la  glycérine. 

Lorsque  les  cellules  ont  subi  la  transformation  cornée,  comme  dans 
l’épiderme  proprement  dit,  les  ongles  et  les  poils,  on  n’y  trouve  plus  trace 
de  noyau.  Elles  ont  alors  la  forme  d’une  écaille,  et  paraissent  complète¬ 
ment  homogènes.  Elles  sont  si  solidement  soudées  entre  elles  que,  pour 
les  dégager,  il  est  nécessaire  d’employer  la  potasse  caustique  ou  l’acide 
sulfurique  concentré.  Encore  la  dissociation  ne  s’opère- t-elle  pas  à  froid; 
pour  l’obtenir,  il  faut  élever  la  température  à  plus  de  100  degrés.  Cette 
réaction  puissante  ne  détruit  pas  les  cellules  cornées,  elle  attaque  seule¬ 
ment  la  substance  qui  les  unit;  elle  démontre  la  grande  solidité  à  laquelle 
sont  parvenues  ces  cellules  au  terme  de  leur  évolution. 

En  décrivant  les  cellules  des  épithéliums  pavimenteux  stratifiés ,  il  m'a 
été  impossible  de  ne  pas  parler  de  leur  agencement,  c’est-à-dire  qu’il  m’a 
fallu  entrer  dans  la  description  du  tissu  qu’elles  forment  par  leur  réu¬ 
nion.  Pour  achever  l’étude  de  ce  tissu,  il  me  reste  peu  de  choses  à  dire. 

Qu’il  recouvre  des  papilles  ou  des  surfaces  planes  ,  le  revêtement  pavi¬ 
menteux  stratifié  se  présente  avec  le  même  aspect.  La  première  rangée 
de  cellules  commence  brusquement;  elle  repose  sur  une  couche  condensée 
de  tissu  conjonctif,  dont  les  faisceaux  de  fibrilles  devenus  très-minces 
s’entre-croisent  pour  former  un  treillis  très-serré.  On  ne  sait  pas  si  ces 
faisceaux  de  tissu  conjonctif  sont  reliés  là  par  une  membrane,  mais  c’est 
peu  probable  ;  on  ne  voit  rien  d’analogue  ;  on  ne  distingue  pas  davantage 
de  basement  membrane. 

L’épithélium  semble  donc  clore  à  la  surface  les  espaces  compris  entre 
les  fibres  du  tissu  conjonctif.  On  ne  sait  pas  encore  aujourd’hui  d’une 
manière  précise  comment  est  établie  l’adhérence  si  forte  entre  les  pre¬ 
mières  cellules  du  revêtement  épithélial  et  le  tissu  conjonctif  sur  lequel 
il  repose.  Il  est  probable  cependant  que  le  tissu  conjonctif  envoie  des 
prolongements  très-fins  dans  le  ciment  intercellulaire  ;  c’est  du  moins 
ce  que  semblent  prouver  certains  faits  pathologiques  dont  je  donnerai 
plus  loin  la  description  ;  mais,  sur  les  téguments  normaux,  il  est  en¬ 
core  impossible,  à  l’aide  des  méthodes  usuelles ,  d’observer  cette  dis¬ 
position. 

L’union  des  cellules  est  assurée  dans  les  couches  profondes  par  les 
dentelures  dentelles  sont  munies  et  par  le  ciment  intercellulaire;  dans 


696  ÉPITHÉLIUM.  -  KPITHÉLIOMS  PAVIMENTEDX  STRATIFIÉS. 

les  couches  moyennes,  le  ciment  prend  plus  de  solidité  et  les  dentelures 
s’effacent.  Arrivées  au  terme  de  leur  évolution,  les  cellules  se  détachent 
ou  subissent  la  transformation  cornée.  Dans  ce  dernier  cas,  le  ciment, 
desséché  comme  les  cellules,  les  fond  en  une  seule  masse  ;  aussi ,  quand 
on  examine  une  coupe  transversale  de  l’épiderme,  d’un  ongle  ou  d’un 
poil,  on  ne  distingue  pas  la  limite  des  cellules  ;  on  aperçoit  simplement 
une  matière  homogène  parcourue  par  des  stries  qui  la  divisent  en  lits  su¬ 
perposés. 

Je  n’entre  pas  ici  dans  de  plus  grands  détails  sur  l’épiderme  et  les  au¬ 
tres  produits  épidermiques,  parce  que  leur  histoire  complète  sera  pré¬ 
sentée  à  propos  de  la  peau.  {Voy.  art.  Peau.)  Dans  le  même  article,  il 
sera  question  de  l’épaisseur  de  l’épiderme  dans  les  diverses  régions  du 
corps. 

Il  ne  sera  pas  ici  question  non  plus  du  cristallin,  bien  qu’il  se  déve¬ 
loppe  aux  dépens  du  feuillet  épidermique  du  blastoderme  et  que  ses 
fibres  soient  des  cellules  épithéliales  transformées  ;  cet  organe  exige  une 
description  toute  spéciale.  (Voy.  art.  Cristallin.) 

Le  rôle  physiologique  des  épithéliums  pavimenteux  stratifiés  est  essen¬ 
tiellement  protecteur.  On  les  trouve  sur  tous  les  organes  qui  sont  habi¬ 
tuellement  soumis  aux  irritants  mécaniques,  comme  la  peau,  la  bouche, 
le  pharynx,  les  cordes  vocales,  etc.,  et  sur  le  trajet  des  urines. 

Lorsqu’elles  ont  achevé  leur  évolution,  les  cellules  de  ces  épithéliums 
ne  forment  pas,  comme  les  cellules  glandulaires ,  des  produits  utiles  à 
l’organisme,  elles  se  détachent  et  rentrent  dans  le  monde  extérieur. 

L&pathologie  des  épithéliums  pavimenteux  stratifiés  est  fort  importante. 
Elle  comprend  les  modifications  nutritives,  formatives,  les  reproductions 
et  les  néoformations  hétérotopiques  de  ces  épithéliums.  Les  parasites 
végétaux  de  la  peau ,  c’est-à-dire  de  l’épiderme,  lui  appartiennent  aussi. 
Je  n’ai  pas  du  tout  l’intention  de  remplir  ici  un  cadre  aussi  étendu,  j’ex¬ 
poserai  seulement  ce  qu’il  y  a  de  plus  général  dans  cette  pathologie  ;  on 
trouvera  le  reste  dans  les  articles  spéciaux  de  cet  ouvrage. 

Les  lésions  élémentaires  des  épithéliums  pavimenteux  stratifiés  n’ont 
pas  encore  été  beaucoup  étudiées.  Il  en  est  à  peine  question  dans  les 
traités  d’histologie  pathologique.  Je  serai  forcé  d’avoir  souvent  recours  à 
mon  observation  personnelle,  et,  comme  on  le  verra,  elle  est  restée  bien 
incomplète  sur  un  grand  nombre  de  points. 

Les  modifications  des  cellules  sont  les  suivantes  : 

La  transformation  séreuse  des  cellules,  qui  s’observe  dans  les  vésicules 
de  la  peau,  des  lèvres  et  de  la  bouche  (pemphigus,  herpès,  eczéma). 
Quand  on  ouvre  une  de  ces  vésicules  et  qu'on  en  examine  le  contenu  au 
microscope,  on  y  trouve  des  globules  de  pus  et  des  cellules  épithéliales 
devenues  hydropiques  pour  ainsi  dire  ;  elles  sont  sphériques  ou  ovoïdes , 
claires,  et  leurs  noyaux  apparaissent  entourés  d’une  zone  obscure  pro¬ 
duite  par  un  jeu  de  la  lumière. 

A  côté  de  cette  modification,  il  convient  d’en  placer  une  autre  qui 
porte  sur  le  noyau  et  que  j’ai  décrite  il  y  a  plusieurs  années  ;  elle  consiste 


ÉPITHÉLIUM.  -  ÉPITHÉLIUMS  P.lVIHEKTEÜX  STRATIFIÉS. 


G97 


dans  une  dilatation  du  nucléole.  Celui-ci  se  transforme  en  une  vésicule 
transparente,  peu  réfringente ,  qui 
s’agrandit  d’une  manière  progres¬ 
sive  jusqu’à  la  rupture. 

Dans  une  première  période  de 
cette  altération,  le  noyau,  vu  de 
profil ,  ressemble  à  un  croissant, 
plus  tard  il  est  détruit.  La  cellule 
cesse  alors  d’évoluer  et  meurt.  Cette 
transformation  des  cellules  épithé-  fig.  ti8.  —  Couche  moyenne  du  corps  mu- 
liales  est  fort  commune,  on  la  ren-  queux  de  Malpighi.  —  lésion  des  cellules  qui 
contre  dons  toutes  les  maladies  ir- 

ritatives  de  la  peau  ;  au  voisinage  dilaté.  —  5  et  4,  Noyaux  avec  nucléole  très- 
des  plaies,  des  ulcères,  des  tumeurs,  distendus, 
dans  l’érythème,  l’érysipèle,  l’ec¬ 
zéma,  la  zone  érythémateuse  des  pustules  de  la  variole  et  des  autres 
pustules,  etc.  C’est  elle  qui  détermine  la  desquamation. 

Jusqu’ici,  ce  dernier  phénomène  n’avait  pas  été  expliqué.  Il  se  produit, 
comme  on  le  sait,  à  la  suite  de  toutes  les  inflammations  de  la  peau,  et  il 
survient  lorsque  la  guérison  est  opérée  ou  bien  à  la  fin  de  l’évolution 
inflammatoire.  La  desquamation  se  montre  donc  lorsque  les  couches  pro¬ 
fondes,  modifiées  par  l’irritation,  sont  arrivées  dans  leur  évolution  pro¬ 
gressive  jusqu’à  la  couche  cornée.  Or,  si  à  ce  moment  les  cellules  sont 
devenues  inactives,  c’est-à-dire  si  elles  ne  peuvent  pas  former  la  sub¬ 
stance  cornée  ou  kératine  nécessaire  pour  consolider  l’épiderme  vrai, 
celui-ci  se  détache  par  plaques  ou  par  écailles  ;  et  c’est  là  ce  qui  consti¬ 
tue  la  desquamation. 

Il  est  très-facile  de  suivre  toutes  les  phases  de  ce  processus.  L’altéra¬ 
tion  débute  toujours  par  la  première  rangée  de  cellules,  elle  se  montre 
ensuite  dans  les  couches  voisines  ;  à  la  fin  du  processus,  les  cellules  pro¬ 
fondes  peuvent  être  normales,  tandis  que  les  moyennes  sont  altérées. 
Lorsque  les  cellules  malades  arrivent  à  la  couche  cornée,  elles  sont  déjà 
en  partie  détruites,  et  l’on  trouve  en  ce  point,  au  moment  où  la  desqua¬ 
mation  se  produit,  des  îlots  allongés,  plus  ou  moins  étendus  et  formés  par 
des  cellules  dissociées  sans  noyaux  et  des  débris  de  cellules. 

Je  passe  sous  silence  les  explications  antérieures  de  la  desquamation, 
parce  qu’elles  ne  reposent  pas,  comme  la  précédente,  sur  l’observation 
directe  des  faits. 

L’épiderme  n’e.st  pas  seul  soumis  à  ce  processus  ;  il  est  jirobable  qu’il 
se  produit  dans  tous  les  autres  épithéliums  pavimenteux  stratifiés.  Je 
l’ai  observé  sur  la  muqueuse  buccale,  la  langue,  le  larynx,  au  voisinage 
de  tumeurs  irritées  et  sur  le  bord  d’ulcérations. 

Une  autre  altération  nutritive  des  cellules  épidermiques  consi.ste  dans 
une  pigmentation  anormale.  Elle  est  locale  ou  généralisée.  La  teinte 
foncée  que  prend  alors  la  peau  (maladie  bronzée,  mélanodermie  de  la 
misère,  cicatrices  pigmentées,  nævi  pigmentaires)  est  due  à  ce  que  les 


698  EPlTHELilIM.  —  épithélidms  pavimenteüx  stratifiés. 

cellules  profondes  du  corps  muqueux  sont  chargées  de  granulations  pig¬ 
mentaires  comme  chez  le  nègre.  Par  contre,  la  couleur  ardoisée  que 
prend  la  peau  à  la  suite  de  l’administration  prolongée  du  nitrate  d’ar¬ 


gent  serait  due  à  la  production 
d’argent  réduit  dans  le  chorion  du 
derme.  (Fromann.) 

Une  modification  bien  intéres¬ 
sante  des  cellules  épithéliales  est 
celle  que  E.  Wagner  a  découverte 
et  bien  décrite  dans  l’angine  diph- 
théritique  et  qu’il  a  désignée  sous 
le  nom  de  transformation  fibrineuse 
(fig.  H9).  Cette  altération  consiste 
dans  un  changement  de  la  forme  et 
de  la  composition  des  cellules  épi¬ 
théliales  ;  elles  s’infiltrent  d’une 
substance  albuminoïde,  homogène, 
réfringente,  qui  se  colore  facile¬ 
ment  par  le  carmin  et  qui  a  l’as¬ 
pect  des  masses  vitreuses  formées 
dans  les  fibres  musculaires  sous 


l’influence  des  fièvres  graves.  Lorsque  l’infiltration  est  complète  les 
noyaux  ne  se  voient  plus.  {Voy.  art.  Diphthérie,  par  Lorain  et  Lepine, 
t.  XI,  p.  6Ü4.) 

Cette  lésion  nutritive  est  accompagnée  d’un  changement  dans  la  forme 
des  cellules;  elles  s’étendent,  forment  des  prolongements  ramifiés  comme 
le  bo^  du  cerf  (Wagner),  s’anastomosent  les  unes  avec  les  autres,  et  sont 
tellement  enchevêtrées  que,  dans  la  masse  qu’elles  forment,  elles  ne  sont 
pas  distinctes.  C’est  la  raison  pour  laquelle  on  n’y  avait  vu  d’abord  qu’un 
amas  de  fibrine. 


Pour  former  les  fausses  membranes  du  croup,  des  globules  de  pus  s’a¬ 
joutent  à  ces  cellules. 

Ces  lésions  n’ont  été  jusqu’ici  étudiées  que  dans  le  pharynx  et  le  larynx, 
ils  reste  à  savoir  si  elles  se  rencontrent  pareillement  dans  les  membranes 
diphthéritiquos  de  la  peau. 

Des  phénomènes  de  prolifération  se  montrent  dans  les  cellules  épithé¬ 
liales  de  la  peau,  de  la  bouche,  de  la  vessie,  etc.,  sous  l’influence  de 
l’inflammation  (Virchow,  Buhl,  Remak,  Eberth,  Neumann,  Rindfleisch). 
Ils  consistent  dans  la  multiplication  des  noyaux  et  dans  la  formation  de 
globules  de  pus  à  l’intérieur  des  cellules.  Il  est  impossible  d’observer  la 
division  des  cellules  elles-mêmes.  A  la  base  des  pustules,  notamment  de 
celles  de  la  variole,  sur  le  bord  des  plaies  et  des  ulcères,  on  rencontre  des 
cellules  dont  les  noyaux  sont  en  voie  de  division,  et  d’autres  qui  en  con¬ 
tiennent  deux  ou  un  plus  grand  nombre.  Dans  la  cystite  aiguë  et  chro¬ 
nique,  il  y  a  des  cellules  épithéliales  de  la  vessie  qui  renferment  plusieurs 
noyaux  et  même  des  globules  de  pus  ;  mais  ces  phénomènes  de  multipli- 


ÉPITHÉLIUM.  — ■  ÉPITHÉLIUMS  PAVIUENTEOX  STRATIFIÉS.  699 

cation  des  cellules  épithéliales  semblent  jouer  un  rôle  secondaire  ;  jamais 
ils  ne  sont  très-étendus.  Il  est,  en  effet,  fort  probable  que  la  plus  grande 
partie  du  pus  contenu  dans  les  pustules  de  la  peau,  par  exemple,  provient 
directement  des  vaisseaux,  car,  au  moment  de  la  suppuration,  l’extrémité 
des  papilles  est  dénudée,  et  leurs  capillaires  sanguins  sont  dilatés  et 
embryonnaires.  J’ai  pu  observer  ces  faits  d’une  manière  très-précise  sur 
des  pustules  de  variole,  après  avoir  fait  l’injection  du  système  vasculaire. 

Les  phénomènes  qui  précèdent  et  accompagnent  la  suppuration  dans  les 
pustules  de  variole  sont  assez  complexes;  ils  ont  été  décrits  en  partie  par 
Neumann,  Auspitz,  Basch  et  Cornil.  Ces  auteurs  ont  constaté  la  multipli¬ 
cation  des  noyaux  des  cellules  épithéliales,  et  la  formation  endogène  des 
globules  de  pus;  ils  ont  signalé,  dans  la  pustule  complètement  déve¬ 
loppée,  des  travées  et  des  filaments  anastomosés,  et  formant  un  réseau 
dont  les  mailles  sont  occupées  par  les  globules  de  pus.  La  multiplication 
des  noyaux  se  montre,  en  effet,  dans  les  couches  profondes  du  corps 
muqueux,  et  surtout  dans  les  amas  interpapillaires,  pendant  la  période 
papuleuse  de  l’éruption  variolique.  A  ce  moment  les  cellules  se  gonflent, 
deviennent  sphériques,  perdent  leurs  dentelures,  et  forment,  çà  et  là,  des 
globes  semblables  à  ceux  que  l’on  trouve  dans  les  épithéliomes  muqueux. 

Lorsque  la  suppuration  commence,  ces  différentes  cellules  se  séparent 
les  unes  des  autres,  et  entre  elles  on  observe  alors  des  globules  de  pus. 
Cette  dissociation  des  cellules  nous  fait  comprendre  comment  des  globules 
blancs,  venus  des  vaisseaux,  peuvent  cheminer  au  milieu  d’elles  et  con¬ 
courir  à  la  formation  du  pus. 

C’est  au  moment  où  se  fait  la  dissociation  des  cellules  épithéliales  que 
l’on  voit  apparaître  les  filaments  décrits  par  les  auteurs  cités  précédem¬ 
ment.  Ils  forment  un  réseau  comparable  à  celui  du  tissu  conjonctif  réti¬ 
culé,  et  qui  s’étend  de  la  surface  du  chorion  à  la  couche  de  l’épiderme 
comprise  entre  la  couche  cornée  et  le  corps  muqueux  de  Malpighi.  Pour 
bien  comprendre  la  signification  de  ce  réseau,  il  est  nécessaire  de  l’étudier 
à  son  origine  sur  le  chorion,  et,  à  sa  terminaison ,  dans  la  couche  inerte 
de  l’épiderme.  Les  filaments  naissent  dans  l’épaisseur  du  chorion  lui- 
même,  car,  sur  une  coupe  très-fine  d’une  pustule  variolique,  faite  après 
durcissement  dans  l’alcool  ou  dans  une  solution  d’acide  chromique  au  trois 
millièmes,  on  voit  partir  du  sommet  des  papilles  un  pinceau  de  filaments 
qui  se  continuent  d’une  manière  bien  évidente  avec  des  fibrilles  du  corps 
même  de  la  papille. 

Sur  le  côté  des  papilles  et  dans  les  culs-de-sac  qu’elles  laissent  entre 
elles,  on  peut  observer  la  même  continuité  entre  des  fibrilles  du  chorion 
et  les  filaments  de  la  pustule.  Ces  filaments  représentent  donc  la  char¬ 
pente  intercellulaire  (Kittsubstanz)  de  l’épiderme.  Ce  fait  pathologique 
peut  nous  faire  comprendre  comment  est  établie,  à  l’état  physiologique, 
l'union  de  l’épiderme  avec  le  chorion. 

L’inflammation  catarrhale  des  muqueuses  recouvertes  d’épithélium 
pavimenteux  stratifié  donne  lieu,  comme  on  le  sait,  à  une  production 
abondante  de  globules  de  pus;  ceux-ci  proviendraient  surtout,  comme 


700  ÉPITHÉLIUM,  —  ÉPiTitÉLiusis  payiuektedx  stratifiés. 

dans  les  pustules  de  la  peau,  du  système  vasculaire  sous-épithélial,  alors 

que  les  cellules  épithéliales  ont  été  en  partie  dissociées  par  un  travail 

antérieur.  Il  convient  de  faire  de  nouvelles  observations  sur  ce  point,  car 

ce  qui  a  été  dit  à  ce  sujet  par  Remak,  par  Buhl  et  par  Rindfleisch, 

avant  la  découverte  de  Gohnheim,  n’a  plus  aujourd’hui  une  bien  grande 

valeur. 

Lorsque  la  suppuration  a  duré  longtemps  sur  une  portion  de  tégument 
externe,  son  revêtement  épithélial  peut  disparaître  d’une  manière  com¬ 
plète.  Alors,  suivant  l’expression  de  Fôrster,  les  papilles,  transformées  en 
bourgeons  charnus,  au  lieu  de  fournir  de  l’épiderme,  élaborent  des 
globules  de  pus. 

Lorsque  l’inflammation  disparaît,  les  globules  de  pus  font  place  à  de 
nouvelles  cellules  épithéliales,  et  les  bourgeons  charnus  se  transforment  en 
papilles.  Dans  le  cas  où  le  corps  papillaire  a  été  détruit,  les  papilles  ne 
peuvent  plus  se  reconstituer,  et  la  cicatrice,  recouverte  d’épiderme,  pré¬ 
sente  une  surface  complètement  plane. 

On  discute  encore  aujourd’hui  sur  le  mode  de  formation  de  la  nouvelle 
couche  épithéliale.  D’après  Thiersch,  l’épiderme  se  développant  aux 
dépens  du  feuillet  externe  du  blastoderme,  il  est  impossible  que  des 
éléments  nés  du  feuillet  moyen  puissent  produire  des  cellules  épider¬ 
miques;  aussi  verrait-on  toujours,  dans  les  régénérations  de  l’épiderme, 
le  nouveau  feuillet  prendre  naissance  sur  les  bords  de  la  plaie,  là  où  il 
reste  encore  de  l’épiderme  ancien,  pour  gagner  peu  à  peu  toute  la  surface 
suppurante.  C’est  en  effet  ainsi  que  se  développe,  le  plus  souvent,  le  nouvel 
épiderme  à  la  surface  des  plaies;  mais,  cependant,  on  en  observe  quel¬ 
quefois  des  îlots  complètement  isolés.  En  outre,  quand  bien  même  la 
régénération  épidermique  partirait  toujours  de  l’épiderme  ancien,  il  ne 
serait  nullement  prouvé  que  la  néoformation  se  fait  à  ses  dépens. 

J.  Arnold  a  fait  sur  les  grenouilles  des  expériences  pour  étudier  cette 
importante  question;  il  a  cherché  à  suivre  au  microscope  les  phases 
successives  de  la  formation  nouvelle  d’épithélium  cutané  à  la  suite  de 
dénudations  de  la  peau.  Il  dit  avoir  observé  d’abord  un  exsudât  amor¬ 
phe,  puis  l’apparition  de  noyaux  dans  cet  exsudât,  ensuite  la  segmentation 
de  l’exsudât  entre  les  noyaux;  il  se  demande,  à  la  fin  de  son  travail,  si 
les  globules  blancs  migrateurs  ne  jouent  pas  un  rôle  dans  ce  phénomène, 
et  s’ils  ne  provoquent  pas  la  segmentation  de  la  même  manière  que  les 
spermatozoïdes  amènent  la  segmentation  du  vitellus  de  l’œuf.  Il  me  sem¬ 
ble  que  ces  observations  doivent  être  contrôlées  avant  de  prendre  défi¬ 
nitivement  rang  dans  la  science. 

11  est  fort  probable  que  les  cellules  embryonnaires,  qui  pendant  la 
suppuration  limitent  la  surface  des  plaies,  se  transforment  en  cellules 
épithéliales.  Ces  cellules  ne  diffèrent  pas  notablement,  comme  on  le  sait, 
des  globules  blancs  du  sang  et  des  cellules  migratrices  du  tissu  conjonctif. 
Déjà  Burkhardt  pensait  qu’à  l’état  physiologique  les  cellules  épithéliales 
se  renouvellent  par  les  cellules  de  tissu  coinjonctif,  et  Rindfleisch  s’est 
demandé  si  les  cellules  migratrices  de  la  cornée  ne  viennent  pas  déboucher 


sur  la  régénération  de  l’épithélium  à  la  surface  des  plaies  est  celle  de  la 
transformation  des  cellules  embryonnaires,  quelle  que  soit  du  reste  leur 
provenance.  Pour  que  cette  transformation  ait  lieu,  plusieurs  conditions 
sont  nécessaires.  Il  faut  d'abord  que  l’inflammation  ne  soit  pas  trop 
intense ,  autrement  les  bourgeons  charnus  continuent  à  élaborer  des  glo¬ 
bules  purulents  ;  de  plus ,  les  cellules  embryonnaires,  sauf  dans  le  cas 
d’épithéliome,  ne  formeront  du  tissu  épithélial  que  dans  les  points  où  une 
place  lui  est  indiquée  dans  l’organisme  ;  enfin,  le  tissu  épithélial  ancien 
qui  borde  une  plaie  a  certainement  une  très-grande  influence  sur  le 
développement  de  l’épithélium  cicatriciel.  Dans  ces  derniers  temps, 
Reverdin  a  montré,  par  une  expérience  nouvelle,  l’importance  de  cette 
dernière  condition.  Il  a  vu  des  lambeaux  d’épiderme,  enlevés  avec  une 
lancette  et  placés  au  centre  d’une  plaie  en  suppuration,  se  souder  aux 
bourgeons  charnus  et  déterminer  la  formation  d’un  îlot  épithélial  indé¬ 
pendant.  L’auteur  a  pu,  par  la  transplantation  de  l’épiderme,  hâter  la 
cicatrisation  des  plaies  et  rendre  ainsi  aux  malades  un  véritable  service. 
Voici  comment  se  fait  l’opération  : 


702 


ÉPITHÉLIUM.  -  ÉPITHÉLIUMS  PAVIMENTEÜX  STRATIFIÉS. 


«  On  détache  avec  une  lancette  un  petit  lambeau  d’épiderme,  en  com¬ 
prenant  dans  son  épaisseur  la  couche  vraiment  vivante ,  c’est-à-dire  le 
réseau  de  Malpighi.  Gela  ne  peut  se  faire,  on  le  comprend,  sans  couper 
quelques  papilles  ;  le  lambeau 
détaché  est  appliqué  sur  une 
plaie  en  'pleine  granulation  et 
aussi  nette  que  possible.  On 
voit  alors,  si  l’expérience  réus¬ 
sit,  le  lambeau  adhérer,  puis 
rester  stationnaire  pendant  quel¬ 
ques  jours,  et  se  desquamer  plus 
ou  moins  complètement;  puis, 
sur  les  bords  de  la  greffe,  on 
aperçoit  un  liséré  rouge,  ana¬ 
logue  à  celui  qui  se  forme  sur 
les  bords  d’une  plaie  en  voie  de 
cicatrisation.  Le  lendemain,  ce 
liséré  rouge  est  transformé  en 
épiderme  blanc,  et,  dès  lors, 
l’îlot  cicatriciel  s’étend,  toujours 
précédé  de  son  liséré  rouge. 
Quelquefois  la  greffe  se  des¬ 
quame  complètement  et  dispa¬ 
raît,  mais  quelques  jours  après 
on  aperçoit  à  sa  place  une  tache 
rouge  qui,  bientôt,  se  trans¬ 
forme  en  un  petit  îlot  d’épi¬ 
derme,  et  les  choses  se  passent 
alors  comme  cela  vient  d’être 
dit.  » 

On  donne  le  nom  d’épithé- 
liome  pavimenteux ,  cancer  épi- 
Fig.  1‘21.  —  Bourgeon  d’épi Ihéliome  pavimenteux,  thélial,  CflWCroït/e,  à  des  tumeurs 
tabulé  développé  dans  un  espace  interpapillaire,  constituées  par  des  masses  d’é- 
pithelium  paYimenteux  stratifié , 
disposés  dans  un  stroma  vasculaire  de  tissu  conjonctif  ou  de  tissu  em¬ 
bryonnaire. 

Ces  épithéliomes  se  divisent  eux-mêmes  en  trois  espèces  ; 

A.  Les  épithéliomes  lobules,  dans  lesquels  les  masses  épithéliales 
forment  des  lobules  irréguliers.  Les  cellules  qui  constituent  ces  lo¬ 
bules  subissent  l’évolution  épidermique  :  à  la  périphérie  elles  sont 
petites  et  cylindriques;  dans  les  couches  moyennes  elles  sont  polyé¬ 
driques  et  dentelées;  dans  les  centrales  elles  deviennent  cornées,  épi- 
théliome  pavimenteux  corné,  ou  colloïdes,  épithéliome  pavimenteux 
colloïde. 

B.  Les  épithéliomes  pavimenteux  perlés,  caractérisés  par  une  transfor- 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPITHÉLIUMS  PAVIMENIEÜS  STRATIFIÉS.  703 


mation  cornée  si  avancée,  que  le  centre  de  chaque  lobule  est  occupé  par 
une  véritable  perle  épidermique,  colestéatome  de  J.  Muller. 

G.  Les  épithéliomes  tubulés,  dans  lesquels  le  tissu  conjonctif  qui  forme 
le  stroma  de  la  tumeur  est  sillonné  par  des  cavités  en  forme  de  tubes 
remplis  de  cellules  pavimenteuses,  petites,  dentelées,  et  ne  subissant  pas 
révolution  épidermique. 


—  Épithélium  pavimenteux  tubulé.  —  A,  Coupe  de  la  tumeur.  —  a.  Cylindres  épithé¬ 
liaux.  —  b,  Stroma.  —  B,  Cellules  épithéliales  isolées  présentant  des  dentelures. 


je  ne  revienarai  pas  sur  ta  description  à  l’œil  nu  et  sur  les  considéra¬ 
tions  cliniques  qui  ont  été  données  dans  les  articles  Cancer  et  Cancroïde. 
J’exposerai  simplement  ici  quelques  points  de  leur  structure  et  de  leur 
développement  qui  me  paraissent  avoir  une  certaine  importance  pour  la 
pratique. 

Les  épithéliomes  tubulés  se  développent  primitivement  dans  la  peau, 
dans  la  muqueuse  buccale  et  dans  celle  du -sinus  maxillaire.  Ils  peuvent 
se  propager  aux  ganglions  lymphatiques  ;  mais  cette  propagation  secon¬ 
daire  est  très-rare.  Ils  se  développent  aux  dépens  de  l’épithélium  glan¬ 
dulaire  ou  interpapillaire,  sous  forme  de  bourgeons  pleins  qui  croissent 
dans  toutes  les  directions,  s’entre-croisent  et  s’anastomosent  (Cornil, 
Demonchy  et  moi).  Kœster  a  soutenu  dernièrement  que  ces  épithéliomes 
se  développent  dans  les  vaisseaux  lymphatiques  et  aux  dépens  de  leurs 
endothéliums  ;  il  incline  même  à  croire  que  tous  les  épithéliomes  se  for¬ 
ment  ainsi. 

Je  ne  veux  pas  nier  d’une  manière  absolue  la  formation  de  masses  épi¬ 
théliales  pavimenteuses  dans  les  vaisseaux  lymphatiques,  mais  je  ne  l’ai 
jamais  observée  bien  nettement,  et  presque  toujours  j’ai  pu  suivre  un 


704  ÉPITHÉLIUM.  —  épithélioms  a  cils  vibratiles. 

autre  mode  de  développement:  des  bourgeons  bien  limités  croissant  au 
milieu  d’un  tissu  embryonnaire  de  nouvelle  formation.  Ce  sont  les  cellules 
embryonnaires  du  stroma  de  ces  tumeurs  en  voie  de  développement  qui 
forment  les  cellules  épithéliales  nouvelles  au  contact  des  bourgeons,  de  la 
même  manière  que  les  cellules  épidermiques  se  développent  sur  une  plaie 
au  voisinage  de  l’épiderme  ancien.  Rindfleisch,  dans  son  manuel  d’ana¬ 
tomie  pathologique,  avait  déjà  insisté  sur  ce  mode  de  développement  des 
épithéliomes  en  général,  et  c’est  là,  ce  me  semble,  une  manière  très-exacte 
de  comprendre  ce  phénomène. 

Les  épithéliomes  lobulés  se  développent  de  la  même  façon  que  les  épi¬ 
théliomes  tubulés,  ou  bien  ils  se  forment  d’emblée  avec  tous  leurs  carac¬ 
tères  aux  dépens  des  glandes  de  la  peau,  des  espaces  interpapillaires  de 
la  peau  ou  des  muqueuses  recouvertes  d’épithélium  pavimenteux  stra¬ 
tifié.  Ils  ne  tirent  pas  leurs  caractères  histologiques  et  cliniques  de  leur 
lieu  d’origine,  mais  de  leur  évolution.  Leur  marche  est  en  rapport  bien 
plus  avec  la  nature  de  leur  stroma  qu’avec  la  constitution  des  lobules  épi¬ 
théliaux.  Si  le  stroma  de  la  tumeur  est  formé  de  tissu  embryonnaire  ou 
s’il  est  très-riche  en  cellules,  l’évolution  de  la  masse  morbide  sera  rapide; 
elle  aura  de  la  tendance  à  s’ulcérer,  à  envahir  les  tissus  voisins,  à  se  gé¬ 
néraliser  ;  elle  présentera  en  un  mot  les  caractères  de  la  malignité.  Si,  au 
contraire,  le  stroma  est  fibreux,  dense,  pauvre  en  cellules,  la  marche  de 
la  tumeur  sera  lente;  elle  présentera  donc  une  bénignité  relative. 

Les  épithéliomes  tubulés  qui  ne  se  transforment  pas  par  places  en  épi¬ 
théliomes  lobulés,  ont  en  général  un  stroma  fibreux;  ils  ont  alors  une 
évolution  lente.  Mais  si  leur  stroma  est  embryonnaire,  ainsi  qu’on  l’ob¬ 
serve  souvent  dans  les  cavités  de  la  face,  la  tumeur  est  alors  très-maligne. 

Les  épithéliomes  perlés  ont  toujours  un  stroma  fibreux  peu  vasculaire  ;  ’ 
parfois  il  contient  des  groupes  de  cellules  adipeuses.  Ces  tumeurs  restent 
indéfiniment  stationnaires  ;  elles  ne  récidivent  jamais  après  l’extirpation 
complète. 

J’ai  cité  ces  faits  avec  l’intention  de  bien  montrer  que  la  gravité  d’une 
tumeur  ne  tient  pas  à  la  présence  de  telle  ou  telle  cellule,  comme  beau¬ 
coup  de  médecins  le  croient  encore  en  France,  mais  à  un  ensemble  histo¬ 
logique  qui  met  sur  la  trace  de  l’évolution  du  produit  pathologique.  C’est 
cette  évolution,  en  particulier  dans  les  épithéliomes,  qui  mettra  l’anatomo¬ 
pathologiste  sur  la  voie  du  pronostic  d’une  tumeur  enlevée  par  le  chirur- 
gien. 

La  formation  de  l’épithélium  pavimenteux  stratifié  dans  les  papillomes, 
les  kystes  sébacés  et  dermoides  sera  étudiée  dans  les  articles  qui  seront 
consacrés  à  ces  produits  pathologiques. 

Les  parasites  cutanés  qui  croissent  et  se  multiplient  dans  la  portion 
cornée  de  l’épiderme  et  des  lésions  qu’ils  déterminent  dans  les  couches 
sous-jacentes  seront  étudiés  dans  l’article  Peau. 

ni.  Épithéliums  à  cils  vibratiles.  —  On  observe  les  épi¬ 
théliums  à  cils  vibratiles  sur  la  muqueuse  du  larynx,  sauf  les  cor¬ 
des  vocales  inférieures,  sur  la  muqueuse  de  la  trachée  et  des  bronches, 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPiTiiÉLiuas  a  cils  vibratii.es.  705 

jusqu’aux  vésicules  pulmonaires  ;  dans  les  fosses  nasales,  à  l’exception  de 
la  portion  olfactive;  dans  le  canal  lacrymal,  la  trompe  d’Eustache,  la  caisse 
du  tympan;  sur  la  muqueuse  des  trompes  utérines  et  de  l’utérus,  jus¬ 
qu’au  quart  inférieur  du  col  utérin  ;  dans  les  canaux  déférents,  l’épidi- 
dyme  et  les  cônes  séminifères.  Chez  l’embryon  et  le  nouveau-né,  les  ven¬ 
tricules  cérébraux  et  le  canal  central  de  la  moelle  sont  également  tapis¬ 
sés  d’un  épithélium  à  cils  vibratiles  qui,  après  la  naissance,  est  rem¬ 
placé  par  un  épithélium  cylindrique  simple. 

L’épithélium  vibratile  est  formé  par  une  seule  couche  de  cellules  ou 
bien  il  est  stratifié. 

Un  même  revête¬ 
ment  peut  être  con¬ 
stitué  par  plusieurs 
couches  de  cellules 
dans  une  de  ses  por¬ 
tions  et  par  une  seule 
dans  les  autres  ;  on 
trouve,  par  exemple, 
sur  le  larynx,  la  tra¬ 
chée  et  les  grosses 
bronches,  un  épithé¬ 
lium  vibratile  stra- 

tifié(fig.  123),  tan-  ^^25.  — Ép 

dis  que  dans  les  sissement  de  550  diamètres.)  —  a,  Portion  extérieure  des  fibres 


atUe  de  la  trachée  de  l’homme.  (Gros- 


élastiques  longitudinales.  —  h,  Couche  homogène  la  plus  exté¬ 
rieure  de  la  muqueuse.  —  c.  Cellules  d’épithélium  les  plus 
profondes,  arrondies.  —  d,  Cellules  moyennes  allongées.  —  e,  Les 
plus  superficielles  pourvues  de  cils  vibratiles.  (Kœllikeb,  Bisfo- 
logie,  fig.  16.) 


petites  bronches  le 
revêtement  épithé¬ 
lial  est  formé  d’une 
simple  couche  de 
cellules  vibratiles. 

Lorsque  l’épithélium  est  simple,  toutes  les  cellules  sont  munies  de  cils; 
dans  le  cas  contraire,  les  cellules  de  la  surface  sont  les  seules  qui  en 
soient  pourvues. 

Les  cellules  vibratiles  isolées  sont  cylindro-coniques  ou  globuleuses  ; 
examinées  en  place,  elles  sont  prismatiques  par  pression  réciproque. 
Elles  présentent  sur  leur  face  libre  un  épaississement  ou  plateau  sur  le¬ 
quel  les  cils  paraissent  implantés.  Leurs  noyaux  ronds  ou  ovales  ne  diffè¬ 
rent  pas  des  noyaux  des  autres  épithéliums.  Chez  les  mollusques,  Eberth  et 
Marchi  ont  observé  des  cellules  vibratiles  dont  les  cils  traversent  le  plateau 
et  vont  se  perdre  dans  le  protoplasma  de  la  cellule  au  voisinage  du  noyau. 

Dans  les  inflammations  catarrhales  des  bronches  et  de  la  muqueuse 
nasale,  les  cellules  vibratiles  se  gonflent,  leurs  noyaux  se  multiplient,  le 
plateau  de  la  cellule  se  dissout,  et  alors  les  cils  paraissent  être  une  simple 
expansion  du  protoplasma  de  la  cellule.  Il  est  donc  probable  que  les  cils 
vibratiles  tiennent  leur  propriété  motrice  du  protoplasma  de  la  cellule  sur 
laquelle  ils  reposent. 

Je  n’insisterai  pas  sur  les  différentes  formes  du  mouvement  des  cils 

NODV.  niCT.  MÉB.  ET  CHIE.  XUI.  -  'f5 


706  ÉPITHÉLIUM.  —  épithéliums  a  cils  vibeatiles. 

vibratiles.  Il  importe  de  savoir  surtout  que,  dans  leur  mouvement  com¬ 
biné,  ils  impriment  au  liquide  qui  baigne  leur  surface  une  direction  fixe. 
Dans  l’état  actuel  de  la  science,  il  est  impossible  de  donner  de  ce  fait  une 
explication  satisfaisante. 

Le  mouvement  des  cils  continuera  sur  des  cellules  complètement  iso¬ 
lées  ;  et  si  elles  sont  placées  dans  des  conditions  convenables  de  tempé¬ 
rature  et  de  milieu,  les  cils  peuvent  conserver  leur  mouvement  pendant 
plusieurs  jours.  Les  cellules  vibratiles  des  animaux  à  sang  chaud  conti¬ 
nuent  encore  de  se  mouvoir  pendant  quelques  minutes,  alors  que  leur 
température  s’est  abaissée  au-dessous  du  degré  nécessaire  à  la  vie  de  ces 
animaux,  12  ou  15  degrés  centigrades,  par  exemples.  Les  cellules  vibra¬ 
tiles  des  animaux  à  sang  froid  se  meuvent  pendant  plusieurs  heures  dans 
un  milieu  porté  à  la  température  de  36  à  38  degrés.  Ces  faits  établissent 
que  l’individualité  physiologique  des  cellules  à  cils  vibratiles  est  très- 
grande.  Voici  encore  up  résultat  très-intéressant  :  quand  on  examine  au 
microscope  des  cellules  à  cils  vibratiles  de  l’œsophage  de  la  grenouille, 
dans  une  solution  neutre  de  carmin,  on  observe  que  les  cellules  eu  mou¬ 
vement  ne  se  laissent  pas  pénétrer  par  la  matière  colorante  ;  mais  aussi¬ 
tôt  que  le  mouvement  des  cils  s’est  arrêté,  le  carmin  dissous  pénètre 
dans  la  cellule  et  en  colore  le  noyau.  Enfin,  si  l’on  porte  des  cellules  vir 
bratiles  à  la  température  de  40  degrés,  leurs  cils  cessent  de  se  mouvoir. 
L’arrêt  des  cils  dans  ce  cas  est  lié  à  la  coagulation  du  protoplasma  qui 
s’effectue  précisément  à  cette  température. 

L’oxygène  active  les  mouvements  des  cils  ;  l’hydrogène  et  l’acide  car¬ 
bonique  les  font  cesser  ;  mais  l’oxygène  fait  apparaître  de  nouveau  les 
mouvements.  (Kûhne.) 

Il  est  bien  évident  que  l’activité  motrice  des  cellules  à  cils  vibratiles 
est  indépendante  des  vaisseaux  et  des  nerfs,  puisque  les  cils  se  meuvent 
sur  des  cellules  complètement  isolées.  Aussi  voit-on  les  mouvements  vi¬ 
bratiles  continuer  après  la  mort  chez  les  animaux  à  sang  chaud,  jusqu’au 
refroidissement  complet  du  cadavre,  et  durer  plusieurs  jours  chez  les  ani¬ 
maux  à  sang  froid,  alors  que  toutes  les  autres  fonctions  ont  cessé. 

Le  rôle  physiologique  des  cellules  à  cils  vibratiles  est  double.  Comme 
les  autres  cellules  épithéliales,  elles  protègent  les  organes  qu’elles  recou¬ 
vrent;  déplus,  à  l’aide  du  mouvement  de  leurs  cils,  elles  font  cheminer 
les  liquides  de  manière  à  les  étendre  ou  à  leur  imprimer  une  certaine  di¬ 
rection.  Dans  les  conduits  respiratoires,  où  le  passage  continuel  de  l’air 
tend  à  dessécher  la  muqueuse,  les  cils  doivent,  par  leur  mouvement,  agi¬ 
ter  la  couche  de  liquide  et  maintenir  régulière  l’humidité  de  la  surface. 
On  suppose  aussi  qu’ils  déterminent  dans  les  bronches  un  mouvement  de 
bas  en  haut,  dont  le  résultat  serait  le  rejet  de  poussières  ou  de  petits 
corps  étrangers  introduits  accidentellement  dans  les  voies  aériennes. 

On  admet  aussi  que  l’épithélium  vibratile  des  trompes  sert  à  la  migra¬ 
tion  de  l’ovule  depuis  l’ovaire  jusque  dans  la  cavité  utérine. 

Les  muqueuses  tapissées  d’épithélium  vibratile  sont  exposées  aux  in¬ 
flammations  catarrhales  d’une  manière  toute  particulière  ;  mais  cette  pré- 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPiTHÉLiuas  cvundriquès.  707 

disposition  n’est  pas  due  à  l’existence  de  ce  genre  d’épithélium  ;  elle 
tient  surtout  à  ce  que  ces  muqueuses  sont  soumises  à  des  causes  exté¬ 
rieures  d’excitation.  Dans  le  coryza  et  la  bronchite,  les  cellules  vibratiles 
subissent  des  modifications 


importantes  (fig.  124).  ^  /m  ^  iSk  ^ 

1^11  B I  ©  O 

nuleux  et  réfringent,  leurs  @  ^  g 

irs'i  i  »  i* 

elles -mêmes  en  deux  ou 

trois  portions,  dont  une  M  j|» 

seule  porte  alors  des  cils;  ^  (M 

l’implantation  des  cils  est  ^ 

modifiée  comme  il  a  été  pis.  124.  —  Modification  des  cellules  vibratiles  dans  les  in¬ 
dit  plus  haut.  Lorsqu’ el-  flammations  catarrhales.  (Risdfieisch,  Histologie.) 

les  ont  été  ainsi  altérées, 

ces  cellules  se  détachent  du  revêtement  épithelial,  se  mélangent  au  mu¬ 
cus  et  sont  rejetées  avec  lui.  On  les  retrouve  dans  les  crachats  ou  dans 
le  muco-pus  du  coryza.  Elles  s’y  montrent  en  grande  abondance  au  dé¬ 
but  de  l’affection,  sous  des  formes  qui  diffèrent  notablement  de  leur  con¬ 
figuration  physiologique.  Elles  sont  devenues  irrégulières  et  ont  des 
dimensions  fort  inégales  ;  quelques-unes  sont  globuleuses  et  ressemblent 
à  des  globules  de  pus  couverts  de  cils.  Les  cils  ont  conservé  des  mou¬ 
vements,  mais  ils  sont  faibles,  quelques-uns  d’entre  eux  ont  été  rompus. 
On  observe  même  des  cellules  qui  ne  portent  plus  qu’un  ou  deux  cils. 

Lorsque  les  cellules  vibratiles  ont  été  expulsées  sous  l’influence  du  ca¬ 
tarrhe,  il  s’en  reforme  d’autres,  mais  on  ne  sait  pas  encore  comment  se 
fait  cette  régénération. 


Un  épithélium  à  cils  vibratiles  se  rencontre  parfois  à  la  surface  in¬ 
terne  des  kystes.  (Fœrster.)  Dumoulin  a  décrit  des  kystes  de  cette  espèce 
développés  dans  la  région  antérieure  du  cou.  J’en  ai  observé  moi-même 
trois  cas  remarquables  ;  l’un  était  un  kyste  prolifère  de  la  cavité  abdo¬ 
minale  opéré  par  Maisonneuve  ;  les  deux  autres  des  kystes  multiples 
dans  d’énormes  tumeurs  périnéales  développées  chez  des  fœtus,  et  qui 
avaient  rendu  l’accouchement  difficile. 


lY,  Épithéliums  cylindriques.  —  On  désigne  sous  ce  nom  tous 
les  revêtements  épithéliaux  formés  par  une  seule  rangée  de  cellules  molles, 
allongées  et  implantées  perpendiculairement  à  la  surface  qu  elles  recou¬ 
vrent. 


La  plupart  des  conduits  excréteurs  des  glandes  et  quelques  utricules 
glandulaires  sont  tapissés  par  un  épithélium  cylindrique  qui  sera  décrit 
à  propos  des  glandes.  {Voy.  art.  Glandes.) 

La  muqueuse  des  voies  digestives  depuis  le  cardia  jusqu’à  l’anus  est  re¬ 
couverte  de  cellules  cylindriques.  Vues  de  profil  et  isolées,  les  cellules 
ont  la  forme  d’un  cylindre  dont  l’une  des  extrémités  serait  étirée  en 


708  ÉPITHÉLIUM.  —  épithélidhs  cyukdriqües. 

pointe;  aussi  leur  donne-t-on  souvent  le  nom  de  cylindro-coniques.  Lors¬ 
qu’elles  se  présentent  par  leur  face  libre  et  unies  les  unes  aux  autres 
comme  dans  un  lambeau,  elles  paraissent  polygonales,  et  l’on  croirait 
avoir  sous  les  yeux  un  épithélium  pavimenteux  à  petites  cellules.  Il  ré¬ 
sulte  de  cette  dernière  observation  combinée  avec  la  première,  que  les 
cellules  dites  cylindriques  ont  en  réalité  la  forme  d’une  pyramide  régu¬ 
lière  à  six  ou  huit  pans. 

Nous  étudierons  d’abord  l’épithélium  de  l’intestin  grêle,  parce  qu’il 
renferme  tous  les  genres  de  cellules  que  l’on  peut  observer  sur  la  mu¬ 
queuse  gastro-intestinale.  La  description  de  l’épithélium  de  l’estomac  et 
du  gros  intestin  en  sera  rendue  plus  facile. 

Il  y  a  dans  le  revêtement  épithélial  de  l’intestin  grêle  trois  espèces  de 
cellules  :  des  cellules  cylindro-coniques,  des  cellules  caliciformes,  et  des 
cellules  rondes  et  petites. 

Les  cellules  cylindro-coniques  sont  granuleuses  ;  elles  possèdent  un 
noyau  ovale  dont  le  grand  diamètre  est  dans  l’axe  delà  cellule;  elles 
ont  une  membrane  distincte  de  leur  contenu  ;  leur  base  ou  face  libre  est 
épaissie  et  forme  un  plateau  ;  leur  extrémité  pointue  pénètre  dans  le 
chorion  de  la  muqueuse  ou  des  villosités,  et  les  fixe  d’une  manière  so¬ 
lide. 

Le  plateau  a  une  structure  complexe  qui  est  encore  aujourd’hui  le  su¬ 
jet  de  discussions.  Il  est  parcouru  dans  le  sens  de  son  épaisseur  par  des 
stries  fines,  considérées  comme  des  canaux  (Kœlliker),  comrtie  des  li¬ 
gnes  de  séparation  entre  des  prismes  ou  des  bâtonnets  (Brettauer  et  Stei- 
nach).  Mais  ce  n’est  pas  là  une  découverte  de  ces  derniers  auteurs,  ainsi 
que  Kœlliker  le  fait  judicieusement  remarquer.  Il  y  a  déjà  bien  long¬ 
temps,  Gruby  et  Delafond  observèrent  les  premiers  cette  disposition,  et 
pensèrent  que  ces  prismes  sont  des  cils  vibratiles.  Il  est  bien  certain  que 
ces  prétendus  cils  vibratiles  ne  sont  pas  doués  de  mouvement  ;  l’inter¬ 
prétation  de  Gruby  et  Delafond  n’était  pas  exacte,  mais  il  leur  reste  le  mé¬ 
rite  d’avoir  reconnu  un  fait  anatomique  réel.  La  décomposition  du  pla¬ 
teau  des  cellules  cylindriques  de  l’intestin  en  prismes  ou  en  cils  non 
vibratiles  s’obtient  par  l’action  de  l’eau.  Lorsque  les  cellules  sont  exami¬ 
nées  dans  le  sérum  iodé,  le  liquide  oculaire  de  Müller  et  une  série  d’au¬ 
tres  liquides  neutres,  on  n’observe  pas  la  décomposition  du  plateau,  et 
celui-ci  apparaît  simplement  strié.  Après  l’action  de  l’eau,  on  remarque 
au-dessous  des  bâtonnets  dissociés  une  couche  mince  et  amorphe  qui  se 
continue  avec  la  membrane  de  la  cellule.  Celle-ci  est  démontrée  dans  la 
même  observation,  parce  que  bientôt  l’eau  pénètre  par  diffusion  dans 
l’intérieur  de  la  cellule,  s’y  accumule,  refoule  les  granulations  du  proto¬ 
plasma  et  le  noyau,  et  rend  ainsi  appréciable  le  contour  interne  de  la 
membrane  qui  échappait  à  la  vue  avant  cette  réaction. 

Les  cellules  caliciformes  ont  été  entrevues  par  Gruby  et  Delafond,  qui 
les  désignèrent  sous  le  nom  i’ epithelium  capitatum.  L’attention  a  été  de 
nouveau  attirée  sur  les  mêmes  éléments  en  1866  par  Letzerich,  qui  les 
considéra,  non  pas  comme  des  cellules,  mais  comme  des  canaux  ou  des 


vacuoles  placés  entre  les  cellules  épithéliales,  et  destinés  à  la  résorption 
du  chyme.  Le  travail  de  Letzerich  fut  suivi  d’une  série  de  recherches 
(F.  E.  Schultze,  Eimer,  Erdmann, 

Dœnitz,  Arnstein),  qui  permettent  de  ^ 

donner  aujourd’hui  une  description  ^ 

complète  des  cellules  caliciformes  /  V 

(fig.l2D).  _  .  J 

Quand  on  examine  à  un  grossisse-  /l  v  'uv-'"'  .. 

ment  de  200  à  600  diamètres  et  dans  ¥• 

du  mucus  intestinal,  les  villosités  '  ,  T 

d’un  mammifère  qui  vient  d’être  sa-  ' 

crifié,  on  y  observe,  au  milieu  des  ^oo  . 

cellules  épithéliales  cylindriques,  des  ^ 

vésicules  sphériques  et  transparentes.  Fig.  125.— l,  Revêtement  épithélial  d’une  vil- 

Eps  vpsipiilps  <;nnt  rUstrihiiépa  d’iinp  l’mtestm  grêle  du  chat  :  a,  ouver¬ 
tes  vésicules  sont  distrinuees  d  une  caliciformes  ;  b,  contour  des 

manière  régulière  dans  le  revêtement  cellules;  c,  surface  libre  des  cellules  cyiin- 
épithélial.  -Lorsqu’elles  se  présen-  driques  ordinaires.  —  2,  Cellule  caliciforme 
.‘'.le  *  j-t-  isolée  :  a,  ouverture;  c,  noyau;  »,  prolon- 

tent  de  iace ,  on  y  distingue  deux  gement.  >  >  j  >  i  >  r 

cercles  concentriques;  l’interne  est 

petit,  superficiel  et  correspond  à  un  orifice  ;  l’externe  plus  profond  re¬ 
présente  le  contour  de  la  vésicule.  Sur  le  bord  de  la  villosité,  les  vési¬ 
cules  se  montrent  de  profil  et  présentent  alors  la  forme  d’un  vase  étrusque 
élégant  ou  d’une  coupe,  d’où  le  nom  allemand  de  Becherzellen  (F.  E, 
Schultze),  ou  de  cellules  caliciformes.  On  reconnaît  aussi  que  les  cellules 
caliciformes  sont  placées  à  côté  des  cellules  cylindriques  à  plateau  et  sur 
le  même  rang.  Cette  première  observation  faite  sans  addition  d’aucun 
réactif  est  nécessaire  pour  démontrer  que  ces  éléments  ont  une  existence 
réelle,  et  ne  sont  pas  un  produit  de  la  préparation  comme  Dœnitz  l’a 
soutenu. 


Les  cellules  caliciformes  peuvent  être  isolées.  On  y  parvient  de  bien 
des  façons;  mais  la  meilleure  méthode  consiste  dans  une  macération  de 
quelques  instants  dans  le  sérum  iodé,  une  solution  de  bichromate  de  potasse 
à  deux  millièmes,  ou  le  picrocarminate  d’ammoniaque  parfaitement  neu¬ 
tre.  Je  préfère  ce  dernier  réactif  parce  qu’il  a  la  propriété  de  colorer  le 
protoplasma  des  cellules  en  jaune  et  leurs  noyaux  en  rouge.  Les  cellules 
isolées  et  colorées  présentent  plusieurs  particularités  qui  nous  échappent 
quand  elles  sont  encore  fixées  dans  l’épithélium.  Leur  orifice  possède 
un  bord  très-mince,  quelquefois  légèrement  sinueux;  leur  corps  est 
clair,  transparent  et  non  granuleux  ;  il  est  limité  par  une  membrane  avec 
son  double  contour  caractéristique  ;  vers  leur  fond,  c’est-à-dire  vers  l’extré¬ 
mité  opposée  à  l’orifice,  il  existe  un  noyau  aplati,  placé  en  long  ou  en  tra¬ 
vers  et  noyé  dans  une  petite  masse  de  protoplasma  granuleux  ;  ce  proto¬ 
plasma  donne  naissance  à  un  prolongement  conique  qui  se  dégage  du 
corps  de  la  cellule. 

Au-dessous  des  cellules  cylindriques  de  l’intestin,  et  entre  leurs  pro¬ 
longements  coniques,  on  rencontre  des  cellules  sphériques,  petites  (Rind- 


710  ÉPITHÉLIUM.  —  épithéliums  cïlindbiqubs. 

fleisch)  semblables  aux  cellules  embryonnaires,  et  disposées  par  groupes 
(Ebertb),  qui  probablement  sont  placées  là  en  réserve  pour  remplacer  les 
cellules  épithéliales  proprement  dites,  lorsqu’elles  sont  parvenues  au 
terme  de  leur  évolution. 

Les  diverses  cellules  épithéliales  de  l’intestin  sont  unies  par  une  sub¬ 
stance  cimentante  aiialogue  à  celle  des  autres  épithéliums.  Cette  substance 
est  molle  et  se  liquéfie  assez  rapidement  après  la  mort.  Les  cellules  de¬ 
viennent  indépendantes  et  se  détachent  de  la  muqueuse;  aussi  est-il  im¬ 
possible  d’étudier  le  revêtement  épithélial  de  l’homme  dans  les  condi¬ 
tions  où  l’on  pratique  d’habitude  les  autopsies. 

Chez  les  animaux,  si  on  laisse  la  face  interne  de  la  muqueuse  exposée 
à  l’air  pendant  quelques  minutes,  l’adhésion  des  cellules  épithéliales  est 
déjà  moins  grande,  et,  avec  un  scalpel,  on  peut  en  enlever  sans  difficulté 
des  lambeaux  plus  ou  moins  étendus,  pour  les  soumettre  à  l’examen  mi¬ 
croscopique.  Mais  pour  étudier  le  revêtement  épithélial  dans  ses  rapports, 
il  faut  faire  durcir  des  fragments  de  l’intestin  dans  l’alcool  à  40°,  dans 
le  liquide  de  Millier  ou  dans  l’acide  osmique  en  solution  à  un  centième,  puis 
y  pratiquer  des  coupes  minces.  C’est  sur  de  semblables  préparations  que 
l’on  pourra  bien  apprécier  le  rapport  des  diverses  cellules  et  les  prolon¬ 
gements  trè.s-fins  que  les  cellules  cylindriques  envoient  dans  le  chorion 
des  villosités.. 

Les  diverses  cellules  épithéliales  de  l’intestin  grêle  n’ont  pas  le  même 
rôle  physiologique. 

Les  cylindriques  concourent  activement  à  l’absorption  du  chyle.  Au 
moment  de  la  digestion  intestinale,  elles  sont  remplies  de  fines  granula¬ 
tions  graisseuses.  Ce  phénomène  avait  déjà  été  remarqué,  en  1843,  par 
.Goodsir  ;  il  a  été  constaté  depuis  par  un  grand  nombre  d’histologistes, 
mais  tous  ne  sont  pas  d’accord  sur  le  mode  de  pénétration  des  matières 
grasses  dans  l’intérieur  des  cellules.  Goodsir  croyait  que  ces  cellules 
étaient  largement  ouvertes  par  leur  base.  Brücke  pensait  que  le  plateau 
des  cellules  cylindriques  était  formé  par  une  matière  molle  et  pénétrable. 
Kœlliker  soutient  que  les  granulations  s’engagent'  dans  des  canaux  fins 
représentés  par  les  stries  du  plateau.  On  a  vu  plus  haut  que  ces  canaux 
n’existent  pas  ;  mais  il  y  a  là  bien  réellement  des  lacunes  comprises 
entre  les  bâtonnets  et  dans  lesquelles  les  granulations  peuvent  s’engager. 

Lorsqu’elles  sont  arrivées  à  la  base  des  bâtonnets,  les  granulations  ont 
encore  à  traverser  une  membrane  de  cellule.  On  ne  sait  si  cette  mem¬ 
brane  est  continue  ou  si  elle  possède  des  trous.  Dans  tous  les  cas,  elle 
laisse  passer  les  granulations,  mais  seulement  les  granulations  graisseuses, 
ainsi  qu’il  ressort  des  expériences  d’Eimer.  Cet  auteur  ayant  fait  ingérer 
à  des  grenouilles  du  carmin  en  granulations  très-fines  et  des  matières 
grasses,  observa  que  la  graisse  pénètre  seule  dans  les  cellules  cylindriques; 
les  granulations  de  carmin  se  fixent  parfois  dans  le  plateau  de  ces  cellules, 
mais  elles  ne  vont  pas  au  delà.  Il  conviendrait  de  faire  la  même  expérience 
chez  les  mammifères  ;  il  est  fort  probable  qu’elle  donnerait  les  mêmes 
résultats, 


ÉPITHÉLIUM.  —  ÉPITHÉLIUMS  CYLINDRIQUES.  711 

On  ne  sait  pas  quelle  est  la  force  qui  fait  pénétrer  les  granulations  grais¬ 
seuses  du  chyme  dans  les  cellules  épithéliales  ;  à  ce  sujet,  il  n’existe  guère 
dans  la  science  que  des  hypothèses.  (Voy.  l’art.  Absorption.)  Les  granulations 
du  chyle  s’engagent  ensuite  dans  le  prolongement  conique  de  la  cellule  et 
arrivent  ainsi  dans  le  stroma  de  la  villosité  ;  là,  d’après  Heidenhain,  elles 
pénétreraient  dans  les  cellules  du  tissu  conjonctif ,  chemineraient  dans 
les  canaux  plasmatiques  pour  venir  se  rendre  dans  le  chylifère  central. 
Eimer  croit  avoir  observé  les  mêmes  phénomènes.  Mais  cette  manière  de 
voir  repose  sur  une  erreur  anatomique ,  l’existence  d’un  réseau  plasma¬ 
tique.  J’ai  cherché  à  me  rendre  compte,  par  l’observation  directe,  des 
faits  indiqués  par  Heidenhain  et  je  suis  arrivé  à  me  convaincre  qu’en 
effet  la  graisse  du  chyle  passe  des  cellules  épithéliales  dans  le  tissu  con¬ 
jonctif  de  la  villosité;  mais  ce  n’est  pas  dans  des  canaux  des  cellules  plas¬ 
matiques  qu’elle  chemine  pour  arriver  dans  le  chylifère  central.  Il  n’y  a 
de  cellules  creuses  anastomosées  pas  plus  dans  le  chorion  de  la  muqueuse 
intestinale  que  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ou  dans  le  tissu  con¬ 
jonctif  interstitiel  des  organes.  On  y  trouve  simplement  des  faisceaux  de 
tissu  conjonctif  entre  lesquels  sont  placées  des  cellules  plates  semblables 
à  celles  des  endothéliums.  C’est  dans  les  espaces  compris  entre  les  fais¬ 
ceaux  recouverts  des  cellules  plates  que  l’on  trouve  des  granulations  grais¬ 
seuses  au  moment  de  la  digestion  intestinale. 

Ces  espaces  sont  en  communication  avec  le  chylifère  centrai,  de  même 
que  les  espaces  du  tissu  cellulaire  sous-cutané  et  les  cavités  séreuses 
communiquent  avec  les  lymphatiques.  Rien  n’est  donc  plus  facile  que  de 
comprendre  la  pénétration  des  granulations  graisseuses  du  chyle  du  tissu 
conjonctif  dans  le  chylifère  de  la  villosité,  puisque  celui-ci  est  une  simple 
cavité  creusée  dans  le  tissu  conjonctif  et  tapissée  de  cellules  plates  comme 
les  autres  espaces  de  ce  tissu.  Cette  manière  nouvelle  de  comprendre  lé 
chylifère  central  fait  cesser  le  désaccord  qui  existait  entre  Brücke  et 
Reckiinghausen;  le  premier,  admettant  que  ce  chylifère  est  une  cavité 
sans  paroi  propre  ;  le  second,  soutenant  l’individualité  du  chylifère  cen¬ 
tral,  parce  que,  à  l’aide  de  l’imprégnation  d’argent,  il  y  avait  découvert 
une  couche  de  cellules  endothéliales. 

Les  cellules  caliciformes  semblent  avoir  des  fonctions  pliysiologiques 
bien  différentes  des  cylindriques  à  plateau  strié.  Letzerich  croyait  qu’elles 
représentent  simplement  des  ouvertures  pour  le  passage  direct  du  chyle. 
On  a  vu  que  ce  ne  sont  point  des  canaux,  mais  des  cellules  spéciales,  et 
que,  si  elles  présentent  un  orifice  à  la  surface  de  la  muqueuse,  leur  fond 
est  occupé  par  une  masse  de  protoplasma  et  un  noyau.  De  plus ,  ces  cel¬ 
lules  ne  sont  pas  vides;  elles  contiennent  une  masse  muqueuse  qui,  douée 
d’une  grande  puissance  colloïde,  s’imbibe  de  liquide  et  s’échappe  peu  à 
peu  par  l’orifice.  De  telle  sorte  que,  loin  d’être  des  organes  d’absorption, 
ce  sont  au  contraire  des  organes  de  sécrétion.  Aussi,  lorsque  dans  la  di¬ 
gestion  intestinale  les  cellules  cylindriques  sont  remplies  des  granula¬ 
tions  du  chyle,  les  cellules  caliciformes  sont  restées  parfaitement  trans¬ 
parentes.  Ces  dernières  cellules  sont  comparables  aux  cellules  de  sécré- 


712  ÉPITHÉLIUM.  —  épithélidms  cylisdriqdes. 

tion_  des  glandes  muqueuses  (glandes  sous-maxillaires,  sublinguales, 
buccales,  laryngiennes,  trachéales,  etc.).  Ce  sont  des  cellules  mu¬ 
queuses  ,  des  glandes  muqueuses  unicellulaires.  A  ce  sujet,  je  suis 
complètement  de  l’opinion  de  F.  E.  Schultze  qui  en  a  fait  aussi  une 
étude  spéciale. 

Les  cellules  caliciformes  ont  donc  pour  fonction  de  sécréter  le  mucus 
qui  enduit  la  surface  de  la  muqueuse  intestinale,  la  protège  et  facilite  le 
transport  des  matières  contenues  dans  l’intestin. 

Les  cellules  épithéliales  de  la  muqueuse  stomacale  sont  plus  petites  que 
celles  de  l’intestin  grêle  ;  elles  recouvrent  les  papilles  ou  villosités  coni¬ 
ques  peu  saillantes ,  comprises  entre  les  glandes.  Elles  ont  toutes  la 
structure  des  cellules  caliciformes  de  l’intestin  grêle  (F.  E. Schultze),  elles 
sont  largement  ouvertes  par  leur  base,  leur  corps  est  clair,  leur  extré¬ 
mité  est  occupée  par  le  noyau  entouré  de  protoplasma,  elles  laissent  aussi 
échapper  du  mucus.  F.  E.  Schultze  suppose  qu’elles  peuvent  servir  à 
l’absorption  par  la  muqueuse  de  l’estomac.  Mais  il  est  certain  qu’ elles 
forment  le  mucus,  si  nécessaire  dans  l’estomac,  pour  protéger  la  mu¬ 
queuse  contre  l’action  digestive  du  suc  gastrique. 

Dans  le  gros  intestin  on  rencontre  les  différentes  cellules  de ‘la  mu¬ 
queuse  de  l’intestin  grêle.  Les  cellules  cylindriques  seules  y  sont  modifiées. 
Elles  n’ont  pas  de  plateau  strié  sur  leur  face  libre,  mais  simplement  un 
bord  mince,  hyalin,  régulier,  clair  et  réfringent.  Les  cellules  calicifor¬ 
mes  y  sont  aussi  nombreuses  que  dans  l’intestin  grêle,  leur  rôle  physio¬ 
logique  y  est  le  même. 

Les  lésions  des  cellules  épithéliales  du  tube  digestif  ne  sont  pas  connues. 
Sur  le  cadavre,  vingt-quatre  heures  après  la  mort,  ces  cellules  sont  en 
partie  détruites.  On  trouve  à  la  surface  de  l’estomac  et  de  l’intestin  une 
couche  pulpeuse  et  muqueuse,  dans  laquelle  il  y  a  des  noyaux,  des  dé¬ 
bris  de  cellule,  des  particules  alimentaires,  des  granulations  graisseuses  , 
des  bactéridies,  etc.  On  y  observe  aussi  quelques  cellules  gonflées  qui  ne 
sont  pas  encore  complètement  détruites. On  comprend  que,  dans  ces  con¬ 
ditions,  il  soit  impossible  d’étudier  chez  l’homme  les  modifications  patho¬ 
logiques  des  cellules  épithéliales  des  voies  digestives.  L’expérimentation 
sur  les  animaux  pourrait  seule  combler  une  partie  de  cette  lacune,  en 
particulier  pour  les  lésions  de  nature  irritative  ;  mais  je  ne  sache  pas 
qu’une  pareille  étude  ait  encore  été  faite. 

On  sait  seulement  que,  dans  la  diarrhée  prolongée  et  dans  le  choléra 
surtout,  il  se  fait  une  abondante  desquamation  épithéliale.  (Pacini.)  Ce 
dernier  auteur  a  observé  que  les  cellules  rendues  avec  les  garde-robes 
sont  infiltrées  de  fines  granulations.  Il  considère  ces  granulations  comme 
une  sorte  de  ferment  cholérique,  et  ce  seraient  elles  qui  détermineraient 
la  chute  de  l’épithélium.  L’intestin  alors  desquamé  laisserait  transsuder 
la  portion  séreuse  du  sang  pour  former  les  selles  cholériques.  Mais  ce 
sont  là  des  hypothèses  sans  preuves,  car  les  cellules  épithéliales  de  l’in¬ 
testin  sont  toujours  granuleuses,  et  elles  pourraient  l’être  plus  que 
d’habitude  sans  que  les  granulations  fussent  un  ferment.  Il  aurait  fallu. 


LIOOBAPHIE. 


713 


ÉPITHÉLIUM.  —  BIBI 
pour  donner  du  poids  à  cette  théorie,  trouver  à  ces  granulations  des  ca¬ 
ractères  qui  eussent  démontré  leur  nature,  et  l’auteur  ne  l’a  pas  fait. 

Parmi  les  tumeurs  malignes,  V épithéliome  à  cellules  cylindriques  est 
certainement  une  des  plus  communes  et  des  plus  graves.  Il  se  développe 
sur  les  muqueuses  à  épithélium  cylindrique  ou  dans  les  conduits  glandu¬ 
laires  tapissés  d’un  épithélium  semblable,  les  voies  biliaires  par  exemple. 
De  là,  il  s’étend  dans  les  organes  voisins,  souvent  il  envahit  des  organes 
éloignés  et  se  généralise.  Les  épithéliomes  cylindriques,  formés  primiti¬ 
vement  dans  les  parois  de  l’estomac  ou  du  canal  cholédoque,  déterminent 
très-fréquemment  le  développement  de  masses  semblables  dans  le  foie  ; 
ces  tumeurs  secondaires  y  trouvent  un  terrain  favorable  et  y  acquièrent 
bientôt  un  volume  plus  considérable  que  celui  de  la  tumeur  primitive. 
Ces  tumeurs  ont  été  décrites  pour  la  première  fois  par  Bidder  ;  elles  ont 
été  depuis  étudiées  par  tous  les  anatomo-pathologistes.  Elles  sont  carac¬ 
térisées  au  point  de  vue  histologique  par  des  cavités  arrondies  ou  allon¬ 
gées  en  forme  de  tube,  creusées  dans  un  stroma  de  tissu  conjonctif  plus 
ou  moins  riche  en  cellules  embryonnaires  et  tapissées  par  une  couche 
d’épithélium  cylindrique.  Les  cellules  de  cet  épithélium  sont  soudées 
les  unes  aux  autres,  elles  présentent  à  leur  face  libre  un  épaississement 
semblable  à  celui  des  cellules  du  gros  intestin,  souvent  elles  subissent 
la  transformation  muqueuse  ou  colloïde  et  ressemblent  alors  aux  cel¬ 
lules  caliciformes.  Elles  laissent  parfois  au  centre  de  la  cavité  un  espace 
rempli  de  mucus  et  de  débris  de  cellules. 

Lorsque  la  tumeur  est  enlevée  à  l’autopsie,  les  cellules  épithéliales  sont 
souvent  détachées,  gonflées  par  diffusion  et  sont  libres  ou  unies  sous 
forme  de  lambeau.  Il  est  alors  difficile  de  faire  le  diagnostic  histologique 
de  cette  tumeur,  que  l’on  pourra  confondre  avec  le  carcinome  vrai  ou  col¬ 
loïde.  '(Foî/.  l’art.  Cancer,  t.  VI,  p.  161  et  215.) 

ScHWANN,  Microscopische  üntersuchungen  über  die  üebereinstimmung  in  der  Structur  und 
dem  'Wachsthum  der  Tbiere  und  Pflanzen.  Berlin,  1839. —  Extraits  des  Bulletins  de  l’Aca¬ 
démie  royale  de  Belgique,  1868,  t.  XXVI,  p.  518. 

Hetoenhain,  Die  Absdrptionswege  desFettes  (Moleschott’s  üntersuch.,  t.  IV,  p.  251). 
RECELraGHADSES  (Von),  Bas  Lymphgeffisssystem  in  Stricker’s  Handbuch,  etc.,  p.  214. 

Kœllikek,  Éléments  d’histologie  humaine,  2”  édit,  française,  p.  64. 

Sappeï,  Traité  d’anatomie  descriptive,  2“  édit.,  vol.  I,  p.  40. 

Delafosd  et  Grdey,  Résultats  de  recherches  faites  sur  l’anatomie  et  les  fonctions  des  villosités 
intestinales,  etc.  (Comptes  rendus  de  l’Acad.  des  sciences,  1843,  t.  XVI,  p.  1195). 

Mohi  (Von),  Botanische  Zeitung,  1844,  II,  p.  273. 

Remak,  üntersuchungen  über  die  Entwicklung  der  Wirbelthiere.  1850-1855. 

Biddeh  ,  Deher  einen  aus  cylindrisctien  Zellen  zusammengesetzten  Epithelialkrebs  (Müller’s  Ar- 
chiv  fur  Anatomie,  Physiologie.  Berlin,  1852,  p.  178). 

Bbccke,  Ueber  die  Chylusgefâsse  u.  die  Resorptiob  des  Chylus  (Benkschr.  d.  kaiserl.  Akad. 
der  Wissenschaflen,  B'‘  VI.  Wien,  1854). 

His,  Beitrâge  zur  normalen  und  pathologischen  Histologie  der  Comea,  1856.  —  Die  Haute  und 
Hôhlen  des  Kôrpers.  Basel,  1865,  etc. 

Beettaüek  et  Steisach,  Untersucli.  über  d.  Cylinderepithel  der  Darmzotten.  Wien,  1857. 
Henle,  Canstatt’s  Jakresberichl,  etc.,  1858,  p.  28. 

Bdhl,  Ueber  die  Bildung  der  Eiterkôrperchen  ^Virchow’s  Arch.,  1859,  XVI,  p.  168).  —  Ein  Fall 
von,  etc.  —  Bildung  der  Eiterkorper  (Virchow’s  Archiv,  1861,’ t.  XXI,  p.  480). 

SciiHiDT  (A.),  Ueber  den  Faserstoff  u.  die  Ursachen  seiner  Gerinnung  (Archiv  f.  Anat.  u.  Phy- 
siol.  Leipzig,  1861-62). 


714  ÉPONGE.  —  HISTOIRE  naturelle. 

Rehak,  üeber  endogene  Entstehung  von  Eiter-  und  Schleimzellen  (Virchow’s  Archiv,  1860, 
t.  XX,  p.  198). 

Ebeeth,  Zur  Entstehung  der  Schleimkorper  (Yirchow’s  Archiv,  t.  XXI,  p.  106). 

Recklinghabses  (Von).  Die  Lymphgefâsse  undihre  Beziehung  zum Bindegewehe.  Berlin,  1862. 
Letzericei,  üeber  die  Résorption  der  verdauten  Mhrstoffe  (Eiweisskôrper  und  Fette)  im  Dünn- 
darm  (Virchow’s  Archiv,  t.  XXXVII,  p.  232). 

Aüspitz  et  Basch,  Dntersuch.  zur  Anatomie  des  Blatternprozesses  (Virchow’s  Archiv,  1863, 
t.  XXVIII,  p.  367). 

Kühse  (W.),  Untersuchungen  über  das  Protoplasma.  Leipzig,  1864. 

ScHULTZE  (M.),  Die  Slachel-  und  Riffzellen  der  tieferen  Schichten  der  Epidermis,  etc.  (Virchow’s 
Arch.,  186^  t.  XXX,  p.  260).  —  Das  Protoplasma  der  Rhizopoden  und  Pfianzenzellen.  1865. 
Thiebsch,  Der  Epithelialkrebs.  Leipzig,  1865. 

Pacini,  Délia  natura  del  Colera  asiatico.  Firenze,  1866. 

Eeebth,  Blutgefâsse  der  Wirbellosen  {Würzburg.  naturw.  Zeitschrift,  1865,  vol.  VI). 
Rindeleisch,  Handbuch  der  pathologiscben  Gewebelehre.  Leipzig,  1866.  —  Traité  d’histologie 
pathol.,  trad.  par  Frédéric  Gross  sur  la  2«  édition  allemande.  Paris,  1871. 

Ebekih,  Zur  Kenntniss  des  feineren  Baues  der  Flimmerepithelien  (Virchow’s  Archiv,  1866, 
t.  XXXV,  p.  477). 

Demoülis,  Sur  quelques  productions  hétérotopiques.  Thèse  de  Paris,  1866. 

Dônitz,  üeber  die  Schleimhaut  des  Darmkanals  (Arch.  f.  Anatomie  u.  Physiol.,  1866,  p.  757). 
Cornu  (V.),  Anatomie  de  la  pustule  de  la  variole  [Journal  de  l’anatomie  et  de  la  physiologie 
de  Ch.  Robin,  1866,  p.  207). 

Wag.nee  (E.),  Die  Diphtheritis  u.  der  Croup  des  Rachens,  etc.  [Arch.  fur  physiol.  Heilkunde, 
1866,  p.  481). 

Demonchï,  Définition  et  classification  des  épithéliomes  pavimenteuz.  Thèse  de  Paris,  1867. 
CoHSHEiM,  üeber  die  Endigung  der  sensiblen  Nerven  in  der  Hornhaut  (Virchow’s  Arch.,  1867, 
t.  XXXVIII,  p.  343). 

ScHDLTZE  (Franz-Eilhard),  Epithel-  und  Drüsen-Zellen  (M.  Schultze’s  Arch.,  1867,  p.  137). 
Langerhans  (P.),  üeber  die  Nerven  der  menschlichen  Haut  (Virchow’s  Archiv,  1868,  t.  XLIV, 
p.  325). 

Weber  (Otto),  in  Billboth,  Éléments  de  pathologie  chirurgicale  générale.  Paris,  1868. 

PFiüGER  (E.  F.  W.),  Die  Speicheldrüsen,  in  Stricker’s  Handbuch,  etc.  Leipzig,  1869.—  üeber 
die  Abhângigkeit  der  Leber  von  dem  Nervensystem. 

Eiher,  Die  Wege  des  Fettes  in  der  Darmschleimhaut  bei  seiner  Résorption  (Virchow’s  Archiv, 
1869,  t.  XLVIIl). 

Reverdin,  De  la  greffe  épidermique  [Bull,  de  la  Soc.  de  chirurgie,  décembre  1869). 

L.  Ranvier.  . 

ÉPONîGrE.  —  Histoire  naturelle.  —  Les  éponges  sont  des  animaux 
ou  plutôt  une  réunion  d’animaux  de  forme  souvent  mai  définie  et  de 
grosseur  très-variée,  marines  pour  le  plus  grand  nombre  d’espèces,  bien 
qu’il  y  en  ait  quelques-unes  des  eaux  douces  {spongilla) .  Au  point  de  vue 
morphologique,  les  éponges  se  composent  :  1“  d’une  matière  parenchy¬ 
mateuse  tantôt  complètement  amorphe,  tantôt  présentant  de  véritables 
cellules;  2“  d’une  sorte  de  squelette  composé  soit  de  fibres  cornées  d’un 
tissu  spécial  appelé  Mratode  par  Bowerbank,  soit  de  particules  dures, 
siliceuses  ou  calcaires,  de  formes  très-régulières  pour  chaque  espèce  et 
souvent  très-élégantes  auxquelles  on  donne  le  nom  de  spiculés  ou  plus 
exactement  de  sclérites  (fig.  126). 

La  matière  parenchymateuse  de  nature  sarcodique  est  la  portion  réel¬ 
lement  vivante,  elle  se  présente  sous  la  forme  d’une  substance  hyaline 
transparente,  parsemée  irrégulièrement  de  granulations  et  même  de  vé¬ 
ritables  noyaux  autour  desquels,  à  certains  moments,  le  sarcode  est 
susceptible  de  se  condenser  de  manière  à  former  une  cellule  complète. 
Le  sarcode  revêt  toutes  les  parties  de  la  charpente  solide  et  en  double 


715 


ÉPONGE.  -  HISTOIRE  NATORELLE. 

toutes  les  cavités  ;  on  reconnaît  qu’il  est  susceptible  de  mouvements  de 
glissement  à  la  surface  de  ce  squelette  et  aussi  de  fermer  ou  d’ouvrir 


plus  ou  moins  les  ouvertures  dont  la  surface  de  l’éponge  est  criblée.  La 
paroi  interne  des  cavités  présente  des  cils  vibratiles,  qui  produisent  des 
courants  traversant  la  masse  dans  un  sens 
déterminé. 

Quelle  que  soit  la  forme  et  la  nature  de 
l’éponge,  on  remarque  à  sa  surface  des  ou¬ 
vertures  de  deux  sortes  faciles  à  constater 
sur  les  éponges  réduites  à  leur  squelette  fi¬ 
breux,  c’est-à-dire  dans  l’état  où  on  les  trouve 
dans  le  commerce.  Les  unes  petites  (pores) 
couvrent  toute  la  surface,  sauf  le  point 
d’adhérence  qui  maintient  l’animal  aux  corps 
sous-marins,  les  autres  notablement  plus  grandes  (oscwfes)  disséminées  çà  et 
là  en  nombre  beaucoup  moindre  que  les  précédentes  et  surtout  abondantes 
sur  le  côté  opposé  au  point  d’adhérence,  dans  les  éponges  fines,  craté- 
riformes,  elles  sont  bien  reconnaissables  dans  la  partie  concave.  Les 
pores  sont  l’origine  de  canaux  qui  traversent  la  masse  en  tous  sens  et 
se  réunissent  finalement  en  tubes  d’un  diamètre  plus  considérable  pour 
aboutir  aux  oscules.  L’action  des  cils  vibratiles  signalés  plus  haut  pro¬ 
duit  un  courant  d’une  intensité  variable  suivant  les  moments,  lequel  pé¬ 
nètre  par  les  pores,  d’où  le  nom  A’ ouvertures  afférentes  qui  leur  a  été 
souvent  donné  et  sort  par  les  oscules,  ouvertures  efférentes.  C’est  au 


Fig.  127 .  —  Éponge  vulga 


716 


ÉPONGE.  -  HISTOIRE  NATDRELLE, 

moyen  de  ces  courants  que  les  matières  nutritives,  alimentaires  et  respi¬ 
ratoires  pénètrent  dans  les  éponges  et  que  les  produits  inutiles  sont  re¬ 
jetés  à  l’extérieur.  Suivant  les  observations  de  Bowerbank,  les  variations 
de  ces  courants  ne  peuvent  jusqu’ici  être  mises  en  rapport  d’une  ma¬ 
nière  absolue  avec  les  influences  du  milieu  ambiant,  et  paraissent  abso¬ 
lument  dépendre  de  la  volonté  de  l’animal  qui  ferme  ou  ouvre  une  cer¬ 
taine  portion  de  ses  pores,  rétrécit  ou  élargit  les  osc.ules  selon  ses 
besoins. 

Suivant  la  nature  du  squelette  et  la  composition  chimique  des  sclérites 
qui  le  composent,  M.  Bowerbank  a  divisé  les  éponges  en  trois  sections  : 
les  éponges  cornées  (keratosa),  les  éponges  siliceuses  {sïlicea)  et  les 
éponges  calcaires  (calcarea).  H  est  facile  de  comprendre  que  les  pre¬ 
mières  sont  les  seules  qui  peuvent  être  employées  aux  usages  domesti¬ 
ques  et  médicaux  où  l’éponge  est  particulièrement  recherchée  pour  les 
propriétés  inhérentes  à  la  substance  fibreuse,  à  savoir  son  élasticité,  sa 
propriété  d’absorber  une  quantité  de  liquide  considérable  que  la  com¬ 
pression  lui  fait  rendre,  enfin  sa  résistance  remarquable  à  la  décompo¬ 
sition. 

Chimiquement  l’éponge  renferme  une  matière  animale  albuminoïde 
qu’on  a  appelée,  avec  Mulder,  fihro'ine;  on  y  trouve  en  outre  differentes 
substances  minérales  :  iode,  soufre,  phosphore,  silice,  chlorure  de  cal¬ 
cium,  carbonate  et  phosphate  de  chaux,  magnésie,  alumine. 

Le  nombre  des  genres  et  des  espèces  d’éponges  est  très-considérable, 
et  on  en  rencontre  en  grande  abondance  dans  toutes  les  mers,  mais  la  plu¬ 
part  ne  peuvent  être  employées  ;  les  éponges  usuelles,  appartenant  toutes 
au  genre  Spongia,  viennent  surtout  de  la  Méditerranée,  en  particulier  du 
Levant  ;  on  en  récolte  aussi  dans  le  golfe  du  Mexique  et  la  mer  des  An¬ 
tilles,  ainsi  que  dans  la  mer  Rouge.  La  pêche  se  fait  soit  par  les  plon¬ 
geurs  qui,  armés  d’un  couteau,  vont  détacher  l’éponge  des  corps  sous- 
marins  auxquels  elles  adhèrent,  soit  au  moyen  d’un  trident,  ce  dernier 
système  n’est  guère  employé  que  pour  les  éponges  communes,  puisqu’il 
détériore  le  tissu.  Une  fois  pêchées,  les  éponges  sont  foulées  par  la  pres¬ 
sion  des  pieds,  puis  lavées  à  Teau  douce  autant  que  possible,  opérations 
qui  ont  pour  but  de  les  débarrasser  de  la  matière  sarcodique.  Pour  en 
éliminer  les  matières  calcaires,  pierres,  débris  de  coquilles,  etc.,  qui  se 
trouvent  englobées  dans  le  tissu,  on  les  laisse  macérer  quelque  temps 
dans  l’eau  légèrement  aiguisée  d’acide  chlorhydrique.  On  peut  alors  les 
blanchir  par  l’immersion  pendant  quelques  jours  dans  l’eau  contenant 
environ  1  pour  100  d’acide  sulfurique 

Dans  cet  état,  les  éponges  sont  livrées  au  commerce,  où  elles  sont 
classées  suivant  leur  provenance  et  la  finesse  plus  ou  moins  grande  de 
leur  tissu  en  une  dizaine  de  variétés.  Les  seules  usitées  en  médecine  soqt 
les  éponges  fines-douces  de  Syrie  et  de  l’Archipel,  se  rapportant  à  la 
Spongia  usitatissima  Lamarck. 

Les  emplois  de  l’éponge  en  tant  qu’emplois  officinaux  sont  aujourd’hui 
assez  restreints  et  comprennent  Y  éponge  calcinée  et  Yéponge  préparée. 


717 


ÉPONGE.  -  HISTOIRE  KAIDRELLE. 

La  première  est  obtenue  en  torréfiant  le  moins  possible  dans  un  moulin 
à  café  des  fragments  d’éponge  fine,  puis  réduisant  en  poudre  par  tritu¬ 
ration.  Cette  préparation,  qui  paraît  agir  par  l’iodure  de  calcium  (Gui- 
bourt)  qu’elle  contient,  est  administrée  contre  le  goitre,  à  la  dose  de  15 
à  20  grammes  ;  elle  est  peu  usitée. 

Sous  le  nom  d’éponge  préparée,  on  emploie  cette  substance  pour  dilater 
certains  conduits,  les  trajets  fistuleux,  etc.  Elle  est  préparée  soit  à  la  cire 
en  en  plongeant  des  tranches  dans  de  la  cire  jaune  fondue  jusqu’à  dis¬ 
parition  complète  de  l’humidité,  puis  mettant  sous  presse  entre  deux  pla¬ 
ques  de  fonte  chaudes  qu’on  laisse  refroidir  lentement,  soit  à  la  ficelle 
en  comprimant  au  moyen  d’une  cordelette  serrée  et  régulière  des  frag¬ 
ments  allongés  d’éponge  qu’on  porte  ensuite  dans  une  étuve  pour  les  y 
dessécher.  Dans  l’un  et  l’autre  cas,  on  taille  des  morceaux  appropriés 
à  l’emploi  qu’on  en  veut  faire  et  par  l’absorption  de  l’humidité  des  tissus 
ambiants  la  substance  augmente  de  volume  et  dilate  les  cavités  dans  les¬ 
quelles  elle  a  été  introduite. 

Sur  les  indications  de  Marion  Sims,  Robert  et  Collin  ont  employé  un 
procédé  qui,  tout  en  n’étant  qu’une  modification  de  celui  qui  donne  l’é¬ 
ponge  préparée  à  la  ficelle,  constitue  cependant  un  véritable  perfection¬ 
nement.  L’éponge,  convenablement  choisie  et  taillée  à  peu  près  à  la  forme 
voulue,  est  plongée  dans  une  dissolution  légère  de  gomme  arabique  à  la-  ■ 
quelle  on  ajoute  un  peu  de  colle  forte,  puis  traversée  par  une  tige  mince 
et  rigide  d’acier  suivant  son  grand  axe  ;  ceci  permet  de  la  serrer  facile¬ 
ment  et  très-fortement  avec  une  cordelette  ;  il  faut  ensuite  retirer  la  tige 
et  laisser  sécher.  Lorsqu’on  enlève  la  cordelette,  la  substance,  devenue 
dure  et  inexpansible  par  l’action  de  la  colle  dont  elle  a  été  imprégnée, 
peut  être  taillée  en  cône,  en  cylindre,  etc.,  et  conservée  avec  la  précau¬ 
tion  de  la  tenir  à  l’abri  de  l’humidité.  L’éponge,  préparée  par  cette  mé¬ 
thode,  réunit  les  avantages  qu’on  obtenait  par  les  anciens  procédés  : 
d’une  part,  comme  l’éponge  à  la  cire,  elle  est  assez  rigide  et  peu  alté¬ 
rable;  d’autre  part,  les  matières  qui  l’imprègnent,  étant  solubles  dans 
les  liquides  de  l’organisme,  ne  nuisent  pas  à  ses  propriétés  absorbantes. 

On  a  proposé  différentes  matières  comme  succédanées  de  l’éponge 
préparée  dont  l’emploi  est  souvent  difficile,  telles  sont  Vivoire  privé  de 
sels  calcaires  (clous  de  Becquerel)  et,  dans  ces  derniers  temps,  les  tiges 
de  Laminaria  digitata.  Ces  dernières  sont  empruntées  à  des  algues  de 
la  famille  des  Fucus;  ce  sont  des  végétaux  marins  que  l’on  rencontre  en 
très-grande  abondance  sur  les  côtes  océaniques  à  la  limite  des  plus  basses 
mers.  A  l’état  frais,  ces  tiges  sont  flexibles,  élastiques,  d’une  grosseur 
qui  varie  de  celle  du  petit  doigt  à  celle  du  pouce;  desséchées,  elles  de¬ 
viennent  dures,  cassantes,  et  leur  diamètre  n’est  pas  de  plus  de  3  à  8 
millimètres  ;  on  peut  alors  les  façonner  au  tour,  et  elles  sont  livrées  au 
commerce  sous  forme  de  cylindres  de  grosseurs  variées. 

Ces  substances,  d’une  préparation  et  d’une  conservation  faciles,  d’une 
consistance  assez  grande,  ce  qui  permet  de  les  mieux  tailler  et  de  les  in¬ 
troduire  plus  aisément,  présentant  en  outre  cet  avantage  de  prendre. 


718 


ÉPONGE.  —  EMPLOI  CHIRÜKGICA.L. 
après  dilatation,  un  diamètre  dont  on  peut  à  l’avance  se  rendre  compte 
exactement  et  par  suite  régler  l’emploi,  paraissent  destinées,  dans  la 
plupart  des  cas,  à  remplacer  l’éponge  à  la  cire  et  à  la  ficelle,  comme  les 
préparations  chimiques  d’iode  ont  remplacé  l’éponge  calcinée. 

Léon  Vaillant. 

Emploi  chirükgical.  —  Siebold  paraît  avoir,  avant  Bruninghausen,  di¬ 
laté  le  col  utérin  à  l’aide  de  l’éponge  préparée  ;  mais  c’est  à  Kluge  que 
l’on  doit  la  vulgarisation  de  la  méthode,  et  c’est  aujourd’hui  un  des  pro¬ 
cédés  employés  pour  provoquer  l’avortement  ou  l’accouchement  préma¬ 
turé.  L’emploi  de  l’éponge  est  des  plus  faciles.  Le  spéculum  une  fois  ap¬ 
pliqué,  l’opérateur  introduit  dans  l’orifice  du  col,  à  l’aide  d’une  pince  à 
polypes,  un  cône  d’éponge  préparée  de  50  millimètres  de  long  et  de 
15  millimètres  de  largeur  à  sa  base.  On  fixe  le  tout  soit  au  moyen  d’un 
tampon,  soit  à  l’aide  d’une  pince  spéciale  imaginée  par  Cazeaux  et  venant 
se  rattacher  à  une  ceinture.  L’action  de  l’éponge  ainsi  appliquée  est  lon¬ 
gue  et  manque  quelquefois.  Aussi  aurons-nous  une  plus  grande  confiance 
dans  le  procédé  qui  consiste  à  pousser  le  cône  de  façon  à  ce  que  la  pointe 
fasse  saillie  dans  l’utérus,  s’y  gonfle  et  retienne  l’éponge  en  place  sans 
tampon  ni  instrument  spécial.  L’idée  de  recouvrir  les  cônes  d’éponge  de 
•  baudruche  afin  d’éviter  le  contact  direct  des  rugosités  de  l’éponge ,  a  été 
exécutée;  mais  sans  que  cette  préparation  ait  une  grande  supériorité  sur 
celles  qui  ont  été  décrites. 

L’éponge  doit  être  laissée  en  place  vingt-quatre  heures,  au  bout  des¬ 
quelles  elle  est  retirée  à  l’aide  du  fil  qu’on  y  a  fixé.  Durant  ce  laps  de 
temps ,  de  petites  tranchées  se  font  parfois  sentir  ;  le  plus  souvent  les 
douleurs  sont  nulles.  Au  bout  de  vingt-quatre  heures  elle  est  chassée  et 
tombe  dans  le  vagin.  On  reconnaît,  à  la  différence  de  volume  du  cylindre 
ainsi  grossi,  la  démarcation  qui  sépare  la  partie  intra-cervicale  de  la 
partie  vaginale  proprenaent  dite,  laquelle  est  beaucoup  plus  volumineuse. 
L’éponge  s’introduit  à  l’aide  d’un  spéculum  quand  le  col  est  très-peu 
dilaté,  au  moyen  d’un  simple  stylet  quand  la  dilatation  est  plus  considé¬ 
rable.  11  est  prudent,  pour  ne  pas  produire  une  trop  grande  irritation 
et  quand  on  veut  obtenir  une  dilatation  durable ,  de  mettre  quelques 
jours  d’intervalle  entre  chacune  des  séances  d’introduction.  Lorsqu’on 
se  propose  une  exploration  pure  et  simple,  on  peut  aller  beaucoup  plus 
vite,  changer  le  cône  d’éponge  toutes  les  douze  heures  sans  interruption, 
et  il  arrive  le  plus  souvent  qu’au  bout  de  deux  ou  trois  jours  de  cette  ma¬ 
nœuvre,  un  instrument  de  la  grosseur  d’un  cathéter  ou  même  le  doigt, 
peut  être  introduit  dans  la  cavité  utérine  et  en  explorer  les  parois. 

Dans  un  remarquable  mémoire  (1867),  Guéniot  assigne  à  l’éponge  pré¬ 
parée  le  second  rang  parmi  les  agents  destinés  à  pratiquer  la  délivrance 
dans  l’avortement,  et  il  affirme  qu’à  défaut  du  dilatateur  intra-utérin 
celte  préparation  peut  être  employée  avec  succès. 

Le  mécanisme  de  l’éponge  préparée  dans  l’avortement  ou  dans  l’ac¬ 
couchement  prématuré  a  la  plus  grande  analogie  avec  celui  du  dilatateur. 


719 


ÉPONGE.  -  EMPLOI  CHIRÜEGICAL. 

En  effet ,  une  fois. introduite ,  l’éponge  décolle  les  membranes,  irrite  le 
segment  inférieur  de  la  matrice,  dilate  l’orifice  supérieur  du  col  et  aug¬ 
mente  également  le  volume  du  col  dans  toute  sa  hauteur. 

Suckling  conseille  également  le  tamponnement  à  l’éponge  préparée 
dans  la  rétention  du  délivre. 

Le  pessaire  en  éponge  est  recommandé  par  Noël  Gueneau  de  Mussy. 

Gueneau  de  Mussy  lui  donne,  au  moins  dans  la  pratique  nosocomiale, 
la  préférence  sur  les  pessaires  en  caoutchouc.  (Voy.  art.  Pessaires.) 

Huchard,  interne  des  hôpitaux,  nous  a  communiqué  un  travail  fort 
intéressant  et  suivi  d’ observations  sur  l’emploi  de  l’éponge  préparée  dans 
les  maladies  utérines.  Nous  en  donnons  ici  une  analyse  succincte.  L’idée 
de  la  dilatation  paraît  due  à  Macintosh  qui,  dès  1836,  proposait  de  traiter 
à  l’aide  de  bougies  métalliques  les  rétrécissements  du  col  utérin  comme 
ceux  de  l’urèthre;  mais  l’emploi  de  l’éponge  appartient  à  Simpson  (1850). 
Il  a  donné  entre  les  mains  de  Marion  Sims  d’excellents  résultats  et  peut, 
d’après  Ad.  Richard,  qui  préconise  également  son  usage,  aider  au  dia¬ 
gnostic,  aider  au  traitement  et  même  constituer  le  traitement.  Pour  Marion 
Sims,  en  effet,  l’éponge  préparée  employée  par  lui  sous  le  nom  de  tente- 
éponge  est  un  moyen  constant  de  diagnostic  toutes  les  fois  que  l’on  soup¬ 
çonne  une  lésion  quelconque  de  la  cavité  du  corps  de  l’utérus ,  et  que 
l’étroitesse  du  col  rend  l’exploration  impossible.  Il  attache  du  reste  un 
soin  méticuleux  à  la  préparation  de  ces  tentes-éponges  et  la  surveille, 
dit-il,  lui-même.  Il  recommande  également  de  ne  jamais  placer  une 
tente  plus  grosse  que  le  canal  qui  doit  la  recevoir  ;  mais  de  dilater  pro¬ 
gressivement  le  canal  par  l’application  successive  de  plusieurs  tentes  de 
plus  én  plus  volumineuses.  11  laisse  en  place  la  tente-éponge  environ 
vingt-quatre  heures  et  ne  la  retire  qu’avec  une  extrême  lenteur  et  des 
précautions  infinies.  Ces  manœuvres^ finissent  par  lui  permettre  d’intro¬ 
duire  le  doigt  dans  la  cavité  utérine  et  de  l’explorer  librement.  Pour  Ma¬ 
rion  Sims,  la  dilatation  à  l’aide  delà  tente-éponge  est  l’opération  prélimi¬ 
naire  obligée  de  toute  injection  caustique  ou  autre  dans  la  cavité  utérine. 
Il  assure,  en  effet,  qu’à  la  suite  de  cette  dilatation  on  ne  rencontre  jamais 
les  accidents  formidables  qui  sont  consécutifs  aux  injections  les  plus 
anodines  et  qui  proviendraient  de  l’écoulement  insuffisant  par  l’orifice 
du  col,  des  liquides  injectés.  La  démonstration  de  l’utilité  dilatatrice  de 
l’éponge  s’établit  facilement  si  l’on  suppose  un  polype  utérin  donnant 
lieu  à  des  accidents  caractéristiques,  mais  inaccessibles  au  toucher.  L’é¬ 
ponge,  en  dilatant  le  col ,  permettra  de  le  toucher,  d’examiner  son  im¬ 
plantation,  de  l’attirer  au  dehors  et  de  terminer  par  cela  même  une  affec¬ 
tion  dangereuse  dans  ses  conséquences  et  préjudiciable  à  la  santé  de  la 
malade.  L’éponge  peut  constituer  à  elle  seule  le  traitement  dans  les  cas 
d’atrésie  du  col  déterminant  soit  la  stérilité,  soit  la  dysménorrhée.  Le  mé¬ 
canisme  de  cette  dilatation  s’explique  de  soi-même ,  et  l’on  comprend 
que,  grâce  à  ce  procédé,  on  ait  pu  rendre  la  fécondation  possible  et  les 
règles  moins  douloureuses  ;  surtout  si  dans  certains  cas  rebelles  on  fait 
précéder  l’introduction  du  corps  dilatant  de  quelques  légers  débridements. 


720 


ÉPONGE.  -  EMPLOI  CIURÜRGICAL. 


Là  ne  se  bornerait  pourtant  pas,  d’après  Huchard,  l’heureuse  influence  de 
l’éponge  ;  suivant  Marion  Sims,  cité  par  lui,  elle  amollirait  le  col  par  une 
sorte  de  déplétion  séreuse,  et  par  suite  même  de  cette  pénétration  réci¬ 
proque  des  aspérités  et  des  porosités  des  tissus  utérins  et  de  l’éponge, 
elle  déterminerait  une  action  mécanique  analogue  à  celle  de  la  curette 
sans  avoir  aucun  de  ses  dangers. 

D’autres  observations  de  Huchard,  relatives  à  l’action  hémostatique  de 
l’éponge  préparée,  tendent  à  prouver  que  non-seulement  elle  arrête  les 
hémorrhagies  utérines,  mais  encore  qu’elle  prévient  leur  retour; en  dimi¬ 
nuant  l’engorgement  utérin  par  compression  d’abord  ,  par  déplétion  sé¬ 
reuse  ensuite.  La  dilacération  épithéliale  que  produit  l’éponge  au  moment 
de  son  retrait  paraît  également  avoir  une  influence  favorable  sur  le  déve¬ 
loppement  des  fongosités  utérines. 

Considérant  ensuite  l’éponge  comme  un  agent  excitateur  des  fibres 
musculaires  de  l’utérus,  Huchard  la  propose  comme  un  puissant  auxiliaire 
de  l’ergot  de  seigle  dans  les  métrites,  les  fluxions  et  les  congestions  uté¬ 
rines.  L’auteur  explique  l’action  favorable  de  l’éponge  sur  les  engorge¬ 
ments  utérins  non  inflammatoires  par  la  pression  qu’elle  exerce  sur  les 
capillaires  dilatés  par  l’imbibition  de  liquide  dont  s’infiltrent  les  mailles 
de  son  tissu  spongieux,  et  par  conséquent  par  la  diminution  du  volume 
de  l’organe.  11  consacre  également  un  chapitre  aux  contre-indications  de 
l’éponge.  Il  admet  que  son  emploi  est  négatif  dans  les  hémorrhagies  ré¬ 
sultant  soit  de  fongosités  du  corps  de  l’utérus,  soit  de  cancer  utérin.  Il 
convient  également  qu’il  serait  dangereux  de  s’en  servir  dans  les  métror- 
rhagies  consécutives  à  un  phlegmon  péri-utérin  et  que  l’on  pourrait  ainsi, 
par  ce  moyen,  comme  d’ailleurs  par  toutes  les  interventions  imaginàbles, 
déterminer  des  péritonites  mortelles. 

Hubert  (de  Louvain)  accuse  l’éponge  préparée  de  déterminer  souvent 
une  inflammation  par  trop  violente,  causée  surtout  par  les  rugosités  de 
l'éponge;  il  trouve  également  un  inconvénient  sérieux  dans  l’odeur  in¬ 
fecte  qui  s’exhale  des  pièces  de  pansement  lorsqu’elles  ont  séjourné  du¬ 
rant  un  temps  un  peu  trop  considérable  ;  aussi  préfère-t-il  de  beaucoup 
à  l’éponge  les  tiges  de  laminaria  digitata.  Cette  plante  se  présente, 
quant  à  la  partie  que  l’on  utilise,  sous  la  forme  de  petits  cylindres 
de  20  à  25  centimètres  de  longueur  et  de  la  grosseur  d’une  plume 
d’oie.  Noirs  et  très-fragiles  à  l’état  de  siccité,  ils  se  gonflent  dans  les 
liquides  au  point  d’acquérir  six  fois  leur  volume.  Employée  pour  la 
première  fois  par  Sloan,  en  1862,  elle  a  de  plus  été  expérimentée  scien¬ 
tifiquement  par  Wilson,  Nélaton  et  la  plupart  des  chirurgiens.  Le  procédé 
d’application  consiste  à  racler  les  tiges  ,  à  les  réunir  en  un  faisceau  de 
deux,  trois  ou  quatre,  suivant  le  volume  que  l’on  veut  obtenir  et  à  les 
faire  macérer  quelques  minutes  dans  l’eau  tiède  avant  de  les  introduire. 

La  dilatation  de  la  laminaire  est  lente  et  croît  graduellement  durant 
douze  heures.  Son  volume  est  proportionnellement  plus  considérable,  et  elle 
ne  s’imprègne  pas  comme  l’éponge  d’unequantité  considérable  de  mucosi¬ 
tés.  Tout  au  plus  pourrait-on  reprocher  à  cette  substance  la  lenteur  avec 


ÉRECTILES  (appareils  et  mouvements).  721 

laquelle  elle  se  ramollit  et  qui  exposerait  plus  ou  moins  à  la  rupture  pré¬ 
maturée  des  membranes.  C’est  pour  obvier  à  cet  inconvénient  que  Hubert 
(de  Louvain)  conseille  de  proportionner  la  longueur  des  tiges  de  lami- 
naria  à  la  longueur  même  du  col,  et  d’adapter  leur  volume  à  la  perméa¬ 
bilité  et  à  la  dilatation  du  conduit  dans  lequel  bn  va  les  introduire.  En¬ 
fin,  le  même  auteur  conseille  d’immerger  douze  ou  quinze  heures  avant 
l’introduction  l’extrémité  du  cylindre  qui,  ainsi  ramollie,  ne  pourra 
guère  produire  la  rupture  des  membranes. 

Réveil,  Formulaire  raisonné  des  médicaments  nouveaux.  Paris,  1864,  p.325.  ■ 

Bb.vun  (C.)  (devienne),  Avantages  du  laminaria  digüata  comme  succédané  de  l’éponge  prépa¬ 
rée  {Wiener  med.  Presse,  1865,  n“*  20,  21). 

OocRTY,  Traité  pratique  des  maladies  des  femmes,  1866. 

Cazeaux,  Traité  théorique  et  pratique  de  l’art  des  accouchements,  7“  édition,  revue  par  Tar- 
nier,  1867,  p.  1035. 

JouLis,  Traité  complet  d’accouchements,  1867,  p.  1108. 

Hubert  (de  Louvain),  Cours  d’accouchements,  1869,  t.  Il,  p.  91  et  152. 

Güeneau  de  Mussv,  De  l’emploi  des  pessaires  en  éponge  dans  les  affections  utérines  {Bullelin 
de  thérapeutique,  1867,  t.  LXXIII,  p.  585). 

SuEKLiNG,  Medical  Times  and  Gazette  {Gazette  médicale  de  Paris,  1867,  p.  588). 

Gdésiot,  Mémoire  sur  la  délivrance  dans  l’avortement  {Bulletin  de  thérapeutique,  t.  L.'ÂXIÜ, 
1867,  p.  305,  350,  390). 

Nægele  et  Gbenser,  Traité  pratique  de  l’art  des  accouchements,  traduit  par  Aubenas.  Paris,  1869, 
p.  400. 

GueneÀu  de  Musst  (N.),  De  l’emploi  des  pessaires  en  éponge  dans  les  affections  utérines  {Bul¬ 
letin  de  thérapeutique,  1867,  t.  LXXIII,  9»  livraison,  p.  385). 

Huchabd  (Henri),  De  l’emploi  de  l’éponge  préparée  dans  les  maladies  utérines;  travail  présenté  à 
la  Société  ii  édicale  d’observation  (Recueil  des  travaux  de  la  Société,  2«  série,  t.  II,  2'  fasc., 
p.  333;  1869). 

L.  A.  DE  Saint-Germain. 

ÉPREmTES.  Voy.  Ténesme. 

ÉPUEIE  ou  ÉPUEIS.  Voy.  Gencives. 

ÉPURGE.  Voy.  Euphorbe. 

ÉRECTELES  (Appa.peils  et  mouvemeuts). —  On  appelle  erec- 
tiles  certains  appareils  qui  sont  susceptibles  d’augmenter  de  volume  et 
de  durcir  sous  l’influence  d’un  afflux  de  sang.  Cette  propriété  est  due  à 
l’existence  d’une  trame  fibreuse  aréolaire ,  interposée  entre  les  artères  et 
les  veines  et  tenant  lieu  de  capillaires. 

A  la  vérité,  ce  tissu  ne  renfermé  aucun  élément  qui  lui  soit  propre  et 
ne  représente  qu’une  variété  de  vaisseaux  capillaires  ,  remarquables  par¬ 
leurs  dimensions;  c’est  ce  que  démontre  l’étude  de  son  dé>  cloppement. 
Nous  continuerons  néanmoins  à  le  désigner  sous  les  noms  de  tissu  érec¬ 
tile,  spongieux  ou  caverneux,  cette  dernière  dénomination  s’appliquant  à 
sa  forme  la  plus  parfaite. 

Dans  l’espèce  humaine  le  tissu  érectile  ne  se  rencontre  que  dans  les 
organes  génitaux  externes  :  corps  caverneux  de  la  verge  et  de  l’urètbre 
chez  l’homme  ;  clitoris  et  bulbe  du  vestibule  chez  la  femme.  Cependant 
tous  les  anatomistes  n’admettent  pas  ces  restrictions.  Kobelt ,  par  exem¬ 
ple,  l’un  de  ceux  qui  se  sont  occupés  avec  le  plus  de  succès  de  la  struc¬ 
ture  des  organes  génitaux,  décrit  du  tissu  .spongieu-x  dans  les  parois  du 
vagin  et  dans  la  portion  membraneuse  de  l’urèthre;  mais  il  n’attaebu 

NODV.  DICT,  IIÉD.  ET  CHIE.  XIII.  -  46 


JVEMBiMs). 


722  ÉRECTILES  (appareils  et  mou 

pas  un  sens  bien  précis  au  mot  érectile  et  y  comprend  de  simples 
plexus  veineux. 

Ch.  Rouget  va  plus  loin  encore  ;  d’après  ses  belles  injections,  il  ad¬ 
met  du  tissu  érectile  dans  les  parois  du  vagin,  de  l’utérus,  des  trompes 
et  jusque  dans  l’épaisseur  du  ligament  large  et  dans  l’aileron  de  l’ovaire; 
l’iris  serait  également  un  appareil  érectile.  Il  est  vrai  qu’il  considère 
comme  tel  tout  organe  dans  lequel  des  plexus  artériels  et  veineux  sont 
soumis  à  la  constriclion  de  fibres  musculaires  lisses  et  il  formule  en  con¬ 
séquence  une  théorie  de  l’érection  que  nous  aurons  à  examiner  plus  bas. 

D’après  Ercolani,  le  tissu  érectile  est  tantôt  purement  vasculaire,  c’est- 
à-dire  formé  par  nne  dilatation  des  capillaires,  tantôt  musculo-vasculaire  , 
et  ce  serait  alors  l’adjonction  des  fibres  musculaires  qui  lui  donnerait  la 
propriété  de  devenir  rigide,  par  opposition  au  tissu  purement  vasculaire 
qui  n’arrive  qu’à  la  simple  turgescence.  Du  reste,  Ercolani  ne  donne  pas 
au  tissu  érectile  une  extension  aussi  large  que  le  fait  Rouget. 

Sans  doute,  on  ne  peut  pas  nier  que  les  plexus  vasculaires  des  organes 
génitaux  internes  ne  soient,  à  de  certains  moments,  le  siège  d’une  tur¬ 
gescence  qui  a  quelque  analogie  avec  l’érection,  mais  c’est  là  un  phéno¬ 
mène  propre  à  toute  espèce  de  vaisseaux  qui  sont  alternativement  flasques 
ou  distendus  par  du  liquide.  A  ce  compte,  la  rate,  les  glandes  vasculaires 
sanguines  et  même  les  glandes  en  grappe  qui  subissent  un  afflux  de  sang 
au  moment  de  la  sécrétion,  devraient  être  rangées  au  nombre  des  organes 
érectiles.  Rouget  ne  recule  pas  devant  cette  conséquence  extrême  et  il 
range  même  la  rougeur  de  la  face,  qui  survient  au  moment  d’une  émo¬ 
tion,  parmi  les  phénomènes  érectiles.  Mais  un  plexus  de  vaisseaux  ,  quel¬ 
que  considérable  et  congestionnée  qu’on  le  suppose,  ne  présente  jamais 
les  propriétés  du  tissu  érectile  véritable. 

Nous  ne  considérerons  comme  érectiles  que  les  organes  formés  par  un 
réseau  de  capillaires  dilatés,  dont  les  dimensions  sont  plus  larges  que 
celles  des  ramifications  artérielles  ou  veineuses  qui  s’y  abouchent.  A  ce 
point  de  vue,  les  seuls  appareils  érectiles  se  rencontrent  dans  les  organes 
génitaux  externes. 

Anatomie  et  histologie.  —  Un  premier  caractère  à  noter  dans  les  ap¬ 
pareils  érectiles,  c’est  qu’ils  sont  toujours  entourés  d’üne  gaine  résistante 
et  élastique  qui  détermine  leur  forme  et  en  limite  l’extensibilité.  Cette 
gaine,  ou  albuginée,  contribue  beaucoup  à  la  dureté  particulière  de  ces 
appareils  pendant  l’érection  ;  aussi  la  trouvons-nous  à  son  maximum  d’é¬ 
paisseur  dans  les  corps  caverneux  de  la  verge.  Chez  certaines  espèces 
animales,  le  lapin  par  exemple,  l’albuginée  possède  une  épaisseur  énorme 
pour  suppléer  à  l’insuffisance  du  tissu  caverneux,  qui  est  très-peu  déve¬ 
loppé  dans  la  vergé  de  ces  animaux. 

Dans  l’intérieur  de  cette  coque,  composée  de  fibres  conjonctives  et  élas¬ 
tiques,  est  logé  le  tissu  érectile,  sous  forme  d’une  éponge  très-fine,  d’où 
le  nom  de  tissu  spongieux  ou  caverneux.  Il  est  constitué  par  une  infinité 
de  lamelles  et  trabécules,  entre-croisés  en  tout  sens,  qui  circonscrivent 
des  mailles  assez  régulières.  Elles  ont  à  peu  près  un  millimètre  dans  le 


ÉRECTILES  (appareils  et  mouvements).  725 

centre  des  corps  caverneux  du  pénis  ;  mais  elles  sont  beaucoup  plus  pe¬ 
tites  dans  le  gland  et  le  corps  spongieux  de  l’urèthre,  ainsi  que  dans  les 
appareils  érectiles  de  la  femme.  (Voy.  fig.  128). 

Les  parois  de  ces  mailles  sont  formées  d’une  part  par  du  tissu  fibreux 
et  élastique  en  proportions  presque  égales  ;  d’autre  part,  par  des  fibres 
musculaires  lisses.  Les  trabécules  les  plus  volumineux  renferment  en 
outre  des  terminaisons  artérielles  et  nerveuses.  Enfin  toutes  les  aréoles 
sont  tapissées  par  une  membrane  mince,  transparente,  très-adhérente  et 
contenant  des  noyaux  disséminés.  Ch.  Robin  la  regarde  comme  aniiyste, 
Kœllîker  comme  un  épithélium  pavimenteux,  dont  les  cellules  se  sont 
en  partie  soudées. 

Elle  est  identique  avec  la  paroi  des  vaisseaux  capillaires ,  mais  c’est 
aussi  la  seule  ressemblance  des  aréoles  des  corps  caverneux  avec  ces 
vaisseaux.  Dans  le  gland,  où  les  mailles  du  tissu  érectile  sont  beaucoup 
plus  petites,  la  ressemblance  est  déjà  plus  accusée.  Enfin,  si  l’on  étudie 
les  différents  aspects  de  ce  tissu  dans  la  série  animale,  ainsi  que  son  dé¬ 
veloppement  (Legros,  Ercolani),  on  se  convainc  qu’il  est  constitué  primiti¬ 
vement  par  des  capillaires  ordinaires,  qui  se  dilatent  de  plus  en  plus  avec 
l’âge  et  qui  atteignent  dans  les  corps  caverneux  la  forme  aréolaire,  par  la 
résorption  des  cloisons  intermédiaires. 

Les  artères  afférentes  des  appareils  érectiles  percent  la  coque  fibreuse 
et  se  partagent  en  branches  qui  rampent  dans  l’épaisseur  des  trabécules; 
puis  elles  se  divisent  brusquement  en  un  bouquet  de  ramuscules  de  66  à 
88  millièmes  de  millimètres,  qui  sont  contournées  en  spirale  et  s’ouvrent 
directement  dans  les  aréoles.  Ce  sont  ces  terminaisons  que  J,  Muller  a  dé¬ 
crit  pour  la  première  fois  sous  le  nom  d’artères  Mlicines  et  que  Rouget 
regarde  encore  comme  caractéristiques  des  appareils  érectiles.  Mais  cette 
disposition  en  spirale  se  rencontre  dans  les  artères  de  tous  les  organes 
qui  sont  sujets  à  des  changements  de  volume.  Quant  à  ces  terminaisons 
en  culs-de-sac  ou  en  ramuscules  filiformes,  admises  également  par  Müller, 
elles  ne  sont,  d’après  les  récents  travaux  de  Rouget,  de  Langer,  de  Le¬ 
gros,  que  de  simples  apparences  résultant  d’injections  incomplètes. 

Une  particularité  plus  importante  de  ces  artères  ,  c’est  l’épaisseur  con¬ 
sidérable  de  leur  tunique  musculeuse  et  l’existence  de  plis  longitudinaux, 
signalés  par  Ercolani,  sur  leur  tunique  interne.  Ces  dispositions  annon¬ 
cent  une  très-grande  dilatabilité  de  ces  vaisseaux.  Notons  encore  en  ter¬ 
minant,  que  quelques  branches  des  artères  afférentes  se  terminent  par  un 
réseau  de  capillaires  très-fins,  qui  sont  destinés  à  la  nutrition  de  l’albu- 
ginée  et  des  trabécules  les  plus  volumineux. 

Les  veines  efférentes  naissent  directement  des  aréoles  du  tissu  érectile, 
qui  remplacent  les  capillaires.  Comme  dans  les  autres  parties  du  corps, 
leur  volume  est  supérieur  à  celui  des  artères  afférentes  et  elles  sont  mu¬ 
nies  de  valvules  qui  empêchent  le  reflux  du  sang  vers  la  périphérie.  En 
apparence,  elles  ne  présentent  aucune  disposition  destinée  à  retarder  le 
cours  du  sang. 

Les  nerfs  assez  volumineux  des  organes  érectiles  proviennent  du  nerf 


7!24  ÉRECTILES  (appareils  et  moüvemekts). 

honteux  et  du  plexus  hypogastrique.  Les  filets  sensitifs  se  rendent  tous  à 
la  peau  et  à  la  muqueuse  ;  le  tissu  érectile  proprement  dit  reçoit  unique¬ 
ment  des  fibres  de  Remak  et  ne  jouit  que  d’une  sensibilité  fort  obtuse. 
On  constate  la  présence  de  ces  fibres  nerveuses  dans  l’épaisseur  des  trabé¬ 
cules  et  dans  les pai’ois  des  artérioles,  mais  on  ignore  leur  mode  de  ter¬ 
minaison. 

Telle  est,  en  général,  la  structure  des  appareils  érectiles  ;  nous  n’avons 
pas  à  entrer  ici  dans  les  particularités  de  forme  qu’ils  présentent  et  que 
Ton  trouvera  aux  articles  Verge  et  Vulve. 

Physiologie  de  l’érection,  mouvements  érectiles.  —  L’érection  résulte 
de  la  distension  des  aréoles  des  organes  érectiles  par  le  sang  ;  mais,  par 
quel  mécanisme  ce  liquide,  qui  traverse  d’ordinaire  ces  tissus  sans  les 
distendre,  s’y  accumule-t-il  d’autres  fois  en  grande  quantité  ?  Les  opinions 
sont  encore  très-partagées  à  cet  égard.  A  priori,  on  peut  chercher  la 
cause  de  l’érection,  soit  dans  un  obstacle  à  l’écoulement  du  sang  veineux, 
soit  dans  un  apport  exagéré  de  sang  artériel.  Jusqu’il  y  a  peu  d’années 
on  invoquait  principalement  la  première  de  ces  causes  ;  depuis  la  célèbre 
expérience  de  Cl.  Bernard  sur  la  section  du  sympathique  du  cou,  on  s’a¬ 
dresse  de  préférence  à  la  seconde.  Examinons  rapidement  la  valeur  des 
différentes  théories  émises  à  ce  sujet. 

Déjà  les  anciens  anatomistes,  R.  de  Graaf,  Santorini,  attribuaient  l’é¬ 
rection  à  la  contraction  des  muscles  ischio  et  bulbo-caverneux,  qui  com¬ 
priment  la  veine  dorsale  et  les  veines  bulbeuses.  Mercier  a  cherché  depuis 
à  compléter  cette  théorie  en  invoquant  l’action  du  releveur  de  Tanus,  du 
transverse  profond,  du  muscle  pubio-prostatique,  pour  expliquer  la  stase 
sanguine  dans  les  plexus  veineux  périprostatiques.  Cette  opinion,  basée 
sur  l’action  exclusive  des  muscles'  rouges  n’est  plus  soutenable  aujour¬ 
d’hui  ;  car,  d’une  part,  les  muscles  striés  ne  sont  pas  susceptibles  d’une 
contraction  aussi  continue  que  l’exigeraient  des  érections  un  peu  prolon¬ 
gées  et,  d’autre  part,  l’anatomie  démontre  que  certaines  anastomoses  des 
veines  génitales  échappent  à  toute  constriction  des  muscles  rouges  et  que 
l’action  de  ces  derniers  ne  peut  être  efficace  que  sur  des  organes  déjà 
durcis  par  un  commencement  d’érection.  Alors,  en  effet,  ils  interviennent 
pour  la  compléter,  comme  nous  le  verrons  plus  bas. 

Les  muscles  striés,  une  fois  hors  de  cause,  on  s’est  adressé  aux  mus¬ 
cles  lisses  qui  entrent  dans  la  charpente  des  oi  ganes  érectiles.  Sappey  a 
décrit  un  muscle  péripénien,  situé  sous  la  peau  de  ia  verge  et  qui  com¬ 
primerait  toutes  les  veines.  P.  Bérard  a  supposé  que  la  contraction  des 
trabécules  ferme  les  orifices  des  veines  émergentes.  Valentin  admettait 
que  les  muscles  des  trabécules  dilatent  les  mailles  du  tissu  caverneux,  et 
Kœlliker,  au  contraire,  que  cette  dilatation  était  le  résultat  d’une  para¬ 
lysie  des  trabécules. 

Toutes  ces  théories,  fondées  sur  la  seule  action  des  muscles  lisses, 
sont  abandonnées  de  nos  jours  en  faveur  de  l’opinion  qui  attribue  l’érec¬ 
tion  à  un  apport  exagéré  de  sang  artériel  ;  mais,  en  général,  on  fait  encore 
intervenir  secondairement  la  compression  veineuse  par  les  muscles. 


ÉRECTILES  (appareils  et  modvements).  725 

Ch.  Robin  est  le  premier  qui  a  appliqué  aux  organes  érectiles  la  théorie 
de  la  paralysie  vasculaire,  démontrée  par  l’expérience  de  Claude  Bernard. 

D’après  Ch.  Robin,  la  dilatation  passive  des  artères  sullirait  à  elle  seule 
pour  expliquer  tous  les  phénomènes  de  l’érection.  Kœllikcr  trouve  déjà 
nécessaire  d’y  ajouter  la  paralysie  des  trabécules.  Rouget  et  Ercolani,  au 
contraire,  admettent  la  contraction  des  muscles  trabéculaires  dans  l’érec¬ 
tion  complète;  ils  pensent  que  la  dilatation  artérielle  ne  produit  qu’une 
simple  turgescence  des  organes  érectiles  et  que  la  rigidité  particulière  du 
pénis  est  due  à  la  contraction  des  trabécules.  Ils  se  basent  principale¬ 
ment  sur  des  faits  d’anatomie  comparée;  mais  Rouget  ajoute  encore  à 
toutes  ces  causes  d’érection,  une  occlusion  partielle  des  veines  par  action 
musculaire.  Legros  et  Luciani  sont  également  partisans  de  la  dilatation 
artérielle,  mais  ils  veulent  qu’elle  soit  active,  au  lieu  d’être  passive.  Pour 
Legros,  les  artères  des  tissus  érectiles,  si  riches  en  fibres  musculaires, 
formeraient  une  espèce  de  cœur  accessoire,  analogue  à  celui  de  certains 
animaux. 

De  toutes  ces  opinions  entre-croisées  il  résulte  qu’on  est  à  peu  près  d’ac¬ 
cord  sur  deux  points  ;  1“  que  l’érection  commence  par  la  dilatation  des 
artères  afférentes  ;  2”  que  cette  dilatation  artérielle  n’est  pas  suffisante  à 
elle  seule  pour  expliquer  la  rigidité  du  pénis.  Il  s’agit  maintenant  d’exa¬ 
miner  si  les  expériences  justifient  cette  conception. 

La  section  du  sympathique  au  cou  amène  une  dilatation  des  artères  de 
la  tête  ;  on  a  conclu,  par  analogie,  que  le  même  phénomène  devait  se 
produire  sûr  les  artères  de  la  verge  par  suite  d’une  action  réflexe.  Mais 
l’expérience  directe  n’est  pas  favorable  à  cette  hypothèse.  Déjà,  ancienne¬ 
ment,  Gunther  a  divisé  le  nerf  dorsal  sur  un  étalon  en  chaleur  ;  il  en  ré¬ 
sulta  une  certaine  hyperémie  passive  de  la  verge,  mais  l’érection  était 
devenue  complètement  impossible,  malgré  des  tentatives  de  copulation. 
Ch.  Legros  a  obtenu  le  même  résultat  sur  un  chien  ;  il  songea  alors  à 
vérifier  l’action  du  sympathique  sur  les  appareils  érectiles  de  la  tête  de 
coqs  et  de  dindons.  A  cet  effet,  il  extirpa  le  premier  ganglion  cervical  à 
un  certain  nombre  de  ces  animaux  et,  loin  de  voir  les  tissus  érectiles  de 
la  tête  se  gonfler,  il  les  vit  pâlir  et  perdre  leur  érectilité,  même  pendant 
les  plus  fortes  excitations. 

Par  contre,  il  obtint  l’érection  du  pénis  par  une  ligature  jetée  sur  le 
nerf  dorsal  et  modérément  serrée.  A  la  suite  de  ces  expériences,  Legros 
nie  la  dilatation  paralytique  des  artères  caverneuses  et  attribue  l’érection 
à  un  mouvement  péristaltique  de  ces  vaisseaux  qui  accélérerait  l’arrivée 
du  sang. 

Eckhard  et  Schiff  considèrent  également  l’érection  comme  le  résultat 
d’une  dilatation  active  des  artères.  C’est  ce  que  paraît  prouver  l’expé¬ 
rience  suivante  d’Eckhard;  il  ampute  la  partie  antérieure  de  la  verge  d’un 
chien  et  irrite  les  nerfs  honteux  ;  aussitôt  le  volume  des  jets  artériels  aug¬ 
mente  considérablement  et  le  moignon  devient  rigide. 

A  première  vue,  l’observation  clinique  paraît  plus  favorable  à  la  théorie 
de  la  paralysie  vasculaire.  On  connaît,  en  effet,  un  grand  nombre  de  cas 


726  ÉRECTILES  (appareils  et  mouvements). 

de  lésions  traumatiques  de  la  moelle  cervicale,  suivies  de  paraplégie  et 
d’érections  presque  continues.  Ce  priapisme,  si  singulier,  disparaît  à  me¬ 
sure  que  la  paraplégie  se  dissipe.  Debrou  a  cité  également  quelques  cas 
de  priapismes  se  reproduisant  régulièrement  et  exclusivement  pendant  le 
sommeil.  Mais  il  ajoute  avec  raison  que  ces  érections  ne  doivent  pas  être 
attribuées  à  la  paralysie,  mais  à  une  augmentation  du  pouvoir  réflexe  de 
la  moelle,  en  vertu  duquel  la  moindre  excitation  du  gland  provoque  une 
érection. 

En  résumé,  d’après  l’état  actuel  de  nos  connaissances,  l’érection  paraît 
due  à  une  dilatation  active  des  artères  afférentes,  sous  l’influence  d’une 
excitation  réflexe  de  la  moelle  ;  mais  cet  apport  exagéré  de  sang  ne  pro¬ 
duit  que  la  turgescence  des  appareils  érectiles  et  n’explique  pas  la  rigi¬ 
dité  qu’on  remarque  dans  certains  d’entre  eux.  Il  nous  reste  donc  à 
éclaircir  ce  dernier  point. 

Ercolani,  avons-nous  vu,  attribue  la  rigidité  du  pénis  à  la  contraction 
des  fibres  musculaires  des  trabécules,  et  Rouget  admet  en  plus  la  com¬ 
pression  des  veines  par  les  muscles  ;  car,  dit-il,  sur  le  cadavre  il  faut  une 
distension  énorme  pour  obtenir  la  rigidité  de  la  verge  et  encore  faut-il 
comprimer  la  veine  cave  pour  empêcher  le  liquide  de  refluer  de  ce  côté. 

Sans  contester  l’exactitude  de  cette  observation  de  Rouget,  j’invoquerai 
cependant  l’expérience  cadavérique  pour  prouver  le  contraire.  Voici,  en 
effet,  ce  que  j’ai  observé  dans  un  grand  nombre  d’injections  des  organes 
génitaux,  que  j’ai  faites  pour  un  concours  de  chef  des  travaux  anatomiques, 
dont  les  pièces  sont  déposées  au  musée  de  Strasbourg. 

Si  l’on  veut  obtenir  une  érection  complète  des  corps  caverneux,  il 
faut  les  injecter  directement  à  travers  une  canule  un  peu  large,  de  trois 
à  quatre  millimètres  de  diamètre  et  pousser  la  matière  rapidement.  Alors 
la  verge  s’érige,  mais  il  ne  pénètre  que  très-peu  de  liquide  dans  le  gland 
et  encore  moins  dans  les  veines  efférentes.  En  forçant  la  pression,  on  ne 
réussit  pas  à  vaincre  l’obstacle,  car  le  liquide  repousse  le  piston.  On 
peut  même,  ainsi  que  Kobelt  l’a  déjà  signalé,  insuffler  les  corps  caver¬ 
neux,  sans  que  l’air  s’échappe  par  les  veines.  Plus  l’injection  est  brusque 
et  plus  l’occlusion  veineuse  est  parfaite.  Si,  au  contraire,  l’on  tient  à  rem¬ 
plir  les  vein.es  efférentes  et  le  corps  spongieux  de  l’urèthre,  il  faut  pous¬ 
ser  la  matière  lentement,  à  travers  une  petite  canule,  ou,  encore  mieux, 
faire  l’injection  par  une  piqûre  du  gland.  Mais  alors  ,  pour  obtenir  une 
érection  complète,  les  veines  du  bassin  doivent  être  obturées  préalable¬ 
ment,  pour  empêcher  le  liquide  de  s’éparpiller  dans  le  système  veineux. 
C’est  exactement  ce  que  disait  Rouget.  Mais,  par  mon  prémier  procédé, 
on  peut  distendre  les  corps  caverneux  avec  une  matière  d’une  couleur 
particulière  et  injecter  ensuite  le  gland  et  le  corps  spongieux  avec  un 
liquide  d’une  couleur  différente,  quoique  ces  deux  appareils  communi¬ 
quent  par  des  veines  nombreuses. 

Cette  expérience  prouve  d’abord  qu’il  existe  dans  les  corps  caverneux 
(mais  seulement  dans  cet  appareil  érectile)  un  mécanisme  autoclave,  qui 
ferme  les  veines  efférentes  au  moment  d’un  afflux  subit  de  liquide  et  que 


ÉRECTILES  (appareils  et  moüvemeiNts).  727 

ce  mécanisme  est  indépendant  d’un  acte  de  contractilité  vitale  ;  en  second 
lieu,  que  les  corps  caverneux  peuvent  être  le  siège  d’une  érection,  indé¬ 
pendamment  du  gland  et  du  corps  spongieux.  Nous  verrons  que  cette 
observation  se  vérifie  également  sur  le  vivant. 

Si  maintenant  on  cherche  la  disposition  anatomique  qui  rend  compte 
de  ce  mécanisme  autoclave  des  veines  caverneuses,  il  faut  rejeter  l’inter¬ 
vention  des  muscles,  soit  lisses,  soit  striés,  puisque  le  phénomène  se  pro¬ 
duit  sur  le  cadavre.  On  en  trouvera  plutôt  l’explication  dans  un  fait 
bien  connu  des  anatomistes  pratiques.  Quand  il  s’agit  de  préparer  les 
gaines  synoviales  tendineuses  ou  certaines  cavités  séreuses  par  insuffla¬ 
tion,  il  suffit  d’introduire  le  tube  à  travers  une  ponction  oblique,  qui 
parcourt  un  certain  chemin  entre  l’enveloppe  fibreuse  et  la  séreuse.  Une 
fois  que  la  cavité  est  bien  distendue,  on  peut  retirer  le  tube  sans  qu’il 
s’échappe  une  bulle  d’air,  parce  que  le  trajet  oblique  forme  valvule  et  se 
trouve  oblitéré  d’autant  plus  sûrement  que  la  tension  intérieure  est  plus 
forte.  Mais,  quand,  au  bout  de  quelques  heures,  une  portion  de  l’air  s’est 
échappée  par  exosmose ,  la  tension  diminue  et  la  valvule  se  rouvre 
insensiblement. 

Le  même  mécanisme  explique  la  fermeture  des  veines  caverneuses  qui 
traversent  obliquement l’albuginée.  Quand,  par  la  dilatation  des  artères, 
le  sang  afflue  dans  les  corps  caverneux,  cette  espèce  d’appareil  valvulaire 
entre  en  fonction  et  arrête  plus  ou  moins  complètement  l’écoulement  des 
liquides.  A  mesure  que  la  tension  du  pénis  diminue  par  suite  de  la  con¬ 
traction  des  artères,  la  valvule  cesse  de  fonctionner  et  le  sang  reprend 
son  cours  normal. 

11  ne  faut  pas  s’étonner  de  nous  voir  attribuer  un  mécanisme  différent 
à  l’érection  des  corps  caverneux  et  à  celle  du  corps  spongieux;  car  ces 
deux  appareils  fonctionnent  dans  des  conditions  très-différentes.  Le  pre¬ 
mier  présente  un  volume  considérable  et  doit  offrir  une  grande  résistance 
dès  le  début  de  l’érection  ;  il  n’est  cependant  alimenté  que  par  deux  ar¬ 
tères  assez  petites  ;  tandis  que  le  corps  spongieux  de  l’urèthre,  avec  ses 
anne.xes,  qui  ne  représente  guère  que  la  moitié  du  volume  des  corps  ca¬ 
verneux,  reçoit  six  artères  plus  fortes  :  les  dorsales  de  la  verge  ,  les  bul- 
heuses  et  les  bulbo-uréthrales.  Par  contre,  si  les  veines  bulbeuses  et  dor¬ 
sales  ne  présentent  pas  de  disposition  autoclave,  elles  sont  comprimées  à 
chaque  contraction  du  muscle  bulbo-caverneux,  qui  chasse  le  sang  du 
bulbe  vers  le  gland,  d’après  le  mécanisme  indiqué  par  Kobelt.  Grâce  à 
cette  propulsion  répétée  du  sang  vers  le  gland,  les  nerfs  de  cet  organe 
sont  comprimés  par  saccades  de  plus  en  plus  rapprochées  et  provoquent 
l’orgasme  voluptueux,  qui,  à  son  tour,  amène  l’éjaculation  par  action 
réflexe  sur  les  vésicules  séminales. 

On  comprend  facilement  la  raison  de  cette  différence  dans  le  méca¬ 
nisme  de  l’érection  du  gland  ;  si  les  veines  de  cet  organe  jouissaient 
d’une  fermeture  autoclave,  la  tension  y  aurait  été  complète  et  perma¬ 
nente  dès  le  début  de  l'érection  et  aurait  provoqué  une  éjaculation  pré¬ 
maturée. 


728  ÉRECTILES  (appareils  et  moüvements). 

Outre  les  effets  sur  le  gland,  l’érection  maximum  du  corps  spongieux 
de  l’urèthre  réagit  aussi  sur  le  canal  et  le  rend  béant.  D’après  Kobelt, 
une  injection  à  la  cire,  bien  réussie,  transformerait  l’urèthre  en  un  tube 
ouvert  depuis  son  orifice  externe  jusqu’au  véru-montanum.  C’est  une 
exagération  dont  Kobelt,  dans  ses  planches  d’ailleurs  si  exactes,  n’a 
nullement  fourni  la  preuve.  Dans  une  série  d’injections  des  organes  gé¬ 
nitaux,  j’ai  toujours  constaté  que  le  tissu  spongieux  s’arrêtait  nettement 
au  bulbe.  Du  reste,  je  n’ai  jamais  réussi  à  rendre  le  canal  véritablement 
béant  par  une  injection  à  la  cire.  Par  contre,  en  injectant  le  tissu 
érectile  du  pénis  avec  du  mercure  et  en  le  faisant  sécber  dans  cet  état, 
j’ai  vu  sur  des  coupes  (fig.  128)  le  canal  de 
l’urèthre  transformé  en  un  tube  ouvert,  de 
forme  elliptique,  depuis  la  région  du  bulbe,, 
jusque  vers  le  méat  urinaire,  dont  les  lè¬ 
vres  restaient  cependant  en  contact. 

Sur  le  vivant,  cette  érection  de  la  partie 
pénienne  du  canal  de  l’urèthre  produit  un 
vide  qui  aspire  en  quelque  sorte  le  sperme 
Fig  1î8  —  "  "  '»e  dis-  portion  membraneuse.  Puis 

—  r,  Âréo-  Survient  une  contraction  du  muscle  bulbo- 
d  nés  eorps  ca-  cavemeux  qui  le  projette  avec  force  au  de- 

~  l'df  jon  hors,  en  écartant  les  lèvres  du  méat.  Celles- 

corps  sponsioux.  ci  se  referment  après  chaque  éjaculation  et 

le  vide  se  reproduit  dans  l’urèthre  à  chaque 
nouvelle  contraction  du  bulbe  caverneux,  qui  ramène  l’érection  maxi¬ 
mum  du  corps  spongieux. 

En  exposant  plus  haut  le  résultat  des  injections  cadavériques,  j’ai 
insisté  sur  la  possibilité  d’une  érection  isolée  des  corps  caverneux ,  sans 
participation  du  gland.  Ce  fait  a  son  importance  et  se  présente  journel¬ 
lement.  A  moins  d’une  excitation  vénérienne  très-forte,  les  érections  sont 
simplement  caverneuses  au  début  et ,  comme  ces  appareils  ne  sont  doués 
que  d’une  sensibilité  très-obtuse,  il  n’en  résulte  pas  d’abord  de  sensation 
voluptueuse.  Ce  n’est  que  pendant  les  premières  tentatives  de  copulation 
que  le  gland  se  distend  et  alors  survient  l’orgasme  vénérien. 

La  plupart  des  érections  pathologiques  provoquées,  soit  par  l’irritation 
d’un  calcul,  soit  par  la  réplétion  de  la  vessie'  ou  du  rectum,  ou  encore 
par  une  lésion  de  la  moelle,  restent  bornées  aux  corps  caverneux.  Malgré 
leur  longue  durée,  elles  sont  plutôt  pénibles  que  voluptueuses,  et,  loin 
de  solliciter  le  malade  aux  actes  vénériens,  elles  lui  font  désirer  l’inter¬ 
vention  de  la  médecine  pour  les  faire  cesser.  C’est  ce  qui  justifie  la  dis¬ 
tinction  entre  le  priapisme  et  le  satyriasis.  {Voy.  ces  mots.)  Dans  le  pre¬ 
mier  état,  il  Y  a  turgescence  et  roideur  de  la  verge,  sans  participation  du 
bulbe  et  du  gland,  et,  par  conséquent,  sans  sensation  voluptueuse  ;  dans 
le  second,  toutes  les  parties  de  l’appareil  génital  sont  simultanément  en 
action. 

Chez  la  femme,  les  organes  érectiles  des  parties  génitales  externes  sont 


ÉRECTILES  (appareils  et  modvements).  729 

construits  d’après  un  type  analogue  à  ceux  de  l’homme.  Nous  n’avons 
pas  à  les  décrire  ici  (Voy.  Vulve);  mais  si,  chez  l’homme,  l’érection  est 
une  condition  indispensable  pour  l’exercice  des  fonctions  génitales,  en 
dehors  de  la  sensation  de  plaisir  qui  s’y  rattache;  chez  la  femme,  ces  ap¬ 
pareils  sont  disposés  exclusivement  pour  un  but  de  volupté,  et  la  copula¬ 
tion,  voire  même  la  fécondation,  peut  avoir  lieu  sans  leur  participa¬ 
tion.  On  pourrait  presque  affirmer  que  c’est  le  cas  le  plus  fréquent. 

Les  mouvements  érectiles  chez  la  femme  sont  aussi  bien  moins  com¬ 
pliqués  que  chez  l’homme.  Par  l’érection  du  clitoris,  le  gland  de  cet  or¬ 
gane  est  poussé  vers  l’axe  de  la  vulve,  de  façon  à  être  soumis  aux  frotte¬ 
ments  du  pénis.  Les  bulbes  du  vestibule,  en  se  gonflant,  rétrécissent 
l’entrée  du  vagin  et  augmentent  ainsi  les  sensations  voluptueuses  chez  le 
mâle.  En  même  temps, le  muscle  constricteur  du  vagin,  qu’on  fait  mieux 
d’appeler  constricteur  du  bulbe,  refoule  le  sang  de  ces  organes  vers  le 
clitoris  et  en  complète  l’érection. 

D’après  mes  injections,  il  n’existerait  pas  de  mécanisme  autoclave  pour 
les  veines  caverneuses  du  clitoris  et,  si  l’on  compare  le  faible  volume  de 
cet  organe  avec  l’immense  développement  des  bulbes  du  vestibule,  on 
n’en  comprend  pas  la  nécessité.  Quand  le  sang  accumulé  dans  ces  réser¬ 
voirs  est  comprimé  entre  leurs  muscles  constricteurs  et  la  verge,  il  est 
chassé  vers  le  clitoris  et  suffit  pleinement  pour  le  gorger. 

En  résumé,  voici  comment  je  comprends  l’acte  compliqué  de  l’érection 
chez  l’homme.  Une  sensation  visuelle  ou  tactile,  un  rêve  ou  un  simple 
souvenir  provoque  un  premier  acte  réflexe,  qui  dilate  les  artères  des  ap¬ 
pareils  érectiles.  Le  sang  déversé  brusquement  dans  ces  parties  est  arrêté 
dans  les  corps  caverneux  par  la  fermeture  autoclave  de  leurs  veines  ;  il 
distend  leur  membrane  albuginée  jusqu’à  la  résistance  complète  ;  la  con¬ 
traction  des  muscles  trabéculaires  soutient  d’ailleurs  cette  membrane  et 
augmente  la  raideur  générale  de  l’organe.  En  même  temps,  le  sang  est 
versé  en  abondance  dans  le  gland,  mais,  comme  il  s’en  échappe  sans  ob¬ 
stacle,  il  n’y  provoque  qu’une  simple  turgescence  et  un  vague  désir  de 
volupté.  Bientôt  les  frottements  répétés  du  gland  appellent,  par  un  nouvel 
acte  réflexe,  les  contractions  des  muscles  ischio  et  bulbo-caverneux.  Les 
veines  efférentes  de  ces  parties  sont  comprimées  en  même  temps  que  le 
sang  est  refoulé  d’arrière  en  avant.  L’érection  du  gland  est  complète, 
l’orgasme  vénérien  à  son  apogée,  et  un  troisième  acte  réflexe  portant  sur 
les  vésicules  séminales  provoque  l’éjaculation.  Alors  les  artères  se  resser¬ 
rent  et  le  sang,  accumulé  dans  les  organes  érectiles  s’écoule  par  les  voies 
normales. 

De  Gbaaf  (Regn.),  De  mulierum  organis  generationi  inservientibus  tractatus  n  )vus  cum  figuris. 
teyde,  -1672. 

Kobelt,  Diemânnl.  und  weibl.  VVollust-Organedes  Menschenund  einiger  Saugethiere  in  anato- 
•  misch-physiologiscb.  Beziehung,  Freiburg,  1844.  —  De  l’appareil  du  sens  génital  des  deux 
sexes  (1844),  trad.  de  l’allemand  par  H.  Kaula.  Strasbourg,  1851. 

Mercier,  Recherches  sur  les  maladies  des  organes  génito-urinaires.  Paris,  1841 . 

Debrod,  Examen  physiologique  du  mécanisme  de  l’érection,  à  propos  d’une  variété  de  pria¬ 
pisme,  etc.  (Gazette méd.  de  Paris,  1850,  p.  698),  et  réponse  de  Mercier  [ibid.,  1850). 


750  ÉRECTILES  (tdmeürs). 

Robin  (Ch.),  Observations  sur  la  constitution  du  tissu  érectile  [Mém.  de  la  Société  de  tno- 
logic,  4»  série,  1. 1,  année  1864.  Paris,  1865,  p.  77). 

Rouget  (Ch.),  Du  tissu  érectile.  Thèse  de  concours,  Paris,  1856,  eX  Journal  de  physiologie  ie. 
Brown-Séquard,  1858.  —  Compiles  rendus  de  la  Société  de  biologie,  1857.  —  Des  mouve¬ 
ments  érectiles  [Arch.  de  physiologie  norm.  et  pathol.,  1868,  p.  671). 

Eckii.ird  (C.),  Zur  Lehre  von  dem  Bau  und  der  Erektion  des  Pénis,  in  Beitrâge  zu  .4.nat.  u. 

Physiol.  Giessen,  1867,  IV,  p.  71,et  SébmiàVs  Jahrbücher  der  gesammten  Medicin. 

Legros  (Ch.),  Des  tissus  érectiles  et  de  leur  physiologie.  Thèse  de  doctorat.  Paris,  1866.  —  Mé¬ 
moire  sur  Tanat.  et  la  physiol.  du  tissu  érectile  [Journal  de  V Anatomie  de  Robin,  Paris, 

1868,  p.  1). 

Ebcol.4si  (J.  B.),  Des  tissus  et  des  organes  érectiles;  résumé  par  le  D'  Luciani,  in  Journal  de 
l’Anatomie  de  Robin.  Paris,  1869,  p.  565. 

Tumeiu>s.  —  Définition.  —  Le  nom  de  tumeurs  érectiles  a  été  ap¬ 
pliqué  par  Dupuytren  à  des  néoplasmes  formés  par  une  agglomération  de 
vaisseaux  se  laissant  plus  ou  moins  distendre  par  le  sang,  de  façon  à 
simuler  l’érection. 

Ces  tumeurs ,  désignées  autrefois  sous  le  nom  de  loupes  variqueuses 
(J.  L.  Petit),  anévrysmes  par  anastomoses  (J.  Bell),  fongus  hématode 
(Maunoir,  Lobstein),  tumeurs  fongueuses  sanguines  (Boyer,  Roux), étaient 
mal  connues  et  l’on  rangeait  volontiers  dans  cette  catégorie  toute  pro¬ 
duction  morbide  ayant  la  propriété  de  saigner  au  moindre  contact.  Il  a 
fallu  les  récents  progrès  de  l’anatomie  pathologique  pour  séparer  nette¬ 
ment  ces  différentes  espèces.  Certains  sarcomes  ou  carcinomes ,  il  est 
vrai,  présentent  une  richesse  de  vaisseaux  telle  que  le  tissu  fondamental 
en  est  complètement  masqué.  Néanmoins  c’est  ce  dernier  qui  constitue 
la  partie  essentielle  de  ces  productions  et  leur  imprime  un  caractère  spécial 
de  malignité,  qui  manque  aux  tumeurs  érectiles  proprement  dites  ;  il 
convient  donc  de  les  en  éliminer. 

Les  tumeurs  érectiles  sont  formées,  soit  par  un  lacis  de  capillaires  volu¬ 
mineux,  d’où  le  nom  de  télangectiasies  (von  Græfe  et  von  Walther)  et  de 
tumeurs  vaso-capillaires  (Gerdy)  ;  soit  par  un  tissu  aréolaire,  analogue 
à  celui  de  la  verge  {tumeurs  caverneuses).  Ces  deux  formes  rappellent  les 
différents  états  du  tissu  érectile  normal  et,  sous  le  rapport  de  la  structure, 
elles  méritent  le  nom  de  tumeurs  érectiles.  Il  n’en  est  pas  tout  à  fait  de 
même  sous  le  rapport  des  propriétés;  beaucoup  d’entre  elles,  surtout  les 
formes  purement  cutanées,  qu’on  désigne  aussi  sous  le  nom  de  nævi  ma- 
terni,  ne  présentent  aucune  turgescence  ou  ne  sont  susceptibles  que 
d’une  dilatation  très-limitée  ;  mais  les  tumeurs  plus  volumineuses  sont 
d’ordinaire  manifestement  érectiles  et,  si  elles  acquièrent  rarement  la 
dureté  du  pénis,  elles  sont  au  moins  comparables  au  tissu  érectile  du 
dindon. 

En  raison  de  ces  différences  de  propriété,  on  a  proposé,  dans  ces  der¬ 
niers  temps,  pour  les  tumeurs  érectiles,  le  terme  générique  à'angionomes 
(Follin),  ou  celui  plus  correct  d'angiomes  (Virchow),  qui  a  en  même 
temps  l’avantage  de  concorder  avec  les  désignations  des  autres  néo¬ 
plasmes. 

Nous  comprenons  donc  sous  le  nom  de  tumeurs  érectiles  ou  d'angio¬ 
mes,  des  tumeurs  constituées  par  des  vaisseaux  de  nouvelle  formation,  en 


ÉRECTILES  (tdmedrs).  731 

en  excluant  tous  les  néoplasmes  dont  la  gangue  est  différente  et  où  les 
vaisseaux,  quelque  développés  qu’ils  soient,  ne  sont  qu’un  épiphénomène. 
De  ce  côté,  la  délimitation  est  assez  facile.  Par  contre,  les  angiomes  se 
relient  par  des  transitions  presque  insensibles  aux  anévrysmes  d’une  part 
et  aux  varices  de  l’autre.  Les  tumeurs  drsoides,  par  exemple,  sont  ran¬ 
gées  tantôt  parmi  les  anévrysmes  et  tantôt  pai  mi  les  angiomes.  Leur  struc¬ 
ture  est  semblable  à  celle  de  ces  derniers,  sauf  que  la  dilatation  porte  sur 
de  petites  artères,  au  lieu  de  porter  sur  les  capillaires;  aussi  la  compren¬ 
drons-nous  parmi  les  angiomes.  D’un  autre  côté,  l’artériectasie  simple, 
cette  dilatation  hypertrophique  des  artères,  si  fréquente  chez  les  vieillards, 
doit  être  évidemment  rapprochée  des  anévrysmes ,  quoique  l’altération 
anatomique  soit  analogue  à  celle  des  tumeurs  cirsoïdes. 

Pour  le  système  veineux,  nous  trouvons  la  varicocèle  et  les  hémorrhoï- 
des,  qui,  sous  certains  rapports,  participent  des  caractères  des  tumeurs 
érectiles  ;  mais  l’usage  a  prévalu  de  les  ranger  parmi  les  varices. 

Dans  le  système  lymphatique,  on  a  décrit,  sous  le  nom  de  tumeurs  ca¬ 
verneuses  lymphatiques  ou  de  lymphangiomes,  des  néoplasies  analogues 
aux  tumeurs  érectiles  sanguines  ;  il  en  sera  traité  à  propos  des  maladies 
des  lymphati  lues. 

Nous  commencerons  par  étudier  les  tumeurs  érectiles  en  bloc,  sauf  à 
revenir  plus  tard  sur  certaines  espèces  d’angiomes  que  nous  aurons  ap¬ 
pris  à  distinguer. 

Anatomie  pathologique.  ■ —  Nos  connaissances  sur  la  structure  intime  de 
ces  tumeurs  sont  loin  d’être  complètes,  notamment  en  ce  qui  concerne 
leur  développement;  la  rareté  et  la  difficulté  de  l’examen  histologique  en 
sont  la  raison  principale.  On  n’a  guère  l’occasion  d’examiner  les  angiomes 
sur  le  cadavre  et  à  leur  première  période.  Les  pièces  proviennent  pour  la 
plupart  de  tumeurs  enlevées  par  l’instrument  tranchant  et  qui  sont  vides 
de  sang.  La  mollesse  particulière  de  leur  tissu  apporte  alors  de  grands 
obstacles  à  la  confection  des  coupes  et  les  vaisseaux,  privés  de  leur  con¬ 
tenu,  s’affaissent  et  se  confondent.  L’injection  n’est  d’ailleurs  guère  pra¬ 
ticable  dans  cet  état  :  on  n’a  pu  y  recourir  que  sur  quelques  tumeurs 
très-avancées  qui  avaient  entraîné  la  mort  du  malade.  Les  seuls  cas  qui 
jusqu’ici,  permettent  d’entrevoir  le  mode  de  formation  des  angiomes, 
sont  les  tumeurs  caverneuses  du  foie.  Pour  les  angiomes  cutanés  et  sous- 
cutanés  les  meilleures  préparations  sont  fournies  par  des  tumeurs  qui 
ont  été  extirpées  après  ligature  préalable,  de  façon  à  y  retenir  le  sang. 
Quand  ces  pièces  sont  durcies  convenablement  dans  l’acide  chromique, 
les  coupes  deviennent  aisées  et  laissent  facilement  reconnaître  les  vais¬ 
seaux.  Mais  les  circonstances  qui  permettent  l’emploi  de  ce  procédé  sont 
rares. 

Ces  quelques  remarques  préliminaires  suffiront  pour  expliquer  pour¬ 
quoi  la  plupart  des  figures  histologiques  des  angiomes ,  donnés  par  les 
auteurs,  sont  purement  schématiques.  J’ai  cherché  à  combler  cette  lacune 
par  quelques  dessins,  que  je  dois  au  talent  de  mon  collègue  Fréd.  Gross 
et  qui  sont  exécutés  d’après  nos  préparations. 


732  ÉRECTILES  (tumeurs). 

Les  angiomes  ordinaires ,  n’ayant  pas  acquis  un  développement  trop 
considérable,  se  présentent  sur  la  coupe  comme  une  éponge  fine,  de  cou¬ 
leur  rosée,  après  l’issue  du  sang, et  qui  laisse  voiràl’œil  nu  ou  à  la  loupe 
une  multitude  d’ouvertures  extrêmement  ténues.  Quelquefois  on  y  ren¬ 
contre  encore  des  lobules  graisseux  ou  des  îlots  du  tissu  normal  dans  le¬ 
quel  ces  tumeurs  sont  implantées. 

Le  microscope,  à  un  grossissement  de  300  à  400  diamètres  ,  y  fait  re¬ 
connaître  un  lacis  de  capillaires ,  à  parois  transparentes,  quoique  très- 
épaisses  et  composées  presque  entiè¬ 
rement  de  petites  cellules  arrondies, 
renfermant  un  noyau  volumineux 
(fig.  129).  Ces  vaisseaux  sont  ordi¬ 
nairement  enlacés  et  contournés  en 
méandres,  ce  qui  leur  donne  une  cer¬ 
taine  ressemblance  avec  des  tubes  uri- 
nifères  de  la  couche  corticale.  {Voy. 
fig.  129).  Pour  cette  raison,  le  rasoir 
atteint  presque  tous  les  vaisseaux 
perpendiculairement  à  leur  direction 
et  l’on  voit  surtout  des  coupes  trans¬ 
versales  sur  la  préparation  ;  cepen¬ 
dant,  sur  certains  points,  on  trouve 
quelques  vaisseaux  divisés  suivant 
leur  longueur  (fig.  129,  B).  Dans  deux 
Kig.  129.  —  Préparation  d’un  angiome  capil-  tumeurs  que  j’ai  extirpées,  les  vais- 
dTsso' ^eaux  étaient  presque  tous  droits  et 
seaux  avec  le  canal  central.  —  B,  Vaisseaux  placés  parallèlement.  Cette  disposi- _ 
vusenlong.—c, Couche  de  tissu  conjonctif  tJon  jointe  à  l’ épaisseur  de  leurs  pa- 
entourant  les  circonvolutions  vasculaires.  ,,  ,  , 

rois,  SI  riches  en  cellules,  leur  don¬ 
nait  une  analogie  frappante  avec  des  glandes  sudoripares,  si  bien 
qu’à  première  vue  on  pouvait  croire  à  une  erreur  de  diagnostic. 
Mais  les  nombreux  globules  sanguins  qui  remplissaient  certaines 
parties  de  ces  canaux  démontraient  bien  leur  nature  vasculaire. 
Je  n’ai  pas  conservé  de  dessin  assez  précis  de  cette  variété  d’an¬ 
giomes  pour  pouvoir  le  reproduire  ici,  mais  Virchow  a  également 
parlé  de  la  possibilité  de  confondre  ces  capillaires  avec  des  tubes  su¬ 
doripares. 

Souvent,  en  examinant  des  tumeurs  érectiles  dont  tout  le  sang  a  été 
exprimé,  on  a  de  la  peine  à  voir  la  lumière  centrale  des  vaisseaux;  ceux-ci 
apparaissent  d’abord  comme  des  cylindres  pleins,  mais,  en  faisant  varier 
le  foyer  du  microscope  on  entrevoit  bientôt  les  contours  intérieurs  de 
leurs  parois.  Il  est  même  probable  que  les  appendices  pleins,  en  forme 
de  massues  ou  de  bourgeons,  que  Fœrster  et  A.  Weber  ont  signalé  sur  les 
capillaires  télangiectasiques  et  qu’ils  considèrent  comme  des  proliférations 
destinées  à  se  canaliser  plus  tard,  ne  résultent  que  d’une  erreur  d’obser¬ 
vation. 


ÉRECTILES  (tumeurs).  733 

Les  vaisseaux  formant  les  angiomes  sont  cylindriques  ,  avec  des  ren¬ 
flements  variqueux  par  places  (fig.  150).  Ils  ont  en  général  un  volume 
assez  égal  ;  cependant  on  en  rencontre  presque  dans  chaque  ])répa- 
ration  quelques-uns  qui  sont  plus  volumineux  que  les  autres.  (Voy. 
A,  fig.  130.)  Plus  l’angiome  est  ancien  et  plus  les  vaisseaux  sont  larges 
et  irréguliers.  Leur  contour  extérieur 
est  toujours  formé  par  une  ligne 
nette  (fig.  130)  et  généralement  ils  ^  ’ 
sont  séparés  les  uns  des  autres  par 
une  couche  de  tissu  conjonctif  fibril- 
laire  dont  l’épaisseur  varie  selon  les  h 
cas  (fig.  130).  Leur  canal  central,  au 

contraire,  est  irrégulier,  mal  déli-  _ 

mité,  ce  qui  pourrait  résulter  de  leur  -  Vai.seau  du  mêu.e  angmm  quu 

rétraction  après  l’issue  du  sang.  En  celui  de  la  figure  100,  vu  dans  une  certaine 
tout  cas,  je  n’y  ai  jamais  vu  l’indice  étendue.  —  A,  Coupe  transversale  du  vais- 
t  A  »  *.1  O  ’n  1  seau.  —  B,  Cellules  de  la  paroi  vasculaire, 

de  cet  epithelium  fusiforme  que  quel-  _  d’iniiexion  du  vaisseau, 

ques  auteurs  y  décrivent.  Dans  les 

vaisseaux  plus  gros,  la  surface  interne  paraît  tomenteuse  et  l’on  y  aper¬ 
çoit  en  beaucoup  d’endroits  des  filaments  contenant  un  ou  plusieurs 
noyaux  (fig.  150)  et  qui  rappellent  les  végétations  de  l’endocardite.  C’est 
peut-être  là  le  point  de  départ  des  phlébolithes  que  l’on  rencontre  si 
souvent  dans  les  anciennes  tumeurs  érectiles. 


La  paroi  même  de  ces  vaisseaux  est  très-épaisse  et  formée  par  une  sub¬ 
stance  fondamentale  hyaline,  dans  laquelle  on  constate  de  nombreuses 
cellules  arrondies  ou  elliptiques  (voy.  AA,  fig.  129),  avec  un  noyau  vo¬ 
lumineux  et  réfringent.  Dans  les  plus  petits  vaisseaux,  ces  cellules  for¬ 
ment  au  moins  une  double  couche  le  long  de  la  paroi.  La  structure  de 
ces  vaisseaux  est  donc  celle  des  capillaires,  mais  avec  des  parois  plus 
épaisses  et  plus  riches  en  cellules.  Il  est  dilficile  de  dire  jusqu’à  quel 
point  cette  épaisseur  résulte  de  la  rétraction  du  vaisseau,  à  la  suite  de 
l’expulsion  de  son  contenu. 

Quand  la  coupe  rencontre  une  petite  artère,  celle-ci  ne  se  distingue  pas 
des  capillaires  par  un  volume  plus  considérable,  mais  par  la  couleur  plus 
foncée  des  parois  et  par  les  noyaux  allongés  des  muscles  lisses,  qui  y  for¬ 
ment  un  dessin  régulier. 


Jusqu’à  présent  nous  n’avons  parlé  que  à' angiomes  capillaires  auxquels 
on  peut  conserver  le  nom  de  télangiectasies,  en  se  rappelant  toutefois 
qu’il  ne  s’agit  pas  d’une  simple  dilatation  des  capillaires,  mais,  d’une 
véritable  hypertrophie,  cette  forme  de  tumeur  érectile  est  incontestable¬ 
ment  la  plus  fréquente  ;  mais,  à  côté  d’elle,  on  en  observe  d’autres  qui 
méritent  le  nom  à’ angiomes  caverneux  en  ce  que  leur  structure  se  rap¬ 
proche  de  celle  de  la  verge.  Au  lieu  d’un  plexus  de  capillaires,  on  trouve 
des  aréoles  plus  ou  moins  larges  et  régulières.  On  peut  admettre,  avec 
beaucoup  de  probabilités,  que  ces  dernières  résultent  de  la  dilatation  pro¬ 
gressive  de  capillaires  préexistants.  C’est  ce  que  Rindfleisch  a  représenté 


ÉRECTILES  (tumeurs). 
où  Ton  voit  la  transformation 
en  tissu  caverneux. 


Dans  toute  télangiectasie  d’un  certain  développement ,  on  trouve  des 


ÉRECTILES  (tdmedbs).  735 

ou  étoilée,  quelquefois  c’est  une  véritable  lacune.  Chacun  de  ces  vais¬ 
seaux  est  entouré  d’une  zone  de  tissu  conjonctif  d’autant  plus  épaisse 
que  la  dilatation  est  plus  prononcée. 

Quelques  anatomistes  y  ont  vu  des  î 

fibres  musculaires  et  nerveuses.  Si  ces 

cavités  s  élargissent  encore  d  un  de- 

gré,  que  leurs  parois  se  tassent,  s’a- 

mincissent  et  s’organisent  en  tissu  fi- 

breux,  on  a  sous  les  yeux  un  tissu  ca- 

verneux  presque  normal  (fig.  133). 

Arrivée  à  ce  degré,  la  tumeur  caver- 
neuse  peut  subir  encore  des  méta- 
morphoses  ultérieures,  soit  par  la  di- 
lalation  de  plus  en  plus  forte  des  ca-  ) 
vités  et  la  résorption  des  cloisons  in-  . 
termédiaires ,  soit  par  l’hypertrophie 
du  tissu  fibreux  de  ces  cloisons  qui 
amène  finalement  l’oblitération  de  la 
tumeur. 

Ces  transformations  successives  s’ob¬ 
servent  facilement  sur  les  angiomes 
caverneux  du  foie,  qui  sont  assez  fréquents.  Ils  se  présentent  à  l’œil  nu 


IC.  135.  —  Substance  d’une  tumeur  cavci 
neuse  de  l’orbite  en  pleine  voie  de  dév- 
loppement.  (Grossissement  :  t/300.)  • 
(Rindfi,eisch,  Histologie  pathologique.) 


mm-t 


Fiu.  15i.  —  Tumeur  caverneuse  du  foie,  vue  à  uii  grossissement  de  100».  —  A,  Espace  caver¬ 
neux,  résultant  de  la  dilatation  énorme  d’un  vaisseau.  —  B,  B,  B,  Vaisseaux  en  voie  de  di- 
latalion.  —  C,  G.  Vaisseaux  capillaires  de  nouvelle  formation.  —  D,  D,  Gangue  fibreuse  qui 
entoure  les  vaisseaux  dilatés.  —  E,  Tissu  normal  du  loie. 

SOUS  forme  de  petites  masses  arrondies  (lig.  134)  qui  dépassent  rarement 


736 


ÉRECTILES  (tumedrs). 
le  volume  d’une  noisette  et  tranchent  par  leur  couleur  violacée  sur  le 
reste  de  l’organe.  Ils  ne  constituent  pas  de  tumeur  à  proprement  parler, 
puisque  le  néoplasme  ne  forme  pas  relief  à  la  surface  de  l’organe ,  mais 
se  substitue  au  tissu  normal.  D’après  Virchow,  l’altération  commence  par 
la  formation  de  nouveaux  vaisseaux  capillaires  entre  les  cellules  hépati¬ 
ques.  Sur  notre  coupe  (fig.  135),  on  voit  effectivement  de  nombreux  lacis 
vasculaires  dans  les  parties  les  moins  avancées  du  néoplasme  ;  puis  cer- 


Fig.  '135.  —  Portion  de  la  préparation  de  la  ligure  134,  vue  à  un  grossissement  plus  considé¬ 
rable  (350).  —  A,  Coupes  de  vaisseaux  dilatés  et  caverneux,  en  partie  vides,  en  partie  rem¬ 
plies  de  sang.  —  B,  Vaisseaux  capillaires  de  nouvelle  formation  autour  des  parties  caver¬ 
neuses.  —  C,  Membrane  interne  des  espaces  caverneux  plissée  et  tomenteuse.— Végétation  de 
cette  membrane  interne.  —  Tissu  conjonctif  entourant  les  parties  caverneuses. 

tains  vaisseaux  vers  le  centre  des  lobules  se  dilatent  en  même  temps  que 
leurs  parois  s’hypertrophient  et  finalement  on  trouve,  à  la  place  du  lo¬ 
bule  hépatique,  un  tissu  caverneux  à  larges  aréoles. 

En  somme,  on  peut  considérer  V angiome  caverneux  comme  un  second 
degré  de  l’angiome  capillaire  simple,  et  il  me  paraît  probable  que  toute 
tumeur  érectile  commence  primitivement  par  la  forme  capillaire  et  n’ar¬ 
rive  qu’ultérieurement  à  la  forme  caverneuse.  Il  existe  d’ailleurs  beaucoup 
d’états  de  transition. 

L’origine  des  vaisseaux  des  tumeurs  érectiles  est  encore  un  sujet  de  con¬ 
troverse. Rokitanskyadmet  que  les  parois  des  angiomes  caverneux  et  même 
les  globules  sanguins  qu’ils  renferment  sont  de  nouvelle  formation,  et  qu’ils 
existent  d’abord  sans  communication  avec  les  vaisseaux,  avec  lesquels  ils  ne 
s’aboucheraient  que  plus  tard.  D’après  0.  Weber,  les  vaisseaux  nouveauxse 
forment  aux  dépens  du  réseau  des  corpuscules  plasmatiques,  dont  les  ramifi¬ 
cations  se  dilatent  et  reçoivent  le  sang  des  artères  normales.  Pour  Fœrster 
et  Virchow,  les  capillaires  des  angiomes  résultent  d’un  bourgeonnement 
des  vaisseaux  normaux.  Il  se  forme  d’abord  une  traînée  de  tissu  de  gra¬ 
nulation  qui  se  canalise  plus  tard.  Enfin  Rindfleisch  considère  les  tumeurs 
érectiles  comme  une  simple  variété  des  fibromes  ;  la  gangue  fibreuse 
constitue  la  néoplasie,  les  vaisseaux  ne  sont  qu’un  épiphénomène.  — 


737 


ÉRECTILES  (tumeurs). 

Cette  dernière  opinion  est  la  généralisation  d’un  cas  exceptionnel  et  ne 
peut  pas  être  soutenue,  pas  plus  que  celle  de  Rokitansky.  Ce  qu’il  y  a 
de  certain,  c’est  que  l’altération  commence  par  un  bourgeonnement  des 
capillaires  normaux  qui  font  disparaître  par  atrophie  des  tissus  inter¬ 
médiaires  ;  sous  ce  rapport,  on  peut  parler  d’une  dégénérescence  érectile 
des  organes. 

Les  tumeurs  érectiles  sont  tantôt  circonscrites  et  comme  enkystées  par 
une  enveloppe  fibreuse  ;  tantôt  diffuses,  sans  ligne  de  démarcation  pré¬ 
cise.  Ces  dernières  sont  en  général  des  angiomes  en  plein  développement 
qui  envahissent  de  proche  en  proche  et  souvent  avec  une  grande  rapidité, 
tous  les  tissus  qu’ils  rencontrent  :  muscles ,  nerfs  et  jusqu’aux  os.  Cru- 
veilhier  a  vu  tous  les  muscles  du  bras  transformés  en  tissu  caverneux; 
sur  une  autre  pièce,  l’os  iliaque  et  le  sacrum  avaient  subi  la  même  dégé¬ 
nérescence.  De  mon  côté,  j’ai  opéré  deux  enfants  chez  lesquels  des  an¬ 
giomes  cutanés  de  la  région  sous-claviculaire  avaient  envahi  toute  l’é¬ 
paisseur  du  muscle  pectoral  dans  l’espace  de  trois  à  quatre  mois. 

Mais  on  voit  aussi  des  angiomes  diffus  rester  indéfiniment  station¬ 
naires  sous  forme  de  taches  cutanées. 

Les  angiomes  enkystés  appartiennent  d’ordinaire  à  la  forme  caver¬ 
neuse.  La  membrane  fibreuse  qui  les  entoure  est  en  grande  partie  de 
nouvelle  formation.  Ces  tumeurs  peuvent  encore  augmenter  de  volume 
par  la  dilatation  de  leurs  aréoles,  mais  elles  n’envahissent  plus  de  nou¬ 
velles  portions  de  tissu,  elles  se  bornent  à  les  refouler. 

Les  angiomes  caverneux  subissent  dans  certains  cas  des  transforma¬ 
tions  qui  amènent  une  espèce  de  guérison  spontanée.  Les  aréoles,  en  se 
dilatant  et  en  se  confondant  les  unes  avec  les  autres,  finissent  par  se  ré¬ 
duire  à  quelques  grandes  cavités.  Au  lieu  d’une  tumeur  érectile,  l’on  a 
alors  une  espèce  de  kyste  communiquant  avec  les  vaisseaux.  Les  orifices 
de  communication  s’oblitèrent  quelquefois  à  leur  tour,  et  le  sang  ren¬ 
fermé  dans  ces  cavités  subit  les  métamorphoses  rétrogrades  ordinaires. 
Ce  sont  ces  cas  qui  ont  conduit  Rokitansky  à  sa  théorie  de  la  formation 
de  tumeurs  caverneuses. 

D’autres  fois,  les  tumeurs  érectiles,  à  la  suite  d’applications  de  caus¬ 
tiques  ou  de  sétons,  se  transforment  en  une  foule  de  petits  kystes  isolés, 
à  contenu  séreux  ou  gélatineux.  Laboulbène,  Cruveilhier,  Michel  (de 
Strasbourg),  en  ont  réuni  un  certain  nombre  d’exemples. 

Il  arrive  aussi  que  les  tumeurs  caverneuses  se  remplissent  comme  des 
anévrysmes,  de  couches  défibriné  stratifiées. 

Un  dernier  mode  de  guérison,  le  plus  fréquent  de  tous,  c’est  la  trans¬ 
formation  fibreuse  ;  on  l’observe  à  la  suite  d’inflammations  spontanées 
ou  provoquées  par  le  chirurgien.  La  couche  de  tissu  connectif,  (jui  en¬ 
toure  les  circonvolutions  vasculaires,  les  étouffe  en  quelque  sorte  par 
son  hypertrophie,  et  il  ne  reste  plus  de  la  tumeur  qu’une  masse  de  tissu 
inodulaire. 

Telles  sont  en  général  la  structure  et  l’anatomie  pathologique  des  tumeurs 
érectiles.  Il  existe  cependant  quelques  formes  plus  rares,  auxquelles  il 

NOOV.  Dior.  HÉD.  ET  CBIB.  XIII.  —  47 


738  ÉRECTILES  (tdjibuks). 

convient  de  consacrer  des  paragraphes  spéciaux;  ce  sont  les  angiomes 
glandulaires  et  osseux,  et  surtout  l’anévrysme  cirsoïde  on  angiome  cir- 
soide;  enfin  les  télangiectasies  venant  compliquer  d’autres  tumeurs. 

La  plupart  des  auteurs  distinguent  encore  les  angiomes  en  artériels, 
veineux  et  capillaires  ;  mais,  quand  on  recherche  la  raison  de  ces  classi¬ 
fications,  on  voit  qu’elle  est  basée  presque  uniquement  sur  les  diverses 
colorations  de  ces  tumeurs,  et  nullement  sur  leur  structure  intime. 
Quand  elles  se  présentent  avec  une  couleur  rouge  vif,  on  les  déclare  ar¬ 
térielles  ;  quand,  au  contraire,  la  peau  qui  les  recouvre  est  bleuâtre  ou 
violacée,  on  admet  qu’elles  sont  veineuses.  Mais  j’ai  toujours  vu,  que  les 
tumeurs  les  plus  bleues,  fournissaient  par  une  piqûre  un  sang  tout  à  fait 
rutilant,  et  que,  par  conséquent,  leur  coloration  violacée  résultait  de  la 
translucidité  des  téguments  qui  les  recouvrent.  Quand  les  circonvolu¬ 
tions  vasculaires  sont  placées  immédiatement  sous  un  épiderme  aminci, 
la  couleur  rouge  du  sang  se  transmet  sans  altération. 

On  a  aussi  cru  établir  le  caractère  veineux  de  certaines  tumeurs,  par 
ce  fait,  qu’elles  étaient  plus  faciles  à  injecter  par  les  veines  que  par  les 
artères.  C’est  ainsi  que  Frerichs  et  d’autres  ont  affirmé  que  les  tumeurs 
caverneuses  du  foie  ne  pouvaient  pas  être  remplies  par  l’artère  hépatique. 
Mais  Virchow  a  démontré  le  contraire,  et  il  admet  que  toutes  les  tumeurs 
érectiles  reçoivent  leur  sang  par  les  artères.  Le  fait  a  été  vérifié  même 
pour  ces  angiomes,  dits  phlébogènes,  siégeant  sur  les  membres  le  long 
du  trajet  d’une  veine  et  qui  communiquent  d’ordinaire  par  des  orifices 
assez  larges  avec  cette  dernière. 

A  la  tête,  au  contraire,  il  n’est  pas  rare  de  voir  les  artères  du  voisinage 
dilatées  et  se  dirigeant  vers  la  tumeur;  mais  celle-ci  n’en  est  pas  moins 
formée  par  des  capillaires  hypertrophiques.  Il  n’y  a  de  véritablement  ar¬ 
tériels  que  les  angiomes  cirsoides,  dont  tout  le  monde  fait  une  classe  à 
part,  et  que  quelques  auteurs  rangent  même  parmi  les  anévrysmes. 

Étiologie,  siège,  marche.  —  Dans  l’immense  majorité  des  cas,  les  tu¬ 
meurs  érectiles  sont  congénitales  ou  débutent  dès  les  premières  semaines 
après  la  naissance  par  une  tache  cutanée.  Deux  fois  sur  trois,  la  tumeur 
se  développe  sur  la  tête  et  de  préférence  sur  la  face,  au  pourtour  des  ori¬ 
fices  naturels.  Virchow  attribue  cette  prédilection,  à  l’existence  des  fentes 
branchiales,  dont  ces  orifices  sont  les  résidus,  et  il  nomme  ces  angiomes 
tumeurs  érectiles  fissurales. 

Pour  ma  part,  je  suis  tenté  d’expliquer  cette  fréquence  des  angiomes 
de  la  tête  et  le  moment  de  leur  apparition,  par  les  violences  auxquelles 
cette  partie  du  corps  est  soumise  pendant  l’accouchement.  Si  l’on  consi¬ 
dère  d’une  part  que  le  fœtus  se  présente  le  plus  souvent  par  la  tête,  que 
cet  organe  est  soumis  pendant  l’expulsion  à  des  pressions  considérables, 
et  que,  d’autre  part,  on  voit  les  anévrysmes  cirsoides  se  développer  d’une 
façon  bien  évidente  à  la  suite  de  contusions  ou  de  blessures  des  artères 
céphaliques,  on  ne  sera  pas  éloigné  d’admettre  cette  origine.  Une  autre 
circonstance  qui  plaide  en  sa  faveur,  c’est  que  beaucoup  d’angiomes, 
survenus  chez  l’adulte,  ont  succédé  à  des  traumatismes. 


ÉRECTILES  (tumeurs).  739 

La  fréquence  de  l’origine  congénitale  des  tumeurs  érectiles  est  rendue 
manifeste  par  la  statistique.  Sur  27  malades,  affectés  de  cette  maladie,  et 
opérés  par  moi-même,  19  ont  dû  l’être  avant  l’âge  d’un  an,  et  5  dans  la 
première  année.  Quatre  autres  tumeurs,  opérées  chez  des  personnes  de 
plus  de  dix  ans,  dataient  également  de  la  naissance.  Enfin,  un  seul  cas, 
parmi  les  27,  avait  apparu  à  l’âge  adulte.  Lebertest  arrivé  à  des  résultats 
analogues. 

Il  est  plus  difficile  d’expliquer  Vinfluence  du  sexe  sur  la  production 
des  tumeurs  érectiles,  et  cependant  elle  me  paraît  évidente.  Sur  mes 
27  tumeurs,  23  appartenaient  à  des  personnes  du  sexe  féminin,  2  seu¬ 
lement  à  des  hommes,  et  2  fois  le  sexe  n’a  pas  été  noté.  Lebert,  sur 
53  cas,  compte  33  femmes  et  seulement  20  hommes.  Lücke  remarque 
également  la  plus  grande  fréquence  des  angiomes  chez  le  sexe  féminin. 

Quant  à  l’influence  de  l’hérédité,  elle  me  paraît  douteuse,  et  les  his¬ 
toires  de  fruits  ou  d’objets  rouges,  vus  par  des  femmes  enceintes,  et  qui 
se  seraient  reproduits  sur  le  corps  du  fœtus,  doivent  être  décidément 
reléguées  dans  le  domaine  des  fables. 

La  tête,  avons-nous  dit,  est  le  siège  de  prédilection  des  angiomes.  Voici 
quelques  chiffres  qui  le  prouvent.  Sur  38  cas  de  Lebert,  où  le  siège  est 
indiqué,  23  occupaient  la  tête.  0.  Weber,  sur  26  cas,  en  constate  21  à 
la  tête  et  tous  à  la  face,  2  au  cou  et  3  sur  les  membres.  —  Enfin  mes 
27  cas,  représentant  29  tumeurs  distinctes,  se  répartissent  de  la  façon 
suivante  :  22  siégeaient  à  la  tête,  dont  3  sur  le  cuir  chevelu,  1  dans  la 
glande  parotidienne,  et  1  dans  la  glande  sous-maxillaire;  les  17  autres 
étaient  à  la  face.  Les  7  cas,  siégeant  sur  le  tronc,  occupaient  2  fois  la  ré¬ 
gion  sous-claviculaire,  2  fois  la  main,  2  fois  le  dos  et  1  fois  la  cuisse. 

A  la  tête  même,  le  siège  le  plus  fréquent  des  angiomes  sont  les  lèvres, 
les  ailes  du  nez,  les  paupières  et  les  environs  du  pavillon  de  l’oreille. 
Un  en  a  vu  aussi  un  certain  nombre  dans  le  tissu  cellulaire  de  l’orbite. 
Viennent  ensuite,  par  ordre  de  fréquence,  le  cou,  puis  les  membres,  et 
enfin  le  tronc  et  les  parties  génitales. 

Quant  au  siège  histologique  des  angiomes,  on  peut  dire  qu’ils  débutent 
le  plus  souvent  dans  la  peau.  Sur  mes  29  tumeurs,  12  s’étaient  dévelop¬ 
pées  exclusivement  dans  la  peau,  12  étaient  sous-cutanées,  mais  avec  altéra¬ 
tion  plus  ou  moins  étendue  de  la  peau  ;  enfin  2  occupaient  l’épaisseur  de 
la  joue  et  faisaient  saillie  du  côté  de  la  muqueuse.  11  ne  reste  donc  que 
3  cas  sans  altération  du  tégument,  soit  externe,  soit  interne  ;  ce  sont  mes 
deux  angiomes  glandulaires  et  une  petite  tumeur  caverneuse  des  environs 
de  la  veine  faciale. 

Si  la  peau  est  incontestablement  le  point  de  départ  le  plus  fréquent 
des  angiomes,  on  les  voit  s’étendre  consécutivement  à  tous  les  tissus. 
C’est  ainsi  que  les  lèvres,  les  paupières,  etc.,  peuvent  être  dégénérées  dans 
toute  leur  épaisseur,  peau  et  muqueuse  comprises  ;  ou  bien  dans  une 
autre  région  l’angiome  s’étend  à  travers  toutes  les  parties  molles  jus¬ 
qu’aux  os.  Mais  ils  naissent  aussi  quelquefois  dans  les  tissus  sous-dei’mi- 
ques,  quoique  ces  cas  soient  plus  rares;  Le  tissu  cellulaire  graisseux,  en 


740  ÉRECTILES  (tombdrs). 

première  ligne,  puis  les  muscles  et  les  glandes  en  grappe,  ont  été  signa¬ 
lés  comme  les  points  de  départ  de  ces  produits  morbides. 

Les  organes  internes  ne  sont  pas  indemnes  de  ces  dégénérescences,  et 
quoique  les  angiomes  internes  ne  soient  pas  accessibles  aux  moyens  chi¬ 
rurgicaux,  et  qu’en  général  ils  ne  donnent  lieu  à  aucun  symptôme  mor¬ 
bide,  ils  ont  un  certain  intérêt  au  point  de  vue  de  l’anatomie  patholo¬ 
gique.  Le  foie  en  est  atteint  le  plus  souvent  ;  sur  1446  autopsies,  San- 
galli  a  noté  12  fois  des  tumeurs  caverneuses  dans  cet  organe;  on  en  a 
vu  aussi  très-exceptionnellement  dans  le  rein,  la  rate,  l’utérus  et  le  cer¬ 
veau.  Ces  angiomes  internes  restent  en  général  fort  petits,  ils  dépassent 
rarement  le  volume  d’une  noix,  et  ne  se  rencontrent  que  chez  des  adultes, 
preuve  qu’ils  ne  sont  pas  d’origine  congénitale. 

La  marche  des  tumeurs  érectiles  est  extrêmement  variable,  et  l’on  ne 
peut  rien  préjuger  à  cet  égard,  avant  de  les  avoir  observées  pendant  un 
certain  temps.  Tel  angiome  qui  se  présente  au  moment  de  la  naissance 
comme  une  petite  tache  rouge,  analogue  à  une  simple  piqûre  de  ^uce, 
prendra  en  quelques  semaines  un  accroissement  considérable,  tant  en 
largeur  qu’en  profondeur  ;  tel  autre  restera  indéfiniment  stationnaire  à 
l’état  de  tache  cutanée,  de  nævus  maternus  proprement  dit.  D’autres 
poussent  lentement  pendant  des  années,  et  finissent  par  envahir  la  moitié 
de  la  tête,  qu’ils  transforment  en  un  masque  hideux.  Breschet  et  Bruns 
ont  figuré  des  exemples  de  ce  genre. 

Certaines  tumeurs,  après  une  période  d’arrêt  plus  ou  moins  longue,  se 
développent  brusquement  sous  l’influence  d’une  cause  fortuite.  Les  trau¬ 
matismes,  la  grossesse  ou  même  la  menstruation  sont  les  causes  les  plus 
fréquentes  de  ces  accroissements  subits.  .4  de  nombreux  exemples,  cités 
par  les  auteurs,  ajoutons-en  un  qui  m’est  personnel.  Une  dame  d’une 
soixantaine  d’années,  portait  une  large  tache  érectile  de  la  lèvre  inférieure 
depuis  sa  naissance.  A  la  suite  de  deux  grossesses,  cet  angiome,  qui  n’a¬ 
vait  jamais  grandi,  s’étendit  aux  gencives,  mais  sans  causer  beaucoup 
d’inconvénients.  Enfin  récemment,  pendant  une  fièvre  typhoïde  très- 
grave,  le  néoplasme  des  gencives  prit  un  accroissement  considérable,  au 
point  d’ébranler  toutes  les  incisives  inférieures,  de  former  des  tumeurs 
violacées  entre  les  dents  et  de  nécessiter  de  nombreuses  cautérisations. 
Follin  rapporte  un  cas  presque  identique. 

Les  angiomes  capillaires  chez  les  jeunes  enfants  peuvent  cependant 
disparaître  spontanément  sans  laisser  aucune  trace.  Vidal  en  a  réuni 
quelques  observations  authentiques,  où  le  seul  traitement  employé  avait 
consisté  en  une  légère  compression  digitale.  Depaul  (thèse  de Laboulbène) 
rapporte  même  que  le  tiers  des  enfants,  qui  naissent  à  la  Maternité,  pré¬ 
sentent  des  nævi,  dont  la  plupart  se  dissipent  en  quelques  mois. 

Par  contre,  les  tumeurs  érectiles  en  train  de  se  développer,  et  aban¬ 
données  à  elles-mêmes,  finissent  par  détruire  totalement  le  derme  ;  les 
circonvolutions  vasculaires  restent  recouvertes  par  un  épiderme  très- 
mince,  qui  se  rompt  sous  la  moindre  pression.  Il  survient  alors  des  hé¬ 
morrhagies  de  plus  en  plus  graves,  qui  font  périr  les  malades.  D’autres 


ÉRECTILES  (tumeurs).  741 

fois  la  tumeur  s’enflamme,  se  remplit  de  caillots  et  se  gangrène,  on 
subit  une  fonte  purulente.  Si  le  malade  résiste  aux  accidents  qui  en  ré¬ 
sultent,  il  est  au  moins  guéri  de  son  affection. 

Enfin  un  dernier  mode  de  terminaison  est  la  transformation  kystique 
ou  fibreuse,  que  nous  avons  décrite  plus  haut.  Il  reste  alors  des  noyaux 
d’induration,  faciles  à  extirper,  mais  qui  peuvent  aussi  subsister  sans 
danger  ultérieur. 

Les  angiomes  constituent  en  somme  des  néoplasmes  homœoraorphes, 
hyperplasiques,  de  nature  bénigne,  en  ce  sens  qu’ils  ne  repullulent 
pas  après  une  extirpation  complète.  Les  récidives  qu’on  a  signalées  sont 
à  mettre  sur  le  compte  de  petits  fragments  de  la  tumeur  qui  ont  échappé 
au  chirurgien.  Même  une  destruction  incomplète  suffit  souvent  pour  en  ar¬ 
rêter  le  développement  ou  pour  en  provoquer  la  métamorphose  rétrograde. 
On  a  cherché  à  utiliser  cette  propriété  pour  le  traitement.  Il  peut  exis¬ 
ter,  il  est  vrai,  des  tumeurs  multiples  chez  le  même  sujet,  surtout  aux 
extrémités,  et  Esmarch  en  a  extirpé  jusqu’à  54  chez  une  femme  ;  mais 
cette  multiplicité  n’est  nullement  le  résultat  d’une  généralisation.  De 
même,  les  angiomes  des  organes  internes  ne  sont  dans  aucun  rapport 
de  causalité  avec  les  tumeurs  externes,  et,  à  ma  connaissance,  on  n’a 
jamais  observé  d’angiomes  périphériques  et  viscéraux  coexistant  sur  le 
même  sujet. 

Symptômes  et  dugnostic.  —  Les  angiomes  cutanés  ou  nævi  se  présentent 
sous  forme  de  taches  variant  depuis  le  rouge  vif  jusqu’au  violet;  quelque¬ 
fois  elles  sont  un  peu  élevées  au-dessus  de  la  peau,  d’autres  fois  on  les 
trouve  pigmentées  ou  même  garnies  de  poils.  Pendant  les  cris  et  les 
expirations  prolongées,  ces  nævi  se  congestionnent  davantage,  mais  on 
n’y  observe  ni  pulsations  ni  bruit  de  souffle.  Sous  la  pression  du  doigt, 
la  tache  pâlit  pour  reprendre  presque  instantanément  sa  couleur  aussitôt 
que  le  doigt  est  levé.  Le  diagnostic  se  fait  facilement  à  la  simple  inspec¬ 
tion. 

Pour  les  angiomes  sous-cutanés,  les  symptômes  sont  un  peu  plus  com¬ 
plexes;  ils  forment  des  tumeurs  circonscrites  ou  diffuses,  selon  le  cas,  et, 
d’ordinaire,  la  peau  qui  les  recouvre  est  dégénérée  dans  une  certaine 
étendue,  et  trahit  la  nature  du  néoplasme  sous-jacent.  Quand  la  peau 
n’a  pas  subi  elle-même  la  transformation  érectile,  elle  est  au  moins 
amincie;  elle  présente  une  couleur  bleuâtre  qui  a  fait  admettre  à  tort  la 
nature  veineuse  de  ces  productions.  En  en  évacuant  le  sang  par  com¬ 
pression,  on  fait  diminuer  le  volume  des  tumeurs,  et  cela  d’autant  plus 
complètement,  qu’elles  ont  une  structure  caverneuse  plus  prononcée. 
Quand  la  pression  cesse,  èlles  mettent  un  certain  temps  à  se  remplir  de 
nouveau.  La  réductibilité  de  ces  angiomes  est,  du  reste,  très-variable 
selon  l’épaisseur  du  stroma  fibreux  et  la  dilatation  des  loges  caverneuses. 
Souvent  il  reste  sous  le  doigt  une  certaine  masse  de  tissus  qui  ne  permet 
pas  au  chirurgien  de  décider  s’il  a  affaire  à  un  angiome  simple,  ou  à  un 
lipome,  ou  à  un  sarcome  télangiectasique. 

Quand  la  tumeur  érectile  siège  sur  un  membre,  la  compression  de 


742  ÉRECTILES  (ttjmecrs). 

l’artère  principale  fait  diminuer  le  volume  de  la  masse.  A  la  tête  ou  au 
cou,  la  compression  artérielle  a  moins  d’effet  à  cause  des  anastomoses;  par 
contre ,  tout  ce  qui  entrave  la  circulation  veineuse,  la  compression  des 
veines  efférentes,  une  position  déclive,  ou  les  efforts  d’expiration,  aug¬ 
mentent  le  volume  de  la  tumeur.  Le  même  effet  est  produit  par  une 
émotion  qui  active  l’arrivée  du  sang  artériel.  Du  reste,  l’érection  des 
angiomes  se  borne,  en  général,  à  ces  simples  phénomènes  de  turges¬ 
cences. 

A  l’exception  des  anévrysmes  cirsoïdes,  il  est  rare  de  trouver  des 
angiomes  pulsatiles.  Ce  caractère  se  produit  quand  les  artères  afférentes 
dilatées  s’ouvrent  directement  dans  des  espaces  caverneux.  On  perçoit 
alors  aussi  un  bruit  de  souffle  quelquefois  très-intense,  comme  je  l’ai 
observé  dans  un  cas  siégeant  sur  la  paroi  thoracique. 

Un  caractère  commun  à  tous  les  angiomes,  c’est  l’absence  de  douleur 
et  de  gêne  fonctionnelle.  Cette  dernière  ne  se  fait  sentir  que  lorsque  la 
dégénérescence  a  complètement  détruit  les  parties  envahies. 

Le  diagnostic  de  ces  angiomes  sous-cutanés  est  en  général  facile, 
grâce  à  leur  position.  La  couleur  de  la  tumeur,  sa  réductibilité  plus  ou 
moins  complète  sous  la  pression  des  doigts,  sa  consistance  pâteuse, 
suffisent  pour  en  caractériser  la  nature.  Quand,  par  exception,  ils  sont 
animés  de  battements,  qui  siègent  sur  le  trajet  d’une  artère,  et  que,  de 
plus,  leur  enveloppe  cutanée  n’a  pas  changé  de  couleur,  on  pourrait  les 
confondre  avec  un  anévrysme  ;  mais  toutes  ces  conditions  se  trouvent 
rarement  réunies.  Cependant,  pour  les  tumeurs  pulsatiles  de  l’orbite,  le 
diagnostic  différentiel  est  le  plus  souvent  impossible  en  raison  du  siège 
profond  de  la  lésion.  Une  erreur  plus  fréquente  c’est  de  confondre  un 
sarcome  ou  un  carcinome  télangiectasique  avec  un  simple  angiome.  Mais 
ces  néoplasmes  ont  en  général  une  marche  plus  rapide;  ils  sont  le  siège 
de  douleurs:  la  peau  qui  les  recouvre  est  indurée;  si,  d’ailleurs,  ils  sont 
riches  en  vaisseaux  dilatés,  ils  ne  se  laissent  guère  diminuer  par  la  com¬ 
pression,  et  les  tissus  qui  restent  sous  la  main  offrent  une  consistance 
plus  ferme.  Quelquefois  on  pourrait  confondre  les  angiomes  sous-cutanés 
avec  des  lipomes  ou  des  abcès  par  congestion,  mais  une  ponction  explo- 
rative  lèverait  au  besoin  tous  les  doutes. 

L'erreur  la  plus  grave  qu’on  ait  commise,  c’est  d’entamer  une  encépha- 
locèle,  ou  une  méningocèle,  au  lieu  d’une  tumeur  érectile;  la  mort  rapide 
du  malade  en  est  la  conséquence  presque  inévitable.  Cette  erreur  est 
surtout  difficile  à  éviter  pour  certaines  hernies  cérébrales  de  la  racine  du 
nez  ou  de  l’orbite,  qui  communiquent  par  un  canal  étroit  avec  l’intérieur 
de  la  boîte  crânienne,  comme  Guersant  fils  en  a  rapporté  un  exemple.  Si 
la  tumeur  est  congénitale,  elle  diminue  légèrement  par  la  compression 
sans  accidents  cérébraux  notables;  elle  gonfle  pendant  l’expiration,  pré¬ 
sente  quelquefois  de  légères  pulsations,  et  peut  avoir  une  couleur  bleuâtre 
ou  violacée,  tous  caractères  qui  sont  propres  à  l’angiome.  C’est  son  siège 
qui  doit  exciter  la  défiance  du  chirurgien;  il  recherchera  la  trace  du 
canal  osseux,  qui  livre  passage  à  la  hernie  cérébrale,  et,  dans  le  doute,  il 


ÉRECTILES  (tdmeürs).  745 

devra  s’abstenir,  car  la  ponction  explorative  qui  pourrait  l’éclairer  n’est  pas 
sans  danger,  même  si  elle  est  pratiquée  avec  un  instrument  très-fin. 

Traitement.  —  La  crainte  de  l’hémorrhagie,  le  désir  d’éviter  des  cica¬ 
trices  diiformes,  le  siège  et  l’étendue  si  variables  des  tumeurs  érectiles, 
ont  fait  naître  des  méthodes  de  traitement  presque  innombrables.  On  peut 
les  diviser  en  quatre  grandes  classes  comprenant  chacune  de  nombreux 
procédés.  Nous  allons  les  exposer  rapidement,  sauf  à  en  apprécier  ensuite 
les  indications  spéciales,  selon  le  siège  et  l’étendue  de  l’angiomè. 

L  Méthodes  destinées  à  détruire  la  tumeur  érectile  en  totalité.  —  L’ex¬ 
tirpation  est,  de  toutes  ces  méthodes,  la  plus  rapide,  la  plus  sûre  au  point 
de  vue  de  la  destruction  radicale,  et  celle  qui  laisse  les  cicatrices  les 
moins  apparentes;  mais  c’est  aussi  la  plus  dangereuse  sous  le  rapport 
de  l’hémorrhagie.  Un  certain  nombre  de  malades,  principalement  les 
enfants,  ont  péri  pendant  l’opération  ou  immédiatement  après.  (Bûcherer, 
Wardrop,  cités  par  Bruns,  loc.  cit.,  p.  142.)  C’est  pour  cette  raison  que 
beaucoup  de  chirurgiens  n’osent  pas  y  recourir  malgré  ses  avantages 
incontestables.  Il  existe  cependant  différents  procédés  qui  permettent 
d’éviter  d’une  façon  presque  certaine  la  perte  de  sang.  D’abord  il  faut 
se  rappeler  le  procédé  judicieux  de  J.  L.  Petit,  et  opérer  dans  les  parties 
saines,  un  peu  au  delà  des  limites  de  la  tumeur.  Si  celle-ci  est  circon¬ 
scrite,  on  peut  l’énucléer  de  cette  façon,  en  ne  perdant  pas  plus  de  sang 
que  pour  toute  autre  tumeur  de  même  volume. 

Une  autre  règle  à  suivre,  c’est  d’opérer  ou  très-vite  ou  très-lentement; 
on  suivra  la  première  voie  si  l’angiome  siège  dans  des  régions  où  il  n’y  a 
pas  d’organes  importants  à  ménager.  La  tumeur  est  enlevée  par  trois  ou 
quatre  coups  de  bistouri,  et  l’on  applique  aussitôt  les  hémostatiques.  Le 
plus  simple  d’entre  eux,  c’est  l’application  d’une  suture  un  peu  serrée  si 
les  circonstances  le  permettent.  Dans  le  cas  contraire  on  procède  à  petits 
coups,  en  liant  soigneusement  tous  les  vaisseaux  à  mesure  qu’ils  se  présen¬ 
tent.  On  peut  abréger  ce  procédé  en  se  munissant  de  pinces  presse-artères, 
qu’on  suspend  rapidement  aux  vaisseaux,  qui  laissent  échapper  le  sang. 

Enfin  un  autre  procédé,  que  j’ai  employé  un  certain  nombre  de  fois 
avec  succès,  consiste  à  circonscrire  la  tumeur  entre  trois  ou  quatre 
aiguilles  à  acupressure,  qui  compriment  les  vaisseaux  afférents.  On  les 
retire  après  avoir  procédé  à  l’hémostase,  ou  on  les  laisse  quelques  heures 
en  place.  Sur  le  front  ou  le  cuir  chevelu,  les  vaisseaux  nourriciers  de  la 
tumeur  peuvent  aussi  être  comprimés  entre  deux  lames  de  plomb  dis¬ 
posées  en  croissant. 

Grâce  à  l’emploi  de  l’un  ou  l’autre  do  ces  moyens,  on  peut  aborder 
l’extirpation  de  tumeurs  érectiles  même  volumineuses,  sans  craindre  une 
hémorrhagie  sérieuse.  De  toute  façon  il  faut  ménager  avec  soin  la  peau, 
et  toutes  les  fois  qu’elle  se  laisse  encore  soulever  en  pli ,  il  convient  de  la 
conserver  en  la  disséquant  de  la  tumeur  sous-jacente,  dût-elle  même 
même  présenter  quelques  arborisations  vasculaires.  Dans  certains  cas 
rares,  quand  la  tumeur  érectile  occupe  tout  un  doigt  ou  même  tout  un 
membre,  comme  Cruveilhier  et  d’autres  en  rapportent  des  exemples, 


744  ÉRECTILES  (tümedrs)  . 

Textirpation  se  transforme  en  amputation  ;  enfin  l’extirpation  de  certains 
angiomes  du  visage  devra  être  suivie  d’autoplastie. 

les  caustiques  ont  été  appliqués  un  grand  nombre  de  fuis  sur  les 
tumeurs  érectiles  dans  le  but  de  les  détruire  sans  risque  d’hémorrhagie  ; 
mais  ils  nécessitent  le  sacrifice  complet  de  la  peau,  même  lorsqu’elle 
n’est  pas  altérée.  Les  substances  usitées  le  plus  fréquemment  sont  la 
pâte  de  Vienne  ou  la  potasse,  pour  la  destruction  de  la  peau,  et  la  pâte  au 
chlorure  de  zinc,  pour  celle  des  parties  profondes.  On  a,  d’ailleurs, 
employé  bien  d’autres  remèdes  qu’il  serait  oiseux  d’énumérer  ici.  Les 
caustiques  liquéfiants  à  la  potasse  fusent  facilement,  provoquent  toujours 
un  certain  suintement  sanguin  qui  s’arrête,  du  reste,  par  l’application 
d’une  rondelle  d’amadou  ou  de  pâte  de  Canquoin.  Le  point  délicat  de 
cette  méthode,  c’est  de  détruire  toutes  les  parties  malades  sans  attaquer 
des  tissus  sous-jacents  importants,  comme,  par  exemple,  les  os,  quand 
on  opère  dans  leur  voisinage.  Si  une  première  application  de  caustique 
est  restée  incomplète,  on  le  reconnaît  à  la  couleur  des  bourgeons  charnus, 
qui  sont  plus  gros,  plus  violacés,  d’apparence  fongueuse,  et  qui  saignent 
au  moindre  contact.  Il  faut  alors  revenir  aux  applications  de  caustiques. 

Au  lieu  de  ce  procédé,  on  peut  aussi  employer  les  cautérisations  de 
dedans  en  dehors  au  moyen  de  flèches  de  pâte  au  chlorure  de  zinc,  et,  de 
cette  façon,  on  peut  quelquefois  ménager  une  partie  de  la  peau.  La 
meilleure  manière  de  procéder,  c’est  de  traverser  de  part  en  part  la 
tumeur  avec  un  trocart,  dont  on  remplace  la  tige  par  un  cylindre  de  pâte 
caustique  de  dimensions  appropriées.  En  lardant  la  tumeur  à  intervalles 
convenables,  onia  détruit  du  coup.  Si  l’on  craint  un  action  trop  éner¬ 
gique,  on  peut  procéder  par  séances  successives.  Cette  méthode  n’est,  du 
reste,  qu’une  application  plus  large  du  séton  caustique  que  nous  retrou¬ 
verons  plus  bas.  Je  l’ai  employée  plusieurs  fois  avec  succès,  notamment 
chez  un  enfant  d’un  an  portant  une  tumeur  caverneuse  cutanée  et  sous- 
cutanée,  qui  occupait  l’apophyse  mastoïde,  le  lobule  de  l’oreille  et  toute 
la  région  parotidienne  jusqu’au  milieu  de  la  mâchoire.  La  tumeur  a  pu 
être  détruite  sans  aucune  perte  de  sang  ;  la  partie  difficile  de  l’opération, 
c’est  d’apprécier  le  volume  et  le  nombre  des  cylindres  qu’il  convient 
d’introduire. 

La  ligature  s’emploie  également  pour  enlever  les  tumeurs  érectiles  sans 
perte  de  sang.  Si  la  tumeur  est  pédiculée ,  l’application  du  lien  constric¬ 
teur  est  extrêmement  simple,  sinon  il  faut  passer  des  aiguilles  dans  les 
tissus  sains  au-dessous  de  la  masse,  pour  obtenir  un  pédicule  artificiel. 
La  constriction  doit  être  assez  forte  pour  gangrener  rapidement  les 
parties  dégénérées;  à  cet  effet  il  est  utile  de  se  servir  d’un  fil  de  caout¬ 
chouc  d’après  le  procédé  d’Ad.  Richard,  à  moins  qu’on  n’ait  recours  à  la 
ligature  extemporanée  ou  à  l’écrasement  linéaire.  Quand  la  tumeur  a  une 
base  d’implantation  large,  on  la  fractionne  par  des  ligatures  multiples 
d’après  le  procédé  de  Rigal  (de  Gaillac).  Pour  faciliter  l’action  des  fils,  on 
peut  inciser  préalablement  la  peau  saine  sur  les  limites  de  la  dégéné¬ 
rescence,  mais ,  en  tout  cas,  il  faut  rejeter  la  ligature  sous-cutanée,  qui. 


ÉRECTILES  (tumeurs).  745 

sous  prétexte  de  ménager  les  téguments,  crée  sous  la  peau  un  foyer  de 
gangrène  extrêmement  dangereux. 

La  galvano-caustie  thermique  (Middeldorpf,  1854)  participe  à  la  fois 
aux  avantages  de  la  ligature  et  à  ceux  de  la  cautérisation,  à  condition 
qu’on  procède  assez  lentement  à  la  division  des  tissus,  pour  éviter  l’hé¬ 
morrhagie.  (Foy.  Galvano-caustie,  t.  SU,  p.  544.)  Elle  détrônerait  cer¬ 
tainement  presque  toutes  les  autres  méthodes,  voire  même  le  bistouri, 
si  les  appareils  n’étaient  si  compliqués  et  si  coûteux. 

II.  Méthodes  destinées  à  modifier  la  tumeur  sans  la  détruire  entière¬ 
ment.  —  Ces  méthodes,  très-nombreuses,  ont  pour  but  d’oblitérer  les 
vaisseaux  de  la  tumeur  et  d’y  provoquer  l’une  ou  l’autre  des  métamor¬ 
phoses  rétrogrades,  que  nous  avons  appris  à  connaître  dans  l’anatomie 
pathologique.  Elles  ont  l’avantage  de  produire  des  lésions  peu  étendues, 
mais  elles  sont  extrêmement  incertaines  dans  leurs  effets.  A  côté  de  quel¬ 
ques  cas  de  guérison  complète,  on  compte  beaucoup  de  résultats  partiels 
ou  même  d’insuccès  absolus.  Elles  constituent  néanmoins  une  ressource 
précieuse  pour  des  angiomes  très-étendus  en  surface  qu’il  est  impossible 
de  détruire  totalement. 

Nous  comprenons  parmi  ces  méthodes  :  1°  L’application  de  teinture 
d’iode,  employée  une  seule  fois  par  Bulteel  (de  Plymouth)  pour  un  nævus 
superficiel.  Succès  après  trois  mois  de  badigeonnage  ;  2“  les  astringents 
appliqués  sur  la  peau.  Dieffenbach  dit  avoir  guéri  des  télangiectasies 
très-étendues  par  l’emploi  persévérant  de  solutions  d’alun  ou  d’acétate 
de  plomb.  Broca  recommande  le  percblorure  de  fer  badigeonné  sur  une 
surface  dénudée  par  un  vésicatoire.  D’après  mon  expérience,  ce  procédé 
est  fort  douloureux,  mais  il  réussit  pour  des  taches  cutanées  superficielles 
et  ne  laisse  pas  de  cicatrice;  5“  la  vaccination  a  donné  un  assez  grand 
nombre  de  succès,  mais  plutôt  en  détruisant  la  tumeur  par  inflamrnation, 
qu’en  la  modifiant.  Aussi  laisse-t-elle  des  cicatrices  blanches  apparentes. 
Pour  une  petite  tumeur,  on  fera  une  série  d’inoculations  à  sa  périphérie, 
de  façon  à  obtenir  des  pustules  confluentes.  Si  elle  est  plus  volumineuse, 
il  faut  en  outre  vacciner  la  peau,  qui  recouvre  la  masse.  A  cet  effet,  il 
sera  prudent  d’y  appliquer  un  petit  vésicatoire,  qu’on  pansera  avec  un 
linge  imbibé  de  vaccin  ;  car,  en  y  pratiquant  des  piqûres,  le  sang  laverait 
le  virus  et  détruirait  l’effet  de  l’inoculation.  Ou  bien  on  traverse  la  tu¬ 
meur  par  des  sétons  filiformes,  qu’on  laisse  en  place  jusqu’à  suppuration 
du  trajet  ;  puis  seulement  on  les  enduit  de  vaccin,  pour  faire  pénétrer 
celui-ci  dans  l’intérieur  du  néoplasme.  Nélaton  a  même  pris  la  précau¬ 
tion  de  garantir  les  ouvertures  cutanées,  au  moyen  de  petites  canules 
pour  faire  agir  le  vaccin  sur  la  partie  centrale  de  la  tumeur,  et  éviter  les 
cicatrices.  Il  dit  avoir  réussi  de  cette  façon . 

En  somme,  la  vaccination  agit  comme  la  cautérisation,  mais  elle  est 
plus  incertaine. 

4“  Quand  les  enfants  ont  déjà  été  vaccinés,  on  peut  essayer  des  inocu¬ 
lations  d'huile  de  croton  ou  des  frictions  avec  la  pommade  de  tartre  stïbié. 

5"  Les  injections  sous -cutanées  de  liquides  caustiques  ou  coagulants 


746  ÉRECTILES  (tümeoes). 

ont  été  pratiquées  en  général  avec  des  résultats  incomplets  ou  douteux,  quel¬ 
quefois  elles  ont  causé  la  mort  du  malade.  Dès  les  années  1830-40,  les 
Anglais  ont  commencé  à  injecter  des  substances  caustiques  dans  des  tra¬ 
jets  sous-cutanés,  créés  préalablement  au  moyen  du  bistouri  ou  de  l’ai¬ 
guille  à  cataracte.  On  a  injecté  ainsi  de  l’acide  nitrique  (Lloyd,  1828), 
de  l’ammoniaque  (Paget),  de  l’acide  tannique  (Walton),  de  l’alun,  du  ni¬ 
trate  acide  de  mercure  (Bérard),  de  l’acide  citrique  (Pétrequin).  Enfin, 
depuis  l’invention  de  la  seringue  de  Pravaz,  c’est  surtout  au  perchlorure 
de  fer  qu’on  a  eu  recours.  Mais  les  espérances  fondées  sur  cette  dernière 
substance  ont  été  bientôt  déçues.  Dans  les  angiomes  capillaires,  le  li¬ 
quide  pénètre  plutôt  dans  le  tissu  cellulaire,  que  dans  les  vaisseaux  et 
occasionne  des  suppurations  gangréneuses  graves  ;  dans  les  angiomes 
caverneux,  on  arrive  à  la  vérité  à  coaguler  le  sang,  mais  les  caillots  se 
redissolvent  ou  du  moins  n’arrêtent  pas  les  progrès  de  la  tumeur. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  le  liquide,  injecté  sans  précaution,  a 
même  pénétré  dans  les  veines  et  occasionné  des  morts  subites  par  embo¬ 
lie  (Stuenson,  Kummer  in  Lücke,  loc.  cit.). 

6°  Un  procédé  plus  facile  à  employer  et  qui  offre  moins  d’inconvénients, 
c’est  le  séton  soit  simple,  soit  caustique.  Sur  le  trajet  du  séton  il  se  forme 
une  traînée  de  tissu  cicatriciel,  qui  cloisonne  la  tumeur,  la  capitonne, 
et,  en  multipliant  ces  traînées,  on  tâche  d’obtenir  sa  transformation  com¬ 
plète  en  tissu  inodulaire.  De  toute  façon,  le  séton  doit  avoir  le  même  vo¬ 
lume  que  l’aiguille  qui  sert  à  le  placer,  pour  boucher  les  ouvertures  et 
s’opposer  à  l’hémorrhagie.  L’insuffisance  du  séton  simple  fut  bientôt 
reconnue,  c’est  ce  qui  engagea  d’abord  Fawdington  (1830)  à  l’enduire 
de  poudre  de  Vienne  pour  augmenter  son  action.  Follin,  et  apirès  lui 
Herrgott  (de  Strasbourg),  se  sont  servis  de  vermicelles  de  pâte  de  Canquoin, 
qu’ils  placent  au  moyen  d’un  trocart.  Fawdington  a  obtenu  des  guérisons, 
mais  en  complétant  l’action  du  séton  par  d’autres  moyens.  Follin  et  Her- 
gott  n’annoncent  que  des  succès  partiels.  De  mon  côté,  j’ai,  dans  une 
série  de  cas,  employé  des  sétons  imbibés  de  perchlorure  de  fer.  Après  avoir 
traversé  la  tumeur  en  différents  sens  avec  des  trocarts  fins,  je  remplis¬ 
sais  la  canule  avec  une  mèche  de  coton,  imbibée  de  solution  ferrique  et 
qui  restait  en  place  jusqu’à  suppuration  abondante;  je  voulais  de  cette 
façon  éviter  le  danger  des  injections.  La  tumeur  durcissait  d’abord,  puis 
s’affaissait  ;  mais,  malgré  des  perforations  nombreuses  et  répétées,  je  n’ai 
pas  obtenu  une  seule  guérison  complète  par  ce  moyen.  Au  bout  d’un  cer¬ 
tain  temps,  les  parties  intermédiaires  se  développaient  et  reproduisaient 
le  volume  premier  de  la  tumeur.  Je  crois  qu’il  en  sera  toujours  ainsi  pour 
des  angiomes  en  voie  de  développement.  Si  on  veut  les  attaquer  par  le 
séton  caustique,  il  faudra  l’appliquer  de  telle  façon  que  la  tumeur  soit 
détruite  en  totalité,  comme  je  l’ai  indiqué  plus  haut. 

Néanmoins,  le  procédé  du  séton  est  utile  dans  les  angiomes  très-éten¬ 
dus,  inaccessibles  aux  méthodes  radicales  et  qui  cependant  ont  cessé  de 
grandir. 

7“  L’acupuncture  (Velpeau,  4830),  la  galvano-caustie  thermique.  Yen- 


ÉRECTILES  (tdmedrs).  747 

foncement  de  clous  rougis  au  feu  sont  en  somme  des  procédés  analogues 
au  séton  et  sont  passibles  des  mêmes  réserves.  Lallemand  (1833)  a  ob¬ 
tenu  une  guérison  complète  en  enfonçant  jusqu’à  120  épingles  à  suture 
dans  une  tumeur  érectile,  et  en  les  entourant  de  fils  en  huit  de  chiffre 
pour  en  augmenter  l’action.  Néanmoins  ce  moyen  employé  par  d’au¬ 
tres  a  le  plus  souvent  échoué.  Nussbaum  (de  Munich)  au  lieu  d’épingles 
fait  pénétrer  dans  la  tumeur  des  clous  rougis  en  grand  nombre,  et  il  cite 
un  certain,  nombre  de  succès.  Avec  le  cautère  ou  le  séton  thermo-élec¬ 
trique,  Crussell,  Middeldorpf,  Sédillot,  Nélaton  ont  produit  des  effets  ana¬ 
logues  ;  mais,  je  le  répète,  ces  moyens  ne  donnent  des  résultats  complets 
qu’à  condition  d’être  appliqués  sur  un  grand  nombre  de  points  et  de  dé¬ 
truire  la  tumeur  presque  totalement. 

8“  La  galvano-caustie  chimique,  qu’on  nomme  à  tort  électrolyse,  a  été 
également  dirigée  contre  les  angiomes.  Nélaton  et  Lücke  en  ont  retiré  de 
bons  effets. 

9°  Le  broiement  sous-cutané  dans  le  but  de  provoquer  des  brides  cica¬ 
tricielles  est  très-incertain.  L’incision  simple,  appliquée  aux  angiomes 
des  orifices  naturels,  offre  plus  d’avantages.  Je  lui  dois  la  guérison  radi¬ 
cale  d’un  angiome,  occupant  toute  l’épaisseur  d’une  aile  du  nez,  que  je 
ne  pouvais  exciser  sans  difformité,  et  qui  avait  déjà  résisté  à  des  sétons 
imbibés  de  perchlorure  de  fer.  Avec  un  petit  bistouri  je  dédoublai  l’aile 
du  nez  dans  toute  sa  hauteur,  en  un  feuillet  cutané  et  un  feuillet  muqueux; 
un  linge  imbibé  de  perchlorure  fut  glissé  dans  la  fente  et  maintenu  pen¬ 
dant  une  heure  au  moyen  d’une  pince  pïesse-artère,  qui  comprimait  les 
deux  parois  de  l’aile  du  nez.  L’enfant  guérit  radicalement  sans  aucune  dif¬ 
formité.  A  la  lèvre,  un  procédé  analogue  a  été  employé  par  Rigaud  (de 
Strasbourg);  il  divisa  la  lèvre  selon  sa  hauteur  en  trois  feuillets. 

On  a  également  cherché  à  arrêter  les  progrès  de  tumeurs  érectiles  en 
les  circonscrivant  par  des  incisions  ;  mais  ce  procédé  ne  peut  réussir  que 
dans  certaines  régions  déterminées.  Lawrence  sauva  ainsi  un  doigt  envahi 
par  une  tumeur  érectile,  en  incisant  circulairement,  à  la  base  du  doigt, 
tous  les  téguments,  à  l’exception  des  tendons  et  du  périoste.  Les  artères 
collatérales  durent  être  liées.  Mais  dans  une  autre  région,  on  ne  peut  ja¬ 
mais  atteindre  par  une  incision  circulaire  tous  les  vaisseaux  qui  alimen¬ 
tent  ces  tumeurs. 

10°  Les  excisions  partielles  et  répétées  de  portions  ovalaires  ou  cunéi¬ 
formes  de  la  tumeur  ont  été  surtout  pratiquées  par  Dieffenbach  (1845). 
Il  appliqua  ce  procédé  aux  angiomes  de  la  face  trop  étendus  pour  être  en¬ 
levés  en  totalité.  Les  excisions  doivent  se  succéder  à  cinq  ou  six  semaines 
d’intervalle  et  l’ellipse  est  placée  tantôt  dans  un  sens,  tantôt  dans  l’autre 
pour  attirer  la  peau  avoisinante,  sans  causer  des  cicatrices  difformes.  Afin 
d’exécuter  l’opération  sans  hémorrhagie  dangereuse,  le  chirurgien  de 
Berlin  saisissait  la  portion  à  exciser  entre  les  branches  d’une  pince  à  cou¬ 
lisse,  sous  laquelle  il  passait  préalablement  quelques  fils  à  suture.  D’un 
coup  de  bistouri,  il  abrasaitla  partie  saisie  et  serrait  aussitôt  les  nœuds. 
Quelques  épingles  complétaient  la  réunion  et  achevaient  d’arrêter  le  sang. 


748  ÉRECTILES  (tumeurs). 

III.  Méthodes  destinées  à  suspendre  le  cours  du  sang  dans  la  tumeur. 
—  Elles  ont  pour  but  d’atrophier  les  vaisseaux  dont  se  composent  les 
tumeurs  érectiles,  en  empêchant  le  sang  d’y  arriver;  mais,  en  raison  de  la 
multiplicité  des  anastomoses  et  de  la  vitalité  des  parois  vasculaires  dans 
les  angiomes,  ce  but  est  rarement  atteint. 

1°  La  ligature  temporaire  employée  par  Macferlane  (1852)  semble  de¬ 
voir  rentrer  dans  cette  catégorie,  puisqu’il  enleva  les  liens  au  bout  de 
vingt-quatre  heures  ;  néanmoins  la  guérison  se  fit  par  gangrène,  malgré 
la  courte  durée  de  la  constriction. 

2“  La  compression  a  été  exercée  quelquefois  avec  avantage  chez  de  très- 
jeunes  enfants  sur  des  nævi  superficiels  du  crâne  ;  mais  le  plus  souvent 
elle  a  échoué  même  dans  ces  conditions  favorables.  Ailleurs  elle  n’a  au¬ 
cune  chance  de  succès. 

3“  La  ligature  des  artères  afférentes  au  pourtour  de  la  tumeur  semble 
extrêmement  rationnelle,  surtout  quand  ces  artères  sont  dilatées,  et  ce¬ 
pendant  ce  moyen  est  resté  inefficace  entre  les  mains  d’un  Dupuytren, 
d’un  A.  Cooper,  d’un  Warren,  etc. 

Nous  ne  mentionnerons  qu’en  passant  la  proposition  de  Malgaigne  de 
lier  les  veines  efférentes,  imitation  de  la  méthode  de  Brasdor  pour  les 
anévrysmes. 

4“  Ligature  du  tronc  artériel  principal.  —  Celte  méthode  a  été  presque 
exclusivement  appliquée  sur  la  carotide  pour  des  tumeurs  érectiles  de  la 
tête,  très-étendues.  Seulement  la  ligature.de  la  carotide  du  côté  malade  ne 
suffit  pas,  en  général,  à  cause  du  grand  nombre  d’anastomoses,  et  il  faut  en¬ 
core  lier  celle  du  côté  opposé.  C’est  ainsi  que  A.  Robert  etKuhl  obtinrent 
des  guérisons  par  une  double  ligature.  D’autres  chirurgiens  ont  été  moins 
heureux.  Mussey,  après  la  ligature  des  deux  carotides  à  douze  jours  d’in¬ 
tervalle  fut  encore  obligé  d’extirper  la  tumeur.  Bruns  a  réuni  dix  cas  de 
tumeurs  cirsoïdes  traitées  par  la  ligature  de  la  carotide.  La  mort  survint 
deux  fois  à  la  suite  de  l’opération  ;  dans  deux  cas  il  y  eut  une  améliora¬ 
tion  durable  ;  la  tumeur  continua  à  se  développer  dans  les  six  autres, 
parmi  lesquels  sont  comprises  les  trois  opérations  de  ligature  double  men¬ 
tionnées  plus  haut. 

Ce  moyen  thérapeutique,  outre  qu’il  est  fort  dangereux,  est  donc  loin 
d’être  certain  ;  néanmoins  il  doit  être  conservépour  les  cas  extrêmes.  Mais 
au  lieu  de  lier  la  carotide  primitive,  on  se  bornera  à  lier  la  carotide  ex¬ 
terne,  à  l’exemple  de  Maisonneuve,  de  Richet,  de  Bruns  ;  par  là,  on 
évitera  au  moins  les  accidents  cérébraux  qui  sont  l’une  des  complications 
les  plus  fréquentes  et  les  plus  redoutables  à  la  suite  de  ces  opérations. 
[  Voy.  art.  Carotides,  t.  VI,  p.  374.) 

Pour  les  tumeurs  pulsatiles  de  l’orbite,  la  carotide  a  été  liée  assez  sou¬ 
vent  avec  succès.  Demarquay  en  a  réuni  un  grand  nombre  de  cas  dans  son 
traité;  mais  comme  il  est  presque  impossible  de  savoir  s’il  s’agit  d’ané¬ 
vrysmes  ou  de  tumeurs  érectiles,  nous  ne  nous  y  arrêterons  pas. 

IV.  Méthode  palliative.  —  Cette  méthode  comprend  le  procédé  de  ta¬ 
touage,  proposé  par  Pauli,  de  Londres,  en  1836.  Elle  n’est  applicable 


ÉRECTILES  (tdmedrs).  749 

qu’à  de  simples  taches  superficielles,  sans  élevure  de  la  peau.  Encore, 
d’après  les  recherches  de  Cordier,  réussit-elle  très-incomplètement  dans 
les  nævi,  couleur  lie  de  vin.  Il  est  aussi  très-difficile  d’obtenir  la  nuance 
convenable.  La  poudre  qu’on  inocule  est  un  mélange  de  vermillon  et  de 
blanc  de  céruse. 

Indications  générales  sur  le  choix  des  méthodes.  —  Le  grand  nombre 
des  méthodes  qu’on  a  pi’oposées  et  employées  avec  plus  ou  moins  de 
succès,  ne  permettent  pas  de  poser  des  règles  absolues  pour  leur  emploi. 
Le  traitement  variera  nécessairement  selon  les  prédilections  particu¬ 
lières  du  chirurgien,  mais  il  devra,  en  tout  cas,  se  régler  sur  le  siège  et 
l’étendue  de  la  tumeur,  et  surtout  sur  sa  marche. 

Un  angiome  stationnaire  ne  constitue  qu’une  simple  difformité  qu’on 
peut  abandonner  à  elle-même,  quand  elle  n’occupe  pas  une  partie  dé¬ 
couverte,  et  dont  le  traitement  ne  doit  pas  présenter  de  danger.  —  Par 
contre,  une  tumeur  érectile  envahissante  est  une  affection  grave  qui  com- 
jjromet  tôt  ou  tard  la  vie  par  des  hémorrhagies  répétées  ;  et  on  ne  sau¬ 
rait  employer  des  moyens  trop  énergiques  pour  l’arrêter  à  temps. 
D’ailleurs  le  traitement  ne  présente  de  danger  sérieux  que  dans  les  an¬ 
giomes  très-étendus  qui  exigent  la  ligature  d’un  tronc  artériel  ou  une 
dissection  très-étendue.  Avant  toute  autre  méthode,  on  devra  essayer  les 
astringents,  qui  sont  complètement  inoffensifs,  à  moins  que  la  tumeur  ne 
pousse  trop  rapidement.  Si  ce  moyen  fait  défaut  et  que  l’angiome  ait  son 
siège  sur  le  tronc,  le  plus  sûr  est  de  recourir  immédiatement  à  l’une  des 
méthodes  destructives,  extirpation,  cautérisation  ou  ligature,  suivant 
que  le  cas  se  prête  mieux  à  l’une  ou  à  l’autre.  Au  cuir  chevelu,  où  les 
cicatrices  se  cachent  facilement,  ce  sont  encore  les  méthodes  destructives 
qui  sont  indiquées.  Par  contre,  la  ligature  doit  y  être  rejetée,  à  cause  de 
la  raideur  des  téguments  ;  le  fil  galvano-caustique  y  serait  seul  admis¬ 
sible.  Parla  cautérisation,  on  risque  de  ne  pas  détruire  tout  le  mal  ou 
d’agir  trop  profondément  et  d’atteindre  les  os,  je  ne  la  conseillerai  que 
dans  les  cas  où  il  y  a  lieu  de  craindte  des  communications  vasculaires 
avec  l’intérieur  du  crâne.  D’ailleurs  l’extirpation  est  toujours  praticable 
au  cuir  chevelu  sans  grande  hémorrhagie,  en  raison  de  la  facilité  de  la 
compression,  et  c’est  la  méthode  qu’on  doit  préférer. 

Au  visage,  la  crainte  de  cicatrices  difformes  impose  plus  de  restrictions. 
Si  la  tumeur  est  assez  petite  pour  permettre  la  réunion  immédiate  après 
l’extirpation,  cette  méthode  est  encore  la  plus  sûre.  Dans  le  cas  d’an¬ 
giome  étendu  en  surface,  mais  non  en  profondeur,  on  aura  d’abord  recours 
à  la  vaccination  si  le  sujet  n’a  pas  été  inoculé,  ou  bien  aux  frictions  sti- 
biées,  ou  enfin  à  la  cautérisation.  Aux  lèvres,  aux  paupières,  à  l’aile  du 
nez,  l’extirpation  avec  autoplastie  immédiate  est  la  méthode  la  plus  avan¬ 
tageuse.  Si  cependant  elle  était  impraticable  par  la  trop  grande  étendue 
de  la  lésion,  il  faudrait  recourir  aux  excisions  cunéiformes  multiples  ou 
à  l’incision  avec  dédoublement. 

Au  pavillon  de  l’oreille,  on  peut  d’ordinaire  enlever  les  angiomes  par 
dissection  en  respectant  le  cartilage  qui  n’est  pas  facilement  atteint  par 


750 


ÉRECTILES  (tümel’rs). 
la  dégénérescence.  J’ai  extirpé  ainsi  plusieurs  angiomes  de  cette  région 
sans  difformité  consécutive. 

Mais  les  cas  les  plus  embarrassants  sont  fournis  par  ces  vastes  tumeurs 
caverneuses,  en  même  temps  cutanées  et  sous-cutanées ,  qui  occupent 
souvent  le  tiers  ou  la  moitié  de  la  face  ;  au  moyen  des  excisions  multi¬ 
ples  ou  avec  les  cylindres  de  pâte  de  Canquoin,  passés  avec  le  trocart,  on 
pourra  quelquefois  guérir  ces  tumeurs  ou  en  arrêter  le  développement, 
sinon  il  ne  reste  plus  d’autre  ressource  que  la  ligature  des  deux  carotides 
externes  ;  car  la  ligature  d’un  seul  de  ces  vaisseaux  reste  en  général  sans 
action.  Il  est  du  reste  rare  que  les  tumeurs  érectiles  aient  ce  développe¬ 
ment  fâcheux  dès  la  naissance  ;  c’est  d’ordinaire  l’incurie  des  parents, 
mais  aussi,  il  faut  l’avouer,  la  crainte  exagérée  qu’ont  beaucoup  de  mé¬ 
decins  de  toucher  à  ces  productions,  qui  sont  causes  de  leurs  progrès 
redoutables. 

Il  nous  reste  à  parler  de  certaines  variétés  de  tumeurs  qui  ne  sont  plus 
des  angiomes  vrais,  tels  que  nous  les  avons  décrits,  mais  qui  doivent 
cependant  leur  être  annexés,  parce  que  l’élément  vasculaire  prédomine 
de  beaucoup  dans  la  tumeur.  Ce  sont  en  première  ligne  les  anévrysmes 
cirsoïdes  ou  angiomes  cirsoïdes,  puis  les  angiomes  glandulaires  et  osseux 
et  enfin  les  télangiectasies  compliquant  d’autres  néoplasmes. 

Angiomes  cirsoïdes.  ■ —  Les  ane'vrysmes  cirsoïdes,  nommés  aussi  ané¬ 
vrysmes  racémeux,  ou  par  anastomoses,  varices  artérielles  ou  artériecta- 
sies,  sont  des  tumeurs  formées  par  une  agglomération  de  petites  artères 
dilatées  jusqu’au  volume  d’une  plume  de  corbeau  ou  même  d’une  plume 
d’oie  et  largement  anastomosées  les  unes  avec  les  autres.  Ce  sont  donc  des 
angiomes  dans  la  force  du  terme,  mais  formés  par  des  vaisseaux  visibles 
à  l’œil  nu,  au  lieu  d’être  formés  par  des  vaisseaux  microscopiques.  Ces 
tumeurs  cirsoïdes  se  développent  presque  exclusivement  sur  l’une  des 
artères  de  la  tête,  surtout  sur  les  branches  de  la  temporale  ou  de  l’occi¬ 
pitale.  Elles  sont  rarement  congénitales,  mais  surviennent  d’ordinaire 
chez  des  adolescents  à  la  suite  d’une  blessure  ou  d’une  contusion  de  l’ar¬ 
tère.  Quelquefois  c’est  un  nævus  congénital  qui  dégénère  en  tumeur  cir- 
soide  vers  l’âge  de  la  puberté. 

Une  fois  que  la  transformation  a  commencé  sur  un  point,  elle  s’étend 
de  proche  en  proche  aux  branches  artérielles  voisines  et  peut  envahir 
ainsi  toute  une  moitié  de  la  tête  ou  même  davantage.  La  dilatation  n’oc¬ 
cupe  pas  seulement  les  petites  artères,  mais  aussi  les  capillaires  ,  ce  qui 
est  prouvé  par  la  facilité  avec  laquelle  la  matière  à  injection  arrive  dans 
les  veines  ;  dans  un  autre  sens,  elle  gagne  la  carotide  primitive  et  même 
l’aorte.  —  Les  artères  malades  augmentent  de  volume  et  de  longueur, 
leurs  parois  s’hypertrophient  d’abord,  puis  elles  s’amincissent,  se  cou¬ 
vrent  de  bosselures  et  décrivent  de  nombreuses  ondulations.  L’amincis¬ 
sement  des  parois  artérielles,  qui  se  voit  dans  la  seconde  phase  de  la  ma¬ 
ladie  constitue  une  différence  entre  les  angiomes  cirsoïdes  et  les  angiomes 
ordinaires  ;  il  est  causé  probablement  par  la  diminution  de  pression,  ré¬ 
sultant  de  la  communication  presque  directe  entre  les  artères  et  les  vei- 


751 


ERECTILES  (tumeors). 
nés.  Nous  voyons  la  même  cause  produire  le  même  effet  dans  l’anévrysme 
artérioso-veineux  ou  variqueux,  qu’il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  ané¬ 
vrysmes  cirsoïdes.  D’un  autre  côté,  la  dilatation  des  artères  se  rencontre 
autour  de  beaucoup  d’angiomes  caverneux. 

Ces  angiomes  cirsoïdes  se  présentent  sous  forme  de  tumeurs  bosselées, 
variqueuses,  animées  de  battements  artériels  et  d’un  mouvement  d’ex¬ 
pansion  ;  ils  sont  réductibles  par  la  pression  et  donnent  au  doigt  une 
sensation  de  susurras,  en  même  temps  que  l’oreille  perçoit  un  bruit  de 
souffle.  On  les  reconnaît  facilement  à  ces  signes  ,  surtout  quand  la  ma¬ 
ladie  a  atteint  un  certain  développement.  Ces  tumeurs  grandissent  et  s’é¬ 
tendent  d’une  façon  continue;  elles  amincissent  les  téguments,  atrophient 
les  os  et  finissent  par  donner  lieu  à  des  hémorrhagies  graves  et  même 
mortelles.  On  ne  connaît  que  deux  exemples  de  ces  tumeurs  qui  ont  dis¬ 
paru  spontanément  ;  c’est  le  cas  du  fameux  marquis  espagnol  vu  par  Clo- 
quet  et  Orfila  et  un  second  de  Chevalier. 

En  présence  de  cette  marche  envahissante,  le  traitement  doit  être  ac¬ 
tif  ;  la  compression  et  toutes  les  méthodes  modificatrices  réussissent  mal; 
il  faut  extirper  la  tumeur  ou  lier  la  carotide  externe,  sinon  la  primitive. 
La  ligature  des  artères  afférentes  n’a  pas  donné  de  succès  et  quelquefois 
même  il  en  est  résulté  des  hémorrhagies,  parce  que  ces  artères  dilatées 
ne  s’oblitèrent  pas  sous  l’influence  des  fils.  Cependant  Broca  a  guéri  deux 
angiomes  cirsoïdes  par  l’injection  de  perchlorure  de  fer;  mais,  pour  ne 
pas  s’exposer  à  pousser  le  liquide  dans  le  tissu  cellulaire  et  n’avoir  pas 
d’embolie,  il  mettait  les  différentes  branches  artérielles  à  nu  et  injectait 
le  perchlorure  dans  une  portion  d’artère,  isolée  entre  deux  pinces. 

Angiomes  glandulaires.  —  C’est  une  forme  très-rare  des  tumeurs  érec¬ 
tiles  et  dont  l’anatomie  pathologique  est  encore  à  faire  presque  en  entier. 
Les  glandes  en  grappe  et  surtout  les  glandes  salivaires,  paraissent  parti¬ 
culièrement  sujettes  à  cette  dégénérescence,  qui  commence  par  une  dilata¬ 
tion  des  vaisseaux  normaux  de  la  glande  sans  altération  du  parenchyme 
sécrétant.  Plus  tard,  toute  la  masse  glandulaire  peut  être  remplacée  par 
un  tissu  caverneux.  Sur  une  petite  fille  de  trois  mois,  qui  portait  un  an¬ 
giome  capillaire  diffus  de  la  lèvre  inférieure ,  il  existait  en  outre  une 
tumeur  sous-cutanée,  du  volume  d’une  noix,  sous  la  branche  horizontale 
du  maxillaire  inférieur,  au-dessous  de  l’artère  faciale.  Cette  tumeur  gon¬ 
flait  par  les  cris  et  communiquait  une  couleur  bleuâtre  à  la  peau.  Je  la 
jugeai  dénaturé  caverneuse  et  résolus  de  l’extirper;  mais  en  la  mettant 
à  nu,  je  constatai  qu’elle  occupait  la  glande  sous-maxillaire,  qu’il  fallut 
enlever  en  entier.  Il  survint  quelques  accidents  de  résorption  et  un  abcès 
métastatique  dans  le  mollet.  Mais  la  petite  malade  se  rétablit  et,  au  bout 
de  quelques  mois,  je  la  débarassai  de  l’angiome  de  la  lèvre  par  une  exci¬ 
sion  cunéiforme.  Aujourd’hui  c'est  une  belle  enfant  de  cinq  ans,  qui  pré¬ 
sente  des  cicatrices  à  peine  perceptibles.  La  glande  sous-maxillaire  ex¬ 
tirpée  a  l’apparence  normale,  sauf  une  coloration  rouge  plus  marquée. 
Au  microscope,  les  culs-de-sac  glandulaires  sont  bien  développés,  avec 
des  vaisseaux  plus  apparents  que  dans  l’état  sain.  En  1 868,  à  la  Clini- 


7S2  ÉRECTILES  (tumeurs). 

que,  j’enlevai  chez  une  enfant  d’un  an,  la  glande  parotide,  atteinte  d’une 
affection  analogue.  Elle  succomba,  le  quatrième  jour,  à  une  hémorrhagie 
produite  par  l’ulcération  du  tronc  temporo-facial  mis  à  nu  pendant  la  dis¬ 
section. 

Dolbeau  observa,  à  la  clinique  deNélaton,  un  cas  de  grenouillette  san¬ 
guine,  communiquant  avec  une  tumeur  caverneuse  du  cou,  et  il  cite  à 
ce  propos  quatre  observations  semblables  puisées  dans  différents  auteurs. 

Virchow  rapporte  une  observation  de  Gascoyen  concernant  un  angiome 
de  la  parotide  et  trois  autres  ayant  trait  à  la  glande  mammaire.  Il  s’a¬ 
gissait  chaque  fois  de  jeunes  filles  de  dix-huit  à  vingt  ans,  dont  la  ma¬ 
melle  était  transformée  en  un  lacis  de  veines  et  d’artères  dilatées. 

Certaines  tumeurs  érectiles  de  l’orbite  paraissent  se  développer  dans  la 
glande  lacrymale;  enfin  on  pourrait  rapprocher  de  ces  angiomes  glandu¬ 
laires,  les  goitres  anévrysmatiques  et  les  cxcrescences  vasculaires  de  l'u¬ 
rèthre  de  la  femme,  qui  sont  composés  de  papilles  et  de  glandules  hyper¬ 
trophiées  avec  un  développement  considérable  des  vaisseaux.  Quant  aux 
tumeurs  caverneuses'du  foie,  des  reins,  de  la  rate,  elles  ont  une  appa¬ 
rence  toute  différente. 

Dans  l’état  actuel  de  la  science,  le  diagnostic  des  angiomes  glandu¬ 
laires  est  très-obséur  ;  ce  sont  des  tumeurs  occupant  la  place  de  la  glande 
et  se  distinguant  des  autres  néoplasmes  par  leur  réductibilité  partielle  à 
la  pression  et  leur  turgescence  pendant  les  cris  et  l’expiration  forcée. 
L’âge  du  sujet,  les  battements  artériels,  s’ils  existent,  la  coexistence  d’une 
tache  érectile  sont  autant  de  circonstances  qui  mettent  sur  la  voie  du 
diagnostic. 

Le  seul  traitement  applicable,  c’est  l’extirpation  ;  pour  la  parotide  ce¬ 
pendant,  la  ligature  de  la  carotide  externe  serait  peut  être  moins  dange¬ 
reuse  et  aussi  efficace. 

Angiomes  osseux.  —  Tandis  que  les  anciens  rangeaient  sous  le  nom 
de  tumeurs  fongueuses  sanguines  ou  d’anévrysmes  des  os,  toute  espèce 
de  néoplasmes  animés  de  pulsations,  les  modernes  ont  de  la  tendance  à 
nier  les  angiomes  vrais  du  système  osseux,  et  à  considérer  toutes  ces  tu¬ 
meurs  comme  des  carcinomes  ou  des  sarcomes  dont  les  vaisseaux  sont 
plus  dilatés  que  de  coutume.  Pour  beaucoup  des  cas  anciens,  l’existence 
d’une  gangue  carcinomateuse  ou  sarcomateuse  est  hors  de  doute.  Dans  un 
intéressant  mémoire  sur  ce  sujet,  Richet  a  cependant  réuni  sept  obser¬ 
vations  de  tumeurs  vasculaires  des  os,  sans  aucun  parenchyme  apparent. 
Elles  sont  constituées  par  une  poche,  creusée  dans  l’épaisseur  de  l’os, 
ordinairement  dans  la  tête  du  tibia,  et  alimentée  par  une  multitude  de 
petites  artérioles  périostiques  dilatées.  La  paroi  est  constituée  en  partie 
par  le  tissu  osseux  intact,  en  partie  par  le  périoste  épaissi  et  revêtu  de 
couches  fibrineuses  feuilletées,  analogues  à  celles  des  anévrysmes.  Dans 
les  rares  cas  où  l’examen  microscopique  a  été  pratiqué,  on  n’a  trouvé  ni 
myéloplaxes,  ni  cellules  conjonctives  fusiformes,  ni  cellules  cancéreuses 
dans  la  paroi. 

La  structure  de  ces  tumeurs  ne  permet  de  les  classer  d’une  manière 


ÉRECTILES  (tdmeürs).  753 

certaine  ni  parmi  les  anévrysmes  ni  parmi  les  tumeurs  érectiles.  On  pour¬ 
rait  supposer  que  ce  sont  des  tumeurs  caverneuses,  dont  toutes  les  aréoles 
se  seraient  confondues  en  une  seule  loge  ;  ce  qu’on  voit  quelquefois  dans 
les  parties  molles  ;  ou  bien  qu’il  existait  primitivement  un  néoplasme  so¬ 
lide,  qui  se  serait  complétenjent  ramolli  et  résorbé.  Mais  pour  décider  la 
question,  il  faudrait  avoir  l’occasjon d’examiner  les  tumeurs  à  leur  début. 

Quoi  qu’il  en  soit,  les  caractères  cliniques  sont  les  suivants  ;  la  tumeur 
commence  d’ordinaire  par  une  douleur  sourde  dans  l’os,  à  la  suite  d’un 
traumatisme.  Au  bout  de  plusieurs  mois,  il  se  forme  une  tumeur  fluc¬ 
tuante,  légèrement  compressible,  offrant  le  plus  souvent,  mais  pas  tou¬ 
jours,  des  battements  isochrones  au  pouls  ;  la  compression  de  l’artère 
principale  fait  diminuer  la  tension  de  la  tumeur.  Tous  ces  symptômes  se 
rapportent  également  assez  bien  aux  tumeurs  cancéreuses  pulsatiles  des 
os  ;  seulement,  dans  ces  dernières,  la  fluctuation  est  moins  générale  et 
moins  évidente;  la  compression  de  l’artère  produit  aussi  un  effet  moins 
marqué  sur  le  volume  de  la  tumeur. 

Le  traitement  des  tumeurs  vasculaires  vraies  sera  la  ligature  de  l’ar¬ 
tère  principale  qui  à  donné  deux  succès  complets  à  Lallemand  et  à  Roux; 
et  une  guérison  incomplète,  mais  se  maintenant  depuis  six  ans,àLagout. 
Même  dans  le  doute  sur  la  nature  de  la  tumeur,  il  faut  lier  l’artère  ;  puis¬ 
que  Dupuytren  en  a  retiré  un  arrêt  de  la  maladie  pendant  sept  ans,  dans 
un  cas  où  la  suite  a  démontré  la  nature  cancéreuse  du  mal.  Si  la  lésion 
est  trop  avancée,  il  faudra  recourir  à  l’amputation;  dans  le  cas  deScarpa 
la  maladie  récidiva  sur  le  moignon  ;  mais,  en  général,  ces  tumeurs  se 
comportent  comme  des  affections  bénignes  et  paraissent  susceptibles 
d’une  guérison  définitive. 

A  côté  de  ces  tumeurs  vasculaires  des  os,  dont  la  nature  véritable  reste 
douteuse,  on  a  cependant  observé  des  angiomes  osseux  incontestables. 
J.  Cruveilhier,  qui  ne  les  admet  pas  facilement,  rapporte  un  exemple  d’an¬ 
giomes  multiples  du  périoste  de  l’os  iliaque,  qui  avaient  corrodé  profondé¬ 
ment  les  os.  {Anat.path.,  1. 111.)  Il  cite  un  autre  cas  de  Verneuil,  où  tous 
les  os  du  bassin,  y  compris  le  sacrum,  étaient  parsemés  de  tumeurs  érec¬ 
tiles,  sur  leur  face  externe  et  interne.  "Virchow  en  a  vu  également  quel¬ 
ques  cas  dans  le  diploé  des  os  du  crâne.  Chez  une  vieille  femme,  l’un  des 
pariétaux  était  transformé  presque  en  entier  en  une  tumeur  érectile  ca¬ 
verneuse,  formée  par  de  grandes  aréoles  dont  les  parois  étaient  en  parties 
ossifiées.  L’existence  d’angiomes  osseux  ne  peut  être  mise  en  doute , 
quoique  ces  tumeurs  soient  rares  et  qu’on  y  comprenne  souvent  des  can¬ 
cers  pulsatiles. 

Angiomes  compliquant  d’autres  néoplasmes.  —  Beaucoup  de  tumeurs, 
notamment  les  lipomes,  les  fibromes ,  les  sarcomes  et  les  carcinomes 
peuvent  présenter  un  développement  télangiectasique  tel,  que  la  na¬ 
ture  véritable  de  la  tumeur  reste  obscure  et  ne  peut  être  établie 
qu’après  un  examen  microscopique  approfondi.  Le  bon  clinicien  arri¬ 
vera  d’ordinaire  à  établir  le  diagnostic  au  lit  même  du  malade.  Nous 
avons  déjà  parlé  à  différentes  reprises  des  sarcomes  et  des  carcinomes 

ÎTÜUV.  DICT.  MÊD.  ET  CHIE.  XIII,  —  48 


754  ÉRECTILES  (ïumedrs). 

télangiectasiques  (fongus  hématode  des  anciens)  ;  quant  aux  fibromes 
vasculaires,  on  les  rencontre  surtout  à  la  base  du  crâne,  parmi  les  polypes 
nasaux  ou  naso-pharyngiens.  Certaines  de  ces  tumeurs  sont  aussi  riches 
en  sang  que  les  véritables  angiomes.  Il  est  vrai  que,  dans  l’état  normal,  la 
partie  postérieure  des  cornets  est  fortement  ^scolarisée  et  quelques  au¬ 
teurs  y  admettent  du  tissu  érectile.  On/fi  vu  aussi  quelques  tumeurs  fi¬ 
breuses  de  la  matrice  et  des  polypes  du  col-être  sillonnés  de  vaisseaux  nom¬ 
breux  et  fortement  dilatés.  Là  encore  le  développement  considérable  des 
vaisseaux  dans  l’état  normal  offre  un  terrain  favorable  à  la  télangiectasie. 

Enfin,  la  combinaison  du  lipome  avec  l’angiome  n’a  rien  de  surprenant, 
puisque  les  tumeurs  érectiles  sous-cutanées  ^se  développent  aux  dépens 
du  tissu  graisseux.  Le  diagnostic  différentiel  dans  ce  cas  sera  souvent 
difficile  ou  impossible  ;  mais  une  erreur  n’a  pas  grande  importance,  puis¬ 
qu’un  même  traitement,  l’extirpation,  convient  également  aux  deux  es¬ 
pèces  de  tumeur. 

Fawbixgton  (of  Manchester],  Cure  of  subcutaneous  »,ævus  by  the  selon  [the  lAincet,  vol.  Il, 
7  août  1830,  n»  562,  p.  728). 

Lallemand,  Revue  des  travaux  de  la  clinique  chirurgicale  de  Montpellier  [Revue  médicale,  août 
1835,  t.  III). 

CBDVEiLaiER  (J.),  Anatomie  pathologique  du  corps  humain,  in-fol.,  25'  livrais.,  pl,  3  et  4,  el 
50'  livrais.,  pl.  5.  —  Traité  d’anatomie  pathologique  générale.  Paris,  1856,  t.  III,  p.  880. 
Verkedil,  Tumeur  érectile  du  scaphoïde  [Bull,  de  la  Société  anatomique,  1847,  p.  2i4). 
CoBDiER  (F.  S.},  Mémoire  sur  la  possibilité  de  faire  disparaître  par  le  moyen  du  tatouage  cer¬ 
taines  taches  ou  nceoi  matemi  de  la  peau  [Revue  médico-chirurgicale.  Paris,  1845,  t.  IV, 
p.  25). 

Gdebsaxt,  Bull,  de  la  Société  de  eldrurgie,  séance  du  14  juin  1848.  1851, 1. 1,  p.  66. 
CosTiLHES,  Du  nævus  maternus  et  des  tumeurs  érectiles  (Revue  médicale.  Paris,  1851,  p.  324). 
Ga-dtier  (H.  C.  V.),  Tumeurs  érectiles  cutanées.  Thèse  de  doctoral.  Paris,  1850,  8  juin. 

Robert  (A.),  Varices  artérielles  du  cuir  chevelu  [Gaz.  des  hôpitaux,  1851,  p.  130). 

Bruns  (V.),  Die  chirurg.  Krankheiten  des  Gehirns.  Tübingen,  1853,  Band  I,  p.  192. 

Esmarch  (F.),  Über  cavèrnôse  Blulgeschwülste  [Ârchiv  fur  pathol.  Anatomie.  Berlin,  1854, 
Band  VI,  p.  54). 

Laboülbène,  Du  nævus  et  sur  une  modification  particulière.  Thèse  de  doctorat.  Paris,  1854. 
Weber  (C.  O.),  Chirurgische  Erfahrungen.  Bonn,  1854,  p.  391. 

Lebert,  Traité  d’anatomie  pathologique  générale  et  spéciale.  Paris,  1855,  in-folio,  1. 1,  p.  208, 
pl.  XXVII,  XXVIII. 

Nélaton,  Du  traitement  des  tumeurs  érectiles  par  la  vaccination  [Union  médicale,  1857, 
p.  258). 

Doleead,  Sur  une  variété  de  tumeur  sanguine  ou  grenouillette  sanguine  (analysé  in  Union  mé¬ 
dicale,  1857,  p.  478). 

Michel,  Note  sur  certaines  transformations  du  tissu  érectile  [Gazette  médicale  de  Strasbourg, 
1860,  p.'39). 

Nussbaum,  Raiertsches  aertzliches  Intelligenzblatt,  1861,  p.  678. 

Richet,  Recherches  sur  les  tumeurs  vasculaires  des  os  'Arch.  gén.  de  méd.,  6'  série,  t.  IV,  ou 
1864,  t.  II). 

Virchow,  Die  krankhaften  Geschwfilste.  Berlin,  1867,  t.  III. 

Warren,  Tumeur  érectile  cirsoide  in  Schmidt’s  Jahrbücher  der  gesammten  Medicin,  1868, 
2'  livr. 

Rizzoï.i,  Collezione  delle  memorie  chirurgiche.  Bologna,  1869,  t.  I,  p.  103. 

Sangalli,  Storia  anatomica  dei  tumori. 

Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie,  passim,  notamment  1860  et  1869. 

Stdesson,  Danger  des  injections  de  perchlorure  de  fer  dans  les  tumeurs  érectiles  [Union  médi¬ 
cale.  Mai  1869). 

Broca,  Traité  des  tumeurs.  Paris,  1866,  t.  I.  —  Tumeur  cirsoïde,  traitée  par  l’injection  de 
perchlorure  de  fer  [Gaz.  des  hôpitaux,  1870,  p.  183). 


Eugène  Bœckel. 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  histoire  haturellb. 


755 


ERGOT  DE  SEIGEE. — -Histoire  naturelle;  origine;  nature.  — 
Pendant  les  années  pluvieuses,  quelques-unes  des  fleurs  composant  l’épi 
du  seigle  éprouvent  une  altération  particulière  :  une  substance  mielleuse, 
agglutinant  les  étamines  et  le  style,  apparaît  au  sommet  de  l’ovaire  et 
s’oppose  à  la  fécondation;  c’est  la 
sphacélie  (Léveillé);  elle  ne  tarde 
pas  à  prendre  l’aspect  d’un  corps 
mou,  visqueux,  irrégulier,  cérébri- 
forme ,  d’un  blanc  jaunâtre ,  qui 
entraîne  à  sa  partie  supérieure  l’é¬ 
piderme  velu  de  l’ovaire  ;  au-des¬ 
sous  de  lui,  l’ovaire  altéré  se  réduit 
à  un  point  noir.  De  la  sphacélie 
naît  V ergot  proprement  dit;  c’est 
d’abord  au-dessous  d’elle  une  sorte 
de  bourgeon  ;  en  grandissant  il  la 
soulève  (fig.  136),  et  il  finit  par 
prendre,  à  l’époque  de  la  maturité 
du  grain,  la  forme  à  laquelle  il  doit 
son  nom  vulgaire  (fig.  137). 

Mais  qu’est-ce  que  la  sphacélie  et 
qu’est-ce  que  V ergot?  Ces  ques¬ 
tions,  longuement  débattues  parles 
botanistes  et  par  les  pharmacolo- 
gistes  (de  Gandolle,  Guibourt,  Fée, 

Léveillé) ,  ont  été  définitivement 
éclaircies  par  Tulasne. 

Si  l’on  dépose  sur  la  terre  bu- 
mide  Vergot  de  seigle  récemment 
récolté,  il  ne  tarde  pas  à  produire 
un  véritable  champignon  facile¬ 
ment  reconnaissable  à  .^on  chapeau 
sphérique  rouge  violacé  (spliérie), 
supporté  par  un  pédicule  plu.s  ou 
moins  long.  Ce  chapeau  contient 
en  grand  nombre  des  conceptacles 
renfermant  des  sporanges,  lesquel¬ 
les  émettent  des  spores  agglutinées. 

Ce  champignon  est  le  Claviceps 
purpurea  Tulasne  (fig.  138).  ' 

L-origine  et  la  nature  de  Va;jot 
sont  maintenant  faciles  à  expliquer  : 

la  sphacélie  est  le  résultat  de  la  germination  d’une  spore  de  Claviceps 
pnrpurea  sur  la  fleur  non  fécondée  qui  lui  offre  un  milieu  favorable;  elle 
e  substitue  à  l’ovaire;  c’est  un  premier  état  du  végétal  parasite.  Vergot 
proprement  dit,  second  état  de  ce  végétal,  est  un  mycélium  condensé 


Fig.  156.  —  Ergot  de  seigle  grossi.  —  A,  Er¬ 
got  de  seigle  jeune  et  frais.  —  a,  Sphacélie. 
—  b,  Ergot  proprement  dit.  —  o,  Épiderme 
velu  de  l’ovaire  soulevé  et  entraîné  par  la 
sphacélie.  —  B,  Ergot  à  maturité.  —  a, 
Sphacélie  desséchée. 


Fig.  137.  —  Ergot  de  seigle. 


756  EliGOT  DE  SEIGLE.  —  histoire  maturelle. 

{scléroïdé}  qui,  lorsqu’il  se  trouve  placé  clans  des  conditions  convenables, 
produit,  ainsi  que  tous  les  autres  mycélium,  le  champignon  parfait  apte  à 
fructifier  et  à  se  reproduire. 

Description.  — L’ergot  de  seigle,  dont  nous  avons  donné  ci-dessus  la 
figure,  se  présente  sous  la  forme  d’un  corps  brun  violet,  souvent  couvert 
d’une  légère  efflorescence  blanchâtre,  long  de  l  à  5  et  même  5  centimètres, 
large  de  2  à  4  millimètres,  plus  ou  moins  arqué,  aminci  à  ses  extrémités. 
La  sphacélie  desséchée  est  caduque  et  se  rencontre  rarement  à  son  som¬ 
met.  Il  est  obscurément  quadrangulaire  ou  triangulaire,  presque  tou¬ 
jours  crevassé  longitudinalement  ou  transversalement;  cassant,  com¬ 
pacte,  homogène  et  presque  corné;  l’intérieur,  blanc  au  centre,  est  d’une 
teinte  vineuse  près  de  la  surface.  L’odeur  rappelle  celle  des  champignons 
desséchés;  elle  prend  celle  du  poisson  pourri  lorsque  l’ergot  reste  exposé 
à  l’air  humide;  il  devient  alors  la  proie  d’un  sarcopte  semblable  à  celui 
du  fromage  ;  la  saveur,  d’abord  peu  appréciable,  finit  par  une  astriction 
désagréable  et  persistante  dans  l’arrière-bouche. 

Composition,  —  Les  analyses  de  Vauquelin,  de  Wiggers,  de  Manas- 
sewitz,  etc.,  n’ont  pas  mis  à  découvert  le  principe  actif  de  l’ergot.  Les 
données  que  nous  possédons  sur  ce  sujet  sont  contradictoires  et  peuvent 
être  résumées  en  ces  termes  : 

1“  Une  résine  inoffensive  soluble  dans  l’éther  ;  2°  une  huile  non  toxique 
obtenue  par  expression  ;  5°  une  huile  obtenue  par  l’éther,  toxique  selon 
Bonjean,  inoffensive  selon  d’autres  chimistes  ;  4°  l’ergotine  de  Wiggers, 
principe  neutre,  insoluble  dans  l’eau  et  dans  l’étber,  soluble  dans  l’al¬ 
cool;  5"  l’ergotine  de  Manassewitz;  6“  l’ergotine  de  Bonjean.  (E.  Gri- 
maud.)  (Voy.  Ergotihe.)  L’iode  n’y  décèle  pas  d’amidon. 

Le  champ  reste  ouvert  aux  chimistes  pour  la  recherche  du  véritable 
principe  actif  de  l’ergot  de  seigle.  Heureusement,  lorsqu’il  est  conservé 
en  vases  clos  à  l’état  sec,  il  se  montre  assez  actif  par  lui-même  pour  que 
la  médecine  en  puisse  obtenir  des  effets  thérapeutiques  prévus  et  parfai¬ 
tement  comparables  entre  eux. 

Le  Claviceps  purpurea  peut  se  développer  sur  le  blé,  le  riz  et  beaucoup 
d’autres  céréales  cultivées  ou  sauvages.  L’Ergot  du 
blé  (fig.  139),  plus  court,  plus  épais  et  plus  compacte 
que  l’ergot  de  seigle,  jirofondément  crevassé,  quel¬ 
quefois  divisé  au  sommet,  a  été  signalé  comme  sus¬ 
ceptible  de  rendre  à  l’obstétrique  les  mêmes  services 
et  de  meilleurs  que  l’ergot  de  seigle.  (Mialhe,  Grand- 
Clément,  Leperdriel.)  Nous  croyons  qu’on  pourrait 
Kig  139  _  Er»ot  employer  les  deux  espèces  d’ergot  ;  mais  les  médecins 
du  blé.  "  préfèrent  avec  raison  le  médicament  qu’ils  ont  l’ha¬ 

bitude  de  prescrire  lorsque  celui  qu’on  prétend  lui 
substituer  n’offre  aucun  avantage  décisif. 

Fée,  Mémoire  sur  l’ergot  de  seigle.  Strasbourg,  1845. 

Tulasne,  Mémoire  sur  l’ergot  des  Glumacées  [Àim.  des  sciences  naturelles,  ô'  série,  t 

1).  1,  1855). 


t.  XX, 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques.  l-ü 

.Mialhe,  Note  sur  l’ergot  de  blé  [Union  médicale,  13  juin  1830). 

Gbasucléîiest,  De  l’ergot  de  blé  (Thèse  de  doctorat.  Paris,  1855). 

Lepebdbiel,  Sur  l’ergot  de  blé  (Thèse,  1862). 

J.  JuANNEL. 

Effets  physiologiques.  —  Les  seules  préparations  d’ergot  de  seigle  dont 
les  effets  physiologiques  soient  très-manifestes  ou  assez  nettement  accu¬ 
sés  pour  qu’on  ait  pu  les  bien  apprécier,  sont  d’une  part  la  poudre  d’er¬ 
got  brut,  et  d’autre  part  l’ergotine  de  Bonjean  ou  extrait  aqueux  d’ergot. 
Les  autres  dérivés  de  cette  substance,  ses  principes  immédiats,  séparés 
par  l’analyse  chimique  ou  n’ont  point  été  suffisamment  expérimentés,  ou 
ont  une  action  trop  incertaine  ou  trop  controversée,  pour  qu’il  y  ait  lieu 
d’en  tenir  compte  dans  un  ouvrage  d'un  caractère  surtout  pratique  et  qui 
doit  se  borner  à  enregistrer  les  données  les  moins  contestables  de  la  science. 
Or  il  résulte  des  remarques  faites  par  les  divers  observateurs  qui  se  sont 
occupés  de  ce  sujet,  que  les  modifications  organiques  et  fonctionnelles 
produites  par  l’usage  de  l'ergot  brut  et  de  son  extrait  aqueux  sont  à  peu 
près  identiques.  Nous  croyons  donc  avantageux  de  réunir  dans  une  même 
étude  les  faits  qui  concernent  ces  deux  substances,  en.ayant  soin  d’indi¬ 
quer,  le  cas  échéant,  les  différences  assez  légères  qu’elles  présentent  dans 
leur  action  sur  l’économie. 

Tous  les  appareils  organiques,  toutes  les  fonctions  ne  sont  pas  in¬ 
fluencés  au  même  degré  par  l’ergot  de  seigle  et  l’ergotine  de  Bonjean  ; 
l’utérus  gravide  est  de  tous  les  organes  celui  sur  lequel  le  médicament 
manifeste  son  action  de  la  manière  la  plus  éclatante.  Les  autres  effets 
physiologiques  produits  par  ces  médicaments  et  classés  dans  l’ordre 
de  leur  importance,  sont  ceux  que  présentent  les  organes  de  la  cir¬ 
culation,  puis  ceux  de  l’innervation  et  enfin  de  la  digestion.  Les  autres 
appareils  ou  ne  sont  pas  sensiblement  modifiés,  ou  n’ont  présenté  que 
des  symptômes  trop  fugaces  et  trop  inconstants  pour  qu’on  fût  en  droit 
de  les  rapporter  sûrement  à  l’action  de  l’ergot.  C’est  dans  l’ordre  fonc¬ 
tionnel  exposé  ci-dessus  qu’il  convient  d’exposer  ses  divers  effets  phy¬ 
siologiques. 

k.Organes  de  la  génération. — Les  modifications  fonctionnelles  produites 
dans  ces  organes  par  le  seigle  ergoté  se  résument  presque  entièrement 
dans  l’action  que  cet  agent  exerce  sur  la  matrice,  dont  il  a  le  pouvoir  de 
surexciter  à  un  haut  degré  les  propriétés  contractiles,  lorsqu’elle  se  trouve 
placée  dans  certaines  conditions  que  nous  indiquerons  bientôt.  L’expo.sé 
de  cette  action  trouverait  naturellement  sa  place  ici,  puisqu’elle  se  ma¬ 
nifeste  pendant  l’accouchement  le  plus  naturel,  c’est-à-dire  dans  le  cours 
d’un  état  fonctionnel  qui,  bien  qu’exceptionnel  et  souvent  fort  pénible, 
ne  représente  pourtant  pas  encore  la  maladie.  Toutefois  les  effets  phy¬ 
siologiques  de  l’ergot  sur  la  matrice  se  confondant  avec  son  action  théra¬ 
peutique,  il  nous  a  paru  préférable  de  ne  point  scinder  la  relation  des 
faits  qui  concernent  cette  double  influence,  et  de  réunir  ces  deux  or¬ 
dres  de  faits  dans  une  même  étude  dont  on  trouvera  les  éléments  dans 
la  partie  de  cet  article  qui  traite  de  V emploi  obstétrical  de  l’ergot,  p.  762. 


758  EfidOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 

B.  Appareil  circulatoire^ —  Peu  d’expériences  rigoureuses  etsuivies  ont 
été  entreprises  chez  l’homme  sain,  dans  le  but  de  constater  l’action  du 
seigle  ergoté  et  de  ses  dérivés  sur  l’appareil  circulatoire.  Aussi  est-ce 
aux  faits  thérapeutiques  surtout  qu’il  a  fallu  demander,  relativement  à 
cette  action,  des  lumières  que  l'expérimentation  directe  était  impuissante 
à  donner.  Les  observations  faites  par  Parola,  Trousseau,  Beattyel  G.Sée 
sur  l’influence  que  le  seigle  ergoté  exerce  sur  le  cœur,  les  recherches  si 
précises  de  ce  dernier  auteur  sur  les  symptômes  circulatoires  produits 
par  l’ergoline  de  Bonjean,  tels  sont  les  éléments  principaux  d’une  étude 
qui  n’est  sans  doute  pas  encore  complète,  mais  qui  a  fourni  du  moins  des 
résultats  positifs  et  définitivement  acquis  à  la  science.  Les  travaux  de 
G.  Sée  que  nous  prendrons  pour  guide  et  auxquels  nous  empruntons  les 
notions  qui  vont  suivre,  établissent  d’une  manière  irréfutable  que  l’action 
de  l’ergotine,  dont  les  effets  sur  la  circulation  ne  paraissent  pas  différer 
de  ceux  que  produit  l’ergot  donné  en  nature,  consiste  essentiellement  en 
phénomènes  de  ralentissement  et  de  dépression.  Sous  l’influence  d’une 
dose  suffisante  du  médicament,  le  pouls  perd  une  partie  de  sa  force  et 
de  sa  fréquence,  et  son  rhythme  se  modifie.  Au  reste,  pour  préciser  da¬ 
vantage  cette  action,  il  convient  de  l’envisager  successivement,  comme 
l’a  fait  G.  Sée,  dans  les  vaisseaux  et  dans  l’organe  central  de  la  circula¬ 
tion. 

1 .  Vaisseaux. —  Vient-on  à  administrer  à  un  malade,  quels  qu’en  soient 
l’âge  et  le  sexe,  une  potion  additionnée  de  2  à  4  grammes  de  seigle  er¬ 
goté  ou  de  2  grammes  d’ergotine  de  Bonjean,  à  prendre  par  cuillerées  à 
soupe  toutes  les  deux  heures  :  on  voit  promptement  survenir  des  change¬ 
ments  notables  dans  l’état  du  pouls. 

Le  plus  remarquable  consiste  dans  un  ralentissement  qui  varie  de  10 
à  56  pulsations,  mais  qui  peut  être  plus  considérable  encore  si  le  pouls 
présentait  une  grande  fréquence  au  début  de  l’expérience;  64  pulsations 
représentent  la  limite  extrême  de  ce  ralentissement  dans  les  expériences 
de  Sée.  Ces  effets  sont  constants.  Ils  se  produisent  dès  les  premières  prises 
du  médicament  et  se  maintiennent  tout  le  temps  qu’on  en  continue  l’u¬ 
sage,  pour  cesser  ensuite  et  laisser  le  pouls  reveniràsonchiffreprimitif.  Le 
ralentissement  augmente  à  mesure  qu’on  élève  la  dose  du  médicament, 
mais  ne  dépasse  pas  une  certaine  limite  au  delà  de  laquelle  on  peut  ac¬ 
croître  la  quantité  d’ergotine  sans  réduire  davantage  le  nombre  des  pul¬ 
sations  cardiaques. 

Le  pouls,  modifié  dans  sa  fréquence  par  l’action  de  Tergotine  ou  du 
seigle  ergoté,  l’est  également  dans  son  rhythme  par  le  même  agent.  C’est 
un  fait  que  les  expériences  de  G.  Sée  ont  également  mis  en  lumière.  Chez 
deux  femmes  atteintes  d’alfections  du  cœur  et  offrant  un  pouls  fort  irré¬ 
gulier,  cet  observateur  a  vu  la  circulation  se  r.égulariser,  chez  la  première 
dix  heures,  et  chez  la  seconde  trente  heures  après  le  début  du  traitement. 
Ce  résultat  s’est  maintenu  pendant  plusieurs  jours  bien  qu’on  eût  sus¬ 
pendu  l’usage  du  seigle. 

Dans  deux  autres  expériences,  un  effet  inverse  s’est  produit,  c’est-à- 


ERGOT  DE  SEIGLE.  --  effets  phïsiologiqües.  759 

dire  que  le  pouls  primitivement  régulier  est  devenu  irrégulier  et  inégal 
après  l’emploi  de  l’ergotine  ;  mais,  suivant  la  remarque  deSée,  il  s’agis¬ 
sait  de  femmes  nerveuses  et  indociles,  et  l’effet  produit  paraît  devoir  être 
attribué  à  l’agitation  des  malades  bien  plutôt  qu’au  médicament. 

Enfin,  la  résistance  du  pouls  paraît  influencée  aussi  sûrement  que  sa 
fréquence  et  sonrhythme  par  l’action  de  l’ergotine.  Quelles  que  soient,  au 
début  du  traitement,  la  force  et  la  résistance  des  battements  artériels, 
on  voit  celles-ci  s’affaiblir  au  bout  d’un  temps  assez  court  (moins  de 
vingt-quatre  heures),  et,;le  pouls  devenir  souple,  mou  et  quelquefois  dé- 
pressible.  Ce  changement  a  paru  plus  prononcé  chez  les  malades  dont  les 
pulsations  artérielles  étaient  fortes  et  développées  au  commencement  de 
l’expérience,  et  n’a  fait  défaut  que  chez  un  seul  sujet  dont  le  pouls,  pri¬ 
mitivement  normal,  n’a  subi  aucune  modification  dans  sa  force  malgré 
l’usage  continué  pendant  plusieurs  jours  d’une  certaine  dose  d’crgotine. 

Pour  résumer  ce  qui  est  relatif  aux  modifications  du  pouls,  nous  di¬ 
rons  donc  avec  G.  Sée,  que  l’extrait  aqueux  de  seigle  ergoté  produit  con¬ 
stamment:  1°  un  ralentissement  considérable  mais  passager  delà  circula¬ 
tion  ;  2“  une  régularisation  durable  et  manifeste  du  pouls  ;  5“  la  perte 
complété  de  sa  force  et  de  sa  résistance. 

■  2.  Cœur.  — La  connaissance  des  modifications  éprouvées  par  la  circula¬ 
tion  artérielle  et  celle  des  rapports  étroits  et  nécessaires  qui  unissent  le 
pouls  et  le  cœur  devaient  faire  préjuger  l’influence  exercée  sur  ce  dernier 
organe  par  l’ergot  de  seigle  et  son  extrait  aqueux.  Ce  sont  encore  les  ex¬ 
périences  de  Sée  qui  ont  fourni  les  données  que  la  science  possède  sur 
ce  sujet,  et  c’est  surtout  au  moyen  de  l’ergotine  de  Bonjean  que  ces  ex¬ 
périences  ont  été  faites.  Elles  ont  appris  que,  chez  les  malades  soumis  à 
l’usage  de  cette  substance,  les  battements  cardiaques  deviennent  prompte¬ 
ment  moins  fréquents,  plus  faibles  qu’ils  n’étaient  d’abord,  et  que,  s’ils 
étaient  irréguliers  jusque-là,  ils  ne  tardent  pas  à  prendre  de  la  régula¬ 
rité.  Ces  changements  n’ont  jamais  fait  défaut  dans  les  cas  où  le  cœur 
était  sain  ;  une  affection  organique  a  laissé  subsister  le  même  résultat, 
tandis  que  les  modifications  fonctionnelles  de  l’organe  dues  soit  à  l’état 
du  sang  (souffle  anémique),  soit  à  l’action  nerveuse  (palpitations),  n’ont 
pas  paru  sensiblement  influencées  par  l’usage  de  l’ergotine.  En  résumé 
donc  cette  substance  agit  sur  le  cœur  comme  sur  le  pouls,  c’est-à-dire 
en  ralentissant,  en  régularisant  ses  pulsations  et  en  diminuant  leur  force. 

Outre  l’influence  exercée  par  l'ergot  de  seigle  et  par  son  extrait  sur  le 
cœur,  et  qui  se  traduit  par  une  diminution  de  l’action  de  cet  organe 
d'impulsion  du  sang,  la  même  substance  n’agirait- elle  pas  aus.si  sur  le  ré¬ 
seau  capillaire  sanguin,  appareil  richement  pourvu  de  fibres  muscu¬ 
laires  lisses  et  dont  elle  déterminerait  une  contraction  prolongée,  de 
manière  à  réduire  dans  une  mesure  variable,  mais  qui  peut  être  considé¬ 
rable,  la  quantité  de  sang  qui  le  traverse  dans  un  temps  donné?  N’est-ce 
pas  à  une  action  de  ce  genre,  plus  encore  qu’à  l’affaiblissement  des  con¬ 
tractions  cardiaques,  que  sont  dus  les  phénomènes  de  refroidissement  et 
de  gangrène  des  extrémités  observés  chez  les  individus  qui,  comme  nous 


760  ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  phïsiologiques. 

Ifi  dirons  dans  un  instant,  font  habituellement  usage  d’un  pain  fortement 
mélangé  d’ergot?  Cette  action  n’a  pas  encore  été  directement  constatée, 
que  je  sache;  mais  elle  est  probable  et  généralement  admise.  Brown- 
Séquard  la  regarde  comme  tout  à  fait  incontestable  pour  les  centres  ner¬ 
veux,  et  en  parle  comme  d’un  fait  démontré.  «  L’ergot,  dit-il,  produit 
une  contraction  des  vaisseaux  sanguins  de  la  moelle  épinière  et  de  ses 
membranes  et  par  conséquent  diminue  la  quantité  de  sang  qui  circule 
dans  ces  organes.  »  (Brown-Séquard.) 

C.  Centres  nerveux.  —  Les  symptômes  nerveux  notés  par  divers  au¬ 
teurs  chez  des  sujets  ayant  pris  une  dose  suffisante  d’ergot  de  seigle; 
ceux  produits  par  l’ergotine  de  Bonjean  chez  les  malades  observés  par 
Sée  sont  à  peu  près  les  mêmes.  Ce  sont  des  engourdissements,  des  dou¬ 
leurs  dans  les  membres,  des  crampes  avec  ou  sans  contractures,  de  la 
faiblesse  des  membres  inférieurs  et  de  l’indécision  dans  la  marche.  Ces 
phénomènes  se  sont  accompagnés  plusieurs  fois  d’insomnie,  de  vertiges 
et  d’une  céphalalgie  sus-orbitaire  plus  ou  moins  pénible,  dans  un  cas 
d’une  dilatation  légère  des  pupilles  avec  conservation  de  leur  mobilité  et 
de  la  vision,  et  enfin  quelquefois  d’une  somnolence  due  plus  spécialement 
au  seigle  ergoté  et  qui  se  manifeste,  suivant  Trousseau,  après  'des  coli¬ 
ques  violentes  ou  des  vertiges  intenses.  D’après  l’observation  de  Sée  ces 
symptômes  sont  loin  de  présenter  le  caractère  de  constance  et  de  régula¬ 
rité  propre  aux  phénomènes  circulatoires  que  nous  venons  de  faire  con¬ 
naître.  Les  hommes  forts  et  vigoureux  en  ont  été  exempts.  C’est  seule¬ 
ment  chez  les  malades  débilités  par  une  hémorrhagie,  chez  les  sujets 
irritables  et  nerveux  qu’ils  se  sont  manifestés.  Le  concours  d’une  prédis¬ 
position  semble  donc  nécessaire  à  leur  production.  Leur  apparition  a 
toujours  été  passagère,  irrégulière,  et  comme  chez  plusieurs  de  ces  ma¬ 
lades  des  accidents  semblables  existaient  avant  tout  traitement,  on  peut 
dans  ces  cas,  conserver  des  doutes  sur  la  cause  réelle  des  troubles  ner¬ 
veux  et  se  demander  s’ils  ne  sont  pas  dus  au  tempérament  ou  à  lamaladie 
du  sujet  plutôt  qu’au  médicament.  Ce  qui  est  certain,  c’est  que  ces  phé¬ 
nomènes  ont  été  complètement  indépendants  des  changements  survenus 
dans  la  circulation  ;  car  ils  ont  manqué  dans  un  grand  nombre  de  cas, 
et  quand  ils  se  sont  déclarés,  c’était  toujours  à  une  époque  différente  de 
celle  où  apparaissaient  les  troubles  circulatoires. 

D.  Organes  digestifs. —  Une  constipation  opiniâtre  a  été  le  seul  symp¬ 
tôme  saillant  noté  par  G.  Sée  du  côté  des  organes  digestifs  chez  les  sujets 
soumis  à  l’action  de  l’ergotine.  Comme  il  a  été  observé  chez  tous  les  ma¬ 
lades  indistinctement,  on  ne  peut  douter  qu'il  soit  bien  réellement  dû  à 
l’action  du  médicament.  On  n’a  point  jusqu’ici  signalé  la  constipation 
chez  les  malades  qui,  au  lieu  d’ergotine,  ont  pris  de  l’ergot  brut,  mais 
on  observe  fréquemment  chez  eux  des  nausées  et  des  vomissements,  ainsi 
qu’il  est  facile  de  s’en  assurer  chez  les  femmes  en  couches  ou  accouchées 
qui  font  usage  d’ergot.  L’ergotine  au  contraire  ne  produit  pas  ces  derniers 
troubles  digestifs. 

La  respiration,  la  calorification  et  les  sécrétions  ne  paraissent  point  in- 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  piiïsiologiqiies.  761 

fluencées  par  l’ergot  de  seigle  ou  ses  dérivés  ;  du  moins  l’observation  n’a 
pas  jusqu’ici  saisi  de  modifications  évidentes  du  côté  de  ces  différentes 
fonctions. 

Comme  on  a  pu  le  remarquer,  l’ergot  de  seigle  et  l’ergotine  présentent, 
dans  leur  action  physiologique,  dos  analogies  nombreuses  et  quelques 
différences  qu’il  nous  paraît  utile  de  résumer  brièvement  ;  nous  les  re¬ 
trouverons  d’ailleurs  dans  leur  action  thérapeutique.  Les  analogies  sont 
évidentes  et  étroites,  et  une  connaissance  plus  complète  des  effets  phy¬ 
siologiques  de  ces  deux  substances  révélera  sans  doute  un  jour  une  plus 
grande  uniformité  d’action  que  celte  qu’on  connaît  actuellement.  Nous 
savoirs  dès  aujourd’hui  que  l’ergot  et  son  extrait  aqueux  modifient  de  la 
même  manière  les  organes  circulatoires,  le  système  nerveux  et  la  con¬ 
tractilité  utérine,  mais  qu’ils  n’exercent  pas  une  influence  égale  sur  ces  di¬ 
verses  fonctions  ;  que  tandis  que  l’ergot  brut  agit  plus  puissamment  que 
l’ergotine  sur  les  contractions  de  la  matrice  et  le  système  nerveux,  les 
effets  produits  sur  le  cœur  par  cette  dernière  substance  sont  plus  consi¬ 
dérables  ;  qu’ enfin  l’action  de  chacun  d’eux  sur  le  tube  digestif  diffère 
sensiblement,  puisque  le  seigle  ergoté  détermine  fréquemment  des  nausées 
et  des  vomissements,  tandis  que  l’ergotine  donne  lieu  à  de  la  constipa¬ 
tion. 

Si  nous  cherchons  maintenant  à  nous  rendre  compte  du  mécanisme 
des  effets  physiologiques  divers  produits  par  ces  deux  médicaments,  nous 
devrons  admettre,  dans  l’accomplissement  de  ces  phénomènes,  l’inter¬ 
médiaire  obligé  du  système  nerveux,  sur  lequel  se  porte  en  premier  lieu 
l’action  de  ces  deux  substances.  Que  l’ergot  de  seigle  fasse  contracter 
l’utérus  gravide,  modifie  la  circulation  sanguine,  excite  des  vomissements 
ou  détermine  de  la  constipation,  le  système  nerveux  intervient  tout  d’a¬ 
bord  dans  la  genèse  de  ces  divers  phénomènes,  aussi  bien  que  dans  la 
production  des  symptômes  nerveux  proprement  dits  ;  il  nous  paraît 
moins  conforme  aux  lois  de  la  physiologie  de  rapporter  ces  modifications 
fonctionnelles  à  une  influence  directe  exercée  sur  ces  différents  appareils 
par  le  sang  modifié  dans  sa  composition  par  les  principes  solubles  du 
médicament,  ainsi  que  Sée  incline  à  l’admettre.  Envisagé  de  cette  ma¬ 
nière,  qui  nous  paraît  la  seule  vraie,  le  mode  d’action  du  seigle  ergoté 
rentre  donc  dans  la  théorie  générale  de  l’action  des  médicaments  internes 
et  des  poisons,  et  cette  explication  de  leur  action  physiologique  devra 
être  invoquée  encore  à  propos  de  leurs  propriétés  thérapeutiques. 

Emploi  thérapeutique  de  l’ergot  et  de  l’ergotise. — L’emploi  ration¬ 
nel  de  l’ergot  et  de  l’ergotine  de  Bonjean  en  médecine  peut  se  déduire  de 
l’influence  que  ces  substances  exercent  sur  l’organisme  humain  dans  l’é¬ 
tat  de  santé.  Elles  trouvent  donc  leur  application  légitime  dans  les  états 
morbides  où  le  fonctionnement  de  certains  appareils  organiques  a  besoin 
d’être  modifié  dans  le  sens  des  effets  physiologiques  produits  par  l’ergot 
ou  du  moins  de  quelipies-uns  d’entre  eux.  C’est,  par  conséquent,  dans  les 
cas  où  il  est  nécessaire  de  réveiller  l’action  contractile  de  la  matrice  et 
celle  des  vaisseaux  capillaires  de  certains  organes,  dans  ceux  aussi  où  il 


762  ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 

importe  de  diminuer  la  force  des  contractions  cardiaques,  qu’il  est  indi¬ 
qué  de  recourir  à  ces  substances,  et  comme  d’un  autre  côté  l’utilité 
d’un  médicament  se  mesure  assez  ordinairement  à  l’intensité  de  son  ac¬ 
tion  physiologique,  c’est  en  définitive  comme  excitant  des  contractions 
utérines  que  nous  verrons  l’ergot  de  seigle  acquérir  son  plus  haut  degré 
d’importance  et  rendre  à  la  thérapeutique  les  services  les  moins  contes¬ 
tables.  Étudions  donc  chacun  des  cas  où,  d’une  manière  rationnelle  ou 
empirique,  on  donne  le  seigle  ergoté  en  médecine,  et  commençons  par 
celui  qui  domine  tous  les  autres  par  son  importance,  à  savoir,  l’inertie 
utérine. 

A.  De  l’ergot  considébé  comme  excitakt  des  contractions  de  la  matrice. 
Usage  obstétrical.  —  Envisagé  comme  excitant  des  contractions  utérines, 
l’ergot  est  un  de  ces  médicaments  dont  l’usage  populaire  et  empirique  a 
précédé  l’emploi  raisonné  et  médical.  Bien  avant  d’être  parvenue  à  la 
connaissance  des  médecins,  son  action  sous  ce  rapport  était  connue,  pa¬ 
raît-il,  des  matrones  de  certaines  contrées  de  l’Europe  et  de  l’Amérique, 
qui  l’employaient  fréquemment  dans  les  accouchements  laborieux.  Je 
tiens  de  source  certaine  que,  de  nos  jours  encore,  les  femmes  des  campa¬ 
gnes  usent  et  souvent  abusent  du  seigle  ergoté,  dans  les  départements 
du  centre  de  la  France,  instruites  peut-être  par  la  tradition,  mais  peut- 
être  aussi  par  les  sages-femmes  qui  leur  auraient  fait  connaître  les  pro¬ 
priétés  de  celte  substance.  Quoi  qu’il  en  soit  de  ce  point  d’historique,  si¬ 
gnalées  surtout  vers  la  fin  du  siècle  dernier  par  Desgranges,  de  Lyon, 
qui  tenait  cette  connaissance  des  matrones,  et  par  Stearns,  de  New-York, 
les  propriétés  excitatrices  de  l’ergot  n’ont  été  étudiées  d’une  manière 
vraiment  scientifique  que  par  Olivier  Prescott,  dont  le  mémoire  important 
fut  lu  à  la  Société  médicale  des  Massachussets,  en  1814.  Dans  cette  étude 
très-complète,  Prescott  met  hors  de  doute  la  réalité  de  l’influence  exci¬ 
tatrice  que  l’ergot  exerce  sur  la  contractilité  de  la  matrice,  apprécie  la 
promptitude  et  la  durée  de  son  action,  et  signale  les  indications  de  l’em¬ 
ploi  de  cette  substance.  Les  résultats  du  médecin  américain  ont  été  de¬ 
puis  confirmés  par  les  observations  de  ses  confrères  d’Europe,  et  malgré 
les  insuccès  et  le  jugement  défavorable  de  Chaussier  et  de  M™  Lacha¬ 
pelle,  malgré  les  défiances  ou  les  proscriptions  formelles  de  quelques 
praticiens  plus  modernes,  l’ergot  de  seigle  est  considéré  aujourd’hui  par 
la  généralité  des  accoucheurs  comme  un  agent  thérapeutique  de  la  plus 
grande  utilité,  que  sa  puissance  range  parmi  les  médicaments  dits  hé¬ 
roïques,  et  sans  lequel  il  n’y  a  et  il  ne  saurait  y  avoir  de  bonne  pratique 
obstétricale. 

L’excitation  fonctionnelle  déterminée  par  l’ergot  de  seigle  ne  se  fait 
bien  sentir  que  sur  la  matrice  de  la  femme  adulte,  et  encore  faut-il  que 
cet  organe  se  trouve  dans  certaines  conditions  déterminées  hors  desquelles 
l’action  du  médicament  est  faible  ou  nulle.  L’utérus,  en  effet,  doit  avoir 
été  préalablement  modifié  dans  sa  structure  et  ses  propriétés  vitales  par 
la  présence  d’un  produit  de  conception,  par  celle  d’un  corps  étranger, 
polype,  sang,  mucosités,  qui  en  a  développé  et  agrandi  la  cavité.  Il  faut 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques.  765 

que  la  couche  musculaire  qui  forme  ses  parois  ait  subi  un  certain  degré 
d’hypertrophie,  qu’un  développement  plus  considérable  de  ses  vaisseaux 
et  une  circulation  sanguine  plus  active  soient  venues  en  accroître  la  vita¬ 
lité,  pour  que  l’organe  se  prête  convenablement  à  l’action  du  médicament 
et  puisse  en  ressentir  pleinement  les  effets.  Ces  conditions  se  trouvant 
réalisées  au  plus  haut  degré  dans  l’accouchement  qui  s’effectue  au  terme 
normal  de  la  grossesse,  c’est  à  ce  moment  aussi  qu'on  voit  se  manifester 
dans  toute  sa  plénitude  l’action  du  seigle  ergoté  sur  l’organe  utérin.  En 
effet,  lorsqu’une  dose  suffisante  de  cette  substance  (50  à  60  centigrammes) 
a  été  administrée  à  une  femme  en  travail  d’accouchement,  on  constate 
bientôt  que  les  contractions  de  la  matrice  acquièrent  plus  de  force  et  de 
durée.  En  même  temps  leur  type  physiologique  se  modifie.  Dans  les  con¬ 
ditions  normales,  un  intervalle  plus  ou  moins  long  de  repos  ou  d’inertie 
de  l’organe  alterne  avec  son  effort  expulsif  ;  chez  les  femmes  qui  ont  pris 
de  l’ergot,  il  n’en  est  plus  de  même,  la  matrice  reste  contractée  d’une 
manière  continue  sur  le  corps  qu’elle  renferme,  et  à  cette  contraction  con¬ 
tinue  et  habituellement  indolore,  se  surajoute  périodiquement  un  effort 
plus  puissant,  douloureux,  mais  temporaire  ;  d’intermittente  qu’elle  est 
naturellement,  la  contraction  utérine  est  devenue  rémittente. 

Toutes  les  parties  de  la  matrice  paraissent  ressentir  également  les 
effets  de  l’ergot;  toutes  se  contractent  sous  son  influence  et  ne  pré¬ 
sentent,  dans  la  puissance  de  leur  effort,  d’autres  différences  que  celles 
qui  tiennent  au  développement  musculaire  inégal  des  diverses  parties 
de  l’organe. 

Cette  action  du  seigle  ergoté  se  manifeste  assez  promptement  :  dix  à 
vingt  minutes  après  l’ingestion  du  médicament,  d’après  Prescott,  les  con¬ 
tractions  de  la  matrice  présentent  déjà  un  surcroît  manifeste  de  force  et 
de  durée.  C’est  aussi  ce  qu’ont  observé  tous  ceux  qui,  depuis  le  médecin 
américain,  ont  fait  usa^e  de  l’ergot  de  seigle  pendant  le  travail.  La  durée 
de  cette  action  présente  de  notables  différences  ;  suivant  le  même  obser¬ 
vateur,  elle  varierait  de  une  demi-heure  à  une  heure  et  demie,  et  une 
heure  représente  sa  durée  moyenne.  Au  bout  de  ce  temps  elle  s’affaiblit, 
et  les  contractions  se  succèdent  d’après  le  type  qu’elles  présentaient 
avant  l’emploi  du  médicament.  Au  reste  la  durée,  de  même  que  l’inten¬ 
sité  de  la  contraction  ergotée,  paraît  proportionnée  à  la  quantité  ingérée 
du  médicament  et  aussi  à  sa  qualité,  et  il  est  jusqu’à  un  certain  point 
au  pouvoir  de  l’accoucheur  d’en  régler  les  effets  utiles  par  un  choix  judi¬ 
cieux  des  doses  et  du  moment  de  l’administration. 

Ces  propriétés,  si  apparentes  dans  le  cours  d’un  accouchement  à  terme, 
se  manifestent  également  dans  les  autres  périodes  de  la  puerpéralité.  On 
les  voit  se  manifester  de  la  façon  la  plus  nette  après  la  délivrance  et 
aussi  dans  l’avortement  qui  survient  dans  la  première  moitié  de  la  gesta¬ 
tion  ;  seulement,  dans  ce  dernier  cas,  le  phénomène,  tout  en  conservant 
son  caractère  d’évidence,  est  moins  fortement  accentué,  à  cause  de  l’évo¬ 
lution  moins  avancée  du  tissu  musculaire.  Pour  cette  même  raison  en¬ 
core,  verra-t-on  la  contraction  utérine  sollicitée  par  l’usage  de  l’ergot, 


764 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 
moins  forte  dan.s  le  cas  où,  au  lieu  d’un  fœtus  à  terme,  la  matrice  ne 
renferme  qu’un  caillot  sanguin. 

Les  forces  contractiles  de  la  matrice,  surexcitées  par  l’action  du  seigle 
ergoté,  peuvent-elles  acquérir  un  degré  de  puissance  tel  qu’elles  déter¬ 
minent  la  rupture  des  parois  de  l’organe,  si  un  obstacle  mécanique  in¬ 
surmontable  (rétrécissement  du  bassin,  présentation  vicieuse  de  l’enfant) 
s’oppose  absolument  à  la  prompte  déplétion  de  la  matrice?  On  Ta  dit, 
mais  le  fait  est  douteux,  du  moins  tout  à  fait  exceptionnel.  Comme  Jac- 
quemier  l’a  fait  remarquer  avec  raison,  la  rupture  spontanée  de  la  matrice 
est  un  fait  très-rare  malgré  l’abus  si  fréquent  de  l’ergot  de  seigle,  et  les 
cas  dans  lesquels  on  l’a  vu  se  produire  après  l’emploi  du  médicament 
s'expliquent  moins  par  l’excès  d’action  de  l’utérus  seul  que  par  l’exis¬ 
tence  de  certaines  altérations  de  structure  ;  fibrome,  cicatrices  anciennes, 
ramollissement  aigu,  etc.,  ayant  pour  effet  d’affaiblir  la  résistance  na¬ 
turelle  de  ses  parois.  Même  accident  s’observe,  .en  effet,  dans  des  cas  de 
prolongation  insolite  du  travail,  et  alors  que  l’accouchée  n’a  pris  aucune 
dose  de  seigle.  Aucun  fait,  croyons-nous,  ne  prouve  aujourd’hui  que  ce 
médicament,  alors  même  qu’il  a  été  administré  d’une  façon  intempestive 
et  à  très-forte  dose,  puisse  causer  une  rupture  brusque  et  en  quelque 
sorte  traumatique  des  parois  de  la  matrice,  si  l’on  suppose  que  celles-ci 
présentent  une  épaisseur  et  une  structure  entièrement  physiologiques. 

En  définitive,  accroissement  de  la  force  et  modification  du  rhythme  des 
contractions  de  la  matrice  développée  par  la  grossesse  ou  par  un  corps 
étranger,  tel  est  le  résumé  de  l’action  positive,  certaine,  de  l’ergot  de 
seigle  sur  l’organe  gestateur.  Cette  action,  d’après  les  recherches  de  Bon- 
jean,  paraît  appartenir  également  à  son  extrait  aqueux.  Toutefois  l’usage 
a  prévalu  jusqu’ici  de  préférer  à  ce  dernier,  chez  les  femmes  en  couches, 
l’ergot  donné  en  nature,  et  le  besoin  d’assurer  les  effets  de  cet  agent  nous  ■ 
paraît  en  effet  justifier  cette  préférence. 

Une  dernière  question  relative  à  l’action  physiologique  du  seigle  ergoté 
sur  l’utérus  gravide,  et  qui  n’a  pas  moins  d’importance  au  point  de  vue 
thérapeutique,  est  la  suivante  :  l’ergot,  qui  accroît  d’une  façon  si  con¬ 
stante  et  si  sûre  l’énergie  des  contractions  de  la  matrice,  quand  celles-ci 
sont  survenues  spontanément  ou  ont  été  provoquées  par  une  cause  acci¬ 
dentelle,  a-t-il  également  le  pouvoir  défaire  naître  ces  contractions  dans 
un  utérus  inerte  jusque-là  ?  Est-il  un  médicament  abortif?  Cette  question 
ne  paraît  pas  avoir  été  suffisamment  résolue  par  l’observation,  et  les 
opinions  sont  divisées  sur  ce  point.  Paul  Dubois  avait  conclu  de  premiè¬ 
res  expériences  à  l’impuissance  de  l’ergot  à  mettre  enjeu  la  contractilité 
de  l’utérus  et  lui  refusait  dès  lors  toute  propriété  abortive.  L’opinion  de 
ce  professeur  parut  se  modifier  par  la  suite,  car,  dans  un  travail  subsé¬ 
quent,  il  se  montre  moins  affirmatif  et  semble  croire  que,  dans  cer¬ 
taines  conditions,  l’ergot  peut  vraiment  faire  contracter  une  matrice 
inerte  jusque-là.  Cette  dernière  opinion  est  aussi  celle  du  professeur 
Grenser,  qui  pense  que  l’ergot  fera  naître  d’autant  plus  sûrement  des 
contractions  dans  Tutérus  gravide  que  la  grossesse  est  plus  avancée,  et 


ERGOT  DE  SE[GLE.  —  effets  physiologiques. 


765 

qui  dès  lors  est  d’avis  que  ce  médicament  doit  prendre  rang  parmi  les 
agents  thérapeutiques  capables  de  provoquer  l’accouchement.  Ce  qui  pa¬ 
raît  conforme  à  la  vérité  sur  ce  point,  c’est  que  l’action  abortive  du  sei¬ 
gle  ergoté,  si  elle  est  réelle,  est  du  moins  trop  faible  et  trop  infidèle 
pour  qu’on  songe  à  l’utiliser  dans  la  provocation  de  l’accouchement,  en 
présence  surtout  des  méthodes  si  efficaces  que  l’art  possède  aujourd’hui 
pour  obtenir  ce  résultat. 

Indications.  —  La  propriété  si  bien  démontrée  de  l’ergot  de  seigle  de 
surexciter  la  contractilité  utérine,  fait  pressentir  de  suite  dans  quelles  cir¬ 
constances  on  devra  recourir  à  cet  agent.  C’est  toutes  les  fois  que,  soit 
pendant  le  travail,  soit  après  l’accouchement,  il  deviendra  nécessaire 
d’accroître  la  force  des  contractions  de  la  matrice  ;  par  conséquent  l’i¬ 
nertie  utérine  simple  pendant  le  travail,  l’inertie  utérine  avec  hémorrha¬ 
gie  après  l’accouchement,  indiquent  formellement  l’usage  du  seigle.  Ou¬ 
tre  ces  deux  indications  capitales,  il  en  est  d’autres  moins  importantes 
peut-être,  mais  où  l’utilité  du  médicament  n’est  pourtant  pas  contes¬ 
table;  je  veux  parler  de  l’accouchement  dans  la  présentation  du  siège, 
de  la  délivrance  artificielle,  des  hémorrhagies  pendant  la  grossesse  ou  le 
travail,  de  la  rétention  de  caillots  ou  des  annexes  du  fœtus  après  l’accou¬ 
chement,  etc...  Nous  exposerons  avec  quelque  détail  ces  diverses  in¬ 
dications  de  l’emploi  obstétrical  du  seigle  ergoté. 

A.  Pendant  le  travail.  —  a.  Inertie  utérine.  —  Il  importe  tout  d’a¬ 
bord  de  rappeler  que  l’inertie  utérine  dont  il  est  ici  question  n’est  pas 
cette  faiblesse  des  contractions  de  la  matrice  symptomatique  d’états  pa¬ 
thologiques  divers  ;  faiblesse  générale  parvenue  à  un  assez  haut  degré 
pour  réagir  sur  les  organes  musculaires,  distension  exagérée  de  l’utérus, 
réplétion  douloureuse  de  la  vessie,  etc...  qui  entraveni,  restreignent  l’ac¬ 
tion  contractile  de  l’organe  gestateur  et  dont  le  traitement  rationnel  con¬ 
siste  à  combattre  directement  les  causes  qui  l’ont  produite;  qu’il  ne 
s’agit  pas  non  plus  de  l’inertie  consécutive  ou  par  épuisement,  qui  suc¬ 
cède  aux  efforts  prolongés  et  nécessairement  infructueux  de  l’organe  lut¬ 
tant  contre  un  obstacle  mécanique  insurmontable.  A  cette  seconde  forme 
d’inertie,  on  ne  peut  opposer  utilement  qu’une  opération  chirurgicale 
dont  le  choix  se  déduit  de  la  nature  même  de  l’obstacle,  rétrécissement 
pelvien,  présentation  vicieuse  de  l’enfant,  etc...  L’inertie  utérine  qui  se 
prête  à  l’emploi  de  l’ergot  de  seigle  est  cette  inertie  primitive,  essentielle, 
qui  paraît  tenir  à  une  indolence  naturelle  ou  à  un  défaut  d’excitabilité  de 
la  matrice  et  qui  représente  la  forme  de  beaucoup  la  plus  commune  sous 
laquelle  nous  voyons  apparaître  la  faiblesse  des  contractions  expulsives. 
Dans  cette  forme  d’inertie,  la  poudre  d’ergot  peut  être  utilement  admi¬ 
nistrée  aux  femmes  en  travail,  mais  à  certaines  conditions  qu’il  convient 
tout  d’abord  de  préciser.  Il  faut  en  effet  : 

i  ’  Que  le  col  de  l’utérus  soit  entièrement  dilaté.  —  Les  faits  n’ont  pas 
encore  appris  ce  qu’on  peut  attendre  du  seigle  ergoté  administré  dans  la 
période  de  dilatation  du  col  utérin  et  avant  que  celle-ci  soit  fort  avancée 
ou  complète.  Desgranges,  Haslam  et  Joulin  émettent  l’avis  qu’on  peut  y 


766 


ERGOT  ÜE  SEIGLE. 


rHYSIOLOGlQDES. 


recourir  dès  ce  moment,  mais  n’appuient  pas  leur  opinion  sur  des  obser¬ 
vations  positives.  Comme  à  la  rigueur  il  se  pourrait  que  le  segment  infé¬ 
rieur  de  l’utérus,  en  participant  à  la  suractivité  fonctionnelle  de  tout 
l’organe  déterminée  par  le  médicament,  pût  se  resserrer  ou  tout  au  moins 
cesser  de  s’ouvrir  et  retarder  ainsi  la  progression  de  la  partie  fœtale,  il 
est,  je  crois,  préférable  de  s’abstenir  d’administrer  l’ergot  jusqu’à  ce  que 
la  dilatation  du  col  se  soit  complétée. 

2“  Que  les  membranes  soient  rompues.  —  La  rupture  naturelle  ou  ar¬ 
tificielle  des  membranes  ayant  babituellement  pour  effet  de  réveiller  la 
puissance  des  forces  expulsives  et  d’imprimer  une  accélération  à  la  mar¬ 
che  du  travail,  on  devra,  avant  d’administrer  le  seigle  ergoté,  attendre 
que  cette  évacuation  de  la  poche  des  eaux  ait  eu  lieu  depuis  un  certain 
temps  et  s’être  assuré  qu’elle  est  impuissante  à  faire  cesser  l’inertie  uté¬ 
rine. 

5“  Que  les  voies  génitales  présentent  une  conformation  régulière  ou 
du  moins  des  dimensions  suffisantes  pour  laisser  passer  l’enfant.  — 
Tout  obstacle  mécanique  dépendant  soit  des  os,  soit  des  parties  molles 
qui  entrent  dans  la  structure  du  conduit  vulvo-utérin,  comme  rétrécisse¬ 
ment  du  bassin,  tumeur  intra-pelvienne,  rigidité pathologiquedu col, etc... 
et  capable  d’empêcher  le  passage  de  l’enfant,  exclue  l’emploi  de  l’ergot 
de  seigle.  Un  rétréci.ssement  modéré  des  voies  génitales  ne  contre-indique 
pourtant  pas  absolument  l’usage  de  ce  médicament.  Nous  devrons  bientôt 
d’ailleurs  revenir  sur  ce  sujet. 

4°  Que  la  présentation  du  fœtus  admette  une  terminaison  spontanée  de 
r accouchement.  —  Les  diverses  présentations  de  l’enfant  étant  dans  ce 
cas,  sauf  celle  du  tronc,  cette  dernière  est  la  seule  qui  contre-indique  l’em¬ 
ploi  de  l’ergot,  du  moins  si  l’on  suppose  un  accouchement  à  terme,  un 
enfant  vivant  et  d’un  volume  ordinaire.  On  conçoit  en  effet  que  l’accou¬ 
chement  d’un  fœtus  abortif,  c’est-à-dire  très-petit,  ou  d’un  enfant  à  terme 
mais  mort  et  macéré,  en  permettant  l’expulsion  spontanée  du  produit 
malgré  son  attitude  vicieuse,  autoriserait  l’administration  du  seigle  dans 
la  présentation  du  tronc  tout  aussi  bien  que  dans  celle  du  crâne  ou  du 
siège,  si  les  centrations  utérines  manquaient  de  force  pour  l’opérer. 

Ainsi  donc,  en  résumé,  conformation  régulière  des  voies  génitales, 
présentation  convenable  de  l’enfant,  dilatation  complète  du  col  et  rupture 
des  m.embranes,  telles  sont  les  conditions  qui  permettent  l’usage  de  l’er¬ 
got  de  seigle  dans  l’inertie  essentielle  de  la  matrice. 

C’est  sous  forme  de  poudre  préparée  au  moment  d’en  faire  usage  qu’on 
est  dans  l’habitude  d’administrer  le  médicament.  On  en  compose  des 
doses  de  50  à  60  centigrammes  qu’on  fait  prendre  délayées  dans  un 
quart  de  verre  d’eau  sucrée.  Stoltz  administre  aussi  l’ergot  dans  du  vin, 
avec  addition  d’un  peu  de  canelle  comme  adjuvant  et  comme  moyen  de 
le  faire  supporter  plus  facilement  par  l’estomac.  On  peut  donner  de  la 
sorte  trois  ou  quatre  doses  à  dix  minutes  ou  un  quart  d'heure  d’inter¬ 
valle,  soit  environ  2  grammes,  dans  l’espace  d’une  heure,  et  si  le  seigle 
est  de  bonne  qualité,  l’inertie  utérine  simple  et  qu’il  n’existe  pas  de 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  piiïsjolügiqües.  767 

disproportion  entre  le  fœtus  et  le  canal  qu’il  doit  parcourir,  on  verra 
bientôt,  comme  nous  l’avons  déjà  dit,  les  efforts  expulsifs  devenir  plus 
puissants  et  l’accouchement  se  terminer  spontanément. 

Mais  le  seigle  ergoté,  qui  jouit  bien  évidemment  du  pouvoir  d’accélérer 
les  phénomènes  mécaniques  du  travail,  peut  avoir  des  dangers  pour 
l’enfant  si  l’on  omet  certaines  précautions  destinées  à  les  prévenir.  On 
n’a  point  oublié  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  des  modilications  que  le 
médicament  imprime  à  la  contraction  utérine.  Celle-ci  devient  continue 
et  en  quelque  sorte  tétanique.  La  paroi  de  la  matrice  reste  étroitement 
appliquée  sur  l’enfant  et  comprime  son  cordon  en  même  temps  que  la 
réduction  du  calibre  de  ses  vaisseaux  restreint  la  circulation  utérine  et 
par  conséquent  l’apport  des  principes  gazeux  nécessaires  à  la  respiration 
du  fœtus.  Sous  l’influence  de  cette  double  action,  les  rapports  fœto-ma¬ 
ternels  sont  troublés  puis  suspendus,  et  la  vie  de  l’enfant  peut  être  assez 
promptement  compromise.il  n’est  pas  impossible  non  plus  que,  comme  le 
pensent  les  accoucheurs  anglais,  l’ergot  exerce  une  action  toxique  sur  le 
fœtus.  Dès  l’année  1835  Blariau,  de  Gand ,  avait  reconnu  qu’un  cin¬ 
quième  des  femmes  qui  ont  fait  usage  d’ergot  pendant  le  travail  accou¬ 
chent  d’enfants  morts.  Il  avait  en  conséquence  signalé  ces  dangers  et, 
sans  proscrire  entièrement  l’usage  d’un  médicament  héroïque,  engageait 
les  praticiens  à  en  restreindre  l’usage  aux  cas  d’absolue  nécessité.  Ces 
résultats  confirmés  depuis  à  Paris  par  les  recherches  de  Deville  ont  con¬ 
duit  plusieurs  médecins  à  repousser  l’usage  du  seigle  pendant  le  travail, 
et,  il  faut  l’avouer,  cette  conclusion  serait  légitime  si  les  inconvénients 
que  nous  signalons  étaient  inévitables.  Mais  heureusement  il  est  possible 
de  les  éviter  au  moyen  d’une  surveillance  active  exercée  sur  la  circula¬ 
tion  fœtale  après  l’administration  du  seigle  ergoté.  En  effet,  la  mort  de 
l’enfant  produite  par  cette  cause  est  toujours  précédée  d’un  état  de  souf¬ 
france  que  révèlent  très-sûrement  des  troubles  circulatoires  que  l’oreille 
perçoit  aisément  et  que  nous  n’avons  pas  à  rappeler  ici.  On  devra  donc, 
après  avoir  donné  le  médicament,  ne  point  quitter  la  femme,  s’assurer 
de  la  régularité  des  battements  cardiaques  fœtaux  et  se  tenir  prêt  à  ex¬ 
traire  l’enfant  avec  la  main  ou  le  forceps,  s’il  paraissait  menacé.  Grâce  à 
cette  active  surveillance,  les  dangers  de  mort  du  fœtus  peuvent  être  écar¬ 
tés,  et  l’agent  oxytocique  conserve  tous  ses  avantages. 

La  faiblesse  des  contractions  utérines,  fréquente  dans  le  cours  d’un 
accouchement  à  terme,  est  habituelle  dans  l’avortement  des  quatre  pre¬ 
miers  mois  de  la  grossesse,  période  dans  laquelle  l’organisation  muscu¬ 
laire  de  l’organe  est  encore  fort  incomplète.  Aussi  voit-on  presque  tou¬ 
jours  l’expulsion  d’un  produit  abortif  retardée  par  cette  inertie  autant  au 
moins  que  par  la  résistance  que  la  compacité  du  tissu  du  col  oppose 
à  la  dilatation  de  l’orifice  utérin.  Or  l’observation  attentive  des  faits 
démontre  avec  la  dernière  évidence  que,  dès  trois  mois  de  grossesse, 
l’administration  de  l’ergot  a  le  pouvoir  d’accroître  la  force  des  contrac¬ 
tions  de  la  matrice  et  de  hâter  le  décollement  total  de  Tœuf  et  son  pas¬ 
sage  dans  le  vagin.  Il  nous  paraît  donc  incontestable  qu’au  point  de  vue 


768  ERGOT  DE  SEIGLE.  —  iîI'Fets  physiologiques. 

de  l’expulsion  du  produit  aussi  bien  qu’à  celui  de  la  suspension  de  l’hé¬ 
morrhagie  qui  accompagne  la  fausse  couche,  l’usage  du  seigle  ergoté 
présente  des  avantages  réels  et  qu’on  aurait  tort  de  se  priver  d’un  moyen 
précieux  de  mettre  un  terme  aux  inquiétudes  que  la  fausse  couche  cause 
toujours  aux  femmes  et  à  leur  entourage.  Les  m.odes  d’administration  et 
doses  sont  ceux  que  nous  venons  de  rappeler;  mais  si  une  complication 
hémorrhagique  ne  force  point  à  y  recourir  plus  tôt,  il  nous  semble  utile 
d’attendre,  pour  donner  le  médicament,  que  le  col  ait  subi  un  certain 
degré  de  ramollisseinent  et  que  son  canal,  devenu  perméable,  soit  déjà 
occupé  par  l’extrémité  la  plus  déclive  de  l’œuf,  qui  s’opposerait  à  un 
retrait  consécutif  de  cette  partie  de  l’organe. 

Alors  même  que  les  contractions  de  la  matrice  présentent  une  force 
et  une  fréquence  physiologiques,  certaines  circonstances  relatées  ci-après 
peuvent  encore  indiquer  l’emploi  du  seigle  ergoté  pendant  le  travail.  Ce 
sont  : 

a.  Un  rétrécissement  modéré  du  bassin.  —  Lorsqu’on  effet  on  a  pu,  au 
moyen  d’une  mensuration  rigoureuse,  s’assurer  que  l’angustie  pelvienne 
ne  s’abaisse  pas  au-dessous  de  9  centimètres  et  dès  lors  est  de  nature  à 
permettre  un  accouchement  spontané,  on  est  autorisé,  croyons-nous,  si 
celui-ci  larde  à  se  terminer,  à  donner  1  ou  2  grammes  de  poudre  d’ergot 
à  la  parturiente  avant  d’opérer  l’exlraction  de  l’enfant.  Les  forces  uté¬ 
rines,  surexcitées  par  le  médicament,  réussiront  souvent  dans  ce  cas  à 
accélérer  la  déformation  passagère  et  l’engagement  de  la  tête,  et  dispen¬ 
seront  de  l’intervention  chirurgicale.  Mais  on  comprend  qu’en  pareille 
circonstance  il  soit  plus  urgent  encore  que  lorsque  le  bassin  est  régu¬ 
lièrement  conformé  de  s’assurer  de  l’existence  d’une  présentation  favo¬ 
rable  de  l’enfant,  qui  devrait  être  celle  du  sommet,  et  de  se  conformer  au 
précepte  donné  plus  haut  de  surveiller  l’état  de  l’enfant  et  d’intervenir  si 
sa  circulation  se  troublait,  ou  même,  celle-ci  restant  d’ailleurs  régulière, 
si  au  bout  d’une  heure  la  tête  restait  arrêtée  par  la  coarctation  du 
bassin. 

b.  Présentation  du  siège.  —  Le  retard  apporté  assez  souvent  par  la 
résistance  des  parties  maternelles  dans  l’expulsion  de  la  moitié  sus-om¬ 
bilicale  du  corps  fœtal  peut  devenir  en  quelques  instants  une  cause  de 
mort  pour  l’enfant  qui  s’est  offert  dans  cette  présentation.  Le  dégagement 
manuel,  auquel  il  faut  alors  forcément  recourir,  n’est  pas  non  plus  pour 
lui  sans  dangers,  et,  pour  l’en  garantir,  il  est  utile  d’administrer  1  ou 
2  grammes  de  seigle  à  la  femme  au  moment  où  le  siège  de  l’enfant  est 
parvenu  sur  le  plancher  du  bassin.  On  accroît  par  là  l’énergie  des  con¬ 
tractions  utérines  et  on  les  met  à  même  d’opérer  rapidement  l’expulsion 
du  tronc  et  de  la  tête  ou  du  moins  de  ne  laisser  au  chirurgien  que  la 
mission  de  dégager  cette  dernière.  Nous  avons  complètement  adopté, 
pour  notre  part,  cette  pratique  que  depuis  longtemps  l’enseignement  de 
Depaul  et  celui  du  professeur  Grenser  ont  consacrée. 

c.  Hémorrhagies  puerpérales.  —  La  cause  habituelle  des  hémorrhagies 
graves  qui  compliquent  l’accouchement  pendant  les  derniers  mois  de  la 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 


grossesse  réside  dans  une  insertion  vicieuse  du  placenta,  et  le  tamponne¬ 
ment  du  vagin  constitue  le  seul  traitement  vraiment  efficace  de  ces  pertes. 
Mais  en  même  temps  qu’à  l’aide  de  ce  moyen  héroïque  on  s’oppose  à 
l’écoulement  du  sang,  il  est  utile  de  prévenir  son  accumulation  à  l’inté¬ 
rieur  delà  matrice,  accumulation  possible  si,  après  l’issue  des  eaux  de 
l’amnios,  l’inertie  de  l’organe  laisse  subsister  entre  ses  parois  et  l’enfant 
des  espaces  plus  ou  moins  vastes  dans  lesquels  le  liquide  sanguin  peut 
s’épancher.  Le  seigle  ergoté,  en  remédiant  à  cette  inertie  et  déterminant 
une  application  plus  exacte  de  l’utérus  sur  le  produit,  peut  prévenir  la 
formation  d’un  épanchement  intra-utérin  et  trouve  dès  lors,  dans  le  cas 
spécial  dont  il  est  ici  question,  une  indication  rationnelle  de  son  emploi. 

L’hémorrhagie  qui  accompagne  l’avortement,  si  elle  est  abondante, 
requiert  le  même  traitement  que  la  précédente.  L’observation  démontre 
que,  dans  bon  nombre  de  cas,  l’administration  de  2  à  4  grammes  de 
seigle  ergoté  a  le  pouvoir  de  suspendre,  seule  et  sans  le  concours  du 
tampon,  des  pertes  assez  fortes  liées  à  une  fausse  couche  de  deux  à  quatre 
mois  de  grossesse.  Aussi  les  accoucheurs  sont-ils  d’accord  pour  recourir 
en  pareil  cas  à  l’usage  de  ce  médicament. 

d.  Prophylaxie  des  hémorrhagies  qui  se  produisent  pendant  ou  après 
la  délivrance.  —  Outre  les  indications  précédentes,  dans  lesquelles  l’ad¬ 
ministration  de  l’ergot  est  indiquée  par  une  circonstance  actuelle  du  tra¬ 
vail,  ce  médicament  peut  être  utilement  donné  encore,  pendant  le  tra¬ 
vail,  pour  prévenir  des  accidents  dont  on  redoute  l’apparition  à  sa  suite. 
Telle  est  surtout  l’hémorrhagie  par  inertie  utérine  après  l’accouchement. 
On  ne  saurait  trop  le  répéter,  l’hémorrhagie  qui  suit  l’accouchement  est 
un  accident  qu’on  peut  prévenir,  mais  qu’on  ne  guérit  guère.  L’écoule¬ 
ment  du  sang,  dans  cette  circonstance,  est  toujours  si  subit  et  parfois 
tellement  abondant  qu’avant  même  qu’on  s’en  soit  aperçu  la  femme  peut 
être  tuée  ou  plongée  dans  une  anémie  dont  les  suites  sont  irrémédiables. 
11  est  donc  du  devoir  du  médecin  de  prévenir  un  accident  aussi  redouta¬ 
ble  par  les  moyens  qui  peuvent  lui  être  utilement  opposés  et  surtout  par 
l’emploi  de  l’ergot  de  seigle  donné  à  dose  modérée  pendant  la  seconde 
période  du  travail,  non  pas  qu’il  faille  appliquer  cette  pratique  à  toutes 
les  femmes,  mais  seulement  à  celles  chez  qui  l’imminence  d’une  perte 
peut  être  soupçonnée.  Or,  parmi  les  conditions  qui  doivent  faire  redouter 
une  hémorrhagie  après  l’accouchement,  il  en  est  trois  que  l’on  rencontre 
assez  souvent.  C’est  en  premier  lieu  une  prédisposition  spéciale  à  l’inertie 
utérine,  une  idiosyncrasie  funeste,  par  suite  de  laquelle  une  femme  a 
perdu  abondamment  à  la  suite  de  toutes  ses  touches  antérieures.  L’indi¬ 
cation  se  déduit  dans  ce  cas  de  la  connaissance  des  antécédents  dont 
l’accoucheur  doit  toujours  s’enquérir. 

C’est  en  second  lieu  l’accouchement  gémellaire.  Les  femmes  qui 
accouchent  de  plusieurs  enfants  sont  exposées  à  perdre  d’une  façon  dan¬ 
gereuse  à  la  suite  de  leur  couche,  ce  dont  rendent  facilement  compte, 
d’une  part  la  fatigue  utérine  causée  par  un  accouchement  double  et 
l’inertie  qui  en  est  fréquemment  la  conséquence,  et  d’autre  part  la  multi- 

NOUT.  DICT.  HÉB.  ET  CHIE.  XIII.  —  49 


770 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  peysiologiqües. 


plicité  des  sources  d’hémorrhagie  ouvertes  par  le  décollement  d’un  vaste 
gâteau  placentaire. 

A  ces  deux  circonstances  pronostiques  on  peut  en  ajouter  une  troi¬ 
sième,  l’infiltration  des  membres  inférieurs,  que  l’œdème  soit  lié  ou  non 
à  l’albuminurie.  Des  faits  trop  saisissants  nous  ont  démontré  l’exacti¬ 
tude  des  observations  de  Blot  sur  le  danger  que  courent  les  femmes 
infiltrées  pour  que,  dans  ce  dernier  cas  comme  dans  les  deux  précédents, 
nous  omettions  d’administrer  60  centigrammes  de  poudre  d’ergot  lorsque 
la  tête  de  l’enfant  a  franchi  l’orifice  utérin.  Cette  dose  d’ailleurs  est  suffi¬ 
sante  pour  amener  un  retrait  salutaire  de  la  matrice  après  la  sortie  de 
l’enfant,  et  ne  saurait  déterminer  une  contraction  énergique  et  durable 
capable  de  gêner  sérieusement  la  délivrance. 

B.  Après  l’ accouchement.  —  e.  Hémorrhagies  utérines  après  l’accou¬ 
chement.  —  C’est  encore  dans  le  but  de  prévenir  l’hémorrhagie  qui  ap¬ 
paraît  assez  souvent  dans  cette  circonstance  que  les  accoucheurs  de  l’é¬ 
cole  de  P.  Dubois  font  prendre,  aus.sitôt  après  la  délivrance,  un  gramme 
de  seigle  ergoté  aux  femmes  chez  lesquelles  la  promptitude  extrême  de 
l’accouchement  naturel  ou  l’extraction  de  l’enfant  a  causé  une  déplétion 
rapide  de  la  matrice.  La  stupeur  et  l’inertie  de  la  matrice  qui  suivent  dans 
quelques  cas  l’emploi  du  forceps  ou  la  version  et  les  dangers  d’hémor¬ 
rhagie  qui  se  lient  à  cette  condition  fonctionnelle  suffisent  en  effet  pour 
justifier  cette  indication. 

Les  mêm.es  motifs,  c’est-à-dire  la  crainte  fondée  des  hémorrhagies  qui 
se  montrent  fréquemment  à  la  suite  de  cette  opération,  ont  inspiré  la 
conduite  de  P.  Dubois,  qui,  au  moment  d’introduire  la  main  dans  la  ma¬ 
trice  pour  opérer  le  décollement  d’un  délivre  adhérent,  administre  un 
gramme  de  poudre  d’ergot  à  l’opérée.  Une  rétraction  forte  se  produit 
bientôt  et  prévient  toute  perte  de  sang  dangereuse. 

Si  le  seigle  ergoté  peut  être  utilement  administré  soit  pendant,  soit 
après  le  travail  dans  le  but  de  prévenir  une  hémorrhagie  imminente,  à 
plus  forte  raison  est-il  indiqué  de  recourir  à  cet  agent  pour  remédier  aux 
pertes  qui  surviennent  chez  les  femmes  récemment  accouchées.  Cette  in¬ 
dication  de  l’emploi  de  l’ergot  dans  la  pratique  -  obstétricale  est  certai¬ 
nement  la  plus  formelle  et  la  moins  contestée.  L’ergot  donné  à  une  femme 
qui  perd  du  sang  après  être  accouchée  peut  avoir  de  grands  avantages 
et  ne  présente  jamais  d’inconvénients.  Malheureusement  la  promptitude 
et  l’abondance  habituelles  des  pertes  qui  suivent  immédiatement  la  déli¬ 
vrance  permettront  assez  rarement  au  seigle  d’intervenir  utilement  dans 
un  accident  qui,  en  quelques  instants,  s’est  accompli  puis  arrêté.  Si 
donc,  dans  ces  hémorrhagies  subites,  on  est  dans  l’habitude  de  prescrire 
l’ergot  de  seigle  en  même  temps  qu’on  met  en  œuvre  les  autres  moyens 
de  traitement,  c’est  moins  pour  remédier  à  la  perte  actuelle,  qui  le  plus 
souvent  s’est  spontanément  suspendue  au  bout  de  quelques  instants, 
qu’en  vue  de  prévenir  une  hémorrhagie  semblable  qui  pourrait  suivre 
promptement  la  première.  Dans  ce  cas  encore,  le  seigle  ergoté  est  ern- 
})loyé  plutôt  à  litre  préventif  qu’autrement.  Mais  dans  les  hémorrhagies 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques.  77d 

post-puerpérales  à  marche  plus  lente  qui  se  manifestent  sous  forme  de 
lochies  sanglantes  abondantes,  l’ergot  est  un  modérateur  très-précieux 
du  suintement  sanguin,  et  il  est  nécessaire,  lorsque  cette  disposition  hé¬ 
morrhagique  se  remarque  chez  une  accouchée,  de  prescrire  un  gramme 
de  poudre  d’ergot  à  prendre  immédiatement,  et  de  laisser  entre  les  mains 
d’une  garde  intelligente  pareille  dose  de  médicament  qu’elle  fera  prendre 
si  elle  voit  persister  l’abondance  des  lochies. 

Des  hémorrhagies  se  produisent  quelquefois  plusieurs  jours,  une  se¬ 
maine  ou  plus  encore  après  l’accouchement,  sans  avoir  été  précédées 
d’aucun  symptôme  qui  pût  la  faire  prévoir.  Ces  hémorrhagies  peuvent  à 
la  vérité  dépendre  d’une  inertie  utérine  tardive,  mais  le  plus  souvent  la 
perte  qui  survient  alors  est  le  résultat  d’une  congestion  suivie  de  rupture 
vasculaire,  et  dont  la  cause  réside  dans  un  écart  de  régime,  un  lever 
prématuré,  ou  bien  encore  dans  la  présence  d’un  corps  étranger  dans  la 
matrice,  tel  qu’une  portion  des  annexes  ou  un  caillot  datant  de  l’accou¬ 
chement  et  retenu  par  le  resserrement  des  orifices  du  col.  Dans  ce  der¬ 
nier  cas,  après  l’extraction  des  corps  étrangers,  l’administration  d’une 
certaine  dose  de  seigle  ergoté  (50  centigrammes  à  1  gramme)  est  indi¬ 
quée  aussi  bien  que  lorsque  la  perte  est  causée  par  inertie. 

f.  Caillots  volumineux  de  la  matrice.  —  Les  caillots  sanguins  dont  il 
vient  d’être  parlé  et  qui  causent  des  métrorrhagies  tardives  plus  ou  moins 
fortes  se  forment  quelquefois  en  assez  grande  abondance,  de  manière  à 
distendre  la  matrice  et  à  lui  conserver  un  volume  considérable  après 
l’accouchement.  Leur  présence  sollicite  des  contractions  douloureuses, 
des  tranchées  pénibles,  qui  persistent  jusqu’au  moment  où  l’organe  est 
parvenu  à  se  débarrasser  de  cette  masse  de  sang  coagulé.  Dans  cette 
forme  d’hémorrhagie  interne,  si  l’accouchement  est  récent  et  le  volume 
des  caillots  considérable,  l’indication  est  positive,  il  faut  introduire  la 
main  dans  l’utérus  et  en  retirer  cette  masse  concrète.  Si  au  contraire 
celle-ci  est  médiocre  ou  faible,  si  surtout  un  ou  plusieurs  jours  se  sont 
écoulés  depuis  l’accouchenient,  il  est  préférable  de  s’abstenir  d’une  ma¬ 
nœuvre  douloureuse  et  qui  peut  troubler  les  phénomènes  de  réparation 
de  la  plaie  utérine,  et  de  commettre  l’élimination  des  caillots  aux  efforts 
utérins  dont  on  cherche  à  accroître  la  puissance  par  l’emploi  du  seigle 
ergoté.  On  prescrit  des  doses  de  seigle  ergoté  de  30  à  40  centigrammes, 
à  prendre  dans  un  peu  d’eau  sucrée,  toutes  les  deux  heures,  et  on  con¬ 
tinue  l’usage  du  médicament  jusqu’à  ce  que  l’utérus  se  soit  débarrassé  de 
son  contenu  sanguin. 

g.  Tranchées  utérines.  —  C’est,  suivant  toute  probabilité,  en  déter¬ 
minant  l’expulsion  de  caillots  sanguins  assez  petits  pour  ne  point  accroî¬ 
tre  sensiblement  le  volume  de  la  matrice  et  se  révéler  par  des  signes 
physiques  évidents,  mais  suffisants  pour  donner  lieu  à  des  tranchées  opi¬ 
niâtres,  que  l’ergot  calme  celles-ci  et,  pour  ce  motif,  a  pu  être  proposé 
comme  un  moyen  de  traitement  efficace  de  ces  contractions  doulou¬ 
reuses.  Mais  on  doit  croire  (pie  dans  une  autre  catégorie  de  faits  dans 
lesquels  la  contraction  douloureuse  de  la  matrice  ne  se  lie  pas  à  la  pré- 


772  ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 

sence  d’un  corps  étranger  dans  sa  cavité,  mais  semble  être  une  conti¬ 
nuation  pure  et  simple  des  efforts  de  l’accouchement,  l’efficacité  de  l’er¬ 
got  tient  à  un  autre  mécanisme.  Le  médicament  changerait  le  mode  de 
la  contraction  utérine,  qui  abandonnerait  son  type  intermittent  et  dou¬ 
loureux  (contractilité  proprement  dite  ou  contractilité  organique),  pour 
revêtir  le  type  continu  et  indolore  (rétractilité  ou  contractilité  de  tissu). 

h.  Rétention  prolongée  des  annexes  du  fœtus  dans  la  matrice.  —  La 
rétention  du  délivre  dans  la  matrice,  quelle  qu’en  soit  la  cause,  à  la  suite 
d’un  accouchement  à  terme,  et  lorsque  l’occlusion  du  col  en  rend  l’extrac¬ 
tion  impossible,  indique-t-elle  l’emploi  de  l’ergot  de  seigle?  Doit-on  es¬ 
pérer,  en  surexcitant  par  cet  agent  la  contractilité  de  la  matrice,  amener 
cet  organe  à  se  débarrasser  plus  promptement  du  corps  qu’il  renferme 
et  prévenir  ainsi  les  conséquences  fâcheuses  de  la  putréfaction  du  délivre 
dans  les  voies  génitales  ?  L’opinion  des  hommes  compétents  est  loin  d’étre 
uniforme  sur  ce  point  de  pratique  obstétricale.  Quelques-uns  n’hésitent 
pas  à  administrer  du  seigle  ergoté  en  pareil  cas,  espérant  par  ce  moyen 
voir  sortir  plus  tôt  le  délivre.  D’autres  s’abstiennent  de  donner  la  sub¬ 
stance  oxytocique,  redoutant  d’accroître  par  là  les  résistances  du  col.  Ces 
dissidences  témoignent  de  l’insuffisance  de  l’observation  sur  ce  point  im¬ 
portant  de  pratique,  et  en  réalité  les  faits  de  rétention  du  délivre  après 
l’accouchement  consignés  jusqu’ici  sont  trop  peu  nombreux  pour  qu’on 
puisse  en  déduire  une  règle  de  conduite  d’une  certaine  valeur.  En  ce 
qui  nous  concerne,  nous  doutons  que  les  phénomènes  d’expulsion  en 
soient  accélérées,  l’occlusion  plus  puissante  de  la  portion  cervicale  de 
l’utérus  pouvant  contre-balancer  l’accroissement  de  force  des  contractions 
du  corps  et  du  fond  de  l’organe.  Nous  conseillerions  donc  volontiers 
l’abstention  du  médicament  dans  tous  les  cas  où  la  totalité  du  délivre 
encore  renfermé  dans  la  cavité  utérine  ne  donne  lieu  à  aucun  accident. 
Mais  on  devrait  se  départir  de  cette  inaction  si  une  portion  du  placenta 
avait  déjà  franchi  le  col  et  en  quelque  sorte  préparé  la  voie  pour  la  sortie 
du  reste  de  la  masse  placentaire.  L’administration  du  médicament  à  ce 
moment  nous  semble  présenter  vraiment  des  avantages,  et  nous  y  recou- 
lerions  sans  hésitation.  Cette  conduite  obtiendrait,  croyons-nous,  l’adhé¬ 
sion  de  la  majorité  des  praticiens. 

Mais  si  le  .seigle  ergoté  n’est  qu’exceptionnellement  utile  au  point  de 
vue  de  l’expulsion  du  délivre,  ce  médicament  peut  rendre  des  services 
et  trouver  une  indication  rationnelle  dans  les  accidents  qui  compliquent 
cette  rétention.  L’hémorrhagie  est  en  effet,  de  l’avis  de  tous  les  prati¬ 
ciens,  un  motif  de  s’éloigner  de  la  réserve  que,  d’une  manière  générale, 
nous  croyons  devoir  conseiller  dans  les  cas  de  rétention  du  délivre,  et  de 
prescrire  le  seigle  ergoté  sans  préjudice  du  tamponnement  que  la  persis¬ 
tance  ou  l’abondance  de  l’hémorrhagie  fait  un  devoir  d'appliquer  sans 
retard. 

i.  Prophylaxie  des  phlegmasies  puerpérales.  —  La  connaissance  des 
accidents  inflammatoires  auxquelles  sont  sujettes  les  plaies  dites  exposées 
a  conduit  J.  Guérin  à  faire  jouer  un  rôle  important  au  contact  de  l’air 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  puysiologiqdes.  77.j 

extérieur  sur  la  plaie  de  la  matrice  dans  la  genèse  des  phlébites  et  des 
lymphangites  utérines  qui  se  développent  chez  les  femmes  récemment 
accouchées,  et  à  faire  rentrer  dès  lors  l’étiologie  de  la  fièvre  puerpérale 
dans  la  doctrine  générale  dont  il  s’est  constitué  l’habile  défenseur. 

Dans  l’opinion  de  J.  Guérin ,  opinion  très-explicitement  formulée  et 
développée  par  ce  médecin  dans  la  discussion  à  laquelle  il  a  pris  part,  en 
1858,  au  sein  de  l’Académie  de  médecine ,  l’inertie  de  l’utérus,  en  per¬ 
mettant  l'accès  de  l’air  extérieur  jusque  dans  la  cavité  utérine  après  l’ac¬ 
couchement  ,  serait  la  cause  première  des  accidents  puerpéraux  ;  et 
d’autre  part  une  rétraction  régulière  de  l’organe,  qui  a  pour  effet  de 
s’opposer  à  la  pénétration  de  l’atmosphère  dans  cette  même  cavité  et  de 
placer  la  plaie  utérine  dans  les  conditions  d’une  plaie  sous-cutanée,  pré¬ 
viendrait  ces  mêmes  accidents.  Le  seigle  ergoté,  en  procurant  une  con¬ 
traction  forte  et  prolongée  de  la  matrice,  serait  donc  appelé  à  jouer  un 
rôle  important  dans  la  prophylaxie  des  maladies  puerpérales,  et  on  devrait 
l’administrer  dans  cette  intention  pendant  les  jours  qui  suivent  l’accou¬ 
chement. 

La  doctrine  de  J.  Guérin,  envisagée  comme  explication  générale  des  ac¬ 
cidents  puerpéraux,  est  sans  doute  erronée,  car  le  développement  de  ces 
accidents  tient  certainement  à  d’autres  conditions  que  celles  indiquées 
par  ce  médecin.  Il  n’est  pas  impossible  toutefois  que  l’état  de  mollesse 
et  de  flaccidité  de  l’utérus,  après  l’accouchement,  puisse  favoriser  l’ab¬ 
sorption  par  la  plaie  utérine  de  produits  étrangers,  absorption  qu’une 
rétraction  plus  forte  des  parois  utérines  aurait  le  pouvoir  d’empêcher,  en 
même  temps  qu’elle  favoriserait  l’adhésion  des  orifices  veineux  laissés  à 
nu  par  le  décollement  placentaire. 

L’usage  de  l’ergot  après  la  délivrance  pourrait  donc  présenter  des  avan¬ 
tages  au  point  de  vue  de  la  prophylaxie  de  certains  états  morbides  puer¬ 
péraux,  sinon  de  la  fièvre  puerpérale  elle-même.  Nous  pensons  en  consé¬ 
quence  qu’il  y  a  lieu  de  soumettre  au  contrôle  de  l’expérimentation  et  sur 
une  vaste  échelle  celte  donnée  de  médecine  préventive.  Cet  essai,  d’ail¬ 
leurs  absolument  inoffensif  ponr  les  accouchées,  a  déjà  été  tenté  par  de 
Saint-Germain  à  l’hôpital  Cochin,  et  les  résultats  obtenus  par  ce  chirur¬ 
gien  sur  un  grand  nombre  de  femmes  lui  ont  paru  confirmatifs  de  l’uti¬ 
lité  du  seigle  ergoté  comme  agent  prophylactique  des  affections  puerpé¬ 
rales.  60  centigrammes  ou  un  gramme  d’ergot,  donnés  en  vingt-quatre 
heures,  paraissent  suffire  pour  déterminer  l’état  de  contraction  soutenue 
qu’il  importe  de  maintenir  pendant  les  quatre  ou  cinq  jours  qui  suivent 
l’accouchement. 

II.  Emploi  de  l’ekgot  et  de  l’eugotine  dans  le  traitement  des  maladies 
INTERNES.  —  Usage  médical.  —  Le  seigle  ergoté,  comme  la  plupart  des  mé¬ 
dicaments  doués  d’une  réelle  puissance,  a  vu  promptement  étendre  ses 
applications  thérapeutiques  au  traitement  de  nombreuses  maladies.  A 
peine  ses  propriétés  excitatrices  si  remarquables  delà  contractilité  utérine 
furent-elles  connues  que  nombre  de  médecins  crurent  y  trouver  aussi  un 
remède  efficace  contre  divers  états  morbides  et  l’employèrent  dans  les 


774  ERGOT  DE  SEIGLE,  —  effets  phtsiologiqübs. 

cas  les  plus  variés.  On  l’a  tour  à  tour  préconisé  et  administré  dans  les 

affections  suivantes. 

Hémoiîrhagies.  —  Les  résultats  obtenus  d’abord  contre  ce  genre  d’affec¬ 
tions  par  Bonjean  furent  si  avantageux,  l’efficacité  de  l’ergotine  lui  parut 
tellement  constante  qu’il  n’hésita  pas  à  croire  qu’il  eût  découvert  dans 
cette  substance  V agent  hémostatique  par  excellence  ,  ce  sont  les  expres¬ 
sions  dont  il  se  sert  pour  désigner  l’objet  de  sa  découverte. 

Ayant  administré  l’ergotine  dans  tous  les  cas  d’hémorrbagie,  quels  qu’en 
fussent  la  cause  et  le  siège ,  Bonjean  vit  presque  toujours  survenir  avec 
rapidité  la  cessation  de  l’écoulement  sanguin.  Ces  résultats  favorables  ne 
se  sont  malheureusement  pas  reproduits  entre  les  mains  des  expérimen¬ 
tateurs  qui,  dans  la  suite,  ont  fait  usage  de  l’ergotine,  et  une  expérience 
ultérieure  a  fait  voir  qu’on  devait  beaucoup  rabattre  des  espérances  que 
les  premiers  essais  avaient  fait  concevoir.  Il  a  été  démontré  par  les  expé¬ 
riences  très-précises  de  Sée  et  Piédagnel  que  l’ergotine ,  tout  en  restant 
un  médicament  utile  contre  certaines  hémorrhagies ,  avait  une  action 
douteuse  ou  nulle  contre  plusieurs  d’entre  elles  et  ne  produisait  dans  les 
autres  qu’une  modification  passagère  de  l’écoulement  sanguin  ou  même 
restait  sans  effets.  Du  reste,  pour  mieux  apprécier  le  degré  d’utilité  de 
l’ergotine  et  de  l’ergot  contre  cet  ordre  de  lésions,  étudions  l’influence 
que  le  siège  spécial  et  la  forme  de  l’hémorrhagie  paraissent  exercer  sur 
l’action  de  ces  médicaments. 

a.  Hémorrhagies  utérines  non-puerpérales.  —  La  richesse  vasculaire 
de  la  matrice,  son  activité  fonctionnelle  pendant  la  période  moyenne  de 
la  vie  de  la  femme,  la  fréquence  des  lésions  dont  elle  est  le  siège  ou  qui 
atteignent  les  organes  voisins  auxquels  l’utérus  se  trouve  lié  par  des  rap¬ 
ports  circulatoires  étroits  ou  une  solidarité  physiologique  incontestable, 
expliquent  cette  prédisposition  si  puissante  aux  hémorrhagies  qui  lui  est 
particulière  et  qu'on  ne  retrouve  portée  au  même  degré  dans  aucune 
autre  partie  de  l'organisme  de  la  femme.  Or  l’efficacité  si  évidente  dont 
jouit  le  seigle  ergoté  contre  les  hémorrhagies  utérines  puerpérales  devait 
faire  présumer  que  le  même  agent  pourrait  également  maîtriser  celles 
dont,  en  dehors  de  la  puerpéralité,  l’organe  utérin  peut  être  le  siège. 
Aussi  voyons- nous  dès  le  principe  des  observateurs  de  mérite  faire  l’essai 
de  ce  médicament  dans  les  diverses  espèces  de  métrorrhagie.  Mais  les 
résultats  de  ces  tentatives  n’ont  pas  toujours  justifié  les  espérances  qu’on 
avait  conçues,  car  Ollivier  Prescott,  l’auteur  d’une  des  premières  et  des 
plus  importantes  études  que  nous  possédions  sur  l’ergot,  déclare  formel¬ 
lement  que  les  utérus  non  modifiés  par  l’imprégnation  (unimpregnated) 
ne  sont  nullement  affectés  par  l’ergot  de  seigle.  Cette  opinion  a  été  adoptée 
par  Mandeville,  Villeneuve  et  Goupil ,  qui  ont  écrit  après  le  médecin 
américain.  Pourtant,  dans  le  temps  même  où  ces  auteurs  publiaient  le 
résultat  de  leurs  recherches,  d’autres  expérimentateurs  étaient  arrivés, 
par  l'observation  de  faits  cliniques ,  à  une  opinion  toute  différente 
et  affirmaient  la  puissance  antiménorrhagique  du  seigle  ergoté.  Nous 
citerons  ici  les  noms  de  Gliapmann,  Péronnier,  puis  ceux  de  Cabini, 


775 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 

Pignacca  et  Sparjani ,  médecins  italiens  dont  les  remarques  ont  été  plei¬ 
nement  confirmées  par  des  expériences  plus  précises  et  plus  étendues 
faites  par  Trousseau  et  Maisonneuve,  et  qui  établissent  d’une  manière 
convaincante  que  la  puissance  hémostatique  du  seigle  ergoté ,  dans  les 
métrorrhagies,  quelle  qu’en  soit-  la  cause,  est  évidente  et  ne  saurait  être 
révoquée  en  doute. 

Dans  tous  les  faits  observés  par  Trousseau  et  Maisonneuve,  Tergot  a 
été  administré  en  nature,  à  dose  variable  de  50  centigrammes  à  1  ou 
2  grammes  et  plusieurs  fois  par  jour,  de  manière  à  faire  absorber  en 
vingt-quatre  heures  5  à  4  grammes  de  médicament.  Cette  dose  fut  conti¬ 
nuée  pendant  plusieurs  jours  de  suite  chez  quelques  malades,  sans  qu’il  en 
soit  résulté  pour  eux  d’inconvénients.  La  plupart  des  variétés  demétror- 
rhagie  non-puerpérale  ont  figuré  dans  ces  cas,  depuis  les  simples  épistaxis 
utérines  jusqu’aux  pertes  graves  symptomatiques  d’une  affection  cancé¬ 
reuse  du  col,  et  toujours  l’écoulement  sanguin  s’est  trouvé  avantageuse- 
sement  modifié. 

«  Dans  aucun  cas,  dit  Trousseau,  l’hémorrhagie  ne  s’est  montrée  re¬ 
belle  à  l’action  de  l’ergot  de  seigle ,  quel  qu'ait  été,  du  reste,  Vétat  de 
l'utérus.  » 

Le  laps  de  temps  que  les  effets  hémostatiques  du  seigle  ont  mis  à  se 
produire  a  présenté  de  nombreuses  différences.  Il  a  suffi,  dans  certains 
cas,  d’une  seule  dose  et  d’un  quart  d’heure  pour  mettre  définitivement  fin 
à  une  perte  déjà  ancienne;  d’autres  fois,  l’hémorrhagie  n’a  cédé  qu’après 
six  à  trente-six  heures  ;  et,  fait  qu’on  n’eût  guère  soupçonné  a 'priori,  les 
hémorrhagies  symptomatiques  d’une  affection  organique  de  l’utérus  et 
celles  de  date  ancienne  n’ont  pas  été  suspendues  moins  rapidement  que 
les  pertes  idiopathiques  et  qui  avaient  une  origine  récente.  Les  mêmes 
observateurs  n’ont  pas  remarqué  non  plus  que  la  perte  ait  été  calmée  ni 
mieux  ni  plus  vite  à  la  suite  d’un  avortement  et  alors  que,  par  le  fait  de 
la  grossesse,  l’utérus  avait  éprouvé  un  commencement  d’hypertrophie 
que  chez  les  femmes  non  imprégnées.  Dans  les  deux  classes  de  malades 
la  perte  a  cessé  dans  le  même  laps  de  temps  et  peut  être  même  le  résul¬ 
tat  a-t-il  été  plus  rapide  chez  les  femmes  de  la  seconde  catégorie,  d’où 
Trousseau  conclut  que  «  l’aptitude  de  l’utérus  à  recevoir  l’influence  de 
l’ergot  ne  dépend  pas  d’une  manière  très-marquée  de  l’état  des  fibres  de 
cet  organe.  »  En  général,  les  bons  effets  du  seigle  ergoté  n’ont  pas  tardé 
à  se  manifester  ;  dès  les  premières  prises  de  médicament,  l’écoulement 
sanguin  a  diminué  et  il  a  suffi  dans  quelques  cas  de  soixante  centigrammes 
d’ergot  pour  amener  une  guérison  définitive.  Des  récidives  ont  eu  lieu 
plusieurs  fois,  mais  toujours  alors  la  matière  de  l’écoulement  s’est  trouvée 
modifiée  dans  sa  nature  et,  au  lieu  d’un  sang  pur,  se  trouvait  formée  par 
un  liquide  séro-sanguinolent  ou  muqueux  analogue  aux  lochies ,  dont  il 
rappelait  l’odeur. 

Dans  les  faits  observés  par  Trousseau,  la  suspension  de  l’hémorrhagie 
a  été  précédée  et  accompagnée  d’un  phénomène  bien  propre  à  en  éclairer 
le  mécanisme  et  à  révéler  le  mode  d’action  du  médicament.  Ce  sont  des 


776 


E1\G0T  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiques. 
coliques  ou  tranchées  ressenties  à  l’hypogastre  et  qui  n’ont  fait  défaut 
dans  aucun  cas.  Ces  douleurs  passagères  ne  s’accompagnaient  d’aucun 
trouble  digestif,  diarrhée,  borborygmes,  qui  pût  les  faire  rattacher  à  l’in¬ 
testin,  en  sorte  qu’il  n’est  guère  permis  de  douter  qu’ils  n’eussent  leur 
siège  dans  la  matrice  et  ne  fussent  causés  par  des  contractions  de  cet  or¬ 
gane.  On  ne  peut  donc  se  refuser  à  admettre  que,  pour  les  hémorrhagies 
utérines  non  puerpérales  aussi  bien  que  pour  celles  qui  se  lient  à  la  par- 
turition,  la  suppression  de  l’écoulement  sanguin  ne  soit  causée  par  une 
contraction  de  la  paroi  utérine  et  l’oblitération  vasculaire  qui  en  est  la 
conséquence. 

b.  Hémorrhagies  diverses  autres  que  celles  de  l’utérus.  —  Outre  son 
efficacité  spéciale  contre  les  hémorrhagies  utérines ,  laquelle  s’explique 
par  les  cliangements  matériels  que  la  contraction  provoquée  par  le  médi¬ 
cament  fait  éprouver  aux  vaisseaux  de  la  matrice ,  le  seigle  ergoté  ne 
jouit-il  pas  encore  d’une  action  hémostatique  générale  qui  serait  due  soit 
à  une  modification  de  la  crase  du  sang,  soit  à  la  propriété  reconnue  à 
cette  substance  de  faire  contracter  le  réseau  capillaire  sanguin  et  de 
produire,  dans  certaines  parties  du  moins,  une  anémie  relative?  Sans 
s’expliquer  toujours  sur  son  mécanisme,  des  auteurs  recommandables  ont 
admis  cette  propriété  hémostatique  générale  et  ont  en  conséquence  pré¬ 
conisé  l’ergot  de  seigle  dans  le  traitement  d’ hémorrhagies  ayant  un  siège 
autre  que  la  matrice.  Les  médecins  italiens  dont  nous  avons  précédem¬ 
ment  rappelé  le  nom,  Sparjani,  Pignacca  et  Cabini,  ont  prescrit  l’ergot  à 
des  malades  atteints  d’hémoptysie,  d’hématémèse,  d’épistaxis  ou  d’héma¬ 
turie,  mais  sans  succès  évident. 

Il  semble,  en  effet,  que  l’absence  dans  le  poumon,  l’intestin  ou  la  vessie 
d’une  trame  musculaire  épaisse  comparable  à  celle  de  la  matrice  laisse 
subsister  dans  ces  organes  les  dispositions  favorables  à  la  persistance  de 
l’hémorrhagie,  et  que  dès  lors  le  médicament  n’ait,  dans  ces  cas  divers, 
qu’une  action  douteuse  et  à  coup  sûr  insuffisante  pour  maîtriser  l’écoule¬ 
ment  sanguin. 

c.  Congestions  utérines.  —  Les  résultats  avantageux  obtenus  par  l’em¬ 
ploi  de  l’ergot  de  seigle  dans  les  hémorrhagies  utérines  devait  naturel¬ 
lement  conduire  à  essayer  le  même  médicament  dans  les  simples  conges¬ 
tions  de  la  matrice.  11  était  naturel  de  penser  que  les  contractions  qui 
déterminent  l’arrêt  des  pertes  utérines,  liées  ou  non  à  la  parturition  ,  et 
contribuent  si  activement  à  assurer  une  circulation  régulière  de  l’utérus 
pendant  la  gestation  devaient  également  remédier  aux  stases  sanguines 
dont  l’organe  peut  devenir  le  siège  en  vacuité.  L’expérience  a  justifié  ces 
présomptions  de  Sparjani  en  démontrant  l’efficacité  dont  cet  agent  exci¬ 
tateur  jouit  dans  les  congestions  utérines  qui,  d’ailleurs,  précèdent  con¬ 
stamment  les  pertes  et  créent  dans  le  tissu  de  l’utérus  les  modifications 
organiques  qui  le  disposent  à  éprouver  l’action  du  médicament.  Le  mé¬ 
decin  italien  eut  quatre  fois  recours  au  seigle  ergoté  dans  des  congestions 
utérines  bien  caractérisées  et  obtint  une  guérison  complète  dans  trois  cas 
et  une  amélioration  notable  dans  le  quatrième. 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  physiologiqdes. 


777 


d.  Engorgements  chroniques  de  l’utérus.  —  L’efficacité  de  l’ergotine 
contre  cet  état  si  commun  du  col  de  la  matrice  serait  vraiment  mer¬ 
veilleuse,  si  l’on  devait  attribuer  uniquement  à  l’emploi  de  cette  substance 
les  succès  signalés  dans  le  mémoire  d’Arnal.  Ce  praticien  traite  par 
l’ergotine  56  femmes  atteintes  d’hypertropbie  du  col  utérin,  et  guérit 
56  femmes.  On  peut  assurément  douter  que  le  mérite  de  ces  guérisons 
revienne  entièrement  à  la  médication  ergotée,  et  le  repos  du  corps  et  celui 
de  l’organe,  auxquels  furent  soumises  les  malades,  doit  sans  doute  en 
expliquer  un  certain  nombre  ;  cependant,  tout  en  tenant  compte  de  ce  qui 
peut  être  le  fait  d’une  coïncidence,  on  ne  peut  se  refuser  à  croire  qu’une  assez 
large  part  du  succès  ne  reste  encore  au  médicament,  et  que  celui-ci  n’ait 
contribué,  dans  beaucoup  de  ces  cas,  à  ramener  la  portion  hypertrophiée 
de  l’organe  à  ses  dimensions  physiologiques.  Ce  résultat,  du  reste,  ne 
fut  obtenu  dans  quelques  cas  qu’après  plusieurs  semaines  ou  plusieurs 
mois  de  traitement.  C’est  bien  probablement  en  s’adressant  à  la  contrac¬ 
tilité  de  l’organe,  et  en  déterminant  une  condensation  de  son  tissu,  dont 
l’effet  est  de  diminuer  l’afflux  sanguin  et.  l’activité  nutritive  dont  ses 
parois  sont  le  siège,  que  l'ergotine  amène  la  résolution  des  engorgements 
chroniques  de  la  matrice.  On  doit  supposer,  du  moins ,  que  tel  est  le 
mécanisme  de  son  action  lorsqu’on  voit  des  femmes  t  prouver,  après 
l’ingestion  du  médicament,  des  douleurs  abdominales  et  lombaires, 
comparables  à  celles  qui  précèdent  l’apparition  des  règles  et  dues  vrai¬ 
semblablement  à  une  contraction  de  l’utérus.  Ces  douleurs ,  nous 
apprend  Arnal,  n’ont  point  été  constantes,  et  leurs  retours  ont  été,  la 
plupart  du  temps,  irréguliers;  elles  survenaient  brusquement,  cessaient 
de  même  et  s’interrompaient  parfois  des  journées  entières,  bien  que  la 
malade  continuât  à  prendre  régulièrement  son  médicament,  et  quelque¬ 
fois  à  dose  croissante. 

L’ergotine,  dans  tous  les  cas,  fut  administrée  sous  des  formes  diverses 
à  la  dose  de  50  centigrammes  en  vingt-quatre  heures,  et  l’usage  en  fut 
continué  régulièrement  chaque  jour  pendant  plusieurs  semaines  ou  plu¬ 
sieurs  mois. 

e.  Affectiotis  du  cœur.  —  Si  l’on  se  reporte  à  ce  que  nous  avons  dit 
plus  haut  de  l’action  physiologique  de  l’ergotine  sur  le  "cœur,  on  concevra 
aisément  les  applications  qu’on  peut  faire  de  cette  propriété  au  traitement 
de  certaines  affections  de  l’organe  central  de  la  circulation.  Comme  Sée  en 
a  fait  la  remarque,  c’est  dans  les  cas  où  il  convient  d’obtenir  une  sédation 
puissante,  mais  passagère,  qu’on  doit  l’employer.  Sous  ce  rapport,  l’ergot 
se  montre  supérieur  à  la  digitale,  dont  l’action  moins  énergique  paraît 
plus  durable.  Le  savant  professeur  de  clinique  médicale  a  donné  l’ergotine 
à  la  dose  de  1  gramme  par  jour,  dans  un  julep  gommeux  de  125  grammes, 
à  quatre  malades  atteints,  l’un  d’hypertrophie  concentrique  du  ventricule 
gauche,  deux  autres  d’une  hypertrophie  excentrique  considérable,  et  le 
dernier  d’un  rétrécissement  énorme  de  l’orifice  auriculo -ventriculaire 
gauche,  avec  insuffisance  très-marquée  de  l’orifice  aortique,  et,  enfin, 
induration  cartilagineuse  des  valvules  sigmoïdes  et  mitrales.  Chez  deux 


778 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  puïsiologiqdes. 
de  ces  malades,  les  battements  étaient  très-forts,  très-développés,  mais 
irréguliers  dans  leur  rhythme,  et  de  plus  très-inégaux  chez  l’un  d’eux; 
le  pouls  battait  106  à  110  fois  par  minuie.  Dans  deux  autres  cas,  le  pouls 
était  inégal,  irrégulier,  et  donnait  de  52  à  60  et  de  o6  à  84  pulsations 
par  minute.  Les  effets  produits  par  l’ergotine  dans  la  circulation  chez  les 
divers  malades  sont  résumés  par  Sée  dans  les  propositions  suivantes  : 

1“  «  Chez  tous  les  malades ,  le  médicament  a  réussi  à  produire  une 
diminution  manifeste  et  assez  durable  de  la  force  du  pouls  ; 

2“  «  Il  a  produit  en  même  temps  un  ralentissement  évident  dans  les 
cas  où  le  pouls  s’éloignait  beaucoup  de  l’état  normal  sous  le  rapport  de  la 
fréquence  ; 

5“  «  Enfin,  dans  les  cas  où  la  fréquence  était  peu  considérable  et  le 
type  intermittent,  le  médicament  n’a  eu  que  peu  d’action  sur  le  nombre 
et  le  rhythme  des  pulsations.  » 

Les  doses  les  plus  convenables  pour  commencer,  dit  Sée,  sont  d’un 
i/2  gramme  à  1  gramme,  sauf  à  les  doubler  le  lendemain  ou  les  jours 
suivants,  ce  que  l’on  peut  faire  sans  inconvénient. 

f.  Paralysies.  —  L’action  que  le  seigle  ergoté  et  l'ergotine  exercent  sur 
l’utérus,  les  sensations  et  les  soubresauts  qu’ils  déterminent  dans  les 
membres,  devaient  faire  présumer  que  cette  action  excitatrice  se  repro¬ 
duirait  dans  les  muscles  de  la  vie  de  relation,  et  contribuerait  à  ramener 
les  mouvements  dans  une  partie  du  corps  réduite  à  l’inertie  par  une 
paralysie.  Barbier  (d’Amiens),  Payan  (d’Aix),  ont  employé  l’ergot  de 
seigle  chez  plusieurs  malades  atteints  d’hémiplégie  ou  de  paralysie  liée 
aux  affections  du  cerveau  et  de  moelle  épinière.  Guersant,  Kensley  et 
Houston,  l’ont  opposé  aux  paralysies  vésicales,  et  tous  obtinrent  des 
améliorations  ou  des  guérisons  qu’ils  se  crurent  en  droit  de  rapporter  à 
leur  médication. 

Les  paralysies  dans  lesquelles  l’ergot  est  indiqué,  selon  Brown-Séquard, 
sont  celles  qui  s’accompagnent  d’une  iritation  des  nerfs  moteurs, 
sensitifs  ou  vaso-moteurs,  c’est-à-dire  dans  le  cas  de  congestion  ou 
d’inflammation  de  la  moelle  ou  de  ses  membranes.  D’après  les  mêmes 
observateurs,  l’ergot  doit  être  proscrit  comme  pouvant  augmenter  la 
paralysie  dans  la  'paraplégie  sans  symptôme  d’irritation ,  telle  que  la 
paraplégie  due  à  une  action  réflexe  ou  au  ramollissement  non  inflamma¬ 
toire  de  la  moelle  épinière. 

g.  Leucorrhée.  —  Préconisé  contre  cette  affection  par  Prescott,  Bazzani, 

Marshall-Hall,  Trousseau,  Negri,  l’ergot  de  seigle  ne  paraît  vraiment 
utile  que  dans  les  cas  où  cette  affection  est  symptomatique  d’une  con¬ 
gestion  utérine.  • 

h.  Troubles  menstruels.  —  L’action  hémostatique  constatée  par 
Trousseau  dans  les  ménorrhagies,  permet  difficilement  de  comprendre 
que  le  seigle  ergoté  jouisse  des  propriétés  emménagogues  que  lui  accor¬ 
dent  Chapmann,  Bondack,  Church,  Beckmann.  Du  reste,  leurs  observa¬ 
tions  sont  contredites  par  les  observations  contraires  de  Weil  et  Hall. 

G.  üs.vGE  EXTERNE  DE  l’ergotine. — Une  soluüon  de  1 0  grammes  d’er- 


779 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  effets  phïsiologiqües. 
gotine  dans  100  ou  200  grammes  d’eau,  forme,  suivant  Sédillot,  un  hémo¬ 
statique  externe  d’une  très-grande  valeur.  Ce  chirurgien  en  imbibe  des 
gâteaux  de  charpie  qu’il  applique,  soit  sur  les  plaies  récentes,  soit  sur  celles 
qui  succèdent  à  la  chute  des  eschares  et  qu’il  maintient  au  moyen  d'un 
bandage  de  manière  à  exercer  sur  la  plaie  une  compression  modérée.  La 
solution  d’ergotine  ne  coagule  pas  le  sang,  comme  le  fait  le  perchlorure 
de  fer,  et  ne  paraît  suspendre  l’écoulement  sanguin  que  par  la  conden¬ 
sation  et  le  resserrement  des  tissus. 

L’usage  externe  de  l’ergotine  est  également  utile  dans  les  plaies  gan¬ 
gréneuses  saignantes,  les  ulcères  gangréneux,  la  suppuration  fétide  des 
plaies  d’amputation . 

Comme  cette  solution  s’altère  rapidement,  Sédillot  recommande  de  la 
renouveler  chaque  jour. 

Conclusions.  —  Nous  sommes  conduits  à  admettre  : 

1°  Que  l’ergot  de  seigle,  à  cause  de  ses  propriétés  ecboliques,  joue  un 
rôle  important  en  obstétricie,  et  convient  dans  tous  les  cas  où,  soit  pen¬ 
dant  le  travail  soit  après  l’accouchement,  il  est  besoin  d'accroître  la 
puissance  des  contractions  utérines  ;  que  par  conséquent  l’inertie  uté¬ 
rine,  dans  toutes  les  circonstances  où  elle  peut  se  produire,  requiert  l’usage 
de  l’ergot,  qui,  sous  le  rapport  obstétrical,  doit  être  préféré  à  l’ergotine; 

2°  Qu’en  clinique  interne,  le  pouvoir  curatif  de  l’ergot  et  de  l’ergotine, 
beaucoup  plus  restreint  qu’en  obstétrique,  se  réduit  à  l’action  que  ces 
agents  thérapeutiques  exercent  contre  certains  états  morbides  de  l’utérus, 
hémorrhagies,  congestions  utérines,  hypertrophie  du  col  de  la  matrice;  à 
une  action  beaucoup  moins  prononcée  et  peut-être  contestable  dans  les 
hémorrhagies  des  muqueuses  du  poumon,  de  l’intestin  ou  de  la  vessie;  à 
une  efficacité  médiocre,  mais  reconnue,  contre  les  affections  inflamma¬ 
toires  de  la  moelle,  et  aussi  à  l’action  sédative  que  ces  médicaments  exer¬ 
cent  sur  le  système  circulatoire; 

3°  Qu’en  chirurgie  enfin,  l’ergotine  de  Bonjean,  dissoute  dans  l’eau, 
jouit  de  propriétés  hémostatiques  non  douteuses  dans  les  hémorrhagies 
externes  causées  par  l’ouverture  de  vaLsseaux  capillaires  ou  de  vaisseaux 
d’un  ca'ibre  assez  faible  pour  ne  point  exiger  la  ligature. 

Mode  d’administration  et  doses.  —  Employé  dans  un  but 
obstétrical,  c’est-à-dire  avec  l’intention  d’accroître  la  force  des  contrac¬ 
tions  de  la  matrice,  soit  pendant  le  travail  soit  après  l’accouchement, 
l’ergot  est  prescrit  le  plus  habituellement  à  l’état  naturel  et  sous  forme 
de  poudre  préparée  seulement  au  moment  d’en  faire  usage.  .4u  défaut  des 
appareils  usités  dans  les  pharmacies  pour  cet  objet,  on  peut  broyer  l’ergot 
brut  dans  un  vase  quelconque  au  moyen  d’un  corps  contondant,  et  en 
ajoutant  au  médicament  quelques  fragments  de  sucre  qui  en  facilitent  la 
trituration.  Il  n’est  pas  indispensable  d’ailleurs  que  celle-ci  soit  très- 
complète  pour  que  l’ergot  produise  les  effets  qu’on  recherche;  il  suffit  que 
les  fragments  soient  réduits  au  volume  de  grains  de  sable.  Si  l'ergot  est 
de  bonne  qualité,  2  grammes  de  cette  substance,  avons-nous  dit,  sont 
suffisants  pour  faire  contracter  fortement  la  matrice.  On  divise  cette  dose 


780 


ERGOT  DE  SEIGLE.  —  bibliographie. 


en  trois  prises,  qu’on  donne  à  dix  minutes  ou  un  quart  d’heure  d’inter¬ 
valle,  délayées  dans  quelques  cuillerées  à  soupe  d’eau  sucrée.  Stoitz  con¬ 
seille  d’associer  un  peu  de  canelle  à  la  poudre  d’ergot. 

On  prépare  encore,  avec  2  ou  4  grammes  d’ergot  simplement  concassé, 
une  infusion  ou  une  décoction  de  100  à  125  grammes  de  liquide,  qu’on 
fait  prendre  en  trois  ou  quatre  fois  aux  mêmes  intervalles  que  la  poudre 
précédente.  Ces  préparations,  dont  on  accroît  quelquefois  la  puissance  par 
l’addition  de  poudre  fraîche,  donnent  aussi  de  bons  résultats,  mais  elles 
sont  moins  simples  que  la  première,  et  aussi  moins  usitées.  La  décoction 
et  l’infusion  d’ergot  s’administrent  aussi  en  lavement  aux  personnes  dont 
l’estomac  supporte  mal  le  médicament  donné  en  nature  et  qui  lé  vomissent. 

Enfin  on  peut  également  suspendre  1  à  4  grammes  de  poudre  d’ergot 
dans  une  potion  gommeuse,  qu’on  fait  prendre  en  trois  ou  quatre  fois,  et 
à  un  quart  d’heure  d’intervalle,  s’il  s’agit  de  réveiller  promptement  les 
contractions  de  l’utérus  chez  une  femme  en  couches,  ou  par  cuillerées  à 
soupe  dans  le  courant  de  la  journée,  dans  d’autres  cas.  C’est  sous  cette 
dernière  forme  qu’on  le  donne  presque  toujours  aux  malades,  lorsqu’il 
s’agit  de  combattre  une  des  affections  internes  contre  lesquelles  le  seigle 
ergoté  est  employé. 

On  administre  l’ergotine,  comme  l’ergot,  à  l’état  pulvérulent,  mais  on 
la  donne  plus  habituellement  en  potions,  en  pilules  ou  en  tablettes,  à  la 
dose  de  1  à  4  grammes,  répartis,  soit  sur  la  totalité  de  la  journée,  soit 
en  deux  ou  trois  prises  plus  ou  moins  rapprochées,  suivant  le  but  qu’on 
se  propose  d’atteindre. 

Nous  rappellerons,  en  terminant,  qu’une  solution  de  10  grammes 
d’ergotine  dans  100  ou  200  grammes  d’eau  filtrée,  forme  un  médicament 
utile,  soit  pour  suspendre  une  hémorrhagie  capillaire ,  soit  pour  exciter 
une  plaie  gangréneuse  ou  de  mauvaise  nature. 

Peescott  (01.),  Diss.  on  the  natural  History  and  medical  Effects  of  Secale  cornutum  on  Ergot 
[Med.  and  phys,  Journ..  1815,  vol.  XXXII,  p.  90;  trad.  in  Journ.  gén.  de  med.,!.  XXXII, 
p.  347). 

Desgrakges,  Extrait  d’un  mémoire  sur  la  propriété  qu’a  le  seigle  ergoté  d’accélérer  la  marche 
de  l  accouchernent  {ISouveau  Journal  de  méd.,  1818,  t.  I,  p.  54).  —  Observations  pratiques 
sur  l’administration  du  seigle  ergoté  contre  l’inertie  de  la  matrice  [Ann.  clin,  de  Montpel¬ 
lier,  1822).  —  Nouvelle  note  [Journal  gén.  de  méd.,  1829,  t.  CXIX). 

Stearxs,  Account  of  the  pulvis  parturiens,  in  Medic.  Repository,  t.  V,  1818. 

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ViLLENEDvE  (A.  C.  L.),  Mém.  hisl.  sur  l’emploi  du  seigle  ergoté  pour  déterminer  l’accouchement 
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ERGOT  DE  SEIGLE.  —  bibliographie.  781 

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l’utérus  [Gazette  des  hôpitaux,  juin  1843).  — De  l’action  du  seigle  ergoté  et  de  l’emploi  de 
son  extrait  dans  les  cas  d’hémorrhagies  internes  [Mémoires  de  T  Académie  de  médecine.  Pa¬ 
ris,  1849,  t.  XIV,  p.  408). 

Paeola  (Luigi),  Modo  di  sviluppamento,  azione  e  principii  attivi  delle  sprone  dei  graminacei 
[Annali  universi  di  medidna,  1844,  t.  CIX,  CX). —  Nouvelles  recherches  expérimentales  sur 
le  principe  actif  et  sur  le  mode  d’action  de  l’ergot  des  graminées,  présenté  à  l’Académie  des 
sciences  en  décembre  1843  [Académie  des  sciences,  7  septenibre  1846). 

Raige-Delobue,  Bict.  de  méd.  en  30  vol.,  art.  Seigle  eegoté.  Paris,  1844,  t.  XXVUI. 

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janvier  1846,  p.  95). 

Abus  de  l’emploi  du  seigle  ergoté  [Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  1845,  t.  X,  p.  565;  t.  XIII.  p.  223; 
t.  XV,  p.  1017).  —  Dasïau,  Rapport  en  réponse  à  une  lettre  de  M.  le  préfet  de  la  Seine,  ayant 
pour  objet  la  question  suivante  :  Quelle  peut  être  l’influence  du  seigle  ergoté  sur  la  vie  des 
enfants  et  sur  la  santé  des  mères  [Bull,  de  J  Acad,  de  méd.,  1850-51,  t.  XVI,  p.  6). 

Velpeau,  Action  de  l’ergotine  dans  les  blessures  artérielles  [Comptes  rendus  de  V Académie  des 
sciences,  t.  XXIII,  p.  945). 

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[the  New-York  Journal  et  Journal  des  connaissances  méd  ,  janvier  1846,  p.  141). 

Reattï  (T.).  On  the  use  of  Ergot  of  Rye  [Dublin  Quarterly  Journal,  1846,  vol.  I,  p.  322). 

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Chbestien  (de  Montpellier),  Mémoire  sur  la  question  du  seigle  ergoté  [Bull,  de  l'Acad.  ds  méd., 
mars  1851.  t.  XVI,  p.  581).  —  Observations  en  faveur  du  seigle  ergoté  :  rapport  de  D.anïau 
[Bull,  de  l’Acad.  rfe  med.,  1853-54,  t.  XIX,  p.50). 

Passot  (de  Lyon),  De  l’emploi  de  l’ergot  de  seigle  dans  certaines  rétentions  d’urine  [Gazette  mé¬ 
dicale  de  Jjyon  et  Gazette  des  hôpitaux,  1853,  p.  208). 

Mebiee,  Emploi  du  .seigle  ergoté  dans  les  accouchements:  rapport  de  D/lUsau  [Bull,  de  l’Acad. 
de  méd.,  1853,  t.  XIX,  p.  44). 

Spesgleb,  Des  indications  de  l’emploi  du  borate  de  soude  et  du  seigle  ergoté  dans  les  accou¬ 
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p.  72). 

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zette,  22  décembre  1855,  p.  617  ;  9  février  1856,  p.  134;  analyse  in  Annuaire  de  littérature 
médicale,  1857,  p.l74). 

Pajot,  Du  danger  de  l’administration  de  l’ergot  de  seigle  dans  le  cas  de  rétention  du  délivre 
[Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  1860;  Moniteur  des  sciences,  mars  1860, 
et  Bulletin  de  thérapeutique,  1860,  t.  LVIII). 

Reck,  Sur  les  effets  de  l’ergot  de  seigle  emplové  296  fois  dans  2000  accouchements  [Dublin 
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Hewitt  (Graily),  On  the  Ergot  of  Rye  and  the  nature  of  ils  action  on  the  Utérus  [the  Ijincet, 
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Reoivs-Séquaed,  Leçons  sur  le  diagnostic  et  le  traitement  des  principales  formes  de  paralysie  des 
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doctorat.  Paris,  1870.  . 

Emile  Baillt. 


782 


ERGOTISME.  —  définitios,  sïkosïhie. 

ERGOTIIME.  —  Cette  dénomination,  dont  la  syllabe  finale  indique 
un  alcaloïde  ou  tout  au  moins  un  composé  défini,  ne  saurait  s’appliquer 
malheureusement  aux  substances  extraites  de  l’ergot  de  seigle  par  diffé¬ 
rents  auteurs,  et  qu’ils  ont  considérées  comme  le  principe  actif  de 
l’ergot. 

Les  produits  préparés  sous  le  nom  d’ergotine  par  Wiggers,  Manassewitz, 
Wenzell,  n’ont  pas  attiré  sérieusement  l’attention  des  thérapeutistes.  L’ef- 
gotine  de  Bonjean,  que  l’ergot  de  seigle  pulvérisé  pourrait  toujours  rem¬ 
placer,  n’est  en  réalité  qu’un  extrait  d’ergot  illustré  d’une  dénomination 
chimique.  L’ergot  pulvérisé  étant  épuisé  par  l’eau  froide,  le  soluté  est 
chauffé  au  bain-marie;  s’il  fournit  un  coagulum  albumineux,  celui-ci  doit 
être  séparé  par  le  filtre;  souvent  il  n’en  fournit  pas.  Ensuite  la  liqueur, 
réduite  par  évaporation  jusqu’en  consistance  de  sirop  clair,  est  traitée  par 
l’alcool  en  grand  excès;  il  en  résulte  la  précipitation  des  matières  gom¬ 
meuses  et  de  quelques  sels.  Après  un  repos  suffisamment  prolongé,  le  li¬ 
quide  alcoolique,  devenu  limpide,  est  décanté,  puis  réduit  par  évapora¬ 
tion  au  bain-marie  en  consistance  d’extrait. 

L’extrait  sec  d’ergot,  préparé  dans  le  vide  par  Berjot  (de  Caen),  est  plus 
constant  dans  la  composition  et  plus  soluble  dans  l’eau  que  celui  de  Bon¬ 
jean.  (Reveil.) 

Selon  Bouchardat,  l’ergotine  est  employée  aux  mêmes  doses  que  la 
poudre  de  seigle  ergoté,  soit  20  centigrammes  à  2  grammes.  Gubler  la 
prescrit  à  plus  hautes  doses  que  le  champignon  en  nature;  il  en  porte  la 
dose  à  4  grammes  en  potion. 

J.  Jeannel. 

ERGOTISME.  —  Jusqu’à  ces  derniers  temps,  on  n’avait  décrit  sous 
ce  titre  que  les  accidents  qui  relèvent  de  l’empoisonnement  chronique 
par  l’usage  du  seigle  ergoté.  Depuis  quelques  années,  un  certain  nombre 
d’écrivains  parmi  lesquels  nous  trouvons  le  professeur  Gubler,  ont  appliqué 
le  nom  à' ergotisme  aigu  à  l’ensemble  des  phénomènes  déterminés  par 
l’administration  de  l’ergot  chez  l’homme  sain  ou  chez  les  animaux,  à 
doses  expérimentales  ou  thérapeutiques.  Ces  effets,  dont  la  connaissance 
est  nécessaire  pour  l’intelligence  du  mécanisme  encore  peu  étudié  et 
peu  connu,  de  quelques-uns  des  principaux  symptômes  de  l’intoxica- 
lion  chronique  par  l’ergot  de  seigle,  ont  été  exposés  dans  l’article  précé¬ 
dent.  {Voy.  Eiîgot.)  Nous  devons  donc  nous  borner  à  la  description  de 
l’ergotisme  chronique,  ou  plus  simplement  de  l’ergotisme  tel  qu’il  a  été 
compris  jusqu’à  ce  jour  par  la  généralité  des  pathologistes. 

Définition,  synonymie.  — L’etgotisme,  également  désigné  par  les 
dénominations  de  raphanie,  de  maladie  céréale,  de  mal  de  Sologne,  de 
gangrène  des  Solognots,  de  feu  de  Saint- Antoine,  de  feu  sacré,  de  mal  des 
ardents,  est  constitué  par  l’ensemble  des  modifications  fonctionnelles  ou 
organiques  qu’engendre  l’usage  plus  ou  moins  prolongé  de  farines  ali¬ 
mentaires  mélangées,  en  proportions  variables,  à  l’ergot  du  seigle  et 
peut-être  du  froment. 


ERGOTISME.  —  symptômes,  marche,  dorée,  terminaison.  783 

Symptômes,  marche,  durée,  terminaison.  —  Selon  que 
l’intoxication  a  fait  de  préférence  explosion  du  côté  des  systèmes  nerveux 
central  ou  périphérique  et  de  leurs  dépendances,  ou  a  porté  ses  princi¬ 
pales  manifestations  sur  le  système  artériel  en  entraînant  le  sphacèle  de 
diverses  parties  du  corps,  on  a  décrit,  depuis  longtemps,  un  ergotisme 
convulsif  et  un  ergotisme  gangréneux. 

Nous  ne  romprons  pas  avec  la  tradition,  et  nous  étudierons  successive¬ 
ment  Y  ergotisme  convulsif  et  Y  ergotisme  gangréneux,  nous  réservant  de 
déterminer  quels  rapports  affectent  entre  elles  ces  deux  modalités  patho¬ 
logiques,  que  nombre  d’auteurs,  et  surtout  ceux  qui  précèdent  l’époque 
contemporaine,,  ont  considérées,  non-seulement  comme  des  variétés, 
comme  des  formes  distinctes  d’une  même  maladie,  mais  même  comme  des 
espèces  morbides  différentes. 

A.  Ergotisme  convulsif.  —  Suivant  les  idiosyncrasies,  les  conditions  de 
santé  et  d’hygiène  préexistantes,  et  surtout  selon  la  quantité  de  selérotium 
contenue  dans  la  farine,  l’usage  du  pain  de  seigle  ergoté  peut  être  conti¬ 
nué  quelque  temps,  sans  soulever  dans  l’organisme  aucun  trouble  appré¬ 
ciable,  ou,  au  moins,  sans  déterminer  d’autre  symptôme  qu’une  sensation 
d’ivresse  légère  qui,  loin  d’être  pénible  pour  les  personnes  soumises  à 
cette  alimentation,  s’accompagne  de  gaieté  et  n’est  suivie  d’aucun  des 
symptômes  de  dégoût  et  de  malaise  qui  surviennent  après  l’ingestion 
d’une  grande  quantité  de  liqueur  fermentée.  Les  paysans  savent  que  cet 
enivrement  est  dû  au  pain  qu’ils  mangent,  et,  loin  de  s’en  dégoûter,  ils 
en  contractent  l’habitude,  comme  les  fumeurs  elles  mangeurs  d’opium.  Il 
n’est  pas  possible,  toutefois,  d’y  persévérer  impunément.  Après  un  début 
marqué  par  du  vertige,  des  troubles  de  la  vue,  des  bourdonnements 
d’oreilles,  la  maladie  se  caractérise  par  des  accidents  du  côlé  de  l’axe 
spinal  et  de  ses  irradiations;  deux  mots  les  résument;  désordres  de  la 
sensibilité  et  de  la  motilité. 

Les  troubles  des  fonctions  sensitives  qui  ouvrent  la  scène  consistent 
dans  une  production  ou  une  augmentation,  puis  dans  une  diminution  de 
la  sensibilité  des  parties  affectées.  Les  malades  accusent  d’abord  aux 
doigts,  aux  orteils,  de  fourmillements,  qu’ils  comparent  à  ce  qu’on 
éprouve  à  la  suite  de  l’engourdissement  et  qui,  de  là,  s’étendent  à  peu  près 
à  tout  le  corps.  A  ces  perversions  sensitives  succèdent  bientôt  des  dou¬ 
leurs  liées  à  l’existence  des  troubles  moteurs,  se  rattachant  à  la  description 
de  ceux-ci,  et  enfin  une  diminution  de  la  sensibilité  cutanée.  Cette  anes¬ 
thésie  peut  précéder  les  contractures;  presque  toujours  elle  leur  suc¬ 
cède,  tantôt  consistant  en  une  simple  obtusion  de  la  sensibilité,  tantôt 
arrivant  à  l’insensibilité  la  plus  complète,  quel  que  soit  l’agent  douloureux 
qu’on  essaye. 

Les  troubles  de  la  motilité  sont  représentés  par  des  convulsions  qui 
sont  toniques  ou  cloniques.  Les  convulsions  toniques  consistent  en  des 
contractures  qui  ont  lieu  dans  le  sens  de  la  flexion  ou  dans  celui  de 
l’extension.  La  physionomie  des  premières  rappelle  d’abord,  à  s’y  mé¬ 
prendre,  celle  de  la  tétanie  ou  contracture  idiopathique  des  extrémités; 


784  ERGOTISME.  —  symptômes,  marche,  durée,  terminaison. 
les  doigts  se  rétractent  vers  la  paume  de  la  main  et  ne  peuvent  être 
étendus  qu’avec  un  effort  violent;  l’avant-bras  se  retire  vers  le  bras,  et 
les  deux  mains  se  serrent  contre  la  poitrine  ;  les  orteils  se  rétractent  éga¬ 
lement  vers  la  plante  des  pieds;  les  cous  de-pied,  les  genoux,  les  hanches 
mêmes  sont  fortement  fléchis,  de  (elle  sorte  que  le  malade,  suivant  une 
comparaison  empruntée  au  célèbre  mémoire  de  la  faculté  de  Marbourg, 
est  ramassé  sur  lui-même  et  contracté  comme  une  boule.  Dans  d’autres 
cas,  c’est  dans  le  sens  de  l’extension  que  s’opère  la  contracture,  et  le 
sujet  allongé  et  roidi  semble  atteint  du  tétanos.  Elle  peut  s’étendre 
aux  muscles  thoraciques  et  abdominaux,  au  diaphragme  même,  d’où  un 
obstacle  considérable  et  parfois  funeste  à  l’accomplissement  des  fonctions 
respiratoires,  encore  aggravé,  en  certains  cas,  par  des  symptômes  de 
laryngisme.  Le  système  musculaire  de  la  vie  organique  participe  à  ces 
accidents  convulsifs;  plusieurs  malades  se  plaignent  de  coliques,  d’autres 
ont  des  vomissements.  Mais,  fait  digne  de  remarque,  et  attesté  par  des 
hommes  considérables,  au  nombre  desquels  se  place  Heusinger,  l’utérus, 
en  état  de  gestation  ou  de  vacuité,  reste  étranger  à  ces  mouvements 
spasmodiques. 

Toutefois  il  ne  faudrait  pas,  malgré  des  témoignages  imposants,  con¬ 
sidérer  comme  jugée  à  fond  cette  question  de  l’impuissance  de  l’empoi¬ 
sonnement  chronique  par  l’ergot  à  éveiller  les  contractions  de  l’utérus 
gravide,  impuissance  choquante,  du  reste,  pour  nos  connai.ssances  les  plus 
certainement  acquises  sur  les  propriétés. thérapeutiques  de  l’ergot.  Aussi 
ne  faut-il  pas  s’étonner  de  lire  dans  le  travail  de  Courhaut  que,  dans  les 
épidémies  de  1815,  1814, 1815,  les  femmes  grosses  qui  en  furent  atteintes 
avortèrent  subitement  et  avec  douleurs. 

Ces  contractures  s’accompagnent  de  douleurs  souvent  très-vives,  qui 
s’exaspèrent  en  proportion  avec  le  degré  de  la  convulsion,  dont  la  violence 
va  jusqu’à  arracher  des  cris  aux  patients,  qui  éprouvent  en  même  temps 
la  sensation  d’un  froid  glacial  ou  d’une  chaleur  brûlante.  On  a  noté  dans 
plusieurs  épidémies  que  les  tractions  opérées  sur  les  muscles  qui  sont  le 
siège  de  ces  crampes,  de  manière  à  produire  la  flexion  ou  l’extension  des 
membres,  procuraient  un  soulagement  considérable;  aussi  les  malades 
réclamaient-ils  avec  insistance  cet  allégement  à  leurs  maux.  Ces  convul¬ 
sions  se  montrent  par  accès  qui  commencent  d’ordinaire  vers  le  matin, 
pour  cesser  dans  le  milieu  de  la  journée  et  se  reproduire  à  intervalles 
irréguliers.  La  maladie,  arrivée  à  ce  degré,  peut  être  enrayée  dans  sa 
marche  et  rétrograder.  Dans  quelques  cas  même,  elle  ne  dépasse  pas  une 
première  période  essentiellement  caractérisée  par  les  perversions  de  la 
sensibilité,  et  n’atteint  pas  le  point  où  surviennent  les  contractures.  Si, 
par  exception,  la  mort  arrive  à  la  période  de  contracture,  elle  a  lieu 
par  l’asphyxie  qu’entraînent  les  convulsions  du  diaphragme,  des  mus¬ 
cles  de  la  jioitrine  et  du  larynx. 

Si,  au  lieu  de  rétrograder,  l’affection  dépasse  ces  limites,  on  voit,  aux 
convulsions  toniques ,  succéder  des  convulsions  cloniques.  Après  un 
temps  dont  la  durée  est  loin  d’être  uniforme,  le  plus  souvent  quelques 


ERGOTISME.  —  symptômes,  marche,  durée,  terminaison.  785 
semaines  (Wichmann) ,  surviennent  des  convulsions  épileptiformes  qui 
simulent  les  symptômes  de  l’épilepsie  légitime,  et  sont,  comme  eux,  sui¬ 
vies  de  coma. 

En  conformité  avec  une  loi  de  pathologie  générale  fondée  sur  l’étude 
d’un  grand  nombre  d’espèces  morbides,  aux  phénomènes  d’hyperesthénie 
des  fonctions  sensitives  et  motrices,  succèdent  les  signes  de  dépression 
de  ces  mêmes  systèmes.  C’est  alors  qu’apparaissent  les  paralysies  des 
sensibilités  générales  et  spéciales ,  les  anesthésies  généralisées,  la  cécité 
subite  et  passagère,  quelquefois  permanente,  la  perte  de  l’odorat,  la  sur¬ 
dité,  revenant  par  accès  plus  ou  moins  prolongés  ,  ayant  une  seule  fois, 
dans  une  épidémie,  affecté  la  forme  hémiplégique.  (Th.  0.  Heusinger.) 
Si  les  muscles  participent  à  cette  déchéance  fonctionnelle,  on  voit  se 
produire  des  paralysies  plus  ou  moins  étendues,  des  paraplégies.  Ces 
akinésies  ont  été  plus  particulièrement  consignées  dans  les  récits  de  cer¬ 
taines  épidémies.  Ainsi,  elles  furent  fréquentes  dans  l’épidémie  de  Kiev; 
on  les  observa  dans  celle  de  Silésie. 

Les  facultés  cérébrales  elles-mêmes  peuvent  être  atteintes.  Après  un 
nombre  variable  d’accès  épileptiformes  suivis  de  coma  ou  sans  l’intermé¬ 
diaire  de  ceux-ci,  des  malades  tombent  dans  un  état  d’imbécillité,  de  folie 
transitoire  ou  durable.  L’aliénation  mentale  peut  revêtir  les  formes  les 
plus  variées.  Dans  certains  cas,  c’est  de  la  manie,  tout  au  moins  de 
l’excitation  maniaque.  Il  y  a  des  malades  qui  deviennent  fous  furieux  ; 
ayant  perdu  toute  discrétion ;Hs  rejettent  la  nourriture  qu’ils  demandent, 
laissent  aller-  leur  corps  dans  la  chambre  sans  retenue  ni  pudeur. 
Ces  accès  sont  plus  vifs  chez  les  uns  que  chez  les  autres,  suivant  que  le 
cerveau  est  plus  ou  moins  froid,  et  celte  folie  dure  trois  ou  quatre  jours 
et  au  delà  (mémoire  de  la  Faculté  de  Marbourg).  Mais  parmi  tous  ces  types 
d’aliénation  qui  s’accompagnent  souvent  d’hallucinations  des  différents 
sens,  celui  qui  prédomine  est  le  délire  mélancolique  avec  ou  sans  stu¬ 
peur. 

Au  milieu  de  ces  grandes  perturbations  des  fonctions  de  la  vie  de  rela¬ 
tion,  les  appareils  de  la  vie  végétative  subissent  des  influences  diverses. 

Le  rhythme  des  battements  du  cœur  est  normal  ou  ralenti,  le  pouls  est 
petit,  ramassé,  il  n’y  a  pas  de  mouvement  fébrile  (Th.  0.  Heusinger)  ou 
tout  au  moins  son  existence  est  exceptionnelle.  Il  sera  intéressant  désor¬ 
mais  d’interroger,  à  l’aide  du  sphygmographe  et  de  la  thermométrie,  les 
caractères  du  pouls  et  l’état  de  la  température  dans  l’ergotisme.  C’est  un 
point  qui  mérite  d’être  signalé  à  l’attention  des  futurs  historiens  des  épi¬ 
démies  à  venir,  si  ce  fléau  doit  encore  sévir  sur  quelques  populations. 

Le  tube  digestif  reste  parfois,  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie, 
en  dehors  des  troubles  qui  étreignent  le  reste  de  l’organisme.  L’appétit 
peut  être  conservé,  les  digestions  rester  faciles.  D’ordinaire,  pourtant,  il 
est  affecté  ;  tes  digestions  sont  lentes,  le  ventre  paresseux  ;  on  observe 
l’ensemble  des  symptômes  qui  appartiennent  à  l’embarras  gastro-intesti¬ 
nal,  ou  ceux  qui  se  rattachent  à  une  névrose  de  l’estomac.  La  boulimie 
est  un  des  accidents  fréquents  de  l’ergotisme. 


XIII.  —  50 


786  ERGOTISME.  —  symptômes,  marche,  durée,  termusaisos. 

Le  paroxysme  fini,  les  malades  ne  peuvent  se  rassasier,  ils  consomment 
des  quantités  anormales  de  nourriture  sans  se  plaindre  de  difficultés  de 
digestion. 

L’atteinte  profonde  portée  à  la  nutrition  par  une  alimentation  non- 
seulement  toxique,  mais  trop  souvent  insuffisante.,  se  traduit  par  des 
hydropisies,  des  abcès,  des  anthrax,  du  purpura.  Quelques  individus, dit 
Serine,  eurent  la  face  horriblement  couverte  de  taches  qui  ressemblaient 
à  des  piqûres  de  puce.  Ces  taches  existaient  aussi  sur  d’autres  parties  du 
corps. 

B.  Ergotisme  gangréneux. —  Selon  que  l’intoxication  ergotée  est  portée 
plus  ou  moins  loin,  elle  peut  produire  des  accidents  gangréneux,  dont  le 
siège,  l’étendue,  la  physionomie  varient  singulièrement.  Ce  sont  sur¬ 
tout  les  parties  éloignées  du  centre  circulatoire  qui  sont  envahies  par 
le  sphacèle.  Rarement  voit-on  celui-ci  s’attaquer  au  tronc  ou  à  la  tête. 
Aussi  Fergotisme  gangréneux  présente-t-il  beaucoup  de  traits  com¬ 
muns  avec  la  description  classique  de  la  gangrène  des  extrémités,  impro¬ 
prement  appelée  gangrène  sénile.  C’est  dans  la  minorité  des  cas  d’er¬ 
gotisme  que  la  gangrène  est  humide.  La  réaction  éliminatrice  sur  les 
limites  du  mal  est  alors  moins  nette,  moins  circonscrite  ;  des  clapiers  et 
des  fusées  purulentes  surviennent  ;  les  tissus  baignent  dans  des  liquides 
infects,  produits  de  la  décomposition  putride  dont  l’absorption  s’empare 
au  grand  détriment  de  l’organisme. 

Dans  les  membres  qui  doivent  être  frappés  de  gangrène  humide  ou 
sèche,  et  particulièrement  de  cette  dernière,  les  malades  accusent  d’abord 
des  phénomènes  douloureux ,  liés  -aux  troubles  de  la  circulation  et  de 
l’innervation  qui  sont  la  conséquence  de  l’ischémie.  Ils  éprouvent  des 
crampes,  des  douleurs  profondes,  une  sensation  de  réfrigération.  Puis  la 
température  des  téguments,  après  s’être  élevée  d’abord,  s’abaisse  en  réa¬ 
lité,  la  peau  se  décolore,  se  flétrit,  se  ride,  puis  devient  violacée,  noire  , 
sèche,  en  même  temps  que  les  douleurs  se  taisent  en  raison  de  l’extinc¬ 
tion  de  la  vie  dans  les  parties  superficielles,  et  ensuite  dans  les  tissus 
profonds.  Le  sphacèle  est  consommé  ;  la  sensibilité,  qui  a  diminué  d’a¬ 
bord,  fait  place  à  une  anesthésie  complète. 

L’étendue  de  la  gangrène,  quant  à  son  importance,  présente  toutes  les 
nuances  imaginables,  depuis  la  chute  des  ongles,  comme  dans  les  huit  cas 
rapportés  par  Th.  U.  Heusinger,  jusqu’à  la  gangrène  des  orteils,  des  pieds, 
des  jambes,  voire  même  des  cuisses.  On  trouve  une  foule  d’exemples  de 
ces  vastes  gangrènes  dans  les  relations  des  épidémies  fameuses  de  la 
Silésie,  de  la  Sologne,  de  l’Orléanais,  du  Blésois,  et  à  une  époque  récente 
dans  l’épidémie  observée  à  Lyon  par  Barrier  (1854-1855).  La  gangrène 
envahit  un  seul  des  membres  inférieurs,  ou  bien  les  deux  simultanément 
ou  successivement.  Les  membres  supérieurs,  bien  que  moins  souvent 
atteints,  sont  loin  d’en  être  à  l’abri;  tantôt  les  parties  destinées  à  périr 
sont  frappées  d’emblée  ;  dans  d’autres  cas,  c’est  successivement  que  les 
divers  segments  d’un  membre  sont  envahis  par  la  gangrène.  Un  cercle 
inflammatoire  se  forme  à  la  limite  des  tissus  vivants  avec  les  tissus 


ERGOTISME.  —  symptômes,  makche,  durée,  terminaison.  787 
malades,  et  amène,  après  un  temps  plus  ou  moins  long  selon  le  volume 
des  parties  gangrénées,  une  élimination  qui  s’effectue  à  travers  beaucoup 
de  douleurs  et  de  périls.  Pour  donner  une  idée  des  mutilations  que  peut 
entraîner  le  sphacèle  de  l’ergotisme,  nous  dirons  qu’on  a  vu  des  individus 
dont  les  deux  membres  inférieurs  étaient  séparés  du  tronc  au  niveau  de 
la  cavité  cotyloïde.  Les  exemples  de  ce  genre  ne  sont  pas  très-rares  dans 
les  narrations  des  épidémies  d’ergotisme;  l’exploration  des  artères  qui 
alimentent  les  régions  frappées  de  mort,  révèle  dans  ces  vaisseaux 
l’existence  d’un  état  organique  dont  nous  nous  réservons  d’interpréter  la 
signification.  Toujours  est-il  qu’elles  fournissent  au  toucher  la  sensation 
de  cordons  durs,  résistants  ;  les  pulsations  y  deviennent  de  plus  en  plus 
faibles  et  finissent  même  par  disparaître.  Il  existe,  en  un  mot,  des  signes 
d’oblitération  vasculaire.  Cette  imperméabilité  des  artères  permet  de 
comprendre  ces  faits,  cités  par  différents  auteurs,  et  notamment  par 
Mulcaille  (1748),  dans  lesquels  la  chute  des  membres  s’opérait  sans 
hémorrhagie. 

G.  Des  rapports  qdi  existent  entre  l’ergoti.^me  convulsif  et  l’ergotis.me 
GANGRÉNEUX.  —  Ainsi  que  nous  l’avons  fait  pressentir,  on  a  voulu  voir 
dans  l’ergotLsme  convulsif,  comparé  à  l’ergotisme  gangréneux,  non-seule¬ 
ment  deux  variétés  d’une  même  maladie ,  mais  encore  deux  espèces 
morbides  distinctes.  C’est  de  la  sorte  qu’on  a  rapporté  au  mélange  avec 
les  céréales  du  raphanus  raphanistrum  (raifort  sauvage),  les  formes 
convulsives  de  la  maladie  (Linné),  tandis  que  les  accidents  gangréneux 
auraient  été  le  fait  de  l’action  de  l’ergot.  Cette  opinion  n’est  pas  seulement 
celle  des  écrivains  du  dix-huitième  siècle,  nous  la  retrouvons  encore  au 
commencement  de  celui-ci.  Ce  n’est  que  dans  ces  dernière.s  années  qu’on 
a  cherché  à  établir  que  ces  deux  affections,  en  apparence  si  distinctes, 
dont  l'une,  la  maladie  convulsive,  contraste  parfois,  par  sa  bénignité 
relative,  avec  le  tableau  souvent  si  dramatique  de  l’affection  gangréneuse, 
ne  représentent  que  deux  formes  d’une  intoxication  dont  le  degré  le  piu-; 
avancé  entraîne  la  gangrène.  Si,  jusqu’à  présent,  cette  manière  de  voir, 
qui  e.st  la  nôtre,  n’a  pas  prévalu,  ou  plutôt  ne  s’est  pas  suffisamment 
vulgarisée,  il  faut  l'attribuer  à  diverses  causes  de  méprises,  et  particu¬ 
lièrement  à  ce  que  les  épidémies  gangréneuses  n’ont  souvent  été  étudiées 
et  décrites  que  par  des  chirurgiens  appelés  à  soigner  la  maladie  à  sa 
dernière  période  et  privés  des  renseignements  qui  les  auraient  mis  en 
me.sure  d’établir  la  filiation  légitime  entre  les  accidents  qui  se  passaient 
du  côté  du  système  nerveux,  et  ceux  qui  devaient  être  rapportés  aux 
désordres  de  la  circulation.  Ainsi  en  fut-il  dans  l’Orléanais,  où  les  malades 
des  campagnes,  transportés  dans  les  hôpitaux  des  villes,  fournirent  le 
principal  élément  de  description  d’une  épidémie  dont  il  n’était  possible 
de  juger  que  de.  loin  l’évolution. 

La  comparaison  des  travaux  de  Courhaut  et  de  Janson,  relative  aux 
épidémies  qui  sévii  ent  en  1814  et  1816,  dans  le  département  de^aône- 
et-Loire,  est  bien  propre  à  faire  saisir  cette  cause  de  confusion. 

Courhaut,  qui  étudie  sur  les  lieux,  constate  les  phénomènes  prodro- 


788  ERGOTISME.  —  ssmptômes,  mahche,  durée,  terminaison. 
miques ,  les  fourmillements ,  les  contractures  douloureuses ,  les  accès 
convulsifs ,  les  perturbations  intellectuelles  et  leurs  rapports  avec  la  gan¬ 
grène,  qui  ne  se  montre  qu’à  la  troisième  période.  Janson,  au  contraire, 
qui  observe  en  dehors  du  foyer  épidémique,  voit,  seulement  à  Lyon,  une 
cinquantaine  de  malades  tous  transférés  avec  des  membres  déjà  sphacélés. 
Aussi  ne  note-t-il  guère,  parmi  les  prodromes,  que  ceux  qui  se  rattachent 
directement  à  la  gangrène,  et  passe-t-il  sous  silence  ceux  qui  sont  l’ex¬ 
pression  de  la  forme  convulsive. 

Le  travail  de  Barrier  sur  l’épidémie  gangréneuse  de  l’hôpital  de  Lyon, 
est  un  exemple  non  moins  frappant  des  lacunes  d’observation  qu’on 
rencontre  dans  les  mémoires  relatifs  aux  épidémies  étudiées  loin  de  leur 
centre. 

La  forme  de  la  gangrène,  ses  localisations,  son  étendue  aux  membres  in¬ 
férieurs  ou  supérieurs,  les  lésions  artérielles  et  la  cachexie  qui  l’accompa¬ 
gnent,  les  indications  thérapeutiques  et  chirurgicales  qu’elles  fournissent, 
sont  décrites  avec  soin;  mais  des  prodromes,  mais  des  divers  symptômes 
qui  ont  pu  précéder  la  gangrène,  soit  chez  ces  malades,  soit  chez  des 
individus  frappés  en  même  temps  qu’eux,  le  chirurgien  en  chef  de 
l’Hôtel-Dieu  de  Lyon  ne  s’occupe  guère;  il  sait  seulement,  parles  rensei¬ 
gnements  que  lui  ont  donnés  ses  malades,  que  d’autres  personnes  ont  été 
atteintes  de  la  même  manière  dans  les  départements  de  l’Isère,  de  la  Loire, 
de  la  Haute-Saône,  de  l’Ardèche. 

L’étude  des  épidémies  qu’on  pourrait  appeler  de  transition,  dans  les¬ 
quelles  on  voit,  au  milieu  de  la  prédominance  des  accidents  convulsifs, 
apparaître,  comme  phénomènes  consécutifs,  quelques  faits  de  gangrène 
superficielle  ou  profonde,  ainsi  que  l’a  observé  Heusinger,  complète  nos 
renseignements  sur  les  rapports  qui  existent  entre  les  phénomènes  ner¬ 
veux  et  les  symptômes  de  gangrène  jiroduits  par  l’ergot.  Elle  montre  que 
malgré  leur  dissemblance  ils  relèvent  d’une  même  cause,  de  la  même 
intoxication. 

Les  suites,  la  marche,  les  terminaisons  de  l’ergotisme  sont  fort  diffé¬ 
rentes  selon  qu’on  se  trouve  en  face  de  la  forme  convulsive  ou  de  la 
forme  gangréneuse. 

Sans  doute  l’ergotisme  convulsif  peut  tuer  en  quelques  jours,  en 
quelques  semaines,  au  milieu  d’accès  de  suffocation,  d’accidents  épilepti¬ 
formes  ou  tétaniques;  il  peut  même  se  prolonger  pendant  des  mois.. 
(Th.  0.  Heusinger.)  L’aliénation  mentale  est  une  de  ses  conséquences 
possibles  ;  néanmoins,  la  guérison  s’effectue  souvent  d’une  manière  assez 
rapide.  La  mort  est  une  terminaison  relativement  rare  [12  morts  sur  102 
malades  (Th.  0.  Heusinger)]. 

Il  en  est  tout  autrement  si  l’empoisonnement  va  jusqu’à  produire  la 
gangrène.  On  comprend  que  lorsque  le  sphacèle  est  profond,  étendu, 
les  chances  de  mort  deviennent  nombreuses.  Aussi  est-ce  dans  les 
épidémies  dites  gangréneuses  que  le  chiffre  de  la  mortalité  est  le  plus 
élevé. 

Lors  même  que  le  malade  doit  survivre ,  l’élimination  des  parties 


ERGOTISME.  —  anatomie  et  physiologie  pathologique.  789 
mortes  ne  s’effectue  que  lentement,  la  réparation  peut  être  difficile; 
l’intervention  chirurgicale,  en  opérant  dans  le  vif,  est  loin  d’enrayer  sûre¬ 
ment  les  progrès  de  la  gangrène,  en  raison  de  l’état  du  système  circu¬ 
latoire.  Les  cicatrices  sont  souvent  vicieuses,  et  lorsque  les  malades 
guérissent,  ce  n’est,  dans  bien  des  cas,  qu’au  prix  d’affreuses  mutila¬ 
tions. 

Anatomie  et  physsiologie  pathologique.  —  L’histoire  anatomo¬ 
pathologique  de  l’ergotisme  est  courte,  ce  qui  se  comprend  facilement  si 
l’on  réfléchit  que  l'ergotisme,  dont  certaines  formes  entraînent  rarement  la 
mort,  a  surtout  sévi  à  une  époque  où  l’anatomie  pathologique  n’était  pas  en 
honneur  comme  aujourd’hui,  et  dans  des  conditions  où  les  nécropsies  étaient 
fréquemment  d’une  exécution  difficile.  Aussi  la  flaccidité  du  cœur,  la  fluidité 
du  sang,  des  inflammations  viscérales  mal  décrites,  voilà  à  peu  près  à  quoi 
se  bornent  les  renseignements  que  nous  fournit  la  littérature  médicale. 
Seule  l’altération  du  sang  sus-mentionnée  se  reproduit  assez  fréquemment 
dans  les  travaux  entrepris  sur  l’ergotisme ,  pour  acquérir  une  certaine 
valeur. 

Bien  qu’il  ne  nous  répugne  pas  d’admettre  des  lésions  gangréneuses 
internes,  rien  ne  nous  fournit  la  preuve  que  ces  taches  violacées,  noirâtres 
du  foie,  de  la  rate,  signalées  par  quelques  auteurs,  doivent  être  rap¬ 
portées  au  sphacèle  plutôt  qu’à  des  ecchymoses  ou  à  des  altérations  cada¬ 
vériques. 

L’étude  du  système  artériel  offrait  un  intérêt  particulier  dans  une  maladie 
où  la  gangrène  joue  un  si  grand  rôle  ;  il  était  naturel  de  rapporter  celle-ci 
à  l’artérite.  L.  Ch.  Roche  s’est  constitué  un  des  principaux  défenseurs 
de  cette  doctrine.  Interrogeons  les  faits. 

Malgré  quelques  dénégations ,  il  ne  nous  paraît  pas  possible  d’ad¬ 
mettre  l’absence  de  coagulations  sanguines  dans  les  artères;  elles  ont  été 
indiquées ,  soit  implicitement ,  soit  explicitement ,  par  un  trop  grand 
nombre  d’écrivains,  pour  qu’il  soit  possible  d’en  révoquer  toute  la  réa¬ 
lité. 

Mais  actuellement  les  expressions  coagulation  sanguine  et  artérite  sont- 
elles  synonymes  ?  C’est  ce  que  nous  ne  pouvons  admettre.  La  science- 
moderne  a  créé  des  exigences  nouvelles.  Il  ne  suffit  plus  pour  établir 
qu’il  y  a  de  l’inflammation  artérielle  de  constater  qu’une  artère  e.st  obli¬ 
térée  par  un  caillot  sanguin.  Il  nous  faut  encore,  pour  accepter  l’exis¬ 
tence  de  l’inflammation,  qu’on  ait  constaté  les  lésions  histologiques  ca¬ 
ractéristiques  des  tuniques  du  vaisseau,  et  consistant  essentiellement  dans 
des  proliférations  cellulaires  de  leurs  éléments.  Or,  rien,  dans  les  docu¬ 
ments  que  nous  avons  réunis,  ne  nous  fournit  une  démonstration  de  cette 
nature.  Dans  un  des  derniers  mémoires  publiés  sur  l’ergotisme  gangré¬ 
neux,  celui  de  Barrier  (1855),  nous  cherchons  en  vain  des  détails  qui 
nous  prouvent  l’existence  d’altérations  propres  à  l’inflammation.  Au 
contraire,  0.  ’Weber,  qui  a  étudié  avec  soin  la  gangrène  produite  par 
l’ergot  et  a  consigné  ses  opinions  dans  le  Manuel  de  chirurgie  de  Pitha  et 
Billroth  (1865),  repousse  l’idée  d’une  inflammation  des  artères.  Ce  qu’on 


790  ERGOTISME.  —  anatomie  et  physiologie  pathologique. 

sait,  dit-il,  d’une  manière  certaine,  c’est  que  la  gangrène  n’a  pas  pour 

point  de  départ  une  inflammation  primaire. 

Puis,  s’appuyant  sur  ce  qui  nous  est  acquis  relativement  à  l’action  de 
l’ergot,  non-seulement  sur  la  contractilité  des  fibres  musculaires  de  l’u¬ 
térus,  mais  encore  sur  celle  des  fibres  contractiles  des  vaisseaux  de  di¬ 
vers  calibres  et  peut-être  même  sur  les  fibres  contractiles  de  la  peau, 
0.  Weber  se  rallie  à  l’hypothèse  d’abord  émise  par  Courhaut  que  les  arté¬ 
rioles  les  plus  fines  se  contractent  tellement  dans  l’empoisonnement  par 
le  seigle  ergoté,  que  les  extrémités  des  membres  paraissent  complètement 
vides  de  sang.  Cette  idée,  depuis  adoptée  par  G.  Sée,  étayée  par  les  expé¬ 
riences  de  Sovet,  défendue  par  Spiszher,  trouve  encore  dans  les  obser¬ 
vations  d’Arnal,  de  Danyau  et  de  Scbroff  sur  le  ralentissement  du  pouls 
un  appui  dont  on  ne  peut  nier  l’importance.  C’est  cette  opinion  que 
nous  adoptons,  et  nous  proposons  d'interpréter  de  la  manière  suivante  la 
succession  des  accidents  de  l’ergotisme  : 

L’agent  toxique  de  l’ergot  quel  qu’il  soit  {ergotine,propylamme on  huile 
d’ergot,  peu  importe  ici),  portant  son  action  sur  l’organisme  entier,  excite 
soit  directement,  soit  par  l’intermédiaire  du  système  nerveux,  la  contrac¬ 
tion  des  fibres  musculaires  des  vaisseaux  artériels  de  divers  calibres,  les 
effets  de  cette  contraction  se  faisant  ressentir  d’abord  avec  plus  d’éner¬ 
gie  sur  les  fines  artérioles  ;  d’où  une  anémie  de  divers  organes,  etnotam- 
ment  une  anémie  de  l’axe  cérébro-spinal,  laquelle  a  pour  conséquence 
prochaine  l’ensemble  des  phénomènes  que  nous  venons  de  rattacher  à 
l’ergotisme  convulsif.  Mais  si  ce  premier  degré  d’intoxication  est  dépassé, 
si  la  contraction  vasculaire  devient  plus  intense,  si  elle  s’étend  à  des  ar¬ 
tères  de  volume  plus  considérable,  l’anémie  se  généralise  et  devient  plus 
complète,  le  ralentissement  du  cours  du  sang  s’accentue  davantage,  favo¬ 
risé  qu'il  est  par  la  diminution  du  diamètre  de  la  lumière  des  vaisseaux 
et  par  les  conditions  de  cachexie  où  se  trouve  l’organisme,  et  il  finit  par 
entraîner  la  formation  de  ces  concrétions  sanguines  rapportées  à  tort  à 
l’artérite,  et  auxquelles  succède  une  ischémie  dont  la  conséquence  ultime 
est  la  gangrène  à  divers  degrés. 

A  cette  série  de  modifications  du  système  circulatoire  qui  semblent  nous 
livrer  la  clef  de  la  physiologie  pathologique  de  l’ergotisme,  il  nous  paraît 
indispensable  d’ajouter  les  troubles  profonds  de  la  nutrition,  qui  sont  la 
conséquence  obligée  de  la  prolongation  d’une  alimentation  à  la  fois  véné¬ 
neuse  et  insuffisante,  aussi  bien  que  les  altérations  du  sang  qui  en  déri¬ 
vent. 

La  théorie  physiologique  de  la  série  des  accidents  constitutifs  de  l’er¬ 
gotisme  que  nous  cherchons  à  faire  prévaloir,  trouve  une  nouvelle  con¬ 
firmation  dans  les  plus  récentes  éludes  entreprises  sur  les  propriétés  de 
l’ergot,  notamment  dans  les  expérimentations  de  Brown-Séquard,  de 
Ch.  L.  Holmes.  Holmes,  en  effet  (1870),  après  des  expériences  répétées, 
suivies  et  conduites  avec  soin  dans  le  laboratoire  et  avec  le  concours  de 
Vulpian,  sur  des  animaux  de  différentes  espèces,  avec  les  instruments 
enregistreurs  de  Marey,  a  conclu  très-formellement  à  l’action  des  pré- 


ERGOTISME.  —  diagnostic.  791 

parations  ergotées,  et  surtout  de  l’extrait  aqueux  d’ergot  sur  la  contrac¬ 
tilité  des  tuniques  musculaires  des  petites  artères. 

Diagnostic.  —  Selon  que  l’intoxication  par  l’ergot  porte  plus  spé¬ 
cialement  son  action  sur  le  système  nerveux  {forme  convulsive),  ou  sur 
le  système  circulatoire  {forme  gangréneuse),  on  peut  la  confondre  avec 
diverses  affections  dont  il  est  pourtant,  en  général,  facile  de  la  distinguer. 

L’ergotisme  convulsif  présente  avec  l’acrodynie  un  symptôme  commun, 
c’est  la  contracture  plus  ou  moins  étendue  à  plusieurs  régions  du  corps. 
Aussi  a-t-on  voulu  rattacher  l’acrodynie  à  l’ergotisme.  Nous  avons  re¬ 
poussé  cette  assimilation.  {Voy.  Acrodynie,  t.  I,  p.  585.) 

Outre  que  la  contracture  qui  ne  se  développe  qu’exceptionnellement 
dans  l’acrodynie,  occupe  une  large  place  dans  le  tableau  symptomatolo¬ 
gique  de  l’ergotisme,  les  manifestations  cutanées  qu’on  observe  dans  l’a¬ 
crodynie  font  défaut  dans  l’ergotisme,  tandis  que  celui-ci  se  termine  sou¬ 
vent  par  des  accidents  gangréneux  qui  ne  sont  pas  le  fait  de  l’acrodynie. 
Ajoutons  que  si  les  conditions  étiologiques  essentielles  de  l’acrodynie  nous 
échappent,  il  est  facile  de  remonter  à  celles  qui  engendrent  l’ergotisme. 

Ge  n’est  que  par  l’étude  de  la  filiation  des  symptômes,  la  connaissance 
des  antécédents  du  malade,  qu’il  est  possible  d’apprécier  la  nature  des 
phénomènes  épileptiformes,  des  troubles  vésaniques  d’intensité  et  de 
formes  diverses  qui  peuvent,  en  certains  cas,  être  la  conséquence  de  l’er¬ 
gotisme  convulsif. 

L’adultération  des  céréales  par  le  lathyrus  sativus,  sorte  de  vesce  qui 
croît  en  abondance  dans  les  Indes  anglaises  et  est  employée  à  la  fabrica¬ 
tion  du  pain  en  raison  de  son  bas  prix,  produit,  entre  autres  phénomènes 
toxiques,  un  symptôme  qui  lui  est  commun  avec  certaines  formes  d’er¬ 
gotisme;  c’est  la  paraplégie.  L’empoisonnement  par  le  lathyrus  sativus 
n’est  pas  exclusivement  propre  aux  Indes  anglaises  où  il  est  endémique. 
Il  a  été,  à  plusieurs  reprises,  observé  en  Europe  (Don,  Taylor  et  Vilmo¬ 
rin).  Comme  il  peut  y  affecter,  à  la  façon  de  l’ergotisme,  l’allure  d’épi¬ 
démies  plus  ou  moins  circonscrites  et  rapportées  à  juste  titre  à  l’usage 
d’un  pain  de  mauvaise  qualité,  il  importe  d’être  prévenu  de  cette  cause 
d’erreur,  pour  étudier  et  déterminer  exactement  la  nature  des  graines 
dont  la  présence  altère  les  farines. 

Quant  à  la  maladie  épidémique  connue  en  Colombie  sous  le  nom  de 
Pelatina,  due  à  un  champignon  du  mais  du  genre  sclerotium,  analogue  à 
celui  du  seigle  et  du  froment,  et  qu’on  appelle  dans  le  pays  peladero  (Rou- 
lin),  il  ne  paraît  pas  qu’on  doive  la  rapprocher  de  l’ergotisme.  Le  pela¬ 
dero  n’est  pas  observé  en  Europe,  et  les  épidémies  auxquelles  son  déve¬ 
loppement  donne  naissance,  bien  qu’elles  provoquent  la  chute  des  poils, 
des  ongles  et  des  dents,  ne  vont  pas  jusqu’à  produire  ces  sphacèles  éten¬ 
dus  qui  caractérisent  l’ergotisme  gangréneux. 

Il  ne  nous  est  pas  possible  d’accepter  le  rapprochement  qu’on  a  voulu 
établir  entre  la  pellagre  et  l’ergotisme.  (Th.  Roussel.)  Ces  deux  ihaladies 
n’ont  rien  de  commun  entre  elles  qu’une  alimentation  vicieuse  pour  ori- 


792 


ERGOTISME.  —  pronostic. 


L’importance  de  la  connaissance  exacte  des  antécédents  du  malade,  du 
milieu  dans  lequel  il  xit,  de  l’alimentation  dont  il  fait  usage,  des  influen¬ 
ces  hygiéniques  auxquelles  il  peut  être  soumis,  n’est  pas  moins  néces¬ 
saire  pour  remonter  à  la  source  de  ce  groupe  de  convulsions  toxiques 
qu’on  observe  à  un  certain  degré  et  dans  certains  cas  d’ergotisme,  et  qui 
présente  dans  son  expression  symptomatique  tant  de  traits  communs  avec 
cet  ensemble  de  spasmes  musculaires  qui  caractérise  l’affection  désignée 
sous  le  nom  de  tétanie  ou  de  contracture  essentielle  des  extrémités.  Nous 
ferons  remarquer  toutefois  que  la  paralysie  des  organes  des  sens,  l’épi¬ 
lepsie,  les  troubles  intellectuels,  la  gangrène  surtout,  ne  succèdent  pas, 
comme  dans  l’ergotisme,  aux  convulsions  de  la  contracture  essentielle  des 
extrémités.  Lorsque  dans  celle-ci  la  guérison  n’a  pas  lieu,  c’est  par  as¬ 
phyxie  que  succombent  les  malades,  terminaison  possible,  mais  très-rare, 
de  l’empoisonnement  par  l’ergot. 

Ces  considérations  sur  la  nécessité  de  comparer  les  accidents  actuels 
que  présentent  les  malades  avec  ceux  qui  les  ont  précédés  ou  qui  les  sui¬ 
vront,  avec  ceux  qui  surviennent  chez  d’autres  individus  antérieurement 
ou  simultanément  frappés,  s’appliquent  non  moins  rigoureusement  à  la 
forme  gangréneuse  de  l’ergotisme  qui  ne  diffère  guère,  ni  par  ses  sym¬ 
ptômes,  ni  par  sa  marche,  ni  par  ses  terminaisons  ou  son  pronostic  de 
toutes  les  gangrènes  par  oblitération  artérielle,  quelle  que  soit  leur'ori- 
gine. 

Pronostic.  —  Envisagé  d’une  manière  générale,  le  pronostic  doit 
être  regardé  comme  sérieux.  11  y  a  cependant,  à  ce  point  de  vue,  une 
distinction  importante  à  établir  d’après  le  degré  auquel  l’empoisonnement 
est  arrivé. 

Sans  doute  le  pronostic  de  l’ergotisme  convulsif  est  déjà  grave.  Les 
sujets  peuvent  succomber  de  différentes  manières,  périr  au  milieu  des 
convulsions  ou  par  asphyxie;  ils  peuvent,  pendant  un  temps  plus  ou 
moins  long,  rester  épileptiques  ou  aliénés,  tomber  dans  une  cachexie 
profonde.  Néanmoins  ces  formes,  malgré  ce  qu’elles  présentent  d’inquié¬ 
tant,  sont  souvent  curables,  la  guérison  est  la  règle,  bien  que  lente  et 
souvent  entravée  par  des  récidives  :  la  mort  est  l’exception. 

Il  en  est  tout  autrement  de  l’ergotisme  gangréneux,  qui  entraîne  trop 
fréquemment  une  terminaison  fatale.  Lorsque  les  malades  ne  meurent  pas, 
ils  arrivent,  à  travers  mille  dangers,  à  des  mutilations  souvent  horribles. 

Les  chances  d’infection  putride,  l’extension  successive  des  oblitérations 
artérielles  et  du  sphacèle  qui  les  suit,  figurent  parmi  les  conséquences 
les  plus  funestes  de  l’empoisonnement  par  l’ergot  lorsqu’il  a  atteint  ce 
degré.  La  gravité  de  la  maladie  est  d’ailleurs  en  rapport  avec  l’étendue  de 
la  gangrène.  Quelle  parité  y  a-t-il  à  établir,  par  exemple,  entre  une  gan¬ 
grène  qui  se  limite  à  l’épiderme,  à  la  pulpe  des  doigts,  qui  se  borne  à 
provoquer  la  chute  des  ongles,  et  la  mortification  d’un  segment  ou  de  la 
totalité  d’un  ou  de  plusieurs  membres? 

Des  circonstances  accessoires  peuvent  en  outre  modifier  le  pronostic. 

L’âge  sous  ce  rapport  exerce  une  grande  influence.  Il  est  établi  que 


ERGOTISME.  —  étiologie. 


793 


l’enfance  résiste  moins  à  l’ergotisme  que  les  autres  âges  de  la  vie.  Sur 
cinq  cents  personnes  qui,  à  la  connaissance  de  Serine,  furent  attaquées 
d’ergotisme,  trois  ceiîts  enfants  périrent,  en  considérant  comme  enfants 
tous  ceux  qui  n’avaient  pas  atteint  l’âge  de  quinze  ans  ;  ce  chiffre  de  mor¬ 
talité  doit  être  considéré  comme  exceptionnel;  Sur  102  individus  observés 
par  Th.  0.  Heusinger,  ce  médecin  eut  12  cas  de  mort  à  enregistrer.  Pres¬ 
que  tous  eurent  lieu  chez  des  enfants  âgés  de  moins  de  12  ans. 

Peut-être  la  maladie  dure-t-elle  plus  longtemps  chez  les  femmes  et 
sévit-elle  avec  plus  d’intensité  à  l’époque  de  règles.  C’est  une  question  à 
revoir. 

Il  faut  tenir  compte  également  de  la  manière  dont  les  céréales  ont  été 
affectées  par  la  germination  de  l’ergot,  et  par  conséquent  de  la  propor¬ 
tion  de  ce  poison  que  contiennent  les  farines  alimentaires. 

La  période  de  temps  qui  s’est  écoulée  entre  le  moment  où  ont  été  ré¬ 
coltés  les  blés  qui  contiennent  de  l’ergot,  exerce  aussi  une  influence 
marquée  non-seulement  sur  le  chiffre  des  cas  observés,  mais  encore  sur 
leur  gravité.  Il  paraît  démontré  qu’une  épidémie  qui  fait  de  grands  pro¬ 
grès  bientôt  après  la  moisson,  dans  laquelle  les  cas  sont  à  ce  moment 
plus  nombreux  et  plus  graves,  s’atténue  peu  à  peu,  bien  que  de  l’ergot 
reste  encore  mélangé  aux  grains  en  circulation.  Il  semble  que  l’agent 
toxique  perd,  parles  progrès  du  temps,  par  la  dessiccation,  une  partie 
de  ses  propriétés  vénéneuses.  Peut-être  aussi  faut-il  tenir  compte  des 
précautions  que  le  fait  même  de  l’épidémie  engage  à  prendre  contre  sa 
propagation. 

Les  conditions  sociales  jouent  par  rapport  au  pronostic  de  l’ergotisme, 
aussi  bien  que  relativement  à  son  étiologie,  un  rôle  qu’il  est  facile  de 
comprendre.  On  conçoit  que  les  individus  qui  appartiennent  aux  classes 
aisées  soient  atteints  en  moins  grand  nombre  et  moins  gravement  frappés 
que  ceux  qui  vivent  dans  la  misère. 

Leurs  habitudes  hygiéniques  leur  permettent  de  résister  avec  moins 
de  désavantages  à  l’intoxication  ;  les  sources  de  celle-ci  sont  pour  eux 
moins  abondantes,  ils  sont  en  situation  de  renoncer  plus  rapidement  et 
avec  plus  de  facilité  à  une  alimentation  dont  la  qualité  délétère  leur  est 
démontrée  ;  plus  facilement  aussi  peuvent-ils  satisfaire  aux  exigences  du 
traitement  de  leur  maladie. 

Étiologie.  —  Causes  prédisposantes.  —  Age.  —  Tous  les  âges  sont 
tributaires  de  l’empoisonnement  par  l’ergot;  mais  la  comparaison  des 
récits  qui  nous  ont  été  transmis  sur  un  grand  nombre  d’épidémies,  soit 
dans  notre  siècle,  soit  à  une  époque  antérieure,  met  hors  de  doute  le 
fait  que  l’enfance  constitue  une  prédisposition  fâcheuse  à  contracter  l’er¬ 
gotisme  aussi  bien  qu’à  en  ressentir  cruellement  les  effets. 

Il  ne  s’agit  ici  que  des  enfants  nourris  avec  des  farines  contenant  de 
Tergot  ;  car  il  est  curieux  d’opposer  à  cette  facilité  avec  laquelle  ils  sont 
influencés  par  cette  substance  toxique,  l’immunité  dont  jouissent  les 
nouveau-nés  exclusivement  nourris  au  sein,  alors  même  que  leurs  mères 
sont  sous  le  coup  de  l’ergotisme.  Il  faut  en  conclure  que  les  principes 


794 


ERGOTISME.  —  étiolokie. 
malfaisants  de  l’ergot  de  seigle  ne  passent  pas  dans  la  sécrétion  lactée. 

b.  Causes  déterminantes  ou  occasionnelles.  —  La  seule  cause  détermi¬ 
nante,  réellement  effective  de  l’ergotisme,  c’est  la  présence  en  proportion 
notable  de  l’ergot  de  seigle  et  très-probablement  aussi  de  l’ergot  des  au¬ 
tres  céréales  dans  les  farines  alimentaires.  Comme  cette  vérité  a  été  l’objet 
de  nombreux  débats,  de  sérieuses  contestations,  nous  lui  devons  quel¬ 
ques  développements. 

Ici  les  témoignages  abondent;  ils  reposent  et  sur  des  expériences  in¬ 
stituées  avec  ou  sans  intention  sur  des  animaux  et  sur  des  expérimenta¬ 
tions  réalisées  chez  l’homme  par  la  fatalité  des  circonstances. 

Les  animaux  nourris  avec  de  l’ergot  éprouvent  du  côté  des  fonctions 
de  digestion  et  de  nutrition,  aussi  bien  que  du  côté  du  système  circula¬ 
toire  (gangrènes),  des  accidents  qui  rappellent  tout  à  fait  ceux  qu’on  rat¬ 
tache  à  l’ergotisme  de  l’espèce  humaine.  11  faut  noter  en  outre  la  répu¬ 
gnance  que  montraient  les  animaux  en  expérience  pour  les  substances 
qui  contenaient  du  seigle  ergoté.  Cette  répugnance  est  consignée  dans 
beaucoup  d’observations. 

Dès  1676,  Thuillier  donne  du  blé  cornu  à  plusieurs  animaux  de  sa 
basse-cour  et  les  voit  mourir  tous.  Un  petit  cochon  mâle  en  bonne  santé 
est  nourri  avec  du  son  de  froment  qu’on  a  -fait  bouillir  avec  du  seigle 
ergoté.  Il  le  refuse  d’abord,  et  on  est  obligé  de  le  lui  faire  avaler  avec 
une  cuillère.  Il  se  décide  cependant  à  manger  seul,  même  avec  avidité. 
Pendant  près  d’un  mois  il  avale  à  peu  près  trois  pintes  de  cette  bouillie. 
Au  début,  il  profite  à  vue  d’œil,  mais  dès  qu’on  a  supprimé  le  son  pour  ne 
plus  lui  donner  que  de  l’orge  avec  un  tiers  d’ergot,  sa  croissance  s’arrête  ; 
seul  le  ventre  grossit  et  devient  dur.  [Journal  des  savants,  1676.) 

Au  bout  de  quinze  jours,  ses  jambes  deviennent  rouges,  s’enflamment 
et  commencent  à  rendre  une  liqueur  verdâtre,  de  mauvaise  odeur,  et 
dont  la  fétidité  augmente  de  jour  en  jour.  Le  dessous  du  ventre  et  le  dos 
deviennent  d’une  couleur  noire,  la  queue  et  les  oreilles  sont  pendantes. 
Un  changement  de  régime  ne  peut  rétablir  l’intégrité  de  ses  fonctions  ;  il 
.succombe  dans  le  marasme,  et,  à  l’ouverture  du  cadavre,  on  trouve  le  mé¬ 
sentère,  le  jéjunum  et  surtout  l’iléum  enflammés;  le  bord  tranchant  du 
foie  présente  deux  grandes  taches  livides  ;  on  rencontre  sous  la  gorge  et 
aux  jambes  quelques  boutons  noirs  et  entr’ ouverts,  desquels  suinte  une 
humeur  rousse;  du  reste,  il  n’y  avait  pas  de  gangrène  aux  pieds  (F.  Salerne, 
d’Orléans,  1748). 

Ailleurs  on  lit  que  les  quatre  pieds  et  les  oreilles  étaient  tombés  à  un 
cochon  qui  avait  mangé  le  son  de  deux  setiers  de  blé  corrompu  ou  mêlé 
d'ergot.  Dans  la  même  narration,  on  insiste  sur  la  répugnance  que  mon¬ 
traient  les  chiens  et  les  oiseaux  de  basse-cour  à  manger  des  farines  infec¬ 
tées  par  l’ergot,  ainsi  que  sur  les  effets  désastreux  que  produisait  sur  eux 
cette  alimentation  lorsqu’on  les  astreignait  à  en  faire  usage. 

Pour  ceux  qui  récuseraient  la  valeur  de  ces  dernières  expériences 
comme  entachées  d’incompétence,  instituées  qu’elles  avaient  été  dans 
un  but  philanthropique  par  une  personne  étrangère  à  la  médecine  qui 


ERGOTISME.  —  étiologie.  795 

le.s  avait  transmises  à  F.  Salerne,  nous  ajouterions  celles  de  Read  et  de 
l’abbé  H.  A.  Tessier. 

Read  nourrit  pendant  quinze  jours,  avec  du  blé  ergoté  mêlé  à  du  son 
de  froment,  un  cochon  âgé  de  trois  mois  ;  le  seizième  jour  l’animal  ne 
sort  plus  de  sa  niche  ;  il  suinte' de  ses  yeux  et  de  ses  oreilles  une  humeur 
séreuse  fort  âcre  ;  le  dix-septième  jour,  la  gangrène  s’empare  de  l’oreille 
gauche,  qui  tombe  le  dix-huitième.  Mort  le  lendemain  dans  les  convul¬ 
sions.  —  A  l’autopsie,  viscères  abdominaux  distendus,  et  sur  le  foie  une 
tache  gangréneuse  d’un  pouce  de  diamètre.  Dans  une  autre  expérience  du 
même  auteur,  nous  voyons  périr  en  deux  ou  trois  minutes  les  mouches 
qui  goûtent  à  de  l’eau  miellée  mêlée  avec  partie  égale  d’une  décoction 
concentrée  de  seigle  ergoté. 

Dans  les  expériences  faites  en  Sologne  par  H.  A.  Tessier,  ce  sont  encore 
des  animaux  de  différentes  espèces,  tous  sains  et  dans  la  force  de  l’âge, 
tels  que  canards,  dindes,  cochons,  mis  à  l’usage  du  seigle  ergoté,  et  qui 
tous  meurent  avec  des  signes  de  gangrène  dans  divers  organes  extérieurs, 
comme  la  queue,  les  oreilles,  les  pieds  des  quadrupèdes,  le  bec  des  oi¬ 
seaux,  et  en  outre  avec  des  taches  gangréneuses  au  foie,  aux  intestins. 

Ces  symptômes  ne  présentent-ils  pas  une  frappante  ressemblance  avec 
les  divers  degrés  de  l’ergotisme  de  l’homme,  et  notamment  avec  l’ergo¬ 
tisme  gangréneux?  ce  qui  secomprend,  si  l’on  réfléchit  que,  dans  les  expé¬ 
rimentations,  les  doses  d’ergot  sont  exagérées. 

Et,  d’ailleurs,  des  expériences  réalisées  dans  l’espèce  humaine  par  une 
nécessité  fatale  ne  viennent-elles  pas  les  confirmer?  Ici,  comme  chez  les 
animaux,  nous  retrouvons  une  alimentation  presque  exclusive  par  l’ergot 
avec  des  résultats  semblables.  Je  ne  veux  citer  qu’un  exemple. 

Vétillart,  dans  un  ouvrage  sur  les  maladies  produites  par  le  seigle 
ergoté  (1770),  rapporte  le  fait  suivant  ;  «Un  pauvre  homme  de  Noyen, 
dans  le  Maine,  voyant  un  fermier  cribler  son  seigle,  lui  demanda  la 
permission  d’enlever  les  rebuts  pour  en  faire  du  pain.  Le  fermier  lui 
représenta  que  ce  blé  pourrait  lui  être  préjudiciable ,  mais  le  besoin 
l’emporta  sur  la  crainte.  Le  pauvre  homme  fit  moudre  ces  criblures, 
composées  pour  la  plus  grande  partie  d’ergot,  et  il  fit  du  pain  avec  cette 
farine.  Dans  l’espace  d’un  mois,  cet  infortuné,  sa  femme  et  deux  de  ses 
enfants,  périrent  misérablement;  un  troisième,  qui  était  à  la  mamelle,  et 
qui  avait  mangé  de  la  bouillie  decette  farine,  échappa  à  la  mort.  Il  vit  encore, 
ajoute  Vétillart;  mais,  et  c’est  là  un  des  points  les  plus  saillants  de  l’obser¬ 
vation,  quelle  triste  existence!  sourd,  muet  et  privé  des  deux  jambes.  » 

La  valeur  de  faits  de  ce  genre  est  saisissante  et  dispense  de  plus  amples 
commentaires.  Nous  regardons  comme  prouvée  l’opinion  qui  attribue  à 
la  présence  de  l’ergot  dans  les  farines,  les  symptômes  décrits  sous  le 
nom  d’ergotisme.  Ce  n’est  pas,  pourtant,  que  les  contradicteurs  fassent 
défaut  à  cette  interprétation  ;  dès  le  siècle  dernier,  Serine,  et,  un  peu  plus 
tard,  Model  {Récréations  chimiques,  t.  II),  Parmentier  {Additions  aux  Ré¬ 
créations  chimiques  de  Moûel,  1774),  Schleger  [Versuche  mit  dem  Mut- 
terkorn,  1770),  avaient  cherché  à  exonérer  le  seigle  ergoté  des  méfaits 


796 


ERGOTISME.  —  étiologie. 


dont  on  le  chargeait,  et,  notamment,  de  l’influence  qu’on  lui  prêtait  sur 
la  production  de  la  gangrène.  Suivis  dans  cette  voie  par  un  assez  grand 
nombre  de  médecins,  parmi  lesquels  nous  devons  citer  Diez,  Samuel 
Wright  (1839-1840),  Aug.-  Millet  {Mém.  de  l'Académie  de  médecine, 
1854),  on  administra  à  des  animaux  des  doses  variables  d’ergot  qui  res¬ 
tèrent  sans  influence  funeste  sur  leurs  organismes.  A  différentes  reprises, 
et  jusqu’à  noire  époque,  des  expériences  de  ce  genre  furent  répétées  et 
restèrent  également  sans  effets. 

Ces  résultats  prouvent  seulement  que  ces  observations  sont  entachées 
de  causes  d’erreur,  entre  lesquelles  il  faut  particulièrement  signaler  et  le 
défaut  de  persistance  dans  les  expérimentations,  et  l’insuffisance  des  doses 
de  poison  qui  ont  été  administrées. 

Sans  nier  l’action  délétère  des  farines  altérées  sur  la  santé  de  l’homme 
et  leur  influence  sur  la  production  des  accidents  réunis  sous  le  nom  d’ergo¬ 
tisme,  Linné,  dans  une  théorie  qui  eut  un  certain  retentissement  a  voulu 
mettre  hors  de  cause  l’ergot  de  seigle,  en  soutenant  que  c’était  au  mélange 
avec  le  blé  des  graines  du  raifort  sauvage  {raphanus  raphanistrum),  qu’il 
fallait  rapporter  les  phénomènes  de  la  maladie  des  céréales.  Cette  opinion, 
en  vertu  de  laquelle  il  attribuait  au  raphanus  l’ergotisme  convulsif  qui  ra¬ 
vagea  l’Ostrogothie,  le  Smaland  et  le  Blekingen  (Suède),  fut  combattue, 
dès  cette  époque,  avec  avantage  par  plusieurs  médecins  suédois.  Elle  n’a 
plus  trouvé  de  défenseurs,  et,  aujourd’hui,  elle  est  à  juste  titre  abandon¬ 
née,  d’autant  plus  que  ce  n’est  pas  dans  le  seigle  particulièrement  incri¬ 
miné,  mais  surtout  dans  l’orge  et  l’avoine  qu’on  trouve  le  raifort. 

Des  objections  du  même  ordre  sont  applicables  à  l’opinion  de  ceux  qui, 
avec  Kircheisen  {Beobachlungen  uber  d.  Mutterkorn,  1800),  Mojon  et 
Silvano  (Memoria  délia  Soc.  di  med.  Emulazione  di  Genova,  t.  1,  1801), 
voudraient  mettre  sur  le  compte  de  la  présence  de  l’ivraie  tremblante  les 
symptômes  convulsifs  de  l’ergotisme.  Non-seulement  l’ivraie  tremblante 
ne  se  rencontre  qu’exceptionnellement  avec  le  seigle,  et  est  surtout  mêlée 
aux  récoltes,  mais  encore,  si  elle  peut  donner  lieu  à  quelques  accidents 
d’ébriété  avec  tremblement,  elle  est  incapable  de  produire  la  série  des 
phénomènes  pathologiques  qui  caractérisent  le  processus  de  l’ergotisme. 

C’est  le  mélange,  en  proportion  variable,  de  l’ergot  avec  les  farines  ali¬ 
mentaires  qui  est  la  cause  efficiente  de  la  maladie  objet  de  cette  étude. 

Il  devient  ainsi  facile  de  comprendre  comment  les  épidémies  d’ergo¬ 
tisme,  en  rapport  direct  avec  la  production  de  l’ergot,  peuvent,  suivant  que 
cette  affection  parasitaire  sévit  sur  les  seigles  dans  un  rayon  plus  ou  moins 
considérable,  se  limiter  à  un  département,  à  une  commune,  à  un  hameau; 
bien  différentes  en  cela  des  grandes  épidémies,  lesquelles,  régies  dans 
leur  genèse  ou  au  moins  dans  leur  propagation  par  des  conditions  tellu¬ 
riques  ou  atmosphériques,  dont  souvent  l’essence  nous  échappe,  envahis¬ 
sent  successivement  de  vastes  étendues  de  pays.  Telles  sont  les  épidémies 
de  grippe,  de  choléra. 

Pour  les  mêmes  raisons,  ce  n’est  que  médiatement,  c’est-à-dire  en  favo¬ 
risant  l’explosion  de  la  maladie  des  blés,  que  les  saisons,  les  conditions  du 


797 


ERGOTISME.  —  traitement  prophylactique. 
sol,  contribuent  au  développement  de  l’ergotisrne.  On  sait,  en  effet,  que 
celui-ci  est  surtout  à  redouter  dans  les  années  pluvieuses  et  dans  les 
terrains  humides,  marécageux. 

Rappelons  aussi  l’importance  étiologique  de  la  proportion  d’ergot  con¬ 
tenue  dans  les  grains,  de  la  période  de  l’année  à  laquelle  on  fait  usage  de 
farinés  altérées,  des  conditions  hygiéniques  diverses  que  comportent  des 
positions  sociales  différentes,  influences  déjà  signalées  à  l’occasion  du 
pronostic. 

Traitement.  —  Il  est  prophylactique  et  thérapeutique. 

A.  Traitement  prophylactique.  —  La  prophylaxie  doit  être  l’objet  prin¬ 
cipal  des  préoccupations  des  médecins  et  des  administrations,  car  lorsque 
l’organisme  est  imprégné  du  principe  toxique,  l’intervention  de  la  théra¬ 
peutique  est  trop  souvent  impuisante,  ou  au  moins  insuffisante. 

Faire  disparaître  Tergot  des  céréales,  ou  au  moins  en  diminuer  la 
proportion  et  en  atténuer  autant  que  possible  les  effets  funestes,  tel  est 
l’idéal  que  doit  viser  l’hygiène  prophylactique  de  l’ergotisme. 

La  destruction  de  l’ergot  des  céréales,  sa  disparition  de  l’alimentation, 
doivent  être  demandées  aux  progrès  de  l’agriculture,  à  l’amélioration  du 
sort  des  classes  laborieuses,  et  plus  spécialement  des  populations  rurales. 
Il  n’est  pas  douteux  que  le  dessèchement  des  terrains  humides  ou  maré¬ 
cageux  par  des  travaux  convenables  de  remblais ,  de  canalisation  ou  de 
drainage,  ne  soient  propres  à  faire  cesser  ou  à  diminuer  la  production 
de  l’ergot. 

Que  si,  en  dehors  des  influences  atmosphériques ,  des  améliorations 
qu’il  n’est  pas,  d’ailleurs,  toujours  possible  de  réaliser,  demeurent  infruc¬ 
tueuses,  au  moins  faut-il  conjurer,  autant  que  possible,  les  effets  désastreux 
de  la  maladie  des  blés.  ! 

On  vulgarisera  dans  les  populations  rurales  la  connaissance  des  dangers 
que  leur  fait  courir  l’usage  des  farines  ergotées,  celle  des  moyens  propres 
à  les  diminuer.  C’est  à  l’aide  d’affiches,  de  circulaires  apposées  et  répandues 
en  grand  nombre,  insérées  dans  les  publications  particulièrement  destinées 
aux  habitants  des  campagnes,  qu’il  faut  chercher  à  faire  connaître,  jusque 
dans  les  moindres  hameaux,  les  dangers  de  l’ergot,  l’importance  qu’il  y  a 
à  .séparer  l’ergot  des  blés  à  l’aide  du  criblage,  et,  mieux  encore,  au  moyen 
des  trieurs  perfectionnés  que  met  en  œuvre  l’agriculture  moderne. 

Il  faudrait,  en  outre,  empêcher  la  vente  sur  les  marchés  des  grains 
infectés,  en  interdire  la  mouture  et  appuyer  ces  prohibitions  d’une  sanction 
suffisante  pour  les  rendre  efficaces. 

Il  va  de  soi  qu’il  peut  intervenir,  dans  les  questions  de  cet  ordre,  la 
nécessité  pour  l’État  de  sacrifices  plus  ou  moins  considérables,  car  il  ne 
suffit  pas  d’empêcher  l’usage  de  farines  empoisonnées,  il  faut  encore,  poul¬ 
ies  classes  nécessiteuses,  les  remplacer  soit  en  nature,  soit  au  moyen  d’une 
assistance  dont  le  mode  sera  variable,  par  une  alimentation  qui  satisfasse 
aux  lois  de  l’hygiène;  ou  tout  au  moins  parer  aux  déchets  qu’entraîne  le 
triage  des  blés  ergotés. 

Nous  devons  nous  borner  à  exposer  ces  principes  sans  entrer  dans  des 


798  ERGOTISME.  —  traitememt  thérapeotiqde. 

détails  qui  ressortissent  particulièrement  à  l’agriculture,  à  la  médecine 

administrative  et  à  la  police  médicale. 

B.  Traitement  thérapeutique.  —  Les  ressources  de  la  thérapeutique 
sont  bornées.  Les  applications  varient  suivant  le  degré  de  la  maladie,  se¬ 
lon  la  prédominance  d’un  ensemble  de  phénomènes  ou  même  de  quelques 
symptômes  isolés. 

Les  évacuants  préconisés  par  quelques  auteurs  ne  sauraient  être  con¬ 
sidérées  comme  méthode  générale  de  traitement.  Ils  ne  conviennent  que 
dans  les  cas  où  des  symptômes  formels  d’embarras  des  premières  voies 
en  indiquent  l’usage. 

Les  émissions  sanguines,  locales  ou  générales,  peuvent  être  utilisées 
dans  quelques  formes  convulsives  accompagnées  de  signes  de  congestion 
active  vers  quelques  organes  importants,  et  notamment  vers  le  système 
nerveux,  lorsque  la  maladie  est  à  son  début  et  que  l’état  de  l’organisme 
autorise  ces  spoliations.  Encore  faut-il  en  être  sobre  et  se  souvenir  que  la 
cachexie  est  au  bout  d’une  intoxication  intense  et  prolongée.  Elles  ne 
sauraient,  en  tous  cas,  être  employées  en  vue  de  la  présence  ou  de  l’im¬ 
minence  d’une  artérite  que  nous  avons  montré  ne  pas  exister. 

C’est  dans  les  mêmes  formes  que  les  narcotiques,  les  antispasmodiques, 
les  excitants  diffusibles,  les  révulsifs  convenablement  maniés  peuvent 
trouver  leur  indication.  La  valériane  est  un  des  médicaments  qui  ale 
mieux  réussi  à  Th.  0.  Heusinger. 

L’extension  des  membres  contracturés  soulage  les  malades  dans  beau¬ 
coup  de  cas. 

Lorsque  la  gangrène  est  menaçante  ou  déclarée,  on  cherchera,  autant 
que  faire  se  pourra,  à  réveiller  la  tonicité  des  tissus  par  des  frictions 
excitantes  (alcooliques,  aromatiques),  à  calme);'  les  douleurs  par  des  fo¬ 
mentations  narcotiques. 

Les  chirurgiens  qui  ont  écrit  sur  ce  sujet  pensent  généralement  qu’on 
doit  attendre  que  la  gangrène  soit  limitée  avant  de  songer  à  opérer,  et 
encore  faut-il,  lorsque  cela  est  possible,  lorsque  les  parties  mortifiées  ne 
sont  pas  trop  volumineuses,  lorsque  l’infection  putride  ne  compromet 
pas  la  vie  des  malades,  quand  l’élimination  ne  s’effectue  pas  avec  trop  de 
lenteur,  attendre  de  préférence  la  séparation  spontanée  des  parties  frap¬ 
pées  de  mort.  On  a  d’ailleurs  remarqué  que  la  gangrène  se  reproduisait 
trop  souvent  dans  les  parties  situées  au-dessus  du  point  d’amputation  ou 
sur  d’autres  parties  du  corps.  Barrier  s’abstenait  de  pratiquer  des  ampu¬ 
tations  dans  le  vif,  lors  même  que  la  gangrène  paraissait  bien  limitée  ;  il 
se  contentait  de  séparer  les  parties  sphacélées  lorsqu’elles  ne  tenaient  plus 
que  par  des  tissus  fibreux  et  osseux,  et  de  régulariser  avec  les  plus  grands 
ménagements  les  moignons  qui  présentaient  des  saillies  osseuses  ou  des 
lambeaux  trop  inégaux.  (Pour  plus  de  développements  sur  le  traitement 
des  gangrènes  par  oblitération  artérielle,  voyez  Gangrène.) 

Dans  cette  période  de  l’ergotisme,  aussi  bien,  du  reste  qu’à  un  degré 
moins  avancé,  les  toniques,  le  vin,  le  quinquina,  une  nourriture  choisie 
et  réparatrice  doivent  être  la  base  du  traitement  interne. 


ERGOTISME.  —  historique.  799 

Les  préparations  opiacées  administrées  à  l’intérieur,  les  injections 
hypodermiques  de  solutions  de  chlorhydrate  de  morphine,  peuvent  rendre 
de  grands  services  contre  les  douleurs  initiales  de  la  gangrène  ergotique. 
Peut-être  y  aurait-il  lieu  de  recourir  dans  le  même  but  aux  préparations 
de  chloral. 

Toutefois  jusqu’à  ce  que  des  études  plus  complètes  sur  le  chloral,  qu’il 
y  a  lieu  de  considérer  actuellement  comme  un  poison  du  cœur  (Gubler) 
aient  définitivement  déterminé  les  attributions  de  cet  agent  thérapeu¬ 
tique  ;  jusqu’à  ce  qu’on  soit  bien  fixé  en  ce  qui  concerne  l’action 
de  Tergot  sur  le  cœur,  jusqu’ici  moins  bien  étudiée  que  son  action 
sur  la  contractilité  des  vaisseaux  artériels,  nous  devons  faire  nos  réserves 
relativement  à  l’emploi  du  chloral  dans  l’ergotisme.  En  tous  cas,  ce  mé¬ 
dicament  au  point  de  vue  des  doses  ne  devrait  d’abord  être  manié  dans 
les  expérimentations  qu’avec  beaucoup  de  prudence. 

Historique.  —  Aucune  description  satisfaisante  n’autorise  à  penser 
que  les  effets  de  l’intoxication  par  le  mélange  des  blés  altérés  aux  produits 
alimentaires  aient  été  reconnues  dans  les  âges  qui  précédèrent  l’ère  chré¬ 
tienne. 

Ce  n’est  guère  qu’à  partir  du  dixième  siècle  que  nous  trouvons  dans 
les  chroniques  du  temps,  dans  celle  de  Frodoart  (945),  dans  le  livre  de 
Rodolphe,  de  Incendiis  (993),  dans  un  manuscrit  de  l’abbaye  de  Saint- 
Antoine  (1039),  dans  Sigebert  (1089),  quelques  indications  qui,  sous  le 
nom  de  feu  sacré,  de  feu  de  Saint-Antoine,  peuvent  être  rapportées  à  la 
forme  gangréneuse  de  l’ergotisme.  C’est  depuis  celte  époque  jusqu’au 
commencement  du  douzième  siècle  que,  selon  la  judicieuse  remarque  de 
Bacquias  qui  a  écrit  sur  l’histoire  de  l’ergotisme  un  travail  intéressant 
(1864),  que  s’observent  en  France  les  plus  fortes  épidémies  de  cette  ma¬ 
ladie.  Alors  aussi  on  commence  à  incriminer  la  présence  dans  les  farines 
d’un  faux  blé  qu’on  appelle  rougeole  dans  les  campagnes. 

Ce  mal,  qui  s’étend  à  toute  la  France,  qui  choisit,  ainsi  qu’il  devait  le 
faire  à  plusieurs  reprises,  le  Dauphiné  comme  principal  théâtre  de  ses 
ravages,  nécessite  une  organisation  spéciale  de  secours  et  provoque,  de  la 
part  du  pape  Urbain  II,  la  fondation  de  l’ordre  religieux  de  Saint-Antoine 
consacré  aux  soins  des  malheureux  atteints  de  l’épidémie,  et  dont  le  chef- 
lieu  fut  établi  à  Vienne  en  Dauphiné. 

L’origine  de  la  maladie  traitée  dans  les  maisons  de  cet  ordre,  sur  les 
murs  desquels  on  peignait  en  rouge  le  feu  de  Saint-Antoine,  comme  le 
démontre  un  passage  de  Rabelais,  ne  peut  laisser  aucun  doute  dans 
l’esprit. 

La  nature  des  symptômes  dont  les  descriptions  nous  sont  restées,  la 
marche  lente  de  cette  affection  douloureuse,  qui  se  terminait  par  la  perte 
d’un  membre  ou  par  celle  de  la  vie,  sa  mortalité  restreinte  sur  un  nombre 
relativement  considérable  d’individus  affectés,  concourent  à  démontrer 
qu’il  s’agissait  de  la  gangrène  ergotée.  En  1702,  on  voyait  encore  dans 
l’église  de  l’abbaye  de  Vienne,  comme  preuve  de  guérisons  miracu¬ 
leuses,  les  membres  desséchés  et  noirs,  détachés  par  élimination  spon- 


800  ERGOTISME.  —  histomqde. 

tanée,  des  individus  qui  étaient  venus  pour  y  subir  un  traitement. 

(Bacquias.) 

Jusqu’au  seizième  siècle,  à  part  quelques  protestations  isolées,  le  feu 
de  Saint-Antoine,  considéré  comme  un  instrument  de  la  vengeance  divine 
et  attribué  à  des  influences  supérieures  insaisissables,  est  complètement 
négligé  relativement  à  l’étude  des  causes  physiques  qui  peuvent  le  pro¬ 
duire.  Mais  à  l’époque  de  la  Renaissance,  l’extension  du  fléau,  non-seule¬ 
ment  en  France,  mais  encore  à  un  grand  nombre  de  contrées  de  l’Europe, 
provoque  de  la  part  des  savants  de  ce  temps  des  travaux  souvent  em¬ 
preints  d’un  remarquable  esprit  d’observation.  C’est  ainsi  qu’en  1596, 
l’épidémie  de  la  Hesse  est  le  point  de  départ  de  ce  mémoire  souvent  cité 
des  médecins  de  Marbourg  qui  attribuent  les  accidents  à  l’usage  d’un 
pain  dans  lequel  il  entrait  du  seigle  corrompu  (dit  ergot  en  Sologne).  Alors 
aussi  la  description  des  phénomènes  nerveux  de  l’ergotisme  figure  à  côté 
de  celle  des  symptômes  de  la  gangrène.  Thuillier  père  (1630)  conclut  dans 
le  même  sens. 

L’épidémie  du  Voigtland  (1648),  celle  qui  régna  en  France  et  en  Angle¬ 
terre  (1674  et  1675),  celle  de  Lucerhe,  donnèrent  lieu  aux  travaux  de 
Willis  (1661),  de  Brunner,  de  Langius  (1717).  L’Académie  des  sciences 
représentée  par  Perrault  (1672),  par  Bourdelin  (1674)  et  par  Dodart,  se 
préoccupa  de  la  maladie  qui  ravageait  la  Sologne,  la  Guienne  et  le  Gâti- 
nais.  Ces  savants  y  reconnurent  l’influence  de  l’ergot,  lequel  mêlé  à  la 
farine  faisait  tomber  les  doigts. 

Dès  lors  les  travaux  se  multiplient.  Noël,  chirurgien  de  l’Hôtel-Dieu 
d’Orléans  11710),  se  fait  l’historien  de  l’épidémie  de  gangrène  qui  sévit 
sur  l’Orléanais  et  le  Blésois  ;  Serine,  et  Burghart  laissent  une  relation  de 
l’épidémie  qui  régna  en  Silésie  (1722).  L’épidémie  du  Brandebourg  et  du 
Holstein  (1741-1742),  observée  par  Rosen  de  Rosenstein,  fut  rattachée  à 
l’action  de  l’ergot  par  le  célèbre  professeur  de  Stockholm. 

Il  serait  trop  long  d’énumérer  les  nombreux  mémoires  qui  se  succé¬ 
dèrent  dès  lors,  soit  en  France,  soit  à  l’étranger.  Nous  devons  cependant 
une  mention  spéciale  aux  travaux  de  Mulcaille  (1748),  qui  décrivit  une 
épidémie  du  Gâtinais,  de  F.  Salerne,  à  qui  on  doit  d’importantes  expé¬ 
riences  sur  les  animaux. 

Wichmann  (1770),  un  des  médecins  les  plus  considérables  de  l’Alle¬ 
magne  au  dix-huitième  siècle,  dont  le  nom  re.ste  attaché  à  l’histoire  de 
l’angine  de  poitrine,  a  tracé  à  la  suite  de  l’épidémie  de  Zelle  un  remar¬ 
quable  tableau  des  phénomènes  nerveux  de  l’ergotisme. 

Le  rapport  de  Jussieu,  Paulet,  Saillant  et  l’abbé  Tessier,  sur  le  Feu  de 
Saint-Antoine,  est  un  document  très-utile  à  consulter  pour  ceux  qui  veu¬ 
lent  faire  une  étude  approfondie  de  l’ergotisme. 

L’ensemble  des  travaux  qui  viennent  d’être  cités  concluent,  dans  une 
unanimité  imposante,  à  l’influence  de  l’ergot;  à  peu  près  seuls,  Model 
et  Parmentier  cherchèrent  à  battre  en  brèche  l’opinion  acceptée.  Leurs 
protestations  sont  restées  sans  écho,  et  Linné,  en  mettant  les  accidents  sur 
le  comple  du  raphamis  raphanistrum,  n’a  pas  été  plus  heureux. 


ERGOTISME.  —  bibliographie. 


SOI 


Les  témoignages  historiques  ne  permettent  pas  d’englober  dans  l’ergo¬ 
tisme  la  maladie  désignée  au  moyen  âge  sous  le  nom  de  mal  des  ardents. 
Ils  déposent,  au  contraire,  dans  le  sens  de  cette  idée,  que  le  mal  des 
ardetits  doit  être  rapporté  à  la  peste  à  bubons.  11  y  a  donc  lieu  de  rayer 
cette  dénomination  de  la  synonymie  de  l’ergotisme. 

Ce  n’est  que  par  exception  qu’on  a  confondu  avec  l’ergotisme  l’érysipèle 
ou  le  zona,  sous  le  nom  de  feu  sacré  ou  de  feu  de  Saint-Antoine,  confu¬ 
sion  qui  vient  de  ce  que  les  Latins  donnaient  le  nom  de  feu  aux  maladies 
caractérisées  par  la  chaleur  et  la  douleur. 

A  notre  époque,  les  progrès  cle  la  civilisation,  de  l’agriculture,  l’amé¬ 
lioration  du  sort  des  masses  populaires,  ont  singulièrement  diminué  la 
fréquence  des  épidémies  d’ergotisme;  mais  ce  serait  une  erreur  de  partager 
l’opinion  de  ceux  qui,  à  l’exemple  de  Monneret ,  professent  que  l’ergo¬ 
tisme  n’appartient  plus  qu’à  l’histoire  de  l’art.  Nous  n’en  voulons  pour 
preuve  que  les  épidémies  qui  ont  sévi,  dans  la  première  partie  de  ce 
siècle,  dans  les  départements  de  l’Isère,  de  Saône-et-Loire  (Janson,  Cour- 
haut),  et,  à  une  époque  plus  rapprochée  de  nous,  dans  les  départements 
de  l’Isère,  de  la  Loire,  de  la  Haute-Saône  (1854  et  1855,  Barrier);  dans  la 
haute  Hesse  (1855  et  1856,  Heusinger). 

WiLLis,  De  morb.  conïulsiv.  1661. 

Dodabt,  Journal  des  savants.  1674.  —  Mémoires  de  l’Académie  royale  des  sciences,  année 
1676.  Paris,  1730,  t.  X,  p.  561. 

Thuiluer,  Journal  des  savants  pour  l’année  1676. 

Brdhser,  Ephemerides  naturce  curiosorum,  liv.  III,  ch.  ii,  p.  224.  1699. 

Noël,  Mémoires  de  l’Académie  des  sciences.  Paris,  an  1710,  p.  61. 

'Waldschiiied,  De  morbo  epidemico  convulsivo,  per  Holsatiam  grassante.  Kiliæ,  1717. 

Wedel  et  Wolf,  Disputatio  de  morbo  spasraodico  maligno  in  Saxonia ,  Lusatia,  vicinisque  locis 
grassato.  lenæ,  1717. 

ScRiNc  et  Burghaet,  Épidémie  de  Silésie,  1725,  in  Satyræ  medicorum  Silesiacorum  quæ  varias 
observationes  exhibent.  Specimen  ni.  Vralislaviæ  et  Lipsiæ,  1736-1742. 

Ddhamel,  Mém.  de  l’Acad.  des  sciences,  an  1748.  Paris,  1752,  p.  528. 

Mulcaille,  ibid. 

Salerse  (F.],  Mémoire  sur  les  maladies  que  cause  le  seigle  ergoté  {Mém.  de  mathém.  et  de 
phys.  présentés  à  l’Acad.  royale  des  sciences.  Paris,  1775,  t.  II,  p.  155  (t.  II  des  Mémoires 
des  savants  étrangers\\ . 

VÉTII.LART,  Mémoire  sur  une  espèce  de  poison  connu  sous  le  nom  d’ergot,  seigle  ergoté,  blé 
cornu.  Paris,  1770. 

Mémoire  des  membres  de  la  Faculté  de  Marbourg,  in  Schlegcr,  Yersuchen  mit  dem  Muttcrkorn. 
Casse],  1770,  in-4. 

Réad,  Traité  du  seigle  ergoté.  2*  édition.  Metz,  1774. 

De  Jussieu,  Paulet,  Saillaxt,  Tessier,  Recherches  sur  le  feu  de  Saint-.lntoine  [Mémoires  de  la 
Société  royale  de  médecine,  1.  1,  1779,  p.  260). 

Saillant,  Mémoire  sur  la  maladie  convulsive  épidémique  attribuée  par  quelques  observateurs  à 
l’ergot  et  confondue  avec  la  gangrène  sèche  des  Solognots  [ibid.,  p.  303). 

Tessier  (L’abbé  H.  A.),  Mémoire  sur  la  maladie  du  seigle  appelé  ergot  [Mémoires  de  la  Société 
royale  de  médecine,  1776,  t.  I,  p.  417). —  Mémoire  sur  les  effets  du  seigle  ergoté  [ibid., 
t.  Il,  p.  587,  1777-1778). 

-Linné,  Raphania,  Amœnitates  Academicæ,  t.  VI.  Erlangæ,  1789. 

Rotham,  Raphania,  ibid. 

Mojon  et  SiLVANO,  Memoria  délia  Soc.  di  Med.  Emulazione  di  Genova,so\.  I,  1801. 

Frank  (Jos.),  Praxeos  medicæ  universæ  præcepta.  Lipsiæ,'  1821,  pars  II,  vol.  I,  sect.  2,  cli.  vjii  ; 
De  morbo  cereali. 

Fatolle,  De  l’ergotisme  gangréneux.  Tlièse  de  Paris,  1834. 

Janson  (L.),  Mémoire  sur  l’ergotisme  gangréneux  (épidémie  de  1814),  in  Mélanges  de  chirurgie 
et  Comptes  rendus  de  la  pratique  chirurgicale  de  l’Hôtel-Dieu  de  Lyon.  Paris,  1844. 

NOUV.  DICT.  HÉD.  ET  GHIR.  I  XIII.  -  51 


ERGOTISME.  —  bibliographie. 


Rai6e-Delorme,  JHct.  de  méd.  en  30  vol.  Paris,  1844,  t.  XXVIII,  p.  274,  art.  Seigle  ergoté. 
Roche  et  Sanson,  Nouveaux  éléments  de  pathologie  médico-chirurgicale,  t.  V.  Paris,  1844. 
Roussel  (Théophile),  De  la  pellagre,  1845.  —  Traité  de  la  pellagre.  Paris,  1866. 

Barbier  (F.),  Épidémie  d’ergotisme  gangréneux,  observée  à  l’Hôtel-Dieu  de  Lyon  en  1854  ej 
1855  (Gaz.  méd.  de  Lyon,  1855). 

Heüsisger  (Th.  0.),  Studien  über  den  Ergotismus.  Marburg,  1856. 

Lasègde,  Matériaux  pour  servira  l’histoire  de  l’ergotisme  convulsif  épidémique^ilrcA.  de  méd., 
1857). 

Ibvikg  (cité  par  Jaccoud),  On  a  form  of  paralysis  of  the  lower  extremities  prevailihg  in  Allahabad 
[Indian  Annals  of  med.  science,  1859). 

Aardied  (A.),  Dict.  Æhygiène  publique,  art.  Ergotisme,  t.  II,  1862. 

Bacqcias,  Recherches  historiques  et  nosologiques  sur  les  maladies  désignées  sous  les  noms  de 
Feu  sacré.  Feu  de  Saint-Antoine,  Mal  des  ardents  (Mémoires  de  la  Société  académique  de 
l’Aube,  1864). 

Weber  (0.),  in  Pitha  und  Billroth’s  Handbuch  der  allgemeinen  und  speciellen  Chirurgie.  Band  I, 
Abtheil  I,  S.  575.  1865. 

Holmes  (Ch.-L.),  Effets  de  l’extrait  d’ergot  de  seigle  injecté  dans  les  vaisseaux  sur  la  pression 
artérielle  [Ârchwes  de  physiologie,  mai-juin  1870). 

Comme  complément  de  cet  index,  voyez  la  bibliographie  des  articles  Ergot  (thérapeutique)  et 
Gangrène. 

L.  Desnos. 

ÉRIGIVE).  Voy.  Airigne  et  Crochet. 

ÉROTOMAJnE.  Voy.  Folie. 


fin  dü  tome  treizième 


TABLE  DES  AUTEURS 

-sr- 

AVEC  INDICATION  DES  ARTICLES  CONTENUS  DANS  LE  TOME  TREIZIÈME 


BAILLY  (Émile).  .  .  .  Ergot  de  seigle  (effets  physiologiques  et  thérapeutiques),  T57, 

BŒCKEL  (Edg.) . Érectiles  (Appareils  et  mouvements),  721.  —  ^îfmeurs),  730. 

DESNOS  (L.) . Enghien,  318.  —  Ergotisme,  782.  «  ^  ' 

DESORiïIEAUX . Endoscope,  308.  - 

DESPRÈS  (A.) . Encanthis,  1. 

HARDY  (A) . Éphélides,  529.  ■>  /. 

HEURTAUX.  .....  Engelure,  313.  / 

HIRTZ . Endermique  (Méthode),  233. 

JACCOUD.  ......  Endocarde,  Endocardites  (En^cardite  aiguë),  235. 


JACCOUD  et  HALLOPEAU.  Encéphale  (pathologie  médicale  [congestion,  anémie  céréhrale,  obli¬ 
tération  des  vaisseaux  et  des- artères  de  l’encéphale,  oblitérations  des 
sinus  veineux  et  des  capillaires,  hémorrhagie,  encéphalite,  encépha¬ 
lite  chronique,  sclérose  de  l’encéphale,  hydrocéphalie,  tumeurs]),  55. 


JEANNEL . Encens,  2.  —  Ergot  de  seigle  (histoire  naturelle),  755.  — Ergotine,  782. 

LAUGIER  (St.) . Encéphale  (pathologie  chirurgicale  [lésions  traumatiques,  contusion  du 

cerveau,  compression,  plaies,  inflammation  traumatique  des  méninges 
et  du  cerveau,  ahcès  intra-crâniens,  corps  étrangers,  accidents  du 
cerveau,  douleurs  locales,  épilepsie,  tumeurs  fongueuses  de  la  dure- 
mère]),  3. 

LORAIN . Endémie,  maladies  endémiques  causées  par  un  vice  de  l’alimentation, 

par  l'influence  du  sol,  d’origine  parasitaire,  d’origine  inconnue,  d’ori¬ 
gine  miasmatique,  maladies  virulentes,  200.  —  Épuiémie,  553. 

LUTON  (A.) . Entozoaires,  pathologie  (Ascarides,  Lombrieoïdes,  Oxyures  vermiculaires. 

Pilaires,  Trichines,  Cysticerques,  Échinocoques  et  kystes  hydatiques, 
Tænia),  378. 

MARTINEAU  (L.).  .  .  Épistaxis,  651. 

PANAS . Épaule  (anatomie,  physiologie,  pathologie  [luxations,  traumatismes  : 

coiitusions  et  plaies,  fractures  de  l’omoplate,  arthrites  scapulo-humé- 
rales  :  hydarthrose,  scapulalgie,  paralysies] ,  opérations  qui  se  prati¬ 
quent  sur  l’épaule),  453. 

RANVIER  (L.) . Épithélium,  675. 

SAINT-GERMAIN  (L.-A.  de)._  Encéphalocèle  (encéphalocèle  congénitale,  méningocèle),  190.  — 
Éponge  (emploi  chirurgical),  718. 

VAILLANT  (Léon).  .  .  Entozoaires,  histoire  naturelle  (nématoîdes  [Ankylostomes,  Strongles, 
Tricocéphales,  Trichines,  Ascarides,  Oxyures,  Pilaires],  trématodes 
[Douve  du  foie,  distome  lancéolé,  distome,  hétérophie,  gynécophore, 
hématobie],  Cestoïdes  [Tænia]),  326.  —  Éponge  (histoire  naturelle), 
714. 

VOISIN  (Aug.) . Épilepsie,  581. 


d’erfuhth,  1.